République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 mai 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 8e session - 49e séance
PL 10843-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Pour le point suivant, le PL 10843-A et la P 1801-A, nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Dandrès, je vous passe la parole.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir ce soir de vous présenter ce projet de loi qu'on peut considérer comme un texte modèle suite à la votation par le peuple, au mois de mars de l'année dernière, de la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Je serai assez rapide et j'aimerais tout d'abord passer en revue les grandes lignes de ce projet. Nous parlons d'un périmètre composé de 144 parcelles qui offre un potentiel d'environ 1500 logements, lesquels sont destinés aux besoins prépondérants de la population, puisque le projet de loi prévoit que le déclassement sera fait en zone de développement.
La commission a auditionné un certain nombre de personnes et a forgé son opinion principalement sur les éléments suivants: tout d'abord, il y a la crise du logement; le taux de vacance... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...reste aujourd'hui très en deçà des 2% nécessaires pour que le marché puisse fonctionner normalement, puisque nous sommes actuellement à un taux de vacance de 0,36%. L'autre argument est que ce secteur se situe à proximité d'importantes zones d'activité comme la ZIMEYSA ou l'Aéroport international de Genève et le CERN. Il permettra donc d'éviter d'augmenter le trafic pendulaire, puisqu'on pourra loger des personnes à proximité d'emplois. Le dernier élément qu'il me semblait primordial de rappeler, c'est la proximité des axes de transport importants, puisque le bus et le tram sont accessibles.
Ce projet a fait couler passablement de salive et d'encre et des oppositions ont déjà été soulevées, matérialisées par la pétition 1801: j'aimerais donc revenir sur les arguments soulevés par les opposants. J'aborderai tout d'abord la question de la défense de la zone villas. Mme Meissner en a parlé et j'imagine qu'elle reviendra sur cette thématique un peu plus tard. Je crois qu'il faut préciser qu'avec la votation de mars 2013 et la modification de la loi sur l'aménagement du territoire, le peuple a donné mandat au Grand Conseil de densifier la couronne urbaine, et celle-ci est composée principalement - à Genève en tout cas - de zones villas. Il est donc absolument essentiel de pouvoir construire les logements à cet endroit-là et je crois que les arguments qui ont été relevés dans le discours de M. Lefort lors des extraits sont un élément important à conserver à l'esprit, puisque le plan directeur cantonal que nous avons voté risque de se heurter, dans sa concrétisation, au problème des surfaces d'assolement. Il est donc essentiel de pouvoir densifier cette couronne urbaine.
La commune de Vernier a indiqué qu'elle était favorable au déclassement en zone de développement, mais qu'elle souhaitait que le déclassement se fasse uniquement sur les parcelles contiguës à l'avenue Louis-Casaï en indiquant que le Conseil d'Etat avait donné quelques assurances quant au fait qu'il n'y aurait pas de déclassement sur les autres parcelles.
Là encore, il faut rappeler que lorsque l'accord - ou prétendu accord - aurait été passé avec la commune de Vernier, accord dans le cadre duquel des assurances auraient été données, on était à la fin des années nonante, et que depuis lors, la crise du logement s'est aggravée de manière considérable. Il est donc essentiel que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil acceptent de modifier cet accord, puisque les paramètres ont également changé, et de manière conséquente.
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Christian Dandrès. Oui, Monsieur le président, je vous remercie. L'autre argument qui a été soulevé par la commune concerne les difficultés à financer les infrastructures. Le problème, c'est qu'on ne peut pas conditionner la réalisation de logements et le déclassement de terrains à la question du financement. Il faut trouver une solution à ce problème de financement. On peut le faire, par exemple, par le biais de la taxe sur la plus-value foncière. Le magistrat Hodgers a parlé également dans son discours de tout à l'heure de la possibilité de jouer sur le bénéfice de la promotion, qui est considérable. Il faut rappeler qu'il représente entre 15% et 20% du coût total des immeubles. Il est inacceptable à mon sens et au sens de la majorité de la commission de ne pas déclasser en raison de ces problèmes de financement.
Le dernier argument qui a été soulevé consiste à dire que tant que l'on n'aura pas résolu le problème de l'asymétrie entre les constructions rive gauche-rive droite, il s'agirait de ne pas continuer à déclasser et à densifier la rive droite. Effectivement, il est souhaitable que l'asymétrie soit corrigée, mais cet argument ne doit pas servir de prétexte pour ne pas densifier la rive droite. Il faut densifier au contraire la rive gauche.
