République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 décembre 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 15e session - 92e séance
PL 11536-A
Premier débat
Le président. Nous allons donc aborder le PL 11536-A, selon les procédures qui ont été adoptées. Je précise que le rapporteur de troisième minorité, M. Ducommun, est remplacé par M. Vanek. Pour le premier débat, le temps de parole est de cinq minutes par rapporteur et par groupe. Je passe la parole au rapporteur de majorité Edouard Cuendet.
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le privilège d'être le rapporteur de majorité sur ce budget... (Brouhaha.) Une majorité pas silencieuse, en tout cas ! Tout d'abord, je tiens à adresser mes remerciements appuyés au département des finances, et notamment à M. Pierre Béguet, qui a accompagné la commission durant ses très longs travaux et répondu aux innombrables questions et caprices des commissaires. Je crois donc que l'on peut être très reconnaissant envers M. Béguet et son équipe ! Je voudrais évidemment remercier également le secrétariat général du Grand Conseil, et tout particulièrement M. Laurent Koelliker, pour l'aide apportée à la rédaction de ce tentaculaire rapport de majorité. Pour rappel, ce rapport comporte quelque 640 pages et a dû être rédigé en deux jours top chrono, ce qui doit constituer un record en termes de production littéraire. Je demanderai d'ailleurs à mon collègue Ivan Slatkine de me confirmer cet exploit qui mérite presque de figurer au Guinness Book !
Après ces remarques préliminaires, je vais rentrer dans le vif du sujet, à savoir le budget 2015. On remarquera que jusqu'à présent on a surtout discuté de la rémunération de la fonction publique - et c'est vrai que c'est l'un des sujets qui nous a le plus occupés en commission durant les dizaines d'heures de débats - et qu'au fond on a assez peu parlé des prestations. Et s'agissant de cette rémunération, on ne peut évidemment pas passer sous silence les débrayages qui ont eu lieu ces derniers jours, avec un lancinant refrain de démantèlement de l'Etat et la mise en avant d'une prétendue situation difficile de la fonction publique en termes de rémunération. Mais ce n'est pas parce que l'on répète à l'envi ad nauseam une affirmation fausse que cela a pour effet de la rendre exacte si elle se fonde sur des chiffres à la base erronés !
Ce sera peut-être un peu aride, malheureusement, mais vous ne m'en voudrez pas d'apporter à titre préliminaire quelques chiffres, parce que je pense qu'il faudra qu'on les garde à l'esprit durant tous les débats qui vont nous occuper. Pour que les gens se rendent bien compte, il est question ici d'un budget de fonctionnement qui atteint le montant stratosphérique de 7,8 milliards de francs, pour une communauté d'environ 500 000 âmes. Je pense que par habitant cela doit être un record du monde absolu, et il ne faut donc pas perdre cela de vue. D'autre part, en ce qui concerne le petit Etat, s'agissant des entités non subventionnées - ce qui exclut donc l'hôpital, les EMS, etc. - on parle d'une masse salariale supérieure à 2,3 milliards de francs. En effet, dans le budget présenté par le Conseil d'Etat - et cela nous a frappés - il est question d'une masse salariale certes de 2,3 milliards, mais qui est en augmentation de 4,2% par rapport au budget 2014, comme on peut le voir à la page 464 du projet de budget. Si l'on met cette augmentation de 4,2% de la masse salariale du petit Etat en regard des prévisions les plus optimistes en termes de croissance économique, on s'aperçoit que ces prévisions indiquent 2%, 2,5%, voire plus récemment 2,8%, mais on est loin de ces 4,2% d'augmentation de la masse salariale. Je crois donc que cette augmentation n'est pas réaliste, qu'il n'est pas réaliste d'avoir une augmentation plus élevée que la croissance économique.
Comme cela a été relevé par le chef du département des finances, on a aussi constaté que, en termes salariaux, on ne peut pas parler de précarité pour ce qui est de la situation de la fonction publique, compte tenu du fait que le salaire médian se monte à 112 000 F et le salaire moyen à 117 000 F, alors que dans le privé le salaire médian s'élève à 86 000 F...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Edouard Cuendet. ...et le salaire moyen à 87 000 F. J'imagine que lors de toutes nos discussions on va nous rabâcher sans arrêt que l'on est face à un démantèlement de l'Etat, mais je pense que ces chiffres nous démontrent exactement le contraire. Ainsi, pendant cette soirée et la journée de demain, nous devrons sans cesse revenir sur ces chiffres pour rappeler ces vérités qui ont la dent dure par rapport à une versatilité politique qui est beaucoup moins exacte.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le travail budgétaire est chaque année un exercice difficile: le Conseil d'Etat présente son budget en septembre, à la rentrée, pour que nous le votions en décembre, ce qui représente une période de trois mois durant laquelle nous devons étudier un budget, qui tourne effectivement aux alentours des 8 milliards de francs pour le fonctionnement. Cet exercice est délicat, parce que les députés essaient d'une part de recueillir des informations - qu'ils ont déjà en partie au moment des comptes - d'autre part de vérifier quels sont les projets du Conseil d'Etat, ou encore de contrôler si les montants proposés sont bien réalistes. Au final, ils se retrouvent donc face à un exercice extrêmement délicat: le Conseil d'Etat propose un chiffre, un résultat final, et ils ne peuvent le péjorer. Ainsi, si l'excédent se monte à 4 millions de francs sur 8 milliards, eh bien les députés ne peuvent pas proposer un budget qui au bout du compte n'aurait que 3 millions de francs de résultat. C'est cette logique, qui a été voulue par la majorité de la droite et de l'extrême droite de ce Grand Conseil, qui fait que l'exercice budgétaire est toujours extrêmement pénible, parce que lorsqu'on veut proposer ne serait-ce que 20 000 F de dépenses supplémentaires pour une subvention, par exemple, eh bien on doit trouver 20 000 F d'économies ailleurs. C'est un exercice complètement absurde, en réalité, parce qu'il est bien entendu que si tout était égal - le nombre d'habitants, la situation économique, etc. - on pourrait copier-coller le budget d'une année à l'autre, sans se prendre la tête, et ça marcherait toujours ! Mais le problème c'est que la réalité change, Mesdames et Messieurs les députés.
