République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 juin 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 10e session - 59e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Antoine Droin, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Olivier Baud, Thomas Bläsi, Jean-Louis Fazio, Nathalie Fontanet, François Lance, Danièle Magnin, Rémy Pagani et Sandro Pistis, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Gilbert Catelain, Christian Decorvet, Pierre Gauthier, Jean-Charles Lathion, Marion Sobanek et Georges Vuillod.
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:
Pétition : Rendons les enfants à la famille A.B. (P-1909)
à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne).
Suite du deuxième débat
L - ECONOMIE (suite)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons notre discussion sur l'économie, et je vais passer la parole à M. Guinchard... qui renonce. Monsieur Boris Calame, vous avez donc la parole. M. Calame n'est pas là, je passe donc le micro à Mme Salika Wenger...
Des voix. Qui n'est pas là !
Le président. ...qui n'est pas là. C'est donc au tour de M. le rapporteur Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Si on peut avoir un peu de silence... (Commentaires.) Un tout petit peu ! Monsieur le président, j'aimerais évoquer la question de l'aéroport et des incidents qui ont eu lieu. Le problème à l'aéroport, comme ailleurs, c'est que nous devons essayer d'instaurer une convention collective par branche, et non pas plusieurs conventions collectives dans une branche ! C'est un des éléments pour lesquels il faut l'enlever. Nous avons tous avantage à ce que ce secteur se pacifie et que les uns et les autres se respectent dans un dialogue qui puisse aboutir à des négociations.
Mais je vais revenir, Monsieur le président, sur la question des multinationales et sur celle du secteur industriel à Genève; nous avons en effet abordé cela à la commission des finances. Malheureusement, Genève n'a pas de plan directeur de développement économique des entreprises, moyennes et petites. Il y a un plan d'aide, qui figure dans le rapport - vous verrez que les entreprises sont effectivement aidées - mais il n'y a pas un plan qui dise quelle partie du secteur secondaire Genève veut développer, où il veut aller et quels sont les secteurs où Genève estime avoir un avenir d'ici vingt ou trente ans, s'agissant de notre configuration, par rapport à l'EPFL et à l'UNIGE. Je n'ai donc pas trouvé d'étude ou de réflexion là-dessus, mais il est vrai que le conseiller d'Etat Maudet a développé une vision à ce sujet à la commission des finances. Cette vision ne figure pas dans un plan directeur ou dans un document. Monsieur le président, puisque à nouveau le magistrat chargé de l'économie n'est pas là, je pense qu'il serait effectivement intéressant que nous ayons un plan directeur: nous avons besoin à Genève d'un secteur secondaire, et non pas d'un secteur tertiaire hypertrophié, mais d'un secteur secondaire avec un avenir, avec des technologies novatrices, et c'est cela qu'il s'agira réellement de développer.
En ce qui concerne les multinationales, il est évident qu'elles apportent à Genève un plus, mais il faut quand même faire attention ! Ces multinationales viennent à la vitesse de la lumière, mais elles partent à la même vitesse ! On a vu cela avec Merck Serono: je veux dire que lorsque cette multinationale a décidé...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur.
M. Alberto Velasco. Oui. ...pour une question de stratégie de groupe, de partir de Genève, rien n'a pu l'en empêcher, rien, puisque le centre des décisions n'était pas à Genève mais en Allemagne. Par conséquent, nous avons vraiment tout avantage à développer des secteurs industriels à notre niveau et dont les décisions se prennent ici, dans le canton. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Madame Wenger, exceptionnellement, vous avez la parole.
Mme Salika Wenger (EAG). Merci, Monsieur le président, c'est très aimable. Chers collègues, j'ai un petit problème avec le MCG. Ce groupe nous fait tout un numéro sur l'aéroport, son développement, son importance, et puis quand vient la discussion sur le Grand Genève, tout d'un coup, cela rétrécit, c'est-à-dire que nous aurions besoin d'un aéroport à Genève, d'un aéroport géant pour le petit canton que nous sommes, sans participer, sans qu'existe le fameux Grand Genève ! A ceux qui sont d'accord avec le Grand Genève, eh bien je dis: «Très bien, moi aussi !», pour une raison très simple, c'est que nous voulions... (Remarque.) Non, il existe, il existe de fait ! Alors ou nous prenons à bras-le-corps ce Grand Genève et nous décidons de développer, dans ce cadre-là, ce qui serait le mieux pour les uns et les autres; ou nous laissons faire les choses, j'ai envie de dire - avec beaucoup de guillemets - «naturellement», et là, je ne suis pas certaine que nous serons contents du résultat. Mais venir d'une part défendre l'importance de l'aéroport international, qui devra atteindre 15 millions de voyageurs, et puis d'autre part nous dire que l'on ne veut que le petit Genève à 250 000 habitants... Il y a là quelque chose qui ne fonctionne pas très bien.
J'aimerais mentionner un dernier élément, une contradiction, car elle me semblait un tout petit peu aberrante: je demande évidemment à M. le président de transmettre à M. Stauffer mon admiration pour la linéarité et la logique de son discours ! (Remarque.) C'est-à-dire qu'il a parlé de tout et de son contraire... (Remarque.) ...et une fois de plus, comme c'est toujours le cas pour l'extrême droite, il a défendu les intérêts de ses maîtres. (Remarque.)
Une voix. Chut ! (Commentaires.)
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, au sujet du rapport sur les comptes 2013, le tome 2, «Compte de fonctionnement par politique publique et par programme», politique L «Economie», en regardant dans les indicateurs, à la page 224 du rapport, sous «Mise à disposition et exploitation d'infrastructures économiques», et plus particulièrement les objectifs et indicateurs, nous sommes particulièrement surpris de la pauvreté du seul indicateur donné pour Genève Aéroport. En effet, son objectif est de «maintenir la qualité de la desserte internationale au départ de l'Aéroport international de Genève (AIG)», soit comme indicateur le «nombre de liaisons internationales au départ de Genève», qui est actuellement de 122, avec un objectif de 132 pour 2017. Mais il n'y a rien sur les destinations desservies, sur l'évolution des mouvements, du nombre de passagers, du taux d'occupation, du nombre d'employés de Genève Aéroport et de ses sociétés liées, ou encore sur l'évolution de l'impact environnemental de l'exploitation de la plate-forme aéroportuaire. On pourra certes nous rétorquer que cela fait partie intégrante du rapport d'activité. Mais alors quel est l'intérêt de ce seul indicateur, s'il ne peut être mis en perspective ? Cet établissement public autonome est pourtant l'entreprise qui, de par sa fonction, génère certainement le plus gros impact environnemental de la république. Il serait temps d'avoir une meilleure lecture de l'activité de l'aéroport, en évitant de se limiter à un seul objectif et à un très pauvre indicateur. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le président du Conseil d'Etat.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons, avec Serge Dal Busco, nous partager une série des réponses concernant cette politique publique, en l'absence de M. Maudet qui va arriver tout à l'heure. Il y avait un certain nombre d'interventions, notamment liées à l'aéroport, au secteur secondaire et au Grand Genève: je me propose d'y répondre. M. Dal Busco répondra à d'autres orateurs tout à l'heure.
En ce qui concerne la première intervention, celle de M. Cuendet - mais je vois qu'il n'est plus là - sur Noé 21, les différents éléments d'informations seront transmis à la commission des finances. Mais je tiens à dire d'ores et déjà qu'il y a une activité locale de Noé 21 et, dans ce cas précis, un projet de solidarité internationale dont la comptabilité est évidemment tout à fait distincte de cette association; il vise à soutenir un projet environnemental en Inde permettant, dans les axes de politiques publiques et de notre volonté, de faire coïncider nos enjeux de solidarité internationale avec notre politique en faveur de l'environnement et de diminuer la consommation d'énergies liées à l'usage des climatiseurs dans ce pays-là.
En ce qui concerne l'aéroport, j'aime beaucoup les différents éléments et les comparaisons proposés. Madame Wenger, vous m'avez enlevé les mots de la bouche ! Quand j'entends, ici ou là, plusieurs personnes qui nous expliquent dans la même phrase que le Grand Genève est une calamité et l'aéroport une nécessité, j'aimerais tout d'abord rappeler que le succès de l'aéroport de Genève, succès important - c'est l'aéroport qui offre à son bassin de population le plus grand nombre de dessertes par rapport à la taille de sa zone de chalandise - n'est évidemment possible que parce que le canton de Vaud, qui fait partie du Grand Genève, et la France voisine nous amènent un certain nombre de passagers. C'est si vrai qu'il y a d'ailleurs plus de passagers vaudois à l'Aéroport international de Genève que de passagers genevois. C'est donc grâce à ces apports régionaux, grâce à ce Grand Genève précisément, que nous avons un aéroport qui n'est pas de la dimension qui serait normale pour une ville de la taille de Genève. Je vous invite, puisque vous êtes passionnés par la politique régionale, à aller un peu plus loin que le Grand Genève, par exemple à Grenoble, une ville ayant exactement la même taille que Genève, sans son bassin de population: le 19 janvier de chaque année - le 19 janvier seulement ! - Mesdames et Messieurs, nous avons autant de passagers qu'il y en a sur une année entière à l'aéroport de Grenoble. Voilà ce qu'est l'aéroport d'une ville de 300 000 à 400 000 habitants, ou 450 000 habitants; un aéroport qui offre très exactement un vingt-cinquième des dessertes proposées ici.
J'aimerais également revenir sur le Grand Genève, puisque vous parliez d'éléments liés à l'apport de cette région. Le Grand Genève, je l'ai dit, c'est le canton de Vaud, celui de Genève et la France voisine. Alors j'entends bien que l'on vante les mérites de la politique régionale avec le canton de Vaud. Dieu sait si ce gouvernement y est favorable, notamment avec la métropole lémanique. Les combats que nous menons avec ce canton portent sur de multiples aspects: la défense de notre système universitaire, de nos multinationales et de notre prospérité économique. Mais j'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs, que le canton de Vaud a aussi un énorme avantage par rapport à la France voisine: tous les impôts prélevés sur les personnes travaillant à Genève sont versés en totalité dans les caisses du canton de Genève, là où le cas de la France voisine est évidemment différent. Les frontaliers sont imposés à la source et seuls 3,5% de la masse salariale brute sont reversés, ce qui nous laisse tout de même plus d'un demi-milliard dans les caisses. Je vous assure que si le canton de Vaud nous laissait un demi-milliard de francs par année dans les caisses au titre de la rétrocession, la situation de l'endettement et du canton de Genève serait probablement différente. (Remarque.)
Une voix. Chut !
M. François Longchamp. Nous ne réclamons évidemment pas de changement de ce système; c'est un système suisse, et il est d'ailleurs unique sur le plan international. Mais je souhaite aussi vous rappeler plusieurs choses, puisque vous parlez de l'aéroport et que je vous indiquais qu'il y avait plus de passagers vaudois que de passagers genevois: la totalité des investissements faits depuis quatre-vingts ans à l'aéroport l'a été par le seul Etat de Genève et par le seul canton de Genève, avec des efforts surhumains - je n'ai pas peur des mots - accomplis sur le plan financier par nos prédécesseurs: quand au milieu de la guerre, alors que plus un seul avion ne volait, qu'il n'y avait plus un sou vaillant dans nos caisses, un de nos prédécesseurs, Louis Casaï, a décidé de consacrer l'essentiel des efforts de la collectivité à investir dans la construction d'un aéroport, il fallait beaucoup de culot, beaucoup de volonté et beaucoup de capacité de prédiction.
J'en arrive au dernier élément: la disparition du secteur secondaire. Voilà des propos qui étonnent ! La prospérité économique de Genève est due à la présence d'un secteur secondaire extraordinairement actif, qui l'est de plus en plus et qui pèse de plus en plus lourd dans la prospérité de notre canton. C'est notamment le cas du secteur de l'horlogerie et de ses différents sous-traitants, qui sont d'ailleurs souvent des PME. C'est précisément la vigueur de ce secteur industriel qui permet aujourd'hui une diversification de l'économie genevoise et de supporter les variations de conjoncture, notamment celles que connaissent aujourd'hui les secteurs financier et bancaire.
Monsieur le président, je vais, si vous m'y autorisez, passer la parole à mon collègue pour la suite des interventions. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Si vous le permettez, c'est moi qui passerai la parole à M. le conseiller d'Etat Dal Busco ! Vous avez la parole, Monsieur.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un honneur pour moi de parler après le président du Conseil d'Etat; j'ajouterai quelques éléments. Je ne vais évidemment pas intervenir uniquement sur des questions de fiscalité, de coûts, de charges, etc., mais vous dire la conviction qui est la mienne - elle existait bien avant que je n'arrive au Conseil d'Etat, mais elle se trouve encore renforcée aujourd'hui - de l'importance du tissu économique, de la prospérité et de la vitalité de l'économie genevoise dans notre succès, dans l'élaboration et la santé de nos finances cantonales. Avec Pierre Maudet, notre collègue, nous recevons entre deux et quatre entreprises genevoises par semaine depuis le début de notre mandat. Pour l'instant, nous nous attaquons à ce que nous appelons les grands comptes, c'est-à-dire les entreprises qui ont une certaine importance du point de vue fiscal, en termes d'emplois et de notoriété, mais nous ambitionnons également de poursuivre ces entretiens avec toute une série d'entreprises de plus petite taille et représentatives de l'économie. Que perçoit-on de la part de ces entreprises ? On ressent un besoin très fort; les entreprises de toutes sortes ne demandent pas de l'aide, elles demandent simplement qu'on leur permette de déployer leur activité dans les meilleures conditions.
Concernant la fiscalité - je ne vais pas vous embêter avec cela, en tout cas pas dans cette politique publique là - je m'adresse à M. Stauffer, notamment au sujet de ce taux unique proposé par mon éminent prédécesseur David Hiler, il y a bientôt plus d'une année et demie, si ce n'est deux ans: il est le père de cette réflexion et non pas vous, malgré le projet de loi que vous avez déposé. (Remarque de M. Eric Stauffer.) Oui, oui. (Remarque de M. Eric Stauffer.) On parlait tout à l'heure de substance, en l'occurrence, il faut rendre à M. Hiler la paternité de cette réflexion tout à fait stratégique et opportune.
