République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 5 décembre 2014 à 15h
1re législature - 1re année - 14e session - 87e séance
M 2169-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous passons au point suivant, c'est-à-dire les objets liés M 2169-A et M 2248. Je cède la parole au rapporteur, notre ancien président, M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. J'ai l'honneur de vous présenter ici deux motions, mais surtout l'une d'elles qui a été acceptée à l'unanimité par la commission de contrôle de gestion. En trois mots, de quoi s'agit-il ? Dans le canton de Genève, les marchés publics équivalent à peu près à trois milliards ou trois milliards et demi de francs par année. C'est dire si les marchés publics et les commandes publiques jouent un rôle très important, notamment en matière d'occupation des PME. Aujourd'hui, en 2014, vingt ans se sont écoulés depuis l'accord de l'OMC qui a donné le départ à cette ouverture des marchés publics. Dans l'ordre juridique suisse, l'accord de l'OMC a fait l'objet d'une loi fédérale sur les régies publiques et d'un accord intercantonal sur les marchés publics en concordat concernant son application pour les cantons et les communes. Dans notre canton, l'ouverture des marchés publics a fait l'objet de nombreuses interprétations et interpellations, parce qu'elle touche à un domaine extrêmement sensible, c'est-à-dire les commandes notamment auprès d'entreprises et de fournisseurs locaux.
C'est la raison pour laquelle la commission de contrôle de gestion - et c'est là son travail - a examiné en profondeur le fonctionnement de l'application de l'ouverture des marchés publics à Genève. Elle y a consacré pas moins de dix séances en auditionnant tous les départements et institutions soumis à l'obligation d'ouvrir les marchés. Lors de ce travail en profondeur, nous nous sommes aperçus que l'accord était globalement appliqué de façon correcte mais qu'il souffrait d'un certain nombre de faiblesses. Très rapidement, Monsieur le président, vu que nous sommes en séance des extraits et que nous avons renoncé à l'urgence, j'aimerais relever les principales faiblesses constatées par la commission. Tout d'abord un manque de coordination, l'éparpillement des instances et des compétences dans l'application de cet accord. Deuxièmement, certaines faiblesses dans la lutte contre le dumping et le travail au noir, à savoir l'application des conditions de travail après l'ouverture. Troisièmement - et c'est là un reproche qui a été fait généralement par l'ensemble des membres de la commission - en adjugeant les travaux, on tient compte quasiment chaque fois du seul prix comme critère. Il n'y a que le prix qui compte ! Le reste, soit les critères d'environnement et de formation professionnelle, les critères sociaux comme l'application des conditions de travail, des usages et des conventions collectives de travail, on s'en fiche - excusez-moi l'expression ! Autre faiblesse également, la surveillance des travaux après l'adjudication et leur démarrage. On peut parfois lire dans la presse des situations tout à fait inadmissibles, avec des travailleurs payés 8 F ou 10 F de l'heure sur des chantiers publics, ce qui est inadmissible. Enfin, dernière faiblesse à relever - mais il y en a d'autres - le manque de coopération et de collaboration entre Genève et les autres cantons en matière de travaux publics. Là, il y a un problème de réciprocité qui n'est pas réglé.
Pour si possible corriger ces faiblesses et y mettre fin, la commission s'est mise d'accord - et je remercie mes collègues commissaires de m'avoir confié le soin de faire cette synthèse - pour faire un certain nombre de recommandations dans sa motion, qui a été acceptée à l'unanimité. J'insiste, et je terminerai par là, sur le fait que je vous invite à adopter les deux motions. Il y a en effet la motion des Verts qui, elle, mettait l'accent sur le problème des critères environnementaux et sociaux. Je vous demande si possible d'accepter ces deux motions à l'unanimité - ce n'est pas un ordre mais un souhait prononcé. Pourquoi ? Actuellement court précisément une révision de l'accord intercantonal sur les marchés publics suite à une révision de l'accord de l'OMC. Le projet qui est proposé est inadmissible, en tout cas de l'avis des associations professionnelles, premièrement parce qu'il va réduire encore l'autonomie des cantons - et ça, c'est important - et deuxièmement parce qu'il aimerait réintroduire la discussion sur les prix après l'ouverture, chose absolument inadmissible dans une ouverture du marché public. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ces deux motions de façon à permettre à la commission de contrôle de gestion et à celle des travaux le cas échéant de pouvoir vérifier la prise de position du canton, qui doit partir d'ici le 17 décembre. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je serai très brève puisque M. Barrillier a fait un excellent résumé des travaux de la commission. D'ailleurs, je crois que nous pouvons tous, au nom de la commission, remercier très vivement et chaleureusement M. Barrillier, qui est à l'origine de cette motion de commission acceptée à l'unanimité. Ces deux textes revêtent en effet un caractère particulièrement important pour Genève. Comme cela a été souligné, trop souvent, seul le prix compte; or il conviendrait peut-être de mieux pondérer d'autres critères, tels les critères environnementaux ou sociaux, par exemple l'emploi de personnes handicapées ou encore une meilleure reconnaissance du rôle formateur des entreprises genevoises et en particulier des PME. C'est pour cela que je vous invite fortement à soutenir ces deux motions ainsi qu'à insister auprès du Conseil d'Etat pour que soit créé un véritable centre de compétences à Genève. Il s'agit de faire en sorte que les pratiques qu'on a pu observer et qui sont parfois un peu disparates soient mieux unifiées et qu'un interlocuteur unique soit mis en place pour les entreprises, ce qui facilitera leur travail lorsqu'elles souhaitent se porter candidates à certains travaux. Je vous remercie donc de bien vouloir accueillir favorablement ces deux motions, comme ce parlement l'a déjà fait d'ailleurs à maintes reprises. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-François Girardet (MCG). Je tiens également à remercier M. le député Barrillier pour l'énorme travail qu'il a fourni et les conclusions comprises dans ce rapport. Le MCG soutiendra bien sûr ces deux motions et leurs conclusions, notamment les réserves et recommandations émises. Je voudrais également informer notre Grand Conseil que nous avons été saisis d'une demande de révision du concordat concernant les AIMP, comme le rapporteur l'a souligné. La commission des affaires communales, régionales et internationales, la CACRI, pour être plus simple, se réunira mardi prochain, le 9 décembre, pour discuter cet objet conjointement avec la commission de contrôle de gestion. Je pense que ce sera là l'occasion de réexaminer et de redire nos recommandations afin que cette révision tienne compte de ces remarques, notamment quant à la concertation et à la coordination avec les autres cantons. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Tout d'abord un grand merci à M. Barrillier pour cette motion, qui restera probablement dans les esprits comme la «motion Barrillier». Elle nous vient d'un homme qui s'est toujours battu pour les marchés publics et pour les entreprises et les PME à Genève. J'aimerais bien que le Conseil d'Etat reçoive ces motions avec plus que de l'intérêt et suive les recommandations qui y figurent. Il est important que cela ne reste pas des voeux pieux mais qu'on puisse s'appuyer sur de nouvelles recommandations pour les AIMP. Je vous remercie.
