République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

E 2211-A
Prestation de serment de Mme BILLY Katalyn, élue Procureur
E 2212-A
Prestation de serment de Mme JACQUEMET Alexandra, élue Procureur

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les procureurs entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames, vous êtes appelées à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;

- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Katalyn Billy et Mme Alexandra Jacquemet.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 2210-A
Prestation de serment de Mme DUFOUR-IMSAND Emmanuelle, élue Juge au Tribunal civil
E 2215
Prestation de serment d'un magistrat du Pouvoir judiciaire élu, excusé lors de la prestation de serment du 27 mai 2014

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Madame, Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Emmanuelle Dufour-Imsand, élue juge au Tribunal civil (entrée en fonction immédiate), et M. Philippe Telley, élu juge assesseur à la commission de conciliation en matière de baux et loyers (entrée en fonction immédiate).

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Thomas Bläsi, Jean-Louis Fazio, François Lance, Lisa Mazzone et Rémy Pagani, députés.

Députés suppléants présents: MM. Gilbert Catelain et Jean-Charles Lathion.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 11418-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2013

Suite du deuxième débat

O - AUTORITES ET GOUVERNANCE

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons notre débat sur les comptes avec la politique publique O «Autorités et gouvernance». La parole n'étant pas demandée, je la soumets à vos votes.

Mise aux voix, la politique publique O «Autorités et gouvernance» est adoptée par 25 oui contre 16 non et 7 abstentions.

P - ACTIVITES DE SUPPORT ET PRESTATIONS DE MOYENS

Le président. Nous passons à la politique publique P «Activités de support et prestations de moyens». La parole n'est pas non plus demandée. Nous passons donc directement au vote.

Mise aux voix, la politique publique P «Activités de support et prestations de moyens» est rejetée par 39 non contre 7 oui et 9 abstentions.

Q - ENERGIE

Le président. Nous abordons maintenant la politique publique Q «Energie». Madame Moyard, vous avez la parole.

Mme Salima Moyard (S). Merci, Monsieur le président...

Le président. Attendez, non ! Ah si, c'est bien Mme Moyard. Excusez-moi, Madame. Vous pouvez y aller.

Mme Salima Moyard. Oui, si vous me le permettez...

M. Renaud Gautier. Mme Mizrahi !

Mme Salima Moyard. Non, c'est Mme Moyard, Monsieur Gautier ! S'agissant de la politique publique Q, le groupe socialiste a deux remarques et deux questions à l'adresse du conseiller d'Etat Hodgers. (Remarque.) En effet, il est absent. J'espère bien qu'il arrivera d'ici là ! Voici la première remarque: concernant les comptes 2013 - pour revenir au passé, puisque nous sommes bien dans les comptes - le groupe socialiste avait déjà dit à l'époque que la ponction extraordinaire que ce Grand Conseil avait choisi de faire sur les Services industriels était une fort mauvaise idée sur le fond, illégale sur la forme. C'est d'ailleurs bien ce dont le Tribunal fédéral a convenu. Voilà qui est fort regrettable, puisque maintenant cela plombe fortement cette politique publique.

J'en viens à la seconde remarque. Il tient extrêmement à coeur au parti socialiste que l'assainissement énergétique des bâtiments progresse, à commencer par le parc immobilier de l'Etat - mais pas seulement. Il progresse aujourd'hui, mais lentement, très lentement, trop lentement. A cet égard, j'ai deux questions pour le conseiller d'Etat. Dans le livre des comptes - sauf erreur à la page 341 - il est mentionné que la part des bâtiments ayant subi un audit énergétique, en taux cumulés, année après année pour ces comptes 2013, est de 33%. Un tiers des bâtiments a donc subi cet audit, alors que le but, toujours fixé pour 2018, est de 100%. Ma première question est la suivante: de combien cela a-t-il vraiment progressé sur l'année 2013, étant donné qu'il n'y a pas les chiffres pour les comptes 2012 ? Sur l'année 2013, quelle a été la part des bâtiments audités ?

J'en arrive à la seconde question: comment le Conseil d'Etat compte-t-il, avec les moyens actuels qui sont les siens - qui sont certes existants, notamment avec le ChèqueBâtimentEnergie, mais nettement trop faibles - passer en quatre ans de 33% du parc - comme c'est le cas pour les comptes 2013 - à 100% en 2018 ? C'est fort ambitieux. Si cet objectif pouvait être tenu, ce serait salué par le parti socialiste et, je l'espère bien, par l'entier de ce parlement, mais cela me paraît quelque peu douteux, voire irréalisable. J'aurais voulu avoir des informations quant à cet élément. Je remercie le conseiller d'Etat Hodgers pour ses réponses.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Concernant cette politique publique, il y a eu une remarque intéressante de M. Aellen en commission des finances - je pense que c'est au nom du groupe libéral qu'il a fait cette assertion: il a dit qu'il y avait des investissements productifs que le Conseil d'Etat avait tout loisir de faire. Je suis d'accord avec lui par exemple en ce qui concerne l'assainissement des bâtiments, qui coûtent puisqu'ils consomment plus et qu'il y a une perte d'énergie. Si on investit là, l'Etat gagne de l'argent, c'est-à-dire que dans les investissements qu'il effectue, s'il investit 100, il aura peut-être un retour de 150. Monsieur le conseiller d'Etat, quand vous faites les budgets, il faudrait que vous différenciiez les investissements qui donnent des retours assez importants et qui vont baisser à terme les charges de l'Etat - il doit y avoir une certaine opportunité, un arbitrage de votre part - des autres investissements nécessaires comme les écoles, qu'il faut faire de toute façon. Il devrait y avoir une étude d'opportunité là-dessus, et je trouve vraiment dommageable que cette analyse ne soit pas faite. Peut-être y en a-t-il d'autres ?

Deuxième élément, Monsieur le président: il y a eu un projet de loi déposé par le parti libéral, qui demande l'attribution de la moitié des bénéfices des SIG à leurs propriétaires, c'est-à-dire l'Etat et les communes. Ce débat a eu lieu, et il pose un problème. En principe, les prestations des SIG doivent être fournies aux citoyens et citoyennes - puisqu'il s'agit de leur entreprise - à prix coûtant. Si on demande à l'entreprise publique SIG de faire des bénéfices, ces bénéfices se répercuteront sur ce qu'on va payer. Par conséquent, c'est une espèce de para-fiscalisation. Voilà qui m'étonne de la part des libéraux, qui sont justement contre la fiscalisation des citoyens à tout prix, et pour la transparence et le fait que les citoyens décident. Cela pose donc un problème. Si on commence à demander aux entités publiques - qui, je le répète, sont censées offrir des prestations à prix coûtant, et qui sont subventionnées - de faire des bénéfices, on se trouve en face d'un problème assez délicat; cela d'autant plus que les citoyens ne peuvent même pas se prononcer ! Si jamais on vote cette loi, vous aurez à payer certaines prestations au prix fort sans pouvoir dire si vous êtes d'accord ou non, alors que c'est votre entreprise et qu'en principe, selon notre constitution et nos lois, la mission des entreprises publiques est avant tout de nous offrir une prestation de qualité à prix coûtant, et non pas de faire des bénéfices. Voilà, Monsieur le président, c'est tout ce que j'avais à dire.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rappelle aux personnes qui ont appuyé sur le bouton pour intervenir maintenant qu'en principe on ne parle pas après le rapporteur et le conseiller d'Etat. Essayez, s'il vous plaît, de respecter un peu l'ordre pour que tout se passe au mieux. Cette fois-ci, on va avancer ! Monsieur Riedweg, vous avez la parole.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous me voyez navré de cette situation. Merci de m'avoir donné la parole.

C'est essentiellement la rigueur dans la gouvernance d'entreprise qui a affecté l'exercice 2013. Tant la fibre optique - qui a dû comptabiliser une dépréciation de 45 millions - que les participations dans l'hydraulique, le thermique, les parcs éoliens, l'informatique et les déchets verts ont généré des pertes. Ces secteurs sont d'une part ouverts à une forte concurrence et d'autre part représentent de nouveaux domaines d'activité que les SIG n'ont pas su maîtriser techniquement. De plus, l'enthousiasme et l'empressement, tant au niveau de la direction que du conseil d'administration, sont une des causes des pertes enregistrées, puisque ces deux instances étaient rassurées par de nombreuses années bénéficiaires et les résultats nets opérationnels qu'ont connus les SIG.

En guise de réflexion, je dirai que le capital risque n'est pas l'apanage des SIG, qui devraient limiter leurs activités aux secteurs qu'ils connaissent bien et qui servent l'économie genevoise depuis des décennies. Si les SIG ne s'étaient pas engagés dans le secteur éolien avec Ennova et SwissWinds, il leur aurait été reproché de ne l'avoir pas fait au cas où les marchés énergétiques auraient plébiscité cette source d'énergie. Dans cette rubrique, la dépréciation et les provisions se montent à 69 millions. De même, si les SIG ne s'étaient pas engagés dans la fibre optique à domicile, il leur aurait été reproché de ne pas l'avoir fait si ce moyen de communication avait été plébiscité par les marchés. Là encore, la dépréciation se chiffre à 45 millions. Merci, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG). Je serai bref, parce qu'on a beaucoup parlé de ces sujets. La politique énergétique de l'Etat de Genève a été catastrophique en 2013. Elle a été parsemée de scandales, comme celui des éoliennes. Il y a aussi d'autres scandales beaucoup plus anciens, notamment celui de l'hydraulique. Comment a-t-on réussi à perdre nos positions dans les barrages ? Je ne vais pas refaire tout l'historique. Le groupe MCG, de manière déterminée, refusera cette politique publique.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si la politique énergétique - et plus particulièrement la politique d'investissement des SIG - a été chahutée et a connu des difficultés ces dernières années, cette situation est en voie de redressement. Cette question, qui concerne plus particulièrement l'entreprise, a déjà fait l'objet de plusieurs débats au sein de ce parlement. Permettez-moi de consacrer un moment ce soir au rapport de gestion sur la politique Q. En effet, la politique énergétique de l'Etat ne se résume pas à l'action des SIG, qui est certes extrêmement importante et conséquente, mais pas exclusive. Dans ce sens, je remercie la députée Moyard de son intérêt pour la politique Q, et plus particulièrement pour les questions de rénovation énergétique des bâtiments.

Mesdames et Messieurs les députés, 50% de la consommation énergétique du canton concerne le bâti. C'est énorme, c'est extrêmement important ! D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si l'énergie a rejoint, du moins pour cette législature, le département de l'aménagement et du logement. Le lien avec le bâti est fondamental, et j'entends favoriser les interactions entre ces politiques publiques. La députée Moyard a raison de dire que nous sommes en retard en termes d'audit énergétique des bâtiments. Elle a aussi raison de craindre que nous ne parvenions pas à atteindre l'objectif d'un audit complet de l'ensemble des bâtiments pour 2018; ceci est pourtant une obligation légale pour les ensembles de cinq logements au moins. Malheureusement, je dois vous avouer, Mesdames et Messieurs, que si cette obligation n'a pas été exécutée et qu'aucune amende n'a été envoyée jusqu'à présent, c'est par faute de moyens administratifs. L'office cantonal de l'énergie est tellement peu doté qu'il n'est aujourd'hui humainement pas possible de verbaliser l'ensemble des propriétaires qui n'ont pas réalisé un audit énergétique dans le but de déterminer l'indice de dépense de chaleur de leurs habitations. L'Etat renonce à appliquer des lois par faute de moyens ! J'ai pris conscience de cette situation au début de l'année. J'entends maintenant proposer à votre parlement un renforcement des moyens de l'office cantonal de l'énergie. Ceci se fera malheureusement en diminuant d'autres éléments budgétaires, afin d'aboutir à un équilibre. Il s'agit d'un coulissement des moyens, mais je souhaite rééquilibrer les moyens dévolus à la politique énergétique: il faut qu'au sein de l'administration nous puissions avoir une équipe suffisante qui applique tout simplement la loi, qui crée une égalité de traitement entre les propriétaires qui respectent la loi et jouent le jeu en réalisant les indices de dépense de chaleur, et ceux qui ne la respectent pas et ne jouent pas le jeu. Mesdames et Messieurs - et particulièrement Madame Moyard - sachez que je suis extrêmement attaché à la réalisation de cet objectif. Je chercherai, à travers le budget qui vous sera présenté cet automne, à donner les moyens suffisants à mon office pour qu'il puisse l'atteindre et qu'on établisse ces indices de dépense de chaleur avec les mesures qui vont avec, c'est-à-dire un certain nombre de mesures au-delà de 800 mégajoules le mètre carré, et des interventions plus massives au-delà de 900.

Par ailleurs, j'aimerais rappeler à ce parlement que l'heure de l'interdiction des simples vitrages a bientôt sonné. Voici vingt-trois ans que le Conseil d'Etat de l'époque avait inscrit une échéance qui paraissait alors extrêmement lointaine: cette date, c'est le 31 janvier 2016. Nous serons bientôt dans une situation où les simples vitrages seront tout simplement interdits à Genève. Dans ce cas-là aussi, l'office cantonal de l'énergie aura la possibilité de verbaliser en cas de constat de non-respect de l'interdiction. Pour cette opération, nous sommes convenus d'un certain nombre de mesures en partenariat avec les milieux privés - je pense notamment aux artisans ou aux menuisiers qui auront beaucoup de travail pour réaliser ces opérations - dont une très récente, à savoir qu'il n'y aura pas besoin d'autorisation de construire pour procéder à la mise en place des doubles vitrages. Dans ce genre de situation et si l'on veut que les propriétaires aillent de l'avant, il est très important d'alléger la bureaucratie. Demeurent évidemment soumis à autorisation tous les bâtiments classés. Nous ne pourrons pas si facilement poser du double vitrage dans cette magnifique salle du Grand Conseil, par exemple !

Pour conclure, j'aimerais encore vous parler de la magnifique opération en cours menée par la mairie d'Onex - mairie avant-gardiste s'il en est, notamment en matière énergétique... (Exclamations.) En partenariat avec le DALE - mon département - la mairie d'Onex conduit une opération d'incitation auprès des propriétaires immobiliers, notamment de parcs locatifs des années cinquante, soixante et septante, qui sont - il faut le dire - les parcs les plus difficiles en matière énergétique. Dans ces années-là, en effet, on était à ce point dans l'abondance pétrolière qu'on a très peu pensé à l'économie. Le but est de concentrer tous nos efforts pour une opération conjointe sur le territoire. D'ici quelques mois, voire une année ou deux, nous ferons un bilan de cette opération menée conjointement par la commune et le canton, afin de déterminer comment parvenir à inciter les propriétaires immobiliers à rénover leurs bâtiments.