En ce qui concerne les entreprises, chaque fois que nous leur demandons ce que l'on peut faire pour leur faciliter la tâche, plusieurs remarques apparaissent. Il y a évidemment les questions administratives, les facilités administratives, et, ce qui revient régulièrement, les conditions-cadres de manière générale. Mais une des remarques revenant le plus souvent concerne - et je m'adresse là au côté gauche, à mon côté gauche - l'aéroport. Celui-ci est un élément absolument déterminant et tout le monde, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, vous le disent: s'il y a ce dynamisme, cette attractivité de Genève et ces emplois qui sont créés, c'est en grande partie grâce à l'aéroport. De l'autre côté, je m'adresse de ce côté-là... (L'orateur désigne sa droite.) ...la deuxième remarque concerne l'accès facilité au marché du travail, à savoir la possibilité d'engager des personnes qualifiées et répondant aux besoins de cette économie. Ce sont les deux remarques principales.
J'aimerais précisément répondre à quelques questions concernant l'industrie. Je ne veux pas parler comme le président ou relever, comme l'a fait ce dernier, l'évolution du tissu industriel genevois. On n'a malheureusement plus les conditions favorables pour construire des robinets, ici à Genève, mais on construit autre chose, on construit des éléments avec une valeur ajoutée encore plus forte, encore accrue - de manière tout à fait claire. Le Conseil d'Etat présentera son plan d'action en matière industrielle - c'est mon collègue Pierre Maudet qui y travaille - mais on peut déjà dégager les lignes de cette action, cette diversification du tissu industriel, qui porte sur des domaines prometteurs, comme les technologies vertes, c'est-à-dire celles favorisant les économies d'énergie, et les technologies pour la protection de l'environnement.
Le deuxième aspect porte sur les questions de transport: il est vrai qu'il y a là pour l'industrie genevoise un potentiel de développement, notamment dans les technologies du domaine de la traction, particulièrement dans le domaine TOSA: par exemple, un projet est développé ici avec des trolleybus à «biberonnage». Vous voyez donc qu'il y a une cohérence, qui sera formalisée; mais surtout, Mesdames et Messieurs, nous devons absolument favoriser ces conditions-cadres, ces éléments que certains, dans une partie de ce parlement, font malheureusement tout pour freiner, pour empêcher de se développer, ce qui est préjudiciable à l'emploi et à notre fiscalité. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du département. Je vais vous faire voter cette politique publique L «Economie». (Remarque de M. Eric Stauffer.) S'il vous plaît, Monsieur Stauffer, merci. (Commentaires. Remarque de M. Eric Stauffer.)
Mise aux voix, la politique publique L «Economie» est adoptée par 46 oui contre 17 non et 19 abstentions.
M - FINANCE ET IMPOTS
Le président. Nous passons à la politique publique M «Finance et impôts». Je cède la parole à M. le député Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Comme je viens d'arriver, j'aimerais remercier M. Velasco pour la qualité de son rapport. En ce qui concerne cette politique publique, l'UDC l'acceptera. Simplement, le groupe UDC désire que l'Etat ait plus de rentrées, et elle les aura, ces rentrées supplémentaires, parce que l'économie va bien: de cette manière, il y aura des recettes d'impôts en plus. Mais l'UDC n'acceptera pas que l'on change l'assiette de l'impôt ou que l'on fixe un autre impôt aux personnes qui en paient déjà énormément. Nous estimons que l'impôt, ici à Genève, la redistribution se fait d'une façon tout à fait équitable; quand on voit que 2% des contribuables paient environ la moitié des impôts, nous estimons que c'est assez et qu'il ne faut pas plus tirer sur la corde pour ne pas faire partir ces gens. Nous sommes beaucoup plus gênés par le fait qu'il y ait à peu près 30% de personnes qui ne paient pas d'impôts à Genève, et nous estimons que les personnes qui n'ont pas les moyens financiers - chaque citoyen a des droits, mais aussi des devoirs - pourraient très bien, d'une manière ou d'une autre, contribuer par un travail d'intérêt public, par exemple, pour également participer à leur partie et s'acquitter de leur devoir d'impôts.
Ce qui inquiète beaucoup l'UDC, et nous soutiendrons évidemment le Conseil d'Etat dans toutes ces discussions, c'est le problème de la péréquation. Il y a huit ou neuf cantons qui font le pot de cette péréquation, pot qui est distribué à tous les autres cantons. Et malheureusement, quand un des principaux contributeurs, Zurich, voit sa part diminuer à cause du problème concernant ses banques - les rentrées d'impôts étaient inférieures - eh bien c'est Genève qui compense en bonne partie ce manque de millions, et c'est une somme qui devient assez gigantesque. On sait très bien que rien ne changera jusqu'en 2018, mais le canton de Zurich est soumis à un gros problème et risque d'écoper d'une amende passablement énorme, due à la position de sa banque cantonale face aux clients américains - on parle d'une amende possible entre 600 et 800 millions. Si c'est le cas, il ne faudrait pas que Genève paie une fois de plus pour Zurich, ou paie en tout cas pour les erreurs de la Banque cantonale de Zurich.
Voilà les points qui nous inquiètent le plus. Autrement, nous estimons que cette politique publique est bien menée et nous l'accepterons.
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Tout d'abord, je voudrais réagir aux propos qui viennent d'être tenus, à savoir le regret, souvent répété dans ce parlement, qu'une grande partie de la population ne paie pas d'impôts. C'est un regret qui m'interpelle, dans le sens où je pense que si ces gens avaient les moyens d'en payer, ils en paieraient. Or là, l'objectif que vous semblez poursuivre est de faire passer les pauvres à la caisse alors qu'ils n'ont pas les moyens de payer. En fait, je pense que ce n'est pas du tout la bonne approche. La bonne approche consiste plutôt à veiller à améliorer leurs conditions de vie et à leur permettre ainsi un jour de payer des impôts.
Ensuite, le groupe des Verts tenait effectivement à vous faire part de sa préoccupation quant à l'évolution des finances cantonales. En effet, comme vous le savez tous, le niveau de la dette ne cesse de croître, et au rythme avec lequel notre parlement vote des investissements, et notamment des investissements pénitentiaires, ce niveau de la dette ne va cesser d'augmenter, ceci d'autant plus si la traversée de la rade devait malheureusement être acceptée par la population. Lors de la législature précédente, le Conseil d'Etat, conscient que cette situation n'était pas durable, était venu devant le parlement avec un certain nombre de projets de lois afin de supprimer des niches fiscales uniques en Suisse. Force est de constater que non seulement ce parlement les a tous refusés, mais aussi que le Conseil d'Etat actuel ne revient pas avec des propositions, ce que nous regrettons fortement. En effet, je pense que sans nouvelles recettes fiscales et avec la réforme de la fiscalité des entreprises prévue, les coupes dans les prestations vont devenir inéluctables si nous continuons ainsi. Cela est vraiment regrettable car, je le répète, il y a matière à faire entrer de nouvelles recettes dans les finances cantonales en supprimant quelques niches fiscales complètement indolores pour les gens que cela concerne.
Dans ce contexte, il semble aux Verts que le frein à l'endettement devient de plus en plus inévitable. Mais au fond, est-ce une si mauvaise chose que ce frein à l'endettement ? En effet, cela permettra enfin de poser les véritables questions à la population, à savoir: «Que désirez-vous ? Désirez-vous encore des baisses de la fiscalité ou des coupes dans les prestations ?» Nous pourrons enfin avoir des réponses. Cela nous permettra aussi de mettre certains partis de la salle devant leurs responsabilités, parce qu'aujourd'hui, comme l'a dit ma collègue, certains ont beau jeu de voter toutes les baisses fiscales et toutes les augmentations de prestations. Il faudra faire des choix, et cela risque d'être douloureux.
En conclusion, les Verts sont inquiets de la situation actuelle et des réponses que ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat vont apporter à celle-ci. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez tout d'abord au député Stauffer, qui se targuait de défendre les travailleurs, que son comportement envers les travailleurs de l'Etat de Genève est inadmissible.
Une voix. Oui, ça va, ça va !
Une autre voix. Hors sujet !
Le président. Chut !
M. Romain de Sainte Marie. Parenthèse faite, sur les questions... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Medeiros... (Remarque.) Monsieur Medeiros ! S'il vous plaît, vous vous taisez et vous laissez parler l'orateur. (Commentaires.)
M. Romain de Sainte Marie. Sur les questions de fiscalité, ce rapport de gestion nous démontre encore une fois que le canton de Genève est un paradis fiscal aux nombreuses niches... (Commentaires.)
Une voix. Oh !
M. Romain de Sainte Marie. ...qui profite aux plus aisés de notre société au détriment de la cohésion sociale de notre canton. En effet, il y a des forfaits fiscaux pour plus de sept cents bénéficiaires imposés en moyenne à hauteur de 20% - encore une fois, autant d'argent perdu pour les caisses de l'Etat. (Commentaires.) Notre canton utilise aussi les allégements fiscaux, avec en dix ans une perte d'un peu plus de 928 millions pour nos caisses. (Brouhaha.) Le canton de Genève dispose également du bouclier fiscal, qui favorise les plus grandes fortunes et qui fait ainsi perdre environ 40 millions de francs chaque année à l'Etat de Genève. Et malheureusement, le Conseil d'Etat et la majorité de droite du Grand Conseil cherchent à continuer dans la même direction, à savoir une situation de privilèges fiscaux pour les plus riches. Et pourtant, nous entendons souvent le Conseil d'Etat aborder un discours d'austérité pour l'avenir, mais il pourrait faire bien différemment de cette austérité. En effet, si le Conseil d'Etat et le Grand Conseil le souhaitent, nous pouvons avoir des recettes fiscales supplémentaires pour garantir une cohésion sociale dans notre canton et ne pas assister à ce que nous voyons actuellement, dans la rue d'à côté, avec des diminutions des prestations de l'aide sociale. Et cela va à l'encontre même du discours de neutralité fiscale que prône le Conseil d'Etat. Cette neutralité fiscale, il faut encore la comprendre, car s'agissant du projet de loi de Mme Lydia Schneider Hausser notamment, qui visait à la réévaluation de la valeur des immeubles pour ainsi pouvoir être en conformité avec la loi, notamment la LHID, et donc connaître une rentrée fiscale de l'ordre de 30 millions de francs, le Conseil d'Etat et la majorité de droite du Grand Conseil ont dit: «Non, nous voulons une neutralité fiscale, nous voulons réévaluer la valeur des immeubles, mais surtout pas que les propriétaires doivent payer davantage, en conformité avec cette réévaluation !»
Nous allons également connaître la troisième réforme de l'imposition des entreprises; et le Conseil d'Etat va encore une fois droit dans le mur avec un taux unique à 13%, certes parce qu'il veut préserver les emplois et les entreprises à Genève, mais droit dans le mur quand même, puisqu'une telle réforme entraînerait 600 millions de pertes fiscales pour le canton de Genève. Comment garantir une cohésion sociale, comment garantir une Genève qui avance à une seule vitesse et non à deux vitesses, avec de telles mesures et en préservant les privilèges fiscaux que connaît notre canton ? Ce rapport de gestion fait état de ces privilèges, alors nous avons pour devoir, dans les années à venir, d'en finir avec ceux-ci et d'avoir une fiscalité juste et équitable, permettant au canton de Genève de faire en sorte que chaque habitant vive dignement. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Edouard Cuendet (PLR). J'ai eu le privilège, avec mon camarade François Baertschi, de procéder à l'audition du département des finances, et je remercie M. Dal Busco et ses équipes pour tous les renseignements très précieux qu'ils nous ont fournis. Je reviendrai plutôt sur les travaux en commission de notre parlement, où l'on assiste - l'intervention de mon préopinant en est d'ailleurs la preuve - à un véritable travail de sape de la gauche contre les gros contribuables genevois, qu'ils soient personnes physiques ou personnes morales.
Commençons par les personnes physiques: on est témoin d'une véritable chasse aux riches, à la mode française, et il suffit de voir les chiffres pour s'apercevoir que l'exode fiscal des Français est absolument considérable. Suivons donc les méthodes de M. de Sainte Marie et nous verrons où cela nous conduira. On veut ainsi chasser des gros contribuables - personnes physiques - et pourtant Genève dépend très fortement de ces personnes aisées, puisque - cela a été dit, il faut le répéter et le marteler - plus de 30% des contribuables ne paient pas un centime d'impôts à Genève, et qu'à l'inverse, 2% des contribuables assurent plus de 30% de l'impôt sur le revenu. C'est donc simple, la gauche entend abattre le sommet de cette pyramide extrêmement pointue; cela passe par une volonté de supprimer le bouclier fiscal - on a vu à cet égard que les citoyens n'ont pas suivi le parti socialiste, puisque ce dernier n'est pas parvenu à obtenir le nombre de signatures nécessaires pour son initiative. Le parti socialiste veut aussi introduire un impôt sur les successions, il veut supprimer l'impôt selon la dépense, qui rapporte malgré tout à peu près 150 millions par année au canton de Genève - petite parenthèse, ces 150 millions sont approximativement ce qu'il faut pour recapitaliser les caisses de pension de la clientèle des socialistes - et ainsi, face à ce traitement confiscatoire proposé par nos amis de la gauche, les riches quitteront évidemment le territoire genevois. Et qui paiera à leur place ? C'est évidemment la classe moyenne qui, elle, ne peut pas voter avec ses pieds !
Et j'ouvrirai là une autre petite parenthèse, parce que, comme observateur depuis quelque temps de la politique fiscale genevoise, j'ai constaté - et vous l'aurez peut-être remarquée aussi - la manière dont les gens de gauche prononcent le mot «riche»: ils le disent comme si c'était un mot impur, et certains l'articulent peut-être même avec envie, avec une pointe d'envie. (Brouhaha.)
Concernant les personnes morales maintenant, on relèvera - et je remercie le département de nous avoir fourni les renseignements nécessaires - que plus de 60% de l'impôt sur les bénéfices des personnes morales sont assurés par trois secteurs: le négoce de matières premières, la place financière et l'industrie de l'horlogerie et du luxe, trois secteurs exécrés par la gauche. Celle-ci s'acharne contre ces contribuables, qui participent massivement au financement du filet social bénéficiant à sa clientèle. Les multinationales, cela a été dit, génèrent environ 50 000 emplois directs et indirects, et sont les cibles privilégiées des ayatollahs socialistes. Je rappellerai que le PS a notamment lancé une initiative extrêmement nuisible intitulée: «Pas de cadeaux aux multinationales», l'initiative 150. Dans les débats, j'ai été extrêmement choqué de constater que les représentants du PS n'ont pas hésité à traiter ces entreprises de «parasites», alors qu'elles contribuent largement à la prospérité et à l'emploi genevois. Le PS s'oppose aussi à la fixation d'un taux unique. M. de Sainte Marie, mon préopinant - vous transmettrez, Monsieur le président - vient de le rappeler, il s'oppose à la fixation d'un taux unique à 13%, alors que cette mesure est absolument indispensable et qu'elle conduira, au final, à une augmentation massive de la fiscalité des multinationales ainsi qu'à une diminution de la fiscalité des PME. Le parti socialiste s'égosille à longueur de journée et à longueur d'année à nous dire qu'il est pour les PME, qu'il les défend, mais il fait tout contre elles et refuse notamment de leur accorder ce bol d'air que représenterait la baisse d'impôts de 24% à 13%, alors que cette mesure est absolument indispensable pour répondre aux engagements de la Confédération vis-à-vis de Bruxelles.