En l'occurrence, dans ce projet de budget - M. Cuendet l'a évoqué, et pour une fois je serais presque d'accord avec lui... (Remarque.) C'est presque la première fois ! Si vous prenez la page 626 du rapport sur le budget - cela figure dans l'une des annexes à mon rapport de minorité - vous verrez l'évolution des postes du projet de budget 2015 par rapport aux budgets 2013 et 2014, et on s'aperçoit que le Conseil d'Etat propose la création de 305 nouveaux postes. M. Cuendet et la droite viennent alors dire que l'Etat est donc en train de croître de façon démesurée et se demandent ce qui se passe, mais le problème c'est qu'en réalité le PLR ne s'oppose pas à ces postes ! Il les vote ! Il va peut-être même voter des amendements tout à l'heure pour augmenter le nombre de postes créés, parce que ces postes, où sont-ils ouverts ? Eh bien, je vous le donne en mille: il s'agit notamment de 116,3 nouveaux postes - équivalent temps plein - dans le domaine de la sécurité, à savoir au niveau de la police et des gardiens de prison. Ce sont 116 nouveaux postes créés ! Il y en a également 37,1 pour la justice - où de plus ce ne sont pas spécialement des bas salaires - et 85,6 pour la formation, mais ça on le savait en partie. Il y a donc trois politiques publiques dans lesquelles l'Etat décide de créer massivement des nouveaux postes, ce qui est peut-être une bonne chose que l'on peut souhaiter, car une partie de ce Grand Conseil l'a voté, une grande majorité de ce parlement s'est prononcée en faveur du mercredi matin, pour un coût connu de 20 millions de francs par an, mais toutes ces dépenses, certains les remettent en cause en partie au moment du budget, et d'autres pas. Ils viennent dire: «Oui, mais l'Etat est en train de croître de façon démesurée !» Mesdames et Messieurs du PLR et de la droite, venez donc couper les postes créés dans la sécurité et pour les gardiens de prison, si vous n'en donnez pas les moyens ! En effet, le paradoxe de cet exercice budgétaire, c'est que la création de 300 nouveaux postes ne se fait pas avec de nouvelles recettes. Or comment voulez-vous financer 300 nouveaux postes sans nouvelles recettes ? Alors on supprime l'annuité et on diminue les prestations aux plus démunis, typiquement le subside de l'assurance-maladie, qui est versé à des personnes dont le revenu annuel est inférieur à 29 000 F à Genève. Eh bien on va supprimer ces 40 F pour pouvoir financer de nouveaux postes de policiers et de gardiens de prison ! C'est ça la réalité de ce budget, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la réalité de ce budget du Conseil d'Etat, et c'est ce qui pose problème. Si les députés ont des velléités de nouvelles dépenses, ils doivent trouver des économies; ici, le Conseil d'Etat nous propose une équation de départ qui n'est pas correcte, qui n'est pas respectueuse des enjeux de Genève, parce qu'on voit très bien où mène l'exercice et, M. Dal Busco l'a évoqué tout à l'heure...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...c'est à des coupes encore plus grandes l'année prochaine que mènent la reprise de ce plan de mesures pour amplifier ces effets envers les classes moyennes et la fonction publique ainsi que l'engagement de nouveaux postes dans la sécurité, notamment de gardiens de prison et de policiers. Donc sans nouveaux moyens, ce budget n'est pas réaliste, il n'est pas réaliste à long terme, et je vous invite par conséquent à refuser l'entrée en matière sur ce projet de budget.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi tout d'abord me joindre aux remerciements exprimés par M. Cuendet à l'égard des collaborateurs du département des finances et du secrétariat général. La qualité du travail de ces personnes est un point sur lequel nous sommes effectivement d'accord !
Lors du dépôt du projet de budget par le Conseil d'Etat, les Verts avaient déjà exprimé un grand mécontentement par rapport à ce projet. En effet, ce budget, qui nous était annoncé comme un budget d'austérité, faisait et fait peser le poids des économies sur la classe moyenne - en particulier les familles - et sur les personnes les plus démunies de Genève, à savoir celles qui sont au bénéfice de l'aide sociale. Les Verts dénoncent donc le fait que ce budget, qui n'est pas un budget d'austérité, prévoie des coupes aussi dures pour ces classes-là de la population. Car, je le répète, ce n'est pas un budget d'austérité, puisqu'il comprend une augmentation de plus de 300 postes au sein des employés de l'Etat, comme vient de l'indiquer M. Deneys.
Les Verts ont donc dénoncé un projet inéquitable: la rigueur pour les uns et l'opulence pour les autres, en particulier pour les politiques liées à la sécurité et au domaine pénitentiaire. Nous déplorons vivement les mesures antisociales qui ont été décidées, à savoir les baisses des subsides de l'assurance-maladie, la division par deux du supplément d'intégration de l'aide sociale et l'augmentation des taux d'effort pour le logement subventionné. Les Verts déplorent également la coupe linéaire de 1% qui affecte les entités subventionnées et font remarquer ici que ce point est totalement lié au débat que nous venons d'avoir sur l'annuité. En effet, vous dites que voter une annuité, c'est faire peser de manière démesurée l'effort sur les entités subventionnées, or on réduit chaque année leur subventionnement ! Nous avions convenu d'une méthode dans ce parlement, à savoir des contrats de prestations sur quatre ans, mais nous ne tenons pas nos promesses: nous votons un contrat de prestations sur quatre ans et chaque année nous réduisons de 1% les subventions allouées aux entités subventionnées. Cela ne peut pas durer ! C'est non seulement regrettable pour ces entités, mais cela représente aussi une absence de choix politique, un manque de courage dans les décisions qu'il faut prendre au sein de ce parlement.
Les Verts ont également souligné au moment du dépôt du projet de budget le déséquilibre entre les coupes et la recherche de nouveaux revenus. Cet écart est d'autant plus frappant que les mesures qui nous sont proposées sur les revenus sont très souvent des artifices comptables et quelques réévaluations des émoluments. Comme nous étions déjà insatisfaits du projet de budget déposé par le Conseil d'Etat, nos griefs n'ont pu qu'augmenter suite aux travaux de la commission des finances, qui a manié avec beaucoup d'ardeur le ciseau. Aujourd'hui, les Verts s'opposent donc au projet de budget tel que sorti de commission. Tout d'abord, nous déplorons l'absence d'engagement écrit de la part du Conseil d'Etat à revenir sur un certain nombre de niches fiscales uniques en Suisse, et parfois même contraires au droit fédéral. De plus, nous ne pouvons accepter la coupe transversale qui a été votée en commission des finances. En effet, cette coupe transversale de 16 millions sur les charges de personnel pèse très durement sur le domaine de la formation au DIP, ainsi que sur les plus petits départements qui eux ont peu de postes à disposition.