Enfin, sachez que, dès le début octobre, le Conseil d'Etat lancera les rencontres du logement pour parler des politiques du logement de manière générale. L'un des ateliers de ces rencontres, qui dureront six mois, sera consacré à la rénovation énergétique des bâtiments. On ne peut évidemment pas exclure le débat propriétaires-locataires des questions énergétiques en termes de rénovation. Là encore, il s'agit de l'un des outils dont je chercherai à me doter pour aboutir à ce que nous devons faire aboutir, à savoir une analyse complète du bâti d'ici 2018 et des mesures en lien pour l'améliorer.

Madame Moyard, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux malheureusement pas vous dire aujourd'hui que nous sommes au bout de nos peines. L'un de nos grands enjeux sera bien évidemment le parc immobilier de l'Etat de Genève, qui n'est pas le plus exemplaire en la matière et qui me met dans une situation embarrassante en cas d'application des lois: en effet, peut-être me verrai-je dans l'obligation d'envoyer des factures et des amendes à mon collègue en charge des bâtiments Dal Busco si celui-ci ne se met pas aux normes ! J'espère - et j'en suis sûr - que nous trouverons un arrangement pour éviter d'en arriver là. Il y a un effort massif à faire si nous voulons être exemplaires en la matière. Voilà ce que j'avais à dire, Mesdames et Messieurs, s'agissant de la politique Q. Voyez qu'il n'y a pas que les éoliennes dans la vie, il y a beaucoup d'autres choses !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique Q «Energie» est rejetée par 36 non contre 25 oui et 20 abstentions.

A - FORMATION

Le président. Nous passons à la politique publique A «Formation». La parole est demandée par M. Deneys. C'est à vous, Monsieur.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Remarquez que les députés ont parfois de la peine à suivre votre rythme soutenu...

Le président. N'est-ce pas ?

M. Roger Deneys. Il faut de longues années d'expérience pour être capable de vous suivre ! Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont soutenu cette politique publique en commission des finances. Mais nous avons aussi exprimé un certain nombre de craintes et de doutes. Si les moyens accordés au DIP sont importants, notamment pour l'école publique obligatoire, le postobligatoire et l'université, il n'en demeure pas moins qu'on assiste à une baisse des prestations publiques depuis un certain nombre d'années. Pour les socialistes, cette baisse en quantité et en qualité n'est pas toujours justifiée. Nous partageons les craintes quant à l'efficience exprimées par la nouvelle conseillère d'Etat. Chasser l'administration inutile et essayer de rendre des forces au terrain sont des préoccupations que nous avons déjà eu l'occasion de partager précédemment en commission des finances. En effet, des échos viennent du terrain et montrent que les prestations, notamment d'encadrement pour les élèves, baissent, que ce soit à l'école primaire ou au cycle. On diminue le nombre d'options, on augmente parfois le nombre d'élèves, on supprime un certain nombre d'appuis... Tout ceci est plutôt inquiétant pour les socialistes. (Remarque.) Ah, mais si, c'est la réalité ! Malheureusement, c'est la réalité ! Il s'agit d'une problématique réelle qui fait qu'on ne peut certainement pas faire des économies supplémentaires au DIP sans mettre en péril les possibilités de formation pour les personnes à plus bas revenus. Quand on fait des économies sur les répétitoires ou sur un certain nombre de possibilités d'encadrement pour les élèves, en disant qu'on va aider les élèves en difficulté, c'est en général déjà trop tard ! L'augmentation des effectifs par classe est typiquement une mesure inquiétante. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes voteront cette politique publique, mais tiennent à souligner qu'ils sont extrêmement inquiets si des prestations supplémentaires venaient à être supprimées.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai omis de vous communiquer les temps de parole du jour. Le groupe Ensemble à Gauche dispose de vingt-trois minutes, les socialistes de vingt-deux minutes et les Verts de trente-huit minutes. Pour le PDC, ce sera trente et une minutes, pour le PLR vingt-deux minutes, pour l'UDC vingt-cinq minutes et pour le MCG seize minutes. Quant au rapporteur, il lui reste dix-sept minutes. Voilà qui est dit ! Je passe la parole à M. Jean-François Girardet.

M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Le MCG soutiendra cette politique publique de toutes ses forces, car la formation est notre avenir, c'est l'avenir de notre République et canton de Genève ! C'est là que nous devons faire l'effort principal, c'est-à-dire au niveau des charges que nous voulons attribuer à la formation des jeunes. Nous avons constaté que des coûts avaient sensiblement augmenté, notamment en relation avec le secondaire II. En effet, on nous dit dans le rapport que 1500 jeunes ont été mal orientés à la sortie du cycle d'orientation. A l'avenir, nous pensons qu'il faudra mettre un accent vraiment important sur l'orientation des jeunes à la sortie du cycle d'orientation. Ceux-ci devraient également être orientés vers des filières d'apprentissage, puisqu'on veut remettre à l'honneur cette formation comme ayant toute sa valeur et permettant aussi des formations à long terme, voire le passage vers une maturité professionnelle HES et éventuellement l'université. Il s'agit d'une voie qu'il faut remettre au goût du jour afin que, à la sortie du cycle d'orientation, les jeunes s'y intéressent.

Par ailleurs, nous avons constaté que le DIP avait fait un énorme «bénéfice» - entre guillemets - sur le dos des enseignants primaires ! Le surplus de recettes provient essentiellement de la dissolution de la provision pour la rente-pont AVS des enseignants de l'enseignement primaire s'élevant à 50 millions, suite à la modification de la LIP sur les retraites des enseignants primaires. Cette loi a été votée en urgence le 20 décembre 2013 - donc sans possibilité pour la population de déposer un référendum - et mise en application dès le 1er janvier 2014, faisant passer l'âge de la retraite des enseignants de 62 à 65 ans, les versements à la caisse CEH de 38 à 40 versements, et le pourcentage sur le dernier salaire de 75 à 60%. Le PLEND a également été modifié: auparavant, la possibilité de cinq ans de PLEND était donnée aux enseignants, contre trois ans maintenant. Je pense qu'une ovation devrait être faite aux enseignants du primaire, qui ont consacré cela sans que la SPG organise une seule manifestation, ce que je regrette d'ailleurs. Quand on fait un si grand sacrifice, il faut qu'il soit remarqué, ce d'autant plus qu'on va demander aux enseignants du primaire de prendre en charge les enfants le mercredi matin pour l'année à venir. Je vous remercie.

M. Michel Ducommun (EAG). «Ouvrir une école, c'est fermer une prison.» Je cite là Victor Hugo. Mais j'ai l'impression que ce parlement est plus proche de la position inverse, à savoir: ouvrir une prison, c'est fermer une école ! (Protestations.) Pourquoi ai-je cette impression ? Je m'explique. La droite réclame de plus en plus l'austérité. Combien de fois ai-je entendu la litanie suivante ? «On n'a plus les moyens, on ne peut plus, on n'a plus l'argent, il y a la dette, il y a la dette, il y a la dette !» Or, ce discours-là ne s'applique pas à la sécurité: pour construire une nouvelle prison, les crédits sont là; le projet d'engager à terme près de six cents nouveaux policiers existe. Comment la droite peut-elle concilier ces nouvelles dépenses avec la rengaine du manque d'argent ? Par une affirmation très simple, à savoir qu'il faut faire des économies ailleurs. Le problème - et c'est cela qui m'inquiète - est que cet «ailleurs» concerne le plus souvent le DIP: j'ai entendu certains de nos collègues suggérer de mettre un peu plus d'élèves par classe afin de diminuer le nombre de classes, et donc le nombre d'enseignants. De même, si on augmente le nombre d'heures d'enseignement correspondant à un poste complet, cela diminue aussi le nombre de maîtres. De plus, comme cette droite estime que les fonctionnaires sont beaucoup trop payés, il y a là aussi une marge de manoeuvre, c'est-à-dire supprimer les annuités et - je l'ai souvent entendu - passer de 2/3-1/3 à 50% pour la caisse de pension. L'UDC a également déposé un projet de loi qui propose d'augmenter le temps de travail du personnel de la fonction publique. Alors qu'il est déjà difficile aujourd'hui de trouver des enseignants pour certaines branches ! Je trouve quand même un peu surprenant de constater qu'on a de la peine à trouver des volontaires pour une situation que certains décrivent comme celle de privilégiés. Il y a de moins en moins de gens qui ont envie d'être des privilégiés, c'est assez étonnant ! Cela pose à mon avis quelques petits problèmes.

A partir de là, je pense que la péjoration des conditions de travail des enseignants et des élèves ne peut que diminuer la qualité de la formation à Genève. Voilà ce qui m'inquiète. Le DIP se trouve confronté - et va l'être de plus en plus - à une contradiction entre des demandes d'économies et l'augmentation des prestations qui doivent être fournies. Augmentation du nombre d'élèves, explosion de la formation continue des adultes - qui n'a pas de limites légales fixées - hausse des élèves scolarisés en enseignement spécialisé et des jeunes placés hors canton - entre autres par le SPI - de même que des apprentis envoyés dans d'autres cantons parce que les classes ne sont pas ouvertes à Genève. Il faut ajouter à ces augmentations l'obligation - introduite par la nouvelle constitution - de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. Enfin, s'agissant des bâtiments scolaires, leur état de vétusté - voire l'obsolescence de certains - nécessite des investissements importants pour des rénovations que tous estiment nécessaires, voire la construction de nouveaux bâtiments.

Cet environnement de menaces qui pèse sur le DIP et la qualité de la formation à Genève nous inquiète beaucoup, parce qu'il s'agit pour nous d'un domaine qui devrait être l'une des grandes priorités de l'avenir. Mais il est difficile d'être optimiste lorsqu'on voit la volonté d'économies sur le terrain de la majorité de ce parlement.

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Michel Ducommun. Nous espérons qu'il y aura une réaction de la population quant à cette façon de tuer la qualité de la formation à Genève, qui me semble très inquiétante. (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Les Verts partagent les interrogations émises par Ensemble à Gauche et le parti socialiste. Quant à moi, j'ai deux questions un peu plus précises. La première concerne le ratio postes fixes/postes auxiliaires. Par rapport au budget prévu, on voit que pour l'ensemble du DIP, il y a -155 postes fixes et +177 postes auxiliaires, ce qui nous remet au même niveau qu'en 2012. Ma question est la suivante: quels sont les motifs de ce changement ? Le budget prévoyait l'inverse, c'est-à-dire 7466 postes fixes et seulement 58 postes auxiliaires. Or maintenant, nous en sommes à 236 postes auxiliaires. N'y a-t-il pas un risque de fragilisation du personnel concerné et des prestations ?

Ma deuxième question touche plus précisément la politique A03 «Intégration, suivi éducatif et soutien aux familles». Si nous regardons les indicateurs s'agissant du placement des jeunes à problèmes, des lieux d'accueil et du traitement thérapeutique, nous voyons - et c'est préoccupant - que la réalité va bien au-delà: il n'y a pas assez de lieux d'accueil ni de thérapeutes qui s'occupent des enfants qui ont des problèmes. N'y a-t-il pas là clairement un manque assez criant par rapport aux indicateurs ? Je vous remercie.

M. Cyril Mizrahi (S). Chers collègues, si vous le permettez, j'aimerais intervenir plus spécifiquement sur la politique publique A05, qui concerne l'enseignement spécialisé. Dans les priorités de la politique de l'enseignement, on nous parle notamment de l'école inclusive. J'ai même trouvé une déclaration que j'aimerais vous lire; il s'agit d'une réponse du Conseil d'Etat de l'«ancien régime» - comme cela a été dit tout à l'heure - à la question urgente 104 de Mme la députée Anne Emery-Torracinta relative à la participation des enfants handicapés aux activités des promotions: «Il convient enfin de rappeler que notre canton travaille dans le sens d'une école de plus en plus inclusive. Ainsi, à l'avenir» - j'ajoute qu'on ne sait pas exactement quand - «l'ensemble des enfants de l'enseignement spécialisé, à quelques rares exceptions près en raison de leurs handicaps, seront intégrés selon une proportion adaptée à chaque cas dans des classes ordinaires.»

Le moins que l'on puisse dire, chers collègues, en lisant les comptes et documents qui nous sont fournis, notamment au titre des indicateurs - à la page 50 des comptes - c'est qu'il y a véritablement loin de la coupe aux lèvres ! En réalité, les chiffres que l'on nous donne ne concernent que les enfants scolarisés dans l'enseignement spécialisé. On reste dans un schéma complètement cloisonné, où l'on commence par séparer les enfants avec handicap avant d'éventuellement les intégrer en tout ou partie dans l'enseignement ordinaire. Ce que l'on découvre dans ces chiffres, c'est qu'il y a seulement 20% d'enfants de l'enseignement spécialisé qui sont intégrés à temps partiel ou presque plein dans l'enseignement ordinaire. C'est évidemment très faible, et cela confirme le sentiment que l'on a sur le terrain. Faute de moyens, les enfants ne sont pas intégrés dans l'enseignement ordinaire.

Ce que l'on découvre aussi - et qui est encore plus inquiétant - c'est que le flux entre l'enseignement ordinaire et l'enseignement spécialisé va très clairement en faveur de l'enseignement spécialisé. Ainsi, près de 250 enfants passent de l'enseignement ordinaire à l'enseignement spécialisé contre seulement 150 enfants dans le sens inverse. Cela signifie que l'on est en train d'accroître la séparation des enfants handicapés. Le pire, chers collègues, c'est que dans la colonne cible pour 2016, il y a exactement les mêmes chiffres ! Cela veut dire que l'ambition est d'avoir de plus en plus d'enfants dans l'éducation spécialisée. Il y a là clairement un problème de conception, un problème systémique. Ces enfants sont dans un système séparé, ce qui est totalement inadmissible ! Nous demandons véritablement - nous savons, Madame la conseillère d'Etat, qu'il s'agit là d'un sujet qui vous tient à coeur - un changement de politique et, le cas échéant, que le Conseil d'Etat vienne avec des crédits supplémentaires pour investir davantage dans l'intégration au sein de l'enseignement ordinaire. Nous ne doutons pas que ce Grand Conseil acceptera de mettre les moyens pour que les enfants handicapés fassent véritablement l'objet d'une politique inclusive. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre va certainement dire des choses qui déplairont aux bancs d'en face. Je n'entrerai pas dans le domaine de M. Mizrahi. Les enfants handicapés, c'est autre chose. J'aimerais simplement que vous preniez la peine - même si vous l'avez fait - de peut-être mieux retenir les informations du rapport de gestion. Prenons-le en page 14, au chapitre «Prestations opérationnelles». On ne cesse de venir nous demander des augmentations de postes. Or le nombre des élèves est en train de diminuer. Où est l'erreur, que se passe-t-il ? Je parle de la formation obligatoire et même de l'enseignement postobligatoire. Vous avez de beaux tableaux, les chiffres sont...

