République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 6 juin 2014 à 15h
1re législature - 1re année - 9e session - 55e séance
P 1887-A
Débat
Le président. Nous passons à la P 1887-A. La parole est au rapporteur de majorité, M. Christian Frey.
M. Christian Frey (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des pétitions a étudié avec attention la pétition 1887 intitulée «Non à la destruction de l'entrée de Puplinge», qui a été présentée par l'Association Les Campagnes genevoises, laquelle n'existe qu'à Puplinge. Il s'agit de personnes directement concernées par une emprise sur leur terrain privé. En deux mots, le problème consiste en un élargissement de la route de Puplinge destiné à créer une voie de bus sur une courte distance - environ 50 mètres. L'emprise sur le terrain privé est de 4 à 5 mètres, ce qui représente au total moins de 800 mètres carrés d'emprise pour plusieurs propriétaires. L'idée est de réaménager le carrefour entre la route de Puplinge et celle de Jussy en installant un feu robinet pour «stocker» les files de voitures, avec une voie de bus facilitant sa progression et également sa vitesse commerciale. Le tout fait partie d'une conception d'ensemble. Dans cette région, huit carrefours vont être remaniés de la même manière en vue de la construction des Communaux d'Ambilly, qui vont amener la création de 1200 logements dans un délai difficilement définissable. L'idée est d'introduire des transports publics à haut niveau de service, dits bus BHNS. Pour la majorité de la commission, cette pétition défend des intérêts privés qui s'opposent à l'intérêt public de réaménagement de la circulation dans cette zone en prévision de la construction des Communaux d'Ambilly. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le résumé qu'a fait le rapporteur de majorité de cette pétition n'est pas tout à fait correct à mon sens, dans la mesure où cette pétition a été largement soutenue par les autorités de la commune de Puplinge. Lors de leur audition, le maire et les adjoints de Puplinge nous ont confié à quel point ils avaient ressenti comme du dédain de la part des autorités cantonales, puisqu'ils n'avaient pas été consultés dès l'origine du projet des Communaux d'Ambilly. Du reste, ils n'ont pas non plus été associés au projet malgré des incidences sur la circulation générale dans Puplinge. Ils dénoncent également un manque d'attention de l'Etat, qui ne s'est pas donné les moyens de contacter les propriétaires des terrains concernés avant de faire l'annonce des changements prévus dans la «Feuille d'avis officielle». Les autorités de Puplinge proposent une solution toute simple et pratique qui pourrait à leur avis convenir, à savoir la construction de feux préférentiels réservés aux bus TPG, afin d'en faciliter l'entrée dans le trafic de la route de Jussy. Pour ces autorités communales, la solution choisie du feu robinet ne convient pas, puisqu'elle augmentera le trafic automobile de transit à travers Puplinge. M. Marti, le maire de Puplinge, mentionne que la commune a fait recours contre les demandes d'autorisation de construire et signale que les représentants de la DGM ont pris contact avec la mairie pour suspendre la procédure afin de réétudier le dossier.
La deuxième audition a été celle du directeur d'AgriGenève, M. Erard, qui s'est montré très clair: dans ce cas précis, il estime que l'emprise sur la zone agricole, certes modeste, pourrait démontrer de manière symbolique l'intention supérieure de conserver par tous les moyens notre quota de surface d'assolement. Enfin, lors de la troisième audition, les directeurs du DETA et du DALE nous ont annoncé qu'il s'agissait de remplacer plusieurs giratoires sur la route de Jussy par des carrefours à feu et que le délai de réalisation du nouveau quartier des Communaux d'Ambilly était annoncé pour 2023. L'aménagement du carrefour entre la route de Puplinge et celle de Jussy n'est qu'une mesure d'accompagnement géographiquement éloignée du MICA. Une autorisation de construire pour ce nouvel aménagement est également contestée devant les tribunaux. Quant à nous, nous estimons que les incompréhensions sont dues essentiellement au manque de communication, d'écoute et de dialogue de la part de la DGM. Nous avons suggéré à plusieurs reprises d'évaluer l'effet d'un feu préférentiel comme le proposaient les autorités de Puplinge.