Les coupes relatives à la politique du logement opérées par la commission des finances sont pour nous complètement incompréhensibles et également inacceptables. En effet, je crois que chaque parti dans ce parlement reconnaît qu'il y a une crise du logement à Genève et qu'il faut faire en sorte de pouvoir construire davantage, et voilà qu'une politique qui a déjà réalisé des efforts en matière d'économies subit encore en commission des finances une coupe de plus de 2 millions dans ses moyens lui permettant de mener à bien des projets importants pour l'avenir de Genève et de construire enfin. Si l'on veut que le canton puisse mener une politique foncière réelle et efficace, il ne faut pas commencer par couper dans ces moyens-là, c'est totalement inacceptable ! Les Verts déposeront donc un certain nombre d'amendements, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, lors du deuxième débat...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sophie Forster Carbonnier. C'est parfait ! Je termine ! ...et nous vous invitons à les suivre pour que ce budget devienne un tout petit peu plus social et plus responsable. (Quelques applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Droin, président
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de troisième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur s'interrompt.) Est-ce que ce micro fonctionne ? (Remarque.) Il faut que j'utilise celui-ci ? Très bien. Excusez-moi, je me sers d'un micro qui n'est pas le mien: il s'agit du micro qui est situé en face, mais les propos que je vais tenir seront bien les miens.
Le groupe Ensemble à Gauche a une position très claire dans cette affaire: dès le début nous avons dit que ce budget était un budget antisocial, un budget qui s'en prenait aux prestations sociales, qui s'en prenait au service public et aux travailleurs du service public, et notre posture n'a pas varié. On a entendu tout à l'heure un pitoyable show visant à justifier le non-respect par le premier employeur du canton - le canton lui-même - de ses engagements salariaux. J'ai parlé récemment avec un excellent ami à moi qui a la faiblesse d'être libéral et, puisque l'un de mes préopinants a cité sa voisine, je vais vous relater ce que cet ami m'a dit: «Mais jamais aucun employeur dans le secteur privé ne se permettrait de traiter ses employés de cette manière et de rayer d'un trait de plume les aspects contractuels auxquels il est engagé pour faire des économies !», comme on vient de le faire dans cette salle à raison d'une trentaine de millions sur les salariés de la fonction publique. Evidemment, ces coupes ne portent pas seulement sur les salaires et les postes de la fonction publique, mais également sur les prestations à la population, on l'a vu tout à l'heure, et je ne répéterai pas tous les éléments que ma collègue Jocelyne Haller a mentionnés bien mieux que moi s'agissant du refus de ces coupes dans certaines prestations sociales.
D'autre part, on nous fait des grands discours sur le secteur privé, on nous parlait tout à l'heure de salaire médian, etc., mais, bon Dieu, Mesdames et Messieurs, vous ne regardez pas ce qui se passe dans le secteur privé ! J'ai par exemple ici un document, qui se trouve être le bilan publié en septembre concernant les 300 plus riches personnes de Suisse. M. Cuendet, qui est en face de moi et qui s'y connaît en matière de personnes fortunées pour les fréquenter et pour être directeur de Genève Place Financière, n'est-ce pas, me disait qu'il s'agissait d'une saine et excellente lecture. Oui, mais ces lectures, que nous disent-elles ? Elles nous indiquent qu'à Genève il y a environ un millier de personnes - 982 - qui possèdent une fortune dépassant les 10 millions de francs. A combien, Monsieur Cuendet, ascende globalement la fortune de ce millier de multimillionnaires ? Je n'ai pas calculé le chiffre, je ne l'ai pas, car il est effectivement secret et clandestin, mais il est question de montants qui n'ont absolument rien à voir avec ceux dont on discute, avec les 30 millions qu'on vole ici aux travailleurs du secteur public, lesquels correspondent probablement à la fortune d'une ou deux de ces personnes. Il y a donc un flot d'argent à Genève, et on n'entend pas l'affecter ! On n'entend pas l'affecter à du travail utile, dans l'enseignement, dans la santé et dans l'ensemble des domaines dont s'occupe le secteur public, mais on entend raboter, mégoter et faire des économies. Alors évidemment ça suscite des mobilisations et des protestations, qui s'expriment massivement, notamment dans la rue. J'ai participé avant-hier à la manifestation non pas seulement des fonctionnaires mais également d'usagers, de citoyens solidaires avec la fonction publique et qui défendent leurs prestations sociales. Cette manifestation fait l'objet d'un tract de soutien qui est ici et dont je vous donnerai quelques extraits: ce sera plus intéressant pour vous que de m'entendre, puisque vous savez à peu près ce que je risque de dire ! Et ce tract est signé bien entendu par le PS, les Verts et Ensemble à Gauche, mais aussi par des associations d'usagers, l'AVIVO, des associations de retraités, des syndicats, la CGAS - soit la Communauté genevoise d'action syndicale, qui regroupe l'ensemble des syndicats, y compris du secteur privé - ainsi que par le SSP, le SIT, Unia, le SEV et toute une série d'associations et de bénéficiaires de prestations qui se sont mobilisés pour les défendre. Et ces gens-là disent qu'ils refusent ce qui constitue à leurs yeux - je suis désolé de contredire ma préopinante Verte - un budget d'austérité. Alors certes, si on le mesure...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...à l'échelle de l'austérité qu'on nous promet, si on laisse faire le Conseil d'Etat avec sa baisse de l'imposition des entreprises qui va creuser un trou de 400 à 600 millions dans les caisses publiques, eh bien en effet ce sera pire, mais ce n'est pas une raison pour accepter cette austérité qu'on commence à nous imposer aujourd'hui.
Il faut donc évidemment s'opposer à ce budget, comme l'ont fait dans la rue des milliers de personnes et comme le feront dans la rue des dizaines de milliers de personnes probablement dans les semaines et les mois qui viennent, parce que ce bras de fer n'est effectivement pas fini. Certains d'entre vous croient qu'il se terminera dans cette salle ce soir, demain ou après-demain, mais non, Mesdames et Messieurs, ce bras de fer social ne s'achèvera pas dans cette salle ce soir, demain ou après-demain: il se finira aussi par la mobilisation des citoyens, du personnel de la fonction publique, bien sûr, mais surtout et avant tout des usagers et des bénéficiaires de prestations sociales. Cette bataille-là, Mesdames et Messieurs, si nous ne la gagnons pas aujourd'hui, nous la gagnerons demain, parce que c'est une bataille au service de la majorité de la population, au service de ses intérêts, et c'est une bataille que nous menons de manière conséquente, contrairement à certaines autres forces comme le MCG. D'ailleurs, Mesdames et Messieurs, vous m'avez fait rire ! En effet, votre chef... Où est-il ? Il n'est pas là, dommage... (Commentaires.)
Une voix. Il est déjà parti en vacances !