Une voix. Page 14 ?

M. Patrick Lussi. Regardez ! (L'orateur montre son rapport et lit le titre.) Rapport de gestion du Conseil d'Etat 2013, page 16 pour le deuxième tableau, et page 14 pour celui que je viens de citer. Ce sont les chiffres ! Est-ce que ces chiffres sont faux, est-ce qu'ils ne correspondent pas à ce dont on parle ? Peut-être Mme la conseillère d'Etat me renseignera-t-elle.

En ce qui concerne la formation, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre aura les plus grandes réserves quant à ce programme. Lorsque nous entendons le président du Conseil d'Etat dire que l'Union démocratique du centre, par le fait de la votation populaire, va gêner l'expansion des entreprises et que, dans ce rapport, le même président du Conseil d'Etat annonce qu'il va falloir engager des gens à l'étranger parce que nous ne sommes pas capables de les former dans un système si pointu, permettez-nous d'avoir les plus grands doutes et de demander ce que l'on fait avec l'argent qu'on dépense. Ne sommes-nous pas à même de former des gens en vue des postes demandés dans notre pays ? Faut-il vraiment les chercher ailleurs ?

Enfin, Madame la conseillère d'Etat, voici venue ma dernière question. Nous n'avons pas pu trouver ce qui va se passer. La constitution demande maintenant l'enseignement jusqu'à 18 ans. Jusqu'à présent, nous avions toujours les cycles d'apprentissage. On a vaguement abordé le problème en commission des finances, mais quelle sera la stratégie du Conseil d'Etat quant à ce qui va se passer dès que ce sera appliqué ? Que se passera-t-il pour les gens qui ne sont pas dans vos grandes écoles ou qui font un apprentissage ? Pourront-ils commencer un apprentissage plus tôt, devront-ils attendre ? Que va-t-il se passer dans l'intervalle ? Je vous remercie.

Une voix. Très bien !

Mme Christina Meissner (UDC). Politique inclusive ou certifiante, c'est peut-être là la différence entre le PS et l'UDC: en ce qui concerne l'UDC, nous voulons des certifications fiables, qui permettent à nos jeunes de s'intégrer dans le monde du travail, de trouver un emploi. Aujourd'hui, l'itinérance et les redoublements à répétition ne sont clairement pas la voie à suivre et, au contraire, nous coûtent. Ils nous coûtent trois écoles et deux cents enseignants, sans résultat probant au final. L'UDC souhaite saluer le courage du nouveau gouvernement qui a restreint cette itinérance. Néanmoins, nous allons sanctionner la gestion du précédent gouvernement, qui ne voulait vraiment pas entrer en matière là-dessus, par une abstention quant à la politique de la formation.

Par ailleurs, vous m'excuserez de revenir un peu tardivement non pas sur la formation en tant que telle, mais sur le contenant, c'est-à-dire les bâtiments. Je regrette que dans le programme du gouvernement, en ce qui concerne la rénovation des bâtiments, pourtant très importante quant à la qualité des conditions d'enseignement, le cycle du Renard soit totalement oublié - je prends la casquette de la conseillère municipale de Vernier que je suis, d'ailleurs même présidente de ce Conseil. (Exclamations.) Faudra-t-il prendre le pinceau et la truelle soi-même pour ne pas devoir attendre jusqu'en 2019 et avoir des conditions qui permettent d'apprendre, qui soient dignes de notre pays ?

M. Benoît Genecand (PLR). J'ai une question à la magistrate sur la politique A03. On constate une diminution extraordinaire des charges entre 2012 et 2013. Or rien, dans le texte descriptif du programme, n'explique pourquoi. Il n'y a certes pas de grande variation avec le budget, mais cependant une très grande variation avec l'année précédente. Je n'imagine pas qu'il s'agisse d'une économie qui ferait passer de 947 personnes à 517. Il y a un service qui a dû disparaître; mais à la lecture du texte, on ne le retrouve pas.

J'ai une seconde question à la conseillère d'Etat concernant les objectifs. De manière générale, toute une série d'objectifs sont fixés dans ce document sur les politiques de l'Etat. Dans l'ensemble, je dirais que je ne suis pas totalement convaincu par la manière dont ils sont fixés. Certains ont du sens, mais j'ai l'impression qu'il y en a beaucoup trop, et certains objectifs me semblent parfois difficiles à comprendre. J'en ai un exemple ici. L'objectif 3.2 - toujours dans le cadre de la politique A03 - mesure la part des enfants du canton ayant bénéficié d'une visite de santé. Or, en 2013, on a réussi l'exploit d'en avoir 104% ! On peut difficilement aller au-delà de 100 ! Enfin, je ne sais pas, peut-être y a-t-il là quelque chose que je ne comprends pas. Mais il me semble que 100 est la limite si on mesure un groupe et qu'on essaie de déterminer combien de personnes ont bénéficié d'une prestation.

J'ai encore une remarque s'agissant de la délicate question de la rénovation des écoles, qui concerne plus largement les bâtiments de l'Etat. Dans une politique traitée auparavant assez rapidement - la politique P04 - on trouvait un indicateur assez intéressant, à savoir le taux d'investissement de l'Etat de Genève dans ces bâtiments; cela figure en page 330. On voit que l'Etat de Genève investit 1,39% par année, alors que la valeur cible pour ce même Etat est de 2,75%. Si on fait le calcul sur le patrimoine de l'Etat, c'est un retard d'investissement de 87 millions par année. Si les années se cumulent, cela fait vite une somme importante !

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, vous ne serez pas surpris que je sois en désaccord avec ce qui a été dit par le parti socialiste et Ensemble à Gauche, alors que l'intervention de M. Bugnion comportait deux questions auxquelles il me semble tout à fait important de pouvoir répondre.

Quel est le rôle de l'école ? Le rôle de l'école est double: il consiste d'abord à transmettre des connaissances structurées et ensuite à faire en sorte que chaque élève puisse, en fonction de ses capacités, se réaliser et s'inscrire dans une société devenue plus complexe. Je ne vois pas pourquoi M. Deneys dit que la diminution du nombre des options - ce qui est faux ! - serait un obstacle à la double mission de l'école. Ce n'est pas au nombre d'options - c'est-à-dire à cette «optionite» aiguë que l'on connaît à Genève - que l'on pourra juger de la qualité de la transmission du savoir et du fait que chacun ne soit pas laissé sur le chemin. Je ne comprends pas non plus la diatribe de M. Ducommun. De manière générale, on est quand même au-delà de 2 milliards pour l'instruction publique ! Cependant, il a raison de dire qu'on ne met peut-être pas l'argent au bon endroit. Cet argent, on l'a. Il est tout simplement magnifique, il est formidable, mais on ne sait peut-être pas l'utiliser comme il faudrait.

Les questions que je veux poser sont simples, et on les connaît depuis un certain temps. Tout d'abord, pourquoi les directeurs du primaire assortis de maîtres adjoints et de maîtres référents sont-ils des pompes à argent alors que leur cahier des charges ne montre pas clairement qu'ils sont utiles ? La deuxième question que je voudrais poser est la suivante - parce que j'ai lu aujourd'hui la lettre que Mme Torracinta a envoyée à tous les enseignants: pourquoi ne pas simplifier la maturité gymnasiale comme cela se passe dans les autres cantons, de façon non pas tant à économiser - si en plus on peut économiser, tant mieux ! - mais à rendre beaucoup plus crédibles les types de maturités ? Non ! Nous, nous voulons tout donner, nous voulons ouvrir l'éventail ! En fait, nous n'avons pas tant de réussites. Regardez ce qui s'est passé en maturité au collège Rousseau cette année. Nous n'avons pas de réussites si dithyrambiques. La troisième question consiste évidemment à revoir à la baisse la charpente administrative globale du DIP. Voilà où passe l'argent, Monsieur Ducommun ! Pas pour les profs ni pour les élèves, mais voilà où passe l'argent ! Le SRED a peut-être diminué le nombre de ses serviteurs, mais enfin, c'est quand même énorme ! Nous avons là toute une série de moyens qui sont dilapidés - et je mesure mon mot - alors qu'il faudrait les mettre ailleurs. Il faut remettre les élèves au travail jusqu'au bout de l'année, chers collègues ! Il faut remettre nos jeunes au travail jusqu'au bout de l'année ! L'article que j'ai fait aujourd'hui est assez clair. Mais que voulez-vous ? Voulez-vous mettre des béquilles à tout le monde alors que deux, trois voire quatre semaines sont relativement peu utilisées ? La double mission de l'école - je le répète - est de transmettre des connaissances structurées et de faire en sorte que chacun, selon ses moyens, puisse s'inscrire dans notre société et ne soit pas laissé sur le chemin. Il y aurait à parler de l'IUFE...

Une voix. Oh oui !

M. Jean Romain. ...et vous en parlez, Madame la présidente, dans votre lettre. Evidemment, je ne suis pas d'accord. Je ne vois pas pourquoi, à Genève, nous devrions faire en quatre ans ce que tous les autres cantons peuvent faire en trois ans, et mieux ! Mieux ! (Remarque.) On se fiche de ce que vous dites ! Monsieur Deneys, vous êtes à la bêtise ce que l'Ascension est à la théologie: un sommet ! (Rires. Applaudissements.) En revanche, nous saluons la volonté du DIP de ne laisser personne sur le chemin. D'ailleurs, le projet Lullin a tout le soutien du PLR, parce qu'il s'agit d'un bon projet, parce qu'il faut faire en sorte que tout le monde puisse retrouver ce qu'il faut pour mettre son pied à l'étrier. Nous saluons aussi l'effort du DIP concernant la formation jusqu'à 18 ans. M. Ducommun nous dit, l'oeil humide... (L'orateur imite M. Michel Ducommun.) «Mais vous savez, il n'y a plus beaucoup de profs !» (Exclamations. Rires.) On rigole ou quoi, Monsieur Ducommun ? S'il manque des profs...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean Romain. ...ce n'est pas dû à un budget. S'il manque des profs, Monsieur Ducommun, c'est dû au fait que...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur !

M. Jean Romain. ...le métier que vous avez - et que j'ai moi-même - commencé il y a trente ou quarante ans a profondément changé. Nous étions alors des transmetteurs de savoir, nous sommes aujourd'hui des gardiens d'adolescents. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Vifs applaudissements.)

M. Cyril Aellen (PLR). Quand on écoute les propos venus des rangs de gauche, on entend beaucoup de déclarations d'intentions, mais je me demande si certains ont pris la peine de lire les documents qui nous ont été fournis. On nous dit qu'aujourd'hui, le taux d'encadrement baisse. Je vous invite à lire la page 19 du rapport sur les comptes 2013, tout à la fin. Le taux d'encadrement au cycle primaire 1 et 2 pour les comptes 2012 est de 17, contre... 17 en 2013 ! Vous pouvez passer à la ligne suivante: le taux d'encadrement au cycle d'orientation est de 9,6 en 2012 contre 9,3 en 2013. Le taux d'élèves moyen a baissé dans les comptes 2013.

On nous dit ensuite qu'il faut beaucoup engager parce que le nombre d'élèves augmente. Je vous invite à lire le rapport de gestion du Conseil d'Etat à la page 14, déjà citée par M. Lussi, où l'on constate qu'il baisse. J'aimerais aussi répondre à M. Mizrahi qui nous dit que s'agissant du regroupement spécialisé, le nombre d'élèves augmente. Il a pourtant baissé de 54 personnes entre 2012 et 2013 ! J'aimerais qu'on me donne une explication. (Remarque.) Je ne vous ai pas interrompu !

Enfin, il s'agit là d'une question d'appréciation, mais je vais quand même citer un chiffre, et je vous invite à lire l'annexe au rapport sur les comptes 2013 s'agissant des revenus, puisque voilà le vrai problème de cet Etat: les gens sont si mal payés ! Vous irez jeter un oeil au point 3.2, à la page 18, sur le salaire moyen dans la fonction publique. Bien sûr, déterminer si cela est beaucoup ou pas est une question d'appréciation, mais je donne le chiffre parce que c'est un fait objectif. Le salaire moyen dans la fonction publique genevoise est de 116 445 F. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est écrit dans le bilan social du Conseil d'Etat. Je ne sais pas si c'est beaucoup ou peu, je donne juste un chiffre.

On transmet un certain nombre de choses à nos enfants. Ce dont j'ai la certitude - et je vous laisserai chercher la page où vous pourrez trouver cette information - c'est que, en 2013, nous avons transmis 900 millions de dette supplémentaires ! (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (PLR). Je suis le quatrième PLR à m'exprimer sur l'école. Il faut bien qu'il y ait un parti qui défende l'action globale menée par ce département, parce que quand on entend les bancs de gauche, on se rend compte que l'on a clairement affaire à du «Beer bashing» ! Il s'agit là d'un plaisir que le PLR a pu avoir en d'autres occasions s'agissant d'autres magistrats. Mais ce soir, j'ai particulièrement apprécié la conviction avec laquelle M. Deneys a démoli l'action menée par un département qui, depuis des âges, se trouve en mains socialistes, ainsi que les résultats qu'il a obtenus qualitativement et quantitativement, a-t-il dit.

Je crois que des éléments positifs doivent être relevés. M. Ducommun qui, d'habitude, est un homme qui ne se laisse pas emporter, a purement et simplement oublié ce soir, s'agissant de la construction, le nouveau bâtiment universitaire à Carl-Vogt, qui va bientôt ouvrir et qui, je crois, permettra d'améliorer encore les prestations de notre université. Je regrette qu'il n'y ait pas pensé. Concernant les salaires de la fonction publique, je pense qu'on aurait pu donner les salaires des enseignants, qui sont plus élevés, de même que ceux des policiers qui, eux aussi, sont plus élevés. Les uns comme les autres étant nécessaires aux prisons et aux écoles, Monsieur Ducommun ! (Remarque.) Qui sont plus élevés, mais qui ne sont pas les plus élevés de Suisse. Ils sont par exemple moins élevés qu'à l'EPFL ! J'imagine que c'est M. Girardet qui est intervenu, avec sa politesse habituelle. Mais je remarque que M. Girardet ne s'est pas intéressé... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Pierre Weiss. ...à la question de l'égalité de traitement lorsqu'il a parlé de la retraite des enseignants du primaire. C'est une valeur qui ne l'intéresse pas quand il s'agit de lui-même ou de ses proches. Voilà comment il considère l'école ! S'agissant des points positifs, je crois qu'il convient de relever que plus de 2200 contrats d'apprentissage ont été conclus l'an passé. C'est un record absolu ! Cela montre l'engagement des entreprises pour ce qui est de l'apprentissage. J'aimerais également relever l'engagement de l'Etat dans la Cité des métiers.

