République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 mars 2015 à 10h
1re législature - 2e année - 3e session - 20e séance
R 756
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous attaquons la R 756. Je passe la parole à son auteur, M. Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes naturellement tous respectueux des droits démocratiques et du vote populaire. Le peuple, dans sa majorité, s'est prononcé pour une limitation des migrants en Suisse, et il appartient dès lors au Conseil d'Etat genevois d'anticiper les règles à venir. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous vous proposons cette résolution qui doit, dans la droite ligne de la tradition du MCG, protéger les résidents genevois sur le marché de l'emploi. Mais, pour son économie, Genève a également besoin d'importer de la main-d'oeuvre; cette résolution prévoit donc aussi la consultation des milieux économiques afin de se préparer à la mise en application du vote du 9 février. J'en ai terminé pour l'instant.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas manquer l'occasion de citer le député Carlos Medeiros, qui disait il y a quelques instants que ce n'est pas le rôle de Genève de monter une communauté contre une autre. Mais ça fait à peu près dix ans que le MCG essaie de monter les Genevois contre les frontaliers ! C'est peut-être le centième objet législatif déposé à l'encontre des frontaliers - et encore, je suis gentil, c'est peut-être le deux-centième, je ne sais pas si le MCG tient les comptes. Bref, encore une fois, le MCG attise la haine des travailleurs contre les travailleurs en rappelant une frontière qui, si elle existe administrativement, n'a cependant aucune réalité en matière de vie puisque Genève, d'un point de vue économique mais également culturel et sur beaucoup d'autres aspects, est un bassin de vie - on parle du Grand Genève. C'est une région qu'il faudra certes construire ensemble d'un point de vue plus administratif et politique, mais c'est une réalité concrète de tous les jours pour un grand nombre d'habitantes et d'habitants de notre canton.
Maintenant, ce qui est assez intéressant, c'est que ce texte parle du respect du souverain. Alors bon, le respect du souverain et des droits politiques... Rappelons-nous qu'à Vernier, le MCG avait sans cesse rabâché qu'il fallait revoter sur une élection, et là il vient s'insurger quand d'aucuns proposent de revoter sur la votation du 9 février ! Il y a surtout un mélange de niveaux, c'est-à-dire qu'il s'agit ici d'un objet fédéral: le MCG cherche à respecter la décision du souverain sur le plan fédéral, mais si on s'attache à cette décision sur le plan cantonal, qui est le niveau porteur de ce texte, eh bien on se souvient, M. Longchamp le rappelait tout à l'heure, que les Genevoises et les Genevois ont dit non à plus de 60% à l'initiative contre l'immigration de masse le 9 février. Encore une fois, le MCG se trompe de cible.
Il est enfin assez piquant de relever que, dans sa dernière invite, cette résolution propose d'entreprendre une concertation avec les milieux économiques...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Romain de Sainte Marie. Mais les milieux économiques ont déjà été consultés ! Cela fait au moins un an et demi qu'ils ont donné leur position sur cette initiative contre l'immigration de masse: ils sont clairement opposés à cette mesure et voient d'un très mauvais oeil son application, comme l'ensemble des habitants de ce canton d'ailleurs. Encore une fois, le MCG se trompe de cible car il faut aujourd'hui renforcer les mesures d'accompagnement de la libre circulation des personnes, comme l'instauration d'un salaire minimum pour éviter des effets de sous-enchère salariale...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Romain de Sainte Marie. Le débat n'est pas fini à ce sujet.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, les dispositions relatives à la loi sur les étrangers sont du ressort de la Confédération. L'initiative acceptée le 9 février par le peuple prévoit un certain temps d'adaptation, et c'est normal, il n'y a pas urgence en la matière. Par le passé, le Conseil d'Etat a institué une commission tripartite et une commission bipartite responsables de l'octroi des permis de travail, respectivement pour les étrangers et les frontaliers. Mais il s'agissait à l'époque de la mise en application d'une disposition fédérale qui déléguait clairement cette compétence au canton afin de réguler le marché du travail.
