République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 décembre 2014 à 15h
1re législature - 1re année - 14e session - 87e séance
PL 11405-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 11405-A, et je donne la parole à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous m'excuserez, je ne suis pas dans cette commission mais j'ai lu le rapport, et j'ai été fortement étonnée par l'unanimité entre les commissaires. Dépenser 2,5 millions pour des risques qui n'ont jamais vraiment été mis en évidence ? De plus, chaque fois qu'il y a réellement eu un risque notamment bactériologique ou viral - je vous rappelle les H1N1 et autres grippes qui se sont abattues sur notre canton - les moyens que nous avions à disposition n'étaient jamais adaptés: il fallait de toute façon racheter du matériel, notamment des pédiluves et autres choses. Et aujourd'hui, il y a tout à coup urgence, pour une menace qui n'est même pas avérée, d'acheter du matériel de base, mais du joli matériel de base, comme des bottes en caoutchouc, des masques, des visières à filtres, etc. Certes, en général... (Remarque.) Eh oui, même les bottes en caoutchouc ont une durée de vie limitée, le plastique en a une, c'est hallucinant mais c'est comme ça. Je ne vous explique pas, lors de la dernière grippe, le nombre de seringues que nous avons dû jeter parce que même non utilisées, elles n'étaient plus utilisables. Ce matériel comprend aussi des spectromètres de masse, et un spectromètre de masse, c'est quand même 200 000 F ! Or s'il y avait vraiment une menace avérée dans ce canton, il y a plein de compagnies et laboratoires qui en possèdent et qui les mettraient à disposition. Au-delà de cela, je vous rappelle l'existence du laboratoire de Spiez qui, au niveau national, est l'institut qui s'occupe justement de tous ces risques nucléaire, bactériologique, chimique, j'en passe et des meilleures. Je rappelle encore qu'en cas de risque vraiment important dans le canton, c'est le SIS qui intervient et, comme c'est indiqué dans le rapport, celui-ci possède le matériel et les moyens nécessaires pour que son personnel puisse agir dans de bonnes conditions.
Si je vois une menace aujourd'hui, ce n'est pas en termes de risques bactériologique et nucléaire; je vois une menace sur les cycles d'orientation et autres écoles qui tombent en ruine, je vois une menace sur notre budget. Je vous rappelle que ce Grand Conseil vient de maintenir un demi-million pour le vote par correspondance. Eh bien, il aurait là une façon très facile d'équilibrer à nouveau le budget, à savoir de ne pas entrer en matière sur ce projet d'acquisition pour 2,5 millions de matériel en lien avec ces risques. Nous n'étions pas à jour en 2014, nous ne le serons pas en 2015. On verra bien ce qui se passe, mais je crois qu'il y a plus de chances que les murs des cycles se décrépissent qu'une bombe nucléaire nous tombe sur la tête. Excusez-moi mais je pense que, dans ces conditions-là, il faudrait plutôt déterminer quels sont les risques pour les personnes qui ont de vrais besoins en matériel, en entretien et en bâtiments de qualité.
Une voix. Très bien !
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, à en juger par les propos que ma préopinante a tenus, on voit tout de suite qu'elle n'a pas siégé dans cette commission. A mon avis, il y a une méconnaissance crasse de la problématique du terrain. J'aimerais tout de même signaler que cette lacune a très clairement été mise en exergue dans le cadre du rapport qui a été fait. Il s'agit d'ailleurs à peu près de la seule lacune encore présente dans le dispositif Osiris, lacune qui, malheureusement, ne date pas d'aujourd'hui. Elle date même d'un certain nombre d'années ! Malheureusement, l'autorité n'a pas voulu réagir en temps utile, non pas pour des questions de guerre nucléaire, bactériologique ou chimique, mais pour des événements de ce style. Je relève à cet égard que nous avons eu un certain nombre d'incidents dans ce canton, y compris dans certaines de nos entreprises, qu'elles oeuvrent dans le domaine biologique ou chimique. Or la réponse que l'on a pu apporter - j'ai en effet une certaine expérience en la matière - a toujours été un bricolage incessant. Lorsque nous sommes... (Remarque.) Je ne vous ai pas interrompue, Madame, alors soyez très gentille de ne pas le faire non plus ! Lors de l'Eurofoot, on a également fait un bricolage total. Alors on a voulu compter sur la Confédération. La Confédération, comme vous le savez... (Remarque.)
