République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 17h15, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Gabriel Barrillier, Jacques Béné, Michel Ducommun, Jean-Louis Fazio, Emilie Flamand-Lew, Jean-François Girardet, Frédéric Hohl et Jean-Charles Rielle, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Alexis Barbey, Maria Casares, Pierre Gauthier, Delphine Klopfenstein Broggini, Jean-Charles Lathion, Françoise Sapin, Charles Selleger, Nicole Valiquer Grecuccio et Yvan Zweifel.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 11538-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi 11023 accordant une indemnité annuelle de fonctionnement à l'Université de Genève pour les années 2012 à 2015
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XV des 18 et 19 décembre 2014.
Rapport de M. Eric Stauffer (MCG)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons nos débats pré-budgétaires avec le PL 11538-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur, M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport.

Le président. Merci, c'était succinct. Madame Jocelyne Haller, c'est à vous.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avec le PL 11538 s'envole le respect de la garantie donnée par l'Etat en matière de subventionnement de l'université. Alors que de nombreux milieux mettent en cause la symétrie régnant entre les protagonistes lors de l'établissement de conventions d'objectifs ou de contrats de prestations, que leur objecte-t-on ? Le Conseil d'Etat et ses états-majors n'ont de cesse de marteler que ces conventions et contrats, quelles que soient les critiques qu'on pourrait leur opposer, permettent précisément de rassurer les associations et établissements autonomes en leur donnant les moyens de se projeter dans l'avenir en connaissance de cause et en sachant quelles sont les ressources dont ils pourront disposer pour assurer la mission qui est la leur. Or le PL 11538 vient précisément proposer l'inverse: il entend donner au Conseil d'Etat la possibilité de modifier les conditions de la convention d'objectifs en cours de route. A ce stade, il est nécessaire de rappeler la teneur de l'article 5 de la loi 11023: «Cette indemnité doit permettre à l'université d'assurer sa mission et le financement des objectifs définis dans la convention d'objectifs annexée.» En remettant en question la garantie quadriennale, en se donnant aussi clairement les moyens de diminuer la subvention en cours d'exercice, le Conseil d'Etat empêche l'université d'accomplir sa mission, il se donne les moyens légaux d'exiger autant en donnant moins. Aujourd'hui, alors que l'inégalité des parties contractantes est plus ou moins admise, avec le PL 11538 et autres projets de lois consorts, on contraindrait finalement les entités subventionnées à contracter non seulement en position d'infériorité mais qui plus est à l'aveugle. En soumettant la détermination de la subvention de l'université au vote du budget, le Conseil d'Etat soumet annuellement l'accomplissement de la mission de l'université à des critères aussi subjectifs et fluctuants que peuvent l'être les arcanes de l'exercice budgétaire de notre canton. Plus grave: il le subordonne à des éléments d'appréciation politique purement conjoncturels, voire à courte vue, alors qu'il s'agit en l'occurrence d'une mission pérenne qui ne saurait, comme d'autres tâches intangibles de l'Etat, être revue à la baisse en fonction des majorités politiques de circonstance. La proposition contenue dans le PL 11538 constitue une manière de faire pression sur l'université, une façon de l'obliger - comme cela a été le cas pour d'autres entités subventionnées - à revoir à la baisse la qualité de ses prestations et les conditions de travail de son personnel.

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame.

Mme Jocelyne Haller. Pire encore, une fois le principe admis pour l'université, il n'y aurait aucune raison de ne pas appliquer ce même marché de dupe à d'autres entités. C'est pourquoi nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Weiss (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je pense qu'il est inutile d'inciter ma préopinante à lire la lettre qui figure dans le projet de loi signé par Mme Emery-Torracinta, laquelle explique en quoi il s'agit d'une simple modification formelle. Je regrette qu'elle n'ait pas retenu la teneur de ce courrier; elle aurait vu que rien ne changeait pour l'université. En l'occurrence, quand on entend les propos que tonne son nouveau recteur contre une augmentation des recettes venant d'une adaptation des taxes, on voit fort bien qu'il y a de bonnes et de mauvaises taxes: les bonnes taxes sont celles qui sont prises sur le dos des étudiants qui viennent de certains milieux, les mauvaises taxes sont prises sur le dos d'étudiants qui viennent d'autres milieux. Je me réjouis d'entendre M. de Sainte Marie, qui est un fidèle représentant de la doxa interne de l'université, nous dire ce qu'il en pense. Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, à la commission des finances, les socialistes se sont abstenus sur ce projet de loi, non pas en raison de son contenu mais à cause des méthodes de son traitement. Il n'a en effet rien à faire avec le budget et n'aurait pas dû figurer en lien avec celui-ci car il n'y a pas de chiffres, pas d'implication directe. Nous n'avons pas pu auditionner qui que ce soit, nous avons seulement eu une lettre, quelques éléments ainsi que le rapport de la sous-commission qui a été fait pour le budget - mais il s'agit de chiffres et de mécanismes internes au budget. Maintenant, nous devons voter cela très rapidement, sans avoir la possibilité de poser des questions plus précises sur les implications que cela aurait pour l'université. Par conséquent, le parti socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi, voire le refusera.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Le processus qui a été présenté et défendu par ce projet de loi met en évidence ce qu'auraient été les éléments négatifs selon la répartition qui aurait été faite des économies demandées. Mais par le fait d'un montage spécifique - qui ne remet en rien en question les conventions par objectifs du présent projet de loi dans le fonctionnement de l'université - ce projet de loi nous apparaît tout à fait positif. Ce qui est principalement important, et le projet de loi le montre, c'est de privilégier la convention par objectifs, qui permet à l'université de poursuivre des projets ainsi que les partenariats public-privé mais surtout le financement des fonds, par exemple par le Fonds national suisse ou autres dans le domaine de la recherche. Ce qui fait le fondement même de l'université - avec la formation - est donc tout à fait maintenu. C'est la raison pour laquelle, comme en commission des finances, nous serons positifs et voterons oui à ce projet de loi. Nous vous remercions.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Cyril Aellen pour une minute quarante-quatre.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Le budget du Conseil d'Etat a malmené l'université un peu plus que la moyenne des autres établissements: une coupe linéaire, un transfert de charges et une réduction des montants figurant dans la convention d'objectifs. Ça, c'était au début. Le PLR a donc deux inquiétudes: la diminution directe du financement ainsi que le financement indirect lié à la convention d'objectifs. Heureusement, le Conseil d'Etat est revenu sur ses intentions premières et a indiqué qu'il revenait sur le plan des conventions d'objectifs. C'est pour cela que nous voterons ce projet de loi. Mais le PLR restera très attentif aux coupes opérées à l'université à l'avenir et demeure inquiet des mesures d'économies qui touchent de plein fouet l'un des bijoux de notre république.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur. Très brièvement, la majorité de la commission ne peut que regretter le manque de compréhension de la lettre de la conseillère d'Etat: la mesure actuelle prévoit une économie de 9 177 800 F et la proposition de mesure prévoit 9 177 800 F, c'est-à-dire exactement la même chose, tout simplement avec une méthode différente. Ainsi, je crois que nous pouvons suivre la volonté du Conseil d'Etat et vous invite à voter ce projet de loi tel qu'issu des travaux de la commission.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 11538 est adopté en premier débat par 57 oui contre 14 non et 2 abstentions.

La loi 11538 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11538 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 12 non et 1 abstention.

Loi 11538

PL 11540-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LaLAMal) (J 3 05) (Art. 22)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XV des 18 et 19 décembre 2014.
Rapport de majorité de M. Jean-Luc Forni (PDC)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous abordons à présent le PL 11540-A en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11450 présenté par le Conseil d'Etat a pour but de modifier la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, afin de réduire les effets de seuil constatés en matière de droit au subside complet de l'assurance-maladie dans le cadre du droit aux prestations complémentaires. Actuellement, si l'excédent de ressources d'un bénéficiaire est inférieur à la prime moyenne cantonale d'assurance-maladie, celui-ci a droit au subside total à concurrence de la prime moyenne cantonale. Avec l'entrée en vigueur de ce projet de loi, si l'excédent de ressources est inférieur à la prime moyenne cantonale, le bénéficiaire se verra octroyer un subside partiel à concurrence de la différence entre la prime moyenne et l'excédent de ressources. Les cas de figure annexés à ce rapport montrent en effet qu'avec une différence de quelques francs de revenu déterminant, une personne peut avoir droit à la totalité du subside alors qu'une autre ne le touche pas, ce qui crée des différences de revenus égales à la prime moyenne cantonale annuelle, soit actuellement 5795 F et probablement 6000 F en 2015. La mesure proposée vise à corriger, par un calcul au franc près, cet effet de seuil dû au calcul actuel, c'est-à-dire le versement du subside complet même en cas d'excédent de ressources. Elle permet donc de lisser les subsides octroyés et de placer tous les bénéficiaires dans une égalité de traitement.