En un mot, le PS et ses alliés pratiquent la politique de la terre brûlée, voulant bouter ces sociétés multinationales hors du canton: nous ne saurions les suivre sur cette voie extrêmement dommageable à la prospérité de nos concitoyens. Je ferai juste une dernière petite parenthèse à l'intention de mon collègue Vanek - Monsieur le président, vous transmettrez...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Edouard Cuendet. Oui. Parmi les multinationales, et cela a été dit, les fleurons de Genève sont notamment les sociétés comme Richemont, Rolex et Firmenich, multinationales et industriels produisant sur sol genevois; cela devrait plaire à l'ouvriériste M. Pierre Vanek. (Quelques applaudissements.)
Présidence de M. Antoine Droin, président
M. François Baertschi (MCG). Je tiens également à remercier mon collègue Cuendet de sa collaboration, puisque nous avons vraiment eu une vision réelle des rentrées fiscales, ce qui est le plus important. On traite très souvent ici de la manière dont on va dépenser l'argent, or l'essentiel est de savoir comment on va le gagner. Et il faut abandonner une vision idéale de Genève que l'on pourrait avoir, que certains aimeraient avoir, avec la croyance que c'est un paradis fiscal. Non, il y a une réalité, une réalité genevoise, une Genève qui dépend de certaines rentrées fiscales et aussi des riches, désolé de vous le dire: sans les riches, le canton de Genève ne pourrait pas proposer toutes les prestations qu'il offre, et qu'il offre heureusement. Il faudrait que l'on se serre la ceinture de manière beaucoup plus drastique que d'aucuns ne l'imagineraient, et je crois que l'important pour nous est, précisément, d'améliorer les rentrées fiscales.
Un élément n'a pas été exposé - il a été présenté par mon collègue Eric Leyvraz, tout à l'heure - c'est un élément pertinent et je crois qu'il faut le souligner: le problème de la péréquation.
Une voix. Eh oui !
M. François Baertschi. On se rend compte que Genève est devenu un grand contributeur au niveau de la péréquation intercantonale - je vous passerai les détails techniques des calculs de cette répartition - mais curieusement, dans le même temps, le canton de Zurich lui-même ne paie plus rien dans cette péréquation, et c'est nous... (Commentaires.) Ou paie peu, peu, peu ! Je serai plus précis, mais il y a une réduction de ce que paie Zurich au niveau de la péréquation, ce qui veut dire que nous la finançons indirectement, cette Zurich dont vous avez fait l'éloge lors de précédents débats, en disant que ce canton avait eu tout à fait raison de supprimer les forfaits fiscaux. (Brouhaha.) Eh bien, les forfaits fiscaux de Zurich, c'est Genève qui les paie et c'est nous qui les subventionnons indirectement. Eh oui, Monsieur le président du département, je ne serai pas d'accord avec vous sur cela, et je ne me laisserai pas arnaquer par les autres cantons, désolé, même si je vous apprécie par ailleurs. Mais... (Commentaires.)
Une voix. Il y a aussi les Valaisans !
M. François Baertschi. Et les Valaisans ! Et on paie les Valaisans, tous les autres cantons... (Commentaires.)
Le président. Chut ! S'il vous plaît, laissez parler M. Baertschi.
M. François Baertschi. Nous avons tous un problème de péréquation sur lequel je ne vais pas m'étendre. Mais les Genevois en ont marre de se faire tondre... (Remarque.) ...et je crois qu'à un certain moment, il faudrait que l'on arrête d'être masochistes... (Commentaires.) ...et que l'on se montre un peu plus intelligents, notamment dans l'accueil des personnes nous donnant une substance, quelle qu'elle soit. (Exclamations. Quelques applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Vous transmettrez, Monsieur le président, au conseiller d'Etat Serge Dal Busco que, dans l'histoire de notre république, on peut parler de choses et d'autres, comme de la traversée de la rade, par exemple, depuis cinquante ans. Mais si cette traversée de la rade se fait, la paternité en reviendra à l'UDC qui a déposé le texte et fait une initiative. (Commentaires.) C'est comme pour la fiscalité, on entend parler de beaucoup de choses, de péréquation intercommunale, par exemple, renvoyée aux calendes grecques, ou de cette fameuse imposition à 13% que l'on a aussi entendue. Eh bien, le MCG est dans l'action et a déposé un projet de loi en date du 15 avril 2013, par les signataires Roger Golay et Pascal Spuhler. On peut donc dire ce que l'on veut, moi, je n'ai pas vu de projet de loi du Conseil d'Etat pour le taux à 13%; c'est donc bel et bien le MCG qui a la priorité sur ce dossier-là, en tout cas en termes de dépôt de texte de loi. (Commentaires.) Voilà le premier point.
Ensuite, Monsieur le président, j'ai entendu quelques critiques suite à une attitude dont je ne sais pas comment elle a été perçue. J'aimerais donc éclaircir cela de manière publique: oui, j'ai demandé une rallonge électrique; non, je n'en ai pas reçu, et effectivement, ça a un tout petit peu tendance à m'énerver, parce que pour travailler quand on n'a plus de batterie, il nous faut du courant. Donc, si aujourd'hui le Grand Conseil ou l'Etat ne peuvent pas fournir une rallonge à leurs élus, mon Dieu, où va-t-on ? (Commentaires.) Et si on veut jouer à ce jeu-là, il n'y a pas de problème, je peux le faire aussi.
Maintenant, Mesdames et Messieurs, concernant la fiscalité, il va effectivement falloir anticiper, parce que nous sommes là aux comptes, et on va rester sur ce sujet, mais il va falloir anticiper sur le budget 2015, car il faudra bien, à un moment ou à un autre, changer cette fiscalité qui nous pose beaucoup de problèmes, notamment avec l'Union européenne. Le fait d'octroyer aujourd'hui des avantages - ou perçus comme tels - est évidemment quelque chose d'inacceptable au sens du droit fiscal européen. Du moment où toutes les entreprises sont au même taux, c'est-à-dire à 13% - et je vous prie de lire le projet de loi 11163 dans lequel une modalité de transition est prévue par rapport à cette fiscalité - eh bien l'Europe n'aura qu'un droit, et le droit d'en abuser: c'est de se la coincer par rapport à la fiscalité suisse. Parce que nous n'avons pas à payer les erreurs de gestion d'une Europe de bureaucrates...
Une voix. Socialistes !
M. Eric Stauffer. Oui, socialistes pour la plupart... (Exclamations.) ...centralisés à Strasbourg ou à Bruxelles ! La Suisse n'en veut pas... (Commentaires.)
Le président. Chut !
M. Eric Stauffer. ...et elle ne se laissera pas manoeuvrer, ou en tout cas nous, nous lutterons contre cet envahissement européen en matière fiscale. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, vous devez quand même être conscients que les problèmes que nous avons à Genève ne sont pas les problèmes de la France ou de l'Europe. Nous, nous ne touchons pas de subventions en tant que telles de l'Union européenne. Aujourd'hui, nous, canton de Genève, avec nos défauts et aussi nos qualités, eh bien, comme l'a dit mon collègue François Baertschi, et je le répète, nous sommes parmi les quatre cantons contributeurs en Suisse, cela devrait quand même vous parler ! Ce n'est pas rien, 500 000 habitants. Le président Longchamp vous en a fait la démonstration en parlant de l'aéroport d'une ville comportant quasiment le même nombre d'habitants, mais ayant une desserte vingt-cinq fois moindre que celle de l'Aéroport international de Genève. Eh bien, Mesdames et Messieurs, à qui devons-nous tout cela ? Nous ne le devons en aucun cas à nos voisins français ! Nous le devons à nos prédécesseurs, à ceux qui ont construit cette Genève internationale rayonnant sur la planète entière ! Alors de grâce, Mesdames et Messieurs, ne venez pas critiquer l'économie, et ne venez pas avec vos théories selon lesquelles les riches sont les grands méchants et doivent finalement être taxés de plus en plus. C'est faux ! Ce discours-là a amené et amène la France au bord de la faillite, avec un déficit qui ferait même peur à un...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. ...à un pays du Tiers-Monde. Je vais conclure. Tout ça pour vous dire, Mesdames et Messieurs, que le MCG s'opposera à la globalité des comptes de l'Etat; nous nous expliquerons, dans les sujets qui vont suivre, sur les fondements de ce refus, mais je veux simplement attirer votre attention sur le fait qu'il y aura de grands efforts à faire sur le budget 2015...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. J'ai fini.
M. Pierre Weiss (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que l'on a entendu des choses qui pour certaines méritent d'être réfutées et pour d'autres peuvent susciter une certaine hilarité, et je suis heureux qu'il y ait une diversité d'opinions au sein de ce parlement. Parmi ce qui mérite d'être réfuté, le fait que Genève soit un paradis fiscal. Si c'était vrai, cela se saurait, et l'on aurait un plus grand afflux encore de personnes venant au paradis. Mais pourquoi diable - enfin, si j'ose dire «diable» s'agissant du paradis - pourquoi diable, lorsqu'on vit au paradis, faudrait-il chercher à vouloir en sortir ? J'ai de la peine à comprendre ce raisonnement. Pourquoi vouloir supprimer les niches, si ce n'est pour peut-être transformer les contribuables en chiens ?
S'agissant du canton de Zurich, qui serait le plus grand bénéficiaire de la péréquation fiscale, je conseille à l'auteur de cette déclaration d'aller lire le rapport que vient de publier le Conseil fédéral sur l'évaluation 2012-2015 de la répartition intercantonale, de ses effets et de son efficacité, et il verra ce qu'il en est dit, notamment pour les cantons les plus pauvres. Mais ce n'est pas Zurich qui bénéficie de Genève ! (Remarque.) Cela fait partie des éléments qui me font, personnellement, un peu sourire.
Maintenant, que l'on en arrive à utiliser le débat sur les comptes afin de parler de rallonge pour un ordinateur, c'est véritablement confondre l'intérêt public et l'intérêt privé, et alors je pense que l'on ne peut pas tomber plus bas ! Pour ceux qui ne se rendraient pas compte qu'ils ont atteint là l'utilisation personnelle de l'article 24, je suis prêt à subventionner la rallonge en question. (Rires.) Mais ne demandons pas à l'Etat de subventionner une rallonge pour un député abandonnant ses fonctions dans des conseils d'administration parce qu'il n'y est pas suffisamment écouté par un magistrat ex-PDC. Voilà ce que je voulais vous dire. (Commentaires.) Parce qu'il s'agit toujours de retracer l'évolution des gens, Monsieur l'ex-libéral ! (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Weiss. Sur ces entrefaites, je dirai simplement que la gestion du département dont il est question ici est excellente. Ce à quoi nous devons être particulièrement attentifs, c'est que ce département bénéficie des moyens nécessaires pour continuer à garder des collaborateurs de qualité, et qu'il ne les perde pas pour des mesures d'économie à courte vue, qui ne pourraient bénéficier qu'aux fraudeurs. Parce que s'il y a quelque chose qui pourrait nous réunir, les uns et les autres - enfin, pas tous, mais la plupart d'entre nous - c'est la lutte contre la fraude fiscale, et cette lutte passe par des dotations en personnel et des moyens suffisants pour le département des finances. Voilà le plaidoyer que je voulais faire, Monsieur le président, cela vous surprendra peut-être.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, le discours tenu par la droite en matière fiscale concernant les personnes qui paient peu, voire le minimum de vingt-cinq francs d'impôts, n'est pas acceptable. Les socialistes désirent rappeler que nous sommes dans un Etat de droit aussi en termes de fiscalité, et les lois sont en conséquence appliquées par l'administration fiscale; à partir de là, toute personne inscrite au registre fiscal est contribuable. Tout changement de la fiscalité, en particulier des diminutions de contributions à l'organisation des structures cantonales, est non seulement le choix d'une diminution des prestations à la population, mais aussi une atteinte à la proportionnalité de l'effort de contribution et à l'égalité de cet effort... (Brouhaha.) ...et il est également un accélérateur des inégalités dont nous sommes témoins dans le canton. Parler de ces répartitions de contributions en voulant les diminuer pour les riches tout en dénigrant ou en ridiculisant les contribuables pauvres est dangereux, Mesdames et Messieurs les députés, car on nous entraîne ici dans une démocratie au mérite, ou peut-être même une nouvelle sorte de ploutocratie, c'est-à-dire le pouvoir à l'argent.
J'en arrive à ma question pour le Conseil d'Etat. Il a été relevé, dans les interventions précédentes, que le canton allait être confronté à la suppression des statuts fiscaux, que le Conseil d'Etat et la majorité de ce parlement avaient décidé que la réévaluation et la taxation de certains immeubles étaient vouées à un apport zéro des revenus de l'Etat... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et que la grande pression actuelle de la droite et du MCG vise à diminuer l'imposition sur la fortune, partiellement ou totalement. Dès lors, à part crier au loup ou dire que l'on est sur le «Titanic», j'aurais voulu savoir ce que le Conseil d'Etat désire faire: recherchera-t-il et recherche-t-il de nouvelles recettes pour maintenir les prestations allouées à la population ? (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Lydia Schneider Hausser. Ou a-t-il déjà décidé et planifié une diminution drastique pour tout l'Etat des entités subventionnées, des prestations allouées et fournies par l'Etat ? (Remarque.) Oui, on est dans le rapport de gestion. (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Aellen (PLR). Nous sommes en train d'étudier les comptes, on entend beaucoup de déclarations d'intention, mais je ne suis pas sûr que beaucoup d'entre nous aient pris la peine d'aller lire l'entier des comptes qui nous ont été donnés et aient commencé par faire une analyse détaillée de ce qu'ils contiennent. Alors je vais citer quelques exemples précis, et puisqu'on étudie la problématique des impôts, nous pouvons notamment aller chercher quelques éléments en reprenant le rapport sur les comptes consolidés 2013, car c'est l'année dont nous parlons. Je vous invite en particulier à aller voir la page 13, qui vous donne le montant des charges de l'Etat: 10,868 milliards. Ensuite, vous pouvez prendre la page 18 pour voir le nombre d'habitants: 476 006. Après, je vous convie à faire une division, et vous verrez ce que l'on prélève par habitant dans notre canton. Et maintenant, je vous lance un défi: où prélève-t-on autant ? Où prélève-t-on autant ? Nulle part ailleurs ! Nulle part ailleurs, pourquoi ? Parce que nous sommes l'un des cantons les plus riches, un canton qui dégage un produit intérieur brut particulièrement important, que nous avons des travailleurs qualifiés, que nous avons, quoi qu'on en dise, un chômage globalement assez faible et que, précisément, nous avons des investisseurs et des patrons d'économie responsables. C'est ce qu'il faut préserver afin de pouvoir, de cette façon, continuer à prélever un peu plus de 22 000 F par personne - je vous laisse calculer ce que cela signifie dans vos foyers respectifs, même si nous sommes des privilégiés, pour voir à quel point il est important de préserver l'économie et d'avoir des prélèvements modérés.