A l'heure actuelle, nous sommes encore soumis à l'ancien droit, c'est-à-dire celui régi par les accords bilatéraux. Ceux-ci ont été signés et doivent être respectés en attendant leur renégociation voire leur abandon - le processus est en cours auprès de la Confédération. Il me paraît étonnant de la part du MCG de demander de culbuter immédiatement un accord international alors que, nous le verrons tout à l'heure dans le cadre de la résolution 764, il demande avec la même vigueur le respect de traités internationaux comme celui de Vienne - 1815 - ou de Versailles - 1919 - dans le contexte de l'autodétermination de la Savoie. Face à de telles contradictions, le groupe démocrate-chrétien ne soutiendra pas cette résolution et vous demande de faire de même. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Permettez-moi de commencer en disant: rendons à César ce qui est à César ! Nous sommes bien en train de parler de l'initiative UDC du 9 février qui a été acceptée. Quand nos collègues du MCG déposent cette proposition de résolution le 13 février 2014, c'est-à-dire il y a une année, ça part d'un bon sentiment. Mais, du coup, je me pose la question suivante: est-elle désuète, est-elle dépassée ? En ce qui concerne l'Union démocratique du centre, ce texte garde toute sa pertinence, qui est même accrue.
Quand j'entends les bancs d'en face...! Il est vrai, je veux bien l'accepter, que nous sommes dans des paradigmes fondamentalement différents, notre vision de la société est fondamentalement différente. Mais voici la question et le débat de fond: sommes-nous vraiment contre les autres ? Ne pensez-vous pas que nous essayons simplement, de manière téméraire, timide et avec peu de succès pour le moment, de sauvegarder les acquis - c'est un terme que vous affectionnez - des travailleurs indigènes ? Car ceci est loin d'être le fait tant sur le plan du travail que du logement ou de la promotion. Certes, Mesdames et Messieurs de la gauche, nous avons une conception idéologique totalement différente mais, Monsieur de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président - quand vous parlez du salaire libre, quel appel d'air, quel appel d'air ! Surtout qu'on a cru comprendre, lorsque M. le président du Conseil d'Etat parlait tout à l'heure du Grand Genève, que cet appel d'air va aller jusque dans le Cantal, traversant des régions désertiques s'agissant de l'économie et de l'emploi, et que le fait d'avoir créé cet ensemble plus grand amènera davantage de travailleurs étrangers.
La thématique du MCG, qui fait d'ailleurs son succès - mon Dieu, il nous a sans doute volé beaucoup d'électeurs sur ce point - c'est de parler des frontaliers. Vous remarquerez que l'Union démocratique du centre ne parle pas forcément des frontaliers vu qu'un grand nombre de nos membres ont été contraints, en raison d'autres circonstances, d'aller se loger en France parce qu'ils ne trouvaient plus rien de décent à Genève et, de ce fait, prennent eux aussi, en tant que Suisses résidant dans le secteur frontière, la dénomination de frontaliers. Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre constate avec plaisir qu'on reparle de l'initiative du 9 février dans des termes positifs - le MCG ne m'en voudra pas qu'en tant qu'UDC, j'en garde la paternité. C'est la raison pour laquelle nous accepterons cette résolution car elle est plus qu'indispensable. La contrainte, c'est que le gouvernement s'en occupe et fasse un peu plus que ce que l'on entend à longueur de journée, à savoir des déclarations - M. le président du Conseil d'Etat m'en voudra peut-être - visant à séparer Genève du reste de la Suisse en prétextant qu'on a refusé à 60% l'initiative du 9 février. Je vous remercie.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). La première chose que je voulais souligner s'agissant de cette résolution, c'est que Genève n'a pas accepté cette initiative; je trouve donc un peu déplacé de la part du MCG de venir proposer des mesures d'urgence alors que Genève n'a pas accepté l'initiative. Ensuite, dans l'exposé des motifs, vous parlez de sabotage; or on vient de voir que le Conseil fédéral propose une application plutôt stricte de l'initiative, on ne peut donc pas du tout parler de sabotage en la matière, même s'il reste dorénavant à trancher la question de la compatibilité de cette initiative avec les bilatérales. Mon groupe tient à relever également qu'il est contre-productif, et le terme est extrêmement faible, de continuer à stigmatiser ainsi une population. Ce n'est pas en tenant des propos stigmatisants, hélas parfois haineux, que nous arriverons à résoudre les problèmes à Genève, monter une population contre une autre n'est pas la solution. Aujourd'hui, nous devons résoudre tous ensemble la question de savoir à qui bénéficie la croissance de Genève et ne laisser personne au bord du chemin.