L'économie annuelle attendue est de 4,6 millions et va concerner 1300 dossiers sur les 21 000 que traite le service des prestations complémentaires, à savoir 6% des dossiers. Comme chacun le sait, les primes d'assurance-maladie sont en hausse, une hausse de 3% qui avait été budgétée, ce qui représente 3,2 millions pour Genève. L'économie générée permettrait d'absorber cette augmentation. La commission des affaires sociales a accepté ce projet de loi à une confortable majorité et vous invite à faire de même. Avec l'acceptation de ce projet de loi, la prime moyenne cantonale sera versée au franc près - comme je l'ai déjà relevé auparavant - ce qui permettra un lissage des prestations et rétablira une égalité de traitement entre les bénéficiaires des prestations complémentaires cantonales. Il ne s'agit donc pas d'une coupe de prestations mais du rétablissement d'une égalité d'attribution de ces prestations, effaçant ainsi une pratique administrative erronée. Rappelons encore une fois, Mesdames et Messieurs les députés, que Genève reste un canton pionnier eu égard au niveau de ses prestations complémentaires par rapport au reste de la Suisse. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Je vais immédiatement m'opposer au rapporteur de majorité de cette commission puisque ce texte est bel et bien un projet de loi budgétaire, qui a pour principal objectif de faire des économies. J'en veux pour preuve la première phrase de l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, que je vous cite: «Le présent projet de loi modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie constitue l'une des mesures d'économies proposées par le Conseil d'Etat dans le cadre de l'élaboration du projet de budget 2015.» Or qui dit économies, Mesdames et Messieurs les députés, dit - vous le savez très bien - coupes de prestations, donc diminution des prestations et dégradation des conditions de vie des bénéficiaires.

Il est important de se demander qui va être touché par ces baisses de prestations, qui va voir ses conditions de vie dégradées, qui devra se serrer la ceinture. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des rentiers AVS et AI qui, de par leur âge ou leur handicap, n'ont pas la possibilité de trouver d'autres revenus que leur rente ou, si celle-ci ne suffit pas à leur assurer un mode de vie digne, des aides de l'Etat. Mais ce ne sont pas tous les rentiers AVS et AI qui seront touchés par cette baisse de prestations, ce sont ceux qui ont un revenu déterminant oscillant entre 38 755 F et 44 550 F par année, ce qui correspond à un revenu mensuel de 3100 F à 3600 F par mois. Force est de constater que ce sont des personnes avec de très faibles revenus, qui vivent déjà dans une situation de précarité, qui vivent une existence où chaque sou compte, où la crainte de ne pas pouvoir boucler les fins de mois ponctue le quotidien. Ces gens vivent soit juste au-dessus du seuil minimum vital, soit déjà en dessous puisque le système du forfait loyer - actuellement plafonné à 1100 F par mois et non réévalué depuis 2001 - fait que beaucoup de rentiers AVS et AI doivent utiliser une partie de ce qui est nécessaire à leur entretien et au minimum vital pour payer le surplus de loyer.

Pour résumer, ce projet de loi propose une coupe de prestations pour des personnes déjà vulnérables, socialement comme économiquement. En ce qui concerne les rentiers AVS, il s'agit de gens qui ont travaillé toute leur vie avec des emplois parfois peu rémunérés, peu reconnus et usants physiquement, et qui ont par ailleurs pleinement contribué, durant toute leur vie active, à la construction de la société. Quant aux bénéficiaires de rentes AI, ils ont eu la malchance de naître avec une invalidité ou un handicap, l'ont développé au cours de leur vie ou ont été invalidés par leur travail et les conditions dans lesquelles ils ont dû travailler pendant de nombreuses années. Ce projet de loi sollicite ces personnes pour rééquilibrer le budget, et cela est inacceptable pour la minorité de la commission.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Caroline Marti. Merci. Il s'agit d'un projet de loi qui demande un effort accru de ces personnes pour éviter d'envisager de nouvelles recettes. La minorité de la commission des affaires sociales se soulève contre la ligne politique particulièrement cynique suivie par le Conseil d'Etat. En effet, pour ne pas avoir à demander une très petite contribution supplémentaire à ceux qui s'apprêtent aujourd'hui à partir deux semaines en vacances de ski à Gstaad ou sur une plage aux Seychelles, il préfère envoyer des centaines de retraités ou d'invalides passer Noël à la soupe populaire. Ce projet de loi demande en l'état que les plus pauvres soient solidaires avec les plus riches, et pour la minorité de la commission il est absolument inconcevable que ce soit le cas. C'est pourquoi nous vous invitons à le refuser.

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est présenté dans le rapport de majorité comme le moins antipathique. Apparemment, il est vu comme une mesure équitable, qui rétablit une certaine justice et corrige une inégalité de traitement. Cette mesure semble donc juste pour certains. Néanmoins, il faut réfléchir à son impact concret: 5796 F de moins par année, au maximum, pour une personne seule, 14 159 F au maximum pour un ménage avec deux enfants, ceci est une intervention massive dans le budget de ceux qui se trouvent déjà dans une situation précaire. Les personnes concernées - il s'agit quand même de 1300 ménages, et ce n'est pas rien, ce n'est pas une petite proportion de la population - ont vécu avec ce complément intégral jusqu'à présent. Ils ont probablement, grâce à ce complément, payé le surplus de loyer que le forfait loyer ne leur permettait pas de payer, ils ont peut-être permis à leurs enfants de pratiquer un sport en payant une cotisation, ils ont peut-être, à un moment donné, souscrit pour eux-mêmes ou d'autres un abonnement dans le contexte de leur vie culturelle. Fini, tout cela ! Dans un délai de six mois, qui n'a pas été prolongé, tous au minimum vital ! Mesdames et Messieurs, cette économie n'est pas équitable comme elle paraît l'être superficiellement, comme certains le prétendent: elle plonge au contraire les personnes concernées dans de nouvelles difficultés. Le groupe socialiste vous demande de refuser courageusement ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR va soutenir ce projet de loi du Conseil d'Etat. Celui-ci a été examiné par notre groupe à la commission des affaires sociales à l'aune de deux critères importants: d'une part, il y a la nécessité pour notre Etat genevois de contenir notre dette abyssale de 13 milliards, et donc d'avoir un budget équilibré en proposant des mesures d'économies, d'autant plus - comme l'a bien expliqué le rapporteur de majorité - que celles-ci vont servir à absorber la hausse future des primes d'assurance-maladie. D'autre part, est-ce que Genève va rester un canton particulièrement généreux en matière de prestations sociales, est-ce qu'il va rester dans le peloton de tête des cantons suisses à cet égard ? C'est en effet le cas aujourd'hui. Est-ce que notre système de prévoyance sociale devrait être épargné par ces mesures d'économies qui touchent pourtant l'université, les hôpitaux, tous les services de l'Etat ? Nous pensons qu'un effort mesuré et équitable peut être demandé aux bénéficiaires des prestations complémentaires. Ce projet de loi corrige une iniquité puisqu'il va abolir un effet de seuil. Je vous rappelle que si votre excédent de ressources est inférieur de 1 F au montant de la prime moyenne cantonale, vous touchez l'intégralité du subside; s'il est de 1 F supérieur, vous ne touchez rien du tout. Ce projet de loi rétablit ainsi une certaine équité, et c'est pour cela que nous le soutenons.

