République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 mars 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 3e session - 14e séance
M 2215-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous poursuivons notre ordre du jour avec la M 2215-A et la M 2252. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, avec les amendements. Madame Béatrice Hirsch, vous avez la parole.
Mme Béatrice Hirsch (PDC), rapporteuse. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport est la réponse du Bureau à la motion 2215. Cette motion avait été adressée au Bureau et comprenait un certain nombre d'invites qui n'entraient pas dans le cadre légal qui est le nôtre. Le Bureau dans sa majorité a donc choisi de vous expliquer, au travers de ce rapport et via la nouvelle motion 2252 qui vous est présentée, ce qu'il pouvait faire exactement dans les limites de notre cadre légal pour essayer de coller au mieux à ce que la motion 2215 demandait. Sans parler du tout de la pertinence, ou pas, des amendements qui sont proposés, la motion 2252 correspond donc à ce que le cadre légal nous permet de demander à une commission d'experts, puisque la motion 2215 sollicitait la création d'une telle commission. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En conformité avec le mandat confié à votre Bureau du Grand Conseil, et pour répondre au mieux à ce que réclamait la motion 2215, le Bureau vous invite à prendre acte du rapport sur cette motion et à accepter la motion 2252, qui recadre ce qu'on peut demander à une commission d'experts. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. Je prie les personnes qui sont à la tribune de bien vouloir s'asseoir. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reparlons aujourd'hui de l'affaire Adeline et de ses suites devant ce Grand Conseil. Nous avons déjà eu l'occasion d'aborder cette question avant l'été et à nouveau fin août, avec cette proposition de créer une commission d'experts extérieurs au canton. Après la lecture du rapport du Bureau - je remercie d'ailleurs Mme Hirsch pour son rapport et le Bureau pour son travail - nous arrivons à la conclusion qui figure dans l'avis de droit du professeur Grisel, à savoir que cette proposition de motion 2215 comprend des lacunes qui font qu'elle est tout simplement impossible à mettre en oeuvre, notamment parce que les auditions se feraient seulement sur une base volontaire, mais surtout parce que les capacités d'investigation d'une telle commission sont insuffisantes, les bases légales étant elles-mêmes insuffisantes.
Mesdames et Messieurs les députés, ces conclusions et ce rapport prouvent que l'instrument adéquat et conforme à la loi pour mener une enquête, si nous estimons qu'une enquête est nécessaire, est bien la commission d'enquête parlementaire telle que définie dans les articles 230E et suivants de la LRGC. Nous revenons donc à la proposition initiale consistant à créer une commission d'enquête parlementaire, et c'est pour cela que nous avons déposé l'amendement qui vous a été distribué, qui propose de remplacer le titre de la motion 2252 par le nouveau titre: «pour la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée de faire rapport au Grand Conseil sur les dysfonctionnements ayant conduit à la mort d'Adeline M.», et de remplacer toutes les invites de la motion 2252 par d'autres visant à créer une commission d'enquête parlementaire et demandant à peu près les mêmes choses - je pense que je n'aurai pas le temps de les lire, donc je vous prie de vous référer au texte. Cet amendement a été cosigné par l'ensemble des partis politiques qui souhaitent obtenir des éclaircissements sur cette tragique affaire, au-delà de toute considération d'ordre politique ou de politique politicienne; il s'agit réellement d'avoir une lecture institutionnelle, tous partis confondus, des événements dramatiques qui se sont déroulés, mais aussi des rapports qui ont été rendus. Parce que ces rapports sont des instruments qu'il faudra utiliser, avec leurs défauts et leurs qualités, pour éclaircir les zones d'ombre et peut-être détecter les contradictions, mais surtout pour procéder aux auditions qui n'ont pas pu avoir lieu au cours des travaux passés, et permettre à d'autres personnes de s'exprimer et d'expliquer ce qui s'est passé. Pour notre Grand Conseil, il s'agira aussi de vérifier, de clarifier, et peut-être de vulgariser le contenu de ces rapports, et si nécessaire de les compléter par des conclusions supplémentaires. Au final, Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, dans ce Grand Conseil, il s'agira de donner des explications institutionnelles et politiques ! Quelles réponses apportons-nous après un tel drame ? Evidemment, nous devrons également formuler des propositions pour éviter que cela ne puisse se reproduire.