Une autre problématique se pose, c'est de déterminer comment faire diminuer le chômage à Genève. Mais ce n'est pas en imposant des contingents que nous arriverons à une solution. En effet, que vont amener ces contingents comme problèmes ? Certaines entreprises ne bénéficiant pas de contingents vont faire appel au travail au noir, ce qui va précariser encore davantage le travail et les chômeurs à Genève. Non, la solution réside plutôt dans les mesures d'accompagnement, comme cela a été dit, et dans la formation. Il faut que Genève s'engage à mieux former sa jeunesse, tant à l'école qu'en entreprise. Voilà où nous pourrons enfin régater et offrir aux jeunes et aux chômeurs de ce canton un véritable avenir. Cessons donc de monter les communautés les unes contre les autres, nous faisons tous partie de la même région ! Je vous appelle à refuser cette résolution.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, que cela vous déplaise, soit. Mais les seuls propos haineux tenus en politique genevoise sont les vôtres à l'encontre du MCG ! (Exclamations.) Le MCG n'est pas contre les frontaliers, il est pour les résidents genevois ! Et puisque vous voulez continuer à faire la sourde oreille, le MCG espère que le 19 avril, les électeurs vous feront payer encore davantage de ne pas vouloir les écouter ! (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, voilà dix ans que nous siégeons dans cet hémicycle... (L'orateur hausse le ton.)
Le président. Doucement !
M. Eric Stauffer. En huit ans, nous sommes devenus la deuxième force politique du canton de Genève. Pourquoi ? Parce que vous ne voulez pas écouter les revendications des citoyens, parce que vous êtes devenus, aveuglés par l'Europe, des pro-frontaliers. Le MCG restera pro-résidents genevois envers et contre tous ! Alors oui, Mesdames et Messieurs, nous revendiquons le fait d'être les seuls à défendre les travailleurs, notamment ceux des couches les plus défavorisées... (Remarque.)
Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...contrairement aux socialistes qui ont laissé tomber ces classes de la population et mettent aujourd'hui des affiches sur celles du MCG en disant: «Frontaliers»... (Remarque.)
Le président. Madame Wenger !
M. Eric Stauffer. ...«émigrez tous ensemble contre le MCG !» Non, la population n'est pas dupe, Mesdames et Messieurs. La démonstration, c'est que le MCG est devenu le premier parti des grandes communes suburbaines... (Remarque.) ...parce que vous avez délaissé ces gens qui comptaient sur vous pour avoir un job. Mais nous continuerons à nous battre, notamment pour que les étudiants trouvent un emploi après leurs études et que les employeurs cessent de dire: «Non, jeune homme, vous n'avez pas d'expérience, on ne peut pas vous engager.» Ces discours, ça suffit ! Le MCG est pour les résidents, point, terminé, à la ligne, que cela vous plaise ou non. Nous vous demandons bien évidemment de soutenir à l'unanimité cette excellente résolution, afin que le Conseil d'Etat mette d'ores et déjà en pratique la votation du 9 février. Et je conclurai en vous mettant en garde: à continuer ce discours, vous ferez du MCG le premier parti du canton ! (Applaudissements.) Nous avons aujourd'hui un conseiller d'Etat; continuez sur cette lancée et nous en aurons bientôt trois, les socialistes continueront à fondre et les Verts disparaîtront de cet hémicycle. (Applaudissements.)
Mme Simone de Montmollin (PLR). Le PLR ne soutiendra pas pour deux raisons cette résolution déposée à la hâte au lendemain de l'acceptation de l'initiative contre l'immigration de masse et fondée sur la crainte que la volonté du peuple ne soit pas respectée par les autorités. La première raison, c'est que, par ses invites visant à filtrer les travailleurs et à empêcher l'arrivée massive de frontaliers, elle flirte avec une sémantique renvoyant à des moments parmi les plus sombres de notre histoire. Ce sont des invites auxquelles le PLR ne peut souscrire et qu'il entend combattre tant elles sont contraires à ses valeurs et aux intérêts économiques du canton ainsi que dangereuses pour la cohésion sociale.