Par rapport à ce que disait la rapportrice de minorité, je ne veux pas faire de l'humour en disant qu'il n'y a pas de neige à Gstaad et que nous n'irons donc pas skier là-bas à Noël, mais j'aimerais juste lui faire remarquer quelque chose: son désir d'utiliser le vieux logiciel du parti socialiste, à savoir qu'il faut faire payer les riches, est déjà partiellement exaucé à Genève. Les classes moyennes et moyennes supérieures sont les plus taxées de Suisse. A ce propos, je remercie mon collègue député Genecand de m'avoir fait parvenir un document de l'Administration fédérale des finances du 4 décembre dernier, lequel montre que c'est à Genève que l'indice du potentiel d'exploitation des ressources par la charge fiscale est le plus élevé ! C'est 35% de notre capacité financière pour 2015, alors que la moyenne suisse est de 26,4%. La population suisse et en particulier genevoise est plus raisonnable que vous, Madame Marti: il y a deux semaines, elle a sèchement refusé votre initiative pour la suppression des forfaits fiscaux; elle se rend bien compte que nous avons une charge fiscale maximale et que nous ne pouvons pas augmenter les ressources de ce côté-là. Voilà pourquoi le PLR va soutenir le Conseil d'Etat dans ses efforts pour arriver à un budget équilibré et votera ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Que de contrevérités entend-on ce soir sur ce projet de loi ! On nous parle d'attaque contre les plus vulnérables, de précarisation, de paupérisation... Tous les mots du vocabulaire en relation avec la situation sociale des plus fragiles de notre société sont utilisés. Mais de quoi parle-t-on réellement, quel est le sujet de ce projet de loi ? C'est un projet très simple: il s'agit d'un système de coulissage pour le paiement de l'assurance-maladie aux personnes qui sont à l'aide sociale. Que se passe-t-il actuellement ? Dans notre système, si vous avez un revenu qui varie de 1 F ou de 10 F, vous touchez le pactole de 500 F ou vous ne le touchez pas; voilà la situation actuelle. Ce projet de loi veut mettre fin à cette aberration, à ce brutal effet de palier. Certes, des gens en ont profité. Le système était comme ça, il y a eu un effet d'aubaine - tant mieux. Un certain nombre de personnes en ont profité mais il y a quelque chose qui ne correspond pas à la logique du système, il faut en être conscient. On ne peut pas tenir certains discours alors qu'il s'agit uniquement d'un dispositif technique, que ça plaise ou que ça déplaise. La réalité est là. Si on veut une sorte d'équité dans les systèmes d'aide sociale, si on veut un système équilibré, on vote ce projet de loi, on le vote sans hésitation ! Si on ne le vote pas, qu'on augmente alors les normes de l'aide sociale, ce serait beaucoup plus correct et intelligent. Certains le proposent, certains vont peut-être le proposer, on pourrait le faire. Est-ce que nos finances pourraient le supporter, j'en doute; voilà le gros problème. Mais sur ce sujet, je répète qu'il s'agit d'un système de coulissage bienvenu. Qu'on s'oppose au taux, je peux le concevoir; mais qu'on s'oppose à ce système de coulissage, je ne le comprends pas et je vous invite à voter très clairement en faveur de ce projet de loi.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs, j'ai la lourde tâche d'expliquer à M. Baertschi pourquoi il convient de refuser ce projet de loi. Diminuer les effets de seuil et restaurer une plus grande équité de traitement entre les bénéficiaires de prestations complémentaires, telles sont les intentions proclamées du Conseil d'Etat pour justifier qu'il vienne diminuer les prestations complémentaires cantonales aux personnes âgées. L'argument pourrait être audible, comme l'a dit M. Baertschi, s'il ne se développait dans un contexte où la traque aux économies était l'objectif premier du Conseil d'Etat et de la majorité de ce parlement. Ne l'oublions pas: outre la diminution du supplément d'intégration de l'aide sociale, la suppression du subside d'assurance-maladie à 40 F, la baisse de l'allocation logement, le Conseil d'Etat, dans son projet de budget initial, a proposé pas moins de trois diminutions de prestations complémentaires cantonales. Un ciblage très clair, très explicite sur les personnes les plus modestes de ce canton, voire les plus démunies. L'objectif d'ajuster la contribution à la prise en charge de la prime d'assurance-maladie au montant manquant pour équilibrer les charges et les ressources pourrait avoir un certain sens si tant est que chaque franc pris en compte, que ce soit au titre de charges ou de ressources, corresponde vraiment à la réalité. Car enfin, le Conseil d'Etat vient demander une modification de la loi sur les prestations complémentaires cantonales pour, dit-il, réparer une forme d'inégalité de traitement entre bénéficiaires des prestations complémentaires. Or qu'en est-il, de cette inégalité de traitement ? Lorsqu'une personne a la malchance d'avoir un loyer qui excède les maxima pris en considération par le SPC, elle doit prélever la différence sur la part qu'elle devrait affecter à son entretien et à ses frais personnels. Qu'en est-il de l'égalité de traitement lorsqu'une autre personne au bénéfice d'une rente d'invalidité partielle recherchant désespérément et vainement un emploi se voit compter un gain potentiel, une ressource virtuelle que la réalité du marché de l'emploi l'empêche de réaliser ? On le voit clairement: le principe d'un franc pour un franc ne s'applique pas. En l'occurrence, le compte au franc près ne résiste pas à l'examen. Ce n'est donc pas le souci d'une plus grande précision dans l'attribution des prestations qui guide le Conseil d'Etat, c'est en fait la volonté de faire les fonds de tiroir, c'est l'intention manifeste non pas de diminuer les effets de seuil mais d'abaisser les seuils d'entrée dans le revenu minimum cantonal d'aide sociale, parce que c'est cela que représentent les prestations complémentaires cantonales. Notre groupe ne se prêtera pas à cette manoeuvre qui ne vise qu'à appauvrir les plus pauvres de ce canton. C'est pourquoi nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Ce projet de loi a été annoncé comme tel: il ne vise qu'à effectuer des économies, et c'est ce qui, de prime abord, est désagréable pour les Verts. Prétendre que ce texte ne vise qu'à rétablir une équité ou à supprimer une largesse de l'Etat est un deuxième point qui n'est pas recevable pour nous. En effet, cela fait des années et des années que l'administration est au courant de cette différence manifeste. Ainsi, il aurait peut-être été bien plus malin de la part du Conseil d'Etat, en termes de revenus disponibles... Cela a bien été expliqué par la rapporteuse de minorité et par mes préopinants socialiste et d'Ensemble à Gauche: finalement, c'est le revenu disponible qui compte. Or qu'observe-t-on ? Avec les diminutions successives, la non-prise en compte des loyers, les gains hypothétiques, ces personnes se retrouvent au final avec une coupe brutale de 6000 F à 14 000 F. Pour une famille, c'est quand même excessif lorsqu'on parle de revenus minimaux sociaux !

A cet égard, il aurait été bien plus malin que le Conseil d'Etat présente ce projet de loi à un autre moment qu'à celui du budget sous couvert d'économies manifestes, en proposant d'adapter en premier lieu les loyers - les loyers pris en compte sont en effet insuffisants - ainsi que les gains hypothétiques - qu'on ait un seul ou quatre enfants, on a le même taux de gains hypothétiques - et puis de profiter de ces mesures pour ajouter le subside. C'est bien là - quand on dit que ce projet de loi est le moins antipathique possible - que résidait une solution acceptable, en tout cas pour le groupe des Verts de même que, je l'ai observé, pour le parti socialiste et Ensemble à Gauche. Evidemment, les pauvres n'ont malheureusement pas de lobby, donc peu de monde pour les défendre. On dit qu'il faut agir, qu'il faut adapter, que les primes d'assurance-maladie augmentent, etc. Mais si les calculs rétablissent en théorie une égalité de traitement entre les bénéficiaires, compte tenu de tous les effets induits qui viennent d'être cités, cette mesure ne fait en réalité qu'affaiblir les plus fragiles et, au final, remet en question trente ans de politique sociale menée avec succès, notamment par un certain M. Guy-Olivier Segond, afin de lutter contre la pauvreté des invalides, des handicapés et des personnes âgées. (Quelques applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi corrige une inégalité de traitement qui était crasse, il faut le dire ! Je remercie d'ailleurs le conseiller d'Etat de s'être attelé à corriger ceci. Pour 1 F de moins de revenu, vous gagnez 6000 F, et la personne qui a 1 F de plus de revenu perd ces 6000 F. C'est donc une correction. Par rapport à celui qui perd les 6000 F, on peut aussi dire que c'est une inégalité. Du coup, on pourrait se demander pourquoi la gauche n'est pas intervenue avant pour réagir face à cette inégalité. Par ailleurs, on dirait que, du point de vue de la gauche, faire des économies devient maintenant un danger.

M. Patrick Lussi. C'est un tabou !

M. Marc Falquet. Oui, c'est un tabou ! Or nous allons être obligés de faire des économies, et si on ne commence pas par ces bricoles, qui sont le rétablissement d'une inégalité, on va devoir souffrir grandement... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Marc Falquet. Je me demande quand on va enfin s'attaquer aux économies avant que l'Etat ne fasse faillite, je me demande comment ça va aller. Pour l'instant, M. Poggia a bien fait. (Commentaires.) Oui, on a besoin de faire des économies, c'est le moment de commencer à faire des économies, et chaque département devrait en faire. Je suis d'accord: il y a des gens qui vont y perdre. Bien entendu qu'il y a des gens qui vont y perdre ! Chaque fois qu'on fait des économies quelque part, les gens y perdent, c'est normal !

Mme Salika Wenger. Mais ce sont toujours les pauvres ! (Exclamations.)

Le président. Madame Wenger !

Mme Salika Wenger. Ce sont toujours les pauvres ! (Exclamations. Commentaires.)

M. Marc Falquet. Je m'excuse, les pauvres... Ceux qui perçoivent l'aide sociale ne sont pas tout à fait pauvres. (Protestations.) Dans la majorité des pays, il n'y a pas d'aide sociale, les gens devraient plutôt être reconnaissants que grâce au travail de la majorité de la population, on puisse encore redistribuer de l'argent. Les pauvres devraient avoir un minimum de gratitude ! D'ailleurs, je n'entends jamais les gens remercier ceux qui travaillent pour redistribuer l'argent. (Commentaires.) On ne peut donc pas parler de pauvres...

Le président. S'il vous plaît !

M. Marc Falquet. Jusqu'à présent, les pauvres, ce sont plutôt les indépendants ! (Quelques applaudissements. Vifs commentaires de Mme Salika Wenger.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Marc Falquet. Il faut arrêter de se plaindre !

Une voix. Bravo !