Maintenant, j'entends notre collègue Romain de Sainte Marie nous expliquer qu'il ne faut pas de bouclier fiscal. Alors un chiffre ! Qu'est-ce que le bouclier fiscal à Genève, comme dans le canton de Vaud d'ailleurs ? C'est 60% des revenus au niveau cantonal, auxquels s'ajoutent 11,5% au niveau fédéral: donc des prélèvements maximaux de 71,5%, à savoir 3,5% de moins que ce que les Français ont finalement renoncé à faire. (Remarque.) A présent, une fois que l'on a fait cela... (Remarque.)
Le président. Chut !
M. Cyril Aellen. ...je pose une deuxième question, je vous lance un deuxième défi: jusqu'où voulez-vous aller ? Parce que cela concerne effectivement des gens qui gagnent plus, qui ont plus de 500 000 F annuels imposables, c'est de cela qu'on parle: des gens très riches. Mais ces gens riches, il n'y en a finalement pas tant que ça et ils sont très mobiles ! Je vous pose une troisième question: le jour où ils seront partis, qui paiera à leur place ? Qui paiera à leur place ? (Remarque.)
J'aimerais encore soulever un dernier point, me féliciter d'un projet de loi des rangs de gauche élargis, qui viennent nous expliquer qu'il y a une multinationale américaine, pays assez peu socialisant, qui effectivement délocalise. Et où délocalise-t-elle ? En Suisse ! Et quand elle décide de ne plus délocaliser, qui s'en plaint ? La gauche genevoise ! Vous voyez, il y a quelquefois des choses, que l'on déplore au niveau cantonal, dont on doit se féliciter, parce que vraiment, à un moment donné, l'entreprise américaine, cette fameuse multinationale, avait considéré qu'à Genève, dans un secteur secondaire, il était important qu'elle puisse développer ses activités, parce qu'il y avait de la main-d'oeuvre qualifiée, les conditions-cadres de façon générale, c'est-à-dire tout à fait adéquates, et probablement aussi un système fiscal non confiscatoire. Vous voyez, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, que la délocalisation d'une multinationale américaine n'est parfois pas tout à fait néfaste pour notre économie. Je me félicite que nous puissions prendre en compte ces réalités-là; j'ai posé quelques défis, je me réjouis de vos réponses ! (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, je m'en voudrais de vous donner un conseil, mais peut-être devriez-vous, avant que nous épuisions les heures de la nuit et que nous soyons épuisés demain, expliquer à ce parlement ce que sont les comptes d'Etat ! Et aujourd'hui, nous avons à traiter des comptes, et non pas d'un hypothétique projet de budget, ou d'hypothétiques traits à tirer sur la comète.
Deuxième remarque: vous transmettrez, je vous prie, Monsieur le président, à Mme Sophie Forster Carbonnier des hauts de Neuchâtel et à M. Romain de Sainte Marie du parti socialiste, que chaque augmentation d'un franc d'impôts à Genève se traduit aujourd'hui par 62 centimes qui vont au paiement des salaires. Donc, lorsqu'on vient dire qu'il faut augmenter la fiscalité pour augmenter les prestations, c'est faux ! Il y a 62% des francs d'impôts qui vont au paiement des salaires, et il ne reste donc pas forcément grand-chose pour les prestations.
M. Vincent Maitre (PDC). Au-delà des déclarations de mes deux préopinants que je fais intégralement miennes... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) ...je souhaiterais ajouter une chose, et notamment rebondir sur certains propos relatifs à notre système fiscal genevois. Le seul fait avéré, auquel je crois que nous pouvons tous adhérer, c'est que notre système fiscal est totalement archaïque dans sa structure. Ce n'est évidemment pas nous, les députés, qui le disons, mais ce sont les spécialistes, et en particulier la pléthore des professeurs de droit fiscal que la commission fiscale et probablement celle des finances ont pu auditionner. Il est archaïque, et malgré tout Genève reste une place largement concurrentielle, au dynamisme économique envié de beaucoup d'autres cantons, mais évidemment bien au-delà encore. Et ce dynamisme économique, nous le devons à des conditions fiscales qui l'ont rendu un peu plus ou le plus attractif possible, et ces conditions fiscales attrayantes le sont grâce à ces fameuses niches, tant décriées par le parti socialiste, que le parlement a dû s'ingénier à mettre en oeuvre pour, précisément, garder cette attractivité fiscale depuis des décennies.
Je constate - et c'est là qu'on nage en pleine contradiction - que lorsque le Conseil d'Etat, et en particulier David Hiler, M. Dal Busco l'a rappelé, propose une réharmonisation de ce système fiscal pour les personnes morales, avec un taux unique à 13%, eh bien on va là vers plus de justice fiscale, plus d'équité fiscale, on tend à la suppression de ces fameuses niches qui complexifient tant notre système fiscal; lorsqu'on va, donc, vers ce principe-là, on se rend compte que le parti socialiste s'y oppose, et s'y oppose de façon d'autant plus incompréhensible que ce système fiscal implique une augmentation de la fiscalité de bon nombre de sociétés multinationales tant haïes par ce même parti. On ne sait littéralement plus sur quel pied danser, et quand j'entendais, tout à l'heure, que l'on a l'impression que c'est la politique de la terre brûlée qui motive définitivement le parti socialiste, alors je crois que l'on ne peut qu'adhérer à ce propos.
Pour le reste, il n'échappera à personne de raisonnable dans cette salle que notre canton et notre pays dans sa globalité doivent absolument rester fiscalement compétitifs, et prétendre, partir du postulat que Genève est un paradis fiscal est non seulement faux, mais en plus suicidaire. Ce postulat est notamment faux, puisque si l'on prend l'exemple de nos voisins français, dont le gouvernement socialiste trouve tant grâce aux yeux du PS, eh bien l'on constatera que la France, par exemple, sur ses sociétés les plus importantes - je parle de celles du CAC 40 - applique le taux d'imposition moyen de 8%; à Genève, personne n'ignore qu'il est de 24% pour une société. La France, de nouveau, si extraordinaire aux yeux de M. de Sainte Marie, comprend bien, dans son Etat, des territoires dont la fiscalité est de 0% sur les personnes physiques et de 0% sur les personnes morales. Je parle évidemment des DOM-TOM, de la Polynésie française et des îles de Wallis-et-Futuna, qui sont bel et bien des territoires français et sur lesquels la fiscalité est tout simplement nulle. Alors c'est probablement la fameuse histoire de la poutre et de la paille que d'aucuns ont dans l'oeil; moi, je persisterai, au nom du parti démocrate-chrétien, à défendre l'idée qu'une fiscalité attractive et extrêmement concurrentielle est indispensable pour notre canton, pour créer des emplois et pour distribuer des prestations à la population, en particulier aux plus défavorisés que soutient à priori le parti socialiste. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons faire un petit intermède des scores, durant lequel je vais vous signaler les temps qu'il vous reste: pour Ensemble à Gauche trente-sept minutes, pour les socialistes trente-sept minutes, pour les Verts trente-huit minutes, pour le PDC trente-deux minutes, pour le PLR vingt-six minutes, pour l'UDC trente-huit minutes et pour le MCG vingt-quatre minutes; et il reste passablement de politiques publiques à travailler. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Oui, Monsieur le président, très rapidement. Il a été question de paille et de poutre, de paradis, etc.: on est dans les Evangiles, et M. Cuendet disait tout à l'heure que quand nous prononcions le mot «riche», nous le prononcions avec mépris, comme s'il était impur. Pas du tout - pas du tout ! Je suis pour le salut de l'âme de tous mes frères et soeurs, y compris les riches... (Commentaires.) ...y compris les riches, et je rappelle que l'Evangile dit qu'un riche a autant de chances d'entrer au paradis qu'un chameau de passer par le chas d'une aiguille ! (Commentaires.)
Une voix. Oh !
M. Pierre Vanek. Alors on peut leur en prendre un peu - on peut leur en prendre un peu ! (Brouhaha.) Et nous leur permettons précisément de contribuer à la bonne marche de cette collectivité, ce qui est indispensable. On nous a accusés, en face, de ne nous préoccuper que de dépenser par-ci, par-là, mais ce n'est pas vrai ! On nous a accusés de vouloir augmenter les impôts mais, bon Dieu, sommes-nous dans un contexte de ce type-là ? Cela n'est évidemment pas vrai ! Nous nous opposons, au contraire...
Des voix. Ah !
M. Pierre Vanek. ...nous nous opposons, au contraire, à une politique qui en quinze ans, grosso modo, s'est traduite par plus d'un milliard par an de recettes supprimées pour cette collectivité. C'est là - c'est là ! Ça, ce ne sont pas des augmentations d'impôts ! Ce n'est pas de l'argent en plus pris aux riches qui les a fait fuir ! C'est le résultat d'une politique menée avec constance par tous les conseillers d'Etat de cette république depuis quinze ou vingt ans ! Et c'est cette politique-là qui vide nos caisses, c'est cette politique-là qui se traduit par la dette qu'a évoquée François Longchamp tout à l'heure, et avec le service d'intérêts considérables qu'elle implique, c'est à cette politique-là que nous nous opposons, parce que nous sommes raisonnables ! Parce que nous pensons, en effet, que l'on ne doit pas creuser ce type de dettes, parce que nous pensons, en effet - alors peut-être que Genève n'est pas à la pointe des paradis fiscaux - que les conditions à Genève sont fiscalement supportables et que l'on pourrait continuer à prélever un certain nombre d'impôts. Et ce n'est pas nous qui le disons ! Ce sont ceux qui, précisément, viennent ici, ce sont les riches qui arrivent, qui débarquent et qui prolifèrent dans cette république, et l'on peut s'en féliciter. En face, on s'en félicite constamment et on appelle à leur cirer les pompes pour qu'un peu de miettes supplémentaires tombent de leur table. Non ! Nous ne voulons pas des miettes qui tombent de la table des riches, nous ne sommes pas pour leur cirer les pompes, mais nous sommes pour prélever des impôts justes, équitables et que chacun contribue selon ses moyens.
Alors quand j'entends à l'instant Vincent Maitre plaider pour l'équité fiscale en disant: «Ce sera bien mieux, avec les nouvelles mesures qui seront prises, il y aura une équité fiscale, et puis c'est la justice, ce sera très bien !», je me dis que ça, c'est une politique de la terre brûlée qui va se traduire - le programme de législature du Conseil d'Etat le montre - en donnant comme acquis le fait que l'on doive sacrifier dans les poches de la collectivité plus de 600 millions par an à cette politique fiscale. Cette politique fiscale là est insoutenable ! Cette politique fiscale là se dirige soit vers des mesures drastiques, comme serrer la vis aux plus pauvres dans cette république - et on en a parlé, tout à l'heure, dans la manifestation qui a eu lieu devant le Grand Conseil contre la baisse des montants de l'aide sociale - soit vers d'autres solutions inacceptables comme celle de creuser encore la dette que déplorait le président du Conseil d'Etat. De ce point de vue là, nous sommes donc les seuls, Mesdames et Messieurs, à avoir une approche qui tienne compte un tant soit peu des réalités, des réalités de la justice sociale que nous voulons défendre et des réalités de la situation financière de la République et canton de Genève ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey. (Remarque.) Pardon ? (Remarque de M. Lionel Halpérin.) Oui, je vous écoute.
M. Lionel Halpérin (PLR). Merci, Monsieur le président. C'est probablement un peu de naïveté d'un nouveau venu au parlement, mais j'ai l'impression que ce débat sur les comptes dérape: on est en train de passer un temps fou à discuter de comptes qui doivent être approuvés ou refusés. Il serait utile de raccourcir ces débats pour, premièrement, que l'on ne dépense pas pour rien l'argent du contribuable et, deuxièmement, que l'on puisse faire des choses plus importantes, notamment légiférer, comme ce serait normal, alors que l'on a un peu de peine à le faire ces derniers temps au sein de ce parlement. Par conséquent, j'aurais souhaité - et je soumets une motion d'ordre - qu'il ne soit laissé que cinq minutes par groupe pour se déterminer et que, au-delà de cette période de cinq minutes, on passe au vote sans poursuivre le débat tel qu'il a été commencé.
Le président. Je n'ai pas compris, Monsieur, si c'était sur cette politique publique ou sur l'ensemble ?
M. Lionel Halpérin. Pour chacune des politiques publiques... Sur l'ensemble des politiques publiques, pardon. (Exclamations.) Sur l'ensemble des politiques publiques ! (Commentaires.)
Le président. Très bien. (Commentaires.) Je vais vous soumettre une motion d'ordre consistant, si j'ai bien compris, à attribuer cinq minutes par groupe pour l'ensemble des politiques publiques. (Commentaires.) Nous votons à une majorité des deux tiers.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 52 non contre 30 oui.
Le président. Nous poursuivons nos débats. La parole est à... La parole était effectivement à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais revenir sur un petit mensonge que le parti socialiste a proféré tout à l'heure, puisque la commission fiscale n'a absolument pas refusé le projet de loi cité il y a peu sur la réévaluation des immeubles, mais elle l'a simplement amendé pour permettre au Conseil d'Etat de faire son travail, car, bien avant ce projet de loi, nous en avions voté un permettant de lui donner les outils pour évaluer les immeubles, et c'est ce parti qui l'a lui-même refusé. Il ne faut donc quand même pas dire n'importe quoi. (Remarque.) Maintenant, vous l'avez refusé, cela vous regarde.
