République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 janvier 2015 à 20h30
1re législature - 2e année - 1re session - 5e séance
PL 10949-A
Premier débat
Le président. Nous reprenons notre ordre du jour normal et passons au PL 10949-A. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat a étudié ce projet de loi en 2012, il y a donc un certain temps, et il s'agissait de se poser la question... (Brouhaha.) Bon, ça n'a l'air d'intéresser personne, Monsieur le président ! (Le président agite la cloche.)
Une voix. C'est l'émotion !
M. Roger Deneys. Exactement !
Le président. Est-ce que je peux vous demander un peu de silence, s'il vous plaît ?
M. Roger Deneys. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat s'est posé la question du service minimum au sein de la fonction publique en 2012 à l'occasion de l'étude de ce projet de loi 10949. Lors de ses travaux, la question de savoir s'il fallait une loi pour instaurer un service minimum s'est posée plus particulièrement à l'occasion d'un conflit social au sein des HUG, les Hôpitaux universitaires de Genève. Sans une décision très tranchée, puisqu'il y a eu un vote égalitaire avec six voix contre six voix, la commission ad hoc est arrivée à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire de voter un projet de loi pour garantir l'existence d'un service minimum là où c'était important. Le service minimum est aujourd'hui organisé de façon réglementaire et départementale et on peut se poser la question de savoir s'il faut un projet de loi. Le contexte de cet objet a hélas été un conflit aux HUG qui s'est envenimé, il faut le rappeler, à cause du comportement de la direction des HUG et de M. Gruson qui ont systématiquement dénigré les actions syndicales. Face à l'impossibilité de faire admettre son point de vue à la fonction publique, il a fait part de ses doléances au PLR notamment, utilisant une courroie de transmission assez habituelle dans ce Grand Conseil, malheureusement, pour faire proposer ce projet de loi sur le service minimum en disant: il faut que ce soit dans une loi !
Il est sorti des travaux de la commission ad hoc que le régime réglementaire est suffisant et que si une loi devait voir le jour, elle devrait certainement faire l'objet d'une discussion entre partenaires sociaux. Parce que ce n'était certainement pas en imposant un projet de loi avec une manière unilatérale de voir le partenariat social qu'on allait apaiser les tensions au sein de la fonction publique, en particulier dans les établissements où des économies ont été faites tous azimuts au détriment des collaborateurs les moins bien traités.
Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que la question reste posée. D'ailleurs, un autre projet de loi a été déposé par rapport à cet objet, mais il est aussi certain que ce projet de loi, dans son contexte, tel qu'il a été formulé, ne permettait pas de dégager une majorité au sein de la commission ad hoc pour prétendre régler la question du service minimum de façon légale, surtout que la formulation du texte est considérée comme une provocation par les représentants de la fonction publique.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. Dans ces conditions, pour nous, il n'est pas question d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Chers collègues, je rejoins le rapporteur de majorité sur ce point et je pense qu'il faut essayer de prendre un peu de hauteur et de recul; il ne s'agit pas simplement de surréagir à un certain nombre de manifestations, mais, tout de même, de reconnaître que si l'on parle de service public, on parle de servir la population, dans des conditions définies par le cadre légal. La population est en droit d'avoir l'assurance d'un service minimum dans les domaines qui font partie des tâches de l'Etat, comme la sécurité, les soins, les transports, l'énergie, l'approvisionnement en eau potable, le traitement des eaux usées, le traitement des déchets, et il y en a peut-être d'autres. D'ailleurs, les constituants ne s'y sont pas trompés, puisque à l'article 37 de la constitution genevoise adoptée le 14 octobre 2012, nous lisons à l'alinéa 2: «La loi peut interdire le recours à la grève [...] ou limiter son emploi afin d'assurer un service minimum.» La minorité - mais une minorité fort peu minoritaire, comme vous l'avez rappelé, puisque le résultat du vote à l'issue des travaux de la commission était de six voix contre six - considère donc que la nécessité de légiférer fait suite à la volonté constitutionnelle.
