République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Murat Julian Alder, Michel Amaudruz, Olivier Baud, Michel Ducommun, Renaud Gautier, Lionel Halpérin, Guy Mettan, Patrick Saudan, Lydia Schneider Hausser, Daniel Sormanni, Pierre Weiss et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Christophe Aumeunier, Gilbert Catelain, Christian Decorvet, Pierre Gauthier, Jean-Charles Lathion, Nicole Valiquer Grecuccio, Georges Vuillod et Yvan Zweifel.

Annonces et dépôts

Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:

Pétition concernant la situation dramatique dans laquelle se trouve la famille de Monsieur K.A. (P-1914)

à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne).

R 768
Proposition de résolution de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Sophie Forster Carbonnier, Roger Deneys, Romain de Sainte Marie, François Lefort, Jean-Charles Rielle, Frédérique Perler, Boris Calame, Irène Buche, Christian Frey, Emilie Flamand-Lew, Jean-Michel Bugnion, Yves de Matteis, Salima Moyard, Lisa Mazzone, Michel Ducommun, Cyril Mizrahi, Caroline Marti, Pierre Vanek pour maintenir des emplois industriels à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.

Suite du débat

Le président. Nous continuons notre débat sur la R 768 en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Stauffer... qui n'est pas là. Monsieur Carlos Medeiros, c'est donc à vous.

M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez la chose suivante au député de Sainte Marie: lorsqu'il a commencé à parler tout à l'heure, je ne rigolais pas du sort des travailleurs. Ce qui me donne envie de rire, ce sont vos propos, Monsieur de Sainte Marie: vous faites tout pour casser la machine, pour dégoûter les entrepreneurs. Je tiens quand même à vous rappeler que vos projets sont en cours de route: l'abolition des forfaits fiscaux, l'abolition du taux préférentiel d'impôts pour les multinationales... Et après, vous venez vous plaindre ici en disant que c'est la faute de l'économie libérale. Eh non, Monsieur de Sainte Marie ! Ce n'est pas la faute de l'économie libérale, c'est la faute de votre dogmatisme; c'est au dogmatisme du parti socialiste que nous devons toute cette situation. Je tiens à vous rappeler que l'ensemble des cantons de Suisse - voire certains pays d'Europe qui passent par de grosses difficultés - font tout pour créer des conditions-cadres afin que l'économie se porte bien, notamment dans le secteur industriel. Eh bien nous, à Genève, nous avons des enfants gâtés, des gens qui pensent à des conceptions politiques d'un autre âge: la prétendue égalité, les prétendus droits de l'Homme. Du coup, aujourd'hui, la compétitivité est en train de baisser, l'attractivité de ce canton diminue. Elle diminue parce qu'à cause des mesures que vous préconisez, les industriels - notamment les multinationales - commencent à déménager ailleurs. Alors arrêtez de vouloir nous faire verser une petite larme à cause de l'économie libérale et posez-vous les bonnes questions, Monsieur de Sainte Marie. D'ailleurs, vu que les socialistes genevois - et les socialistes suisses tout court - ont toujours un peu de retard par rapport à leurs cousins français, rappelons-nous ce qui se passe aujourd'hui en France, où le gouvernement socialiste a tout fait pour casser la machine économique. De quoi se rend-on compte aujourd'hui ? Ils ont été chercher un banquier privé d'une grande banque pour remonter le secteur économique ! C'est vraiment exceptionnel !

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Carlos Medeiros. Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous voulez aujourd'hui casser la machine économique genevoise et aller demain demander à un banquier privé de Genève de venir aider l'économie ? Non ! Posez-vous les bonnes questions. Les questions sont simples. Créons des conditions-cadres visant à la compétitivité. Arrêtez avec vos propos dogmatiques, afin que les multinationales...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Carlos Medeiros. ...puissent continuer à exister et à écrire le mot «richesse» dans notre canton. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Serge Hiltpold... mais je ne le vois pas. Je passe donc la parole à M. Jean-Marc Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette résolution interpelle le Conseil d'Etat et lui demande d'agir sur le cas bien précis qui a été évoqué tout à l'heure. Dans ce contexte, il faut peut-être rappeler qu'il existe à ce sujet des dispositions légales fédérales et cantonales qui permettent au Conseil d'Etat d'agir, notamment en matière de licenciements collectifs, puisqu'il est prévu une annonce obligatoire de ces licenciements, la consultation du personnel ainsi que la possibilité laissée au personnel de faire des propositions pour les éviter. Le Conseil d'Etat a fait tout ce travail en respectant les dispositions légales. A l'heure actuelle, les contre-propositions n'ont malheureusement pas été acceptées, mais un plan social est en cours de réalisation afin d'atténuer les effets des licenciements. Le Conseil d'Etat a donc agi, mais il n'a pas plus de pouvoir coercitif - heureusement, je dirais - et ne peut pas intervenir davantage dans la marche des entreprises, puisque la maîtrise d'une entreprise reste acquise à celle-ci.

De façon plus générale, le rôle du Conseil d'Etat est de mettre en place des conditions-cadres favorables au développement de notre tissu industriel. Je trouve assez piquant de constater qu'on vient ce matin nous faire la leçon sur les méfaits du libéralisme économique alors que, sur les mêmes bancs, on s'ingénie systématiquement, année après année, à taquiner les entreprises, à les empêcher d'exercer leur activité de façon correcte. Sur cette base, dans la mesure où les choses ont été réalisées, le groupe démocrate-chrétien refusera cette proposition de résolution. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, la proposition de résolution 768 en lien avec la délocalisation de l'activité de production de l'entreprise industrielle Parker Hannifin Manufacturing Switzerland SA devrait nous interpeller - et plus particulièrement notre conseiller d'Etat - sur la situation économique industrielle genevoise. Le maintien de la diversité de notre économie est d'une importance première pour Genève: perdre de la diversité, c'est d'une part perdre des compétences locales ainsi que des capacités d'emploi et de formation et, d'autre part, exposer encore plus Genève aux risques économiques liés à une éventuelle crise dans un domaine d'activité spécifique. Le maintien et le développement de la diversité de notre économie locale doivent être un objectif premier et prioritaire de notre gouvernement, et plus particulièrement de son département de l'économie. Rappelons-nous que notre économie représente des emplois pour notre population de même que des revenus pour assurer l'activité des collectivités au service de la population.

Nous vous appelons ainsi à soutenir cette résolution qui, bien qu'elle soit soumise à nos débats certainement trop tardivement, invite le Conseil d'Etat à agir sans délai, ce qu'il ne semble malheureusement pas avoir fait à ce jour. Il faut agir dans le cadre de cette situation, mais aussi agir de façon proactive pour assurer le maintien et le développement d'une activité industrielle genevoise diversifiée. Car l'activité industrielle ne vit pas en vase clos, mais bien en interaction avec le reste de l'économie. C'est un acteur très important de notre quotidien, et nous devons tout faire pour son maintien. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts vous invite à soutenir cette proposition de résolution, qui doit être un signal au Conseil d'Etat quant à notre attachement à une économie diversifiée. Je vous remercie de votre attention.

M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Medeiros... On croit rêver, quand même ! On a l'impression, en entendant M. Medeiros, que si Genève est aujourd'hui le canton avec le plus haut taux de chômage, si Genève connaît un exode du secteur secondaire, c'est la faute de la gauche !

M. Carlos Medeiros. Eh oui !

Des voix. Eh oui ! (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie. Pourtant, qui gouverne Genève depuis des décennies ? Qui possède une majorité au Grand Conseil et au Conseil d'Etat et, pourtant, connaît ce triste bilan en matière économique ? C'est la droite dont vous faites aussi partie, au MCG ! Enfin, et pour prendre un exemple récent, qui a mis des bâtons dans les roues des entreprises avec la votation du 9 février sur l'immigration de masse ? C'est cette même droite et l'extrême droite avant tout, dont vous faites partie. Si on entend bien les milieux économiques aujourd'hui, ils ne se plaignent pas de la gauche: ils se plaignent de vos initiatives et des méfaits qu'elles ont ensuite sur l'ensemble de l'économie. (Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (PLR). Monsieur le président, je me réfère aux paroles de M. Romain de Sainte Montebourg, qui vient de s'exprimer... (Exclamations.) Il ne lui manque plus que la liquette bretonne pour être authentique ! Il tient exactement les mêmes propos que son camarade français sur le redressement productif, et on a vu le succès que cela a eu en France: un désastre tellement catastrophique que celui-ci a dû être viré manu militari et remplacé par un banquier, ce qui montre que les banquiers ont même des qualités auprès des socialistes ! (Applaudissements.) M. de Sainte Montebourg a démontré par ses nombreuses actions le sabotage systématique que son parti mène à Genève contre l'économie et les multinationales. Je prends pour exemple l'initiative 150 contre les multinationales, où celles-ci sont traitées de «parasites», de «profiteuses». Je trouve absolument scandaleux que M. de Sainte Montebourg vienne nous faire la leçon aujourd'hui.

Que nous propose M. Romain de Sainte Marie ? Comme son collègue français, il nous propose une économie planifiée. Un plan quinquennal, en gros. Pour ce faire, il se réfère notamment - il ne l'a pas dit directement mais on sent cela de façon sous-jacente - à un papier que les syndicats ont publié il y a quelque temps en faveur d'une autre économie, en proposant un fonds d'investissement à Genève, notamment pour réindustrialiser le PAV. Ce qu'on nous propose au fond, ce sont des hauts fourneaux au PAV. Je vais rappeler les propos d'un homme très sage, qui a oeuvré dans cette république il y a une législature, à savoir M. David Hiler, ancien ministre des finances: la gauche veut réindustrialiser le canton, mais il a rappelé que c'était certes possible pour autant qu'on soit d'accord d'avoir les salaires du Bangladesh ! Genève ne peut attirer - c'est sa nature, c'est sa structure - que des emplois à haute valeur ajoutée. D'ailleurs, en matière industrielle, on a de l'industrie à très haute valeur ajoutée. C'est celle-là qu'on doit attirer, ce sont ces emplois-là qu'il faut avoir. Ce sont d'ailleurs ces emplois qui génèrent les recettes fiscales qui nourrissent votre Etat gigantesque et apportent l'argent que vous dépensez sans le produire. Voilà ce que M. de Sainte Marie oublie dans son discours. Ces impôts que vous dépensez sans compter, il faut qu'une économie dynamique, florissante et à haute valeur ajoutée les produise. Il faut évidemment rejeter cette proposition de résolution. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Magali Orsini. (Un instant s'écoule.) Madame Orsini, c'est à vous !