Concernant l'université, je parlais du bâtiment à Carl-Vogt, mais le campus Biotech montre aussi que d'un mal peut naître un bien. De la fermeture d'une entreprise est née une source extrêmement positive pour le développement à terme de la science, de la recherche et des technologies à Genève. J'ajoute - mais ce n'est pas nécessairement un bien en soi - qu'une loi sur les HES a été adoptée par ce parlement. Elle sera ce que nous en ferons. Voilà aussi un pan de l'Etat où plusieurs milliers d'étudiants se destinent à une formation supérieure dans les domaines de la santé, du social, de l'art et du design ou encore des technologies; l'Ecole d'ingénieurs en est un exemple.

J'aimerais maintenant poser une question à Mme la cheffe du département au sujet de la politique A01. Il s'agit de l'évolution du nombre de directeurs au sein de son état-major. Il y en avait trois, m'a-t-on dit, lors de la création du CO. Il y en a maintenant dix-huit ou dix-neuf. Cette évolution est-elle destinée à se poursuivre ? (Remarque.)

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.

M. Pierre Weiss. Je parle de l'école obligatoire, qui comprend le CO. On peut s'interroger aussi sur la nécessité, pour ce département, de mener une politique de la ville. Enfin - et je terminerai par là - s'agissant des difficultés de recrutement des enseignants, je vais dans le même sens que mon ami Jean Romain. Mais il n'y a pas seulement les points qu'il a soulignés, il y a également le prestige de cette profession qui a changé au fil du temps pour différentes raisons.

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît !

M. Pierre Weiss. Je pense qu'il serait bon de rechercher les raisons pour lesquelles il est difficile d'attirer des gens vers une profession globalement bien rémunérée. Je vous remercie, Monsieur.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Pouvez-vous demander à M. Gilbert Catelain de me rendre mon papier, s'il vous plaît ? (Hilarité. Brouhaha.) J'ai une question pour la conseillère d'Etat Emery-Torracinta. De nombreux bâtiments scolaires genevois sont vétustes et tombent en ruine. Je pense au cycle du Renard - le coût de la rénovation s'élève à 72 millions - et à celui de Budé, aux collèges de Saussure, Sismondi et Rousseau, ainsi qu'à l'ECG Jean-Piaget, qui souffrent partiellement de décrépitude, d'infiltrations d'eau, de façades fissurées et de problèmes d'étanchéité des fenêtres et toitures. D'importants travaux sont à prévoir afin de garantir l'égalité des chances entre les élèves. Voici ma question: pensez-vous que nous pourrions soustraire des fonds destinés à la recherche à l'Université de Genève afin de financer les travaux de rénovation des bâtiments scolaires ? Merci, Madame, merci, Monsieur le président.

M. Daniel Sormanni (MCG). Chers collègues, je regrette les propos de M. Weiss - vous lui transmettrez, Monsieur le président - qui étaient plus qu'inconvenants vis-à-vis de notre collègue. Lorsqu'on parle de formation, d'école et de formation professionnelle, je crois qu'il est important de s'assurer que nous faisons le maximum pour que nos jeunes puissent s'intégrer et que chacun d'eux, à son rythme et à son niveau, puisse avoir une formation qui lui permette ensuite d'évoluer dans la vie. Il s'agit là du gage le plus important que nous puissions leur donner. Je regrette qu'à force de faire des économies, on en vienne à diminuer ou à supprimer les répétitoires dans les écoles, charges revenant pour finir aux communes qui doivent se saisir de ce problème. Je pense que ce n'est pas une bonne solution. L'éducation est une tâche qui incombe au canton, et je pense qu'il serait bien de veiller à ce que les répétitoires continuent.

S'agissant de la formation au sens général, il faudrait que nous puissions former les métiers qui manquent à Genève. Visiblement, ce n'est pas le cas. J'espère que le Conseil d'Etat s'attellera à cette tâche. Il y a des métiers qui manquent, comme les infirmières et les informaticiens; il y en a de nombreux qui manquent. On ne fait pas l'effort d'offrir la formation...

Une voix. Si, si !

M. Daniel Sormanni. ...ce qui oblige les jeunes à aller ailleurs. Pas suffisamment ! J'aimerais enfin dire à la magistrate la chose suivante - mais cela concerne aussi M. Dal Busco, puisqu'il s'agit de l'entretien des bâtiments: des élèves scolarisés dans des écoles propres et bien entretenues sont des élèves plus heureux. Je pense qu'il est essentiel de faire les efforts nécessaires pour rénover ces écoles. Ce sera un bénéfice pour les jeunes et pour la formation. Je vous remercie de m'avoir écouté.

M. Michel Ducommun (EAG). Je vais essayer d'être bref, parce que j'ai beaucoup de réponses à donner. D'abord à MM. Lussi et Romain, qui parlent de la difficulté de trouver des enseignants: je les ai entendus. Il s'agirait donc du manque de prestige. Je crois que vous vous trompez ! J'ai commencé l'enseignement en 1970. A cette époque, le métier d'enseignant était tout aussi peu souhaité par ceux qui sortaient de l'université. Alors que s'est-il passé ? Le département de l'instruction publique a envoyé des cars en Belgique pour ramener les futurs profs de Genève ! On allait en Belgique chercher les enseignants de Genève, parce qu'on ne les trouvait pas ici. Je vous ferai remarquer que c'était en 1970, c'est-à-dire il y a quarante-quatre ans.

Ma deuxième réponse concerne le problème du nombre d'élèves. Je suis un peu surpris, Monsieur Aellen, que pour votre conception des statistiques et de l'évolution des données, deux ans suffisent. Je suis désolé, mais c'est ridicule ! On ne peut pas déterminer sur deux ans seulement la façon dont les choses évoluent dans un domaine. Personnellement, j'ai des données allant de 1980 à 2011. Au niveau de l'école primaire, on est passé de 29 199 élèves à 32 716. Au CO, on est passé de 12 162 à 13 146. Quant au postobligatoire, on est passé de 9909 à 15 527. Voilà des chiffres sur trente ans, avec lesquels on peut commencer à raisonner. Sur deux ans, on ne le peut pas !

Le troisième élément pour lequel j'avais une réponse à donner... (Remarque.) ...est l'orientation. C'est vrai - et je l'ai entendu de la part du DIP - qu'il y a un problème. Beaucoup d'élèves qui sont peut-être mal orientés arrivent d'abord au collège et ne réussissent pas leur maturité, passant donc quelques années de plus dans le système d'enseignement. Là, il y a des frais. Je ne discute pas le fait qu'il peut y avoir des frais. Mais la réponse qui consiste simplement à augmenter la sélection est une vision politique. Nous serons plus sélectifs, et cela coûtera donc tout simplement moins cher ? Peut-être cela coûtera-t-il moins cher, mais cela fera des dégâts importants. A cet âge-là, laisser des portes ouvertes aux élèves n'est pas à dénigrer.

Enfin, Monsieur Weiss, je connais le montant destiné au CMU. Je l'ai même vu. Ce sont 46 millions, c'est-à-dire à peu près le coût de la prison. Voilà pourquoi, au niveau des investissements, je n'ai pas dit de ne faire que la prison et pas le CMU, puisqu'il y a les deux. Mais à part le CMU que l'on construit, il y a un état d'obsolescence et de vétusté très grave, qui est rapporté par toutes les personnes qui regardent ce qui se passe dans les écoles actuelles. De ce point de vue là, je pense qu'il y a un problème.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je dirais que l'on a l'école que l'on veut, et surtout l'école que les enseignants ont envie de vivre. On a bien sûr accusé toute la hiérarchie administrative et économique, les politiques, les orientations, etc. Or c'est nous qui les faisons ! Je trouve que nous avons une chance phénoménale d'avoir l'école que nous avons aujourd'hui. Je ne suis pas du tout d'accord avec mon collègue Jean Romain...

M. Jean Romain. Vous m'étonnez !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je continue, n'est-ce pas ? Merci, Monsieur l'enseignant ! Je vais continuer en disant que c'est une chance extraordinaire. Bien sûr, il y a des connaissances à transmettre. Mais il y a aussi une éducation et du sens à donner aux choses. Quand on voit tout ce qui s'est passé à Genève d'un point de vue éducatif, je me dis que Piaget, Flournoy et les autres doivent se retourner dans leur tombe ! C'est fabuleux, cette connaissance, ce savoir, et tout ce qu'on peut en faire. Je ne comprends pas qu'on soit tout le temps si pessimiste, qu'on regarde l'école comme si c'était la bourse à un chiffre près, alors que l'on sait que la tendance est au minimum sur dix ans pour arriver à avoir une certaine évaluation. Il se fait des choses extrêmement positives. Quand vous voyez l'ensemble des programmes... Certes, on peut faire mieux pour les personnes handicapées. Mais il y a des classes spécialisées pour les migrants - afin qu'ils puissent apprendre notre langue - ainsi que la formation des enseignants. On n'en fera jamais trop pour que les enseignants apprennent à travailler, apprennent surtout à savoir ce qu'ils enseignent et apprennent à comprendre ce que sont le savoir et le savoir-faire ! Je ne vois pas pourquoi on diminuerait la formation des enseignants, parce qu'il n'y a pas que des connaissances à apprendre, il y a aussi un savoir-faire et un savoir-être. Pour cela, il faut du temps. Si, vous, les enseignants, aviez une énergie extrêmement positive et constructive, je suis vraiment sûre qu'un bon tiers des élèves et des étudiants qui ne fonctionnent pas très bien seraient pris par cet enthousiasme et réussiraient leurs études ! (Quelques applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va soutenir la politique publique A «Formation». Toutefois, nous avons aussi quelques soucis. Le principal, c'est d'éviter que des jeunes se trouvent en rupture de formation. Dans ce cadre-là, nous souhaitons - nous avons d'ailleurs déposé une motion dans ce sens - évaluer les outils d'orientation proposés aux jeunes à la sortie du cycle d'orientation. Quand on voit le taux d'échec dans la formation postobligatoire, il y a des questions à se poser, que les jeunes en condition de promotion ne se posent pas forcément, ni leurs parents.

Nous avons un autre souci, à savoir les jeunes en rupture - ceux qu'on appelait autrefois les mauvais élèves - qui sont en formation au Centre de la transition professionnelle. Ceux-ci se trouvent souvent en échec pour réussir les tests imposés - les fameux tests EVA - par les filières de formation professionnelle et par l'office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue. Là aussi, nous sommes en réflexion avec les associations professionnelles et l'école de transition professionnelle pour voir s'il y a des solutions à apporter et, de part et d'autre, des possibilités d'intégrer ces jeunes dans des filières de formation de style pré-apprentissage.

Nous partageons par ailleurs la préoccupation du PLR ainsi que du député Jean Romain quant à l'adéquation de la formation des enseignants IUFE versus HES. C'était d'ailleurs l'une des préoccupations de campagne du parti démocrate-chrétien. Nous savons qu'il existe certaines filières rapides de formation d'enseignants, notamment dans les régions de Zurich et de Bâle: il s'agit de personnes qui se recyclent d'une filière professionnelle dans laquelle elles ont été en rupture vers une profession d'enseignant. Ces formations accélérées, semble-t-il, donnent toute satisfaction aux responsables de l'instruction publique de ces cantons. En ce qui concerne la formation des enseignants, nous avons également quelques doutes et incertitudes quant à l'adéquation de cette filière universitaire.

Enfin, nous soulignons le succès de la filière HES-SO, véritable aspirateur social, qui permet à des jeunes issus d'une formation professionnelle d'acquérir une formation quasi académique avec un fort taux d'employabilité. Nous sommes tout à fait prêts à soutenir cette politique, tout en posant quelques questions à notre ministre de l'instruction publique. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, j'aimerais faire une petite remarque. Avant de parler de la retraite des enseignants, il faudrait plutôt commencer à les former ! Au début de ce débat, je n'ai entendu parler que de retraite, et de rien d'autre.

S'agissant maintenant du nombre d'élèves par classe, plusieurs études ont clairement démontré que ce n'est pas le nombre d'élèves par classe qui fait la qualité de nos écoles, mais le niveau de l'enseignement. Je voudrais savoir si une étude a été lancée pour augmenter éventuellement le nombre d'élèves par classe. Concernant les directeurs, l'UDC salue la baisse - je crois que c'est un peu moins d'une dizaine - qui démontre que l'UDC avait vu juste avec sa motion demandant de les remettre à l'enseignement à 50%. A ce sujet, j'aimerais savoir si leur nombre va encore baisser, et jusqu'à combien. Quant à l'intervention de M. Mizrahi, si l'UDC adhère complètement à l'école inclusive, cela pose quand même une interrogation. J'ai souvent l'impression que les enseignants sont un peu démunis face à certains élèves qui demandent une attention particulière. J'aurais aimé savoir si les enseignants sont suffisamment formés à la base pour accueillir ce type d'élèves, s'ils suivent une formation continue et comment ils appréhendent le handicap vis-à-vis des autres élèves. Voilà, je crois que c'est à peu près tout. Merci.

M. Roger Deneys (S). S'agissant de l'indicateur 6.1 sur le taux d'encadrement au primaire, on parle du chiffre 17 qui n'aurait pas changé. J'aimerais simplement vous rappeler qu'une moyenne sur une entité grande comme le canton de Genève ne signifie pas grand-chose. Un ancien collègue avait l'habitude de dire que quand vous avez les pieds dans le four et la tête dans le congélateur, vous êtes peut-être à température moyenne mais cela ne veut pas dire que vous vous sentez bien. En l'occurrence, je pense qu'il faut faire très attention. J'avais eu l'occasion de demander quels étaient les effectifs par classe et par degré à l'école primaire, et les disparités sont très grandes: il peut y avoir 12 élèves d'un côté et 25 de l'autre. Or quand vous êtes dans les années d'apprentissage de la lecture et des mathématiques élémentaires, je pense que vous faites un très mauvais calcul avec 25 élèves par classe. Ce n'est pas facile pour les enseignants. Il y a aussi des enfants qui ne sont pas forcément francophones et ont des difficultés à faire les devoirs, et leurs parents ne peuvent pas les aider. Ces difficultés sont une réalité que nous pouvons constater sur le terrain.

Par rapport aux moyens, les chiffres sur les bourses d'études ont diminué de plus de 3 millions entre les comptes 2012 et 2013. Je pense que c'est un indicateur assez paradoxal dans une société où on sait que les personnes qui ont des moyens n'ont pas de problèmes. En plus, grâce à vous, leurs impôts baissent. Ils n'ont aucun souci pour se payer toutes les écoles privées - voire avec des pots-de-vin - et pour aller dans toutes les universités du monde. Ce sont là de vrais problèmes pour les socialistes, parce que l'égalité des chances dans l'éducation finit par ne plus être assurée.

