République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1919-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition demandant le rétablissement des contrôles du trafic des marchandises aux frontières et le respect du cadre légal existant
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.
Rapport de M. Jean-François Girardet (MCG)

Débat

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat, la commission tient à soutenir la démarche des membres de la plate-forme du commerce. La commission a bien compris qu'une première sollicitation avait été transmise à Mme la conseillère fédérale Widmer-Schlumpf au début 2013. Elle estime toutefois que les effets escomptés n'ont pas été à la hauteur des espérances formulées par la délégation conduite par M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet. Il semble en effet que se soit installée une confusion des termes en usage suite aux accords de Schengen, et la réalité d'aujourd'hui, avec la baisse du franc fort liée à la décision de la BNS, nous démontre que la libre circulation des personnes est mal comprise: elle ne signifie pas la libre circulation des marchandises et des biens. Or, dans cette confusion, force est de constater qu'un certain laxisme se développe à la douane et que les contrôles sont moins fréquents. Par ailleurs, par manque d'information active aux douanes, personne ne connaît avec certitude les quotas de marchandises admis à l'importation, ce qui génère un trafic incontrôlé qui porte préjudice aux commerces genevois. Cette pétition demande donc de rétablir des contrôles du trafic de marchandises aux frontières dans le respect du cadre légal existant. Pour ce faire, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Boris Calame (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition 1919 est là pour nous rappeler que notre économie de proximité fait partie intégrante de notre quotidien. Il faut constater que lorsqu'un commerce ou une échoppe disparaissent, c'est une partie de l'âme d'un village ou d'un quartier qui s'en va. Nous sommes toutes et tous attachés à la vie de nos quartiers; nous souhaitons pouvoir trouver à proximité les produits ou autres services qui nous sont utiles, mais il faut aussi reconnaître que nous ne sommes pas toujours cohérents dans nos choix de consommation. Si nous voulons préserver notre économie locale, mais aussi les rencontres et le lien social de proximité qui se réalisent au travers de nos achats, nous nous devons de soutenir cette pétition et ses trois invites.

Il s'agit de rappeler, en premier lieu, que la libre circulation des personnes n'est pas un équivalent de la libre circulation des marchandises. Il y a des règles qui se doivent d'être respectées. Pour certains, la fraude vient d'une méconnaissance et il faut donc les informer. Mais pour d'autres, il s'agit d'une pratique régulière, voire d'une pratique professionnalisée; et ce n'est pas acceptable, car de nature à établir une réelle distorsion de concurrence, mais aussi une perte considérable pour les collectivités publiques, notamment en matière de TVA. Actuellement, il n'y a pratiquement plus de contrôles aux frontières terrestres; pour ma part, je n'ai pas souvenir d'avoir dû présenter mon passeport, mon coffre ou mon sac ces dernières années à un poste de douane, encore moins lors d'un contrôle mobile des gardes-frontière. Et l'auto-déclaration individuelle ne fonctionne pas, nous le savons trop bien.

Au-delà de cette réalité, la troisième invite de la pétition nous rappelle que les consommateurs de Genève réalisent aussi, au travers de leur acte d'achat de proximité, une démarche citoyenne. Chaque franc dépensé ici contribue à la pérennisation de nos commerces et entreprises, au maintien de l'emploi et plus encore, au financement de nos collectivités, qui nous offrent de nombreux services de qualité dont nous avons la chance de disposer aujourd'hui encore. Alors oui, aujourd'hui encore plus qu'hier, il y a urgence à agir. Le groupe des Verts vous encourage donc, pour Genève, à soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Jean Romain (PLR). Le PLR vous encourage aussi à transmettre cette pétition, comme le demande le rapporteur de majorité. Il y a quelque chose qui s'est dégradé dans le rapport de forces entre la Suisse et les frontières, évidemment en raison de la situation actuelle du franc. La parité du franc fait qu'on est encore plus incité à passer des marchandises. C'est absolument dommageable pour notre économie, et le PLR entend faire deux choses par le biais de cette pétition: d'abord, offrir un soutien à nos commerçants, à notre économie, et il est important, pour ce faire, d'avoir des règles très précises aux frontières. Quelqu'un a parlé de laxisme, il s'agit bien de cela. La deuxième chose, c'est l'information; il n'y a pas suffisamment d'information, et toute une série de gens pensent que, parce qu'il n'y a pas de contrôle des personnes aux frontières, cela leur permet de ne pas avoir de limites dans ce qu'ils peuvent importer. (Brouhaha.) Ces deux notions de contrôle et d'information à la population nous paraissent importantes, le PLR recommande donc ce que le rapport de majorité demande.

