République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 janvier 2015 à 20h30
1re législature - 2e année - 1re session - 8e séance
PL 11328-A
Premier débat
Le président. Nous reprenons l'ordre du jour normal avec le PL 11328-A. Est-ce que les rapporteurs prennent la parole ? (Remarque.) Monsieur Girardet, c'est à vous.
M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat a consacré sept séances à l'étude du PL 11328 demandant une modification de la loi B 5 15. Je lis simplement l'article 23A qui concerne les cadres supérieurs. La loi présentée par le parti socialiste et d'autres signataires, peut-être, demandait simplement l'abrogation de cet article 23A que je lis: «Dès le 1er janvier 2009 et jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle évaluation des fonctions, les cadres dès la classe 27 exerçant des responsabilités hiérarchiques peuvent percevoir une indemnité égale à 8,3% de leur salaire annuel versée en 13 mensualités. Le traitement, indemnité incluse, ne peut dépasser le montant correspondant à la classe 33, position 21, de l'échelle des traitements. Le Conseil d'Etat fixe par règlement la liste des bénéficiaires.»
Les titre et préambule de ce PL 11328 disaient viser la suppression du quatorzième salaire. En cette période de préparation du budget et de restrictions budgétaires, on comprend que c'était peut-être une bonne idée que de vouloir trouver des économies pour en faire bénéficier les classes inférieures de l'échelle des salaires de l'Etat en supprimant précisément cet article 23A de la loi B 5 15. Cet article avait été voté sur le siège en novembre 2008 et il est entré en vigueur, comme je viens de le lire, le 1er janvier 2009. C'était donc une indemnité pour encadrement d'au minimum sept personnes, fixée à 8,3% du salaire annuel pour les classes 27 et supérieures, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle évaluation des fonctions. Ça tombe bien, puisque le Conseil d'Etat nous a annoncé l'entrée en vigueur prochaine du fameux SCORE - en tout cas avant la fin de la législature.
Les auditions ont permis aux commissaires de prendre conscience des conséquences de l'acceptation du projet de loi tel que présenté. Tout d'abord, cette abrogation remettait en question un droit acquis, avec l'effet rétroactif de cette loi, en regard de la jurisprudence. Les difficultés relevées incluaient également la démotivation des cadres supérieurs, avec les effets collatéraux de démotivation, qu'on comprend bien, sur l'ensemble de la pyramide des salariés. C'est ce que sont venus nous expliquer ces cadres supérieurs. Cela entraînerait également une difficulté pour recruter des hauts fonctionnaires tels que les médecins ou professeurs des HUG, des hauts fonctionnaires à l'université ou encore des directeurs de l'administration fiscale qui pourraient être intéressés par le secteur privé ou éventuellement par l'appel d'autres cantons. De même, le Conseil d'Etat rencontrerait dans ce contexte des difficultés pour faire avancer la nouvelle évaluation des fonctions avec son projet SCORE. Comme une majorité des commissaires annonçait vouloir entrer en matière sur ce projet de loi socialiste, moyennant quelques amendements, le Conseil d'Etat a quelque peu anticipé cette volonté en proposant un amendement général qui se résume en trois points: on maintient l'article 23A que je viens de lire et il devient l'alinéa 1 de cet article; l'alinéa 2 prévoit de ne plus verser l'indemnité prévue à l'alinéa 1 pour les nouveaux cadres engagés après l'entrée en vigueur de la présente loi; l'alinéa 3 dit qu'en cas de changement d'affectation, le versement de l'indemnité aux cadres ne remplissant plus les conditions de son octroi cesse le deuxième mois après le changement; enfin, un alinéa 4 stipule: «Le versement de l'indemnité aux cadres qui étaient bénéficiaires après un changement d'affectation, bien que ne répondant plus aux conditions de son octroi, cesse le deuxième mois après le [date d'entrée en vigueur de la présente loi]».
Cet amendement général démontre que le Conseil d'Etat a réalisé que l'indemnité est probablement versée de manière abusive dans quelques cas et que des hauts fonctionnaires ne répondent pas aux conditions initiales d'octroi.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean-François Girardet. En fin de débat et juste avant le vote de l'amendement général du Conseil d'Etat, le PLR présentait un amendement demandant ceci: «Dès le [date d'entrée en vigueur de la présente loi], les nouveaux cadres remplissant les conditions décrites à l'alinéa 1, à l'exception des cadres des HUG et de l'Université de Genève, ne perçoivent pas l'indemnité et aucune nouvelle fonction ne peut être ajoutée à la liste.» Cette option a été rejetée en vote avec 7 voix pour, 7 contre et 1 député PLR s'abstenant. Nous aurons probablement l'occasion de revenir sur le sujet puisqu'il est question de présenter un nouvel amendement allant dans cette direction. Pour l'heure, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de bien vouloir accepter ce projet de loi tel qu'amendé par le Conseil d'Etat et adopté par une majorité des commissaires présents.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi 11328 déposé par les socialistes a effectivement pour but de supprimer l'indemnité de 8,3% décidée en novembre 2008 par une majorité de ce Grand Conseil alors que les finances cantonales étaient, disons, bien différentes de celles d'aujourd'hui. L'excédent des comptes 2007 était supérieur à 400 millions de francs. A l'époque, on pouvait imaginer donner un supplément aux cadres de la fonction publique pour essayer de recruter des personnes compétentes, mais aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence que la perspective n'est plus du tout la même. Je crois qu'il est important de le rappeler: désormais, chaque année, au moment du budget, on se bat pour équilibrer les comptes, en mettant en jeu des prestations sociales destinées aux personnes défavorisées, comme le subside d'assurance-maladie, le CASI ou l'aide au logement. On est en train de se battre au sujet de montants parfois inférieurs à un million de francs, qui représentent des sommes modestes. On en a parlé tout à l'heure avec le CASI, pour un montant de moins de cent francs, alors que c'est important pour les personnes à bas revenus qui en bénéficient. Or, ici, alors qu'il ne l'avait pas demandé à l'époque, le Conseil d'Etat défend ce principe d'une indemnité de 8,3% pour les cadres supérieurs de la fonction publique, indemnité qui coûte aujourd'hui plus de sept millions de francs par année pour le grand Etat. Cette prime devait être accordée de façon circonstanciée, c'était écrit dans la loi, mais le Conseil d'Etat n'en a pas tenu compte et il l'a distribuée tous azimuts ! Aujourd'hui, quasiment l'ensemble des cadres en classe 27 et plus touche cette indemnité.