M. Pierre Vanek. Ah, il est parti en vacances ! (Commentaires.) Alors pourquoi m'a-t-il fait rire ? Eh bien, en commission des finances où j'ai eu le plaisir d'assister à la dernière séance, ce garçon est venu et m'a littéralement fait rire de bon coeur et de bonne foi en expliquant qu'il allait s'opposer à ce budget détestable et rédiger un rapport de minorité pour exprimer son opposition, malgré le fait que son parti allait le voter. Puis il a changé d'avis, certains sont venus le calmer, etc., et on les a vus déposer des amendements et dire qu'ils défendraient les mécanismes salariaux de la fonction publique. Or tout à l'heure, cette brochette d'amendements du MCG - combien y en avait-il, Mesdames et Messieurs ? Un, deux, trois, quatre, cinq... (Remarque.) - est descendue à zéro ! Tout ça n'est donc pas très sérieux, Mesdames et Messieurs... Soyons-le un peu plus ! En tout cas, de notre côté, nous avons le mérite de la cohérence, de la continuité, mais aussi de faire par rapport à ce budget des propositions très constructives, très pratiques et très concrètes de recettes et de nouvelles recettes, un point sur lequel ma collègue Magali Orsini interviendra tout à l'heure. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est précisément à Mme Magali Orsini. Il vous reste deux minutes cinquante-deux, parce que votre préopinant a déjà bien entamé le temps de votre groupe.
Mme Magali Orsini (EAG). Oui, ça ne m'étonne pas de lui ! J'en suis tout à fait consciente ! (Rires.) Je vais donc tâcher de parler très vite pour quand même arriver à glisser deux ou trois mots.
Ensemble à Gauche a constaté d'emblée le caractère antisocial du budget 2015 présenté par le Conseil d'Etat et a trouvé inacceptables les propositions de mesures d'économies touchant l'aide sociale, telles que la diminution de 150 F, etc. Le Conseil d'Etat et quelques partis ont certes déposé plusieurs amendements, concernant notamment l'octroi d'une annuité partielle et l'amoindrissement de coupes dans le secteur social, mais cela n'a évidemment pas permis à notre groupe de voter en commission ce projet de loi, même amendé, tant reste criant le fait que tous les sacrifices sont demandés à la même catégorie de la population, c'est-à-dire les plus démunis. (Commentaires de M. Pierre Vanek.) Je suis vraiment désolée pour M. Vanek qu'on l'ait privé de parole au point qu'il se croie obligé de continuer à parler en même temps que moi... (Rires. Applaudissements.) Ça c'est pour faire plaisir à M. Cuendet, cette fois !
Le groupe Ensemble à Gauche répétera inlassablement que la situation actuelle des finances cantonales est due pour l'essentiel à des baisses d'impôts successives en faveur des plus fortunés du canton, qui peuvent être chiffrées à 8 milliards cumulés au cours des dix dernières années. Nous ne pouvons voter un budget qui ne propose aucun élément d'augmentation des ressources fiscales en lien avec les dépenses. Une fois de plus, une politique des caisses vides est manifeste de la part de la droite afin de réduire les prestations publiques. En effet, la droite a systématiquement refusé des sources de recettes faciles et immédiates, telles qu'une réévaluation des villas et appartements en PPE, laquelle aurait procuré plusieurs dizaines de millions et corrigé des inégalités flagrantes de traitement.
Et quant au fait que M. Slatkine nous a reproché de ne pas nous être jetés sur le contreprojet du Conseil d'Etat en matière de forfaits fiscaux, je voudrais lui rappeler que de toute façon il y avait des dispositions fédérales qui supposent désormais que le loyer soit multiplié par sept. Il est donc totalement inutile d'agir au niveau cantonal, puisque nous serons de toute manière obligés de le faire au niveau fédéral, en raison du droit supérieur.
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Magali Orsini. Je n'en doute pas un seul instant ! Je voulais parler longuement du projet de loi fiscale 11557 déposé par Ensemble à Gauche, qui revient dans un premier temps sur la baisse d'impôts de 12% survenue en 1999, mais j'expliquerai à une autre occasion d'où sortent les 8 milliards cumulés de baisse, c'est-à-dire 400 millions par an entre 2000 et...
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
Mme Magali Orsini. Exactement ! C'est donc pour ces raisons que le groupe Ensemble à Gauche ne votera pas le projet de budget qui lui est proposé aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). Pour l'UDC, la discussion sur le budget en commission montre les limites de notre système: trop de temps passé à discuter, à modifier et à amender. Il faudrait que les partis - si une majorité peut se dégager sur l'essentiel, ce qui paraît pensable - donnent un message plus clair au Conseil d'Etat sur les objectifs à atteindre afin que ce dernier nous concocte son menu. Et c'est avec un certain sourire que l'UDC, qui réclame en vain depuis des années des coupes linéaires dans le fonctionnement des départements, constate que le Conseil d'Etat, qui a toujours dénoncé ces coupes comme étant une fausse bonne idée, les trouve tout à coup intelligentes, puisque c'est lui qui les propose... Enfin, le résultat positif de 24 millions n'est peut-être pas brillant, mais c'est un petit pas encore modestissime dans la bonne direction.
Comme nous sommes inquiets pour notre république, car les nuages des difficultés financières commencent à obscurcir le ciel, nous n'avons pas refusé en commission des finances un budget largement amendé et tenant compte enfin des coupes que nous avions demandées. L'UDC n'a cessé de répéter qu'elle désirait un Etat fort mais qui s'occupe de ses tâches régaliennes avec le but qui lui est assigné: être au service de la population pour favoriser le développement de notre société dans le respect des lois et des règlements applicables à tous. Or force est de constater que les gouvernements, par confort et par paresse, ont transformé cet Etat en une machine monstrueusement compliquée, dévorant l'énergie de ses collaborateurs dans une multitude de tâches qui devraient leur être épargnées. Nous avons fabriqué un Frankenstein qui échappe à son maître...
J'ai entendu, stupéfait, sur les bancs de la gauche que la population doit s'adapter aux demandes de l'Etat. Eh bien l'UDC réplique que l'Etat doit se plier à la réalité du terrain et répondre aux besoins des citoyens. Voilà le vrai sens du service public.
D'autre part, la Cour des comptes met hélas souvent le doigt là où ça fait mal, en dénonçant des dérives et des dépenses qui coûtent inutilement des fortunes aux contribuables. Il n'y a qu'à voir le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'organisation du cycle d'orientation, c'est un véritable scandale !