Mme Magali Orsini (EAG). Ah, pardon, Monsieur le président, et merci ! Selon la théorie libérale, l'Etat n'intervient pas dans la vie des entreprises. Nous l'avons bien compris. Sauf peut-être quand il s'agit de trouver 65 milliards du jour au lendemain pour sauver l'UBS ou d'accorder des allégements à des entreprises triées sur le volet selon des critères plus ou moins officiels ! Le groupe Ensemble à Gauche a effectivement une préférence marquée pour le secteur secondaire, par exemple par rapport à celui du négoce. Ça, c'est clair. Il souhaite que le Conseil d'Etat y consacre l'essentiel de son énergie et de ses aides fiscales. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord répondre, au nom du Conseil d'Etat, au procès que l'on nous a fait. Il s'agit d'un procès tardif parce qu'en réalité - navré de vous décevoir, Monsieur le député - nous avons réalisé l'ensemble de ce que vous avez évoqué tout à l'heure, et sommes même allés bien au-delà de vos désirs. A plusieurs reprises, nous avons rencontré à la fois les syndicats et les employés. Nous nous sommes associés à l'excellent contre-projet qu'ils ont proposé. Mon collègue Poggia et moi-même sommes intervenus personnellement et avec nos collaborateurs auprès de la direction concernée. Nous avons même proposé que la CRCT - présidée par l'un de mes prédécesseurs, Laurent Moutinot - puisse intervenir comme médiateur et, à chaque fois, nous nous sommes vu opposer une fin de non-recevoir de la part de la direction de cette entreprise.

Comme l'ont dit certains tout à l'heure, nous ne nous trouvons pas dans une économie planifiée où le Conseil d'Etat donne des ordres à l'économie, et c'est très bien comme cela. C'est aussi ce qui a permis la prospérité de notre canton. Nous regrettons ici la décision de cette entreprise qui effectue un travail de qualité et fait partie des fleurons industriels. C'est une nature d'activité à laquelle nous sommes sensibles, nous, Conseil d'Etat. Mais nous ne pouvons pas faire plus que tant ! Nous avons fait tout ce que vous souhaitiez que nous fassions. Dès lors, votre proposition de résolution n'est absolument plus nécessaire. Ce qu'elle demande a déjà été fait, et bien au-delà.

J'aimerais ajouter que si l'on peut évidemment entendre quelques gesticulations régulières dans ce parlement contre le Conseil d'Etat ainsi que des procès s'agissant de son activité, nous faisons très souvent, Monsieur le député, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, la démonstration que nous anticipons ce type de mouvement dans les différents secteurs économiques. Avec le service de la promotion économique - en lien également avec les questions d'aménagement - nous sommes précisément en train d'envisager la façon dont nous allons pouvoir anticiper les mouvements naturels dans le secteur du PAV, parce qu'il s'agit d'un élément clef.

L'économie vit, c'est un corps vivant; il y a des départs, des arrivées. Comment peut-on anticiper et adoucir les chocs le plus possible ? De ce point de vue là, le Conseil d'Etat aurait davantage besoin du soutien du parlement plutôt que d'assister à de grandes déclarations oratoires et autres gesticulations. Nous aurions besoin d'un appui, d'une stabilité, d'une capacité à voir à long terme avec des déclarations d'intention positives et un peu d'enthousiasme plutôt que des procès réciproques de part et d'autre des bancs de cette enceinte.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande de rejeter ce texte, non pas parce qu'il dit des choses aberrantes - non, il dit des choses intelligentes - mais parce que nous avons déjà fait tout ce qui était en notre pouvoir. A l'heure actuelle, cette résolution est davantage une entrave qu'un réel moteur pour essayer de sortir de cette situation délicate avec les employés et les syndicats. Je précise enfin - parce qu'il est utile de le souligner - que mon collègue Poggia, nos services et moi-même suivons de très près l'élaboration du plan social sur lequel nous travaillons concrètement, parce que c'est par là que cela passe maintenant. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre l'amendement proposé par M. Riedweg, qui consiste à supprimer la deuxième invite du texte.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 23 oui.

Le président. Nous votons maintenant la proposition de résolution.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.

Mise aux voix, la proposition de résolution 768 est rejetée par 59 non contre 28 oui (vote nominal). (Le vote nominal n'a pas pu être enregistré.)

PL 11397-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Christian Dandrès, Roger Deneys, Emilie Flamand-Lew, Cyril Mizrahi, Lisa Mazzone, Thomas Wenger, Sophie Forster Carbonnier, Irène Buche, François Lefort, Jean-Michel Bugnion, Boris Calame, Christian Frey, Frédérique Perler, Romain de Sainte Marie, Jean-Charles Rielle, Yves de Matteis sur les estimations fiscales de certains immeubles (LEFI) (D 3 10)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15, 16 et 17 mai 2014.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de première minorité de Mme Magali Orsini (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à notre dernière urgence, soit le PL 11397-A. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission fiscale est entrée en matière sur le PL 11397 relatif aux estimations fiscales de certains immeubles. La majorité de la commission a amendé ce projet de loi afin de prolonger la durée de validité des estimations de la valeur fiscale des immeubles, visées à l'article 50 de la loi sur l'imposition des personnes physiques. Il s'agit de prolonger ce délai - qui, aujourd'hui, court au 31 décembre 2014 - jusqu'au 31 décembre 2018. La majorité de la commission fiscale vous recommande donc d'accepter le projet de loi voté en commission.

Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche trouve anormal qu'aucune réévaluation des immeubles ne soit intervenue depuis 1995, alors que la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs exige que la valeur retenue pour la taxation soit la valeur vénale. En 2012, la majorité de droite du Grand Conseil a refusé une réévaluation de 20% qui allait dans ce sens. Certes, une évaluation générale de ces immeubles est prévue à terme. Mais elle prendra au minimum trois ans, et il n'y a aucune raison de ne pas réévaluer de 20% leur valeur fiscale dans l'intervalle, sans le moindre risque d'atteindre la valeur d'estimation au prix du marché, qui sera finalement retenue. En effet, on estime que la valeur des appartements et des villas a augmenté de 58% entre 2004 et 2011. La situation actuelle crée une grave inégalité de traitement entre d'anciens propriétaires et des nouveaux, souvent de jeunes ménages qui ont acquis leur appartement au prix du marché.

On essaie de nous faire croire qu'une telle réévaluation mettrait en difficulté les gens modestes. Il faut rappeler que le statut de propriétaire d'appartement ou de villa demeure un statut privilégié par rapport à l'ensemble de la population, qui doit se contenter de louer son logement. Les propriétaires ont enregistré une plus-value colossale de leur bien, sans travail ou mérite particulier, uniquement à cause de la pénurie de logements et de terrains à construire. De toute façon, une réévaluation immédiate de 20% ne serait qu'un palier admis par le Tribunal fédéral en attendant la fixation de la valeur vénale. Cette valeur elle-même devrait être régulièrement indexée pour ne pas recréer les mêmes distorsions au bout d'un certain nombre d'années entre les anciens et les nouveaux propriétaires. Des réévaluations de 20% ont été faites en 1974, 1985 et 1995, sans la moindre difficulté technique. Le scandale est qu'il n'y en ait pas eu depuis ! Une fois de plus, la droite du parlement souhaite priver l'Etat de ressources évaluées à 30 millions de francs, qui devraient très normalement provenir des couches les plus favorisées de la population. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche ne soutiendra ce projet de loi que dans sa version initialement déposée. Je vous remercie.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, alors que la valeur fiscale des immeubles non locatifs devrait être revue tous les dix ans par une commission d'experts, Genève n'a effectué qu'une seule et unique fois cette expertise en 1964. Depuis, seules trois majorations de 20% ont été appliquées, la dernière datant de 1995. Cette situation n'est pas conforme non seulement à notre droit cantonal, mais également au droit fédéral, qui exige que l'estimation de la fortune doit se faire sur la valeur vénale de l'objet. Cela engendre une inégalité de traitement absolument inacceptable. Ainsi, pour des biens similaires, les nouveaux propriétaires paient 5% d'impôts en plus que des propriétaires ayant acquis leur bien il y a plusieurs années. Cette situation n'est pas digne d'un Etat de droit. Certes, la majoration proposée par ce projet de loi ne résout pas tous les problèmes, mais elle permet du moins d'atténuer légèrement l'inégalité de traitement observée actuellement et de démontrer aux autorités fédérales que le canton de Genève ne sous-estime pas ce problème et qu'il entend le résoudre dans un laps de temps court.

Que représentent 20% au regard de la variation des prix de l'immobilier ? Entre 2004 et 2013, 67% de la valeur des propriétés par étages a été augmentée - 69% pour les villas. Nous sommes donc extrêmement loin du compte avec ces modestes 20%. Que permettraient ces 20%, Mesdames et Messieurs les députés ? Ils permettraient d'apporter 33 millions de francs aux caisses de l'Etat. Lorsque nous voyons les difficultés dans lesquelles se trouvent notre parlement et le Conseil d'Etat pour boucler un budget à l'équilibre et résoudre les problèmes de la dette - sans parler de la réforme de la fiscalité des entreprises qu'on nous prépare - je ne comprends pas qu'un projet qui avait été déposé par le Conseil d'Etat lors de la précédente législature ne soit pas repris maintenant. Cela permettrait non seulement de résoudre un problème d'inégalité de traitement, mais aussi d'amener un certain nombre de ressources extrêmement nécessaires. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la rapporteure de deuxième minorité. Je passe la parole à M. le député Ronald Zacharias pour quatre minutes.