Deuxièmement, ce texte demande au canton de contingenter l'octroi de permis G en concertation avec les partenaires économiques et sociaux. Or depuis que cette résolution a été déposée, depuis l'acceptation par le peuple de l'initiative du 9 février, le Conseil fédéral a répondu avec célérité à cette votation et dans le respect de la volonté populaire. Son avant-projet de modification de la loi fédérale sur les étrangers est déjà en consultation, il répond parfaitement aux préoccupations adressées par cette résolution sans trahir nos valeurs démocratiques. Pour le surplus, dans son message du 11 février dernier, le Conseil fédéral prévoit quatre mesures immédiates de soutien et d'accompagnement, notamment à la formation et à l'intégration afin de faciliter l'accès à l'emploi pour tous. La crainte de voir sabotée la décision démocratique sortie des urnes le 9 février s'avère donc infondée, des mesures d'urgence ont été prises et, dès lors, nous ne soutiendrons pas cette résolution et vous invitons à faire de même.
M. Pierre Vanek (EAG). Je ne voulais pas intervenir, Monsieur le président, mais les paroles d'Eric Stauffer me poussent malgré tout à me lever pour dire deux ou trois choses. Vous voulez que je vous la fasse comme lui ?
Des voix. Oui !
M. Pierre Vanek. Très bien. Mesdames et Messieurs, ce qu'a dit M. Stauffer à l'instant est faux, absolument faux ! Non, Mesdames et Messieurs, le MCG ne défend pas les résidents et surtout pas les travailleurs résidents ! (Exclamations. Chahut.) Le MCG s'est systématiquement opposé...
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...à une série de mesures en faveur des travailleurs, par exemple le salaire minimum. Il s'y est opposé parce que... (Commentaires.) ...sa réponse au dumping salarial est une fausse réponse qui consiste à diviser les travailleurs entre frontaliers, immigrés, résidents de nationalité genevoise et Confédérés, à les diviser en catégories distinctes et à en désigner une comme responsable alors que nous avons un ennemi - quand je dis «nous», je parle des salariés, c'est-à-dire la majorité des habitants de ce canton - qui se trouve en face, du côté du patronat... (Exclamations.) ...du côté des partis de droite, qui sont les représentants des milieux de la finance et avec lesquels le MCG a par exemple voté un budget d'austérité, de démantèlement social et écologique... (Remarque.)
Le président. Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...un budget qui a montré le vrai visage du MCG. En commission des finances, Eric Stauffer s'est proposé pour être le rapporteur de cette majorité antisociale. Les coupes dans l'aide sociale, exécutées par votre ministre, ont été faites au détriment de bénéficiaires de l'aide sociale qui sont des résidents genevois. Mesdames et Messieurs, Eric Stauffer prétend à tort, mensongèrement, que son parti défend les travailleurs, les salariés et les résidents genevois... (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Medeiros !
M. Pierre Vanek. Ce n'est pas vrai ! (Remarque.)
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, il ne vous reste plus que trente secondes.
M. Pierre Vanek. Je conclus, j'arrête. Ce registre-là, c'était à la demande générale, je vais faire ça sur un autre registre...
Une voix. Mais c'était mieux !
M. Pierre Vanek. Je ne suis pas sûr...
Le président. Continuez calmement, je vous prie.
M. Pierre Vanek. Je ne suis pas sûr que Stauffer fasse ça mieux que moi, mais le public et les électeurs jugeront en effet pour part le 19 avril. Mesdames et Messieurs, sur un autre registre, bien sûr que la défense des intérêts des salariés, des travailleurs et des résidents est nécessaire... (Exclamations.) ...parce qu'ils sont sujets à toute sorte d'attaques. Mais parmi les travailleurs... (Remarque.) ...il y a des frontaliers, des immigrés et des Suisses.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Vanek. Du point de vue syndical - c'est le premier front de résistance - il est impératif qu'ils soient unis...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. Le MCG, qui travaille à la division, est l'ennemi des travailleurs et des résidents.