Le président. Madame Meissner, s'il vous plaît ! (Commentaires.)
M. Raymond Wicky. Vous avez tout à fait raison, le centre de Spiez est bourré de compétences. Mais il faut savoir que pour pouvoir disposer des compétences de Spiez, avant d'avoir quelque chose de concret, il faut en tout cas attendre une bonne demi-journée. De plus, le laboratoire de Spiez ne possède pas beaucoup d'infrastructures - infrastructures qui sont mises en oeuvre notamment par des moyens hélitransportés - car il s'agit essentiellement d'un support scientifique en matière de connaissances qui est apporté aux forces d'intervention.
Voici ce qui est exemplaire dans ce projet de loi: premièrement, on a enfin écouté les intervenants du terrain, et deuxièmement, on a pratiqué une forme de mutualisation puisqu'on s'est partagé d'une part les compétences d'acquisition et d'autre part celles d'exploitation. S'agissant des fameuses bottes en caoutchouc dont vous parlez, j'aimerais mentionner qu'il est prévu qu'elles viennent aussi équiper notre police cantonale, notamment notre police scientifique qui, au lieu de faire sa petite cuisine dans son coin, fera maintenant une cuisine consolidée, si je puis me permettre, avec le SIS, lequel sera là pour assurer une certaine forme de logistique. Je crois que cela répond à un besoin. Si vous ne voulez pas voter ce projet de loi, ne le votez pas ! Mais je crois qu'il y a un réel besoin. Encore une fois, ce n'est pas un besoin guerrier, c'est un besoin du quotidien. Je peux vous assurer que quand on intervient - j'en ai fait l'expérience personnellement, notamment face à des problèmes bactériologiques - on aime quand même bien être protégé. Un dernier élément en ce qui concerne les fameux spectrogrammes: oui, en effet, il y en a à Genève. Mais il n'y a qu'avec du matériel à disposition vingt-quatre heures sur vingt-quatre et des forces d'intervention équipées comme à peu près toutes les forces d'intervention dans le monde que nous pourrons faire face rapidement à un produit chimique ou autre auquel on pourrait être confronté. Je vous engage donc à soutenir et à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Il est difficile de rebondir sur les propos de M. Wicky, qui étaient absolument parfaits. Mais je voudrais également vous rappeler certaines choses qui font, heureusement, seulement sourire dans les chaumières. Rappelez-vous ce samedi de février 1985, où il s'est mis à neiger. C'était le début des vacances d'hiver. De ma fenêtre, j'ai vu le concierge de l'immeuble partir avec son grand véhicule, les luges et les skis sur le toit; il partait, non sans avoir soigneusement mis sous clef les pelles à neige et tout ce qu'il fallait pour déneiger. Or à l'époque, comme vous le savez, les autorités cantonales avaient renoncé au matériel de déneigement et l'avaient vendu au canton de Vaud, en pensant qu'il n'y aurait plus de neige à Genève ! Mais qu'est-ce qui pouvait bien leur passer par la tête ? Je voudrais ainsi attirer l'attention de ce plénum sur le principe de précaution, qui est une nécessité absolue. Bien avant 1985, j'ai un jour reçu un coup de fil de ma brave mère, qui me disait: «Ma chérie, va acheter des réserves d'eau !» Pourquoi me disait-elle cela ? J'ai fini par lui tirer les vers du nez: comme mes parents étaient amis avec le chef du service des eaux des Services industriels, il leur avait été communiqué de faire des réserves parce que l'eau genevoise faisait l'objet d'une menace terroriste d'empoisonnement. A l'époque, ce n'est pas sorti dans les journaux. Mais c'est une chose qu'il faut savoir. Un cas grave arrive soudainement, c'est le principe même de l'assurance. Lorsqu'on contracte une assurance, ce n'est pas parce que l'on sait qu'une chose va se produire, mais parce qu'elle pourrait se produire. Les gens qui sont soumis aux mêmes risques contractent une assurance, s'assurent ensemble et paient à l'avance. C'est exactement ce qu'on nous demande ici. Pourquoi le canton de Genève est-il particulièrement menacé ? Tout d'abord parce que c'est un lieu où se déroulent toutes sortes de réunions très importantes sur le plan international, ensuite parce qu'il y a des transports de matériaux dangereux par train qui peuvent être accidentés à n'importe quel moment, et enfin pour toutes sortes d'autres menaces contre lesquelles il nous faut être assurés. Voilà pourquoi le MCG soutiendra de toute son énergie ce projet de loi et ce crédit.