M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il semble que la loi sur la réévaluation des immeubles non loués ait suscité quelque aigreur parmi les personnes assises sur les bancs d'en face. Pour ces partis, qui encouragent la fuite fiscale durable et pour lesquels la confiscation est synonyme de vertu, l'occasion était sans doute trop belle pour ne pas tenter d'élargir l'assiette d'une substance fiscale dont tout le monde s'accorde à dire par ailleurs qu'elle est d'ores et déjà imposée au-delà des limites du raisonnable. Osons regarder la réalité en face ! Bon nombre de nos contribuables les plus aisés et d'entreprises songent sérieusement à quitter Genève. Il n'y a pas là matière à disputer, c'est un fait. Notre canton est de moins en moins envisagé lorsqu'il s'agit de penser une nouvelle implantation d'entreprise; c'est là également tristement factuel. Nos jeunes, surtout parmi les plus instruits et les plus prometteurs, ne se projettent plus et se préparent à un avenir professionnel hors de notre canton. Trop d'impôts, de taxes et de prélèvements de toute nature ! Trop de complexité législative, réglementaire, bureaucratique ! Trop de rigidité et d'incertitudes ont eu raison de leur enthousiasme et de leur volonté d'entreprendre sur notre sol. Trop d'Etat, pas assez de libertés ! Le piège de l'Etat providence et de la nécessaire fuite en avant est en train de se refermer sur notre économie et notre prospérité. Nous assistons tous, passivement, à la déconstruction de ce que nous avons mis des décennies à bâtir. Osons un constat: l'Etat est surdimensionné, inefficace, et il y a trop de bénéficiaires de subsides et d'allocations de toute sorte par rapport à celles et ceux qui travaillent et produisent. Exiger le bien au détriment du possible a donné naissance à un Etat social dont la surcharge est en train de couler le navire.

Nous devons trouver le courage d'empêcher ce naufrage, et une partie de ce courage doit être mis au service d'une réforme en profondeur de notre fiscalité cantonale. Il en va de l'intérêt général et de la permanence même de notre système de solidarité, que les nouvelles prétentions de la gauche viennent mettre en danger. Rappelons que Genève est le canton le plus lourdement imposé de Suisse, et de loin. Le taux de l'impôt sur la fortune y est le plus élevé, et surtout les méthodes d'évaluation des actifs les plus défavorables qui soient. La gauche se propose d'alourdir encore l'imposition des immeubles non loués - à savoir essentiellement ceux qui sont occupés par leurs propriétaires - mettant ainsi en danger les plus faibles d'entre eux qui devront soit vendre leur bien soit puiser dans un bas de laine déjà très fortement sollicité par la fiscalité actuelle. Le projet de loi, avant qu'il ne soit amendé...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Ronald Zacharias. ...viole le principe de neutralité fiscale prévu par la loi, qui assure à chaque contribuable que le bordereau final qui lui sera notifié ne sera pas plus élevé du fait de la réévaluation projetée.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Ronald Zacharias. Au vu de ce qui précède, je vous demande d'accueillir favorablement le projet de loi tel qu'amendé en commission, majoritairement, courageusement, parce qu'il convient d'appeler les nouvelles forces de progrès de ce parlement. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Excellent !

M. Stéphane Florey (UDC). Le projet de loi d'origine est un non-sens. En effet, quelques semaines avant son dépôt par le groupe socialiste, ce Grand Conseil avait voté le PL 11313 relatif à la préparation de l'estimation des immeubles. Comme par hasard, le groupe socialiste est venu après coup avec ses propres recettes d'estimation, alors que ledit projet de loi est justement un outil qui doit permettre au Conseil d'Etat de faire les estimations et le travail nécessaires pour trouver le bon taux et la bonne estimation. Les socialistes sont venus avec des chiffres; certes, mais cela reste des chiffres. Ils sont venus nous expliquer qu'ils avaient fait des études, des recherches, et qu'il fallait absolument appliquer leur taux pour régulariser la situation, alors que - comme je le disais précédemment - le Conseil d'Etat lui-même est venu devant la commission fiscale nous disant qu'il lui faudrait une période de deux à trois ans pour faire le travail. C'est pour cela que le projet d'origine a été amendé. Pour la commission, il s'agissait surtout de ne pas laisser le Conseil d'Etat sans base légale, puisque l'amendement que j'avais moi-même déposé en commission reprend en fait le principe du PL 11020, qui demandait de proroger l'estimation actuelle des immeubles. Voilà pourquoi nous avons voté, avec la majorité, l'amendement qui prolonge cette loi jusqu'en 2018 - sauf erreur - c'est-à-dire le temps qu'il faudra au Conseil d'Etat pour faire la bonne estimation des immeubles. Ainsi, tout rentrera dans l'ordre et peut-être que la gauche, une fois le processus achevé, sera enfin contente. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC vous demande et recommande d'accepter le PL 11397 tel qu'amendé par la commission. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). J'ai entendu parler de courage et de progrès. Je suis frappé par les notions de courage et de progrès de la majorité de droite de la commission fiscale, qui a pourtant refusé toute audition pour ce projet de loi. Mais il s'agit certainement d'une preuve de courage que je n'ai pas comprise ! Au temps pour moi !

Ce projet de loi pourrait être attribué non pas aux socialistes, mais au précédent Conseil d'Etat - et plus particulièrement à M. David Hiler - qui avait déposé à l'époque un texte semblable pour rendre la situation actuelle à Genève un peu plus légale. Il faut en effet savoir que depuis cinquante ans, le canton est hors la loi au vu de la LIPP et de l'estimation de la valeur de certains immeubles. Ce projet de loi cherche simplement à indexer cette même valeur qui, depuis 2005, ne l'est plus. Elle ne l'est plus alors que, selon le mandat qui avait été donné par le Conseil d'Etat au cabinet Wüest & Partner, l'augmentation de la valeur des immeubles à Genève entre 2004 et 2011 n'était pas de 20%, mais bien de 58% ! Ce ne sont pas là quelques chiffres articulés par le parti socialiste, mais des études tout à fait crédibles reprises par le précédent Conseil d'Etat.

L'amendement déposé par la majorité de droite, qui consiste à supprimer l'indexation de 20%, est véritablement scandaleux. Cet ajustement paraît en effet légitime au vu des chiffres que je viens de vous énumérer et qui correspondraient à 31 millions de francs de recettes supplémentaires pour l'Etat de Genève. Quand j'entends M. Longchamp nous parler de son programme d'austérité - son programme de législature, pardon ! - et nous dire qu'on ne peut pas proposer un catalogue de Noël avec des cadeaux dedans... C'est pourtant bien ce que font le canton de Genève, le Conseil d'Etat et la majorité de droite, qui offrent de petits cadeaux fiscaux aux plus riches de notre canton. C'est bien ce qui est fait avec les forfaits fiscaux, et c'est bien ce qui est fait ici aussi avec les propriétaires d'immeubles. C'est donc la droite qui offre les cadeaux, et c'est tous les jours Noël à Genève pour les plus privilégiés. Et ça, il faut le dire ! (Quelques applaudissements.)

Nous connaissons actuellement une situation aux Transports publics genevois - on l'a vu récemment dans les médias - telle que, si nous n'agissons pas, nous allons subir des licenciements, des coupes dans la cadence des trams et des bus... (Commentaires.) ...et bien plus de problèmes, au détriment des Genevoises et des Genevois. Pourtant, le même conseiller d'Etat en charge des transports a cherché à trouver les moyens pour pouvoir financer ces prestations publiques: cette même majorité les refuse au Conseil d'Etat. Aujourd'hui, nous avons une solution pour garantir des trams et des bus pour les Genevoises et Genevois; il y a une solution immédiate, juste, qui enlève les privilèges à certains - ceux-là mêmes qui durent depuis bien trop longtemps - et qui se trouve dans ce projet de loi. C'est pourquoi nous allons vous proposer un amendement rétablissant le projet de loi initial...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Romain de Sainte Marie. Je vous remercie, je vais tout de suite conclure. ...de manière à défaire le hold-up commis à la commission fiscale sur un projet absolument neutre et qui cherche non pas une neutralité fiscale, mais une véritable justice fiscale. Merci.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il faut poser un cadre un peu plus global que celui de ce projet de loi, qui est finalement très transitoire et technique. Le cadre global, c'est la fiscalité genevoise, l'équilibre entre les dépenses et les recettes. A intervalles réguliers, on en entend certains se plaindre de baisses fiscales qui auraient eu lieu dans le passé. Ils oublient de regarder les chiffres récents - même pas si récents que ça, des dix dernières années, où notre canton a connu une croissance quasi continue de ses recettes, parce qu'il avait une économie florissante. Cette croissance est supérieure à la croissance de notre produit cantonal brut, parce que le canton de Genève bénéficie d'une population très fortunée et d'entreprises qui le sont tout autant. Je prends un exemple pour rappel: dans les chiffres 2013, le canton a eu une bonne surprise fiscale de 225 millions - qui a d'ailleurs permis d'équilibrer les comptes - principalement sur les personnes physiques, mais également sur les personnes morales. Dire qu'il y a un problème de recettes dans notre canton, c'est tout simplement ne pas savoir lire des chiffres pourtant simples. Nous n'avons pas de problème de recettes, puisque nous avons les recettes par habitant les plus élevées de Suisse, vraisemblablement du monde. Je suis toujours en attente de la réponse à un défi que j'avais lancé à M. de Sainte Marie à la commission fiscale, à savoir qu'il me cite une autre communauté vivant avec plus d'argent par personne. Je ne crois pas que cela existe. Peut-être la fiscalité genevoise n'est-elle pas la plus élevée dans toutes les catégories; c'est exact. Mais ce qui est également exact, c'est que Genève est l'endroit de Suisse où l'Etat prélève le plus par personne. La capacité de l'Etat genevois... (Remarque.) En francs, Monsieur de Sainte Marie ! Vous pouvez vérifier: c'est l'endroit de Suisse où le montant est le plus élevé en francs par personne. Je ne parle pas de pourcentages, mais de francs. Or avec ce montant-là, nous ne sommes pas encore capables de faire face à toutes nos prestations. Nous ne sommes même pas capables de diminuer nos dettes.