A présent, concernant les outils fiscaux quels qu'ils soient, bien sûr, ils ne plaisent peut-être pas à tout le monde; mais il faut vraiment arrêter avec cette légende qu'est la prétendue perte fiscale. Vous pouvez regarder les chiffres de ces dix, vingt ou trente dernières années: chaque fois qu'il y a eu non pas une perte mais une baisse de la fiscalité, ce sont les recettes qui ont augmenté. Cela s'est vérifié à chaque fois, et cela se vérifiera encore pour d'éventuelles baisses fiscales; même les 400 millions de pertes dues aux 13% - car là, oui, même le Conseil d'Etat parle d'une perte fiscale de 400 millions - représenteront en réalité des bénéfices et des économies supplémentaires: en effet, avec ce taux à 13%, l'enjeu est de maintenir l'acquis genevois, à savoir garder un maximum d'emplois sur notre territoire et éviter que les entreprises ne partent, que des gens ne se retrouvent au chômage et subsidiairement à l'aide sociale. C'est là-dessus que porte la véritable économie: si l'on maintient tous ces emplois, il n'y aura pas plus de chômage et forcément, à terme, moins de personnes à l'aide sociale.
Quant aux forfaits fiscaux, c'est la même problématique: il faut voir non pas ce qu'ils rapportent directement, mais tout ce qu'ils rapportent indirectement. Parce qu'on le sait très bien, outre le fait qu'ils paient un forfait, ces gens apportent non seulement un bénéfice à toute l'économie de la commune où ils habitent, mais également à l'ensemble du canton, puisqu'ils dépensent de toute façon et, en plus de cela, ne regardent pas à la dépense: ils font tourner les petits commerces dans leur commune, car ils ne regardent pas forcément les prix de leurs achats et font ainsi plus facilement des courses dans les petites épiceries et ces petits commerces, plutôt qu'une personne d'un revenu moyen qui, elle, à un moment ou à un autre, devra nécessairement faire plus attention à ce qu'elle dépense et favorisera plus, malheureusement, les grands commerces comme on les connaît ici à Genève.
Arrêtez donc de dire que l'on perd de l'argent, c'est totalement faux ! Et je remercie au contraire le Conseil d'Etat pour sa bonne gestion - qu'elle plaise ou qu'elle ne plaise pas - puisque en tout cas pour moi, ce n'est pas forcément avec plaisir que je paie mes impôts tous les mois, mais il faut dire ce qui est: la machine arrive quand même à tourner, les bénéfices sont là, et pour cela, je remercie le Conseil d'Etat pour sa bonne gestion des impôts et lui enjoins de continuer de la sorte. Je vous remercie.
M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, nous sommes effectivement en train de débattre sur les comptes de l'Etat, mais même si je suis nouveau, comme d'autres, j'ai eu l'opportunité de les suivre à la télévision avant. Nous parlons aussi de gestion des deniers de l'Etat, c'est plutôt dans cette optique-là que nous discutons aujourd'hui, et pas simplement pour dire si nous sommes d'accord ou pas avec ces comptes, à part s'il y avait un problème dans ceux-ci, que quelqu'un avait piqué dans les caisses: alors là, forcément... Nous discutons aussi aujourd'hui de politique et nous sommes mandatés par le peuple pour discuter de politique, surtout de la politique au niveau fiscal, ce qui nous concerne en ce moment.
Vous transmettrez à M. Romain de Sainte Marie que je ne connais pas son handicap, et je le dis en toute amitié, mais vu qu'il a toujours travaillé dans des emplois protégés - auparavant la Ville de Genève, aujourd'hui dans une université - il ne comprend peut-être pas le vrai sens du travail. Mais moi, je pourrais le lui expliquer ! Je lui ai déjà donné plusieurs fois comme conseil de trouver un vrai job, surtout un job d'entrepreneur, et il comprendra après... (Remarque.) ...et oui, il comprendra après ce que cela veut dire... (Commentaires.) ...entreprendre dans la vie, et surtout prendre des risques. Parce qu'effectivement, vous parlez de moi, de mon entreprise... (Remarque.) Vous, vous parlez de mon entreprise - je vous en remercie, vous lui transmettrez, car au moins vous faites de la publicité, c'est une bonne chose - et moi, en tant que petit patron d'une PME, je vous dis en toute honnêteté, mon cher ami: chaque fois que vous me baissez les impôts, je peux engager, et si j'engage - moi ou d'autres - je fais baisser le chômage. Or aujourd'hui, le problème numéro un de ce canton n'est pas un problème de riches, et je suis encore une fois très étonné de voir comment la gauche, notamment le parti socialiste, continue dans la dérive où il se trouve déjà depuis quelques années, à savoir qu'il ne protège plus les pauvres, mais qu'il préfère être dans les combats dogmatiques anti-riches: je ne l'entends pas parler des pauvres; et ça, c'est le problème de ce canton, c'est-à-dire qu'il a aujourd'hui le chômage le plus élevé de la Suisse. Comment va-t-on résoudre ce problème ? J'ai encore vu ici ce soir une manifestation faite par la gauche, par laquelle elle protestait parce que 89 emplois allaient disparaître à cause d'une multinationale; or cette dernière a les conditions-cadres, notamment au niveau fiscal, pour continuer à produire dans le canton de Genève, et elle ne va pas ailleurs, notamment dans d'autres cantons en Suisse donnant de meilleures conditions-cadres.
Arrêtez donc de nous bousiller la tête avec vos théories du passé en disant: «Prenons aux riches pour distribuer aux pauvres !» Cela ne marche pas comme ça ! Aujourd'hui... (Remarque.) ...aujourd'hui les gens qui ont des moyens représentent une petite minorité, et ayant quand même un capital substantiel, ils peuvent partir en moins de huit jours à Londres, à Singapour, voire en Autriche, où vous voulez ! Ils n'ont pas besoin de vous, ils n'ont pas besoin de Genève ! Vous nous dites: «Ils restent là; on va augmenter les impôts, mais ce n'est pas grave, de toute façon ils profitent de notre sécurité, ils profitent de nos routes.» Ah oui ? Moi, si j'étais aujourd'hui milliardaire, il est vrai que je serais très content de me faire voler ma voiture trois fois par semaine, de me faire agresser dans la plupart des quartiers en ville de Genève et d'avoir des bouchons à la fin de la journée. Où sont ces conditions-cadres ? (Brouhaha.) Il nous reste actuellement l'arme de la fiscalité et elle est très importante. Ne soyons pas dupes - ne soyons pas dupes ! Prenons l'Irlande - prenons l'Irlande ! Les miracles irlandais, c'est 13%, c'est une fiscalité pour tous, c'est 13% ! (Commentaires.) Si nous voulons donc absorber le chômage dans ce canton, une des mesures qui nous reste est une politique fiscale favorable, et au MCG nous sommes depuis toujours pour construire un social efficace, nous avons ainsi besoin d'une économie forte, une économie qui permet précisément à ces multinationales de créer de la richesse. Mais ce n'est pas en taxant les riches, en les criminalisant comme vous le faites et en les appelant de tous les noms que nous allons continuer à garder une prospérité dans ce canton. M. Hiler, votre prédécesseur, avait dit une phrase qui m'avait bien plu: «Faites comme vous voulez, mais si vous désirez devenir la capitale mondiale du textile, moi, je vais vous payer des salaires comme à Dakar !» (Commentaires.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en guise de toile de fond, je voudrais vous signaler que l'Etat veut ramener la dette à la hauteur de ses revenus 2013, soit de 12,8 milliards à 9,18 milliards, ce qui représente les recettes d'impôts de notre Etat. Si l'on calcule l'amortissement du surplus de la dette sur dix ans, ce qui fait 3,62 milliards, cela veut dire que l'Etat doit économiser 362 millions chaque année. En plus de ce montant, il est nécessaire de trouver 200 millions d'excédent par an sur les comptes de fonctionnement pour autofinancer les investissements, et 150 millions pour combler le déficit structurel de l'Etat. Au total, l'Etat doit donc économiser 710 millions par année, ce qui, en guise de comparaison, représente 4522 postes de travail à diminuer, le salaire moyen des employés de l'Etat s'élevant à 157 000 F par année. Etant donné que nous sommes aujourd'hui à la moitié de l'année 2014, nous devrions avoir réalisé jusqu'ici 355 millions d'économies depuis le 1er janvier. Peut-être que M. Dal Busco nous transmettra de bonnes nouvelles tout à l'heure.
C'est essentiellement dans deux rubriques du compte d'exploitation de l'Etat, représentant 66% du total des charges, que nous pouvons trouver une très grande partie des économies à réaliser. C'est dans les subventions s'élevant à 3,8 milliards que nous devons chaque année économiser un montant important, ainsi que dans les charges de personnel qui se montent à 2,2 milliards. Si le Conseil d'Etat décide de diminuer le montant des subventions, les charges de personnel devraient diminuer dans une certaine proportion, et ce personnel devrait certainement retrouver de l'emploi à des postes de travail dans le secteur privé du canton de Genève, au détriment des collaborateurs et collaboratrices venant d'autres cieux !
Je ne suis pas en mesure de vous donner de meilleures nouvelles; le conseiller d'Etat - le responsable des finances - compare même la situation financière de notre canton à celle du «Titanic», après la collision. Mais avant le naufrage, le bateau est à flot, l'orchestre joue, pourtant la coque est percée et il faut évaluer les dégâts. Une catégorie toujours plus importante de citoyens peut décider des dépenses de la collectivité sans en supporter les conséquences financières, c'est inacceptable ! Un impôt forfaitaire annuel et minimal, faisant prendre conscience au citoyen qu'il est aussi contribuable et pas seulement bénéficiaire, devrait être de mise. Merci, Monsieur le président.
M. Roger Deneys (S). En tout cas, pour ce qui est de créer de l'emploi, je crois que l'UDC va sans problème trouver du travail au cirque Knie dans les numéros humoristiques, parce que parler des problématiques des finances publiques quand on propose la traversée de la rade à l'inutilité avérée, qui coûte un milliard et demi et dont le délai de réalisation est de huit ans... eh bien, en l'occurrence, non seulement le «Titanic» aura un iceberg, mais il aura en plus un pont ou un tunnel dans la figure, et il coulera donc trois fois plus vite avec l'UDC et le MCG !
Pour en revenir aux questions des recettes fiscales et des impôts, je crois qu'il est nécessaire d'indiquer que le parti socialiste n'est pas dogmatique de manière à dire qu'il faut absolument augmenter les impôts...
Des voix. Ah !
M. Roger Deneys. ...comme une fin en soi. (Commentaires.) Ni pour les riches, ni pour les autres, mais je crois que c'est une question d'équilibre et une question de lecture des chiffres ! M. Riedweg a effectivement raison quand il dit qu'il faudrait dégager un excédent de plus de 300 millions par année pour essayer d'améliorer la situation des finances publiques cantonales. Il n'y a pas de miracle ! Ces 300 millions de recettes fiscales supplémentaires, ou ces 300 millions d'économies que vous voulez faire, il s'agit simplement d'essayer de savoir comment vous voulez les réaliser. Et je pense que l'hypothèse que les socialistes font, celle de dire qu'il faut peut-être de nouvelles recettes fiscales, est une question de pragmatisme ! Relisez la réponse du Conseil d'Etat à ma question écrite urgente 202, on voit les chiffres: sans la baisse d'impôts de 2009, il y aurait eu 433 millions de plus de recettes fiscales à l'imposition au barème ordinaire pour l'année 2012, toutes choses égales par ailleurs. On a donc décidé, en 2009 - ce canton a décidé, cette majorité de droite, avec le MCG, a décidé - de se priver de 400 millions de recettes fiscales par année. (Commentaires.) Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui on en paie les conséquences: la dette a explosé de près de 3 milliards - 2,5 milliards - en quelques années, en trois ans, et je crois qu'il faut maintenant en assumer les effets ainsi qu'en tirer des conclusions ! Ce n'est pas de gaieté de coeur que l'on parle d'une nouvelle augmentation des impôts, peut-être uniquement pour certaines catégories de la population. Mais on remarque simplement qu'aujourd'hui la dette explose et que l'on a en plus une situation paradoxale, avec des très riches qui sont en plus grand nombre d'un côté, et des personnes s'appauvrissant dont le nombre augmente massivement de l'autre côté - on n'a qu'à voir les chiffres de l'Hospice général. Comment pouvons-nous faire face à ces dépenses pour les personnes dans le besoin si nous n'avons pas de nouvelles recettes ? On ne peut pas simplement construire des ponts ou des tunnels pour faire circuler des voitures, cela ne résout aucun problème ! Mesdames et Messieurs les députés, nous devons donc être conscients qu'un mécanisme de baisse d'impôts peut se justifier quand les recettes et la situation du canton le permettent, mais il s'agit de pouvoir reconnaître que cela ne marche pas aujourd'hui et qu'il faut peut-être de nouvelles recettes.
M. Gautier, qui fait des syllogismes à longueur de séance, vient nous dire: «Ah oui, mais 62% de ces recettes fiscales vont aux paiements des salaires, ce ne sont pas des prestations.» Et les professeurs qui enseignent, ce ne sont pas des prestations ? Et les infirmières qui soignent, ce ne sont pas des prestations ? Et les policiers qui circulent dans la rue, ce ne sont pas des prestations ? (Remarque.) C'est quoi, Monsieur Gautier ? Et je vous dirai encore autre chose: si l'on baisse les subventions, comme vous le faites à longueur de séances de la commission des finances, le pourcentage alloué aux salaires va lui-même augmenter, parce qu'il n'y aura bientôt plus que cela ! Il n'y aura plus rien d'autre, donc le 100% des recettes fiscales sera utilisé pour payer des salaires de fonctionnaires, parce que vous coupez toutes les subventions, y compris celles de vos amis du PDC, à 150 000 F le 80% au Club suisse de la presse. Et donc ça, Mesdames et Messieurs les députés, ce ne sont pas des économies, c'est comme le quatorzième salaire ! (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut raison garder: l'hypothèse d'augmenter les impôts d'une façon ou d'une autre est simplement raisonnable aujourd'hui, et déclarer que si l'on supprime le bouclier fiscal, on risque de faire fuir les riches, c'est peut-être vrai, mais il est simplement nécessaire de rappeler que cette mesure date de 2010 - elle n'existait pas avant - et qu'année après année, on a à peu près cinq mille nouveaux résidents dans le canton de Genève; on n'a pas eu, tout à coup, d'exode des Ferrari quand on a vu le bouclier fiscal apparaître, ils ne sont pas tous venus dans le canton de Genève, et à l'inverse, on peut penser qu'ils ne partiront pas tous si on le supprime. C'est probablement aussi une question de conjoncture, peut-être que l'on pourra revenir en arrière dans trois ans et réinstaurer ce bouclier fiscal...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Roger Deneys. ...si les finances cantonales le permettent ! Il faut être pragmatique dans cette question !