M. Antoine Droin (S). Cet objet tombe assez bien, parce qu'on est en plein dans l'actualité. Traiter cette pétition aujourd'hui est un vrai bonheur, puisque le changement de taux de change que nous subissons depuis dix jours maintenant constitue un vrai problème pour le commerce en général. C'est un problème des deux côtés de la frontière. La question du tourisme d'achat n'est pas nouvelle, mais elle s'amplifie de manière importante. C'est une responsabilité des consommateurs, avant toute chose, bien entendu, et c'est aussi une responsabilité des pouvoirs publics - M. Romain l'a soulevé - puisqu'il y a une question de sensibilisation des consommateurs. Mais c'est aussi une responsabilité des commerçants. Parce qu'aujourd'hui - et c'était déjà le cas en 2011 quand il y a eu la parité franc-euro - la diminution du prix des marchandises importées en Suisse n'a pas forcément été effective dans les commerces genevois ! Les commerçants genevois ne jouent donc pas toujours le jeu non plus et n'adaptent pas toujours les prix en fonction des taux de change. Partant de ce principe, on a une responsabilité collective dans cette problématique du tourisme d'achat dans la zone frontalière, et il s'agit donc bien du comportement de toutes et tous ! A partir de là, édicter des règlements ou faire des pétitions devient difficile parce que c'est une question de conscience personnelle. Notre groupe sera donc partagé sur la suite à donner à cette pétition; certains l'enterreront peut-être, et d'autres la renverront au Conseil d'Etat.

Une voix. Bravo !

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien va soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Nous sommes en effet très préoccupés - nous l'avons été dès le lancement de cette pétition, nous l'avons d'ailleurs dit dès le départ - par les conséquences... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...du tourisme transfrontalier, notamment sur les commerces de proximité. Il ne faut pas oublier que les commerces de proximité représentent aussi des emplois pour les jeunes et des postes d'apprentissage. Cela signifie que finalement, on attend aussi que ceux qui veulent des emplois et des salaires cohérents aient une sorte de démarche citoyenne et privilégient leurs achats de ce côté-ci de la frontière. Bien sûr, nous ne pouvons pas empêcher certains citoyens, parmi ceux-ci peut-être les plus défavorisés, de passer de l'autre côté de la frontière pour essayer de joindre les deux bouts. Mais il ne faut quand même pas perdre de vue l'importance du commerce genevois, également en termes de postes de travail et de places d'apprentissage. On a parlé tout à l'heure des commerçants qui ne jouaient pas le jeu; c'est possible, mais il ne faut pas oublier qu'il arrive que les commerçants suisses, pour les achats faits en Europe, paient un prix différent. Parfois même, leur prix d'achat correspond au prix de vente que l'on trouve dans le reste de l'Europe. Il y a donc aussi des importateurs et des fabricants, au-delà des frontières, qui ne jouent pas le jeu et qui profitent justement des ventes en Suisse, hors Espace économique européen, pour pratiquer des prix différents. Pour toutes ces bonnes raisons, Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien soutiendra cette pétition, comme je l'ai dit, et le renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe de l'Union démocratique du centre soutiendra bien évidemment le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Bien des choses ont été dites, je ne vais pas en rajouter, mais permettez-moi quand même de relever que si, parce que nous vivons dans un canton frontière, il peut y avoir des opportunités alléchantes de l'autre côté de cette frontière, par inverse d'autres opportunités encore plus alléchantes existent chez nous par rapport aux places de travail et aux salaires que l'on offre. Ce n'est donc pas parce que nous vivons dans un canton frontière que nous ne devons pas essayer de mettre un maximum de freins, de barrières, ou peu importe le terme; notre tissu local, notre commerce local, ne doit pas périr pour des faits économiques. Et comme l'a dit un de mes préopinants, ce qui se passe depuis dix jours avec le flottement du franc suisse est très grave pour tout notre commerce local. Le groupe de l'Union démocratique du centre vous enjoint donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur. En tant que rapporteur unique de cette pétition, je vois que les prises de position de chacun des groupes vont exactement dans le sens des conclusions du rapport, à savoir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Le but est que le Conseil d'Etat intervienne par tous les moyens auprès des autorités fédérales, pour qu'elles appliquent pleinement la loi sur les douanes et adaptent globalement l'effectif des gardes-frontière à l'augmentation non contrôlée des importations de marchandises et à l'augmentation de la fréquence des passages aux douanes. Dans la deuxième invite, nous demandons au Conseil d'Etat de prendre à l'intention des professionnels toutes les mesures permettant de réduire au maximum les distorsions de concurrence ainsi que de rétablir les conditions d'une concurrence loyale. Enfin, nous demandons au Conseil d'Etat de rappeler aux citoyens consommateurs, que nous sommes tous, que la libre circulation des personnes n'est pas synonyme de libre circulation des marchandises, et que le respect des normes est essentiel à la prospérité de la Suisse et de Genève en particulier. Je vous remercie, Monsieur le président, et j'espère que le Conseil d'Etat suivra avec enthousiasme les recommandations de cette pétition.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1919 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 73 oui (unanimité des votants).