La question générale est une question de fiscalité. On l'aborde ici par le petit bout de la lorgnette. D'ailleurs, toute la discussion sur la neutralité de la réévaluation est un peu passée sous silence. Tout le monde s'accorde à dire que cette réévaluation des immeubles doit avoir lieu; c'est le droit fédéral. Mais l'ancien et le nouveau conseiller d'Etat se sont engagés à ce que ce soit neutre, c'est-à-dire à ce que la fiscalité générale des propriétaires et des habitants ne soit pas augmentée. Cela passera vraisemblablement par une révision du taux d'impôt sur la fortune. C'est une bonne chose, Mesdames et Messieurs. Il ne faut pas vouloir augmenter la fiscalité en permanence, vous n'y arriverez pas. L'éthique fiscale et l'équité fiscale ne consistent pas, comme le dit Mme Schneider Hausser dans le rapport, à aller prendre l'argent où il est. Ça, c'est une éthique de bandit de grand chemin, ce n'est pas une éthique fiscale ! (Rires.) Non, ce n'est pas une éthique fiscale ! Il faut trouver des équilibres durables. Un équilibre durable ne peut pas simplement consister à faire un prélèvement supplémentaire chaque fois qu'il y a un besoin supplémentaire.

Je terminerai en disant que le chiffre, lui, n'est jamais connu avec précision. Mais s'il y a bien un grand profiteur de l'immobilier, s'il y en a bien un qui ne perd jamais à ce jeu-là, c'est l'Etat ! Chaque année, il taxe toutes les transactions. Chaque année, il taxe sur la fortune, et selon ce qui apparaît dans les comptes...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Benoît Genecand. ...il s'agit de 595 millions. Oui, 595 millions ! Or cela ne comprend pas toute la taxation sur la fortune. Le montant est vraisemblablement beaucoup plus important. L'Etat de Genève, Mesdames et Messieurs, taxe déjà de manière largement suffisante. Il faut aujourd'hui retrouver un peu de raison, retrouver une politique fiscale durable, pour que notre canton puisse prospérer. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Je ne vais pas paraphraser l'excellent rapport de minorité de ma collègue Sophie Forster Carbonnier, mais l'appuyer et relever que l'équité fiscale est une question de principe pour les Verts, et qu'il n'y a aucune raison que persiste une inégalité de traitement choquante entre des contribuables. Lorsque j'entends de la part du préopinant PLR, M. Genecand, que ce qui est proposé dans ce projet de loi est une éthique de bandit de grand chemin, les bras m'en tombent ! Il s'agit là d'une question de principe. Nous sommes dans un Etat de droit, et il est essentiel que chaque contribuable soit traité de manière égale, afin de permettre à notre Etat d'assurer sa fonction de redistribution, d'assumer ses tâches et les différentes prestations qu'il offre à la population. Refuser le projet de loi tel que proposé par ses signataires, c'est non seulement accepter que perdure une inégalité fiscale, mais également - comme l'a relevé Mme Forster Carbonnier - se priver de recettes fiscales qui ne seraient qu'un juste retour des choses, car il faut bien se rendre à l'évidence: à terme, lorsque cette réévaluation aura lieu, ce sera à peu près 60% d'indexation que les propriétaires devront subir. Aussi, une indexation de 20% constitue déjà un premier palier, tout en permettant à l'Etat de bénéficier de plus de 30 millions de nouvelles recettes, qui ne seront pas volées et qui, je le rappelle, permettront d'assumer ses tâches plutôt que de couper dans des prestations essentielles pour notre population. Les Verts vous prient donc de refuser le projet de loi tel que sorti de commission et de voter les rapports de minorité. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?

Le président. Une minute et trente secondes.

Mme Sophie Forster Carbonnier. Très bien. J'ai écouté avec attention les diverses interventions du PLR, du MCG et de l'UDC, mais personne n'a répondu à mes interrogations. Comment justifiez-vous le fait qu'un nouveau propriétaire paie actuellement cinq fois plus d'impôts qu'un ancien propriétaire pour un bien semblable ? C'est une inégalité de traitement devant la loi qui est inacceptable, et je ne vous ai pas entendus à ce propos. Or il me semble que, parmi vos membres, des gens sont concernés par cette situation et doivent aussi s'en émouvoir.

Ensuite, un certain nombre de chiffres ont été articulés. Depuis, ces chiffres ont été réactualisés, et il s'agit bien d'une augmentation des valeurs estimées de 69% pour les villas entre 2004 et 2013, et de 67% pour les propriétés par étages. Les 20% sont donc plus que modestes, puisqu'ils représentent moins du tiers des valeurs réelles. Par ailleurs, on entend toujours des déclarations dans cette enceinte selon lesquelles la fiscalité de Genève est insupportable pour les contribuables de ce canton, pour les contribuables riches en particulier. La fiscalité de Genève est caractéristique par sa forte progressivité. Les gens qui ont peu ou pas de moyens paient très peu, et en effet, les personnes qui disposent de plus de moyens s'acquittent de davantage d'impôts. C'est une chose dont on peut se réjouir plutôt que de s'en plaindre !

Enfin, la fiscalité genevoise possède également une autre caractéristique, à savoir qu'elle est extrêmement peu transparente. Il demeure un nombre de niches fiscales et d'exceptions purement genevoises par rapport à l'environnement suisse...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Sophie Forster Carbonnier. ...qu'on ne trouve qu'ici. Si on commençait par s'attaquer à ces niches fiscales et rétablir une certaine égalité de traitement entre les contribuables, je pense que cela nous permettrait d'arriver à renforcer les recettes fiscales, sans pour autant prétériter une partie de la population. Je vous remercie.

Mme Magali Orsini (EAG), rapporteuse de première minorité. Je voulais simplement revenir sur la question de la neutralité fiscale qui aurait été promise aux propriétaires fonciers - propriétaires d'appartements et de villas - pour vous dire qu'Ensemble à Gauche s'y opposera formellement. La réévaluation des immeubles individuels est simplement la reconnaissance d'une réalité économique, à savoir que ces immeubles ont pris une valeur qui se traduit d'ailleurs immédiatement lors de la vente par la constatation d'une plus-value considérable. Je répète que cette plus-value s'est accumulée sans mérite particulier, uniquement du fait de la pénurie de logements à Genève. Mais c'est une réalité. Lorsqu'on constatera cette réalité en réévaluant la valeur fiscale des immeubles, il sera hors de question qu'on fasse, par compensation, des cadeaux d'impôt sur la fortune aux mêmes bénéficiaires. Je vous prie de croire que nous nous y opposerons par tous les moyens.

Encore un petit mot concernant une réflexion de M. Zacharias sur les jeunes qui quitteraient le canton, désespérés par le manque de perspectives que celui-ci offrirait. Je pense que plus on ira vers une économie bling-bling à base de brassage de plus-values occultes, moins ce sera favorable à la recherche d'idéal de notre jeunesse. Ceci nous ramène à ce qu'on disait tout à l'heure par rapport à l'économie secondaire: je pense que plus on aura affaire à de l'économie réelle, plus on sera en mesure d'offrir à notre jeunesse un idéal un peu plus intéressant. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. La majorité de la commission fiscale estime que la neutralité fiscale et un juste équilibre doivent être maintenus. N'oublions pas que Genève a le plus haut taux d'impôt sur la fortune de Suisse, avec un prélèvement de 1%, ce qui est énorme et va évidemment nous affaiblir dans le futur si nous ne résolvons pas ce problème. Il faut savoir que les gains immobiliers apportent à Genève 197 millions et l'impôt immobilier complémentaire 103 millions, soit 300 millions, auxquels il faut ajouter l'impôt sur la fortune, somme qui dépasse d'ailleurs les 600 millions. Enfin, rappelons ici que ce Grand Conseil avait voté le PL 11313 traitant du même sujet. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande d'accepter le projet de loi tel que sorti de commission et de refuser l'amendement socialiste.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat fait le même constat que les rapporteurs de minorité. La situation actuelle en matière d'estimation des valeurs des immeubles conduit à une inégalité de traitement, notamment entre les personnes qui se sont portées acquéreuses d'un bien immobilier au cours de ces dernières années - le marché était alors très élevé - et celles qui sont propriétaires depuis de nombreuses années. Nous sommes également conscients que cela pose un problème de conformité avec le droit fédéral et que, de manière générale, la situation de l'imposition à Genève, notamment en matière d'imposition sur la fortune, est véritablement problématique. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.