De plus, l'UDC avait averti il y a des années que les caisses de pension étaient largement sous-capitalisées, mais on ne nous a pas écoutés. Dix ans plus tard, on voit le résultat. De la même manière et depuis des années, nous disons que nous allons droit dans le mur si nous ne sommes pas capables de réduire la voilure de l'Etat. Ce à quoi on nous rétorque: «Oui, mais la population a augmenté !» Or elle a augmenté de 13% en treize ans, alors que le budget de l'Etat s'est gonflé de 37% dans le même laps de temps. L'argent manque encore, et la dette explose. Où est la cohérence ? Quelle autre communauté dans le monde avec 470 000 citoyens a un tel budget ? Sommes-nous mieux servis qu'il y a treize ans ? Nous sommes à la croisée des chemins, et c'est le dernier moment pour choisir la bonne voie. Le Conseil d'Etat cherche sincèrement à sortir nos finances de l'ornière, nous voulons bien le reconnaître, et ce n'est pas parce que nous ne sommes pas représentés à l'exécutif que nous allons bêtement et systématiquement le critiquer. Genève a ses problèmes budgétaires et nous sommes tous dans le même bateau. Mais il faut impérativement que le Conseil d'Etat se rende compte que sa volonté de retrouver des équilibres ne pourra se réaliser sans une réforme en profondeur, où chaque service devra analyser la pertinence de ses actions et leur véritable utilité pour la population. Des choix douloureux devront être faits, des tâches abandonnées et confiées à d'autres entités. Sinon, c'est toute la fonction publique qui va se retrouver dans la plus grande difficulté, au détriment et des fonctionnaires et de la population. La dure réalité nous le dit clairement, nous n'avons plus d'autre choix.
En conclusion, l'UDC va entrer en matière sur ce projet de loi, mais son vote final dépendra des chiffres définitifs, lesquels doivent rester clairement dans le noir. L'UDC est disposée à faire preuve d'un peu de souplesse pour sauvegarder l'image du canton et, même si les comptes ne couvrent pas les investissements et augmentent encore la dette plus qu'abyssale du canton, nous sommes prêts à discuter. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG l'a dit dès le début, nous voulons réduire la voilure de l'Etat. Avec près de 8 milliards de budget et environ 2,2 milliards de masse salariale pour le petit Etat, pour un canton-ville de 500 000 habitants, nous n'avons pas d'équivalent à travers la planète. Si l'on y ajoute les communes et les établissements publics, nous arrivons quasiment à 5,5 milliards de masse salariale, toujours pour un canton-ville d'un demi-million d'habitants. Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque je donne ces chiffres à l'étranger, on ne me croit pas ! Nous avons, pour une ville d'un demi-million d'habitants, je le répète, plus d'argent que beaucoup de pays entiers dans leur budget de fonctionnement. (Remarque.) Certes, la Suisse a toujours eu cette gestion rigoureuse qui a fait notre fierté et qui aujourd'hui procure à Genève notamment un rayonnement international, lequel attire beaucoup d'entreprises. Mais, comme nous l'avons dit au Conseil d'Etat, puisqu'une révision est en cours au niveau de la Confédération, si la fiscalité des personnes morales, c'est-à-dire des entreprises, est harmonisée avec un taux d'imposition à 13%, cela va se traduire, à l'horizon 2017 - au maximum 2018 - par une baisse d'un demi-milliard pour le canton de Genève. (Remarque.)
Cela étant, que nous dit la gauche ? «C'est scandaleux de baisser les impôts ainsi !» Mais, sur un point, ils ne voient pas qu'ils sont en train d'abattre l'arbre sur lequel ils sont perchés. En effet, si les impôts pour les entreprises sont harmonisés à 20 ou 25% - ou 24%, comme c'est le cas aujourd'hui pour une partie d'entre elles - eh bien le jour où s'en iront les multinationales situées à Genève, lesquelles fournissent, en plus des emplois directs dans lesdites multinationales, 27 000 emplois indirects, notamment aux artisans et aux petites entreprises, que dira la gauche ? «Il faut encore augmenter les impôts ! Regardez, les multinationales sont parties, les méchantes, parce qu'elles devaient payer des impôts !» Et qui va trinquer, Mesdames et Messieurs ? Eh bien c'est la classe moyenne ! Or cette classe moyenne n'en peut plus aujourd'hui, et elle regarde avec anxiété ce qui se passe en France. Allez discuter avec des gens de la classe moyenne - s'il reste encore des personnes de cette espèce rare en France - et vous nous direz si le modèle socialiste est encore d'actualité ou si c'est un modèle du passé qui est définitivement révolu !
Alors oui, le MCG veut que le budget du Conseil d'Etat finisse avec un excédent, mais pas un excédent à la retirette qui se monterait à 200 000 F ou 800 000 F: avec un excédent de plusieurs dizaines de millions ! En effet, on le dit, gouverner c'est prévoir, alors prévoyez, Messieurs et Madame du Conseil d'Etat ! Et prévoyez à l'horizon 2017-2018, où vous devrez trouver ce demi-milliard. Le paradoxe que nous vend la gauche c'est que, s'il y avait une disposition cantonale pour harmoniser la fiscalité à 13% et que l'on se retrouvait avec 500 millions en moins pour Genève, ce seraient les impôts sur les personnes physiques qui viendraient compenser la baisse des impôts sur les personnes morales. Mais quel paradoxe ! Et là ce serait le triomphe d'une gauche qui dirait: «Vous voyez, les modèles économiques ultralibéraux ne fonctionnent pas !» Mais quand vous n'encaissez plus d'argent, vous n'avez plus rien à dépenser ! S'il n'y avait pas des entreprises florissantes, des personnes devenues riches ou des nantis venus à Genève, vous n'auriez pas un franc à redistribuer aux pauvres ! A part vos boniments, mais ils ne nourrissent pas les êtres humains...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs: aujourd'hui il nous faut faire des économies, nous devons prévoir ces économies, et j'invite les partis gouvernementaux responsables, comme le fait le MCG, à voter un budget juste. Nous, MCG, nous avons donné notre parole au Conseil d'Etat que, si les coupes opérées venaient à bloquer un service, nous octroierions des crédits extraordinaires en cours d'année par le biais de la commission des finances.
Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.