M. Marc Falquet. Vous pouvez poser la question à certains collègues qui sont à l'aide sociale, ils vous diront s'ils sont réellement dans le besoin. On voit qu'il y en a certains ici qui ne savent pas ce que c'est que d'être dans le besoin, ce ne sont que des théories de gens «pourris gâtés», en général des fonctionnaires ! Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.) Je vais encore juste ajouter quelque chose, s'il vous plaît, Monsieur le président: mon collègue souhaiterait quand même pouvoir se rendre à Gstaad ! Merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Christian Zaugg... qui n'est pas là. Je la passe donc à Mme la députée Lydia Schneider Hausser. Il vous reste une minute et cinquante secondes, Madame.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une chose a été omise jusqu'à maintenant dans ce débat, c'est ce que non seulement M. Segond mais également une majorité du Grand Conseil avaient décidé à un certain moment: le fait de donner la priorité de l'accès à la santé à des personnes âgées invalides et à leur famille qui se trouvaient juste au-dessus des barèmes SPC. Que vous le vouliez ou non, c'est là quelque chose que ces gens vont perdre et que nous allons perdre, et on sait bien que les problèmes de santé non résolus coûtent plus cher à la collectivité. J'aimerais vous dire aussi que, dans la pratique du calcul de la rente, on constate souvent que les gains potentiels calculés pour les conjointes ou conjoints des personnes AVS-AI sont là. Or, dans les faits, ces personnes ne travaillent pas parce qu'elles sacrifient tout leur temps, ou l'ont déjà sacrifié avant et pendant l'invalidité ou la vieillesse, à s'occuper de leur conjoint; cela arrive très souvent. Ce comblement, vous pouvez le qualifier d'injuste ou non, mais ça permettait en tout cas un bol d'air à ces couples et à ces familles, ça permettait de ne pas faire appel aux soins à domicile parce que c'était le conjoint qui s'occupait de tout, c'était en quelque sorte le paiement de cette mise à disposition de temps et d'énergie.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser. Pour moi - et pour nous, je crois - ce débat sent très mauvais. On est en train de sélectionner les pauvres, les vrais, les moins pauvres: on est vraiment dans du bas seuil, on est vraiment dans un discours très bas. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). D'un débat qui aurait dû rester purement technique, nous sommes passés à un débat qui est en train de déraper à cause de certaines remarques qui viennent d'être dites. Il faut quand même énoncer une chose claire: le système social de Genève est perfectible, mais c'est un bon système social. Dans notre canton, personne n'est laissé au bord de la route. Chaque fois que quelqu'un a besoin d'une aide, il peut l'obtenir. En revanche, ce qui vraisemblablement pose problème, c'est que certaines personnes n'osent pas demander les aides auxquelles elles ont droit, surtout parmi les personnes âgées; ce sont des gens qui ne vont jamais aller frapper aux portes pour demander quoi que ce soit, ils se débrouillent tout seuls. Voilà où est la vraie pauvreté, c'est là qu'est la vraie pauvreté ! Ce sont des individus qui ne demandent rien du tout. Parmi les personnes âgées, il y en a beaucoup qui ne demandent rien et vont même jusqu'à manger de la nourriture pour chiens parce qu'ils ne veulent pas demander d'argent. Là est la pauvreté. C'est difficile d'aller chercher l'aide sociale, c'est difficile d'aller «quémander» - entre guillemets - quelque chose. Mais une fois qu'on l'a fait, on est soutenu, alors ne venez pas me dire que les gens sont laissés au bord de la route, ce n'est pas vrai. On a demandé aux services de M. Poggia de réfléchir à des économies, comme on l'a demandé à tous les autres services de l'Etat, et il se trouve que M. Poggia nous propose cette mesure. Il y en a d'autres avec lesquelles nous n'étions pas du tout d'accord mais, pour nous, cette mesure technique est juste. Les effets de seuil sont injustes, tout comme il est injuste de devoir demander l'aide sociale. L'effet de seuil est injuste parce que si on a trois francs de plus, on n'a rien, alors qu'avec trois francs de moins, on a tout. Je pense qu'un lissage de l'aide sociale est bien plus juste que les effets de seuil. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a des choses qu'on ne peut vraiment pas laisser dire. Prétendre que les gens à l'aide sociale sont «pourris gâtés» est une insulte que vous leur faites, Monsieur, et ce n'est pas acceptable. La réalité des personnes en difficulté, c'est qu'aujourd'hui, quand elles sont à l'aide sociale, elles bénéficient du minimum vital, qui est extrêmement bas pour les personnes adultes, qui est encore plus bas pour les jeunes adultes et les personnes en formation, et encore bien plus bas pour les requérants d'asile. (Commentaires.) Alors ne venez pas nous dire que les gens sont «pourris gâtés», c'est faux. C'est faux ! Et vous dites que vous n'entendez pas de remerciements ? Vous n'avez jamais été écouter ces gens, vous n'avez pas constaté... (Brouhaha.) ...les efforts que ces derniers font précisément pour ne plus être à charge de la collectivité, pour être autonomes parce qu'ils y aspirent comme tout un chacun. Seulement, l'adversité ne le leur permet pas. Ne venez pas dire que ces gens...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Jocelyne Haller. ...sont «pourris gâtés» ! Aujourd'hui, ils se démènent pour trouver des solutions alternatives; elles ne leur sont pas offertes, ils ne disposent pas des moyens pour ce faire. Vous leur devez le respect et surtout de ne pas prétendre, comme vous l'avez fait tout à l'heure, qu'ils sont «pourris gâtés». Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. J'attire l'attention des personnes à la tribune sur le fait qu'aucune manifestation n'est possible. Merci. La parole est à M. le député François Baertschi, à qui il reste une minute quarante.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne peux pas accepter d'entendre qu'on ne fait rien pour les personnes pauvres de notre société. On a dépensé des dizaines de millions - sauf erreur environ 30 millions - pour l'Hospice général, des sommes considérables sont dépensées pour la solidarité dans notre république. Nous sommes contents et fiers de le faire, nous sommes fiers d'assumer toutes les difficultés de notre société, toutes ses contradictions, tous les problèmes face à la concurrence internationale et transfrontalière, qui cause des dégâts considérables à Genève. Oui, nous sommes fiers de lutter contre tout ceci. Mais il ne faudrait pas se tromper de débat: tout le monde peut glisser vers un débat idéologique, c'est facile. Or, comme l'a très bien dit mon préopinant le député Buchs, il s'agit d'un système purement technique, d'un système de coulissage, et si les normes d'aide sociale ne sont pas satisfaisantes, on peut les réexaminer. Certains voudront les réexaminer à la hausse, d'autres, d'après ce que j'ai entendu, à la baisse; ça, c'est un autre sujet, un autre débat, mais, je vous en conjure...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. François Baertschi. ...ce n'est pas le débat à avoir ce soir.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts. Il vous reste trente secondes, Madame.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci, Monsieur le président, alors je renonce.

Le président. Très bien. Je cède la parole à la rapporteure de minorité, Mme Caroline Marti, à qui il reste quinze secondes.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi ne vise pas à réduire une inégalité; c'est un véritable nivellement par le bas, qui consiste à ramener tout le monde au niveau du minimum vital...

Le président. C'est terminé, Madame.

Mme Caroline Marti. Bon, ça suffira. Merci. (Rires.)

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir à des faits et ramener un peu de sérénité dans ce débat, en vous rappelant - je l'ai déjà dit mais ça n'a pas été entendu par la rapporteure de minorité - que j'ai parlé d'économies annuelles et non pas de coupes de 4,6 millions, concernant 1300 dossiers, soit 2,3 millions par année puisque cette économie sera faite sur deux ans, la loi entrant en vigueur - si vous l'acceptez, Mesdames et Messieurs les députés - le 1er juillet. Je rappelle aussi - vous l'avez tous lu dans le budget - que l'actualisation des charges du subside d'assurance-maladie, de la hausse des primes...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean-Luc Forni. ...et du nombre de bénéficiaires, c'est +8,7 millions. On ne coupe donc rien, on lisse. Il est vrai que pour ceux qui avaient une légère marge de manoeuvre - pour quelques francs de moins de revenus, ils touchaient 5000 F de plus par mois - c'est moins avantageux, mais je pense que l'égalité de traitement dans le calcul du subside est ainsi rétablie et respectée.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je peux parfaitement entendre et même adhérer à un certain discours qui vient de ma gauche, parce qu'il est vrai qu'il y a dans notre société des personnes grandement démunies. Mais on se trompe de sujet en tenant ici un débat gauche-droite avec, d'un côté, les défenseurs des plus démunis et, de l'autre, ceux qui voudraient qu'ils soient plus démunis encore. Je rappelle que l'objectif de ce projet de loi, qui aurait normalement dû rassembler l'unanimité de ce parlement tant il est frappé du sceau du bon sens, est de diminuer les effets de seuil constatés dans notre canton en matière de droit aux prestations sociales, simplement en adaptant à la situation financière des bénéficiaires les montants versés au titre du droit au subside d'assurance-maladie. Je rappelle qu'il concerne des personnes qui ont un excédent de ressources. Quand on parle d'excédent de ressources, il s'agit de personnes qui se trouvent au-dessus des barèmes applicables en matière de prestations complémentaires; dans la mesure où ces barèmes sont plus généreux que ceux de l'aide sociale, il n'existe pas de risque - hors gains potentiels - d'une sortie des prestations complémentaires en direction de l'aide sociale.

Il est vrai que ceux qui profitent actuellement de l'incohérence du système vont perdre un privilège, et je peux entendre le discours d'une certaine partie de cet hémicycle qui voudrait que tout le monde profite de ce privilège. Mais un discours qui demande que ce privilège soit réservé - continue à être réservé ! - à certains seulement, je ne peux pas le comprendre. Rappelons simplement qu'en 2014, la prime moyenne cantonale d'assurance-maladie est de 5796 F. Le système actuel fait en sorte que si l'excédent de ressources, dans le calcul des prestations, est de 5797 F - c'est-à-dire 1 F de plus - on ne reçoit aucun subside d'assurance-maladie. Inversement, avec 2 F de moins - soit si l'on a un excédent de ressources de 5795 F - on reçoit la totalité de la prime moyenne cantonale, c'est-à-dire 5796 F. Il y a un problème que tout le monde doit évidemment pouvoir constater. Cela concerne 2000 personnes, et c'est une économie qui ne va pas priver des gens qui reçoivent un dû mais simplement ôter une absurdité à notre système. C'est une économie de 4,6 millions dont nous avons besoin pour réaffecter ces ressources dans le domaine de l'aide aux plus défavorisés, avec un impact moyen par personne et par mois de 192 F. Je pense qu'on peut demander aux personnes qui sont au bénéfice d'un privilège que celui-ci prenne fin pour que l'Etat puisse réaffecter les ressources là où elles doivent aller. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite le parlement à se prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11540 est adopté en premier débat par 60 oui contre 31 non.

La loi 11540 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11540 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 33 non.