Monsieur Jean Romain, outre le fait que je suis ravi de savoir que vous avez pris votre retraite parce que ça vous évitera de débiter le même genre de gags que ce à quoi j'ai eu droit tout à l'heure, j'aimerais vous rappeler que vous avez voté le latin obligatoire au cycle, ce qui coûte un million de francs par année pour des résultats catastrophiques, et qui dessert le latin. En plus, vous avez voté les directeurs d'école primaire. A un moment donné, il faudrait assumer vos choix et leurs conséquences.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le député Aellen a affirmé que d'aucuns ici parlaient de l'école sans avoir lu les rapports. C'est peut-être vrai. Personnellement, je prétends qu'il ne suffit pas de les lire et de prendre n'importe quel chiffre au hasard pour parler de l'école en connaissance de cause. Ainsi, Monsieur Aellen, vous avez par exemple cité le nombre d'élèves en regroupement spécialisé qui diminuait. Si je vous dis qu'une classe spécialisée est une mesure d'intégration - puisque ce sont des élèves qui sont intégrés dans une école ordinaire - quelle conclusion tirez-vous de la baisse d'élèves ? Je ne vais pas ici donner la leçon ni vous expliquer toute l'école ou l'enseignement spécialisé, ce n'est vraiment pas l'objectif. Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que vous avez toutes et tous une carte de député qui vous permet d'aller dans n'importe quel établissement scolaire quand vous le voulez. Alors allez-y ! Allez-y, Monsieur Jean Romain, au lieu d'écrire les turpitudes que l'on peut lire aujourd'hui dans la «Tribune de Genève». Allez dans les écoles au mois de juin, puisque vous êtes à la retraite - tout le monde l'a dit ici. Vous pouvez aller voir comment les élèves travaillent jusqu'au dernier jour, jusqu'au 27 juin. Vous pouvez aller vérifier que les enseignants sont bien là avec leurs élèves. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'étais absent cet après-midi, soit dit en passant. Je pense que c'est cela qui est important.

Pour en revenir maintenant au rapport, j'aimerais dire une chose. Nous avons une loi sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Cette loi est importante, Mesdames et Messieurs. Elle a été votée le 14 novembre 2008 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Si je calcule et qu'il est correct de dire qu'une loi, une fois qu'elle est entrée en vigueur, a cinq ans pour déployer pleinement ses effets, cela veut dire qu'au 1er janvier 2015, elle devrait être complètement en vigueur, sous tous ses aspects. Or, à la page 21 du rapport de gestion, il est marqué qu'à peine 70% sont réalisés. Ma question au département est la suivante: comment allons-nous réaliser les 30% manquants ? Il s'agit d'enfants avec des besoins avérés. Il serait scandaleux de... Là, je ne parle pas des questions de matières, d'effectifs, de nombre de postes, etc. Non, rien du tout. Il y a une volonté populaire et, pour l'instant, nous n'avons pas les moyens de réaliser l'intégration des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Je demande au département quels sont les moyens qui vont être mis en route pour ces six derniers mois. (Quelques applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat, mais... (Exclamations.) Mais ! Nous parlons ici de l'intégration - il y a évidemment tous les autres niveaux de formation - des jeunes filles et des jeunes gens, des immigrés et des jeunes en difficulté dans notre société. Pour celles et ceux de mes collègues qui ont assisté à des promotions - puisqu'il y a des promotions ces jours-ci - et notamment des classes spéciales, des classes d'intégration... Depuis de nombreuses années, de par mon engagement pour la formation professionnelle de ceux qui n'ont peut-être pas les capacités de faire de longues études, je me suis intéressé à cette intégration. Je dois vous dire que la république - notre république ! - se soucie de l'intégration dans notre société de ces jeunes filles et de ces jeunes gens. La raison pour laquelle j'interviens, c'est pour vous dire que c'est vraiment important. Quand vous assistez à ces promotions, notamment à l'école Henry-Dunant - je ne sais pas si vous y êtes allé... Il y a des jeunes qui sont arrivés il y a moins d'une année, qui ne parlaient pas le français, qui étaient des réfugiés, dans des situations particulières. Grâce à l'engagement de la république, du département de l'instruction publique, grâce à notre engagement, ils parviennent à nous montrer qu'ils peuvent apprendre le français et jouer d'un instrument. Ils nous prouvent musicalement - ou d'une autre façon - leur intégration. Je vous assure, chers collègues, que c'est vraiment la responsabilité de la République de Genève, qui s'est toujours investie pour intégrer les jeunes et les migrants. C'est la raison pour laquelle j'aimerais vous dire que pour cette politique sur l'éducation laïque, publique... Enfin, je ne vais pas vous...

Des voix. Non, vas-y, on est d'accord !

M. Gabriel Barrillier. L'éducation laïque, publique, obligatoire et gratuite ! (Exclamations.) Chers collègues, on peut avoir toutes les hésitations et les sensibilités du monde, mais je vous assure que si la République de Genève continue à s'investir pour le dernier des derniers et la dernière des dernières, nous avons alors un espoir. C'est pour cela que, personnellement, je voterai cette politique publique.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Permettez-moi trois brèves réactions à ce que j'ai entendu, s'agissant d'abord du nombre d'élèves par classe. Ce qu'il faut savoir, c'est que lorsque vous enseignez, vous avez effectivement un rapport avec un groupe, dont vous devez gérer la discipline. Mais si vous voulez être un bon enseignant, vous devez également entretenir un rapport individuel avec chaque élève. Ce double rapport à la fois à l'ensemble et à l'individu demande du temps. A 24 élèves pour quarante-cinq minutes, c'est vite vu: il s'agit de moins d'une minute et demie par élève. Plus on augmente le nombre d'élèves par classe, moins il y a de temps pour chaque enfant et plus il est difficile pour l'enseignant de mener à bien le rapport collectif et individuel.

Voici maintenant le deuxième élément sur lequel je tenais à réagir. Je suis entièrement d'accord sur le fait qu'il faut promouvoir l'apprentissage - et l'OFPC le fait. Mais est-ce que tout le monde ici sait quel est l'âge moyen d'entrée en apprentissage ? L'âge moyen d'entrée en apprentissage est de 18 ans. Et l'âge moyen d'obtention du CFC est de 21,7 ans ! Cela signifie que les écoliers qui sortent du cycle ont très peu de chances de trouver une place. C'est vrai, Monsieur Weiss, qu'il y a plus d'entreprises qui engagent des apprentis. Or, malheureusement, elles ont toujours tendance à privilégier ceux qui ont une ou deux années de postobligatoire en plus, ceux qui ont en quelque sorte passé l'âge difficile - qu'on appelait avant l'âge bête - caractérisant le cycle.

Troisièmement, je voulais encore intervenir sur le problème de l'orientation. J'ai entendu qu'il y a de mauvaises orientations, que des élèves ont été mal orientés. Mais attention ! Qui est responsable de l'orientation des élèves ? Qui fait le choix ? Mettez-vous à la place d'un adolescent genevois de 13 ou 15 ans vivant dans un canton-ville, qui rêve d'avoir un métier à col blanc et n'a pas du tout envie de se pencher - il a beaucoup d'autres choses à penser - sur ce qu'il va réellement faire plus tard. Souvenez-vous quand vous étiez adolescents ! Certains d'entre vous, j'en suis sûr, n'imaginaient absolument pas le parcours qu'ils allaient faire. Quand on parle de mauvaise orientation, disons plutôt qu'il s'agit d'un choix qui s'est révélé une erreur, puisque l'élève a échoué. Mais enfin ! Voulez-vous vraiment que l'élève n'ait pas le droit à l'erreur ?

Une voix. Voilà une bonne question !

M. Jean-Michel Bugnion. C'est quand même surprenant ! Toute voie implique la possibilité de se tromper. On a le droit de se tromper dans la vie. Après s'être trompé, on peut rebondir, et on ne se trompera plus. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant passer la parole au rapporteur Alberto Velasco, puis à la conseillère d'Etat Emery-Torracinta. Ensuite, nous voterons sur cette politique publique.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je voudrais revenir sur la question des statistiques. Vous savez, les statistiques - les moyennes moyennantes ! - ne veulent absolument rien dire. De mon côté, je prends mes informations sur le terrain, et je vois effectivement des enseignants qui ont 24 ou 25 élèves dans leur classe et ne peuvent plus réaliser leur travail comme ils le faisaient à l'époque où ils avaient 18 ou 20 élèves à encadrer. Voilà la réalité !

Ensuite, Monsieur Aellen, vous avez parlé du salaire de la fonction publique de manière très sibylline. Vous avez dit: «C'est 116 000 F.» Mais 116 000 F, c'est peut-être après quarante ans de carrière ! (Remarque.) Ah oui, quand même ! Je ne pense pas qu'un enseignant du primaire arrive à 116 000 F au bout de trois ans de carrière. Je ne le crois pas ! Je connais des gens, donc ça m'étonnerait. Cela voudrait dire que quand ils ont quarante ans de carrière, ils arrivent à 150 000 F, c'est-à-dire presque comme un conseiller d'Etat ! Je connais des enseignants qui ont quarante ans de carrière, ils arrivent difficilement à ces chiffres-là. Mais soit !

La question sur laquelle je voulais revenir, Madame la présidente du département, c'est celle de l'apprentissage. M. Barrillier a tout à fait raison dans ce qu'il vient de dire. S'il y a un élément d'intégration dans notre société, c'est bien l'apprentissage. Or, à l'époque, Mesdames et Messieurs, l'apprentissage dual était moins important que l'apprentissage à plein temps dans les entreprises. Malheureusement, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, les entreprises ont moins de places. Je connais des jeunes qui n'ont pas trouvé d'apprentissage, ce qui est grave. Le premier accès à la vie professionnelle - si vous n'avez pas la chance de réussir vos études ou une maturité - c'est l'apprentissage ! Si on vous boucle cette entrée-là, vous ne pouvez rien faire ! Or il y a des jeunes qui ne trouvent pas de place d'apprentissage. Voilà l'une des raisons. Et voici la deuxième: j'ai pu rencontrer certains petits entrepreneurs qui me disent qu'il est trop lourd pour eux de former des apprentis. Aujourd'hui, cela devient trop lourd. Ils n'arrivent plus à gérer l'administration. On leur demande des structures qu'ils ne peuvent pas mettre en place. Il faut donc se pencher là-dessus, parce que c'est un problème.

Il y a encore un autre élément que j'aimerais soulever, Madame la présidente, à savoir les fameuses maturités spécialisées. On demande à ces jeunes de faire un stage d'une année. L'ennui, c'est qu'ils ne trouvent pas de place de stage ! Plusieurs d'entre eux sont en attente depuis maintenant six mois, après avoir envoyé des CV partout. Ils ne trouvent pas de stage ! Alors que font-ils ? C'est bien gentil de dire qu'il faut faire un stage. Mais s'ils n'en trouvent pas, que fait-on ? Là aussi, il y a un problème à résoudre. Il y a un problème à résoudre ! Le fait qu'on demande à des jeunes de faire un stage est en soi très bien. Mais s'ils n'en trouvent pas, que font-ils ? Que font-ils ? Ils ne peuvent plus continuer. Je connais deux ou trois jeunes qui me disent avoir essayé. Demandez à des connaissances, des amis. Rien, impossible ! Moi-même, je n'arrive pas à les placer. Il y a donc un problème. Il y a un problème ! Je trouve que dans notre république, aucun jeune, Mesdames et Messieurs, ne doit rester sur le carreau parce qu'il n'a pas accès à un apprentissage ou à un stage. Cela devrait être impossible. Je demande donc que le département veille à ce que tous les jeunes de ce canton puissent avoir accès à un apprentissage. Personnellement, j'ai commencé par un apprentissage, et j'ai eu la chance de pouvoir ensuite poursuivre des études supérieures.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Alberto Velasco. Si je n'avais pas eu d'apprentissage, Mesdames et Messieurs, je n'aurais pas pu gravir les échelons suivants. Voilà ! Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'ampleur et le nombre de questions, je ne vais pas pouvoir entrer dans tous les détails. Il y a eu un certain nombre de questions sur les indicateurs. Je vous invite à regarder les explications qui figurent dans le livre des comptes. En effet, vous y trouverez généralement la réponse à vos interrogations. Monsieur Genecand, vous avez par exemple mentionné un indicateur dépassant 100% - je crois que c'était M. Genecand, mais j'ai un doute: en fait, c'est tout simplement parce qu'un enfant peut être vu plusieurs fois par des collaborateurs différents du service de santé de la jeunesse. Voilà qui explique que l'on puisse arriver, au bout du compte, à plus de 100% - l'explication figure dans le livre des comptes.

Il y a également eu plusieurs questions concernant l'enseignement spécialisé. Je vais essayer d'y répondre globalement. Vous connaissez mon parcours familial et associatif avant d'entrer dans la députation, et vous savez combien la prise en charge des enfants à besoins éducatifs particuliers et handicapés me tient particulièrement à coeur. Oui, j'ai un certain nombre d'inquiétudes quand je vois les chiffres. Mais, Monsieur Mizrahi, il faut aussi savoir que les calculs de flux et les comparaisons mentionnés dans le livre des comptes sont extrêmement récents. Nous n'avons pas beaucoup de points de comparaison antérieurs pour savoir comment était la situation auparavant. Aujourd'hui, mon inquiétude n'est pas tant de voir le faible taux d'élèves - qui est certes insuffisant - quittant le spécialisé pour intégrer l'ordinaire; le risque, s'il y a des restrictions budgétaires, se trouve plutôt dans le sens inverse. Certains enfants qui auraient besoin d'un soutien assez important et qui devraient être pris en charge dans le spécialisé seront laissés dans l'enseignement ordinaire quasi sans moyens. Il s'agit de l'un des risques auxquels nous devons demeurer attentifs. Je crois qu'il ne faut pas opposer enseignement ordinaire et spécialisé. La vraie question que nous devons poser est la suivante: comment prendre en compte le mieux possible l'enfant avec ses particularités ? Dans l'idéal, il faudrait évidemment essayer de le placer dans l'enseignement ordinaire, mais avec des moyens adéquats.