En particulier, il y a une dérive que je trouve absolument anormale, c'est relevé dans l'annexe 2 au rapport, pages 90 et 91: une part non négligeable de ces indemnités a été attribuée au sein des Hôpitaux universitaires de Genève, non pas pour des cadres supérieurs exerçant des fonctions hiérarchiques, mais pour compenser les différences de salaires de médecins qui avaient des postes de médecin chef, de médecin adjoint, etc. Vous avez les chiffres à la page 91 de ce rapport; cela représente un montant total supérieur à 4 millions de francs. Ce sont les chiffres de 2012, et il est tout simplement choquant de voir que les HUG ont détourné l'usage de cette prime. En réalité destinée à favoriser la reconnaissance des fonctions d'encadrement hiérarchique, là, cette prime a été utilisée pour compenser des différences de salaires avec d'autres hôpitaux suisses. Les HUG en sont entièrement responsables et c'est une partie du problème. C'est là quelque chose que nous, socialistes, n'avions pas anticipé et cela mérite un traitement circonstancié, parce qu'il ne s'agit pas de faire fuir les bons médecins. Toutefois, sur le fond, on peut se poser des questions sur la pertinence de cette prime, quand on demande des efforts à l'ensemble de la fonction publique, aux associations subventionnées, aux personnes à bas revenus. Pourquoi et au nom de quoi les cadres supérieurs de la fonction publique touchent-ils un quatorzième salaire, c'est-à-dire un montant supérieur à 11 000 F par année ? Parce que la classe 27, annuité 0, c'est 11 000 F au minimum et, évidemment, c'est bien supérieur avec les annuités ! Pourquoi ces cadres supérieurs n'auraient-ils pas au moins la décence et le sens des responsabilités de faire un effort supplémentaire quand on demande des efforts à tout le monde pour équilibrer le budget ?
Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes demandaient la suppression pure et simple de ce quatorzième salaire. Un amendement a été déposé pour réduire la portée de ce projet de loi et en exclure le personnel médical. Je pense que c'est une solution de compromis, dans la mesure où on a proposé un délai pour qu'au sein des HUG on ait le temps de trouver une solution qui soit conforme à ce que la situation devrait être aujourd'hui: c'est-à-dire qu'il y ait une grille salariale qui permette de rémunérer les médecins de façon correcte et qu'on n'utilise pas des primes qui ne sont pas prévues pour cela pour compléter leurs salaires. Je vous invite donc dans tous les cas à accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi et à voter l'amendement permettant de supprimer ce quatorzième salaire à l'exception du personnel médical au sein des HUG pour une durée limitée à trois ans, parce que cela nous semble un délai bien suffisant pour proposer une solution correcte et conforme, avec une grille salariale appropriée, et supprimer cette manipulation avec le quatorzième salaire aux HUG, qui n'aurait jamais dû exister. Mesdames et Messieurs les députés, votez l'entrée en matière de ce projet de loi et soutenez l'amendement; il en réduit certes la portée, mais il permet de confirmer que l'effort demandé aux cadres supérieurs de la fonction publique est nécessaire aujourd'hui, correct et légitime par rapport aux efforts qu'on demande aux autres fonctionnaires et autres contribuables genevois.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je trouve assez cocasse de discuter de la suppression du quatorzième salaire, alors qu'à l'instant, à 19h, un collègue PLR parlait de la réalité des chiffres et de la nécessité de prendre ses responsabilités face aux enjeux budgétaires qui nous obligent à nous serrer la ceinture et à faire des choix - des choix pour enfin gérer mieux les deniers publics... Ici, on parle d'un gisement d'économies de plus de 2 millions de francs pour le petit Etat et de près de 7 millions de francs pour le grand Etat. Il est assez paradoxal de voir que les groupes qui parlent justement de réduire les charges de l'Etat soutiennent encore le maintien de ce quatorzième salaire, en tout cas pour les personnes qui en bénéficient aujourd'hui ! Ces groupes soutiennent le maintien du quatorzième salaire alors que l'on coupe et prend dans l'assiette des plus pauvres, en particulier dans l'assiette des personnes au bénéfice de l'aide sociale. On réduit les budgets pour la formation, on réduit les budgets pour l'environnement, on réduit les budgets pour la mobilité. On réduit aussi - eh oui - les budgets pour l'énergie en coupant de près de 80% dans les subventions aux énergies renouvelables. C'est assez incohérent de voir ce genre de positions !
Si on en vient au fond, ce quatorzième salaire, ou plutôt cette prime a été introduite en 2008. Est-ce à dire qu'avant 2008, les fonctionnaires et employés de l'Etat étaient des incompétents ? Absolument pas ! Donc, avant 2008, il y avait des personnes qui s'intéressaient aux charges proposées par l'Etat sans ce «susucre» qu'on nous présente aujourd'hui comme une condition sine qua non pour attirer des personnes qui autrement choisiraient plutôt le secteur privé où les conditions seraient meilleures. Non, les personnes employées avant 2008 ont choisi l'Etat malgré tout ! Par ailleurs, à l'époque, ni le Conseil d'Etat ni les cadres eux-mêmes ne demandaient ce quatorzième salaire, je pense qu'il est très important de le rappeler. C'est un choix du Grand Conseil d'introduire un quatorzième salaire, ce n'était pas une revendication des cadres. Je me distancie un tout petit peu des propos de M. Deneys, ce n'est pas qu'ils ne veuillent pas faire un effort eux-mêmes, c'est à l'origine un choix du Grand Conseil d'introduire ce quatorzième salaire auquel on est maintenant attaché mordicus.