Voilà les arguments soulevés par les personnes auditionnées par la commission, qui a donné une réponse claire que je vous ai résumée tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle la commission a accepté ce projet de loi et c'est aussi pourquoi j'espère que le Grand Conseil l'acceptera également ce soir. Concernant la pétition qui matérialise les oppositions des personnes propriétaires de ces parcelles, la commission vous recommande son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous ai laissé un peu plus de temps, il sera pris sur celui de votre groupe. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité, Mme Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je prendrai aussi une part du temps de mon groupe, j'imagine. Mesdames et Messieurs les députés, les travaux de la commission d'aménagement sur le déclassement dit des Corbillettes se sont arrêtés le 2 novembre 2011: cela remonte donc à un certain temps. Les auditions ont mis en avant l'opposition de l'association Pic-Vert et celles de la Chambre genevoise immobilière, des associations d'habitants et de la commune de Vernier. Cette dernière soulignait par ailleurs que le projet de déclassement ne respectait pas son plan directeur communal qui, lui, ne prévoyait que la densification du front de rue de l'avenue Louis-Casaï.
A fin novembre 2011, j'ai repris pour une année la présidence de la commission d'aménagement. J'ai souhaité savoir s'il n'y avait pas une manière de mener sur ce périmètre un processus participatif constructif, plutôt que de s'engager dans un processus d'opposition stérile. Existait-il des propriétaires prêts à construire ? La commune était-elle pour sa part prête à s'engager dans un tel processus participatif avec les habitants ? Une rencontre a ainsi été organisée entre Vernier et les habitants en juin 2012 et le processus participatif a été accepté et a démarré.
D'autre part, les services cantonaux qui travaillaient parallèlement sur le périmètre dans le cadre du grand projet PSD Tête GVA Casaï-Aéroport se sont également montrés intéressés par la démarche qui s'inscrivait dans la prolongation des tables rondes qui avaient été initiées. Cela leur permettait de tester certaines hypothèses développées dans le cadre du grand projet. Communes, habitants et associations ont joué le jeu et dès lors le travail a commencé. Cependant, il s'avérait nécessaire, pour que le travail se fasse dans les meilleures conditions, de suspendre la modification du régime de zone demandée par ce projet de loi. C'est ainsi que la commune a écrit au conseiller d'Etat, M. Longchamp, pour lui demander de permettre que ce processus participatif puisse avoir lieu et de geler le projet de loi. Tout le monde attendait une réponse positive comme un signal fort d'écoute, propice à l'engagement de tous. La réponse de François Longchamp est tombée le 17 septembre 2012, elle était négative: pas question de remettre à plus tard la procédure de déclassement. Cette réponse du Conseil d'Etat a stupéfait la commune comme les propriétaires. Comment en effet imaginer qu'un processus participatif puisse se mettre en place dans de bonnes conditions, alors que ceux qui y prenaient part auraient en même temps fait recours contre l'une des parties prenantes du processus, en l'occurrence l'Etat ?
Que s'est-il passé depuis que le 5 décembre 2012 - sitôt que je n'ai plus eu la présidence de la commission d'aménagement - nous avons voté ce projet de loi, que seuls l'UDC et le MCG ont refusé ? Que s'est-il passé depuis ? Eh bien, nous pouvons remercier l'équipe des grands projets, car à la demande de la commune et de moi-même, elle a enclenché le processus participatif malgré tout. (Commentaires.) Les ateliers ont eu lieu de janvier à avril 2014. Après des débuts empreints de méfiance, les habitants se sont pris au jeu, ont participé à ces ateliers, qualifiés par l'Etat même, contre toute attente, de processus PLQ participatif.
Mesdames et Messieurs les députés, si aujourd'hui vous votez ce projet de loi en l'état, nous pourrons dire adieu à ce processus participatif. Alors comment faire pour obtenir la confiance des habitants et de la commune ? Il y a deux solutions: vous pouvez retirer le projet de loi sous sa forme actuelle - c'est plutôt le Conseil d'Etat qui devrait le faire, puisque le projet émane de lui - ou nous pouvons le renvoyer en commission pour l'amender. L'amendement est simple: il consisterait en ce que la modification de zone, dans un premier temps, ne s'applique que sur le front de rue de l'avenue Louis-Casaï, ce qui permettrait au processus participatif de se poursuivre sur le sol du périmètre. Tout le monde est d'accord là-dessus. J'ai proposé cela au conseiller d'Etat Hodgers. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il a dit non. Il n'en a pas voulu ! Je suis désolée, mais si aujourd'hui nous entrons dans un blocage, il durera longtemps et ni l'ensemble, ni même l'avenue Louis-Casaï ne pourront être développés, ce qui sera regrettable. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S). Je ne vais pas revenir sur les caractéristiques de ce projet de loi de déclassement, puisqu'elles ont été détaillées par le rapporteur de majorité principalement, mais aussi par la rapporteure de minorité. Je souhaite tout simplement vous rappeler que ce terrain représente un potentiel de 1500 nouveaux logements qui seraient de plus très bien desservis par les infrastructures préexistantes et les transports publics.