Le président. Merci. Je donne la parole à Patrick Lussi pour treize secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. En treize secondes, je dirai oui, tant le MCG que l'UDC sont pour les travailleurs, et quand on regarde ce qui se passe en Europe, nous sommes les seuls à empêcher cette espèce de chemin vers la médiocrité pour laquelle la gauche actuelle est complaisante...
Le président. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi. Je demanderai le vote nominal !
Le président. Bien, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer pour deux minutes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez aux bancs de l'Alliance de gauche que le MCG était en effet contre un salaire minimum qui serait devenu la référence à la française, et quand on voit la décadence de la France aujourd'hui tant au niveau social qu'économique, nous n'avons rien à leur envier. En revanche, le MCG est pour les conventions collectives de travail, qui sont la clef distinguant les différentes professions. Si les salaires ne sont pas assez élevés dans les conventions collectives, il appartient aux partis ou aux syndicats représentés dans la Berne fédérale de proposer des modifications de salaires.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, on voit bien que ce parlement, qui s'apprête à balayer cette résolution, va encore faire l'éloge des frontaliers contre les résidents genevois, parce que c'est bien vous qui montez une population contre l'autre. Nous, encore une fois, ne disons pas que nous sommes contre les frontaliers, nous sommes pour les Genevois, pour les résidents genevois. Mesdames et Messieurs les socialistes, vous irez dire à ces pères de famille qui ont perdu leur emploi que la seule perspective que vous, la gauche, leur offrez, c'est la voie royale pour l'Hospice général et la précarité ! Quant à nous, ce que nous voulons, c'est leur rendre leur dignité, et la dignité commence par un emploi justement rémunéré...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. C'est ça, la sortie du social ! Mais vous ne le dites plus dans vos discours politiques parce que vous êtes devenus cette gauche bobo, cette gauche caviar qui n'a que faire du petit peuple, alors que le MCG continuera à défendre cette partie de la population ! (Applaudissements. Remarque.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Deneys ! (Commentaires.) J'aimerais qu'on poursuive dans le calme. Monsieur Sormanni, il n'y a plus de temps de parole pour vous. Je cède la parole à Mme la députée Sophie Forster Carbonnier pour une minute et quatre secondes.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci, Monsieur le président. Comme vous le savez, je ne suis pas très douée pour crier fort, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire pour se faire entendre dans ce parlement. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les différentes interventions et voici la première chose que je voudrais demander: l'UDC vient nous expliquer qu'elle défend les travailleurs; mais alors pourquoi ne défendez-vous pas les mesures d'accompagnement au niveau fédéral ? C'est votre parti qui refuse toutes ces mesures d'accompagnement ! Ensuite, Monsieur Stauffer, le projet de loi que vous venez de déposer au Grand Conseil, c'est vraiment une honte, c'est une stigmatisation, et c'est vous qui...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sophie Forster Carbonnier. ...montez les communautés les unes contre les autres ! Les méthodes que vous proposez ne fonctionnent pas, nous le savons tous. Vous êtes certes arrivé à renforcer votre députation, mais avez-vous véritablement amélioré la qualité de vie des citoyens à Genève ?
Des voix. Oui !
M. Eric Stauffer. Bien sûr que oui, regardez à Onex !
Mme Sophie Forster Carbonnier. Non, la solution n'est pas là... (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !
Mme Sophie Forster Carbonnier. La solution n'est pas là, votre magnifique commune d'Onex ne pourrait simplement pas vivre sans... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! Je vous prie de bien vouloir conclure, Madame.