Enfin, dans le détail, il faut quand même relever que le plus bas salaire concerné par ce quatorzième mois est un revenu à 144 000 F par an et, par conséquent, à plus de 11 000 F par mois. C'est un revenu confortable et qui nous semble aussi important dans la mesure où il s'inscrit dans le cadre d'autres avantages qu'on a à travailler à l'Etat, au-delà de la mission de service public à accomplir. Ce sont aussi des avantages en termes de vacances: il me semble qu'il y a peu d'entreprises privées dans lesquelles six semaines de vacances sont offertes aux cadres ! Il me semble aussi qu'il y a une certaine stabilité de l'emploi à l'Etat et des conditions qui sont bonnes.
Dans ce contexte, les Verts soutiennent évidemment le projet de loi du parti socialiste pour la suppression de ce bonus. Ils soutiennent également l'amendement déposé pour le cas un peu particulier des Hôpitaux universitaires de Genève et des médecins puisqu'on avait fait une «maniclette» pour utiliser ce quatorzième mois afin de fausser les salaires et d'être concurrentiel par rapport aux autres hôpitaux suisses. Aujourd'hui, il nous semble important de réadapter ces salaires à leur juste valeur pour que les HUG restent toujours un hôpital de pointe, un hôpital qui accueille des médecins à la pointe. Par conséquent, nous soutiendrons cet amendement qui permet de laisser le temps nécessaire pour cet ajustement et vous invitons à faire de même et à soutenir ce projet de loi.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi 11328 demande donc la suppression du quatorzième salaire des cadres supérieurs de l'Etat à partir de la classe 27. Il faut relever que 62% des personnes touchées par ce texte sont des médecins ou des cadres hospitaliers de notre canton. Nous voulons une administration de qualité de même que des hôpitaux de pointe à tous les niveaux. Pour cela, il faut bien payer cette élite et attirer d'autres hauts cadres afin de poursuivre sur la voie de l'excellence. La commission a accepté un amendement qui propose de maintenir le quatorzième salaire pour celles et ceux qui, contractuellement, l'ont déjà, mais de ne plus le donner aux nouveaux arrivants, aux nouveaux hauts cadres qui viendraient grossir les rangs de l'administration. Le groupe UDC soutiendra l'amendement déposé car il va dans le bon sens. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande de voter le projet de loi tel qu'amendé en commission et de voter également l'amendement qui a été présenté.
M. Alberto Velasco (S). Comme l'a dit le rapporteur de minorité, nous, socialistes, avions présenté une mesure d'économie pour le budget et c'était cela: 7 millions de francs sur les rétributions données aux hauts cadres. Malheureusement, on n'a pas voulu en discuter dans le cadre du budget et cette mesure n'a pas été introduite alors qu'on aurait très bien pu gagner 7 millions de francs ici. Par contre, effectivement, nous avons introduit des mesures linéaires qui ont vraiment prétérité les catégories les plus faibles, soit en prestations soit en salaires, et vous voyez la bagarre qu'il y a eu pour 300 000 F ou 400 000 F. Or, là, il y avait 7 millions de francs à prendre et on n'y a pas touché ! Il y a quand même une notion de classes, il faut le dire ! Comment est survenue cette histoire ? C'est un coup syndical du PLR ! J'étais rapporteur de minorité pour le budget. En face de moi, il y avait Weiss comme rapporteur de majorité et, tout d'un coup, pratiquement en fin de débat, M. Hohl est venu avec un amendement demandant 8%. Il l'a déposé là, comme ça, un soir de fin décembre, juste avant Noël. Paf ! Un vote pour les cadres supérieurs ! C'était quand même incroyable, ce petit coup syndical pour les hauts cadres.
Ensuite, ce qui est extraordinaire, c'est qu'on nous balance qu'il faut comprendre que ce sont ces cadres qui dirigent l'Etat. Mais, Messieurs, sans le personnel qui doit travailler avec eux, ces cadres ne peuvent absolument rien faire ! Vous aurez beau être un bon cadre, un type très intelligent et très compétent, si vous n'avez pas du personnel en dessous, qui participe aux projets que vous mettez en place, vous ne faites rien, mais rien !
Monsieur le président du département des finances, vous l'avez indiqué, nous comprenons que, pour les agents fiscaux, vous ayez besoin de personnel de qualité. On n'en trouve pas beaucoup sur le marché et, malheureusement, il faut les payer bien. Monsieur le président, on peut comprendre que, dans ce cas-là, on puisse faire une petite entorse, mais faire une contribution unilatérale comme ça, pour le simple fait d'être cadre, c'est quand même assez extraordinaire !
Le plus extraordinaire toutefois, c'était quand on nous a parlé de démotivation. C'est la DRH des HUG qui est venue nous expliquer que les agents de la fonction publique n'avaient plus le sens du sacrifice et du service public, contrairement aux associations de cadres qui ont tout le temps indiqué leur dévouement à l'Etat. Ça, il fallait oser le dire ! Avancer la démotivation de la fonction publique et dire qu'aujourd'hui, ce sont seulement les cadres qui s'engagent, c'est quand même un problème et c'est quand même inadmissible !
Par ailleurs, je veux rappeler que vous avez attaqué les annuités des fonctionnaires ! On est arrivé jusqu'à 7 ou 8 millions de francs d'économies, après préservation des annuités des classes inférieures. Là, ça ne vous fait rien du tout et vous laissez ça comme ça ! Qu'on s'attaque aux annuités en disant que le personnel de l'Etat est trop rétribué, qu'il gagne trop...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. Par contre, s'agissant des cadres, il n'y aurait pas de problème ? Effectivement, en ce qui concerne les socialistes, nous étions pour éliminer purement et simplement cette prébende donnée un soir à l'orée de Noël, le 18 ou le 20 décembre. Oui, c'était comme ça, Monsieur le président ! Nous sommes favorables à l'élimination de cela. Alors il y a une mesure qui est un pis-aller du président, que nous accepterons, évidemment: mieux vaut ça que rien du tout !