M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président ! Et là le signal donné au Conseil d'Etat sera clair et sans appel: gouverner c'est prévoir, alors prévoyons ensemble ! (Quelques applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne vais pas revenir sur tout ce qui a été dit. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, pour le parti démocrate-chrétien ce premier budget de la législature doit être une pierre angulaire pour la suite. Ça signifie qu'il est clair que nous voulons une réforme de l'Etat, une réforme des communes et une réforme de la fiscalité. On ne pourra pas faire moins, sinon on va droit à la catastrophe, et j'appelle tous les partis à suivre et à voter un budget. En effet, on est tous dans le même bateau et il ne s'agit pas de questions idéologiques. On doit être dans le même bateau pour soutenir la croissance économique de Genève et les emplois, qu'ils soient dans la fonction publique ou dans le privé. Il n'y a qu'une chose à faire, c'est suivre ce que dit M. Dal Busco depuis longtemps. En effet, s'il y a un ministre des finances qui se bat au niveau suisse pour essayer de faire comprendre aux autres cantons qu'on paie trop au titre de la RPT et que, au niveau de la réforme de la fiscalité des entreprises, il faut aussi aider le canton de Genève, c'est bien lui ! C'est un ministre qui se rend deux, trois, quatre fois par semaine à Berne et dans le reste de la Suisse allemande pour expliquer le particularisme de Genève, et il faut lui tirer notre chapeau. C'est quelqu'un qui est en train de préparer l'avenir et il vous demande de voter un budget. Ce dernier doit effectivement être positif, et là je rejoins tous les autres partis de droite: on ne peut pas accepter un budget négatif ! On doit avoir un budget positif, mais il n'empêche qu'on a la possibilité d'élaborer ce budget. Il faut donc arrêter de pleurer et de dire qu'on est dans une situation catastrophique ! On a une chance immense de vivre dans ce canton, de vivre en Suisse, on a une chance immense de toucher des salaires qui sont plus qu'intéressants, et pourtant les gens n'arrêtent pas de pleurnicher et de dire qu'il faut défendre ceci ou qu'ils ne sont pas d'accord avec cela. C'est comme pour le logement ! «Pas chez moi, un peu plus loin ! Non, je ne veux pas cela, etc.» Mais est-ce qu'on se responsabilise, Mesdames et Messieurs ? Est-ce qu'on veut aller plus loin ? Est-ce qu'on veut penser à l'avenir de nos gamins ? A force de vouloir toujours tout, le beurre et l'argent du beurre ainsi que tous les avantages possibles et imaginables, eh bien dans cinq ou dix ans on ne sera pas là à discuter de millions - du moins moi je ne serai plus là - mais à parler des 500, 600, 1000 ou 2000 postes qu'on supprimera à l'Etat, à la hache et sans discussion.
Quand on voit comme l'argent est dépensé au niveau de l'Etat mais aussi au niveau des communes - je m'excuse - on se dit que, nom de bleu, on n'a pas de soucis à Genève ! On n'a pas de soucis ! Alors moi je rejoins ce qu'ont dit MM. Leyvraz et Stauffer: maintenant on change ! Tout le monde critique le Conseil d'Etat en disant qu'il n'est pas courageux et qu'il ne sait pas faire les choses, mais on a la chance d'avoir un Conseil d'Etat qui nous propose un budget qui est sincère ! Les sept conseillers d'Etat ont décidé de faire un effort chacun dans leur département. Alors on tombe sur M. Poggia parce qu'il va supprimer des prestations sociales, on attaque X ou Y parce que ça ne va pas, mais là vous avez un Conseil d'Etat qui vous propose une clé, une solution ! Or vous ne débattez pas de cette solution et vous refusez de discuter, parce que certains partis restent dans leur dogme, lequel prescrit qu'il faut faire cela et qu'on ne peut pas agir autrement. Alors sortez de vos dogmes ! Pensez à la suite, pensez à l'avenir du canton ! En effet, on a renfloué les caisses de pension, mais on va continuer à le faire, ne vous inquiétez pas ! Si une fois ce n'est pas assez, vous mettrez probablement une deuxième fois la main à la poche pour les caisses de pension ! Et il y a également la fiscalité des entreprises. On n'a pas le choix ! Donc maintenant il faut réfléchir à la façon d'agir, et ce faisant on doit prendre des décisions et procéder à une réforme de l'Etat. Voilà le premier budget de réforme de l'Etat; il sera suivi par quatre autres budgets, et dans cinq ans on pourra faire le bilan. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Lisa Mazzone. (Exclamations. Rires.)
Mme Lisa Mazzone (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'avoue que j'ai manqué m'étrangler en entendant que le MCG se qualifiait lui-même de parti gouvernemental responsable. On aura tout vu ce soir mais, en même temps, j'en ai entendu d'autres ! (Commentaires.)
Commençons par tordre le cou à une idée reçue: le budget de l'Etat de Genève n'est pas un budget d'austérité. C'est un budget qui prévoit plus de 100 millions de francs supplémentaires en charges de fonctionnement, ainsi que la création de 350 nouveaux postes. On ne peut donc pas parler de budget d'austérité. Alors, Monsieur le ministre des finances, arrêtez de pleurer dans les chaumières ou derrière les vitres du Titanic - je me permets de vous emprunter une métaphore que vous affectionnez - mais assumez vos choix politiques, choix qui sont faits au détriment des prestations et de la population, notamment la plus précaire. Pourquoi parle-t-on de population précaire ? Car aujourd'hui on essaie de retirer de la bouche une modeste cuillère de la soupe des bénéficiaires de l'aide sociale. Or couper chez les plus pauvres, c'est simplement mesquin et bas. Et pourquoi aller couper chez les plus pauvres ? Pour gonfler la politique de sécurité. Pourtant, faut-il le rappeler, le sentiment de sécurité ne s'est pas amoindri ces dernières années, alors que le nombre de délits justement diminuait. C'est bien la preuve que le sentiment de sécurité ne repose pas que sur l'engagement que l'on peut mettre dans une politique de sécurité, mais aussi largement sur le filet social dont bénéficie la population, ou sur d'autres mesures telles que l'aménagement.
Venons-en au budget tel que sorti de commission, une commission qui a su employer le karcher et tirer dans tous les sens, à l'aveugle, sans aucune vision. Le budget de la détention a effectivement été augmenté de plus de 10 millions, alors qu'on accuse pour l'année 2014 un non-dépensé de près de 10 millions également, ce qui revient donc à une somme de 20 millions supplémentaires. Or au lieu de s'attaquer à ce domaine, que fait-on ? On s'attaque à des politiques publiques qui sont emblématiques pour la mise en oeuvre d'un projet écologique. Et pourquoi un projet écologique ? Parce qu'on voit dans le budget tel que sorti de commission que l'on diminue les montants dans les politiques publiques de l'énergie, de la mobilité et de l'environnement. L'Entente, lors de chaque élection, nous sert le refrain du développement durable, mais elle oublie constamment de descendre de son arbre, de cesser de pousser la chansonnette et de passer des paroles aux actes, si elle veut sa part du fromage. Concrètement, aujourd'hui dans le budget on coupe des subventionnements aux énergies renouvelables, aux études consacrées au développement des axes de mobilité douce - qui visent donc à mettre en oeuvre la volonté populaire et à permettre justement le libre choix du mode de transport dont on a parlé tout à l'heure - et on coupe également des fonds dans les politiques de l'environnement.