Ce projet de loi, à mon sens, nous amène à un questionnement un peu plus global sur la situation de l'aménagement de notre canton. Nous sommes actuellement dans une situation de pénurie de logements, comme vous le savez toutes et tous, mais nous attendons également une augmentation de la population résidente au cours des prochaines années: c'est ce que révèle... (Brouhaha.) ...une étude de l'office cantonal de la statistique qui estime que d'ici 2030, le canton de Genève verra sa population augmenter de 40 000 à 88 000 personnes. J'aimerais vous poser la question, Mesdames et Messieurs les députés: où va-t-on loger ces nouveaux habitants, étant donné que nous avons déjà de la peine à loger les habitants actuels ?
Le potentiel des constructions prévues sur les anciennes zones villas de la couronne urbaine déclassées lors des dernières décennies est quasiment atteint. La construction de logements par l'extension urbaine, c'est-à-dire le déclassement de zones agricoles, arrive également à ses limites, puisque nous atteindrons dans les prochains mois notre quota limite de SDA. Les solutions sont donc peu nombreuses et la densification de la couronne urbaine via le déclassement de la zone villas en zone de développement 3 est absolument nécessaire; il s'agit d'une des seules voies possibles pour construire tous les logements dont Genève a besoin aujourd'hui et pour les prochaines années.
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est une promesse de pouvoir construire 1500 logements - certainement plus, d'ailleurs, depuis que la loi de densification a été votée le 9 février dernier. C'est la promesse de construire des logements à proximité des voies de transports et d'autres infrastructures publiques, à proximité de zones d'activités importantes et riches en emplois: l'aéroport, la ZIMEYSA, Palexpo, le CERN et les organisations internationales. Il s'agit d'un projet qui permettra pour de nombreux habitants, en fournissant ces logements, de limiter les déplacements entre les lieux de travail et l'habitat. C'est donc un projet qui souscrit aussi aux objectifs des écologistes. En revanche, comme l'a souligné la commune de Vernier lors des auditions, cet afflux de population viendra certainement saturer les infrastructures existantes pour l'éducation et les transports publics et il faudra que cela soit accompagné par l'Etat.
A propos des positions minoritaires dont nous avons entendu parler qui voudraient déclasser en zone ordinaire 3, il faut être clair sur les conséquences que cela aurait: cela signifierait qu'il n'y aurait plus de zone de développement, plus de PLQ, et bien sûr plus de contrôle de l'Etat sur les prix; cela aurait donc des conséquences incalculables sur ce projet de loi.
En ce qui concerne l'amendement de Mme Meissner pour un déclassement partiel le long de l'avenue Louis-Casaï: si vous le votez, vous allez bien sûr anéantir l'effort d'aménagement dans ce périmètre, vous allez mettre à bas un projet de 1500 logements. Il faut avoir cela à l'esprit et il faudra l'assumer devant la population genevoise.
La question centrale dans ces procédures de déclassement est toujours la détermination des profits admissibles lors d'une opération immobilière. C'est ce que résout justement le régime de la zone de développement en offrant une valeur satisfaisante au propriétaire tout en permettant de construire des logements à prix abordables. L'office du logement propose aussi l'échange de parcelles contre des appartements dans les futurs immeubles et cela devrait pouvoir répondre à une partie des préoccupations des nombreux opposants.
Il s'agit donc pour les écologistes d'un bon projet qui entre dans le cadre du plan directeur cantonal. Un projet rationnel de par sa localisation et qui permettrait - je l'ai dit - la construction d'au moins 1500 logements dont la population genevoise a besoin maintenant et non plus tard, sinon elle continuera de se déverser en France voisine pour rejoindre les 70 000 Genevois qui y habitent déjà légalement.