Le président. Il vous faut conclure.
M. Alberto Velasco. Il y a des gens qui ont reçu cette prébende sans la demander. La leur enlever maintenant, ça pourra poser certains problèmes, mais enfin, on doit quand même dénoncer de telles attitudes !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le premier vice-président, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, durant les travaux de la commission et en particulier durant les auditions auxquelles nous nous sommes livrés, nous sommes arrivés à un certain nombre de constats. Le premier constat est que manifestement, l'Etat n'est pas concurrentiel, du moins lorsqu'il s'agit d'engager des cadres relativement pointus ou, par exemple, des cadres supérieurs qui ont déjà fait une partie de leur carrière dans le privé. Le deuxième constat est que si l'Etat est généreux par rapport au privé - on peut le dire - avec certaines classes de fonctions se situant dans la fourchette moyenne ou basse, il ne peut pas l'être pour des cadres supérieurs très qualifiés et il fait face ici à une très forte concurrence, que ce soit dans l'administration en général ou pour les médecins dont on vient de parler, notamment par rapport à des hôpitaux comme le CHUV ou celui de Zurich. Je ne parlerais toutefois pas ici d'arrosage - le mot a été utilisé par M. Deneys tout à l'heure - puisque ces indemnités ne sont pas données à tout le monde et doivent correspondre à un certain nombre de critères. C'est vrai, le chef du département l'a reconnu en séance: certains dossiers pouvaient prêter à certains doutes et il s'agira dorénavant de mieux cadrer les choses, afin que le quatorzième soit réellement mérité. Une suppression de ce quatorzième salaire aurait des conséquences graves sur la motivation et sur la qualité des prestations des personnes qui seraient concernées. En matière de ressources humaines, c'est relativement bien connu et toutes les études le prouvent: ce n'est pas forcément une augmentation de salaire qui motive les gens, mais une diminution de salaire est un critère de démotivation important, quelle que soit la quotité de la diminution appliquée. Comment, en effet, expliquer cela à des cadres que vous avez engagés, que vous avez attirés d'un autre secteur où ils étaient éventuellement mieux payés ? Vous leur avez fait miroiter des avantages comme une bonne caisse de retraite et, éventuellement, un quatorzième salaire, pour leur annoncer après quelques années que, ma foi, tant pis, en raison d'une décision du Grand Conseil, cette indemnité... (Commentaires.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Deneys ! ...cette indemnité serait purement et simplement supprimée, alors qu'elle leur avait été accordée par ce même Grand Conseil et non pas, comme le prétend M. Velasco, un soir de lassitude, au bout d'un débat interminable.
Nous sommes également en plein contexte des fameux acquis. Durant les débats que nous avons consacrés au budget, la gauche nous a beaucoup parlé des fameux acquis absolument intouchables. Là, nous nous trouvons en face d'une certaine forme d'acquis, mais, évidemment, pour la gauche, ces acquis n'ont vraisemblablement pas la même valeur selon qu'il s'agit de cadres supérieurs ou des fonctions plus modestes. Dans ce contexte, le conseiller d'Etat a proposé au nom du Conseil d'Etat un amendement général avec les objectifs qui ont été détaillés par le rapporteur de majorité, je n'y reviendrai pas.
La conclusion du groupe démocrate-chrétien est d'entrer en matière et d'accepter le projet de loi, mais bien tel qu'il est sorti des travaux de la commission. Cela évitera de créer une distorsion entre des cadres de l'administration et des cadres des HUG, une distorsion inégalitaire qui serait extrêmement mal comprise. On attendra ensuite l'entrée en vigueur de SCORE afin d'arriver à des critères d'attribution qui soient plus clairs et plus transparents.
M. Pierre Conne (PLR). J'aimerais qu'on fasse un tout petit peu d'histoire, pour vous dire premièrement qu'il ne s'agit pas d'un quatorzième salaire. Vous ne trouverez ça dans aucun texte, c'est une invention de je ne sais pas qui, première chose ! Ensuite, d'où vient cette augmentation de 8,3% des salaires ? Elle vient des débats de 2008 sur la loi sur le treizième salaire. Dans le cadre des travaux de la commission des finances, sur proposition de l'administration, avait été présentée la comparaison de la progression des salaires à Genève par rapport aux autres cantons, dans la fonction publique et dans le privé. Et le constat avait été que la progression des salaires était la plus faible dans la fonction publique à Genève entre les basses classes et les classes plus élevées. L'introduction d'un treizième salaire allait aplatir encore plus cette courbe de progression, et c'est M. Hiler lui-même qui a proposé cette augmentation de 8,3%, de manière à éviter que cette situation ne s'aggrave avec l'introduction du treizième salaire; effectivement, il l'a proposé en disant qu'à partir de 2010, si la nouvelle grille des salaires n'était pas introduite, à ce moment-là, on devrait avoir une prime de 8,3% pour les cadres supérieurs. Vous pouvez revoir le rapport de la commission des finances à ce sujet. Ce n'est donc pas une prébende inventée à la dernière minute ni un coup de Jarnac, comme le disait tout à l'heure M. Velasco; c'est un rétablissement, légitime et équitable, de la progression des salaires pour la fonction publique. Pour cette raison, le PLR refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Lionel Halpérin (PLR). Pour replacer dans son contexte ce qu'on est en train de voter aujourd'hui, il y a une position, celle du parti socialiste, ou en tout cas de certains de ses membres, qui consiste à dire qu'à partir du moment où une tête dépasse un tout petit peu et que quelqu'un touche un salaire un peu meilleur qu'un autre, alors c'est bien de lui couper la tête; que c'est probablement mieux comme ça, parce que tout le monde est à égalité quant aux salaires. C'est au fond la volonté du parti socialiste et c'est celle-là que nous combattons. Le fait est qu'à partir du moment où cette augmentation de salaire avait été décidée, il fallait vérifier si elle était utile et si elle fonctionnait bien. Si elle ne fonctionnait pas bien, il était effectivement légitime de la remettre en question. C'est dans le cadre du projet SCORE et de toute la réflexion à mener sur les salaires que cette réflexion aurait dû et devrait être menée. On doit réfléchir et repenser la grille salariale de manière générale. Ce qu'on essaie de nous faire faire ce soir, c'est au contraire de discuter en regardant la grille salariale par le petit bout de la lorgnette, avant même qu'on se soit lancé dans ce projet de réforme SCORE, avec pour conséquence de démotiver l'administration. En réalité, on est en train de saborder le fonctionnement de l'Etat et ce n'est pas un bon projet. C'est pour cela que nous refuserons l'entrée en matière.