M. Pierre Vanek (EAG). Du côté de mon groupe, nous ne prendrons pas la responsabilité de ne pas voter ce modeste crédit pour des équipements qui sont sans aucun doute nécessaires en cas d'incident ou de catastrophe sur le plan biologique, nucléaire, chimique. Ça me semble une évidence - même si je ne suis pas un spécialiste - à la lecture du rapport. En revanche, il y a une autre évidence, à savoir qu'on ne devrait pas se contenter d'attendre les catastrophes en se donnant quelques moyens qui, de toute façon, seront du bricolage - M. Wicky l'a évoqué tout à l'heure en disant qu'il ne faut pas que nous soyons contraints de bricoler. Dans toutes les circonstances, les autorités bricolent toujours face aux catastrophes. Le problème, c'est qu'il s'agit évidemment d'engager une action préventive sur le fond. Il y a des grèves préventives nécessaires, Michel Ducommun nous l'a expliqué hier par rapport à un certain nombre de catastrophes sociales ou syndicales qu'il s'agit d'éviter. En matière nucléaire, pour ne prendre que ce cas-là, Mme Meissner a dit: «Une bombe atomique n'est pas près de nous tomber sur la tête.» Sans aucun doute, je vous l'accorde volontiers. Par contre, elle me donne acte du péril effectif des centrales nucléaires qui nous entourent, comme le Bugey - je m'oriente par là-bas... (L'orateur se tourne vers la direction du Bugey.) ...qui se situe à quoi ? Une septantaine de kilomètres ! Il s'agit d'une centrale nucléaire vieillissante, d'un dépôt de déchets, d'une installation de traitement des déchets radioactifs relevant du démantèlement de toute une série d'autres installations, contre lequel le Conseil d'Etat a d'ailleurs fait recours - ça, c'est une action préventive, en effet. Mais l'action préventive, sur le fond, c'est bien de sortir du nucléaire, pas de faire semblant d'en sortir ! On ne dit pas: «J'arrête de fumer mais je déciderai de jour en jour si je continue à m'acheter ou non un paquet de cigarettes»; or c'est ce que les Chambres sont en train de faire s'agissant des installations nucléaires de ce pays: ils prétendent vouloir sortir du nucléaire mais réautorisent les usines à fonctionner de dix ans en dix ans. Il s'agit maintenant d'avoir une action radicale consistant à prendre le mal à la racine et à éliminer la menace. Je ne serai pas plus long, mais il est évident qu'en matière biologique ou chimique, il y a des mesures préventives à prendre sur le fond, il y a des questions à se poser sur les activités menées dans ces domaines et qu'on ne peut pas simplement laisser aux industriels ou aux entreprises concernées dont la vocation essentielle est de faire du profit. Certes, Mesdames et Messieurs, nous voterons ce crédit mais nous n'entretenons aucune espèce d'illusion quant au fait que les modestes crédits que nous votons nous assurent protection ou garantie contre quoi que ce soit. C'est un peu négatif: nous ne prenons pas la responsabilité de ne pas les voter, mais proclamons dans cette salle qu'il y a, concernant les risques nucléaire, biologique et chimique, des études et des actions à engager de nature préventive et sur le fond.