M. Michel Ducommun (EAG). J'ai une première réaction: je trouve que la droite a une certaine cohérence dans la continuité. (Commentaires.) Je m'étais intéressé au problème... (Commentaires.) Attendez, laissez-moi quand même finir ! Je m'étais effectivement intéressé à la question des recettes, c'était il y a trente ans à peu près et je n'étais pas député, mais il est vrai que j'étais dans des combats syndicaux en lien avec le budget disponible de l'Etat. Et il y a trente ans, l'argument que j'entendais était le suivant: «On ne peut pas augmenter les impôts des riches, parce que sinon ils partent ! On va les faire fuir !» Ce qu'il y a d'intéressant, c'est la force, je trouve, qu'a la droite d'arriver à faire croire qu'un mensonge est une vérité, parce que depuis trente ans le même discours est appliqué, et depuis trente ans il y a simplement une augmentation des très riches, et pas une diminution. (Commentaires.) Plus ils partent, plus il y en a ! Je trouve qu'il y a là un petit problème, et vous arrivez... (Brouhaha.) ...et vous arrivez à faire croire qu'ils vont partir... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...alors qu'en réalité, il n'y a qu'à voir les chiffres, ils sont de plus en plus nombreux. Ça, c'est l'idée de ce départ des riches: depuis trente ans, on voit que c'est un mensonge, et c'est un mensonge, hélas, qui est devenu crédible, parce que vous avez un certain pouvoir sur les moyens d'informations.
J'en arrive à ma deuxième remarque: il y a des gens qui n'étaient pas d'accord sur le fait que la baisse des impôts avait abouti à ce que chaque année, sauf la première en 2010, il y ait eu une augmentation des impôts payés, mais c'est quand même le Conseil d'Etat qui a dit qu'il y a eu 433 millions en moins en 2012, comme résultat de l'application de la diminution d'impôts. S'il n'y avait pas eu cette diminution, les recettes auraient été supérieures de 433 millions en 2012. Et sur trois ans, cela fait donc quand même plus d'un milliard; on a ce souci de la dette, tout à coup l'on dit que ça ne va plus avec cette dette - ça ne va plus, ça ne va plus ! - alors que l'on a accepté d'avoir un milliard en moins sur trois ans. Et puisque cela augmente chaque année, à mon avis, cela veut dire que cela représentera un milliard dans deux ans, et de ce point de vue là, lorsque M. Riedweg disait qu'il nous faut au moins 300 millions de plus, on voit bien que vous avez renoncé à ces 300 millions de plus, ou même à davantage. Je trouve qu'il y a donc là un problème.
Je voulais aussi répondre à la question concernant les riches: ce n'est pas que j'aie un petit air de dégoût quand je prononce ce mot... (Remarque.) ...mais je trouve qu'à la fois en termes de fiscalité et s'agissant de comprendre d'où vient la richesse des riches, ces derniers ne produisent pas la richesse.
Une voix. C'est faux !
M. Michel Ducommun. Les riches accumulent une richesse produite par les travailleurs ! Il n'y a pas d'autre... (Commentaires.) Vous pouvez rigoler, mais je vous défie... (Commentaires.)
Une voix. Chut !
M. Michel Ducommun. ...je vous défie de trouver une explication à l'origine du profit qui ne soit pas en lien avec la théorie de la valeur, parce que les autres théories... J'ai étudié ces théories, et c'est effectivement subjectif, c'est la subjectivité des gens, n'est-ce pas; mais cette subjectivité n'explique pas pourquoi une voiture est plus chère qu'un stylo ! Et pourquoi une voiture est-elle plus chère qu'un stylo ? Parce qu'une voiture nécessite plus de travail qu'un stylo ! Et là, ce n'est pas simplement... (Commentaires.)
Le président. Chut !
M. Michel Ducommun. ...la subjectivité de l'attrait à un stylo qui le fera tout à coup devenir plus cher qu'une voiture.
Et ce qui m'intéresse quand on dit «milliards» par rapport aux revenus... Alors je l'ai dit, plus ils partent, plus il y en a; c'est à Genève qu'il y a le plus grand nombre de milliardaires de Suisse. (Commentaires.) Il y en a trois fois plus à Genève qu'à Zurich, dix fois plus qu'à Zoug et trois ou quatre fois plus que dans le canton de Vaud. C'est Genève qui, avec quarante milliardaires, a la plus grande densité de milliardaires.
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Michel Ducommun. Combien ?
Le président. Trente secondes.
M. Michel Ducommun. Trente secondes. Alors, je fais simplement le calcul: si une personne a une fortune de 5 milliards, elle aurait 50 millions d'impôts à payer. Comme il y a quarante milliardaires, cela ferait donc 2 milliards d'impôts que seuls les quarante milliardaires de Genève devraient payer. Je n'y crois pas, et je pense ainsi que, du point de vue des sommes versées par les milliardaires...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Michel Ducommun. ...il y a encore de la marge. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Je ne veux pas vous faire une théorie sur les riches, mais heureusement qu'il y en a, et on voit que vous ne les connaissez pas du tout, parce que la plupart des riches... (Remarque.) ...ont une éthique extrêmement élevée, redistribuent beaucoup d'argent et ne le font en général pas du tout savoir, contrairement à la gauche.
Quel est le vrai problème ? En fait, c'est le train de vie de l'Etat ! Dans un ménage, quand vous dépensez plus que ce que vous gagnez, que faites-vous ? Bon, la gauche, vous me direz qu'il y a l'Hospice général, alors certains y vont. Mais les gens responsables ? Eh bien, vous diminuez simplement votre train de vie, c'est-à-dire que vous vous passez de votre voiture, que vous raccourcissez vos vacances et que vous allez moins au restaurant.
Les recettes de l'Etat sont extraordinairement élevées: je ne sais pas si nous arriverons, une fois, à encaisser autant d'argent que nous en encaissons maintenant. L'économie marche à fond !
L'Etat n'est pas au service de l'administration, il est au service des gens, et ce n'est pas à lui de racketter la population, car il est là pour servir celle-ci et se mettre au service des gens. Arrêtons de racketter la population ! La population en a marre ! Ce n'est pas une question de riches ou de pauvres; diminuons le train de vie de l'Etat, et évidemment, la première chose dont il faut s'occuper - il faudra en parler - c'est de la masse salariale: 62% des dépenses de l'Etat vont dans la masse salariale. Je suis désolé, mais quand vous offrez des quatorzièmes salaires, cela fait trois mois payés - trois mois payés sans travailler ! J'ai croisé notre collègue Fazio à l'Hôpital cantonal ce matin - il est indépendant - et je lui ai demandé: «Combien de temps vas-tu rester à l'hôpital ?» Il m'a répondu qu'il n'allait pas rester trop longtemps, parce qu'il n'est justement pas à l'Hospice général: s'il ne travaille pas, il ne gagne pas d'argent. Ce sont eux les vrais pauvres, les indépendants. (Commentaires.) Ce ne sont pas ceux qui sont assistés ou qui ne veulent pas bosser. A Genève, celui qui a deux mains et deux jambes peut travailler. Si vous allez en Afrique, le pire des handicapés gagne sa vie; à Genève, on a 20 000 personnes à l'assistance dont une partie ne veut pas bosser, et en général elles ne sont pas handicapées. Alors il faut arrêter ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Non, je veux simplement dire que cela m'énerve toujours de plaindre les gens en Suisse, alors que l'on est le pays le plus riche et que l'on a les salaires les plus élevés au monde; la population ne veut plus payer pour cela ! Que l'on diminue donc le train de vie de l'Etat en diminuant les salaires, en commençant par les salaires les plus élevés. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Magali Orsini (EAG). Je voulais simplement ajouter un détail concernant les présentations, car j'ai eu beaucoup de mal à en comparer certaines avec le budget 2013. Je voulais donc savoir ce qui empêchait qu'il y ait exactement la même présentation pour le budget et pour les comptes, de façon que la comparaison soit plus aisée. Quoi qu'il en soit, j'y suis arrivée. Si je prends le tableau concernant la politique publique M «Finance et impôts», j'ai effectivement reconstitué la somme de 6 404 165 098 F qui figure à la page 271 du budget. Mais je me demandais si l'on ne pourrait pas faire un effort pour avoir une présentation homogène, de manière que l'on puisse comparer poste par poste, personnes physiques et personnes morales, etc.; de plus, tout le détail qui était inscrit dans le budget est très intéressant. Et j'en profite pour constater qu'il y a un déficit de 223 millions par rapport au budget. Je voulais ainsi savoir si l'on pouvait avoir quelques explications précises sur la raison de ce déficit, puisque l'on n'a qu'un chiffre global et que l'on n'a pas le détail par personnes physiques, personnes morales et catégories d'impôts, comme c'était le cas dans le budget. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Renaud Gautier.
M. Renaud Gautier. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais simplement réagir aux propos qui ont été tenus tout à l'heure, parce qu'autant l'on peut entendre dire un certain nombre de choses ici, autant il y en a qui sont inacceptables. Dire qu'il y a les gens responsables et les autres, ceux qui sont à l'aide sociale, c'est inqualifiable, Monsieur ! Les gens ne choisissent pas d'être à l'aide sociale, contrairement à ce que vous avez l'air de penser ! Et sur les 20 000 personnes dont vous parliez, il y a des familles, dans lesquelles il y a des enfants; et que voulez-vous donc faire, mettre les enfants au travail ? Cessez, je vous en prie ! Quant aux chômeurs, dire qu'aujourd'hui il suffit d'avoir deux jambes et deux bras pour pouvoir travailler... Allez dire cela à tous les chômeurs de Genève, qui cherchent actuellement de manière désespérée du travail et qui, tous les matins, font encore semblant d'aller travailler parce qu'ils sont touchés... (Brouhaha.) ...et véritablement affectés par le chômage. Venir dire qu'il suffit de vouloir pour pouvoir, c'est inadmissible et c'est indigne, Monsieur ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Gautier, c'est une erreur, ou vous voulez toujours...
M. Renaud Gautier. C'est une erreur.
Le président. C'est une erreur, c'est parfait, merci ! (Commentaires.) Je vais passer la parole au rapporteur puis au Conseil d'Etat. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. J'ai entendu un terme qui est quand même absolument incroyable au sein de ce cénacle: «racketter» la population. Nous sommes les députés d'une république - je ne dis même pas socialiste - qui a décidé, donc, que l'esprit républicain correspondait à ce que chacun paie proportionnellement à ses possibilités et à sa richesse. Et je dois dire que la bourgeoisie de ce canton a accepté cela pendant longtemps - pendant longtemps ! Et vous, vous venez de dire que la république rackette. Mais Monsieur, la république ne rackette pas ! Vous savez, les comptes que vous avez vus - la somme totale - l'Etat les a dépensés en prestations. Il n'y a pas de racket, Monsieur. Peut-être que dans vos activités, cela se passe, mais ici cela ne se passe pas. Point 1: on peut critiquer l'Etat sur sa gestion, mais alors je refuse que l'on prétende que l'Etat rackette quelqu'un !
Ensuite, Monsieur Riedweg, j'ai entendu votre exposé: il est quand même un peu limite ! Vous dites qu'il faudrait instaurer un impôt forfaitaire. Mais si la personne ne paie pas, que fait-on ? On la met en prison ? Je vous pose donc la question, Monsieur: vous avez 50 ans, 55 ans, vous êtes un homme avec formation, vous avez une expérience professionnelle, mais on ne vous veut plus - on ne vous veut plus, on ne vous veut plus ! Alors vous allez à l'Hospice, et puis là-bas vous avez le minimum, et ensuite on vous dit: «Monsieur, vous devez payer mille francs d'impôts, c'est forfaitaire dans la République et canton de Genève - c'est nous, la droite, qui l'avons décidé - et si vous ne payez pas, on vous met en taule !» C'est ça que vous voulez ?
Une voix. Oui !
M. Alberto Velasco. C'est ça, le système social que vous voulez ? Qui a dit oui, là, parce que c'est intéressant ! On criminalise donc les gens parce qu'ils sont dans la misère, c'est ce que vous voulez ? (Commentaires.) C'est le Moyen Age, ça ! C'est l'Ancien Régime: voilà ce que veut la droite de ce canton ! (Commentaires.) Incroyable, l'Ancien Régime ! Parce qu'on est pauvre, on est criminel, et parce qu'on est riche... (Commentaires.) ...et parce qu'on est riche, quelle que soit la richesse - quelle que soit la manière dont elle a été produite - on est ainsi anobli dans la République et canton de Genève. Vive la république que vous voulez pour nous, alors ! Ce n'est plus une république, Monsieur; instaurez une monarchie, ce sera beaucoup mieux ! (Commentaires.) Je trouve qu'il est vraiment scandaleux d'avoir des propos pareils - il faut mesurer ses propos, Monsieur. Une société ne vit que si l'on est solidaire - que si l'on est solidaire ! Et je connais des entrepreneurs solidaires, respectueux, républicains et qui paient des impôts de manière responsable; ils n'ont pas de problème avec cela.
La seule question que nous avons à poser est la suivante: nos impôts sont-ils bien employés, à bon escient, par rapport aux missions que l'on donne à l'Etat ? C'est ça, notre but. Mais alors vraiment, l'avarice...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. ...je veux encore plus - je veux encore plus ! Ça, c'est de l'avarice, Monsieur, c'est de l'avarice ! Voilà, Monsieur le président, je crois vraiment que l'on devrait avoir une dose d'esprit républicain, tous rangs confondus, gauche et droite, et accepter que l'impôt soit utilisé ici, dans notre république, pour donner un avenir à nos familles et à nos enfants. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. J'ai pris beaucoup de notes au cours de cette conversation qui a abordé de multiples sujets, j'ai retenu beaucoup de choses et je vais essayer de répondre de manière globale sur certains thèmes. Mais je voulais simplement évoquer deux mots, enfin deux postures, deux interventions qui vont un peu cadrer mon propos. J'ai entendu M. Deneys prononcer le terme «pragmatisme», il a même dit: «Soyons pragmatiques !» - cela m'a un petit peu surpris, mais enfin, j'ai bien compris; puis j'ai entendu M. le rapporteur, il y a quelques secondes, nous poser la question suivante: «Nos impôts sont-ils bien utilisés ?» Eh bien, figurez-vous que ces deux éléments fondent l'action du Conseil d'Etat en général, et que c'est la préoccupation quotidienne de votre serviteur depuis qu'il assume ses fonctions. Parce qu'il y a des faits, lorsqu'on essaie d'être pragmatique, et j'aimerais simplement vous en relater quelques-uns.
Non, les recettes fiscales ne diminuent pas d'un milliard par an, comme l'a dit M. Vanek tout à l'heure. Au cours des dix dernières années... (Remarque.)