Relevons en outre le revirement sans précédent en matière de transports publics: alors que les douze dernières années ont vu le réseau se développer, avec une augmentation de pas moins de 100% qui a permis de réduire le trafic motorisé et ses nuisances - 20% de moins, par exemple, sur une route emblématique comme celle du pont du Mont-Blanc - on voit aujourd'hui que ce budget baisse dans le projet tel que sorti de commission.
J'aimerais enfin souligner un élément important. C'est un budget qui se fait sur le dos de la population, mais pas seulement: sur le dos de la planète également ! Et la planète c'est qui ? Ce sont nos enfants - enfin pas les miens, car je n'en ai pas... (Exclamations.) ...mais les vôtres ! Nos enfants et nos petits-enfants. C'est un budget au détriment de la qualité de vie, un budget qui creuse les inégalités et qui s'assied sur la cohésion sociale. Mais soyez rassurés, il y aura des caméras dans les rues, nous n'avons rien à craindre... Mesdames et Messieurs les députés, soyez donc raisonnables. Vous savez bien où se trouvent les niches fiscales, de même que vous connaissez les amendements que nous vous proposons. Nous vous invitons en conséquence à voter en faveur de la population dans son entier, en faveur de la cohésion sociale, en faveur d'une politique environnementale et pour le vivre-ensemble, en acceptant les amendements déposés par le groupe des Verts. (Commentaires. Applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Déjà le 18 septembre 2014 le Conseil d'Etat annonçait un changement de cap majeur: des comptes à l'équilibre, une absorption du déficit structurel et un plan de mesures améliorant le résultat de 154 millions. Une certaine gauche dénonçait un budget de rigueur fondamentalement antisocial. Une certaine droite, dont le PLR, s'inquiétait de l'augmentation continuelle de la dette. On pouvait alors imaginer un soulèvement à l'encontre des prétendues coupes sociales, mais la réalité a été différente: les gauches de ce parlement ont fait un casus belli de l'annuité et de supposés licenciements. Et vous connaissez la règle valable pour ce parlement: le projet de budget du Conseil d'Etat ne peut pas être péjoré par le Grand Conseil. Alors une grande annuité signifiait obligatoirement de grandes coupes, une moyenne annuité signifiait au moins de moyennes coupes et une petite annuité signifiait au moins de petites coupes.
Mais s'agissant du projet de budget initial, il convient en premier lieu de souligner que les charges augmentent de plus de 100 millions - 109 millions dans le premier projet - soit 1,4%. C'est plus que l'inflation, qui est nulle, et plus que l'augmentation moyenne de la population résidente qui se situe à moins de 1%. Comme l'ont souligné les représentants des Verts, déjà à ce stade il ne s'agit en aucun cas d'un budget d'austérité ni d'un budget de rigueur. C'est un budget qui fait un certain nombre de choix, qu'il faut assumer.
Pour parvenir à l'équilibre - et c'est peut-être ça le plus important - le Conseil d'Etat compte sur des revenus fiscaux beaucoup plus conséquents, soit une augmentation de 2,3%. Et ceux qui disent que les impôts et les rentrées fiscales baissent devraient lire le budget ! C'est 69 millions supplémentaires pour les impôts sur les personnes physiques - un petit peu corrigés durant ces derniers mois, ce qui devrait nous inciter à être encore plus prudents - et 87 millions supplémentaires, soit 6,5%, pour les impôts sur les personnes morales. Mais attention, Mesdames et Messieurs: pour ces augmentations fiscales le Conseil d'Etat se fonde sur des pronostics qui ne sont pas les siens - il faut le reconnaître - mais ceux d'un groupe d'experts, qui tablent sur une croissance unique en Europe de 2,5%. Alors si ce budget-là est un budget d'austérité, Mesdames et Messieurs de la gauche - à l'exception des Verts, je le reconnais - que se passera-t-il quand la croissance deviendra plus européenne ? Que se passera-t-il ? (Commentaires.)
Le président. Chut !
M. Cyril Aellen. Le Conseil d'Etat fait grand cas de son plan de mesures qui, selon ses dires, améliorait grandement le budget et surtout permettait 154 millions d'économies. Ce n'est pas tout à fait vrai. En réalité, il s'agit pour moitié de rentrées fiscales supplémentaires via les taxes ou autres et pour moitié de choix budgétaires de réductions. Mais il y a aussi eu des priorités et des dépenses supplémentaires, qui se montent à près de 100 millions.
Mesdames et Messieurs, le principal élément qu'il faut retenir, c'est que le budget tel qu'il a été présenté et même tel qu'il ressort de la commission des finances accroît la dette de plus de 150 millions. C'est un budget qui, avec nos investissements, fait payer aux générations futures notre train de vie actuel. Il faudra faire attention, parce qu'en plus c'est un budget de beau temps ! Mais malgré cela, on a voulu augmenter les salaires de personnes qui gagnaient déjà confortablement leur vie comparativement au reste de la population, et ceux qui ont souhaité cela, plutôt que d'accepter un budget raisonnable ou en tout cas équilibré - mais sans doute pas assez sévère, aux yeux du PLR - ont ouvert les feux d'un budget qui sera probablement moins souhaitable et moins acceptable pour ceux mêmes qui l'ont remis en cause. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune notre ancien collègue M. Roger Golay. (Applaudissements.) La parole est à Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, même si cela a déjà été fait, je tenais à remercier l'administration, en particulier le département des finances, qui a non seulement concocté ce budget mais qui a également suivi les débats en commission et apporté beaucoup d'éléments afin d'améliorer les travaux, ce qui les a fait avancer. J'aimerais aussi adresser mes remerciements aux personnes qui travaillent à Genève, cette Genève que M. Stauffer qualifiait d'incroyable s'agissant de son volume de fonctionnaires. Mais cette Genève est aussi incroyable et unique en termes de melting-pot de la population, en termes d'institutions internationales et en termes de rayonnement, non seulement en Europe mais dans le monde. Et tout cela a aussi un coût ! Un coût lié à la cohésion sociale et aux institutions qui doivent fonctionner et être présentes, au niveau international mais aussi local, afin de répercuter les besoins, d'aller de l'avant et d'être en évolution constante.
Un budget d'Etat n'est jamais facile à élaborer et même à accepter à Genève, et cette année encore moins en raison de la composition, dirons-nous, de ce Grand Conseil. On n'a pas encore véritablement entamé le budget, on le fera demain, mais en tout cas en commission des finances il a fallu nonante-huit heures, cela a été dit, pour parvenir à 24 millions de boni. Et durant ces nonante-huit heures - c'est la première fois que je voyais ça, c'était incroyable - on a assisté à des coupes, des coupes dans les postes, des coupes dans les politiques publiques indispensables pour la population, etc. Et quand M. Stauffer - mais en réalité je ne sais pas si c'est M. Stauffer ou le MCG - dit: «Nous, nous voulons faire des économies, nous voulons couper, nous voulons un Etat moins grand et qui s'amaigrisse au niveau de la fonction publique», et qu'on sait qu'en même temps il a dit également: «Mais vous savez, si c'est vraiment nécessaire, vous pouvez revenir durant l'année avec des crédits complémentaires, on pourra peut-être les voter !», eh bien j'ai envie de répondre qu'il faut faire preuve d'un peu de cohérence ! En tout cas j'espère qu'il y en aura plus dans cette enceinte que dans la commission des finances.