Loi 11540

PL 11542-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les prestations complémentaires cantonales (LPCC) (J 4 25) (Art. 5)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XV des 18 et 19 décembre 2014.
Rapport de majorité de M. Jean-Luc Forni (PDC)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Nous attaquons le point suivant de notre ordre du jour, à savoir le PL 11542-A. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi présenté par le Conseil d'Etat a pour but de modifier la loi sur les prestations complémentaires cantonales en intégrant 10% du subside d'assurance-maladie perçu en cas de droit aux prestations complémentaires fédérales dans le calcul du droit aux prestations complémentaires cantonales. Actuellement, le versement de la prime cantonale d'assurance-maladie n'est pas considéré comme un revenu dans le calcul du droit aux prestations complémentaires cantonales. Dès l'entrée en vigueur de ce projet de loi, il sera tenu compte de 10% de la prime cantonale d'assurance-maladie au titre de droit aux prestations complémentaires cantonales dans les revenus. Le minimum vital subira ainsi une baisse de 1,3% et passera de 44 551 F à 43 972 F par année, soit une baisse mensuelle de l'ordre de 48,25 F. Bien que ce projet de loi ajoute un nouvel élément dans le calcul du revenu déterminant le droit aux prestations complémentaires cantonales, sa mise en oeuvre permet de continuer à assurer aux rentiers AVS-AI du canton de Genève une situation plus favorable que ce qui prévaut dans les autres cantons suisses. Rappelons aussi que la législation en matière de prestations complémentaires cantonales et/ou fédérales permet aux ayants droit de bénéficier du remboursement des frais médicaux à concurrence d'un montant annuel de 25 000 F par année pour les personnes vivant à domicile. Le présent projet de loi s'appliquera à l'ensemble des bénéficiaires des prestations complémentaires cantonales à l'AVS-AI et/ou du subside d'assurance-maladie découlant de ces prestations, et doit permettre une économie de 4 millions en 2015 et 4 millions en 2016. La situation des personnes en institution, c'est-à-dire au sein d'établissements médico-sociaux ou pour personnes handicapées, n'est pas changée par ce projet de loi.

Plusieurs commissaires ont considéré ce texte comme «antipathique» car il confirmait la notion de revenu virtuel et générait des économies auprès des personnes les plus défavorisées, qu'il faudrait justement soutenir. Le DEAS considère que le projet de loi soumis à votre approbation aujourd'hui a été conçu et réfléchi afin de causer le moins de mal possible, les mesures devant avoir un effet marginal et être fortement utiles. Les représentants des institutions privées concernées, longuement auditionnés par les commissaires, considèrent que ces mesures vont créer davantage de précarité chez des personnes qui ont eu l'opportunité de bénéficier jusqu'à ce jour d'une certaine marge de manoeuvre dans leur budget. Bien que ce ne soit jamais de gaieté de coeur que l'on touche aux prestations sociales, la majorité des commissaires a estimé que l'effort demandé par ce projet de loi aux bénéficiaires des prestations complémentaires cantonales était mesuré et que, dans un cadre budgétaire difficile, il était nécessaire pour assurer la pérennité des prestations offertes par l'Etat. A ce propos, je vous renvoie aux décisions prises par les commissaires des finances concernant la nature 36 de la prestation C03, qui ajoute 4 millions à l'Hospice général et qui, bien entendu, tient compte de l'acceptation de ce projet de loi. Comme je l'ai déjà mentionné tout à l'heure dans le rapport sur le projet de loi 11540, Genève reste l'un des cantons les plus généreux, si ce n'est le canton le plus généreux en matière d'aide sociale, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la majorité des commissaires et à accepter vous aussi ce projet de loi.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. J'aimerais préciser d'emblée en réponse aux propos de M. Forni que Genève est aussi l'un des cantons les plus chers de Suisse ! Quelques mots maintenant pour dire que le PL 11542 prévoit d'inventer un revenu pour les bénéficiaires de prestations d'aide sociale, ceci tout simplement pour pouvoir leur imposer une baisse de 1,3% de leurs prestations. Ce n'est pas un procès d'intention, l'objectif de diminuer les prestations complémentaires cantonales figure explicitement dans l'exposé des motifs, ce qui est particulièrement mesquin et pernicieux: sous prétexte du faible montant du revenu fictif pris en compte, le Conseil d'Etat affirme l'innocuité de la mesure qu'il propose. Pourtant, sur un an, ce peut être l'équivalent d'un demi-mois de loyer pour une personne seule, voire l'équivalent d'un mois entier de loyer pour un groupe familial de deux adultes et deux enfants. Qui pourrait alors encore prétendre que la ponction est indolore ? Certainement pas ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois, pas ceux qui doivent couvrir l'entier de leurs besoins avec un revenu minimum cantonal d'aide sociale. Mais là n'est pas la préoccupation du Conseil d'Etat. En ce qui le concerne, il poursuit son travail de sape du rôle de l'Etat, du seuil intangible des prestations de l'Etat. C'est une véritable translation vers le bas des prestations que l'Etat doit assurer à sa population, c'est à cela que vous invite le Conseil d'Etat par ses multiples propositions de diminution des prestations contenues dans le projet de budget.

Ce parlement ne doit pas répondre à cette invitation. Il est garant de la fonction de l'Etat au sens le plus noble du terme, il est garant du service public. Il ne doit pas se commettre en mettant à mal un système de protection sociale laborieusement mis en place au fil des ans. Plus encore, ce n'est pas au moment où le système de protection sociale devient plus nécessaire que jamais qu'il faut l'affaiblir. Au contraire, il doit non seulement être préservé mais devrait encore se voir renforcé car c'est un gage de cohésion sociale. Le prétexte d'un contexte difficile ne constitue pas en soi un motif suffisant pour justifier la remise en cause du système de redistribution et d'aide sociale de l'Etat. Il faut s'attaquer à la problématique de diminution des recettes de l'Etat, vous nous avez déjà entendus souvent sur ce sujet; il faut agir sur les causes et non pas se résigner à voir croître drastiquement les charges de l'Etat, il faut s'attaquer au phénomène qui génère la pauvreté et non pas aux pauvres. Enfin, pour reprendre les propos que me soufflait mon facétieux collègue Pierre Vanek, je dirais que le PL 11542 est exactement l'inverse de l'initiative sur les forfaits fiscaux: pour celle-ci, on ne prend pas en compte des ressources qui existent afin de déterminer l'impôt et, pour celui-là, on prend en considération des ressources qui n'existent pas dans le but de diminuer les prestations des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est pour tous ces motifs que le groupe Ensemble à Gauche vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

Une voix. Bravo !

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, Mme Haller a raison: à Genève, la vie est plus chère que dans les autres cantons. Mais elle est surtout plus chère pour les classes moyennes, Madame Haller ! Les travaux en commission l'ont très clairement démontré: si le coût de la vie est élevé à Genève, c'est parce que nous payons des primes d'assurance-maladie plus élevées, parce que les prix du logement sont plus élevés et que notre fiscalité est plus élevée. S'agissant des deux premiers critères, la population genevoise est largement subventionnée par l'Etat. Ce sont ainsi la classe moyenne et la classe moyenne supérieure qui souffrent du coût de la vie élevé à Genève.

Pour revenir au projet de loi, il est vrai qu'il va permettre une économie de 8 millions et relève donc de la même problématique que celle du projet de loi 11540, à savoir que l'Etat genevois doit faire des économies. Il est vrai aussi que son caractère un peu «bricolage» a pu déranger certains commissaires puisqu'on ajoute un revenu virtuel. En effet, ces 10% de la prime que l'on accorde pour la subvention de l'assurance-maladie et qui sont en fait ajoutés au minimum pour avoir droit aux prestations complémentaires cantonales ont paru bizarres. Or, en réalité, ce bricolage a été ingénieusement conçu par le Conseil d'Etat pour ne pas toucher l'ensemble des bénéficiaires des prestations complémentaires. Ainsi, il ne va toucher que relativement modérément les bénéficiaires de ces prestations.

Madame Haller, j'ai beaucoup de respect pour vous, vous connaissez très bien vos dossiers, mais j'ai quand même été un peu choqué par votre rapport de minorité. Il est bien beau de citer les propos d'Alphonse Allais en disant que le Conseil d'Etat y souscrit, propos que je vais, par plaisir, relire pour notre assemblée: «Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon, d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres.» Le taux de pauvres à Genève n'est pas tellement plus élevé que dans les autres cantons. En outre, il ne s'agit pas de leur prendre de l'argent, mais de leur en donner un tout petit peu moins, il y a une immense différence. Je ne veux pas tenir les mêmes propos que M. Falquet, mais il est différent de prélever de l'argent que de subventionner légèrement moins. Vous revenez toujours avec cette idée d'augmenter la ponction fiscale chez les personnes riches, vous parlez des intérêts préservés des nantis - d'ailleurs, votre amour des riches transparaît dans vos propos ! - mais je ne vois pas en quoi les nantis sont concernés par ce projet de loi. Je vous rappelle encore qu'en plus de taxer très fortement les riches au niveau du revenu, nous avons l'impôt sur la fortune le plus élevé de Suisse. Les classes moyennes supérieures de Genève contribuent à l'effort fiscal pour permettre à notre Etat social de subsister, cet Etat social dont nous n'avons aucunement à rougir et que nous voulons maintenir. Tout au long de ma carrière médicale, Madame Haller, il m'est arrivé de rencontrer des patients chez qui on rechignait à faire des amputations a minima d'un orteil - même pas des amputations à mi-jambe - et ça se finissait tragiquement. Je pense que c'est la même chose actuellement pour l'Etat de Genève: il vaut mieux procéder à des économies raisonnées maintenant plutôt que d'arriver à une situation catastrophique si ce budget est refusé et, dans quelques années, devoir opérer des ponctions beaucoup plus sévères dont souffriront vos affidés. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). En ce moment même, j'étais en train de me dire que les positions des parlementaires de la droite et de la gauche étaient irréconciliables; finalement, tout dépend du point de vue duquel on se place. Les premiers défendent ceux qui paient déjà beaucoup voire trop - selon M. Saudan - les seconds défendent les plus faibles et le fait de partager pour que chacun dispose d'un minimum vital. M. Saudan disait aussi qu'il s'agissait, dans ce projet de loi, d'un ingénieux bricolage du Conseil d'Etat. Alors, si je le rejoins parfaitement sur les termes «bricolage» et «ingénieux», j'ajouterais aussi: «pas vraiment courageux». En effet, afin que tous les prestataires s'y retrouvent - comment voulez-vous qu'ils se retrouvent dans la lecture de la décision prise à leur égard, avec tous ces revenus fictifs, revenus hypothétiques, déductions et autres franchises ? - il aurait mieux valu que le Conseil d'Etat ait le courage de dire: «désormais, c'est tant en moins», plutôt que de compter fictivement 50 F en plus. Il s'agit là bel et bien d'une invention de revenu, comme le relevait la rapporteuse de minorité.