M. Ivan Slatkine (PLR), rapporteur. Je ne pensais pas qu'il serait nécessaire d'intervenir, mais les explications lumineuses de Mme Meissner et du groupe UDC m'amènent à la réflexion suivante: en matière de risques, il y aurait une grosse économie à faire dans ce pays: je vous propose de suggérer au ministre de la défense de supprimer l'armée !
Une voix. C'est une bonne idée, bravo ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été mentionné, ce projet de loi vient combler une lacune de notre dispositif Osiris qui, vous le savez, sert à protéger la population en cas de risque imminent, de danger avéré ou d'accident. Comme pour toute assurance que chaque particulier peut contracter, on peut évidemment, au moment de payer la facture, se poser les questions suivantes: est-ce que cela en vaut la peine ? Est-ce que je choisis la casco complète ou est-ce que je prends le risque, en cas d'accident, d'assumer totalement les frais ? Voilà le type de questions que l'on peut se poser lorsque le Conseil d'Etat vous présente ce projet de loi d'investissement destiné à acquérir pour la République et canton de Genève, et en coordination avec d'autres instances de sécurité, un certain volume de matériel devant nous permettre de faire face à des catastrophes qui, par nature, sont imprévisibles et dont l'ampleur et les conséquences ne pourront jamais être calculées mais qui peuvent être amoindries grâce à un matériel et à une qualité organisationnelle suffisants.
Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez observer de par le monde comment différentes nations font face à l'imprévu: dans les régions du sud notamment, certains pays, face à un tremblement de terre, sont totalement pris au dépourvu et n'arrivent absolument pas à s'organiser, ce qui provoque des milliers voire des dizaines de milliers de victimes supplémentaires. Souvenez-vous également du Chili qui, lors d'un tremblement de terre il y a quelques années et face à l'aide internationale qui arrivait, a dit: «Nous sommes prêts, nous avons le matériel pour répondre à cette urgence, nous devons juste nous organiser pour y faire face.» Mesdames et Messieurs, les autorités genevoises doivent garantir à leur population d'être prêtes en cas d'accident, de pouvoir intervenir avec d'une part le dispositif organisationnel qu'est Osiris et, d'autre part, du matériel adéquat pour que les ressources humaines puissent agir rapidement sur le terrain. Ce projet de loi le fait de manière intelligente et mutualise les ressources à disposition. En effet, il s'agit de matériel qui ne sera pas forcément stocké, qui peut être employé au quotidien pour des usages chimiques mais qui est disponible en cas de coup dur.
Enfin - cela a aussi été relevé - le Conseil d'Etat ne doit pas seulement se préparer au pire mais aussi agir en amont. M. Vanek a cité le risque d'accident nucléaire; vous savez que notre république poursuit par tous les moyens légaux et démocratiques possibles l'abandon du nucléaire dans ses environs pour ne pas soumettre la population genevoise à un risque d'accident. Avec mon collègue Barthassat, nous nous engageons également auprès de Berne pour réduire les wagons de chlore qui, chaque nuit, traversent notre canton, un chlore qui, en cas de déraillement de train, provoquerait immédiatement des centaines voire des milliers de morts et fait ainsi courir à notre population un risque inadmissible. Nous menons ces combats par ailleurs, mais ne sommes pas toujours sûrs de pouvoir les gagner, du moins à court terme. C'est pourquoi il est indispensable que notre république soit dotée de ce matériel en lien avec les risques nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous remercie d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 11405 est adopté en premier débat par 70 oui contre 4 non et 1 abstention.
La loi 11405 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11405 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 2 non et 4 abstentions.