Cela dit, je note qu'un amendement a été déposé par MM. Deneys et Stauffer; il s'inspire directement d'un amendement que j'avais moi-même déposé en commission pour dire qu'il fallait protéger les médecins, et pas seulement les médecins, mais aussi le personnel académique de l'université. Parce que les uns comme les autres doivent être les meilleurs possible et qu'il faut pouvoir attirer les meilleurs à Genève. Ce n'est pas rendre service à la qualité de notre médecine, ni à la qualité de nos prestations universitaires que de nous priver de cette possibilité-là. Ayant remarqué que l'amendement ne visait que les médecins, nous avons déposé un sous-amendement qui visait à rétablir les choses, c'est-à-dire à intégrer également le personnel académique. Ce n'est pas la solution idéale pour le PLR qui préférerait ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, parce qu'il faut réfléchir dans la globalité, mais si on le fait, préservons au moins de manière aussi large que possible les professions académiques qui sont au coeur du fonctionnement de notre cité et dont on doit autant que possible maintenir l'excellence. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous m'appellerez Copperfield, ce soir, vous savez, ce magicien qui veut modifier les choses, changer les équations. J'ai le grand plaisir de vous annoncer que notre excellent rapporteur de majorité Jean-François Girardet deviendra ce soir rapporteur de majorité...
Une voix. Minorité !
M. Eric Stauffer. Non, non ! Majorité ! Il deviendra rapporteur de la majorité. Et, la magie, c'est que M. Deneys se retrouvera aussi dans la majorité. Vous voyez comme tout arrive dans ce parlement ! Et voilà !
J'aimerais dire, pour être un tout petit peu plus sérieux, qu'il y a effectivement des arguments qui font sens. Le quatorzième salaire était un peu un sujet tabou, c'est vrai, nous l'admettons bien volontiers, au Mouvement Citoyens Genevois. Mais comme nous sommes soucieux d'une équité par rapport aux responsabilités, nous disons que le quatorzième salaire n'est pas du tout équitable. Vous avez des hauts fonctionnaires de l'Etat qui dirigent 1900 personnes, d'autres un millier et d'autres sept ! Et encore, on pourrait presque les diviser par deux, c'est sur le papier qu'ils dirigent sept personnes. Or, ils touchent exactement la même indemnité ! Là, effectivement, il y a un problème. On est bien d'accord que, dans la motivation, ça devient une rente de situation et nous, on n'aime pas vraiment ça, au Mouvement Citoyens Genevois. Le Mouvement Citoyens Genevois a donc décidé de mettre un terme à l'ère du quatorzième salaire, et c'est ce que nous allons faire ce soir !
Maintenant, certains services du grand Etat doivent demeurer des pôles d'excellence et le changement serait par trop brutal si on l'assimilait aux exemples que je viens de vous donner. Le Mouvement Citoyens Genevois dépose donc un amendement - vous l'avez déjà reçu - qui dit que, pendant une période transitoire allant jusqu'en 2017 au maximum, le conseiller d'Etat en charge des Hôpitaux universitaires de Genève devra modifier la grille des rétributions pour qu'il n'y ait plus de quatorzième salaire; charge au Conseil d'Etat de refaire cette grille des salaires en incluant par exemple - je donne quelques pistes - des primes d'encadrement pour que les gens comme les médecins qui ont des spécificités que nous recherchons pour notre magnifique hôpital universitaire de Genève ne soient pas tentés d'aller dans le privé parce que les salaires y seraient meilleurs. Et s'il y a un endroit à Genève où nous devons maintenir des rémunérations qui sont proches de celles du privé, c'est bien aux Hôpitaux universitaires de Genève, mais, encore une fois, pas de manière automatique, de manière ciblée: pour cela, nous faisons confiance au conseiller d'Etat Mauro Poggia. Alors j'enjoins à la minorité restante, ce soir, de rallier la majorité et de voter l'abolition du quatorzième salaire...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure ! ...de soutenir l'amendement déposé par mon collègue Roger Deneys et moi-même et de refuser l'amendement déposé par M. Halpérin.
Une voix. Le sous-amendement !
M. Eric Stauffer. Le sous-amendement, effectivement. Comme ça, nous pourrons avancer dans la machine Etat, réaliser des économies substantielles et, surtout, réparer une iniquité par rapport à ceux qui ont de vraies responsabilités.
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. J'ai dit !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le moins qu'on puisse constater ici, c'est qu'il y a deux poids deux mesures; cela a déjà été mis en évidence tout à l'heure. Il y a moins d'une semaine, ceux-là même qui refusaient de rétablir les 75 F manquant à des gens bouclant leur budget avec environ 2800 F par mois défendent aujourd'hui le quatorzième salaire de fonctionnaires de la classe 27 et plus dont le salaire débute à 144 000 F par an, rappelons-le, soit près de 11 000 F par mois ! Il faut juste prendre acte de cette différence et du fait que la réalité des uns n'est de loin pas celle des autres.
Je veux simplement rappeler qu'en 2008, alors que la fonction publique ployait déjà sous la charge, que les effectifs étaient réduits, que la fonction publique et le service public étaient sous pression, ici, dans ce même parlement, on octroyait une augmentation de salaire de 8,3%. Oui, 8,3% alors qu'on demande aux autres de se serrer la ceinture ! Là, les chantres de la politique d'économie budgétaire, on ne les entend pas pérorer sur cette question !
