République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 janvier 2015 à 20h30
1re législature - 2e année - 1re session - 2e séance
PL 10242-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Nous avons affaire, ce soir, à un projet doublement emblématique. Emblématique d'abord sur le fond, puisqu'il concerne un sujet que tout le monde connaît bien ici, c'est la Banque cantonale, qui comme vous le savez a eu un coût des plus importants pour notre canton, et qui a donné lieu à bien des soirées de débat dans ce parlement sur différents points la concernant. Emblématique aussi, Monsieur le président, parce qu'il souligne la lenteur de nos institutions. Vous le savez, il s'agit ici d'un projet de loi déposé il y a plusieurs années déjà, traité, comme vous pouvez le lire dans le rapport de majorité de mon excellent collègue Pierre Weiss, lors des séances des 2 et 16 juin 2010, ainsi que le 9 février 2011. On est maintenant en 2015, et on en discute encore. Le rapporteur de majorité disait d'ailleurs - vous me permettrez de le citer, c'est à la page 2: «...et portant aussi sur la convention de remboursement, conclue en 2005 entre la BCGe et l'Etat, et valable jusqu'au 10 mars 2015, "qui pourra faire l'objet d'une nouvelle négociation dès 2014", pour autant que celle-ci soit renégociée un an à l'avance.» Il ajoutait: «C'est dire si le moment du dépôt de ce rapport de majorité permet d'envisager cette échéance avec sérénité au cas où, d'aventure, le PL 10242 viendrait à être accepté par ce Grand Conseil.» Il disait cela en 2011, nous sommes en 2015, de sérénité il n'y en a évidemment plus du tout ! A l'époque, Mesdames et Messieurs, et vous le découvrirez en lisant cet excellent rapport de majorité, la majorité de la commission des finances avait proposé à ce Grand Conseil le refus de l'entrée en matière. Le principal argument, Mesdames et Messieurs, était fondé sur un avis de droit du professeur Daniel Guggenheim, dont vous me permettrez de lire la première phrase de conclusion, à la page 50 du rapport: «Pour les motifs exposés plus haut, le PL 10242 ne me paraît pas satisfaire aux principes fondamentaux de droit administratif.» C'est cet argument, Mesdames et Messieurs, qui avait conduit la majorité de la commission à proposer le refus de l'entrée en matière.
Un des autres arguments, vous pouvez l'imaginer, c'est évidemment le risque qui pourrait être supporté par la Banque cantonale. Vous le savez, en 2008, suite à l'affaire des subprimes, les autorités bancaires au niveau mondial ont obligé les banques de nos pays occidentaux à avoir un montant de fonds propres, en regard de leurs actifs, beaucoup plus important qu'il ne l'était à l'époque. Ces exigences ont été reprises par la FINMA notamment via les règles de Bâle III. Elles ont été encore accentuées après le dépôt de ce projet de loi et après son étude par la commission des finances, avec des nouveautés qui sont arrivées entre-temps; je pense notamment aux lois FATCA aux Etats-Unis, et au volant de liquidités imposé par la FINMA et par la Banque nationale suisse.
Un autre argument consiste à se demander quel est l'intérêt, Mesdames et Messieurs, d'augmenter les remboursements de la Banque cantonale à l'Etat si le projet de loi fait que les résultats de cette même Banque cantonale, étant donné que ses fonds propres doivent être plus importants qu'à l'époque, sont moins positifs, et donc que les dividendes ordinaires versés à l'Etat sont plus faibles qu'à l'accoutumée. Ainsi, les remboursements augmenteraient mais les dividendes diminueraient; cela ne paraît pas extrêmement intéressant. Néanmoins, Mesdames et Messieurs, au nom du groupe PLR, je vous fais la proposition, puisque finalement nous sommes en 2015 et à moins de deux mois du renouvellement de cette convention de négociation, de renvoyer ce projet de loi...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Yvan Zweifel. Ça tombe bien, j'y arrivais ! ...à la commission des finances, pour que nous puissions entendre le Conseil d'Etat et qu'il nous explique, puisqu'en 2014 il est censé avoir renégocié cette convention avec la Banque cantonale, ce qui a été renégocié, et que nous puissions connaître les nouveautés de cette convention de remboursement. Mesdames et Messieurs, je vous fais donc la proposition de renvoyer cet objet à la commission des finances. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons donc une demande de renvoi à la commission des finances. Monsieur Stauffer, vous pouvez vous exprimer sur le renvoi.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi en commission peut être une bonne chose, mais lorsqu'on veut tuer son chien, on prétend qu'il a la rage. Le rapporteur de majorité vous a expliqué que ce projet de loi avait déjà été débattu en 2010 et en 2011, et il vous a noyé de belles déclarations très techniques. On est en 2015, et moi je vais être beaucoup plus basique. La Banque cantonale de Genève - et ce n'est pas notre excellent collègue, ancien conseiller d'Etat, pourfendeur et sauveur de la BCGe en 2000, Christian Grobet, qui va me contredire... Oui, parce qu'en 2000 il y a eu une commission d'enquête parlementaire qui a procédé au sauvetage de cette banque. Alors on va passer les détails d'un procès au cours duquel on a su que des gens octroyaient des crédits pour des objets, avec des montants qui n'étaient pas du tout en corrélation avec les loyers à encaisser, ce qui signifie qu'ils savaient déjà, quand ils signaient ces actes de crédits hypothécaires, que le client ne pourrait jamais payer les intérêts... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. Je reviens sur le renvoi en commission - je vois qu'une ancienne membre du Bureau vous dicte votre conduite, Monsieur le président ! (Commentaires.) Ça m'amuse beaucoup, Madame Hirsch, mais peut-être voulez-vous remonter au Bureau...
Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! Merci de vous exprimer sur le renvoi en commission !
M. Eric Stauffer. Mais bien sûr. C'est ce que je suis en train de faire ! Donc, comme je le disais, on ne va pas revenir sur ce procès, on ne va pas revenir non plus sur les indemnités que ces mêmes banquiers inconscients... (Commentaires.) ...ont touchées de l'Etat après le procès parce qu'ils ont été blanchis - ils avaient apparemment agi de manière très intelligente et tout allait bien. Ce que je veux vous dire, c'est qu'aujourd'hui la BCGe gagne un peu plus de 100 millions par année...
Le président. Il vous faut conclure et nous dire si vous souhaitez renvoyer en commission.
M. Eric Stauffer. ...et sur les 2 milliards de dette qu'elle a, elle ne rembourse que 4 millions par année. Ça, c'est scandaleux; elle rembourse par le biais de dividendes, et l'Etat et les communes qui touchent ces dividendes doivent encore payer l'IFD là-dessus ! Donc on jette de l'argent par les fenêtres. Alors oui, Mesdames et Messieurs, nous aussi, au MCG, nous allons renvoyer ce projet de loi en commission, afin de voir encore combien d'années ce scandale de la BCGe auquel le Conseil d'Etat a procédé, et qui a augmenté la dette des Genevois... (Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, je vous remercie !
M. Eric Stauffer. ...va perdurer !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10242 à la commission des finances est adopté par 91 oui (unanimité des votants).