La stratégie qui vous a été proposée par le Conseil d'Etat - et qui a été concrétisée, en tout cas dans un premier temps, par votre Grand Conseil - est de procéder en deux phases. La première phase a été votée, elle bat son plein actuellement. Il s'agit d'objectiver formellement les valeurs de ces immeubles. Il est vrai que depuis un certain nombre d'années - vingt, voire davantage - il n'a pas été procédé à des réévaluations objectives de la valeur de ces objets. Il est donc nécessaire de le faire. Nos services sont maintenant à l'oeuvre. Il est important que ce travail se fasse rapidement. On a évoqué un délai de trois ans. J'ai demandé que cela se fasse le plus vite possible de manière que nous puissions passer à la deuxième phase de cette opération, qui consistera à estimer et ensuite proposer un système de taxation qui, comme nous vous l'avons annoncé - pas seulement dans le courant de cette législature, mais également avec mon prédécesseur M. Hiler - pourrait servir de base à une sorte de rééquilibrage. Je ne parle pas de compensation, mais de rééquilibrage de la fiscalité globale des valeurs immobilières, mais aussi mobilières, puisque l'imposition, le niveau d'imposition sur la fortune dans ce canton est véritablement problématique. Je vous le dis avec toute la conscience que j'en ai maintenant en occupant ces fonctions depuis quelques mois.

Bien sûr, l'impôt sur le revenu connaît une progressivité logique. Il est déjà élevé pour un certain nombre de personnes qui apportent beaucoup de valeur, de fiscalité dans ce canton. Mais la taxation d'un bien ou d'une fortune - qui ont eux-mêmes déjà été taxés pour être constitués - est un souci pour le gouvernement, notamment pour la pérennité de notre substance fiscale, portée par une proportion malheureusement trop faible de nos contribuables. C'est un mécanisme de réévaluation, un rééquilibrage que nous visons. Nous visons à le mettre en oeuvre le plus rapidement possible, mais il faut absolument qu'il tienne compte de cela. La proposition qui consiste maintenant à réévaluer de manière unilatérale vient heurter et compromettre le souci que je viens de vous expliquer. C'est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition qui émane de la majorité de cette commission, qui permettra d'ailleurs au Conseil d'Etat d'avoir une base légale pour poursuivre un travail qui, comme je vous l'ai indiqué, se fera le plus rapidement possible. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter le projet de loi tel que sorti des travaux de votre commission. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11397 est adopté en premier débat par 88 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général qui consiste à revenir au projet de loi initial, ainsi qu'annoncé dans les deux rapports de minorité. Le vote est lancé.

Une voix. Vote nominal !

Le président. C'est trop tard. (Commentaires.)

Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 61 non contre 31 oui.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 4.

Troisième débat

La loi 11397 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11397 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 30 non.

Loi 11397

PL 11222-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Irène Buche, Salima Moyard, Christian Dandrès, Jean-Louis Fazio, Lydia Schneider Hausser, Anne Emery-Torracinta, Prunella Carrard, Marion Sobanek modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) (I 4 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 23 et 24 janvier 2014.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de minorité de M. Christian Dandrès (S)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour et abordons le PL 11222-A. (Brouhaha.) Je prie l'assemblée de bien vouloir faire silence et passe la parole au rapporteur de majorité, M. Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je serai rapide, parce que c'est un projet de loi somme toute assez technique. Je rappellerai simplement que la loi sur le revenu déterminant avait comme principe le non-cumul des aides. Pour le RDU, un franc est un franc. Ce projet de loi vise à modifier ce grand principe dans certains cas, à savoir en ce qui concerne les subventions personnalisées au logement. On parle, Mesdames et Messieurs, de très peu de cas: sur les 1800 personnes qui touchent des subventions personnalisées, il y en a 150 qui toucheraient des prestations complémentaires. Celles-ci ont, pendant plusieurs années, cumulé des aides, ce qui n'est plus possible avec le RDU. Il ne s'agit pas de leur demander de rembourser les aides qu'elles ont touchées à double, mais simplement de dire: «Stop, ça suffit !» L'office du logement a déjà pris des mesures pour des personnes qui posent - ou posaient - problème, en leur permettant de continuer à toucher des aides cumulées jusqu'au 31 mars 2016, soit trois ans de délai supplémentaires par rapport à ce qui était prévu au moment où l'OLO leur a annoncé qu'elles ne pourraient plus toucher de subventions personnalisées. On parle bien de subventions pour des gens qui touchent déjà des prestations complémentaires. Je tiens quand même à rappeler que ces personnes non seulement touchent des prestations complémentaires, mais également des subsides pour l'assurance-maladie à 100%, le remboursement des soins médicaux à 100%, l'abonnement TPG et, dans tous les cas, ne paient pas d'impôts. En votant non à ce projet de loi, il s'agit de confirmer le non-cumul des aides ainsi que la jurisprudence et la volonté de ce parlement lorsqu'il a voté la loi sur le revenu déterminant. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est au rapporteur de minorité, M. Christian Dandrès. (Brouhaha.) Je demande encore une fois à l'assemblée de bien vouloir faire silence !

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je vais expliquer pourquoi, contrairement à ce qu'a soutenu le rapporteur de majorité, ce projet a pour fonction de rétablir l'esprit initial des prestations complémentaires et du RDU. On est en train de parler de personnes qui bénéficient de prestations complémentaires en plus de rentes d'invalidité ou de retraite, ceci afin qu'elles puissent vivre dignement puisque ces rentes ne permettraient pas de garantir des minima qui ont été déterminés par ce Grand Conseil. Le problème, c'est que le budget théorique retenu pour les prestations complémentaires n'est pas adapté, en ce qui concerne le loyer, à la situation actuelle du marché. Je peux donner quelques chiffres, qui ont été publiés par l'OCSTAT. Par exemple, pour un cinq-pièces en loyer libre, le loyer est de 2277 F et, pour un cinq-pièces en HBM, le loyer est de 1683 F par mois. Or ce qui est pris en considération par les prestations complémentaires, c'est un montant de 1100 F charges comprises pour une personne seule et de 1250 F charges comprises pour un couple avec famille. On voit bien que s'il n'y avait pas d'allocations supplémentaires, ces personnes ne parviendraient pas à couvrir leur minimum vital, ni même le minimum vital absolu prévu dans la loi sur les poursuites. C'est la raison pour laquelle le cumul a été admis pendant assez longtemps. Avec la votation de la loi 9135 en 2007, un délai avait été octroyé jusqu'en 2013. Et en 2013, un certain nombre de bénéficiaires de ces allocations se sont vu signifier un refus d'allocation, ce qui les a plongés dans des situations terrifiantes, en particulier les familles. En effet, si vous avez des enfants, l'appartement sera naturellement plus grand. Or le loyer théorique pris en compte pour les PC ne tient pas compte de ce cas de figure; on parle uniquement de couple avec famille.

Je vous indiquais tout à l'heure que l'esprit du RDU n'était précisément pas celui-ci. Le projet de loi 9135 avait deux objectifs: le premier était de pouvoir garantir la couverture des besoins vitaux des habitants, et le second, de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement. Il n'y avait pas la volonté de couper les prestations, mais de les coordonner, comme l'a du reste relevé le rapporteur de majorité. La question du loyer, des allocations logement et des subventions personnalisées n'a pas été considérée à l'époque. Une commission d'experts devait continuer à travailler au sein du département pour la régler, ce qui n'a malheureusement pas été le cas. Le problème qui se pose également, sous l'angle de l'égalité de traitement, c'est qu'il n'existe pas de distinction entre les différentes situations réelles des personnes. Une famille bénéficiant d'un revenu de 6000 F pourrait toucher une allocation logement, tandis qu'une même famille touchant 100 F de prestations complémentaires se verrait, elle, supprimer purement et simplement son allocation logement. La situation pécuniaire des gens n'est pas concrètement analysée; un problème que ce projet de loi permettrait de résoudre.

Un autre problème administratif s'est posé. La suppression ou le non-cumul de l'allocation logement et des PC sont connus depuis 2007. Or l'office du logement a continué à délivrer des décisions d'octroi d'allocations pendant presque six ans d'affilée, sans même prendre la peine d'informer les bénéficiaires que ces allocations logement seraient supprimées en 2013. Evidemment, ceci a soudain placé les gens dans des situations invraisemblables. Vous connaissez la chanson: trouver un logement en un délai de quelques mois est particulièrement difficile, voire impossible. De plus, ces personnes n'ont pas la possibilité de compléter leur revenu en travaillant davantage ou en trouvant d'autres aides, puisqu'elles sont bénéficiaires de rentes AI ou AVS. Ainsi que l'a très justement rappelé le rapporteur de majorité, le système actuel ne permet malheureusement aucun cumul avec une autre aide sociale. Le Conseil d'Etat a décidé d'une disposition transitoire qu'il a inscrite dans le règlement d'application, ce qui pose à mon avis des problèmes juridiques, parce que je ne pense pas que l'on puisse, par voie réglementaire, différer l'application d'une loi. Mais le problème, c'est surtout que cette disposition transitoire est très ciblée: elle concerne uniquement les personnes qui se sont vu proposer un logement par l'office du logement avec la garantie que des allocations leur seraient versées. Là, on est en somme dans un cadre strict de protection des droits acquis. Mais cela ne résout pas le problème des autres personnes. Ce problème ne concerne pas des dizaines de milliers de locataires et pourrait donc trouver sa solution assez simplement.

Il y a par ailleurs un autre point dont nous devons tenir compte - et c'est le problème principal - à savoir le budget théorique des PC. La Confédération a conscience que le budget théorique... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Monsieur Dandrès, je vous informe que vous empiétez sur le temps de votre groupe.