Une voix. Chut !
M. Serge Dal Busco. ...au cours des dix dernières années - il est vrai que lorsqu'il y a eu la réforme de 2010, cela s'est un petit peu stabilisé avant de repartir - les recettes fiscales globales ont augmenté à un rythme de 3,5% par an en moyenne... (Commentaires.) C'est un fait. (Remarque.) Non, mais c'est un fait, Madame Orsini. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Serge Dal Busco. D'ailleurs, indépendamment de la présentation des comptes, vous pouvez retrouver ces chiffres-là, c'est un fait. Comme deuxième élément objectif... (Remarque.) ...je peux vous sortir tous les tableaux possibles et imaginables, puisque les conseillers d'Etat genevois sont très souvent à Berne - je salue d'ailleurs le retour de mon collègue M. Poggia qui en revient - et je vous garantis que nous avons des discussions durant lesquelles nous avons l'occasion d'effectuer des comparaisons avec nos collègues des autres cantons. S'agissant du paradis fiscal que serait Genève, je ne sais pas si c'est une question de sémantique, une question de vocabulaire, parce que c'est effectivement à Genève qu'il y a le taux d'imposition des personnes physiques le plus progressif, le taux sur la fortune le plus élevé et également, aujourd'hui en tout cas, le taux d'imposition sur les personnes morales le plus élevé. Heureusement, et c'est aussi un élément d'appréciation de notre part, que des dispositifs viennent amoindrir et amortir un petit peu cette réalité - c'est l'expérience quotidienne de celui qui est en charge des finances dans ce canton, et en particulier de la fiscalité, grâce aux contacts avec les contribuables et avec les entreprises - parce que sinon, si nous n'avions pas des systèmes comme le bouclier fiscal, notamment, je peux vous garantir qu'un certain nombre de contribuables auraient déjà quitté ce canton depuis longtemps. Cela, ce sont des faits, ce sont des éléments que j'entends et que je peux constater tous les jours.
En ce qui concerne les inquiétudes, j'en ai effectivement entendu quelques-unes qui ont été exprimées, notamment par Mme Forster Carbonnier. Il y a certes lieu d'être inquiet, parce que - et nous sommes là entre nous, bien entendu, nous sommes pragmatiques - on aimerait bien que les conditions dans lesquelles nous avons vécu au cours de ces dix dernières années puissent perdurer, qu'elles puissent continuer ! Ce serait formidable si l'on pouvait continuer à avoir une augmentation des revenus de 3,5% par année. Eh bien, même si les instances qui examinent cela - il y a eu la publication des chiffres cette semaine - estiment que le PIB va continuer à croître de 2,5% et 2,6% en 2015 et en 2016, le Conseil d'Etat est d'avis qu'il faut être relativement prudent avec ces chiffres-là. Pourquoi ? Parce que les conditions-cadres, on l'a vu - on en revient un petit peu au débat de tout à l'heure - ne se sont pas améliorées cette année; des décisions démocratiques ont été prises, mais elles ne vont pas dans le sens d'une continuation de la croissance telle qu'on l'a connue ces derniers temps. Cela, c'est également un fait.
Un autre fait est celui de la nécessité que nous avons - c'est une nécessité, Mesdames et Messieurs - d'adapter notre fiscalité, en particulier la fiscalité sur les personnes morales. Ce n'est pas de gaieté de coeur que le Conseil d'Etat confirme la position qu'il a prise il y a bientôt deux ans, par la voix de David Hiler, à savoir qu'il faut unifier le taux d'imposition à un niveau que vous connaissez - il a déjà été cité ici à de nombreuses reprises. On doit l'harmoniser pour arriver à l'unifier à un niveau nous permettant de minimiser les pertes d'emplois et les pertes fiscales. Il faut des moyens pour cette cohésion sociale à laquelle M. de Sainte Marie faisait allusion et à laquelle le Conseil d'Etat est évidemment très attaché. Mais imaginez ce que serait cette cohésion sociale avec le départ d'un certain nombre de sociétés: ce seraient des milliers d'emplois supplémentaires perdus et donc des chômeurs à la charge de nos systèmes sociaux. C'est cela, la cohésion sociale; nous devons donc absolument, d'une part, veiller à maintenir nos recettes au niveau le plus élevé possible et, d'autre part, faire tourner ce ménage de l'Etat avec les moyens qui sont les nôtres.
L'autre spectre, bien entendu, c'est l'endettement: on l'a vu, on s'approche dangereusement des seuils que ce parlement s'est imposés, seuils qui sont, de notre point de vue, une bonne chose. Eh bien, nous devons maintenant agir. Mme Schneider Hausser a très clairement posé la question suivante: «Que va-t-on faire ?» Alors, je crois que le Conseil d'Etat a annoncé la couleur - même si certains pensent qu'elle est un peu terne, qu'elle n'est pas très précise; il l'a fait dans le programme de Saint-Pierre, il l'a fait dans le programme de législature et il va le faire au travers du projet de budget 2015 qui sera déposé dans les délais - il sera d'ailleurs présenté le 18 septembre: on doit travailler sur la manière dont nous délivrons les prestations, avec les moyens que nous mettons en oeuvre. En ce sens, la question qu'a posée M. Velasco, à savoir: «Utilise-t-on bien nos impôts, nos moyens pour délivrer nos prestations ?», est en effet au coeur du débat, elle est au coeur de nos réflexions, on se la pose et on se la posera ainsi constamment pour, précisément, arriver à limiter notre endettement et à faire avec les moyens qui seront les nôtres à l'avenir. Nous devons nous préparer à ces futurs changements - ils sont relativement proches - et nous attendons que le Conseil fédéral se détermine sur la question dans le courant de l'année, prochainement, enfin à la fin de cet été. Et il faudra ensuite adapter notre législation au projet que retiendront le Conseil fédéral ou les Chambres fédérales. Il ne sert à rien... M. Stauffer n'est pas là, et il voudrait tout de suite voter un 13%...
Une voix. Non, il est là !
M. Serge Dal Busco. Ah, il est là-bas, d'accord. Il ne sert à rien de se précipiter sur cette affaire, il faut être prêt à agir, mais il faudra adapter la solution que votera finalement ce parlement, je l'espère, aux conditions que la Confédération aura préalablement décidées.
Je voudrais encore dire quelque chose concernant la Confédération, puisque M. Leyvraz d'une part et M. Baertschi d'autre part ont abondamment évoqué la question de la RPT au tout début de ce débat. La RPT est effectivement un thème d'actualité, parce qu'on est en pleine discussion à ce sujet, et nous avons eu une séance à ce propos il n'y a pas longtemps à Appenzell, avec mes collègues des finances. Le Conseil fédéral a été dûment averti par les cantons donateurs; ils ne sont pas quatre, ils sont huit, parfois neuf. Et parmi les donateurs globaux, je voulais simplement signaler que Genève paie environ 260 millions net et Zurich 427 millions. Et puis, si l'on prend les chiffres du côté des bénéficiaires, c'est plus surprenant: il est vrai que Berne reçoit 1,1 milliard, mais le canton que je vais vous citer est en revanche de nature à nous énerver profondément: on parle de Lucerne qui, lui, reçoit 363 millions et utilise une partie de cet argent pour baisser sa fiscalité. Ce que je voulais dire, c'est qu'il faut bien avoir conscience que nous sommes en difficultés - on connaît lesquelles - et que les cantons ainsi que nos amis confédérés, je dirais, n'ont que faire de cette situation. Genève est un canton «intrinsèquement riche» - je mets des guillemets - au sens de la RPT, de la péréquation. Pourquoi ? Parce que l'on calcule non pas les ressources fiscales prélevées, mais le potentiel fiscal. Et lorsque l'on compare, sur les mêmes bases, tous les cantons en termes de fiscalité ou de potentiel fiscal des personnes physiques, de leur fortune et des entreprises, eh bien nous faisons partie des riches, des tout riches. Et malheureusement, aux yeux de nos collègues suisses allemands, nous utilisons «mal», entre guillemets, cette richesse, et c'est pour cela qu'ils ne s'apitoient pas sur notre sort lorsque nous devons leur donner tous ces millions. C'est à nous qu'il appartient donc d'agir. Nous avons protesté, les cantons donateurs se sont fait minoriser - nous sommes huit, vous voyez, cela ne fait pas beaucoup sur vingt-six - et malheureusement, la prochaine tranche de la RPT, le prochain système RPT entre 2015 et 2020 va être peu ou prou celui que l'on a aujourd'hui: nous allons continuer à devoir contribuer, à moins que les Chambres fédérales ne changent complètement le système, mais à mon avis, les chiffres et la démographie sont tels que l'on a peu de chances de ce côté-là.
Mesdames et Messieurs, le tableau que j'ai essayé de vous brosser de manière pragmatique, objective, nous incite donc à être inventifs, à agir avec la même créativité sur la manière dont nous allons maintenir notre prospérité, notre dynamisme économique, et je mets là en garde toutes celles et tous ceux qui pourraient nous y entraver: cela aura des conséquences directes sur les prestations. Il faut de la créativité de ce côté-là, et il en faut aussi, Mesdames et Messieurs, de l'autre côté, au niveau de nos dépenses, au niveau de la manière dont on dépense notre argent, et je m'adresse là à celles et ceux qui tiennent d'une part un discours de rigueur, je dirais, mais qui d'autre part, s'agissant de certaines dépenses déjà votées ou potentielles, ne font pas preuve de la même... comment dirais-je, de la même prudence, qui serait pourtant de mise. Je vous signale très sincèrement qu'il faut non seulement être clair dans ses propos, mais qu'il faut ensuite aussi que les actes suivent les discours que l'on prononce ici, dans ce parlement.
Mesdames et Messieurs, la situation est assez compliquée, il faut le reconnaître, et il faudra que ce parlement se rende absolument compte que nous ne pourrons vraiment pas la résoudre et la combattre dans un climat d'affrontements comme il y en a eu ce soir; il faudra vraiment que nous nous mobilisions et que nous arrivions à tous tirer à la même corde. Je sais que c'est peut-être un voeu pieux, mais c'est en tout cas une déclaration que je vous fais de manière très solennelle au nom du Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote de cette politique publique M.
Mise aux voix, la politique publique M «Finance et impôts» est adoptée par 55 oui contre 20 non et 9 abstentions.
N - CULTURE, SPORT ET LOISIRS
Le président. Nous passons à la politique publique N «Culture, sport et loisirs». Je passe la parole à M. Ivan Slatkine.
M. Ivan Slatkine (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer d'être bref, car je ne crois pas qu'il y ait matière à parler pendant une heure de ce programme «Culture, sport et loisirs»; j'aimerais simplement vous expliquer pourquoi le groupe PLR refusera ce programme.
Le premier point qui dérange mon groupe concerne les nombreux doublons que l'on peut constater, en matière de subventionnement de la culture et du sport, entre le canton de Genève et les communes, plus particulièrement la Ville de Genève. Pour nous, il y a un travail de rationalisation à faire; des gains en termes de frais administratifs pourraient être opérés, et dans ce sens-là, nous estimons que le Conseil d'Etat n'est pas assez efficace pour essayer de supprimer ces doublons.
Mais le point essentiel, Mesdames et Messieurs, qui nous pousse à refuser la politique publique N, est l'affaire d'«art&tram». Qu'est-ce qu'«art&tram» ? C'est un projet de loi, le projet 10829, que le Conseil d'Etat avait déposé en 2011 afin de demander un crédit de plus de 5 millions pour participer à la décoration artistique de la ligne de tram TCOB. Cet objet a été étudié à la commission des travaux et une majorité de celle-ci a refusé l'entrée en matière. Le texte est arrivé en séance plénière, et qu'a fait le Conseil d'Etat ? Il a décidé de retirer purement et simplement ce projet de loi, car il voyait qu'il n'aurait pas de majorité pour soutenir ce crédit extraordinaire de plus de 5 millions. Et alors que le DIP vient en permanence à la commission des finances demander des crédits supplémentaires et nous expliquer son manque de moyens pour organiser les rentrées scolaires, ce même DIP retire ce texte et va chercher ces 5 millions sur une ligne budgétaire, dans les dépenses générales, au nez et à la barbe de notre parlement, contournant la volonté de la majorité. La moralité de cette histoire est la suivante: quand le Conseil d'Etat a besoin de trouver des moyens financiers et qu'il est mis sous pression, alors il les trouve. Eh bien pour le PLR, cette manière de faire est totalement inadmissible; le Conseil d'Etat aurait dû prendre acte que le parlement n'avait pas l'intention de donner ces plus de 5 millions pour ce projet, même si celui-ci est peut-être artistiquement et culturellement intéressant, car la majorité de ce parlement estimait que ce n'était pas une priorité et que ces 5 millions avaient plus d'intérêt à être investis, par exemple, dans l'enseignement ou dans des prestations fondamentales pour notre population. Par son action, le Conseil d'Etat a fait preuve, à nos yeux, d'une gestion totalement inadmissible, raison pour laquelle nous refuserons cette politique publique. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Très bien !
M. Jean-Charles Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord une petite remarque: c'est considéré comme un écart d'estimation, mais c'est inscrit sous «subvention accordée», -725 081 F, et l'on dit que «l'écart s'explique par la mise en oeuvre partielle en 2013 du plan coordonné canton/Ville de Genève/Association des communes genevoises (ACG) de soutien à la relève sportive. Dès 2014, le plan sera déployé dans son intégralité». Ce petit exemple pour démontrer qu'avec les moyens alloués, on peut imaginer que l'on ait par la suite un peu plus de souplesse: s'il reste de telles sommes, cette souplesse pourrait servir à aider dès 2014, je l'espère, une association, un club sportif, cherchant des moyens limités mais lui permettant de poursuivre ses tâches.
Vu les sommes allouées par le canton au sport et à la culture, il ne risque pas d'y avoir beaucoup de doublons; il y a le principe de subsidiarité, comme vous le savez, mais une clarification des tâches peut éventuellement être envisagée. Il faut souligner le travail fait ces dernières années par le canton, l'Association des communes genevoises, les communes et notamment la Ville de Genève, avec à la clef une loi sur la culture et une loi sur le sport. Le canton doit devenir crédible, ces prochaines années, auprès des autres partenaires, et plus contributif, avec des budgets plus conséquents, surtout pour soutenir les associations et les manifestations sportives. Mesdames et Messieurs les députés, il y a 115 000 licenciés à Genève, et un Genevois sur quatre fait ainsi partie de l'Association genevoise des sports au travers des différents clubs; et je ne compte pas là tous les nombreux sportifs qui sont hors de ces clubs, et qui profitent d'un certain nombre de moyens mis à disposition et notamment, il faut le reconnaître, d'un travail important des communes. Les subventions allouées aux clubs sportifs représentent, si vous prenez leurs propres budgets, environ 10% de ceux-ci. Et je suis toujours prêt à vous dire, depuis toutes ces années, que les subventions représentent des primes au bénévolat, apportant remerciements et reconnaissance à tous ces entraîneurs, ces membres des comités et ces nombreux parents qui, soir après soir, week-end après week-end, donnent de leur temps pour encadrer les jeunes et favoriser quelque chose qui vous est cher à toutes et tous: l'intégration.