J'aimerais rappeler que cette mesure est inéquitable; c'est une inégalité de traitement, parce qu'on nous a beaucoup parlé de la motivation des cadres, qu'il fallait absolument préserver et encourager par le maintien de ce quatorzième salaire, de cette augmentation de salaire de 8,33%. Et la motivation des autres, de la base, de tous les membres de la fonction publique et du secteur subventionné ? La motivation de ceux-là sans qui le service public ne pourrait être assuré n'est-elle pas importante ? Avec eux, on n'hésite pas: on réduit non seulement les effectifs, mais aussi les moyens dont ils disposent pour répondre aux besoins de la population. Là, la motivation devient quelque chose de secondaire, et ce n'est pas acceptable; c'est injuste et c'est dommageable pour les finances de l'Etat.
Le Conseil d'Etat a présenté un amendement et, de son propre aveu, il a dit qu'il avait un effet quasi inexistant. Vous voyez donc bien le sort qu'on pourrait réserver à un amendement de ce type-là. C'est pourquoi nous entrerons en matière sur ce projet de loi, parce qu'il est important et qu'il tente de rétablir une certaine égalité de traitement pour l'ensemble du personnel de la fonction publique, pas simplement pour certains, pas simplement pour les hauts salaires. (Commentaires.)
Aujourd'hui, on nous présente un nouvel amendement. Il ne nous satisfait que très partiellement, parce qu'il préserve une catégorie de membres de la fonction publique, il préserve les avantages de certains, voire leurs privilèges, n'hésitons pas à les qualifier ainsi. En même temps, il permet de faire un pas vers l'égalité de traitement à laquelle nous aspirions, il permet de se rapprocher aussi du texte de loi, et c'est important, parce que la loi a été dévoyée, comme l'a expliqué M. Deneys tout à l'heure. Enfin, nous refuserons le sous-amendement présenté par le PLR, parce que ce n'est qu'une manière de réduire encore l'impact du premier amendement présenté par le parti socialiste et par le MCG. C'est pourquoi je vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi et à voter l'amendement de MM. Deneys et Stauffer. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Lisa Mazzone pour vingt-cinq secondes.
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste vous faire part de mon étonnement quant au discours pour le moins alarmiste de l'Entente sur les conséquences des décisions du Grand Conseil sur des salaires qui sont effectivement fixés dans une loi. Je n'ai jamais entendu de tels discours quand il s'agissait de couper l'annuité, ce que l'Entente décide de faire assez régulièrement ! Je rejoins donc ma préopinante sur le fait qu'il y a deux poids deux mesures. Alors un peu de cohérence !
M. Marc Falquet (UDC). C'est vrai que l'Union démocratique du centre a soutenu les mesures d'économies du Conseil d'Etat sur le social, mais là nous partageons totalement vos vues pour toucher aussi les gens les plus favorisés de l'Etat. Dire qu'on va porter préjudice aux gens qui sont déjà les mieux payés en leur enlevant un bonus, leur quatorzième salaire, alors que dans le privé le treizième salaire n'est déjà pas acquis et que les gens doivent se serrer la ceinture !
Je trouve que c'est grave de devoir motiver les gens, surtout les médecins qui ont signé le serment d'Hippocrate, ne l'oublions pas ! Ce serment a été modifié pour des raisons économiques, mais un ancien serment d'Hippocrate disait à la base: «Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.» Et aussi: «Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera.» Donc, si les gens partent parce qu'ils n'ont plus ce bonus, qu'on les laisse partir ! Moi, je préfère des gens qui soient vraiment au service de la communauté sans qu'ils aient besoin d'être motivés par un quatorzième salaire, ce qui est vraiment scandaleux à mon avis !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce que ce parlement s'apprête à voter me cause de gros soucis, franchement. Et je vais vous dire pourquoi... (Commentaires.) Je vais vous dire pourquoi ! Tout d'abord, il est très facile de mettre en rapport notre souci de rétablir les finances publiques cantonales et de faire des économies et - comme au marché de Brive-la-Gaillarde dans la fameuse chanson de Brassens, où tout le monde se réconcilie lorsqu'il s'agit de taper sur les rosses, en l'occurrence les policiers - de fustiger les collaborateurs, de taper sur ceux qui sont les plus formés et les plus responsabilisés de la fonction publique, celles et ceux avec qui nous travaillons en direct, celles et ceux qui ne comptent pas leurs heures, qui ne sont pas soumis au décompte des heures. Je peux vous le garantir... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Serge Dal Busco. Ecoutez celui qui vous parle, Mesdames et Messieurs les députés ! D'abord, il vous a écoutés religieusement et très calmement, et il parle avec la conviction de la connaissance que lui ont apportée ces douze à treize mois dans cette fonction. Ce sont des gens que l'on côtoie tous les jours et parfois même une bonne partie de la nuit lorsque c'est nécessaire. Je peux vous garantir que mon collègue ici présent et moi-même, nous savons de quoi nous parlons.
Que se passe-t-il avec l'échelle de rémunération actuelle, normale, dirais-je, celle qui est inscrite dans la loi de l'Etat de Genève ? Si on la compare - ce que nous avons fait - avec tous les autres cantons suisses, nous avons jusqu'à une certaine classe... (Commentaires.) Vous permettez que je vous explique la réalité - telle que je la vois moi, en tout cas ? Jusqu'à une certaine classe de salaire, en l'occurrence pour les salaires en dessous de cette classe, nous sommes très clairement concurrentiels par rapport aux autres cantons et par rapport au secteur privé. Cela ne veut pas dire dans l'absolu que ces salaires soient excessifs, mais nous sommes concurrentiels. En moyenne, nous sommes au-dessus, mais à partir d'un certain niveau et en particulier pour les collaborateurs qui ont des tâches dirigeantes, nous sommes très nettement en dessous. Les chiffres sont disponibles, vous pouvez les vérifier !