M. Christian Dandrès. Oui, pas de problème ! La Confédération a pris conscience du problème et du fait que l'on devait aussi tenir compte des spécificités du marché locatif des cantons, et s'apprête donc à revoir la question du budget théorique. C'est la raison pour laquelle il me semblerait intéressant que la commission du logement puisse se ressaisir de ce projet. Avec ces éléments nouveaux, elle pourrait tenter de résoudre la situation de quelques centaines de personnes qui sont aujourd'hui confrontées à des situations difficiles, étant rappelé que ces gens-là peuvent se trouver en dessous des minima vitaux absolus prévus dans la loi sur les poursuites. C'est la raison pour laquelle, compte tenu de ces éléments qui n'étaient pas connus de la commission lorsque nous avons voté ce projet, je vous propose un renvoi en commission.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. S'agissant du renvoi en commission, je ne vois pas quels sont les éléments que M. Dandrès vient de citer qui n'étaient pas déjà connus. Tout cela a été débattu, la problématique des plafonds fédéraux a aussi été débattue. Nous avons évoqué cette question en disant que s'il fallait augmenter de 100 F le barème par tranche, cela représenterait 600 000 F de charges supplémentaires. Il a aussi été souligné que malgré la situation du logement, si des locataires restent dans des appartements avec un loyer trop important, il paraît totalement absurde de faire payer ce surplus aux autres contribuables. Je ne vois pas en quoi on pourrait améliorer la situation de ce projet de loi en le renvoyant en commission. Je vous propose donc de refuser le renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je fais à présent voter l'assemblée sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11222 à la commission du logement est adopté par 51 oui contre 29 non. (Commentaires du rapporteur de majorité pendant la procédure de vote.)

M 2031-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Emilie Flamand, François Lefort, Anne Mahrer, Miguel Limpo, Mathilde Captyn, Olivier Norer, Catherine Baud, Hugo Zbinden, Brigitte Schneider-Bidaux, Sylvia Nissim, Sophie Forster Carbonnier, Morgane Odier-Gauthier, Roberto Broggini, Pierre Losio, Esther Hartmann, Jacqueline Roiz : Cherpines-Charrotons : donnons-nous les moyens de construire un véritable éco-quartier !
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».
Rapport de majorité de M. Bertrand Buchs (PDC)
Rapport de minorité de M. Olivier Norer (Ve)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons à la M 2031-A. Le rapporteur de minorité, M. Olivier Norer, est remplacé par M. Lefort. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je serai bref. La motion nous dit que le projet des Cherpines n'est pas réellement un écoquartier et qu'on peut faire mieux. Or la commission a auditionné des personnes de l'Etat en leur demandant s'il s'agissait vraiment d'un projet d'écoquartier, et les réponses ont été positives ! Je rappelle que ce projet se concrétisera par vingt-cinq principes de durabilité organisés selon trois grands axes - l'urbanisation, la mobilité et l'environnement - et que la gouvernance du projet sera fondée sur un partenariat et une concertation avec les communes et les partenaires de la construction.

La principale pierre d'achoppement se situe au niveau des places de parking. En effet, le projet initial des Cherpines prévoyait une place de parking - à la place de 1,6 - pour 100 mètres carrés. On a déjà diminué ce qui était admissible actuellement. Il y aura probablement aussi un parking souterrain. Les Verts soutenaient plutôt le silo à voitures, mais la nappe phréatique qui se trouve sous les Cherpines permettra quand même de construire en souterrain.

Il n'y aura pas de circulation au centre du quartier des Cherpines. Je vous rappelle également que l'ensemble du quartier se développe avec une promesse de mobilité, notamment la construction d'un tram qui doit passer le long du périmètre. Il s'agit donc d'un contexte où les gens pourront abandonner la voiture et utiliser les transports en commun. Pour nous, il est clair que le projet actuel est bel et bien un projet d'écoquartier et qu'il faut refuser cette motion. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Cette thématique mérite de se montrer un peu moins bref que ne l'a été mon préopinant. La motion intitulée «Cherpines-Charrotons: donnons-nous les moyens de construire un véritable écoquartier !» demande seulement de prendre quelques mesures simples pour ne pas rater notre chance de réaliser le premier écoquartier de Genève.

Qu'est-ce qu'un écoquartier ? Le Conseil d'Etat, qui avait été interpellé il y a quelques années, nous avait donné sa définition qui ne dévie heureusement pas de celle du sens commun. Un écoquartier doit augmenter les qualités du cadre de vie et limiter l'empreinte écologique de l'urbanisation. Il s'agit d'un équilibre entre efficacité économique, solidarité sociale et responsabilité écologique. Ce dernier pilier repose sur de nombreux critères - vous avez raison, Monsieur Buchs - comme la densité du bâti, les espaces verts fonctionnels, la biodiversité, les matériaux, l'énergie, la gestion de l'eau et la mobilité. Par rapport à ce dernier point, le Conseil d'Etat a insisté sur le fait que de nouvelles pratiques de déplacement doivent être mises en valeur en invitant les utilisateurs à partager leur mode de transport, notamment via le développement de solutions de service telles que le car-sharing ou les vélos en libre-service. Ce sont des choses efficaces et simples à mettre en oeuvre, pour autant qu'on ait la volonté politique de le faire.

Cette motion est la bienvenue pour aider à trouver un peu de volonté politique afin de respecter les engagements pris. Elle demande de faire figurer le périmètre Cherpines-Charrotons sur le plan annexé au règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés, d'attribuer à ce périmètre un ratio de stationnement adapté à un écoquartier desservi normalement par une offre abondante en transports publics et de prendre toutes les mesures nécessaires pour construire un écoquartier et protéger les futurs habitants et les riverains des nuisances du trafic automobile. Ce sont des demandes de précaution simples et rationnelles, visant à s'assurer que ce quartier deviendra réellement un écoquartier. Avouez-le: on n'a pas déclassé 60 hectares de surface agricole utile pour faire un quartier urbain des années 60 !

Suite aux auditions en commission, nous avons été absolument navrés de constater que ces simples demandes ne rencontraient pas de soutien majoritaire au prétexte que tout aurait été fait. D'ailleurs, c'est l'habitude: tout est toujours déjà fait, et ensuite, on s'aperçoit que ce n'est pas fait du tout. Effectivement, certaines choses sont proposées dans le PDQ. La densité de places de stationnement pourrait être réglée. S'il existe une volonté de bien faire - c'est-à-dire de faire un écoquartier - cette motion nous permettrait de soutenir davantage le Conseil d'Etat dans cette volonté.

Regardons de plus près la promesse d'une place de parc pour 100 mètres carrés de surface brute de plancher, en dérogation à la norme actuelle de 1,6 place par logement. Il est vrai que l'adoption de toute norme moindre fait des Cherpines-Charrotons de facto un écoquartier. Voilà qui est très pratique, mais peu honnête ! En effet, ce ratio - une place par 100 mètres carrés de SBP - concerne déjà la quasi-totalité de la couronne suburbaine. Cela signifierait donc que les habitants du Grand-Saconnex, de Meyrin ou d'Onex logent tous dans des écoquartiers ! Ils ne le savent sans doute pas. Or vous, vous le savez. Mais ce n'est pas vrai ! Ce ne sont pas des écoquartiers ! Il existe maintenant - existait, puisqu'il n'y a plus le même conseiller d'Etat - une volonté déclamée de bien faire, de faire un véritable écoquartier. Cette motion nous permettrait de soutenir le Conseil d'Etat dans cette volonté et de matérialiser la déclamation par les faits avant l'arrivée des premiers habitants, d'autant plus que le conseiller d'Etat actuel est certainement plus vert et plus ouvert aux écoquartiers. Je vous demande donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Christina Meissner (UDC). A propos de cette motion déposée par les Verts pour un véritable écoquartier aux Cherpines... eh bien, justement, parlons d'écoquartier ! Quand on fait un écoquartier, le problème majeur est de ne pas sous-densifier, de ne pas empiéter sur la zone agricole et de limiter l'empreinte écologique que nous avons sur notre faible territoire, lequel n'est pas extensible. Rien n'est dit là-dessus dans cette motion. La biodiversité, l'énergie et les autres aspects d'un écoquartier qui devraient être pris en compte ? Il n'en est pas question non plus. Le seul point abordé dans cette motion des Verts, c'est la mobilité. Il s'agit - je cite - de «protéger les futurs habitants et les riverains des nuisances [...]». Mais qu'est-ce au juste, les nuisances de la circulation ? Il s'agit d'éviter la pollution par le bruit et par l'air. Cela ne veut pas forcément dire qu'il ne peut pas y avoir de mobilité dans ce quartier. Elle peut se faire par des transports publics, mais également par des véhicules électriques. Nous connaissons des villages fort appréciés des touristes comme Zermatt, qui fait justement la part belle aux voitures électriques, et tout le monde s'en réjouit. Non, les Verts ont véritablement une obsession par rapport aux véhicules automobiles et à la circulation individuelle. Ils ne pensent pas à tous ceux qui en ont besoin pour se déplacer parce qu'ils ont eux-mêmes des problèmes de mobilité réduite. Une véritable obsession se trouve traduite dans cette motion qui ne pense qu'à supprimer toute possibilité pour les individus de pouvoir se déplacer avec des véhicules individuels, même non polluants. C'est la raison pour laquelle nous acceptons le titre, mais ne pouvons accepter les invites de cette motion, que nous refuserons.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en tant qu'habitant de la commune de Lancy, qui est malheureusement située en amont du quartier des Cherpines-Charrotons, permettez-moi d'intervenir et de dire que, mon Dieu, je ne vais pas contester le dogmatisme, l'idéologie, l'utopie d'un écoquartier. Mais entreprendre de générer des nuisances pour ceux qui sont situés avant ce quartier idyllique, irrationnel, irréel... Que voulez-vous faire si vous ne vous en occupez pas ? Or on va détruire plein de choses ! A la base, chers amis Verts, cette motion est surtout une espèce de réquisitoire anti-automobile où vous prenez tous les arguments - les bons, les mauvais, les autres - pour en faire un cocktail imbuvable. C'est la raison pour laquelle non seulement comme député mais surtout comme habitant de Lancy, je refuserai le texte de cette motion. Je vous remercie.

M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, la problématique des Cherpines-Charrotons est importante et a été débattue à de nombreuses reprises dans ce parlement. Or je ne pense pas que la question principale soit celle posée par les motionnaires, à savoir le nombre de places de parking par 100 mètres carrés. Voilà qui est caractéristique d'une vision microscopique et directive, qui consiste à vouloir influencer le comportement des gens en leur interdisant de parquer la voiture qu'ils ont toujours. Cette manière de procéder m'a toujours paru fausse. Monsieur Lefort - vous transmettrez, Monsieur le président - ne vous inquiétez pas: le jour où les gens n'auront plus un besoin éminent de la voiture, ils ne paieront pas 45 000 F pour un parking en sous-sol ! Parce que c'est en effet ce que ça coûte dans notre canton.