Pour ce qui est des socialistes, dès la présentation en septembre de ce budget 2015 nous avons dit qu'il ne nous convenait pas sur le fond. En effet, il contenait des économies déclinées en 25 mesures, lesquelles touchaient principalement les personnes les plus pauvres de ce canton. Il y avait également des mécanismes qui n'étaient pas respectés au niveau de la fonction publique, et pour nous il n'y avait pas suffisamment de recherche de revenus supplémentaires. Compte tenu de cela, le parti socialiste a très rapidement proposé, en dehors du budget, deux projets de lois en parallèle pour amener des nouvelles recettes: l'un vise spécifiquement à pouvoir rembourser plus vite la dette, via des centimes additionnels attribués uniquement à ce mécanisme de remboursement de la dette, tandis que l'autre s'attaque à une niche fiscale qu'on connaît bien, c'est-à-dire la diminution de la réduction possible pour la LAMal.
Maintenant c'est vrai que ce budget présentait déjà - cela a été dit - 154 millions d'économies et qu'il affiche un boni. Pour nous, tel que sorti de commission, le budget sera inacceptable. C'est pour cette raison que nous n'entrerons pas en matière sur le budget tel qu'il est ressorti du troisième débat de la commission des finances. C'est impossible, avec 24 millions de boni sur des postes coupés ! En revanche, nous sommes prêts à travailler demain et à nous diriger, nous l'espérons, vers un budget. Il ne sera pas forcément comme nous le souhaitons et nous devrons certainement - nous en avons déjà fait beaucoup - faire de nombreuses concessions...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Lydia Schneider Hausser. ...mais nous appelons de nos voeux qu'il y ait un budget qui soit le moins pire possible pour une grande partie de la population qui est souvent oubliée quand on doit établir des priorités dans des coupes. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je vais passer la parole à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco, puis nous voterons.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord vous exprimer ma reconnaissance, au nom de mes collaborateurs, pour vos remerciements et témoignages quant à l'excellence de leur travail. Je leur transmettrai bien volontiers.
Mesdames et Messieurs, le budget que nous avons eu l'honneur de vous présenter en septembre n'est effectivement pas un budget d'austérité, le Conseil d'Etat en convient tout à fait. Comme cela a été dit, il est en augmentation de plus de 100 millions s'agissant des charges, soit de plus de 1,4%. C'est moins que les années précédentes, même nettement moins, mais nous sommes toujours dans une augmentation et de postes de travail et de charges, il ne s'agit donc pas d'un budget d'austérité. Cette caractéristique est tout simplement due à une volonté populaire, notamment pour ce qui est du mercredi matin, ainsi qu'à une volonté populaire et à des choix politiques - nous en convenons - exprimés entre autres dans le domaine de la sécurité, de la chaîne sécuritaire - soit en ce qui concerne la police, la justice et le secteur pénitentiaire - et ce sont des choix qui sont totalement assumés.
En démarrant la préparation de ce projet de budget à la fin du mois de janvier 2014, le Conseil d'Etat s'est trouvé confronté à une augmentation de près de 200 millions - 180 millions - des charges qu'on pouvait qualifier d'obligatoires. Par conséquent, dans la mesure où il n'était pas question pour le Conseil d'Etat, au terme du processus, de présenter un budget déficitaire, pour les raisons que vous connaissez - à savoir bien entendu la situation générale de nos finances et en particulier de notre dette - tout le travail a consisté à présenter des mesures à hauteur de 154 millions. L'essentiel ou plutôt une part supérieure à 50% concerne des diminutions de charges et une part un peu moindre concerne des augmentations de recettes.
Mesdames et Messieurs, ce processus est enclenché, et il ne s'arrêtera pas à l'exercice 2015. Ça va continuer ! Le Conseil d'Etat vous a présenté 44 mesures, dont certaines ont suscité des sourires narquois, voire des quolibets, mais il y en aura d'autres. En effet, 25 autres sont déjà en préparation, et il s'agit de mesures à plus long terme, qui nécessitent un travail accru de notre administration pour les mettre en oeuvre. Nous continuerons donc comme ça au cours de cette législature, j'en prends l'engagement, non pas pour pratiquer des coupes aveugles, mais tout simplement pour formuler des propositions qui amélioreront le fonctionnement de cette administration et qui permettront de continuer à délivrer des prestations de qualité, mais à des coûts et avec des charges moindres. C'est un engagement que nous prenons et ce processus est en cours.
C'est la raison pour laquelle il faut considérer ce projet - je me limite à parler du budget tel que le Conseil d'Etat l'a présenté - comme un premier budget, lequel prévoit des mesures, je l'ai dit, à hauteur de 154 millions de francs, et on doit agir dans la continuité et dans un certain effort. On ne peut pas rétablir une situation du jour au lendemain; ça prendra un certain nombre d'années.
Voilà, Mesdames et Messieurs, sur quoi le budget est fondé. Pour le Conseil d'Etat, il est nanti d'un équilibre, et il s'agit d'un équilibre non seulement en matière de finances, mais également dans les mesures qui ont été proposées et qui ont fait l'objet de discussions très profondes au sein du Conseil d'Etat. Nous avons donc considéré que les efforts demandés ici et là étaient tout à fait supportables, et on continuera ainsi, je peux vous le garantir.
S'agissant maintenant du projet qui est sorti de la commission des finances, eh bien le Conseil d'Etat déposera dans le cadre du deuxième débat toute une série d'amendements qui viseront peu ou prou, mais de manière déterminée, à revenir - c'est du moins ce que nous vous suggérerons - avec les propositions que nous vous avions faites dans le cadre budgétaire, à notre projet initial, à quelques modifications près. Je vous remercie donc par avance d'y réserver demain un très bon accueil. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant procéder au vote d'entrée en matière. (Le vote électronique ne fonctionne pas. Un instant s'écoule.) Le scrutin devrait s'ouvrir... (L'écran d'affichage des votes n'indique aucun résultat. Exclamations. Applaudissements. Quelques secondes s'écoulent.) Voilà, cette fois le scrutin est réellement ouvert !
Mis aux voix, le projet de loi 11536 est adopté en premier débat par 65 oui contre 18 non et 12 abstentions.