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jean-François Girardet. Aussi, nous demandons simplement que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat pour que la solution d'un feu préférentiel soit étudiée, parce qu'elle facilite à elle seule l'insertion du bus TPG dans le trafic de la route de Jussy.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Par cette pétition, les pétitionnaires reprochent aux départements de l'Etat de n'avoir consulté ni la commune de Puplinge - dont je suis conseiller municipal - ni les habitants et riverains à propos du projet d'élargissement de la route sur 50 mètres à un carrefour à l'entrée du village côté Thônex. Cet élargissement sacrifie 768 mètres carrés de terrain agricole. En février 2012, la commune de Puplinge a donné un préavis défavorable à ce projet en raison de l'emprise sur les terrains agricoles bien que, dans un procès-verbal, le représentant du DETA mentionne que la commune de Puplinge n'avait pas d'opposition à formuler dans le cadre de ce projet. Après la récente délivrance de l'autorisation définitive, les propriétaires des parcelles concernées ont appris par la «Feuille d'avis officielle» du mois de septembre 2013 qu'une autorisation de construire définitive avait été déposée à l'égard de leur terrain, ce qui les a incités à lancer cette pétition. Les riverains, les habitants et la commune se sentent négligés, voire méprisés. Deux recours contre cette autorisation définitive, dont l'un émane de 303 pétitionnaires, ont été déposés devant les tribunaux. L'autorisation de construire a été suspendue pour que la direction générale de la mobilité puisse discuter avec les requérants. A l'origine de cette pétition se trouve un manque flagrant de communication, d'écoute et de concertation de la part de certains départements de l'Etat. Sans compter avec la détermination de certains habitants pour défendre leur quartier, l'Etat a cherché à passer en force. Il ne reste plus qu'à attendre le résultat des négociations en cours pour connaître la suite de cette affaire, avant que le tribunal ne doive se prononcer. En attendant la décision du tribunal, l'UDC suivra l'avis des habitants et du rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président.
M. Romain de Sainte Marie (S). Je crois qu'il faut en effet respecter la volonté des signataires de cette pétition. Mais il faut également faire preuve d'un peu de bon sens. Dans ce parlement, nous sommes toutes et tous en faveur de la construction de logements: le quartier des Communaux d'Ambilly va dans ce sens-là avec la création de 1200 logements sur ce territoire. Je peux comprendre le mécontentement de la commune de Puplinge de ne pas avoir été consultée sur ce projet, et il s'agit en effet d'un tort de la part du département. Par contre - et vous transmettrez, Monsieur le président, au rapporteur de minorité - ce feu est bien une mesure d'accompagnement, vu la proximité immédiate avec le futur quartier des Communaux d'Ambilly. Cette mesure d'accompagnement est une preuve de bon sens, car nous voulons du logement. Et 1200 logements, cela implique du trafic supplémentaire, aussi bien de véhicules motorisés individuels que de transports publics, et cela, je le souhaite. Aujourd'hui, le constat est le suivant: avec 1200 logements supplémentaires accolés à la route de Jussy, le trafic sera tel que si on ne veut pas avoir des bus inefficaces car bloqués dans les bouchons, dont la vitesse commerciale deviendra bien inférieure à ce qu'elle devrait être, il y aura un mécontentement bien plus grand d'une population encore plus large. Il s'agit donc de faire preuve de bon sens, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et d'aller de l'avant pour aménager un nouveau quartier avec toutes les infrastructures nécessaires.