Ces dernières années, un certain nombre de dispositifs intéressants ont été mis en place au sein du département. Je vous en donne brièvement quelques exemples - il y en a d'ailleurs un qui apparaît dans le rapport de gestion: à l'école primaire de la Roseraie, un certain nombre de jeunes qui étaient dans l'enseignement spécialisé ont été intégrés, avec à la fois des moments où ils sont entre eux et d'autres où ils suivent la classe ordinaire. Je suis récemment allée visiter cette école, et j'ai passé un moment dans la classe ordinaire. J'aurais d'ailleurs été incapable de distinguer les enfants dits ordinaires des enfants intégrés dans ce groupe. Il y a donc des expériences intéressantes qui se passent ! Relevons-en aussi au cycle d'orientation, par exemple à celui de Montbrillant: depuis quelques années, cet établissement accueille une classe de dixième CT. Il s'agit d'élèves issus de neuvième R1, c'est-à-dire le regroupement le moins exigeant - disons-le ainsi. Ils ont donc raté leur neuvième année, et on leur propose soit de rejoindre cette dixième année s'ils le souhaitent, soit de redoubler. Au sein de cette dixième année, la moitié des autres élèves viennent du centre de jour de l'OMP ou des EFP, à savoir des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Il y a là une synergie extrêmement intéressante.

Enormément de choses se passent. Simplement, il est clair qu'il faudra des moyens. Il faut également un dispositif construit. Ces dernières années, beaucoup de choses ont été faites au coup par coup, et je suis en train de réfléchir à la façon de travailler du département. Une des personnes du département va être chargée du projet de l'école inclusive. Ce sera l'un des points que l'on annoncera sans doute à la conférence de presse de rentrée et sur lequel je reviendrai avec un calendrier, des objectifs et un certain nombre d'éléments qui seront mis en avant.

S'agissant de l'intégration des élèves handicapés ou à besoins particuliers, j'aimerais vous dire aussi qu'un dispositif a été testé il y a quelques années, à savoir celui des assistants à l'intégration scolaire. Il s'agissait d'emplois de solidarité. J'ai le projet de fonctionnariser ces personnes et de faire en sorte que les postes deviennent fixes. Ces emplois de solidarité nous posent de toute façon des problèmes pratiques, puisque les travailleurs ont des horaires qui ne correspondent pas forcément aux horaires scolaires. Je suis en train de trouver des solutions à l'intérieur du DIP pour réallouer des moyens. Pour le moment, en effet, je n'ai pas encore la possibilité d'agir autrement. Mais ce dispositif va vraisemblablement se pérenniser dès le 1er janvier de l'année prochaine.

Par ailleurs, vous avez mentionné certains chiffres concernant la démographie et les taux d'encadrement. En effet, il y a des années avec moins d'élèves, et d'autres avec plus d'élèves. Il faut bien se rendre compte qu'un élève genevois coûte extrêmement cher, à savoir un peu moins de 16 000 F au primaire, près de 26 000 F au cycle d'orientation et un tout petit peu moins de 23 000 F au postobligatoire. Si on prend une moyenne de 20 000 F, vous pouvez constater qu'avec une centaine d'élèves supplémentaires, on arrive déjà à deux millions de francs ! Pour l'année à venir, nous en avons 750 de plus. Faites le calcul, cela va très vite. Certaines années, il y a un peu moins d'écoliers; c'était par exemple le cas au primaire il y a un an ou deux. D'ailleurs, nous n'avions pas utilisé tout le budget prévu. Mais dès qu'on se trouve en période de hausse, cela devient problématique.

La plupart du temps, les taux d'encadrement sont mécaniques. S'ils n'ont pas bougé au primaire - pour l'expliquer à M. Aellen - c'est parce que le financement du taux d'encadrement du primaire est calculé de la manière suivante: chaque fois qu'il y a 17 élèves, c'est un poste d'enseignant. C'est donc purement mécanique. Voilà pourquoi il est extrêmement stable. A moins de changer les règles du jeu au départ, nous allons garder ce même taux. Mais cela n'exclura pas des différences qui peuvent s'avérer très importantes au primaire selon le nombre d'élèves par classe. Pourquoi ? Actuellement, au niveau primaire, les enfants sont normalement scolarisés dans l'école de leur quartier ou de leur commune. A moins de changer cette règle, on peut se retrouver avec de grandes disparités, notamment dans les communes de campagne. Cette année, il y avait une classe dans le canton, me semble-t-il, dont le nombre d'élèves s'élevait à 12 ! Cela peut arriver même avec le système des doubles degrés. Il est donc normal de constater des différences. Forcément, plus une commune est grande, plus sa masse d'élèves est importante et plus elle va atteindre un taux d'élèves élevé, qui peut se situer au-dessus de 20. Ce seront peut-être 22, 23 ou 24 élèves, cela dépend de l'ordre d'enseignement. Pour répondre à ce que disait M. Deneys sur les différences d'effectifs, cette problématique-là concerne surtout le primaire. C'est un peu différent dans le secondaire.

Ensuite, vous avez fait un certain nombre de remarques sur les bâtiments. La gestion des bâtiments est une politique publique qui ne dépend pas du département de l'instruction publique, mais de celui de mon collègue Serge Dal Busco. Cela dit, nous y sommes tous deux très attentifs. Pour ne pas trop m'attarder sur ce sujet, je vous invite à lire l'excellent article de la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui, qui résume bien ce que nous sommes en train de mettre en place. Nous y sommes attentifs ! Le problème, c'est que les bâtiments scolaires - tout comme l'ensemble du patrimoine de l'Etat - n'ont pas été suffisamment entretenus pendant des années, avec pour résultat des coûts importants à prendre en compte.

Vous avez également parlé des directeurs - et de la hiérarchie en général - notamment au primaire ou à l'enseignement obligatoire. Avec la direction générale de l'enseignement obligatoire et les directeurs eux-mêmes, je suis justement en train de revoir le dispositif et d'essayer de rééquilibrer les établissements primaires. La solution du directeur qui fait tout, y compris taper son courrier - on parle d'un directeur en classe 24 ! - n'est pas forcément idéale. Je préférerais que les directeurs dirigent des établissements un peu plus grands, mais par exemple avec du personnel de secrétariat plus nombreux pour certaines tâches administratives, voire des enseignants en soutien. Le nouveau dispositif vous sera probablement présenté d'ici l'automne ou la fin de l'année. Nous devrions arriver à des établissements primaires plus homogènes en menant une vraie réflexion sur le rôle du directeur de l'école primaire, notamment en comparaison d'un directeur de cycle qui, lui, dispose - soit dit en passant - de bien plus de moyens.

Il me paraît extrêmement important de relier tout ce que vous avez dit quant aux redoublements, au collège et à la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. L'une de mes grandes préoccupations - je l'ai dit dès que je suis arrivée à la tête du département - concerne les échecs beaucoup trop nombreux au secondaire II - ce qu'on appelait avant le postobligatoire - avec des taux de redoublement importants, des réorientations tardives et des élèves qui connaissent plusieurs échecs avant de quitter une formation pour en entamer une autre. D'ailleurs, M. Bugnion a relevé le fait que les apprentissages duaux étaient commencés extrêmement tard. Cela pose non seulement un certain nombre de problèmes - et ce n'est pas qu'une question de budget ou d'économie - mais également une question de fond. Tout d'abord, des élèves qui ont été mal orientés et essuient plusieurs échecs, ce n'est déjà pas très bon en termes d'image de soi. Ces échecs amènent souvent une série de problématiques ultérieures. Au bout du compte, on peut arriver à des ruptures scolaires ou à des décrochages et, à terme, à des jeunes sans aucune formation. Je vais vous citer un chiffre qui me paraît assez spectaculaire: 25% des élèves qui entrent au collège de Genève aujourd'hui en sortiront sans maturité. Oui, 25% ! Un élève sur deux qui obtiendra sa maturité au collège de Genève aura mis au moins cinq ans. Mais au moins, il l'aura. Ce qui m'intéresse, ce sont surtout les 25% de ces jeunes qui, à un moment donné, sont entrés dans un système et vont sortir après quelques années en ayant probablement subi plusieurs échecs. Quand ils en sortiront, c'est parce qu'ils n'auront plus le droit d'y rester. Voilà qui explique les mesures que le Conseil d'Etat a décidées dans sa séance d'hier, en limitant les possibilités de redoublement et de dérogations au collège de Genève. Rassurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, on pourra toujours mettre six ans pour faire une maturité, mais plus sept ou huit. Si des collégiens avaient besoin de sept ou huit ans pour finalement réussir leur maturité, cela ne me dérangerait encore pas trop. Mais il s'agit surtout d'éviter ces élèves qui, après cinq ou six ans, quittent le collège en fin de troisième année en ayant vécu des redoublements à répétition et des échecs extrêmement préjudiciables.

Oui, nous devons mieux orienter les élèves. Oui, Monsieur Barrillier, nous devons évaluer ce qui se passe au cycle d'orientation. Je pense qu'il y a encore un vrai travail à faire. Je ne suis pas persuadée de l'opportunité des stages au cycle d'orientation, notamment tout le système qui a été mis en place. Nous sommes en train d'étudier cette question. L'idée, c'est de rappeler qu'il y a aujourd'hui tant de passerelles dans le système scolaire ou postscolaire - c'est-à-dire universitaire ou des hautes écoles - qu'il n'est pas forcément nécessaire de posséder une maturité gymnasiale pour intégrer ensuite une haute école. Nous devons faire passer le message que tous les chemins mènent à Rome. La maturité gymnasiale ne doit pas en être le seul.

En ce qui concerne d'ailleurs cette maturité gymnasiale, Monsieur Romain, je pense qu'il existe plusieurs façons de la valoriser et de la réformer. Pour répondre par exemple aux besoins de l'université, nous pourrions donner davantage de cours de science. Vous savez que les universités demandent davantage d'heures de science. Pour ce faire, nous pourrions par exemple introduire les options spécifiques biologie et chimie ou physique et application des maths dès la première année. La réforme que je souhaiterais pouvoir mener irait dans le sens d'un renforcement de la maturité gymnasiale dès la première année. Cette réforme aura forcément un certain nombre de coûts. Pour ajouter des cours, il faudra avoir des financements. Nous en rediscuterons cet automne. Je ne suis en effet pas sûre que les silos ou les sections, comme dans l'ancien système, soient forcément la bonne solution.

Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, si nous voulons éviter les redoublements massifs et mieux orienter les élèves, nous devons aussi - c'est important et capital, j'en suis sûre, pour chacune et chacun d'entre vous - faire en sorte que tous les élèves soient pris en charge et que personne ne reste sur le carreau. La mise en place, cet automne, de l'espace Lullin pour les élèves décrocheurs va dans ce sens. Ce lieu permettra, au moment où un élève est en train de décrocher - et quelle que soit la structure du postobligatoire - de le prendre en charge pour qu'il puisse construire un projet. Voilà qui fait également partie de la vision que j'ai d'une école qui ne doit pas être élitaire mais au contraire permettre à chacune et chacun de trouver sa place. Ce sera là l'une des premières pièces à l'édifice de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, qui ne doit pas être un dispositif unique, mais consister en une série de mesures permettant à chaque élève d'être gardé dans le système et de trouver la formation adéquate.

J'en arrive à mon dernier point, qui sera ma conclusion. J'ai été un peu longue et j'en suis désolée ! Vous avez été plusieurs à évoquer les enseignants et le fait qu'on ne les trouvait pas en suffisance. Je vous laisserai sur une petite réflexion que j'ai eu l'occasion de mentionner à plusieurs reprises au cours des cérémonies de promotions. Je donne toujours l'exemple de la première étude PISA faite en 2001, lorsqu'on a comparé les systèmes scolaires. Quels étaient les systèmes scolaires performants à l'époque ? D'un côté, vous aviez celui de la Corée du Sud, c'est-à-dire un système de bachotage qui pousse beaucoup les élèves, au fond assez élitaire dans sa vision des choses. De l'autre, il y avait la Finlande, qui propose un système inclusif, intégrant les enfants différents, les enfants à besoins particuliers. Ces deux systèmes scolaires étaient parmi les meilleurs du monde. Quelle est la bonne école ? Celle qui sélectionne ou celle qui intègre ? La réponse des chercheurs a été de montrer que ces deux systèmes étaient performants parce que, dans les deux cas, les parents et la société civile avaient confiance dans les enseignants et le système. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, la clef de la réussite ! Si vous voulez de bons enseignants et des élèves qui réussissent au bout du compte, faites confiance à l'école et donnez-lui des moyens. Nous aurons alors une école performante ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets maintenant cette politique publique aux voix.

Mise aux voix, la politique publique A «Formation» est adoptée par 51 oui contre 19 non et 12 abstentions.

B - EMPLOI, MARCHE DU TRAVAIL

Le président. Nous abordons à présent la politique publique B «Emploi, marché du travail». Je passe la parole à M. le député Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il sera sans doute rare ce soir que l'Union démocratique du centre se montre aussi positive que sur ce sujet. Le député Aellen et moi-même avons eu l'occasion d'aller entendre le département s'agissant de la politique «Emploi, marché du travail». En ce qui concerne l'Union démocratique du centre, nous sommes satisfaits des impulsions données; nous sommes satisfaits de la ligne qu'on entend suivre; nous sommes satisfaits des déclarations entendues, par exemple le fait qu'on ne va pas donner l'exclusivité mais tenter de favoriser tous nos chômeurs locaux. C'est l'un des buts que nous souhaitons. Nous sommes satisfaits de voir que la surveillance du marché du travail est efficiente et offre des résultats, alors que l'on entend sur les bancs adverses que ce n'est pas le cas. Dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, il y a quand même quelques bonnes pages - trop rares ! - comme par exemple la page 27, où le tableau concernant la lutte contre le travail au noir est très explicite. Et surtout, 180 enquêtes sont en attente ! En résumé, Mesdames et Messieurs les députés, l'emploi, le chômage et le taux de chômeurs sont des éléments pour lesquels tout le monde veut des solutions. En ce qui concerne cette politique publique, l'Union démocratique du centre, souvent critique, l'acceptera parce qu'elle correspond dans les grandes lignes à ce que nous attendons du gouvernement. Je vous remercie.

M. Bernhard Riedweg (UDC). En deux ans, le nombre de frontaliers a crû de 12%, passant de 56 900 à 63 800 personnes, soit une augmentation de 6900 personnes alors que, durant la même période, l'emploi créé à Genève n'a crû que de 4,3%. En dix ans, l'effectif des frontaliers étrangers actifs dans le canton de Genève a doublé, passant de 39 000 à 82 000 personnes, soit une augmentation de 110%. Cela représente une hausse annuelle de 7,1%. 25% des frontaliers de Suisse travaillent à Genève.