Mme Sophie Forster Carbonnier. Je conclus. Les solutions que vous proposez ne sont pas les bonnes. Il y a en effet un certain nombre de problèmes que nous reconnaissons, mais il ne faut pas travailler avec les solutions que vous proposez. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le 9 février 2014, il y a un peu plus d'un an, le peuple suisse a accepté une initiative donnant au Conseil fédéral un délai de trois ans pour réintroduire des contingents. Le Conseil fédéral a envoyé en procédure de consultation la législation d'application, qui est actuellement en train d'être examinée par les différents cantons suisses afin que l'Assemblée fédérale puisse se prononcer à la fois sur la question des contingents et sur la capacité à faire cohabiter, ce qui paraît évidemment un peu compliqué, les principes de libre circulation et de contingents, comme si l'eau et le feu pouvaient fondamentalement faire quelque chose ensemble. Les discussions au niveau fédéral sont très compliquées, c'est un euphémisme de le dire, concernant le canton de Genève. Il s'agit de réintroduire des contingents pour l'ensemble de la population étrangère, d'introduire pour la première fois - cela n'a jamais été fait - des contingents pour les frontaliers et de les introduire également pour tous les types d'activités, y compris, Mesdames et Messieurs, la Genève internationale.
Voilà qui est donc lourd d'enjeux pour Genève mais également pour l'ensemble des cantons suisses dont les secteurs économiques dépendent de la libre circulation pour pouvoir fonctionner: ma collègue du canton des Grisons s'évertue à défendre l'hôtellerie grisonne de haut niveau, qui a besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée qu'elle ne peut trouver sur le territoire de ce canton, mon collègue thurgovien défend avec ardeur ses agriculteurs qui ont besoin de travailleurs, notamment durant les périodes de récolte, et mon collègue du Tessin - c'est probablement ce qu'il y a de plus piquant dans cette affaire - qui, en tant que membre de la Lega, s'était battu avec ardeur pour faire voter l'initiative, a été le premier à expliquer que, la situation du Tessin étant tellement compliquée, il fallait en priorité lui accorder les maigres contingents plutôt qu'aux autres cantons, ce qui est évidemment la démonstration d'une conversion assez rapide.
Conversion aussi, Monsieur Stauffer, quand vous lancez cette magnifique ode aux étudiants ! Vous avez déposé cette résolution le 13 février 2014, c'était un jeudi. Ce jeudi-là, l'Union européenne a suspendu le programme Erasmus... (Exclamations. Commentaires. Applaudissements.)
Des voix. Ce n'est pas vrai !
M. François Longchamp. Alors si vous vouliez faire quelque chose... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs !
M. François Longchamp. Si vous vouliez faire quelque chose pour les étudiants... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !
M. François Longchamp. Si vous vouliez faire quelque chose pour les étudiants, la première des mesures à prendre serait probablement d'éviter le seul effet qu'a eu votre initiative jusqu'ici, c'est-à-dire d'empêcher les étudiants de notre pays, de notre canton, les Genevois pure souche comme vous les aimez, de pouvoir aller faire des études dans un système universitaire compatible, en permettant des échanges avec d'autres pays. Ce n'est pas comme ça que nous allons former nos élites de demain, ce n'est pas comme ça que l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne va pouvoir continuer à rayonner, ce n'est pas comme ça que l'Université de Genève qui, comme vous le savez, figure parmi les meilleures au monde dans le classement de Shanghaï, pourra poursuivre son oeuvre.
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à prendre conscience des difficultés dans lesquelles se trouvent aujourd'hui notre pays et notre canton, des enjeux qui devront être réglés dans les deux ans qui viennent, de la difficulté pour le Conseil fédéral de trouver des solutions à ce type de problèmes et au vote. Malheureusement, en effet, c'est certainement ainsi que les choses vont se terminer: avec un vote qui sera proposé au peuple suisse, qui devra déterminer laquelle des deux décisions qu'il a prises simultanément, à savoir la libre circulation et les contingents, a sa préférence. C'est vers cette idée que nous nous orientons et le gouvernement genevois soutiendra, comme il l'a toujours fait, la position de la population genevoise, c'est-à-dire celle d'une libre circulation mesurée, mais nécessaire à l'économie et aux besoins des habitants. (Applaudissements. Huées.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Monsieur Lussi, vous aviez demandé le vote nominal; êtes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, vous l'êtes. Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant nous prononcer sur la prise en considération de cet objet.
Mise aux voix, la proposition de résolution 756 est rejetée par 55 non contre 25 oui et 2 abstentions (vote nominal).