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons donc à accepter la création d'une commission d'enquête parlementaire comme le prévoit la loi portant règlement du Grand Conseil, et à cet égard je vous invite à relire l'article 230H, alinéa 2, selon lequel une telle commission d'enquête n'est pas du tout problématique par rapport à d'autres procédures en cours; c'est indiqué explicitement dans la loi, nous pouvons agir de la sorte aujourd'hui sans attendre, et c'est même nécessaire de le faire immédiatement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député et membre du Bureau François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous a donc présenté ses conclusions sur la motion que vous lui avez renvoyée le 28 août 2014, qui transformait une demande UDC de commission d'enquête parlementaire en une demande de commission d'experts. Malgré les remarques des Verts sur l'illégalité de certaines invites au regard du droit fédéral, cette motion modifiée en plénière fut renvoyée au Bureau, qui, après cette demande et soucieux de faire son possible, a demandé un avis de droit qui a confirmé les craintes émises par les Verts l'été dernier. Le Bureau a donc fait rapport sur cette motion et nous propose maintenant une motion pour la création d'une commission d'experts, sur la base d'invites réalistes mais surtout légales qui détermineront le champ d'action possible pour une commission d'experts indépendants. Car tout n'est pas permis à des experts indépendants, qui ne pourront d'ailleurs compter que sur les contributions volontaires des témoins potentiels et n'auront pas le pouvoir de haute surveillance qu'auraient les députés d'une commission d'enquête parlementaire. Pour cette raison, cinq groupes se sont résolus à demander maintenant, par amendement de cette motion du Bureau, une commission d'enquête parlementaire qui serait composée de députés, mais qui serait soutenue, dans la méthodologie d'enquête et dans sa réalisation, par des experts professionnels reconnus pour leur expérience dans le domaine. Les Verts sont à compter parmi ces groupes et sont co-auteurs de l'amendement qui demande la création de cette commission d'enquête parlementaire. C'est la seule façon, pour nous, maintenant, d'aboutir à une vision réaliste et transparente des dysfonctionnements qui ont conduit à ce drame abominable et inacceptable, et de faire en sorte que cela ne soit plus jamais possible.
Certes, il y a eu des rapports, les deux rapports Ziegler pour le Conseil d'Etat et le rapport Chappuis pour les HUG. Le premier rapport Ziegler mettait en exergue les dysfonctionnements qui faisaient qu'un service fonctionnait en dehors des clous de la loi, et le second contenait des recommandations. Des enquêtes administratives sont en cours en ce moment, qui font notamment suite aux recommandations du second rapport Ziegler, mais des zones d'ombre semblent subsister; des témoins auraient été écartés et certains rapports sont suspectés d'avoir été partiels et inachevés. Un an et demi après le drame, nous ne sommes pas satisfaits du traitement de ces dysfonctionnements. Il y a encore des points obscurs sur lesquels nous espérons que finalement, cette commission d'enquête parlementaire amènera la lumière. Les Verts soutiendront l'amendement pour la création de la commission d'enquête parlementaire et vous recommandent d'en faire de même.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole au député et membre du Bureau Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra la création de cette commission d'enquête parlementaire. Mais j'aimerais que par respect et dignité, on ne se trompe pas de débat. Le MCG l'a dit dès le départ: dans cette triste affaire, il devra y avoir une réponse judiciaire, une réponse administrative et une réponse parlementaire. Mais ne confondons pas les rôles, chers collègues; ne mélangeons pas tout. Notre rôle est de nous assurer qu'au niveau législatif, ce qui est arrivé n'arrivera plus jamais. Il ne nous appartient pas de mener une enquête judiciaire ou administrative. Il nous appartient de vérifier que le dispositif législatif soit renforcé pour que de tels actes ne puissent plus jamais se produire. Et je pense qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien prendra acte du rapport du Bureau du Grand Conseil mais ne votera pas la motion, comme cela a été dit, puisqu'elle ne va rien amener par rapport à l'affaire Adeline. Concernant la commission d'enquête parlementaire, nous avons discuté avec le Collectif Adeline et nous en avons beaucoup parlé au sein de notre groupe; nous avions toujours dit que nous étions contre une commission d'enquête parlementaire et nous le restons, mais nous allons, aujourd'hui, nous abstenir et nous laisserons le parlement décider s'il veut mettre en place ou pas une telle commission. Pourquoi sommes-nous contre une commission d'enquête parlementaire ? Simplement parce que, pour nous, ce n'est pas le bon instrument pour donner une réponse à la famille d'Adeline et aux gens qui l'ont soutenue. Cela reste, pour le parti démocrate-chrétien et pour le groupe démocrate-chrétien, une blessure qui ne sera jamais refermée et un traumatisme qui sera toujours présent. Et si nous voulons donner une réponse rapide et claire à la famille d'Adeline, il n'y a qu'une solution qui soit souple, c'est, comme nous l'avons toujours dit, de saisir la commission de contrôle de gestion; cette commission a plus de pouvoir qu'une commission d'enquête parlementaire, elle peut aller beaucoup plus vite et obtenir toutes les réponses qu'elle veut puisqu'on ne peut rien lui opposer. En revanche, d'après l'expérience que j'ai eue personnellement de la commission d'enquête parlementaire sur la Cour des comptes, je peux vous dire que c'est un instrument extrêmement compliqué, très difficile à manier et qui probablement ne permettra pas d'obtenir toutes les réponses aux questions simples que l'on se pose. Parmi ces questions simples, auxquelles on veut des réponses, il y a celle de savoir qui contrôlait cet organisme. Je vous remercie.