D'ailleurs, certains ne s'y sont pas trompés, puisque, comme le rapporteur de majorité l'a signalé, d'autres projets de lois sont déjà en traitement ou vont être traités par la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Je le rappelle brièvement, il y a tout d'abord le PL 11574 dont le premier auteur est Patrick Lussi, qui propose un article constitutionnel allant plus loin que la formulation potentielle de la constitution - disant que «la loi peut interdire» - pour introduire une formulation selon laquelle, dans le cadre du droit de grève, le service minimum doit être garanti. Un autre projet de loi visant à introduire le service minimum est le PL 11581 qui a Nathalie Fontanet comme première signataire. Ce projet propose également un service minimum dans le cadre des services des transports. (Commentaires.) Ce que nous proposons, c'est de reprendre le débat sur le fond, sur la question de la manière de légiférer pour donner suite à la constitution, sur cette question du service minimum dans la fonction publique; et, pour cela, de renvoyer ce projet de loi à la commission ad hoc, de sorte que l'ensemble des projets qui concernent ce thème puissent y être traités ensemble.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Alberto Velasco. (Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'interviens en tant que président de la commission ad hoc...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Vous avez demandé le renvoi en commission ?
M. Alberto Velasco. C'est au nom de la commission ad hoc que j'interviens pour vous dire qu'à sa majorité, elle a demandé un renvoi en commission, puisqu'il y avait deux autres objets à discuter.
Le président. Les rapporteurs pouvant s'exprimer, vous avez la parole, Monsieur Deneys. Je vous prie de m'excuser.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Franchement, à titre personnel... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence, Mesdames et Messieurs ! Je vous prie d'écouter le rapporteur de majorité !
M. Roger Deneys. Monsieur le président, je m'exprime en tant que rapporteur de cet objet. Comme l'a dit le rapporteur de minorité remplaçant, il y a deux autres projets de lois dont un est le fait de Mme Fontanet, déjà auteure de l'objet qui nous intéresse aujourd'hui. On peut se poser la question, mais ce devrait être une question à se poser sans réaction émotionnelle. La réalité est que ce projet de loi a été rédigé après une grève aux HUG et les deux autres après une grève aux TPG. Alors si le but de ces textes est un règlement de comptes avec les collaborateurs de la fonction publique qui expriment leur mécontentement, honnêtement, je pense que ce n'est pas une bonne solution. En réalité, ce sont bien les partenaires sociaux, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, le Cartel et les associations syndicales qui devraient trouver une solution ensemble et venir ensuite devant notre Grand Conseil pour nous proposer cette solution, que nous devrions ensuite valider. Ça ne devrait pas se passer dans l'autre sens, si on veut respecter le partenariat social; ce n'est pas aux députés de légiférer en premier, avant qu'il y ait un accord entre partenaires sociaux. A titre personnel et en tant que rapporteur, je suis pour qu'on traite cet objet ce soir et qu'on ne le renvoie pas en commission, parce que, comme pour les deux autres objets, c'est agir dans l'émotion et pas du tout avec une réflexion sur le fond.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le rapporteur de minorité, voulez-vous vous exprimer sur le renvoi ?
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je m'exprimerai volontiers sur le renvoi, c'est moi qui l'ai demandé !
Le président. Justement, est-ce que vous voulez vous exprimer à nouveau ?
M. Pierre Conne. On peut tirer en longueur la question de savoir si on est dans l'émotionnel ou pas. Je dirai comme boutade que c'est quand même l'émotion qui fait évoluer l'humanité, ce n'est donc pas forcément toujours négatif. Ça, c'est ma première réaction. Ma deuxième réaction consiste à dire que le projet de loi dont nous parlons aujourd'hui a été déposé en 2012, de l'eau a coulé sous les ponts depuis...
Une voix. Il faudrait le retirer ! (Commentaires.)
M. Pierre Conne. Le travail important fait par la même commission mérite d'être capitalisé; à mon sens, il serait souhaitable que le parlement puisse continuer à rester maître de ce processus législatif, et je maintiens qu'il est souhaitable et sage de renvoyer ce projet de loi à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Il y a une proposition de renvoi en commission car il y a d'autres objets sur le même sujet en traitement dans cette commission. C'est faire preuve de bon sens que de voter ce renvoi. Au nom du Conseil d'Etat, nous viendrons expliquer notre point de vue, notre manière de voir l'organisation d'un service minimum. Nous sommes en discussion avec nos collaborateurs de manière générale et avons pas mal de sujets de discussion, vous vous en doutez bien. Il nous semble effectivement que, dans le contexte général, il ne faut pas agir dans la précipitation, en tout cas pas dans l'émotion. Il faut faire preuve d'une certaine retenue, disons, et je pense que le renvoi en commission est tout à fait approprié, par rapport à la situation que nous vivons actuellement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc vous faire voter sur ce renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10949 à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est adopté par 60 oui contre 21 non et 4 abstentions.