Concernant la pétition 1801 qui accompagne cet objet, les Verts soutiendront son dépôt sur le bureau. Nous soutiendrons bien sûr ce projet de loi et vous demandons de le voter.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous avons eu il y a quelques années un vote très clair sur la densification des zones villas en Ville de Genève et nous avons eu un vote très clair sur les indices minimaux de densification lors de déclassements au niveau du canton. Je crois que le corps électoral a très clairement dit dans quel sens il voulait aller. C'est un sens contraire qu'on nous propose avec les amendements.
Ce projet de loi va dans le bon sens. Il a pris acte du fait que la population genevoise veut créer des logements et se donner les moyens d'en créer. Bien évidemment, il s'agit d'une zone villas et il ne faut pas se faire beaucoup d'illusions: quand il s'agira de mettre en oeuvre les plans localisés de quartier idoines dans cette région de notre canton, les autorités auront toutes les peines du monde à les réaliser. Toujours est-il qu'il s'agit de prendre des options pour les dix ans à venir et de faire en sorte que ces logements bon marché tant attendus par la population genevoise et par nos enfants soient créés d'une manière ou d'une autre. Qu'ils soient sur la rive droite ou sur la rive gauche, la question n'est pas là: aujourd'hui, la question est de créer des logements et je trouve un peu hors de propos qu'on vienne nous dire que c'est parce qu'il y a le tram ou pas de lignes de bus ou pas les conditions idoines qu'on ne peut pas construire. A mon avis, ce sont des décisions qui doivent être prises sur l'avenir en fonction de ces déclassements.
Pourtant, Mesdames et Messieurs, il y a quand même une réalité qui ne peut nous échapper, ce sont les moyens mis à la disposition des autorités pour créer ces logements. Là, il y a véritablement carence. Je m'apprête à déposer une question écrite pour savoir si un règlement d'application du déclassement de la zone agricole est effectivement en force et nous permettrait au moins d'avoir dans la caisse de l'argent de manière à donner le pouvoir aux autorités cantonales comme municipales d'aménager, de créer des plans localisés de quartier et d'aménager les espaces publics, les crèches et toute l'infrastructure qui sera nécessaire pour créer ces logements. En effet, il n'est pas question pour nous de créer des zones dortoirs et de la ségrégation, il est question de créer de l'urbanité, de l'urbain, de la ville, et il faut s'en donner les moyens, Mesdames et Messieurs. Or, aujourd'hui, c'est un fait, les communes n'ont pas les moyens et les opérateurs, bien qu'ils se dégagent des marges appréciables qu'il s'agira de discuter, n'ont pas les moyens de prendre en charge l'ensemble des infrastructures nécessaires à ces logements de qualité que nous réclamons et à ces logements bon marché que nous réclamons aussi pour la population qui en a bien besoin.
Toujours est-il que nous soutiendrons ce projet de loi, car il va dans le bon sens, et nous le soutiendrons aussi en ce qui concerne les déclassements...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. ...que nous appelons de nos voeux en ce qui concerne l'autre rive qui, elle, ne fait pas les efforts nécessaires ou, quand il s'agit de faire les efforts requis, baisse la densité.
M. Benoît Genecand (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons devant nous un projet de déclassement, mais j'aimerais juste rendre attentifs les membres de ce parlement qui ne siègent pas à la commission d'aménagement au fait que la plupart des projets de déclassement ne sont pas discutés: on ne les voit quasiment pas, ils passent aux extraits. Trois sont passés aux extraits aujourd'hui encore, sans débat. Lors de la dernière législature, la plupart des projets de déclassement sont passés aux extraits. S'il y a débat, c'est donc qu'il y a une opposition. En l'occurrence, on a une opposition assez attendue des habitants des 144 parcelles. C'est une zone villas, une zone construite et il est rare que les gens soient d'accord. On a aussi une opposition assez massive et déterminée de la commune.
Mesdames et Messieurs, Genève a urbanisé et construit en créant des zones de développement depuis la fin des années cinquante. Elle l'a fait sur toute la zone villas urbaine avec un certain succès, puisque plus de 50 000 logements sont sortis de terre grâce à cette méthode. Seulement, depuis les années cinquante, nous n'avons plus fait que cela, c'est-à-dire qu'à aucun moment nous n'avons essayé le déclassement en zone ordinaire. C'est ce que le PLR va vous proposer pour ce projet.