Du point de vue structurel, l'effritement de la place bancaire est à prévoir, du fait de la perte de la clientèle due à la levée du secret bancaire, de l'échange automatique d'informations, des mesures contre le blanchiment d'argent et du franc fort. Ce secteur représente 20% du produit intérieur brut genevois. En outre, Genève accueille surtout des succursales de sociétés de services susceptibles de fermer ou de transférer leur siège genevois sous d'autres cieux. En 2010, pour mille habitants, il y avait à Genève 61 employés du secteur public - tous niveaux confondus - pour une moyenne nationale de 38 personnes. Le contribuable genevois paie un tiers de plus que le contribuable zurichois et deux fois plus qu'un Lucernois pour assurer les salaires de ses fonctionnaires; il paie 8000 F par année. Enfin, Genève est le canton présentant la plus forte proportion d'employés de la fonction publique de Suisse par habitant. Merci, Monsieur le président.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par une première question concernant la politique publique B01 «Réinsertion des demandeurs d'emploi»; la question s'adresse au conseiller d'Etat Mauro Poggia. Si on se penche d'un peu plus près sur les chiffres des comptes, on s'aperçoit que 20 millions de francs n'ont pas été dépensés par rapport aux montants prévus dans le budget de l'année 2013. Pourtant, le chômage n'a pas diminué - il a même légèrement augmenté - alors que le nombre de réinsertions en emploi n'a pas spécialement augmenté. Nous avons connu des débats parfois houleux et un contexte social toujours tendu, notamment en matière d'emplois de solidarité. Pour rappel, certaines personnes en emploi de solidarité ne gagnent pas plus de 2800 F par mois. Pourtant, beaucoup d'entre nous ont plaidé pour le fait que tout travail mérite un salaire digne. Pourquoi ces 20 millions de francs n'ont-ils pas été dépensés ?

J'interviens ensuite rapidement au sujet de la surveillance du marché du travail. J'aimerais en effet saluer l'excellent travail de l'OCIRT en la matière, saluer aussi l'activité de M. Maudet. Mais je cherche à comprendre pourquoi l'OCIRT... Nous savons que certains secteurs souffrent, notamment celui de l'hôtellerie-restauration, et nous sommes d'ailleurs en plein travail sur la LRDBH. Il s'agit d'un secteur particulièrement vulnérable aux risques de sous-enchère salariale. C'est même Mme Stoll, directrice de l'OCIRT, qui nous en a fait part. Aujourd'hui, ce même secteur ne connaît qu'un seul délégué venant de la commission paritaire pour contrôler l'ensemble du secteur à la fois genevois et vaudois. L'OCIRT ne devrait-il pas intervenir ? Ne devient-il pas nécessaire d'augmenter les effectifs des contrôleurs et contrôleuses du marché du travail à l'OCIRT ? Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche ne peut se satisfaire du rapport de gestion tel qu'il nous est présenté en matière d'emploi et de marché du travail. Il ne peut se satisfaire de ce mode de développement des politiques publiques et, plus encore, de la logique qui le sous-tend, c'est-à-dire une logique néo-libérale, une logique d'économie à tout crin, mal ciblée, et qui va finalement à fins contraires. En ce qui concerne la problématique de l'emploi et du chômage, remarquons une augmentation du nombre de personnes sans emploi ainsi qu'une occultation des taux réels du chômage par des artifices statistiques déontologiquement douteux. Vous le savez comme moi, ne comptent pas dans le taux de chômage les personnes en fin de droit, en mesures ou tout simplement en maladie, toutes formes de moyens qui permettent de diminuer artificiellement le taux de chômage. Nous avons également une politique de lutte contre le chômage lacunaire, une banalisation de l'échec de la politique d'insertion et une perversion de cette dernière. En effet, celle-ci devient un levier de sous-enchère salariale et d'émergence de ces sortes de sous-statuts du travail tels que les EdS, les comptes prestations, les ADR, toutes sortes de postes de travail bon marché, voire simplement gratuits.

Le bilan que nous en tirons est le suivant: si des efforts ont été faits et que certains ont pu bénéficier des effets de cette politique, bon nombre sont pourtant restés au bord du chemin. Il serait indispensable de mettre en oeuvre une véritable politique de lutte contre le chômage et de création d'emploi, voire de préservation d'emploi. On nous dit qu'il n'y a pas de travail pour tout le monde et, paradoxalement, on trouve des postes de travail gratuits. Expliquez-nous comment cela se passe, notamment lorsque les personnes qui occupent ces postes de travail sont à l'aide sociale et qu'on leur reproche de ne pas se réinsérer. Pour ces motifs notamment, le groupe Ensemble à Gauche n'acceptera pas ce rapport de gestion. Ici, on a souvent stigmatisé les grévistes de Gate Gourmet. Certains se sont permis de les accuser de voies de fait et d'avoir été l'objet d'un dépôt de plainte. Pour que justice leur soit rendue, je vous invite simplement à consulter la presse de ce jour qui, pour la deuxième fois, leur donne raison et déboute les employeurs de Gate Gourmet. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Pour le groupe MCG, la question de l'emploi est centrale, complexe, difficile, essentielle. En 2013, nous avons assisté à un changement de direction, et on prend enfin au sérieux le problème de la priorité de l'emploi aux résidents genevois. Il s'agit pour nous d'une politique importante, d'un élément capital. Tout récemment encore, une directive a été édictée, qui va renforcer ce qui se fait dans ce domaine. Nous irons en direction d'une meilleure maîtrise à ce niveau-là et veillerons - nous, groupe MCG - à ce que le Conseil d'Etat se dirige résolument dans cette direction. On ne peut pas laisser sur le bord du chemin des personnes qui n'ont pas la chance d'avoir un emploi. Il y en a beaucoup qui sont écartées du marché de l'emploi. Je pense que c'est pour cela aussi qu'il faut soutenir la modification de la politique des EdS. Heureusement, un certain nombre d'abus ont déjà été relevés. Mais c'est malgré tout une politique nécessaire. Je me souviens d'avoir visité, il y a une semaine encore - sauf erreur - l'association Partage, où j'ai retrouvé quelqu'un avec qui j'ai travaillé il y a plus d'une vingtaine d'années. C'était un ex-employé de «La Suisse», typographe, qui s'est retrouvé complètement relégué au bord du chemin, et qui doit maintenant finir une carrière professionnelle. Ce sont des gens dont il faut s'occuper avec responsabilité, générosité et intelligence. Nous soutiendrons cette politique publique.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous dire que la problématique de l'emploi à Genève n'est pas le monopole de quelque parti que ce soit. En ce qui concerne le travail au noir, le travail clandestin et les dysfonctionnements du marché de l'emploi, les secteurs sont organisés, notamment celui du bâtiment, le secteur que je connais le mieux. Il y a des contrôleurs de chantiers paritaires. Le travail au noir est une gangrène sur le marché de l'emploi. C'est une véritable gangrène, je le dis ! Nous avons des institutions et des mécanismes qui permettent, dans la mesure du possible, de lutter contre ces dérives. Mais la lutte contre le travail au noir et les dysfonctionnements doit être tripartite ! Il y a l'Etat, le patronat et les syndicats. Tripartite ! En ce qui concerne nos secteurs, elle est bipartite. Je ne vais pas m'étendre sur l'arrêt du Tribunal fédéral. Nos collègues syndicalistes - enfin, le parti socialiste et les syndicats - ont proposé, dans une intention louable, une solution avec des systèmes de contrôle; mais il s'agissait d'un contrôle unilatéral, à savoir que seul le syndicat se rendait dans les entreprises pour vérifier si tout était en ordre. Le parlement, dans sa majorité et avec l'aide de l'UDC - oui, l'UDC s'est alliée à vous - s'est entendu pour dire qu'il fallait un contrôle unilatéral des syndicats. Je le dis, parce que vous l'avez fait !

M. Christo Ivanov. Il s'agissait de la légalité...

M. Gabriel Barrillier. Non, non, non ! Vous l'avez fait, vous vous êtes alliés contre un système fédéral... (Remarque.)

Le président. Monsieur Ivanov, s'il vous plaît !

M. Gabriel Barrillier. ...contre la tradition suisse du tripartisme. Vous l'avez fait ! Or le Tribunal fédéral nous a donné raison, en disant que la Suisse est un Etat où règne le paritarisme. Ce sont les syndicats et le patronat qui contrôlent, qui agissent ensemble pour la paix du travail. Mais ça, vous ne l'avez pas reconnu dans ce vote. Je vous le dis ! Il nous a donné raison. Maintenant, on peut aller de l'avant ensemble, contrôler au sein des entreprises - mais paritairement - si tout est en ordre, s'il n'y a pas de sous-enchère ou d'exploitation. Je crois que vous le reconnaissez, et je vous regarde, Monsieur, mon cher collègue ! C'est quelque chose de clair et net. Nous sommes maintenant dans une... (Remarque.) Non, nous sommes dans une situation particulière...

Le président. Il vous reste quarante-cinq secondes, Monsieur.

M. Gabriel Barrillier. Nous allons voir ce que la commission de l'économie - ou une autre - va décider. Le système tripartite est sauvegardé. Nous comptons sur la collaboration des socialistes - de la gauche en général - pour aller de l'avant, pour mettre sur pied un système de contrôle et de vérification afin que des situations d'exploitation n'aient pas lieu.

Le président. Il vous faut conclure, s'il vous plaît.

M. Gabriel Barrillier. Voilà, c'est tout ce que je voulais dire. S'agissant de cette politique publique, je crois que du côté du département de M. Poggia, qui est très sensible à cette problématique - je pense d'ailleurs qu'il va nous le confirmer...

Le président. Monsieur Barrillier, c'est terminé !

M. Gabriel Barrillier. Je vous remercie de votre attention.

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, au sujet de la politique publique B01 «Réinsertion des demandeurs d'emploi» et plus particulièrement de l'objectif 5 «Augmenter le nombre de places d'emplois de solidarité»... (Remarque de M. Christo Ivanov.)

Le président. Monsieur Ivanov, s'il vous plaît !

M. Boris Calame. ...et de l'indicateur «Nombre de places d'emplois de solidarité» - cela figure à la page 55 du tome 2 - nous relevons que le nombre d'EdS en 2013 s'élevait à 1047, soit 97 de plus qu'en 2012. On peut alors considérer que l'objectif est atteint. Mais quid de ceux-ci dans le cadre d'un retour au chômage imposé ? Le SECO ne semble pas vouloir considérer ces emplois comme de vrais emplois, alors même que ceux-ci devraient permettre d'accéder aux droits liés aux cotisations payées. Visiblement, nous allons devoir redéfinir rapidement le cadre dévolu aux emplois de solidarité. Notre question au département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé est la suivante: quel est le programme envisagé de révision du cadre légal qui définit les emplois de solidarité ? Il faudrait en effet leur permettre d'être des emplois véritables et non pas des emplois où l'on paie des cotisations - notamment AVS - mais où on ne peut accéder aux prestations liées. Je vous remercie.

M. Christo Ivanov (UDC). Ayant été mis en cause, j'aimerais juste préciser que l'UDC a uniquement soutenu la légalité du texte de l'initiative et sa recevabilité. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). J'aimerais revenir sur les propos de M. Barrillier et dire que les conventions collectives restent effectivement la ligne de conduite qu'on devrait retrouver dans tous les secteurs de notre économie. Ces conventions collectives de travail sont difficiles à mettre en oeuvre. Je suis personnellement signataire de l'une de ces conventions collectives pour la métallurgie du bâtiment, et j'ai vu quels étaient les défauts du système. A plusieurs reprises, la presse est intervenue, notamment au début de l'année sur un chantier que l'on connaît bien - celui de l'Hôpital cantonal - pour nous expliquer qu'il y avait eu des travailleurs polonais et de la sous-enchère salariale. A ce stade, il faut reconnaître que le syndicat Unia a fait son travail. Ce qu'on pourrait regretter, c'est que ce travail ne peut pas être fait de manière unilatérale. C'est un travail de contrôle collectif qui doit avoir lieu entre le patronat, les syndicats et l'Etat.

Oui, Mesdames et Messieurs, je crois qu'il est important de relever que mettre en place des conventions collectives de travail est non seulement difficile, mais en plus nos partenaires - nos partenaires sociaux en l'occurrence - dans les syndicats ne sont aujourd'hui plus forcément représentatifs de la base des travailleurs. Pour que ces conventions collectives soient reconnues, il faut que les partenaires puissent se retrouver de manière majoritaire. J'appelle ce soir nos partenaires sociaux à être plus présents, ainsi qu'à un renforcement des syndicats, de façon que ceux-ci puissent vivre et perdurer. C'est au travers de ce système qu'on arrivera à régulariser notre marché du travail.

Oui, Madame Haller, je suis comme vous. Tout travail mérite salaire. Si des gens sont sous-payés voire pas payés du tout, cela est inadmissible. La politique engagée par le Conseil d'Etat, les partenaires sociaux et les syndicats doit être poursuivie pour la paix du travail, comme nous l'avons vécue depuis plus de cent ans. Mesdames et Messieurs, je vous incite à continuer cette politique et à soutenir le Conseil d'Etat.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais donner la parole au rapporteur, puis aux deux conseillers d'Etat. Ensuite, nous passerons au vote.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Monsieur Cerutti, c'est ce que demandent les employés de l'aéroport ! Avoir des conventions collectives de travail - comme vous l'avez dit - est bien difficile. Les choses ne sont pas si faciles que ça, alors même que les gens sont autour de la table.

Je m'adresse maintenant au Conseil d'Etat. Vous avez créé quarante mille emplois, Messieurs les présidents de départements. C'est bien ce qui a été dit ? Genève a créé quarante mille emplois, mais compte toujours quinze mille personnes sans emploi. Imaginez-vous ces quinze mille personnes sans emploi qui se demandent pourquoi elles n'ont pas droit à ces quarante mille emplois. Il y a un problème. Il y a vraiment un problème ! Le problème, Mesdames et Messieurs, c'est qu'une personne inscrite au chômage ne peut pas avoir accès à une formation parce que, selon la loi, elle doit demeurer disponible pour s'inscrire automatiquement à un emploi. Elle ne peut donc pas se former ! Voilà comment ça se passe dans le cadre du chômage. C'est comme ça ! Ce n'est pas le SECO qui va former des chômeurs ayant besoin d'une réorientation, c'est au Conseil d'Etat de le faire.