Avec les Cherpines, nous avons à mon avis un problème bien plus grand et important, c'est-à-dire que le développement du canton n'avance pas au rythme où il devrait. Je me réjouis d'entendre le magistrat tout à l'heure. Si on veut régler les problèmes généraux de Genève, si on veut avoir une vraie amélioration des conditions écologiques, il faut construire, construire plus, et plus vite. Aujourd'hui, la plupart des problèmes de mobilité sont dus au fait qu'on a éjecté une grande partie des citoyens à l'extérieur du canton. Je me réjouis d'entendre le magistrat à ce sujet. Quel rythme allons-nous adopter aux Cherpines-Charrotons ? Quand verrons-nous les premières constructions ? Et enfin, une question subsidiaire qui me paraît fondamentale: est-ce que la densité adoptée pour les Cherpines-Charrotons est toujours la bonne aujourd'hui ? Voilà, Monsieur Lefort, la vraie question écologique. Vous le savez aussi bien que moi. Ce n'est certainement pas la question microscopique du nombre de places de parking par mètre carré. Nous ne suivrons pas les motionnaires.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pendant la campagne de votation sur le déclassement du périmètre des Cherpines-Charrotons, la notion d'écoquartier était sur toutes les lèvres. On se souvient notamment d'une petite fille qui chantait les louanges des transports publics et de la mobilité douce sur les affiches et sur les trams. Hélas, une fois la zone agricole déclassée et comme on pouvait le craindre, la ferveur s'est assoupie, l'enthousiasme a tiédi et les revendications habituelles sont réapparues. Pour cette raison, nous avons déposé cette motion qui faisait à vrai dire partie d'un éventail de motions, ce qui prouve que les Verts ne sont pas si obsédés que cela par la mobilité, mais qu'ils ont choisi de traiter les différents aspects d'un écoquartier par différentes motions, car nous ne prétendons pas régler la question entière du périmètre des Cherpines-Charrotons via un seul texte. Celui que nous traitons aujourd'hui est axé sur le volet mobilité d'un écoquartier. Le concept est beaucoup plus riche et a beaucoup plus de dimensions, comme l'a rappelé le rapporteur de minorité.

Les travaux de la commission ont été bien faits. Ils ont duré et permis d'attendre le plan directeur de quartier des Cherpines afin de se faire une idée de ce qui allait véritablement être réalisé. Visiblement, l'ensemble de la commission - à une illustre exception radicale - s'est satisfaite des explications données. Ce n'est pas le cas des Verts. Le ratio d'une place par 100 mètres carrés de surface brute de plancher est certes inférieur au ratio actuel de 1,6 qui figure dans le règlement, mais rappelons que le ratio actuel date de l'ancienne affectation du périmètre, à savoir une zone agricole. Il était donc difficile de faire moins bien. Un ratio de 1 - le rapporteur de minorité l'a rappelé - correspond à des quartiers tels que Thônex, Meyrin ou le Grand-Saconnex, des zones péri-urbaines qui ne peuvent décemment pas être qualifiées d'écoquartiers. Aujourd'hui, nous pouvons et devons faire mieux. Nous devons être ambitieux et donner une véritable impulsion au département pour réaliser un vrai écoquartier. S'agissant de ce qu'il y a encore à faire en termes d'aménagement, il reste une page blanche, qui doit nous inciter à l'innovation et à la créativité. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, en particulier vous qui avez fait campagne pour le déclassement des Cherpines sous la bannière de l'écoquartier et de la qualité de vie, nous vous le demandons: renvoyez cette motion au Conseil d'Etat !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste une minute.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant. Il faut inciter les habitants de l'écoquartier urbain durable des Cherpines-Charrotons à utiliser le tram, ce qui augmentera la rentabilité de la ligne desservant le Pont-Rouge et Saint-Julien d'une part, ainsi que la ligne de bus reliant Bernex à Plan-les-Ouates d'autre part. Au vu de la crise du logement, il faut être conscient qu'il ne sera pas possible d'attribuer des logements uniquement à des locataires sans voiture, car cela posera problème par exemple dans le cas d'une famille avec des enfants en bas âge. Etant donné que le taux de stationnement est déjà prévu dans le plan localisé de quartier du nouveau périmètre Cherpines-Charrotons, qui sera...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur.

M. Bernhard Riedweg. ...un écoquartier du point de vue de la mobilité, l'Union démocratique du centre vous propose de rejeter cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Francisco Valentin (MCG). En tant qu'habitant de Plan-les-Ouates et membre du Conseil municipal, je vous confirme que le débat sur l'écoquartier a duré longtemps. Il va de soi que le déclassement de la zone agricole permettrait de garder un habitat sympathique, plaisant et dénué autant que possible de nuisances. Bien évidemment, nous sommes tous pour. Maintenant, on a un petit problème. La commune de Plan-les-Ouates est une pénétrante pour la future gare du CEVA. De plus, elle est déjà sursaturée de voitures, et je doute que les habitants des Cherpines, par obligation, s'abstiennent de véhicules, ne serait-ce que les personnes à mobilité réduite, les mamans avec enfants et les gens qui vont faire leurs courses. Comment vont-ils faire ? Le tram ne fait pas de porte-à-porte. A ce jour, le projet de tram est d'ailleurs de plus en plus repoussé pour des raisons de praticité. La route de Base, pour ceux qui la connaissent, est un goulet assez étroit déjà saturé aux heures de pointe. Comment va-t-on faire passer là-bas deux trams et deux voies de circulation en plus des autoroutes à vélos de chaque côté de la route ? Il faudrait qu'on m'explique, parce qu'à moins de raser une partie de Lancy et les maisons à l'entrée de Plan-les-Ouates, ça ne passera pas. La mobilité n'est absolument pas au point, elle n'est pas prévue. Personne n'en sait rien, personne ne sait comment on va faire. C'est vraiment jouer aux apprentis sorciers et, comme d'habitude, on verra bien plus tard. Alors oui à un écoquartier, mais à quelles conditions ? Sans plan de mobilité qui tienne la route - et ça, M. Barthassat nous l'a déjà confirmé - il n'y a absolument rien de sérieux qui est prévu. Lorsque ce sera fait, on pourra en effet envisager un écoquartier.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.)

Le président. Je demande à l'assemblée de faire silence !

Mme Martine Roset. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion prend le problème à l'envers. Moins de voitures, ce sont des transports publics performants. Or pour cela, il faut un potentiel d'utilisateurs important. Pour qu'il y ait un potentiel d'utilisateurs important, il faut une densité de construction élevée, ce qui, à ma connaissance, n'est pas vraiment le cas sur ce périmètre.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la majorité de ce Grand Conseil est totalement à côté de la plaque en voulant refuser cette proposition de motion et ignore ce qui se passe dans le périmètre des Cherpines. J'aimerais apprendre à ma préopinante PDC qu'à Plan-les-Ouates, son parti est certainement plus progressiste qu'au Grand Conseil, parce qu'il a proposé un taux de 0,1 place de stationnement pour 100 mètres carrés bruts de plancher dans le quartier des Cherpines. C'est le PDC qui l'a proposé ! Cette commune a essayé d'anticiper les problèmes qui vont se poser dans le périmètre. M. Valentin les a évoqués, mais il ne donne aucune solution. Il dit qu'il suffit de construire des places de parking, que ça va résoudre les problèmes. Or nous savons pertinemment qu'en mettant autant de places de stationnement, nous allons amplifier ces problèmes sur la route de Base, sur l'autoroute de contournement et sur la route de Saint-Julien, et que tous les habitants du périmètre vont en subir les conséquences.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut être cohérent. Les promoteurs immobiliers ont vendu ce déclassement de la zone agricole comme un écoquartier qui serait exemplaire. Un écoquartier passe aussi - Madame Meissner, vous devriez en convenir - par la réduction du nombre de places de stationnement une fois que le déclassement a été accepté. Pour cette simple raison, je vous invite à comparer la situation avec ce qui se passe dans d'autres écoquartiers d'autres pays. Un quartier comme Vauban à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne, compte 0,7 place de stationnement pour 100 mètres bruts de plancher, et c'est déjà beaucoup pour un écoquartier dans lequel un tram va se rendre directement. Mesdames et Messieurs les députés, aménager des places de stationnement qui ne seront peut-être pas utilisées renchérit aussi les coûts de construction, il ne faut pas l'oublier. Il faut diminuer drastiquement le nombre de places de stationnement. Le Conseil municipal de la commune de Plan-les-Ouates a voté un taux de 0,1 place de stationnement pour 100 mètres bruts de plancher. C'est la décision de la commune ! Malheureusement, le Conseil d'Etat l'a totalement ignorée. Si vous lisez le document du plan directeur de quartier du périmètre des Cherpines, c'est le taux de 1 - ne correspondant pas à un écoquartier - qui a été retenu.