Quant aux investissements, il faut souligner les efforts des communes; et en ce qui concerne le canton, avec le défi qui nous attend avec la nouvelle patinoire, la réponse à ce défi sera le meilleur indicateur de la volonté du canton de devenir un partenaire crédible. On ne peut d'ailleurs que se féliciter que Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta ait pris la présidence du comité de pilotage pour une nouvelle patinoire.
Vous voyez donc, plutôt que de déclarer qu'il y a des doublons avec les sommes allouées, on peut dire, au contraire, que l'on ne peut que mieux faire en matière de sports et de culture au niveau du canton, avec deux lois - mais il ne faut pas seulement des lois - ainsi que des moyens permettant à ces lois d'être crédibles. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). En commission, le groupe UDC s'était abstenu. Comme premier point, il faut dire que nous hésitions déjà à nous abstenir, parce que nous estimons que l'histoire que M. Slatkine a expliquée - le Conseil d'Etat qui dépense de l'argent sur un projet alors que le Grand Conseil lui en a refusé la subvention - est assez scandaleuse. Néanmoins, nous nous sommes dit que nous pouvions quand même passer sur le reste de cette politique publique; il faut reconnaître qu'à Genève nous n'avons pas la culture, pour prendre cet exemple, d'une ville de 250 000 ou 300 000 habitants. Notre offre culturelle correspond en effet à celle d'une ville de deux millions d'habitants: c'est exceptionnel et, dans un certain sens, c'est très bien. En revanche, quand nous avons appris que nous soutenons le cinéma romand et que nous subventionnons des films dont les entrées en salle, pour les plus mauvais, ont été de 33, 34 et 89 spectateurs, nous avons quand même considéré que là, l'argent public n'est pas bien dépensé. Cela nous a donc un peu mis en colère, ce qui fait que nous allons refuser cette politique publique.
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je remercie M. Leyvraz de parler des films qui font peu d'entrées; les films d'Eisenstein ne faisaient aucune entrée, mais aujourd'hui nous savons qu'il est et qu'il a été un grand réalisateur. Les entrées ne forment donc pas une bonne raison.
Néanmoins, j'aimerais en revenir au problème de la culture. Dans les années 30, on a divisé les missions, les compétences: la Ville prenait la culture et l'Etat prenait le social. Aujourd'hui, on peut constater que l'Etat fait de moins en moins de social - on a entendu les déclarations de la droite tout à l'heure. Et puis pour la culture, j'ai un exemple - il est vrai qu'il y a eu des déclarations et des promesses, mais celles-ci font danser les fous, c'est tout ! Le canton de Genève donne une subvention de 50 000 F au Grand Théâtre, qui nous coûte 36 millions à la Ville. Vous comprendrez donc que nous ne pensons pas qu'il y a des doublons, mais nous considérons, en l'occurrence, qu'il y a complémentarité. Or, que voyons-nous aujourd'hui ? Il est vrai que le sport n'est pas très aidé; quant à la culture, j'ai l'impression que ces Messieurs, si vous ne sortez pas vos revolvers, vous sortez vos ciseaux ! C'est-à-dire qu'à la première occasion, on coupe sur la culture ! (Remarque.) Sauf que c'est dommage ! Nous avons la chance, dans ce canton, d'avoir une population particulièrement créative, qui se donne de la peine, nous avons des théâtres, des metteurs en scène, des peintres, nous avons une population artistique absolument rare pour un petit bassin comme le nôtre: nous devrions en tirer avantage au lieu de considérer que c'est une charge ! Parce que de la même manière que l'aéroport est important pour la région, la culture l'est également et elle fait rayonner une ville. Or, il faut donner plus et mettre plus de moyens au service de la culture - et cela, tous les responsables des finances vous le diront - car un franc dans la culture, c'est trois francs de retour, c'est-à-dire que l'on gagne de l'argent à investir dans ce domaine. Alors il est vrai que, pendant des années, les rangs de la droite ont défendu d'une certaine manière la culture qui est la leur, mais néanmoins ils l'ont défendue. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'ils ont tout abandonné et qu'ils considèrent que... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Salika Wenger. ...c'est un luxe qu'ils veulent bien s'offrir, pour autant que ce soient les autres qui paient !
M. Pascal Spuhler (MCG). Effectivement, sur ce point de la culture et du sport, on peut surtout noter la grande différence de soutien entre ces deux domaines: il y a à peu près 70 millions pour la culture et misérablement 5,5 millions pour le sport. Et là, je trouve que l'on ne fait vraiment pas un gros effort, parce que s'il y a quelque chose d'important et que l'on doit absolument développer, en tout cas pour notre jeunesse désoeuvrée qui a souvent de la peine à se retrouver et pour les jeunes qui ont besoin d'aide, c'est justement le sport, et non pas une culture pour «gauchos-bobos». Je pense donc franchement qu'un gros effort de la part de ce canton doit être fait au niveau du sport. La Ville en fait un peu, je le reconnais, elle fait ce qu'elle peut - elle fait déjà beaucoup pour la culture - mais on doit sincèrement faire beaucoup plus pour le sport. Pourquoi doit-on faire plus ? Parce qu'un jeune qui traîne, c'est un jeune qui ne peut pas s'entraîner, et quand un adolescent a besoin de retrouver des repères, il les retrouve dans le sport, dans les sports d'équipe... (Remarque.)
Une voix. Chut !
M. Pascal Spuhler. ...avec des professeurs qui sont suffisamment bien formés pour l'encadrer et pour le rediriger. On doit donc absolument faire un effort là-dessus, et je pense que c'est le travail de cette législature.
En ce qui concerne la culture, Mesdames et Messieurs, la Ville de Genève... (Brouhaha.) Je ne voudrais pas que le caucus du PLR se dérange pendant que je cause ! (Remarque. Brouhaha.) Merci.
Le président. Poursuivez, Monsieur.
M. Pascal Spuhler. Je disais donc, Monsieur le président, que la Ville de Genève fait énormément pour la culture, et il est vrai qu'elle a demandé un soutien, grâce à un accord signé en 2013 avec l'ancien conseiller d'Etat, M. Charles Beer, et également grâce à la loi sur la culture adoptée par ce parlement; des accords ont été trouvés et il y a eu, entre autres, des engagements. On donne donc un million par année pour le Grand Théâtre, alors qu'il est vrai que la Ville de Genève met 60 millions ! Et 45 millions pour la nouvelle Comédie ! Ah, on a fait là un effort, mais est-il vraiment utile ?
Une voix. Mais oui !
M. Pascal Spuhler. Mais oui ! (L'orateur imite le député qui a fait la remarque précédente.) C'est vrai qu'on n'a rien du tout à Genève ! Mesdames et Messieurs, 45 millions pour une nouvelle Comédie et pour, une fois encore, une élite - une élite ! (Commentaires.) Mais oui, Mesdames et Messieurs, on a besoin d'argent pour d'autres endroits, et je crois que M. le conseiller d'Etat a fait une petite annonce dernièrement concernant, précisément, la réfection des écoles qui va être faite cet été - je me félicite d'ailleurs de cet effort. Je pense donc que ces 45 millions seraient beaucoup plus utiles pour retaper les bâtiments des écoles délabrées que pour construire une belle Comédie où des gens, avec un porte-monnaie rempli, pourront aller se régaler d'un spectacle ou d'un autre. (Brouhaha.) Personnellement, je salue le fait qu'il y ait des spectacles, des théâtres et des Comédies, mais il y a d'autres urgences, et pour moi la nouvelle Comédie n'en est pas une.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en ce qui concerne le subventionnement, ou plutôt l'aide au sport, j'aimerais quand même rappeler, pour que les choses soient précises, que les quelque 5 millions attribués à des associations ou à des clubs sportifs, voire à des sportifs d'élite, à de jeunes talents ou à la relève, ne proviennent pas des caisses de l'Etat mais du Fonds de répartition de la Loterie romande et du Sport-Toto. Je crois qu'il faut bien le mentionner, et je répète ce qui a été dit tout à l'heure: pour ces associations sportives, c'est une reconnaissance de la qualité et du travail des bénévoles, et notamment de ceux engagés en tant que moniteurs et donnant beaucoup de leur temps pour la formation et l'animation des jeunes. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Ivan Slatkine (PLR). Permettez-moi d'intervenir à nouveau quelques instants, parce que je crois qu'il faut être très clair: le groupe PLR soutient la culture et le sport, ce n'est pas moi qui dois vous le prouver. Nous dénonçons simplement les doublons, et j'entends que l'Etat donne 50 000 F par an au Grand Théâtre alors que la Ville lui en donnerait 50 millions. Quel est le sens de donner 50 000 F ? Cela occupe des fonctionnaires, cela prend du temps, cela engendre des travaux administratifs et il y a une rationalisation à faire ! Que la Ville s'occupe d'un domaine et que l'Etat s'occupe d'un autre, mais que l'on arrête d'avoir des croisements entraînant une situation dans laquelle tous les dossiers doivent être envoyés à double. Je vais vous donner un petit exemple: dans mon domaine, celui de l'édition, quand vous faites une demande d'aide à l'édition à la Ville et à l'Etat, c'est la même adresse pour envoyer vos dossiers, mais il faut les envoyer deux fois, car deux équipes de fonctionnaires vont les traiter et il y aura donc ensuite deux principes de décision. C'est aberrant !
Je terminerai en vous disant que tout compte fait, les personnes les plus actives au niveau de la culture sont les mécènes genevois, et il faut les remercier.
M. Roger Deneys (S). Vous transmettrez à M. Spuhler que s'il regarde les comptes de la Fondation d'art dramatique, qui se trouvent dans un projet de loi pour un soutien cantonal, il verra que les recettes dues aux spectateurs représentent, et j'en étais moi-même dépité, 10% des coûts de fonctionnement de cette fondation. Cela veut donc dire que, sans subvention, le prix des billets exploserait, cela deviendrait certainement un art d'élite, alors qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas... (Remarque.) ...aujourd'hui ce n'est pas le cas, et cela permet notamment de payer des gens à peu près décemment - quand ils sont payés et quand ils ont du travail - et d'offrir un accès à la culture aux élèves de ce canton, indépendamment des revenus de leurs parents. C'est là une préoccupation majeure pour les socialistes: laisser un accès à la culture... (Brouhaha.) ...et à toutes les cultures, pas seulement à celle qui représente peut-être le modèle de la culture nationaliste de certains partis - toute la culture pour tous les jeunes de ce canton !
Pour le reste, vous transmettrez à M. Slatkine, du PLR, qui fait de grandes déclarations sur la culture, qu'en l'occurrence il a voté avec le MCG la suppression totale de la subvention à la Fondation romande pour le cinéma: c'est moins 2 millions sur un accord intercantonal romand, et ça, c'est le vote du PLR !
M. Ivan Slatkine (PLR). On a entendu les propos de M. Deneys, qui est en train de mélanger des débats, mais ce n'est pas le PLR qui a coupé la subvention au cinéma - et l'on en reparlera en plénière quand le rapport sera déposé, puisque je suis rapporteur de majorité - ce sont les socialistes qui ont fait en sorte qu'il n'y en ait plus dans ce domaine ! Je crois donc qu'il faut remettre les pendules à l'heure. Je vous remercie. (Commentaires.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Je ne vais pas être long, je vais même être très rapide. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Serge Dal Busco. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'excuse ma collègue Anne Emery-Torracinta qui ne peut pas être là pour parler de cette politique publique; mais je voudrais dire, en préambule, que la culture est un élément très important pour le Conseil d'Etat, nous reconnaissons pleinement qu'elle contribue largement au rayonnement de la ville de Genève, et quand on parlait tout à l'heure des conditions-cadres de manière générale, cela y contribue beaucoup.
Nous devons évidemment avoir une réflexion sur les moyens dont nous allons pouvoir disposer à l'avenir, et il n'est pas exclu que, concernant la culture, ce domaine-là comme d'autres, tous les autres, nous soyons appelés à vous faire des propositions concrètes. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Serge Dal Busco. Cependant, s'agissant de la culture et du sport - mais on parle ici de la culture - il y a précisément un potentiel de collaboration grâce aux lois votées dans ce domaine. J'ai entendu le terme «subsidiarité» et celui de «doublon»: il y a un terrain à travailler avec les communes à ce propos, afin d'être vraiment efficace, et je dois dire que je partage assez l'avis des personnes qui expliquent qu'une petite subvention générant beaucoup de travail administratif n'a peut-être pas lieu d'être. On va donc travailler très concrètement à ce sujet.
Je ne suis très franchement pas certain, Monsieur Rielle, que le canton ait les moyens d'être plus contributif, et je m'adresse aussi à vous, Monsieur Spuhler, car c'est un des exemples dont je parlais tout à l'heure: on veut baisser les impôts, mais il faut aussi prendre garde à ne pas augmenter les prestations, comme vous semblez vouloir le faire. (Remarque.)
En ce qui concerne «art&tram», je comprends que ce soit la source d'un mécontentement sur certains bancs, mais le financement a été trouvé en partie grâce au Fonds cantonal d'art contemporain, mais il y a aussi eu des fonds apportés par des privés, qui ont mis de l'argent dans ce projet, et des communes. Et avec le pragmatisme qui caractérise le Conseil d'Etat, dans son ancienne et son actuelle formation, on a donc estimé que cela en valait la peine, surtout que cela se trouve dans une commune qui nous est particulièrement chère, où il y a des éléments très spectaculaires. Voilà ce que je pouvais dire sur ce thème.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs, vous savez que l'on est à la manoeuvre, enfin, que l'on est en train de travailler avec l'ACG sur ces collaborations, sur la manière dont les uns et les autres délivrent les prestations, et il faut fonder des espoirs à ce sujet ! Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vais vous soumettre cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique N «Culture, sport et loisirs» est adoptée par 46 oui contre 30 non et 4 abstentions.
Le président. Je rappelle aux membres du Bureau que nous avons une séance, et je vous souhaite un bon appétit ! Nous reprenons à 20h45.
La séance est levée à 19h10.