M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, j'aimerais tout d'abord, avec mon groupe, remercier Mme Hirsch pour son rapport, qui souligne malheureusement les imperfections de la motion 2215. Cette motion aura au moins eu le mérite de nous permettre de trouver un accord qu'il n'était pas possible de trouver à l'époque. Finalement, malgré ses imperfections, elle nous permet donc d'arriver à un consensus aujourd'hui. M. Stauffer a très bien dit les choses en expliquant qu'il était inutile d'en rajouter, donc je ne serai pas très long. Mes préopinants, MM. Lefort et Deneys, ont été extrêmement clairs: je crois que les cinq groupes politiques qui ont décidé de signer cet amendement pour la création d'une commission d'enquête parlementaire le font, Monsieur Buchs, justement parce que c'est le seul instrument qui pourra apporter des réponses simples et complètes. Nous espérons donc que cette motion et cet amendement seront soutenus; nous vous remercions de le faire et d'accepter la création de cette CEP. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole au député et membre du Bureau Christian Zaugg.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, nous n'allons pas ici refaire tout le débat, mais simplement vous indiquer l'état de notre réflexion. Après en avoir bien discuté entre nous et auditionné des proches d'Adeline, Ensemble à Gauche a décidé de soutenir l'amendement en vue de mettre en place une commission d'enquête parlementaire qui pourrait s'entourer d'experts mandatés. Nous préférons cette solution à une commission d'experts qui aurait, en tant que telle, manifestement posé un certain nombre de problèmes juridiques, notamment en matière de levée du secret professionnel. Nous soutenons également la création de cette commission d'enquête parlementaire pour la raison que nombre de personnes auditionnées à la commission judiciaire et de la police établissent un lien de cause à effet entre le secret médical et le drame d'Adeline, alors même qu'il ne s'agit que d'un grave problème de fonctionnement administratif. (Brouhaha.) Un problème administratif et fonctionnel que d'aucuns veulent d'ailleurs absolument inscrire dans la problématique du maintien du secret professionnel traité en commission, et qu'il convient, par conséquent, de mettre en évidence. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons, chers collègues, à voter l'amendement présenté par plusieurs députés à la motion 2252, relative aux dysfonctionnements ayant conduit à la mort d'Adeline.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que la première possibilité de commission d'enquête parlementaire n'était pas satisfaisante, et je comprends que le Bureau ait fait un raisonnement un petit peu technique pour la rendre acceptable. Sur le fond - parce que c'est bien du fond qu'il s'agit, et du problème qui touche l'institution et le fonctionnement général de l'Etat - je pense que l'amendement général proposé par les formations politiques qui l'ont signé répond à une attente d'efficacité. Vous savez que le parti libéral-radical était opposé à la commission d'enquête parlementaire dans sa composition... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...par crainte d'un manque d'efficacité et, honnêtement, peut-être par crainte d'un manque de compétences. (Brouhaha.) Monsieur le président, ça me dérange de parler d'un sujet pareil quand il y a des discussions de salon. (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, est-ce que vous pourriez écouter l'orateur et regagner vos places ? Merci.
M. Serge Hiltpold. Juste par respect pour le sujet, s'il vous plaît ! Je pense ensuite que cet amendement général répond au souci de transparence de l'enquête parlementaire. Si cela peut amener une réponse, pacifier le débat et que cela correspond aux attentes du collectif, notamment, nous nous y rallierons. Sincèrement, j'espère que les députés qui seront présents et qui participeront à cette commission d'enquête parlementaire auront vraiment le souci de travailler avec clairvoyance et sans instrumentalisation politique; ne pas politiser cette thématique au niveau de notre Grand Conseil et empêcher sa récupération politique étaient nos premières préoccupations. Le parti libéral-radical se ralliera donc à cet amendement général.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Bureau du Grand Conseil sur la motion 2215.
Le président. S'agissant de la motion 2252, je vais mettre aux voix l'amendement général que vous avez tous reçu à vos places. Personne n'en demande la lecture, je pense que c'est assez clair.
Mis aux voix, cet amendement général est adopté par 79 oui et 18 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2252 ainsi amendée est adoptée par 74 oui contre 3 non et 17 abstentions.