Mme Magali Orsini (EAG). Encore plus brièvement, Ensemble à Gauche se joint aux remerciements collectifs à M. Barrillier pour avoir remis à neuf ce travail et soutiendra ces deux motions, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre le dumping salarial sur les chantiers de l'Etat. Merci beaucoup.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur Barrillier, si vous prenez le Mémorial du 30 novembre 2006, je crois que vous aviez dit mot pour mot la même chose qu'aujourd'hui ! (Commentaires.) A l'époque déjà, il était question, dans la nouvelle modification qu'on nous proposait, d'abaisser les seuils des travaux qui entraient dans le processus d'attribution des AIMP tel qu'il a été décrit. Cette motion arrive au bon moment pour qu'on puisse se reposer des questions et déterminer jusqu'où l'on accepte la suprématie de la concurrence à tout crin, qu'elle soit locale, suisse ou internationale, et jusqu'où l'on offre d'une certaine manière en pâture l'argent de nos investissements, qui ne sert pas les personnes et travailleurs de ce canton dans le cadre de conditions de travail raisonnables mais va à de gros consortiums qui sont simplement indispensables pour réaliser des travaux devenant gigantesques et qu'il n'est plus possible de faire réaliser par nos PME locales. Cette motion pose les questions justes, les données et défis à venir exacts; voilà pourquoi nous la saluons. Nous serons très attentifs à la suite, comme nous l'avons été en 2006. A cette époque en effet, les modifications de l'accord sur les AIMP n'avaient pas été - et de loin ! - acceptées à l'unanimité de ce parlement; nous avions déjà une certaine frange de personnes qui non seulement se posaient des questions mais refusaient également d'entrer dans cette logique de concurrence internationale à tout va. Ces questions restent donc d'actualité et seront suivies attentivement, en tout cas par le groupe socialiste.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à... Est-ce que le MCG a déjà parlé ? (Remarque.) C'est le cas. Je ne peux donc plus vous donner la parole, désolé. Monsieur le conseiller d'Etat Dal Busco, c'est à vous.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne veux pas allonger ce débat en séance des extraits, mais je me dois quand même de dire, au nom du Conseil d'Etat, quelques mots à propos de l'important travail réalisé en commission, en particulier sous la houlette de M. Barrillier, dont on sait combien il est attaché à ces questions. Cela ne date pas d'hier, y compris dans une vie antérieure ! J'aimerais vous dire que le Conseil d'Etat accueille avec bienveillance et intérêt le résultat de ces travaux, qui sont concrétisés par la motion de commission. Comme cela a été indiqué, ce renvoi arrive à point nommé puisqu'une révision de l'accord intercantonal sur les marchés publics est actuellement en consultation. Ainsi que M. Girardet l'a rappelé, je viendrai en commission mardi.
Ce que je voudrais dire, c'est que l'orientation prise par cette révision ne va malheureusement pas dans le sens souhaité par ce parlement, et je crois qu'il faut le regretter. La prise de position de votre parlement au travers de ce rapport est un élément, mais je ne sais pas s'il sera très fort. Bien sûr, cela va certainement servir à étayer la position du canton de Genève, qui sera d'ailleurs nourrie par un certain nombre d'autres consultations que nous avons entamées depuis maintenant plusieurs semaines. C'est un élément important, assurément, mais je voudrais quand même vous dire qu'à ce stade en tout cas, le Conseil d'Etat estime que l'orientation prise par cette révision de l'accord ne va pas vraiment dans le bon sens, en tout cas pas tout à fait dans celui que vous souhaitez ou que vous vous apprêtez à exprimer dans quelques instants par votre vote. Il s'agit néanmoins d'un élément extrêmement positif qui servira parfaitement à étayer notre prise de position. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. L'assemblée va maintenant se prononcer sur la prise en considération de ces deux objets.
Mise aux voix, la motion 2169 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la motion 2248 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)