L'indemnité octroyée depuis 2009 - ce n'est pas un quatorzième salaire ! - vise à corriger cette anomalie et nous permet de garder dans notre administration des talents - Dieu sait si on en a besoin ! - et également d'en attirer. C'était le cas lorsqu'on a introduit, lorsque vous avez introduit cette disposition en 2008 ou 2009; il s'agit de gens qui pourraient gagner beaucoup plus d'argent. Cela concerne une administration que je connais bien, l'administration fiscale cantonale dont on a parlé tout à l'heure. Les mêmes bancs qui fustigent aujourd'hui les dirigeants de cette administration ont critiqué son manque d'efficacité. Je peux vous garantir que ces gens-là font un boulot fantastique; je parle en tout cas du département que je connais le mieux. Ces personnes-là, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous apprêtez à leur enlever quelque chose qui est une partie de leur revenu à l'Etat de Genève, peut-être pas uniquement. Toutefois, aujourd'hui, si vous l'enlevez, cela risque d'être une source non pas de démotivation mais de déconsidération. A l'heure où dans cette république et dans cette administration fiscale en particulier, nous avons besoin de toutes les énergies, nous demandons à ces personnes en charge de responsabilités de faire preuve d'inventivité, de créativité et d'un engagement encore accru parce que nous devons réformer cet Etat. Nous devons le rendre plus fort et plus souple en veillant à des prestations de qualité. Or, vous vous apprêtez précisément à faire exactement le contraire de ce qu'il faudrait. Je vous le dis de manière très solennelle au nom du Conseil d'Etat: réfléchissez bien ! Otez de vos réflexions des considérations autres que celles que je vous invite à faire, je vous en prie. Réfléchissez bien aux conséquences, d'autant plus qu'un amendement général que nous vous avons proposé a été voté, il y a eu une majorité pour cela en commission. Cet amendement prévoit de régir les mois qui vont s'écouler jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle réévaluation, d'une nouvelle grille salariale qui tiendra compte précisément dans chaque fonction des cahiers des charges, qu'elle soit dirigeante ou qu'elle ne soit pas dirigeante. On va affiner, pour chaque poste, et on va déterminer, pour chaque poste, au niveau du salaire et de la classification, si les personnes qui l'exercent sont dans une position de direction et si elles méritent en quelque sorte qu'on considère cette position avec les responsabilités qui vont avec.
C'est quelque chose sur quoi le Conseil d'Etat s'est engagé à aller vite. Nous vous avons promis de déposer à la fin de cette année un projet de loi qui va permettre pour chacune de ces fonctions un calibrage fin, précisément. Donc, franchement, ce que nous vous proposons avec cet amendement, avec cette loi issue des travaux de la commission, c'est précisément cette transition jusqu'à cette échéance toute proche. On a mis des limites: on ne va plus octroyer cette indemnité pour les nouveaux engagements. Les nouveaux collaborateurs engagés à partir d'aujourd'hui jusqu'à l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi sur SCORE vont entrer au service de l'Etat de Genève en connaissance de cause, en sachant quel sera leur traitement. Ce n'est pas du tout la même chose que pour ceux qui en bénéficient aujourd'hui.
S'agissant des amendements, nous sommes dans le premier débat. Je vous invite à entrer en matière et à voter le projet de loi tel qu'issu de la commission. En ce qui concerne les amendements, Mesdames et Messieurs, il est de la responsabilité du Conseil d'Etat d'organiser son administration de la manière adéquate. Il est assez cocasse d'entendre M. le rapporteur de minorité fustiger les Hôpitaux universitaires de Genève en disant qu'on s'est livré à je ne sais quelles manoeuvres et soutenir aujourd'hui un amendement qui conserve précisément cette prérogative dans les Hôpitaux universitaires de Genève ! Ensuite, d'autres amendements viennent proposer la même chose avec je ne sais quel autre secteur - oui, en l'occurrence, le secteur académique. Mais enfin, qu'est-ce que c'est que ce marchandage ? Qu'est-ce que vous faites avec d'autres services, d'autres directions qui méritent tout autant ?
Franchement, Mesdames et Messieurs les députés, encore une fois, je vous dis que la proposition qui vous est faite provient du Conseil d'Etat et que c'est une bonne proposition. Elle est limitée dans le temps et le Conseil d'Etat est décidé à réévaluer complètement ces fonctions. Tout cela sera intégré dans un système cohérent qui ne souffrira d'aucune critique, je peux vous l'assurer. Encore une fois, réfléchissez bien avant de voter sur cette question. Votez le projet de loi raisonnable qui sort de commission, sinon, cela risque de nous causer de gros problèmes avec notre administration, celle précisément que l'on appelle maintenant à plus d'engagement, à plus de motivation, à plus de travail, à plus d'inventivité, à plus de créativité et à plus d'agilité, comme nous l'avons précisé dans notre programme de législature. Je vous remercie de nous suivre dans ces conclusions. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc vous faire voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11328 est adopté en premier débat par 63 oui contre 26 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de MM. Stauffer et Deneys que vous avez tous dû recevoir à vos places, mais je vous fais d'abord voter l'abrogation de l'article 23A, puis nous passerons au sous-amendement de MM. Conne et Halpérin. Monsieur le conseiller d'Etat, vous voulez reprendre la parole sur l'abrogation de l'article 23A ?
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Je voudrais vous dire à propos de cet amendement que le charcutage - pardonnez-moi l'expression - ou cette espèce d'arrangement consistant à faire du bricolage est précisément une chose à ne pas faire, parce que ce que nous voulons, c'est donner de la cohérence à notre échelle des traitements. C'est ce que nous allons engager avec le projet SCORE, précisément, et aller dans le sens de privilégier les uns au détriment des autres, ce n'est pas souhaitable. Je vous invite donc à refuser cet amendement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, je vais donc faire voter l'assemblée sur l'abrogation de l'article 23A.
Mis aux voix, cet amendement (abrogation de l'article 23A) est adopté par 58 oui contre 28 non et 3 abstentions.