Nous courons tout simplement à la catastrophe. Une fois de plus à Genève, ce quartier se présente sous les plus mauvais auspices parce que les promoteurs sont des requins affamés d'argent, que ce Grand Conseil est incompétent pour anticiper les problèmes de mobilité et que vous êtes incapables de penser autrement que par la voiture, qui n'est pas une fin en soi mais un moyen de déplacement quand on en a besoin. Mesdames et Messieurs, la mobilité d'avenir ne passe pas toujours et tout le temps par la voiture !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais passer la parole aux deux rapporteurs ainsi qu'au conseiller d'Etat, puis nous voterons. Monsieur Lefort, c'est à vous pour une minute cinquante.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Vous voulez donc construire des quartiers urbains et les remplir de voitures ? C'est ce que vous nous avez dit. Vous voulez appeler cela des écoquartiers, mais vous n'en acceptez pas les critères. La pancarte à l'entrée de l'écoquartier vous suffit ! Aujourd'hui, c'est sur la mobilité que vous refusez d'avancer, demain ce sera l'énergie. Il vous sera toujours impossible de réaliser un écoquartier pour mille et une mauvaises raisons, alors que vous savez que nous ne devons construire que de véritables écoquartiers, et dès maintenant. Celui-ci en est l'opportunité, et vous proposez simplement de contribuer à ne pas faire cet écoquartier exemplaire. Nous vous demandons de prendre vos responsabilités, nous vous offrons par cette motion l'occasion de prendre vos responsabilités et d'aider à faire un écoquartier. Saisissez cette offre, et votez cette motion !

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. On se trouve de nouveau dans le procès d'intention et le manque de confiance. Vous avez maintenant un chef de département qui vient du parti des Verts. Vous pouvez mener la discussion avec lui. Le projet reste un projet, c'est-à-dire susceptible d'évoluer. Il peut être amené à se modifier, mais cela doit se faire dans la concertation et la discussion. On ne peut pas - c'est chaque fois la même chose ! - mettre une partie de la population contre une autre. On ne peut pas dire - c'est ce que je viens d'entendre dans ce parlement - que la majorité des députés sont des crétins n'ayant jamais rien compris à rien, et que la minorité des députés sont des génies. A ce moment-là, on peut rentrer chez nous... (Remarque.) Non, c'est M. Deneys qui a dit ça ! On peut rentrer chez nous, et on laissera le parti socialiste faire la politique de Genève, puisque c'est un parti qui a toujours tout compris et réussi. (Remarque.) Il n'y a qu'à voir ce que fait la France, et vous aurez compris que le parti socialiste a toujours raison !

Comme il a été dit, on a posé les questions dans la commission. Les travaux ont été bien menés, on a pu entendre les gens, les questions ont été posées. Le but, c'est de faire un écoquartier. Le but, c'est de réussir le quartier des Cherpines, et c'est tous ensemble qu'on doit le faire. Mais il y a un problème de densité - Mme Roset et M. Genecand l'ont dit - et il faut qu'on en discute. Il n'y a pas seulement le problème des voitures. Je rappelle qu'il faut laisser aux Genevois le choix de leur mobilité. C'est ce que dit toujours M. Barthassat: il faut être pragmatique. Actuellement, je n'utilise plus ma voiture parce que mes quatre enfants sont grands, mais quand ils étaient petits, je ne vois pas comment j'aurais pu faire sans véhicule. Je vous remercie... et refusez cette motion !

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on parle dans cette motion et dans ce parlement d'écoquartier. La merveille pour les uns, l'horreur pour les autres ! Mesdames et Messieurs, restons neutres, restons proches des injonctions de notre nouvelle constitution, qui dit très clairement que les quartiers que construit Genève doivent être des quartiers durables. C'est le terme juridique de notre constitution, qui est peut-être une manière un peu plus neutre d'évoquer l'écoquartier.

Ce doivent être des quartiers durables. Cette notion de durabilité et d'écoquartier a plusieurs dimensions. Ce sont avant tout des quartiers mixtes, animés, équipés, à savoir des quartiers avec de courtes distances. L'aménagement du territoire permet de se prémunir contre les déplacements inutiles. Lorsqu'on a une épicerie ou un petit centre commercial dans son périmètre, ainsi que toute une série de services à disposition - médicaux, de petite enfance - et que toutes les distances peuvent être parcourues à pied ou à vélo, ce sont autant de déplacements en voiture en moins. Pareil pour les distances entre son domicile et son travail, quand bien même la mobilité professionnelle d'aujourd'hui fait qu'il est difficile de toujours avoir un emploi proche de son domicile. Un écoquartier, c'est aussi la gestion efficiente de l'eau et de l'énergie. Tout cela est vrai pour les Cherpines, et pour tous les nouveaux quartiers que nous construisons. En matière de mobilité, c'est souvent là où le bât blesse, où le débat se crispe, puisque la liberté des uns correspond à la nuisance des autres. Assemblée de quartier après assemblée de quartier, je vais parler avec les habitants des grands projets, et c'est toujours la même chose: les futurs habitants veulent évidemment disposer d'un nombre de places de stationnement suffisant tandis que les riverains, ou ceux, comme le député Lussi, qui se trouvent sur l'itinéraire du futur quartier, souhaitent le moins de voitures possible. On voit donc très bien que la voiture est une liberté et une nuisance à la fois, et que nous devons trouver un équilibre.

Cet équilibre, nous le trouvons tout d'abord dans le règlement sur le ratio de places de stationnement sur terrain privé. Un ratio qui, dans le cadre des Cherpines, cela a été dit, sera d'une place pour 100 mètres carrés, donc en somme une place par ménage. Ce ratio - je l'annonce ici puisque mon collègue Barthassat, qui est en charge de ce dossier, m'en a fait part en commission - est aujourd'hui en cours de révision. Aujourd'hui, le DETA a entamé des réflexions et des travaux pour revoir ce ratio de stationnement en fonction des mètres carrés habitables - y compris d'ailleurs le ratio en fonction des surfaces d'activité. Pourquoi ? Parce que, culturellement, le Genevois évolue dans son lien avec la voiture. On constate aujourd'hui une chute drastique de 20% à 25% du nombre d'acquisitions de permis de conduire chez les jeunes. A 18 ans, les jeunes d'aujourd'hui ne s'empressent plus, comme ce fut peut-être le cas pour la génération dominante de cette enceinte, d'aller passer leur permis de conduire. Il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de permis de conduire, et cela se reflète dans leur mode d'habitat et de déplacement. Par ailleurs, les places de parking coûtent extrêmement cher. Une place en sous-sol peut coûter de 40 000 à 60 000 F, ce qui grève les plans financiers des promoteurs et se répercute sur les loyers. Le jeu en vaut-il encore la chandelle ? Le débat sur ces ratios va avoir lieu dans le cadre fixé par le DETA. Maintenant, appartient-il réellement au Grand Conseil ou même au Conseil d'Etat de fixer un ratio précis pour un quartier ? J'ai tendance à dire que non. Parce que la notion d'écoquartier, Mesdames et Messieurs les initiants de cette motion, implique aussi une notion de participation. Et la participation implique de discuter avec les riverains et éventuellement avec les futurs habitants - quand on arrive à les réunir parce que, bien souvent, c'est évidemment la pièce manquante aux débats. Elle implique de construire cet écoquartier avec la commune, en tenant aussi compte des envies et des besoins de celle-ci.

Permettez-moi ici une petite incise, puisque la commune a proposé un ratio de 0,1 place par 100 mètres carrés, donc en somme une place de parc pour dix familles. Vous comprenez que même le plus Vert des écologistes trouverait ce ratio un peu exagéré ou du moins peu réaliste, surtout que, dans les quartiers avoisinants, il y a un taux de deux places par famille. Il nous faut également réfléchir en matière d'équité entre les nouveaux et les anciens quartiers. Pourquoi certains habitants de Plan-les-Ouates auraient-ils droit à deux places par famille et les nouveaux habitants à une place pour dix familles ? Non, je crois que nous devons travailler sur certains équilibres.

Encore trente secondes, Monsieur le président, pour vous dire que le problème fondamental des Cherpines n'est pas là. Mesdames et Messieurs, le problème fondamental du projet des Cherpines ne se trouve pas dans le taux de stationnement, mais dans la mauvaise conception de ce projet. Nous avons - vous, parlement et, derrière vous, la population - d'abord voté une modification de zone, sans avoir un projet urbain construit. On ne doit plus faire cela, Mesdames et Messieurs les députés: nous créons des attentes que nous ne pouvons pas remplir. Nous ne pouvons plus être dans une logique où on vote le déclassement avant de discuter du projet urbain, mais devons inverser la logique - c'est ce que fait maintenant l'office de l'urbanisme: d'abord réaliser un projet urbain et le partager avec les habitants et la commune, puis voter la modification de zone en enchaînant droit derrière avec les PLQ. C'est une première erreur qui a été faite, et comptez sur moi pour éviter qu'elle se reproduise à l'avenir, parce qu'on crée des déceptions.

Le deuxième problème est celui du financement. Aujourd'hui, on n'arrive pas à faire sortir les Cherpines de terre parce qu'on n'a pas assez pensé le financement. Une des erreurs majeures qui a été commise est d'avoir sous-densifié ce quartier. On ne peut pas à la fois vouloir de très beaux équipements, de très beaux écoquartiers avec tout ce qu'il faut - crèche, place publique, école, terrain de sport, etc. - et, en même temps, prétendre les financer avec une densité aussi basse. Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas gaspiller notre territoire, nous devons aller vers des densités plus généreuses si on veut avoir des équipements plus généreux.

Enfin, ces nouveaux quartiers ne peuvent pas être seulement portés par les communes qui les accueillent. Elles sont courageuses. Pour la plupart d'entre elles - pas toutes - ces communes font ces nouveaux quartiers de bonne foi, les construisent avec l'Etat. Mais peut-être que les communes qui n'ont pas été désignées par le plan directeur cantonal comme devant muter, comme devant construire des logements, pourraient un peu participer financièrement à la construction de ces nouveaux quartiers chez leurs voisines ou les autres communes soeurs.

Voilà les vrais chantiers qui nous attendent pour pouvoir faire sortir les Cherpines de terre. En l'état, le Conseil d'Etat ne voit pas l'utilité de travailler plus avant sur cette motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre maintenant le scrutin.

Mise aux voix, la proposition de motion 2031 est rejetée par 58 non contre 29 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite un très bon appétit ! Nous nous retrouvons à 14h.

La séance est levée à 11h35.