Ce qui n'a pas été mentionné jusqu'ici, c'est que les personnes au bénéfice des prestations complémentaires ont souvent travaillé toute leur vie, elles ont forcément eu des revenus assez faibles - puisque leur rente AVS ou AI est assez limitée et leur deuxième pilier complètement rogné - si bien qu'elles se trouvent dans l'obligation de faire appel à l'Etat de Genève qui, heureusement, est généreux. Mais tant mieux, nous pouvons être fiers de notre Etat social - en tout cas pour l'instant, on verra dans quelques heures. Nous pouvons en être fiers ! Ces personnes doivent faire appel à l'Etat pour combler leurs revenus et arriver à un minimum social, et voilà qu'on leur demande un effort supplémentaire alors qu'elles ont déjà subi - cela a été cité - de nombreuses diminutions. Par égard pour ces gens qui ont travaillé toute leur vie, qui ont apporté de la richesse à leur canton, qui sont maintenant âgés ou invalides, la moindre des choses est de jouer cartes sur table et de leur garantir le minimum social, et non pas de demander un effort de 600 F par année pour une personne seule - ce qui est quand même énorme, ça lui permet peut-être de rejoindre le club des aînés et de prendre quelques vacances à la montagne en Suisse pendant une semaine. Voilà qu'on cherche maintenant à leur enlever ça ! Ce projet de loi est inacceptable dans sa forme et sur le fond, ne consiste qu'en un florilège d'économies sur le dos des plus vulnérables, et le groupe des Verts vous invite à le refuser. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Alors là, plus de détours, le Conseil d'Etat ne s'embarrasse plus de justifier certaines de ses coupes par des mesures techniques ou un lissage des prestations et effets de seuil; maintenant, il coupe. Une coupe sèche dans le minimum vital, comme l'a relevé le rapporteur de majorité - et je le remercie d'ailleurs de sa transparence et de son honnêteté, puisque c'est effectivement le minimum vital des personnes au bénéfice des prestations complémentaires cantonales qui est touché par ce projet de loi. Le précédent objet touchait les personnes gagnant entre 38 000 F et 44 000 F par année; maintenant, ce sont celles qui ont un revenu en dessous de 38 000 F par année, soit en dessous de 3100 F par mois ! Par rapport à ce cas de figure, il est très désagréable d'entendre de la part du rapporteur de majorité que ces personnes gardent une certaine marge de manoeuvre dans leur budget. Quand on doit vivre à Genève avec 3100 F par mois et qu'il faut encore payer un loyer, des factures, de la nourriture et des vêtements, la marge de manoeuvre est ténue, voire inexistante. Ce projet de loi est à remettre en perspective avec les différentes coupes qui ont touché les bénéficiaires des prestations complémentaires ces dernières années. Je pense notamment aux diverses réformes successives de l'AI, qui ont introduit de plus en plus de rentes partielles plutôt que des rentes complètes, de même que le régime particulièrement injuste des gains hypothétiques. Je pense également au non-cumul des prestations complémentaires cantonales et de l'allocation de logement, ce à quoi s'ajoute la non-indexation du forfait logement depuis 2001, ce qui place les bénéficiaires des prestations complémentaires dans une situation financière extrêmement difficile. Enfin, je trouve particulièrement désagréable de constater que toutes ces attaques qui ont lieu depuis plusieurs années touchent en premier lieu les personnes les plus vulnérables: c'est tellement plus facile de s'attaquer à des personnes désaffiliées, qui ont une faible capacité de résistance et de protestation. Mesdames et Messieurs, pour ces raisons, le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

M. Christian Frey (S). Tout ce que le Conseil d'Etat a imaginé pour faire des économies est effectivement assez ingénieux. C'est maintenant un projet de loi après l'autre: d'abord on rétablit une équité - ça se justifie - ensuite on invente un revenu virtuel, puis on diminue encore le complément d'intégration et les prestations individuelles à des bénéficiaires de l'AI, on touche aux prestations dans le domaine du logement, etc., etc. J'aimerais que vous autres, nos collègues députés, preniez conscience du fait qu'il s'agit là d'un tir groupé, d'une organisation qui diminue de manière sensible les prestations aux personnes précarisées. Selon les calculs de ce projet de loi précis, l'impact est de 1,78%: une broutille, me direz-vous. Or nous avons eu des contacts avec les représentants de Pro Infirmis, qui nous ont démontré que, dans certains cas particuliers, la diminution combinée de toutes ces mesures pouvait représenter jusqu'à -10%. Est-ce que -10% c'est quelque chose, ou est-ce une broutille ? Ce n'est pas une broutille !

J'aimerais terminer en disant que ce discours sur les méchants pauvres qui ne se montrent pas assez reconnaissants de l'aide, de l'aumône qu'on leur offre - c'est ce que j'ai cru entendre sur les bancs d'en face - m'irrite profondément. Il y a ensuite les gens de la classe moyenne, qui sont aussi un peu pauvres puisqu'ils portent la plus grande partie de notre fiscalité, et que reste-t-il finalement ? Il reste peut-être quelques millionnaires, qui échappent au tableau de la société que nous avons dressé. Non, avec ce tir groupé, cet ensemble de mesures imaginées par le Conseil d'Etat - il ne s'agit pas seulement des 50 F dont nous parlons maintenant - il y a une véritable attaque contre les personnes précarisées. Encore une fois, prenez votre courage à deux mains, sautez par-dessus cette idée qu'on est trop généreux à Genève et cherchez des économies ailleurs, et vous allez enfin faire quelque chose de juste et d'équitable. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je passe maintenant pour l'antisocial caractéristique, alors que ce n'est pas du tout le cas. Je ne défends ni les riches ni les pauvres, ce d'autant plus qu'il n'y a pas une réelle situation de pauvreté à Genève ! On dirait que vous voulez installer les gens dans la pauvreté. Ce n'est pas nous qui installons les gens dans la pauvreté, c'est vous qui les fixez dans leur statut de pauvres, comme s'ils ne pouvaient pas se sortir les pouces pour se débrouiller ! (Protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Marc Falquet. Je suis désolé, mais dans la vie, chacun peut avoir un petit revenu; s'il reçoit l'aide sociale et n'est pas à l'assurance-invalidité, il peut se débrouiller. Dans les pays africains, le plus invalide réussit à gagner sa vie et à ramasser quelques sous. Je ne suis pas d'accord de dire qu'une diminution de 1,6%, c'est s'attaquer aux pauvres, ce n'est pas du tout vrai. Le fait de dire qu'ils sont privilégiés, je m'excuse mais, d'une certaine manière, c'est vrai. Ceux qui ont voyagé savent que... (Commentaires de Mme Salika Wenger.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Marc Falquet. ...dans le monde entier, la plupart des gens ne reçoivent rien, aucune aide sociale; ils se débrouillent malgré tout et sont même plus heureux que chez nous. (Protestations.) En général ils sont plus souriants, plus accueillants et font preuve de plus de solidarité ! (Protestations. Vifs commentaires de Mme Salika Wenger.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Marc Falquet. La solidarité dont vous parlez, ce serait bien que vous la mettiez en pratique ! (Chahut. Le président agite la cloche.)

Le président. Madame Wenger, ça suffit !

M. Marc Falquet. On ne parle pas d'une diminution de prestations de 30%. Dans la vraie vie, quelqu'un qui perd son emploi perd directement 30% de ses revenus... (Commentaires.) ...et il ne va pas venir pleurer, il se débrouille, il se retrouve au chômage, parfois après à l'aide sociale et, s'il peut, il revient et refait surface. (Remarque.) Il faut arrêter un peu ! Mais je suis d'accord également de s'attaquer aux autres si vous avez des propositions. Vous avez l'air solidaires, vous pouvez proposer une contribution de solidarité qui ira dans les caisses de l'Etat pour favoriser les plus démunis ! Je n'ai pas encore entendu ces propositions, c'est toujours chez les autres qu'il faut prendre l'argent et jamais chez ceux qui proposent ces solutions. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que M. Falquet est allé dans la bonne direction. (Protestations.) D'ailleurs, la preuve, c'est la réaction hors de propos de Mme Wenger, qui a pu s'exprimer comme elle le voulait.

Mme Salika Wenger. Absolument !