M. Pascal Spuhler (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez à M. de Sainte Marie qu'il faut garder un peu de bon sens. Faire des aménagements coûteux et lourds à réaliser à l'entrée de ce village alors que toute la commune et les autorités s'y opposent est totalement aberrant. La zone des Communaux d'Ambilly - la région MICA - va subir d'énormes modifications en termes d'aménagement du territoire ces quinze ou vingt prochaines années. Là, on investit une somme - dont on n'a d'ailleurs pas été capable de nous indiquer le montant réel - pour une modification de carrefour. C'est totalement ridicule ! Cette opération relève de l'entêtement de technocrates de la DGM sous prétexte de garantir la vitesse commerciale des TPG. Des propositions ont été transmises par la commune, notamment par les citoyens qui ont signé cette pétition, telles qu'un sens unique, etc. Or, Mesdames et Messieurs, le département s'est entêté pour un carrefour qui, au goût du MCG, est bien trop onéreux par rapport à son efficacité et aux aménagements futurs de toute la région. Si je peux me permettre, nous avons d'autres chats à fouetter; nous avons bien d'autres investissements à faire que de dépenser des centaines de milliers de francs dans un carrefour.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Il est faux de dire que l'objet de cette pétition concerne le manque de concertation, qui n'est mentionné nulle part dans le texte. Les pétitionnaires se sont plaints du manque de concertation par la suite. Et on les comprend ! C'est déplorable que l'Etat ne fasse toujours pas de concertation avec les communes lors de projets d'aménagement. Si on arrivait à travailler en faisant plus souvent de la concertation, on s'assurerait beaucoup plus souvent le soutien des différents partenaires, ce serait une meilleure méthode de travail. Néanmoins, ce que demande cette pétition, c'est d'empêcher l'élargissement d'une route qui va, selon les pétitionnaires, engendrer une augmentation du trafic, de la vitesse et des risques d'accident en mettant en danger les piétons. Elle demande également le détournement du trafic qui ne dessert pas le village. L'argument selon lequel l'élargissement de la route va engendrer une augmentation de trafic est faux, car on élargit la route pour mettre une voie de bus. Cela n'augmentera absolument pas le trafic routier. Par contre, je trouve assez piquant de constater que, dans le cas de cette pétition, les gens sont finalement d'accord avec nous pour dire que faire plus de routes, ça crée plus de trafic ! Nous le noterons !
Ensuite, la pétition demande un détournement du trafic. Evidemment, construire une route à côté du village, c'est toujours plus pratique quand on ne veut pas de gens dans le village, mais on ne peut pas dire que cela améliore sa desserte. Comme je l'ai dit, on ne détruit pas Puplinge, on ajoute simplement un couloir de bus. Si cela gêne quelques propriétaires riverains - ce que je peux comprendre - il en va là de l'intérêt public. La population de Puplinge, des alentours et surtout tous les futurs habitants du secteur pourront avoir un bus qui arrive plus rapidement et qui soit plus efficace. Nous n'accepterons pas cette pétition et préconisons également de la déposer sur le bureau.
M. Christian Frey (S), rapporteur de majorité. J'aimerais juste nuancer un peu les propos qui ont été tenus quant à la non-concertation. Autant M. Widmer, directeur général des transports - je crois que cela s'appelle ainsi maintenant - que M. Leutwyler, ingénieur cantonal, nous ont dit qu'ils avaient des réunions régulières avec toutes les communes concernées par la construction des Communaux d'Ambilly et le réaménagement de cette zone, au rythme d'une séance toutes les deux à trois semaines. Il a aussi affirmé - c'est vrai qu'on n'a pas approfondi ce thème - qu'il disposait d'un procès-verbal de séance qui disait que la commune de Puplinge ne voyait pas d'inconvénient à la création de cette voie de bus. Je voulais juste ajouter cela. Je ne suis pas un spécialiste des transports publics, mais il nous a été démontré...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Christian Frey. ...que les feux à robinet étaient beaucoup plus efficaces que les feux alternés...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Christian Frey. Nous vous recommandons donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Guy Mettan (PDC). Beaucoup de choses ont été dites, que je ne vais pas répéter. Le dépôt sur le bureau du Grand Conseil nous paraît la solution la plus appropriée pour cette pétition. Lors de l'audition, nous avons offert des solutions alternatives, nous avons posé des questions aux responsables de la mobilité et du DETA, en demandant par exemple s'il était possible de mettre le feu un peu plus loin, de le déplacer ailleurs. (Un son de cor des Alpes retentit.) Et la réponse qui nous a été donnée... Merci pour le cor des Alpes qui salue mon intervention ! (Rires.)
Le président. Poursuivez, Monsieur le député !
M. Guy Mettan. Nous avons été tout à fait rassurés. Pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas mettre ce feu ailleurs si on veut préserver une certaine fluidité du trafic. Cette fluidité de trafic sert d'abord les habitants de Puplinge, puisqu'il y a un carrefour juste un peu plus loin, sur la route qui descend vers Belle-Idée. Si on ne réalisait pas cette infrastructure, on créerait des bouchons juste un peu plus loin. Au fond, il s'agit d'un projet modeste. Il y a une certaine emprise sur la zone agricole, mais elle aussi est modeste. Le coût n'est pas du tout exorbitant. La majorité de la commission a donc estimé que cette pétition, aussi intéressante soit-elle, méritait le dépôt et non d'être renvoyée au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité, vous n'avez plus de temps de parole. Nous allons voter les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1887 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 41 oui contre 32 non et 6 abstentions.