Or, Mesdames et Messieurs, il faut le dire: le Conseil d'Etat n'a aucune politique en matière de formation des chômeurs. Il n'a aucune politique ! Nous parlons tous de la formation. Mais, Mesdames et Messieurs, sur un marché de l'emploi ouvert aujourd'hui dans toute l'Europe, les gens qui viennent ici sont ultra-formés. Ils sont très bien formés ! Il y a donc une compétitivité très forte. Si des travailleurs qui perdent un emploi ne peuvent pas se réorienter parce qu'ils n'en ont pas la possibilité, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, vous pouvez faire toutes les conventions que vous voulez ! Sur ce point, le Conseil d'Etat n'a aucune politique, Mesdames et Messieurs. Prenez par exemple les chômeurs qui souhaitent changer de métier, qui voudraient faire un apprentissage de trois ou quatre ans ou des études pendant quatre ans. Il n'y a pas de filière pour ces gens-là, il n'y a pas de bourse, il n'y a rien ! Dans les pays nordiques, cela existe. Il s'agit d'une manière de réinsérer les chômeurs. Mais pas ici ! Voilà la raison. On peut avoir ici tous les discours possibles, Mesdames et Messieurs, tant que le Conseil d'Etat ne s'engagera pas dans cette politique, nous ne pourrons pas réduire le nombre de personnes sans emploi à Genève. Peut-être des emplois vont-ils se créer, peut-être que davantage d'emplois vont se créer à Genève. Ceci avec toute la problématique que ça engendre, notamment pour le logement. Mais tant que le Conseil d'Etat ne mettra pas en place une politique de formation, je doute beaucoup qu'on puisse résorber le chômage dans ce canton.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'honnêteté nous commande, mon collègue Mauro Poggia et moi-même, de vous rappeler que nous parlons ici des comptes et de l'exercice 2013. Vos louanges, Monsieur Baertschi, ainsi que les vôtres, Monsieur Lussi notamment, résonnent agréablement dans nos oreilles et dans nos têtes. Mais ces louanges doivent avant tout être destinées à notre prédécesseur, Mme Isabel Rochat, qui, durant 345 jours sur les 365 de l'année précédente, a concrétisé cette politique publique commune à l'époque, divisée aujourd'hui, que vous avez louée il y a un instant. Nous vous en remercions donc et transmettrons évidemment ces compliments.

J'aimerais brièvement relever quelques points saillants à propos de la question du marché du travail. Mon collègue complétera dans un instant s'agissant de l'emploi et des questions de chômage. Il me faut d'abord souligner le propos du préopinant UDC, qui a trouvé des motifs de satisfaction quant aux mesures d'accompagnement et aux contrôles déployés durant l'année 2013. Voilà qui n'est pas exactement le discours que nous avons entendu aux alentours du mois de février de cette année, mais ce n'est pas grave. L'essentiel, c'est d'être d'accord. (Remarque.) Mais oui, figurez-vous qu'il y a eu une initiative très critique votée le 9 février dernier, émanant d'un parti au niveau fédéral - dont je ne me rappelle plus exactement l'acronyme - et qui dénonçait précisément l'absence de mesures d'accompagnement dans l'ensemble de la Suisse ! Or vous avez relevé, à juste titre, que Genève a fait son travail l'année passée. Je vous en remercie, parce que, en effet, sur l'ensemble des contrôles menés en Suisse, Genève a eu sa part, et une part importante.

J'ajoute également, davantage à l'attention des socialistes, que nous arbitrerons - ou, plus exactement, que le peuple arbitrera - la question des contrôles à la faveur d'une initiative, certes amputée de quelques mots, mais qui nous permettra de déterminer exactement comment l'on conçoit le devenir du contrôle du marché du travail. Pour notre part, nous l'avons dit lors du discours de Saint-Pierre et répété dans le discours de législature: nous concevons d'abord le marché du travail comme le fruit d'une relation de partenariat - du partenariat social - à la faveur des commissions paritaires. Vous avez raison de souligner que certaines d'entre elles sont peut-être sous-dotées et qu'il s'agira de les renforcer là où c'est nécessaire. Mais nous agirons avec parcimonie, parce que nous entendons d'abord responsabiliser les acteurs de part et d'autre des différentes branches.

Par ailleurs, le gouvernement entend dire ici très clairement - c'est le fruit de l'expérience de 2013 - que l'ensemble des partenaires - c'est-à-dire aussi bien les patrons que les employés - souhaitent davantage de loyauté sur le marché du travail. Personne ne souhaite voir se développer des phénomènes de dumping; en tout cas personne qui, raisonnablement, souhaite voir le modèle de prospérité redistribuer les richesses à l'ensemble de la population de notre pays. Je connais beaucoup de patrons ici - je veux tordre le cou à celles et ceux qui font leur procès - qui souhaitent également que cette redistribution se fasse, de la même façon que les employés souhaitent de la loyauté dans les affaires et pouvoir être partie prenante à nos succès.

C'est la raison pour laquelle, en 2013 - mais encore davantage en 2014 - nous renforcerons le dispositif de sanctions. Nous voulons - nous l'avons dit - que l'Etat soit exemplaire - l'Etat au sens constitutionnel du terme, c'est-à-dire les collectivités publiques. Dès le début de l'année, nous avons renforcé notre règlement sur les marchés publics, renforcé les outils de sanction, développé avec les communes des moyens de contrôle et incité les entreprises - parce que c'est dans l'incitation que l'on trouve les prémisses des bons résultats - à jouer le jeu en toute transparence. En 2013, nous avons concrétisé des objectifs dans la lutte contre le travail au noir mais aussi dans le domaine des mesures de santé et de sécurité sur les lieux de travail, et enfin - surtout ! - dans les mesures d'accompagnement. Voilà sans doute pourquoi, à Genève, plus de 60% de la population a refusé l'initiative soumise en votation populaire le 9 février. Nous en avons là la conséquence. De ce point de vue, je veux encore une fois souligner le propos aimable du préopinant UDC et vous remercier de voter cette politique publique avec ce coup de chapeau à notre prédécesseur commune à Mauro Poggia et à moi-même, Isabel Rochat. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, malgré l'heure avancée, permettez-moi d'aborder un sujet qui préoccupe grandement la population que nous sommes censés servir ici, à savoir la lutte contre le chômage. Vous savez qu'il s'agit d'une préoccupation centrale de l'actuel gouvernement. Le précédent avait mis en place certaines mesures. Parmi elles, on a beaucoup parlé de cette directive transversale censée donner non pas une véritable priorité à l'emploi, mais en tout cas un coup de pouce certain aux demandeurs d'emploi afin qu'ils puissent, les premiers, avoir l'opportunité de postuler pour les places vacantes dans le petit et le grand Etat. Rapidement lors du début de législature, nous avons mis à l'essai cette pratique instaurée depuis maintenant un peu plus de deux ans. Malheureusement, nous avons dû constater que, très souvent, les faits n'étaient pas à la hauteur des attentes. Les postes étaient certes annoncés à l'office cantonal de l'emploi, mais la personne suggérée pour occuper ce poste était déjà à disposition, ce qui fait que l'annonce du poste n'avait pas véritablement pour but d'engager un demandeur d'emploi. Il s'agissait d'une façon de montrer une bonne volonté certes louable, mais sans effets concrets.

L'actuel gouvernement a décidé de renforcer cette directive en l'étendant d'abord à toutes les entités subventionnées - donc au-delà du petit et du grand Etat - et en veillant surtout à ce que les faits correspondent à nos attentes. Désormais, lorsqu'une place est ouverte, elle doit être annoncée en priorité à l'office cantonal de l'emploi - avec un préavis de dix jours - avant d'être publiée et ouverte au public. A ce moment-là, l'OCE peut proposer un maximum de cinq candidats dont le profil devra évidemment être le plus proche possible de celui du poste recherché. Là, il faut reconnaître qu'il y a encore du travail à faire au sein de l'office cantonal de l'emploi. Puis, ces personnes devront obligatoirement être reçues et entendues par les services des ressources humaines. Il faut en effet qu'elles puissent avoir la chance de se présenter. Enfin, si ces candidats ne sont pas engagés, les services de ressources humaines devront, pour chacun d'entre eux, expliquer pourquoi il n'a pas été sélectionné. Ceci afin d'améliorer le travail de l'office cantonal de l'emploi et, le cas échéant, de sanctionner le comportement du demandeur d'emploi qui ne se serait pas présenté - cela arrive ! Nous voulons donner le message aux employeurs qu'il y a un office cantonal non seulement réceptif, mais qui surveille et veille également à ce que l'avantage que nous voulons donner à nos demandeurs d'emploi soit une réalité.

Certes, il y a toujours environ quinze mille demandeurs d'emploi, et c'est pour eux que nous devons absolument travailler. Nous créons - et quand je dis «nous», c'est l'économie - des emplois, et il se trouve que ces emplois ne servent pas en priorité nos demandeurs d'emploi. On nous répond qu'ils n'ont pas le profil du poste. Nous n'en sommes que moyennement convaincus. Or, s'ils n'ont pas le profil du poste, c'est d'une part la faute de la formation de base et, d'autre part, celle de la formation lors du chômage, voire après. Il s'agit de faire en sorte que nos demandeurs d'emploi aient précisément le profil souhaité par notre économie. Il y a effectivement ces sommes pour lesquelles on m'a, à juste titre, posé des questions. L'insertion implique la réinsertion dans le marché du travail, une correspondance entre l'offre et la demande. Puisqu'on nous dit que nos demandeurs d'emploi n'auraient pas les qualités requises pour occuper les postes nouvellement créés, il s'agit, par des mesures du marché du travail - qui sont, vous le savez, de droit fédéral - de leur donner cette chance durant la période de chômage.

Mais il y a en outre des mesures d'ordre cantonal, et vous avez parlé de 20 millions de francs non utilisés. En réalité, la ligne qui concerne la formation est de 10 millions et demi - je reviendrai sur celle des EdS dans un instant. Mais attention, il ne s'agit pas d'une économie lorsqu'on ne dépense pas 10 millions et demi consacrés à la formation; c'est plutôt qu'on manque un investissement. C'est un investissement véritable que nos demandeurs d'emploi ont le droit de recevoir. Pourquoi ce non-dépensé ? Tout simplement parce que - je le rappelle - cette ligne est consacrée au service de réinsertion professionnelle de l'Hospice général. Avec la nouvelle LIASI entrée en vigueur en 2012, on a donné de nouvelles compétences à l'Hospice général. Malheureusement, le taux de mesures accordé n'a pas été celui qu'il aurait dû être. Bien entendu, des directives ont été données cette année pour que l'on utilise cet argent. On ne fait pas d'économies sur la formation. On avait estimé de manière sans doute trop généreuse - pas dans le sens généreux de coeur, mais de manière trop large - les possibilités, pour l'Hospice général, de répondre à la demande des demandeurs d'emploi, puisqu'on avait fixé 6 millions en 2012, 7,2 millions en 2013 et 11 millions pour 2014, 2015 et 2016. Or il y a un petit décalage puisque, dans le domaine de la formation, les prestataires facturent avec retard. Il y a certainement des factures qui ont été reçues dans le courant de l'année 2014 pour des formations ayant eu lieu en 2013. Il est clair que le SRP - service de réinsertion professionnelle - n'était pas au niveau de croisière que l'on attend de lui, par manque de formation sans doute, par manque de connaissance des outils à disposition également. Etant précisé que ces outils ne sont justement pas ceux qui sont à disposition de l'office cantonal de l'emploi. Ce sont des outils beaucoup plus adaptables à la personnalité du chômeur. On peut même intervenir pour assister une personne dans un apprentissage, alors même que cette dernière n'en aurait pas fait, ce qui n'est pas possible pendant les périodes de chômage, qui ne sont pas suffisamment longues pour pouvoir commencer et achever un apprentissage. Vous avez raison. Ces sommes n'ont pas été dépensées, à tort. Elles le seront, parce que le Conseil d'Etat considère qu'il s'agit d'un investissement.

En ce qui concerne les EdS - et je terminerai par là - ceux-ci ont suscité de grands débats en fin d'année dernière et en début de cette année. A la commission de l'économie, le sujet a été largement abordé. La majorité de cette commission s'est rendu compte que les EdS offrent à des personnes pour qui la seule alternative serait l'aide sociale la possibilité d'entrer - de rentrer - dans le marché du travail. Mais l'EdS ne doit pas être une voie de garage. Ce ne doit pas être une voie de garage ! Certains ici considèrent que c'est de la sous-enchère. Ils préféreraient sans doute que l'on paie ces personnes 5000 F par mois. Or, qu'est-ce que cela signifierait ? Tout simplement que, parce que le rendement n'est pas là, les entreprises sociales qui emploient des EdS ne pourraient pas verser leur part. Les emplois de solidarité seraient ainsi supprimés, et ces personnes retourneraient à l'aide sociale. Il est assez symptomatique de constater que la quasi-totalité des personnes en EdS qui ont perdu leur emploi suite aux interventions syndicales de la fin de l'année dernière - tout simplement parce que les fournisseurs de prestations ont retiré le travail qu'ils confiaient à l'association Partage compte tenu des dénonciations médiatiques - sont retournées au service des emplois de solidarité pour en solliciter un nouveau. Ils considèrent en effet - et je les comprends - qu'il est certainement plus valorisant de se lever tous les matins pour aller travailler que de rester à l'aide sociale.

Tout n'est pas parfait, et il y a encore des améliorations à apporter, ainsi que nous l'avons dit. Nous l'avons dit aussi parce que le SECO estime que si ces personnes perdent leur emploi, elles ne peuvent bénéficier des prestations de l'assurance-chômage, considérant qu'il ne s'agit pas de vrais emplois, vu que les salaires sont fixés par l'Etat. Nous sommes en train - cela sera terminé avant la fin de l'été - de modifier la loi de même que son règlement d'application, tout en maintenant le principe même des emplois de solidarité, qui doivent être une mesure de réinsertion et de retour à l'emploi. Ce sont plus de 750 personnes qui bénéficient de ces mesures, et qui doivent continuer à pouvoir le faire. Je vous le redis: soutenez ces emplois de solidarité, même s'il faut toujours améliorer ce que nous avons mis en marche. Et surtout, ne touchez pas à leur principe même, à savoir que l'on ne peut pas offrir les salaires du marché du travail pour ces activités. Nous ne pouvons pas le faire, car la rentabilité n'est pas la même. En revanche, si ces personnes peuvent retrouver un travail grâce aux emplois de solidarité, nous serons les premiers ravis. Vous savez que les employeurs qui reçoivent des emplois de solidarité ont des primes si les personnes qui sont chez eux en EdS réussissent à entrer dans le marché du travail. Il y a une véritable incitation à aider ces personnes, à leur donner une formation pour qu'elles puissent retourner ensuite dans le marché du travail. C'est un travail précieux, c'est un outil précieux. Je compte sur tous ceux qui le critiquent du 1er janvier au 31 décembre pour venir cette fois-ci avec des critiques constructives, et pas seulement en demandant d'augmenter les salaires. Cela revient en effet à se tirer une balle dans le pied - comme on dit vulgairement - puisque ces personnes seraient les premières victimes de ce que vous voulez mettre en marche. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons maintenant au vote.

Mise aux voix, la politique publique B «Emploi, marché du travail» est adoptée par 51 oui contre 27 non et 1 abstention.

Quatrième partie du débat sur les comptes 2013 (fin du 2e débat): Session 10 (juin 2014) - Séance 61 du 27.06.2014

Le président. Mesdames et Messieurs, nous en avons terminé pour aujourd'hui. Nous nous retrouvons demain matin à 8h pour la suite des débats. Je vous souhaite une bonne nuit !

La séance est levée à 23h.