M. Pierre Weiss. Je vais vous dire deux choses: tout à l'heure, on a dit que les millionnaires pouvaient échapper; non, ils peuvent s'échapper. M. Dal Busco savait pertinemment, il y a deux semaines, ce qu'il pouvait en être en termes d'évasion fiscale des millionnaires. La deuxième chose que je voulais vous dire, c'est que les corrections au budget dont nous parlons ce soir ne concernent pas les pauvres mais des fonctionnaires dont le revenu est considéré autour de 100 000 F. En réalité, il faut savoir que chaque fonctionnaire coûte 150 000 F à notre Etat. Ce qu'il convient de proposer, ce serait plutôt la suppression de la participation de Genève à l'accord CSIAS, comme l'ont fait certains partis: voilà quelque chose qui coûte, voilà quelque chose dont les avantages mériteraient d'être calculés, voilà aussi quelque chose pour quoi la contribution desdits pauvres aux recettes fiscales, à la constitution du revenu cantonal, mériterait d'être affinée. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais m'exprimer au nom de la minorité des contribuables qui paient des impôts dans le canton de Genève. Eh oui, il en faut bien qui paient des impôts pour qu'on puisse dépenser cet argent ! J'ai failli verser une larme tout à l'heure, il m'est venu une larme à l'oeil quand j'ai entendu la gauche parce que, du coup, j'ai eu l'impression - je m'excuse, je suis allé à la buvette prendre un café pendant quelques minutes - que ce Grand Conseil avait été pris de folie et avait décidé de ne plus rien donner aux pauvres. Je suis donc vite allé m'enquérir auprès de notre magistrat cantonal: Monsieur le conseiller d'Etat, est-ce qu'on ne donne donc plus rien aux pauvres ? Non. Je vais vous faire le résumé de manière simple: ce projet de loi propose une économie de 1%. Mais j'ai quand même voulu savoir si on avait éliminé la base qu'on donnait aux plus démunis de ce canton. Parce que vous savez que le MCG ne laissera personne sur le trottoir. Nous l'avons toujours dit: nous voulons une économie forte pour pouvoir faire du social efficace. Eh bien, notre magistrat cantonal m'a donné la réponse: à Genève, le revenu minimum donné par l'aide sociale à une personne célibataire, Mesdames et Messieurs, est de 44 000 F par année !

Une voix. Ce n'est pas vrai !

M. Eric Stauffer. Eh oui ! Alors quand on vient dire, Mesdames et Messieurs... (Commentaires.) ...que nous sommes en train de jeter les pauvres à la fosse aux lions...

Le président. S'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...excusez mon indignation, que j'exprime au nom de la minorité des contribuables de ce canton qui paient des impôts. Le problème est quand même là, Mesdames et Messieurs ! Je veux bien, lorsqu'il y a des coupes ou que les gens ont des problèmes, qu'ils viennent manifester, qu'on se fasse invectiver, je veux bien. Mais je le dis clairement - malheureusement, nous ne sommes pas encore retransmis à la télévision, mais on le fera savoir - et je l'ai appris par le biais de notre conseiller d'Etat, à Genève, c'est 44 000 F de revenu minimum de l'aide sociale pour une personne célibataire, loyer et assurance-maladie payés ! Alors ne venez pas nous dire, Mesdames et Messieurs de la gauche, que nous coupons chez les pauvres et que nous faisons des économies sur les plus faibles. C'est un mensonge ! Genève est l'un des trois cantons de Suisse qui donne le plus aux démunis, et j'en suis fier ! Mais, de grâce, quand on veut harmoniser pour être encore plus efficace - et c'est la mission de notre conseiller d'Etat - ne venez pas crier au scandale en disant que Mauro Poggia est le grand méchant, non ! Il prend des décisions responsables et, je vous le répète, c'est 44 000 F de revenu minimum pour une personne célibataire à l'aide sociale ! Je vous invite à accepter ce projet de loi ! (Applaudissements.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Ce qui me rend vraiment la vie difficile ce soir, c'est la manière dont on débat de ces questions. On peut avoir des informations précises, on peut apprécier la situation et nommer les personnes qui sont dans des conditions difficiles, mais peut-être différemment. Je trouve que s'invectiver par groupes de personnes interposés - qu'elles reçoivent 44 000 F par année, plus ou moins, etc. - est vraiment insultant. On peut ne pas être d'accord sur le processus qui est mis en place; alors parlons de cela. Parlons de cela ! Mais il n'y a pas ceux qui aiment les pauvres d'un côté... Et encore, qui qualifie-t-on de pauvres ? Ce n'est donc qu'en rapport au porte-monnaie qu'on qualifie les gens de pauvres ? Peut-être, mais pas seulement. (Remarque de Mme Salika Wenger.) Je demande à cette députée de se taire ! Est-ce qu'elle peut se taire ? Je suis désolée, mais je trouve que la manière dont Mme Wenger intervient tout le temps...

Une voix. C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...quand on n'est pas d'accord avec elle, que ce soit sur un détail ou sur autre chose, c'est tout simplement une action malhonnête et un manque de respect. Nous ne vous invectivons pas...

Une voix. Ah bon ?

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Nous n'avons peut-être pas la même façon de voir le monde; mais peut-être que oui, finalement. Alors arrêtez de penser que vous êtes meilleurs que les autres et cessons de parler des groupes de personnes qui sont à l'assistance sociale, parce que cette manière d'en parler, que ce soit d'un côté comme de l'autre, est véritablement insupportable ! Regardons de quelle manière on peut y répondre au mieux, ce qu'on peut assumer et, ensuite, on dira si on est d'accord ou pas. Nous n'avons pas raison, et vous n'avez pas raison. C'est juste extrêmement compliqué et difficile de retomber sur nos pieds par rapport aux questions budgétaires. Ayons au moins la décence de dire que nous ne savons pas trop comment faire et essayons d'équilibrer les choses. Essayons de faire ça, mais dignement. Voilà, c'est tout. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Bravo, Marie-Thérèse !

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie. Il vous reste une minute, Monsieur.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas s'il y a des pauvres dans ce canton, mais il y a des personnes qui, chaque fin de mois, ont de grandes difficultés à payer leur loyer. Je ne sais pas s'il y a des pauvres, mais il y a des personnes qui n'ont pas d'emploi depuis une très longue période. Je ne sais pas s'il y a des pauvres, mais il y a des personnes qui, pour les vacances de Noël et Nouvel An, ne vont pas nécessairement partir à la montagne comme la plupart des élus ici. Je ne sais pas s'il y a des pauvres, mais il y a des personnes pour qui c'est difficile d'avoir un abonnement de bus ou une voiture...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Romain de Sainte Marie. ...durant l'année. Le constat aujourd'hui, c'est qu'à l'aide sociale, à l'Hospice général, on compte plus de 30% de prestations sociales, et ce notamment à cause de la révision de la loi sur l'assurance-chômage que la droite a voulue en 2011. Les effets sont catastrophiques ! Je ne suis pas étonné de constater aujourd'hui une certaine «zachariarisation», disons, du MCG et de son conseiller d'Etat... (Exclamations. Huées.)

Le président. Monsieur Romain de Sainte Marie, il faut conclure.

M. Romain de Sainte Marie. ...qui veut réformer l'imposition sur la fortune... (Chahut.)

Le président. C'est terminé !

M. Romain de Sainte Marie. ...qui veut réformer l'imposition sur la fortune...

Le président. C'est terminé, Monsieur ! (Commentaires. Le micro est coupé. L'orateur continue à parler.)

M. Romain de Sainte Marie. ...pour accroître les privilèges...

Le président. Monsieur, c'est terminé ! (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie. Vous voulez que je reprenne la parole, Monsieur le président ?

Le président. S'il y a un point sur lequel je suis d'accord avec Mme Engelberts, c'est que nous pouvons poursuivre nos débats sans nous invectiver de la sorte, car c'est honteux. La parole est à M. le député Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés - Monsieur le président, vous transmettrez - on entend qu'il y a dans ce canton des gens qui ont de la peine à boucler leurs fins de mois; oui, c'est vrai. Mais il y a aussi dans ce canton des individus qui s'évertuent à scier la prospérité de Genève, et j'en veux pour preuve, Monsieur le président, que les socialistes à l'agonie depuis bien trop longtemps...

Le président. Il vous reste dix secondes.

M. Eric Stauffer. Je conclus ! ...sont en train de déposer initiative sur initiative pour faire partir les gens qui paient des impôts ! Eh bien, Mesdames et Messieurs, je vous l'ai dit: à force de convoiter l'argent du riche...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Eric Stauffer. ...vous finirez par voler celui du pauvre ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci. Je donne la parole à M. le député Amaudruz.

M. Michel Amaudruz (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Je suis un peu déçu par la tournure que prennent les débats ainsi que par ces invectives. La Suisse a ses pauvres, nous en sommes tous conscients et le regrettons. La gauche n'a pas le monopole de la préoccupation d'un sort meilleur pour les pauvres. C'est un sujet qui concerne chacun et que nous devons prendre à coeur. Lorsqu'on entend dans ce débat la façon dont on s'invective, que ce soit la gauche ou la droite, je trouve que c'est méprisant pour la situation de ceux qui sont prétérités. Je vous demanderai d'avoir un peu plus de décence dans l'abord de cette question et de ne pas polémiquer à ce propos. Bien sûr, nous voudrions tous qu'il n'y ait pas de pauvres. Pour répondre à notre benjamine, bien sûr, avec vous et tous les pauvres, nous aimerions aller à Gstaad. Mais que voulez-vous ? A la base, il y a dans notre société des inégalités de naissance. Notre société fait tout ce qu'elle peut pour venir en aide à ceux qui sont démunis. Et ne criez pas sur le sort malheureux de Genève; hier ou avant-hier soir, j'ai vu une émission sur les pauvres d'Angleterre: ils n'ont pas à manger, ils sont totalement démunis. En France, c'est la gabegie avec le RMI et le RSA. Je comprends que vous souhaitiez un sort meilleur pour ces personnes, mais je crois que le Conseil d'Etat propose ici une loi faite d'équilibre et de respect de l'être humain, de sa dignité. A gauche comme à droite, on ne devrait pas oublier cela. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, je prendrai sur le temps de mon groupe. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais repréciser un certain nombre de choses. S'agissant tout d'abord de M. Falquet - vous transmettrez, Monsieur le président - et pour l'avoir côtoyé en commission, je sais que c'est un brave homme mais il est particulièrement maladroit lorsqu'il s'exprime à propos des pauvres, et je le regrette. Dire qu'ils n'ont qu'à se sortir les pouces, ce n'est pas respectueux et c'est surtout méconnaître la réalité de personnes qui se battent quotidiennement pour devenir autonomes. Je vous rappelle - je l'ai dit à plusieurs reprises - qu'une grande partie de ces gens travaillent gratuitement à mi-temps dans les services publics, dans le secteur subventionné. Dire qu'ils n'ont qu'à se sortir les pouces est simplement hors de propos.