Le président. Nous passons donc au sous-amendement de MM. Conne et Halpérin, qui consiste à insérer à l'article 23B, après «jusqu'au 31 décembre 2017», les mots suivants: «le personnel académique de l'université de Genève y compris les médecins des HUG exerçant une fonction académique, dès la classe 27». (Remarque.) Non, vous n'avez plus de temps de parole. Je donne une minute aux rapporteurs.
M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'étais étonné de ne pas pouvoir m'exprimer sur le premier amendement, parce que j'aurais pu éviter de m'abstenir puisque je suis représentant de la majorité, et la majorité refusait normalement cet amendement. J'aurais pu expliquer ma position et celle de ceux qui le refusaient, éventuellement, pour dire que cet amendement avait été présenté sans l'université, évidemment. L'amendement qui va être présenté par M. Deneys et par M. Stauffer pour le MCG a été présenté en commission, je l'ai dit: un PDC, trois PLR et trois MCG l'avaient soutenu, avec bien sûr l'exception pour les cadres non seulement des HUG, mais également de l'Université de Genève. On était donc très proche de ce qui est proposé dans l'amendement socialistes-MCG.
Par contre, je peux dire aussi que des erreurs ont été commises. Je ne vais pas prendre la défense du Conseil d'Etat, mais dans l'amendement général, il n'y a pas de maintien de ce quatorzième salaire puisque l'alinéa 2 prévoit que les nouveaux cadres ne touchent plus ce quatorzième salaire et qu'il serait retiré à ceux des cadres qui ne remplissent plus les conditions.
Je voulais également dire que, dans la perspective de l'élaboration de SCORE, ce principe d'indemnisation devrait être revu et corrigé, et il a également été confirmé qu'il y aurait éventuellement la possibilité de faire des contrats de droit privé pour mettre en valeur les fonctions avec charges administratives et de personnel des hauts fonctionnaires. Il faut constater que le versement de cette indemnité, aujourd'hui, induit une inégalité de traitement, et je crois que le Conseil d'Etat en était totalement conscient. C'est une inégalité de traitement entre les cadres supérieurs, du fait que cette indemnité est versée systématiquement, dès la classe 27, que le haut fonctionnaire dirige zéro, sept ou plus de collaborateurs subordonnés. Je pense que l'amendement général du Conseil d'Etat tentait de corriger cette inégalité de traitement.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'en déposant cet amendement qui concerne les HUG, le MCG et les socialistes font preuve d'un sens des responsabilités qu'il faut vraiment reconnaître dans ce Grand Conseil. Aujourd'hui, parmi les bénéficiaires de ce quatorzième salaire, il y a 63 médecins chefs de service, 68 médecins adjoints agrégés et responsables d'unités, 31 médecins adjoints responsables d'unités, 72 médecins adjoints agrégés. Ce sont les chiffres de 2012, cela a encore pu changer, et j'aimerais insister sur le fait que les HUG ont dévoyé le but de ce quatorzième salaire prévoyant une indemnité de 8,3% pour les cadres de la classe 27 exerçant des responsabilités hiérarchiques: Mesdames et Messieurs les députés, les HUG l'ont utilisé autrement, pour compenser des différentiels de salaires par rapport à d'autres hôpitaux universitaires.
Le sens des responsabilités des députés socialistes, MCG et de ceux qui soutiennent cet amendement, c'est de dire que nous ne voulons pas que des médecins compétents quittent l'hôpital cantonal, et nous demandons que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités pour établir une nouvelle grille salariale adéquate, appropriée, pour les médecins; et vous avez trois ans pour le faire avec cet amendement ! (Brouhaha.) Ce qui est bien suffisant, Monsieur le conseiller d'Etat ! Nous avons le sens des responsabilités et c'est pour ça que nous ne supprimons pas immédiatement cette catégorie de bénéficiaires !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Monsieur le président, selon les critères qui appartiennent aux auteurs de cet amendement, on devrait préserver l'indemnité pour cette catégorie de personnel, quand bien même on a fustigé l'attitude des HUG ? Mais quid d'autres collaborateurs tout aussi méritants, dans d'autres services de l'administration ? Je peux vous garantir que j'en connais quelques-uns ! Qu'allez-vous faire par rapport à ceux-là ? Vous allez leur enlever des éléments qui, en termes financiers, revêtiront une importance peut-être variable selon les individus, mais qui, en termes de considération, auront un effet dévastateur. Dévastateur, Monsieur Deneys ! Ce que j'essaie de défendre ici, c'est la qualité de notre administration et la motivation de gens sur lesquels nous comptons tous les jours et aussi parfois une partie de la nuit. Vous tenez des considérations qui ne reflètent absolument pas la réalité ! Monsieur le président, vous me pardonnerez de m'emporter quelque peu, je sais que ce n'est pas du tout ce qui doit être fait, mais c'est pour vous exprimer ma conviction qu'en votant ce projet de loi, vous voulez emprunter une fausse route ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie d'exprimer vos convictions, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais vous faire voter en premier lieu sur le sous-amendement de MM. Conne et Halpérin, que je viens de lire.
Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté par 68 non contre 17 oui et 3 abstentions.
Le président. Je vous fais voter l'amendement de MM. Stauffer et Deneys, dont voici la teneur:
«Article 23B Personnel médical (nouveau)
Dès l'entrée en vigueur de la présente loi et jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle évaluation des fonctions mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 2017, les médecins des HUG dès la classe 27 exerçant des responsabilités hiérarchiques peuvent percevoir une indemnité, égale à 8,3% de leur salaire annuel, versée en 13 mensualités. Le traitement, indemnité incluse, ne peut dépasser le montant correspondant à la classe 33, position 14, de l'échelle des traitements. Le Conseil d'Etat fixe par règlement la liste des bénéficiaires.»
Mis aux voix, cet amendement (création d'un article 23B) est adopté par 59 oui contre 25 non et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 11328 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11328 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 27 non et 4 abstentions.