Cela étant, je souhaite redire qu'en ce qui concerne les normes CSIAS, c'est l'adoption de celles-ci qui a introduit le CASI et a baissé le seuil de 300 F - je voulais le rappeler. Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que ce projet de loi et le PL 11540 dont nous venons de parler ont des effets cumulatifs. On ne peut pas juste dire que c'est une toute petite mesure - 1,3% de prestations en moins ! - même quand ces prestations sont pour une bonne part virtuelles. Non, il faut encore compter les effets de l'autre projet de loi, et il faudra également compter l'effet cumulatif de la mesure contenue dans le PL 11552 quand nous en traiterons. Ne venez pas dire que c'est juste une toute petite mesure. Non, c'est un train de mesures qui consiste réellement à baisser le seuil des prestations de l'Etat.

Maintenant, pour répondre à M. Saudan, si la vie est chère pour la classe moyenne, alors que représente-t-elle pour les gens les plus pauvres de ce canton ? Soyez cohérent, quand même ! Ne me dites pas qu'elle est dure pour les classes moyennes et facile pour les personnes à l'aide sociale alors que celles-ci touchent le minimum vital et rien d'autre ! Lorsqu'on parle de l'aide sociale ici, on parle d'autre chose: on parle du revenu minimum cantonal d'aide sociale des prestations complémentaires. Cela fait déjà un moment qu'on confond ces deux niveaux, je voulais juste le rappeler.

Pour terminer, les prestations d'aide sociale tout comme les prestations complémentaires cantonales sont garanties par une loi, c'est un droit. A partir du moment où vous retranchez quelque chose de ce droit, ne venez pas dire que vous n'enlevez pas des prestations, c'est faux. Quant aux mesures de prévention et à l'exemple qu'utilisait M. Saudan tout à l'heure, je ne peux bien sûr qu'être d'accord avec lui: autant le plus que le moins. Mais si on veut le moins, alors autant développer des prestations de prévention, se donner réellement les moyens de faire en sorte que les gens ne recourent pas à l'aide sociale. Or pour cela, il faudrait avoir le courage politique de prendre un certain nombre de mesures qui permettraient aux gens d'avoir du travail, de pouvoir s'assumer eux-mêmes sans avoir besoin de recourir à l'aide sociale, parce que c'est toujours une démarche douloureuse. Je vais vous faire un aveu, Mesdames et Messieurs: je n'ai pas d'antipathie particulière pour les riches, pas du tout. A vrai dire, je suis aussi contributrice, tout comme eux. Seulement, j'ai la ferme conviction que chacun doit contribuer, selon ses moyens.

Une voix. Très juste !

Mme Jocelyne Haller. Vous admettrez qu'à cette réalité-là, on peut difficilement échapper. Je vous remercie de votre attention.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir sur quelques faits et propos. Quand on parle de générosité en termes de prestations complémentaires cantonales, on compare Genève et Zurich, comme l'a proposé Mme Haller. Il faut toutefois savoir que la Ville de Zurich est de 4000 F moins généreuse que la Ville de Genève, donc que le canton. On évoque quand même ici des cantons qui ont à peu près le même niveau de vie et de cherté. Maintenant - vous transmettrez à Mme Marti, Monsieur le président - quand je parlais de marge de manoeuvre, je citais simplement les institutions auditionnées qui avaient évoqué des personnes qui, certes dans le cadre d'un niveau de vie précaire, avaient quand même une plus grande marge de manoeuvre que les autres jusqu'à présent. En outre, lorsqu'on mentionne la problématique des loyers en disant que c'est un loyer d'épargné par mois, cela est valable pour 60% des gens qui se trouvent dans le barème du subside cantonal. Pour les autres, vous savez que le canton réfléchit actuellement - vous l'avez entendu comme moi, Madame Haller - à redéfinir une péréquation financière au niveau fédéral afin que certains cantons soient davantage subventionnés que d'autres, en particulier Genève où les loyers sont plus chers. Enfin, dernier point, j'ai l'impression qu'il s'agit là d'un débat qui pourrait avoir lieu au niveau de la classe moyenne: on assiste en effet à une certaine paupérisation de la classe moyenne, et ce débat avec ses arguments pour et contre reflète un certain mépris de ceux qui ne touchent pas un revenu leur donnant droit aux prestations d'aide sociale ou complémentaires cantonales par rapport à ceux qui les perçoivent, et qui s'en sentent frustrés. Voilà, je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, Genève a des personnes précarisées, incontestablement - que certains appellent des pauvres, même si je n'aime pas ce terme qui peut être perçu de manière péjorative - et elles méritent notre infini respect. Mais il faut lire ce projet de loi et constater qu'il ne s'adresse précisément pas aux personnes au bénéfice de prestations sociales servies par l'Hospice général: nous parlons uniquement ici de personnes au bénéfice de prestations complémentaires cantonales, qui sont versées par le service des prestations complémentaires en sus des prestations complémentaires fédérales. Dans ce projet de loi - il est utile de le lire - nous nous adressons à des personnes au bénéfice de rentes AVS ou AI, qui sont donc au double bénéfice des prestations complémentaires fédérales et cantonales. Seuls trois cantons - cela a été rappelé dans les débats, il s'agit de Bâle-Ville, Zurich et Genève - versent des prestations complémentaires cantonales; les autres cantons suisses ne versent que les prestations complémentaires fédérales, qui résultent de la loi fédérale sur les prestations complémentaires aux prestations à l'AVS-AI, il faut en être conscient. Si le canton de Genève a été particulièrement généreux ces dernières années, il est vrai qu'il est toujours difficile, dans des perspectives économiques plus contraignantes, de devoir faire très modestement - très modestement ! - marche arrière, pour simplement réallouer - je le répète encore une fois - les ressources là où elles doivent aller.

Quelques rappels pour que vous vous rendiez bien compte que nous ne sommes pas en train de toucher ceux que vous appelez les pauvres: les prestations complémentaires fédérales et cantonales prennent en considération des barèmes annuels, lesquels comprennent bien sûr les loyers - on vous a d'ailleurs rappelé qu'ils n'ont pas été réévalués depuis un certain temps puisqu'ils sont de 13 200 F pour une personne seule. A ce propos, vous savez qu'il existe une consultation au niveau fédéral visant précisément à tenir compte des spécificités cantonales dans ce barème, afin que les prestations complémentaires fédérales puissent, elles aussi, tenir compte de loyers correspondant davantage à la réalité quotidienne. A ces 13 200 F s'ajoute la prime moyenne cantonale, qui est évidemment intégralement prise en compte dans le calcul; l'année prochaine, elle sera malheureusement très proche de 6000 F par année, donc 500 F par mois. Viennent ensuite les besoins vitaux, couverts à hauteur de 19 210 F selon les barèmes des prestations complémentaires fédérales, mais qui sont évidemment supérieurs - sinon, il n'y aurait pas d'intérêt à proposer des prestations complémentaires cantonales. Ceux-ci sont de 25 555 F pour les bénéficiaires de l'AVS et de 29 388 F pour ceux de l'AI - un autre projet de loi traite cette inégalité qui s'explique par des raisons purement historiques. Il y a ainsi un écart entre les besoins vitaux pris en considération au niveau fédéral et ceux pris en considération à Genève, qui s'élève à 33% pour les rentiers AVS et à 55% pour les rentiers AI.

Il faut appeler un chat un chat: ce projet de loi est effectivement une mesure d'économies par opposition au projet de loi voté tout à l'heure qui visait, lui, à régler une incohérence. Ce projet de loi touche 18 500 personnes avec une économie budgétée de 8 millions sur deux années, soit 4 millions en 2015 et 4 millions en 2016, et un impact moyen par personne de 35 F par mois. Oui, 35 F par mois ! Nous ne sommes pas en train de priver ces personnes, comme on a pu l'entendre, de 10% de leurs revenus. Il s'agit de 35 F par mois, c'est-à-dire un peu plus de 1%, ce qui ramène le minimum vital actuel de 44 451 F - non pas de l'assistance sociale mais des prestations complémentaires - à 43 972 F, à savoir 3666 F par mois. Voilà ce que l'on appellerait placer les gens dans la précarité ? En tout cas, ce n'est pas la conception qu'en a le Conseil d'Etat. S'ajoutent à cela le remboursement intégral des frais médicaux jusqu'à concurrence de 25 000 F pour une personne seule et de 50 000 F pour un couple - vous avez bien entendu les chiffres que je viens d'articuler ! - l'abonnement aux TPG à un prix préférentiel de même que l'exonération de la cotisation Billag. Et tout ceci ne concerne que les personnes qui sont à domicile. En effet, pour les individus en institution, que ce soit en EMS ou en établissement pour personnes handicapées, un déplafonnement est prévu par la législation fédérale; le projet de loi qui vous est soumis n'aura donc tout simplement aucun impact sur eux. Dès lors, je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi raisonnable, supportable et qui s'inscrit dans l'effort commun que chacun doit faire dans cette république pour assainir la situation financière du canton. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre le scrutin sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11542 est adopté en premier débat par 64 oui contre 32 non.

La loi 11542 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote final sera donc nominal.

Mise aux voix, la loi 11542 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 33 non (vote nominal).

Loi 11542 Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 20h30. Bon appétit !

La séance est levée à 18h50.