Pourquoi estimons-nous que nous devons réessayer le déclassement en zone ordinaire ? Parce que la zone de développement, malgré ses vertus, a quand même quelques inconvénients. Le premier a été mentionné tout à l'heure, c'est l'asymétrie du développement de ce canton. C'est pourquoi nous estimons judicieux, si on veut tester de la zone primaire, de le faire à Vernier, qui est la commune qui a le plus contribué au logement LUP en matière de développement ces dernières années. S'il y a un endroit où l'on doit tester la zone ordinaire, c'est bien Vernier, et ce projet se situe précisément sur cette commune. Cela relève de la question de l'asymétrie.
Une deuxième question me paraît importante, celle de l'uniformité: on a beaucoup entendu parler de la monotonie et de l'uniformité du bâti à Genève. Une des raisons, Mesdames et Messieurs, en est le contrôle étatique d'une part par les PLQ et d'autre part par le contrôle de l'OLO, l'office du logement. Le nombre de prescriptions que l'office du logement doit remplir - je ne lui en fais aucun grief - rend pour lui impossible une autre solution que celle de la barre avec cette uniformité que nous déplorons.
Un préopinant a dit que si nous faisions de la zone ordinaire, nous allions perdre le PLQ et le contrôle de l'office du logement. Je dirais que ce n'est pas ce qui m'effraie le plus; cela va nous faire économiser trois ans et d'une certaine manière ce n'est pas forcément un risque aussi grave qu'on l'imagine.
Je vous rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, on a eu de la part de la Cour des comptes - rapport 62, février 2013 - un audit de légalité sur l'office de l'urbanisme concernant les PLQ et qui concernait aussi, incidemment, l'OLO. Je vais vous résumer une partie de cet audit, page 73: «Le plan financier», qui est donc l'outil principal de l'office du logement, «n'est pas un outil d'analyse adéquat de la véritable économicité des projets. La Cour observe que le prix de revient est inscrit dans les premiers plans financiers» et que c'est davantage un instrument de négociation qu'un instrument de contrôle des prix. La Cour a vérifié: «Sur 7 dossiers analysés par la Cour, il ressort que les recommandations de l'OLO n'ont pas permis de faire baisser le coût inscrit dans le plan financier initial.» Non seulement l'OLO est pris dans toute une législation qui rend extrêmement compliquée son action rapide, mais en plus il crée une uniformité...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Benoît Genecand. Pardonnez-moi, Monsieur le président, j'avais pensé intervenir plus longuement. Est-ce que je peux reprendre la parole plus tard ?
Le président. Vous n'aurez plus de temps.
M. Benoît Genecand. Alors, je vous demande juste une chose, Mesdames et Messieurs: osez prendre le risque de la zone ordinaire ! Il me semble que s'il y a un endroit où il faut le faire, c'est bien là. Il est sûr que la zone ordinaire présente certaines questions et c'est pourquoi nous vous demandons le renvoi en commission. On répondra aux questions de manière positive, comme on l'avait fait pour le projet sur la PPE. S'il n'est pas répondu de manière positive aux questions...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Benoît Genecand. ...nous reviendrons ici et nous déclasserons en zone de développement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons donc une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs peuvent s'exprimer, ainsi que le conseiller d'Etat. Nous voterons ensuite. Je vais passer la parole à la rapporteure de minorité. Madame Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ose rappeler à ce parlement que ce n'est pas en votant un projet de déclassement que l'on construit du logement, mais c'est avec l'accord des propriétaires que l'on y arrive concrètement. Aujourd'hui, si vous votez ce déclassement, il y aura zéro logement et 250 oppositions, dont celle de la commune.
Pour rappel, j'avais proposé au conseiller d'Etat qu'il fasse lui-même une proposition d'amendement pour n'appliquer le déclassement que sur une partie du plan, c'est-à-dire le long de l'avenue Louis-Casaï. Cela aurait permis de travailler et de construire sur cette avenue, car tout le monde était d'accord et cela permettrait de poursuivre le processus participatif sur l'arrière. Vu le refus du conseiller d'Etat de débloquer la situation, je crois qu'il faut être raisonnable et accepter ce renvoi en commission proposé par le PLR qui, comme d'ailleurs la CGI à l'époque quand nous avions examiné le projet de loi, suggère le retour en zone ordinaire. L'UDC votera cette solution, car elle est la seule, puisqu'il n'y en a pas d'autre qui ait été proposée ni par ce parlement, ni par le Conseil d'Etat, pour respecter les droits des propriétaires et pour permettre effectivement de construire au moins sur Louis-Casaï. Je crois donc que nous sommes tout à fait d'accord pour cette proposition de renvoi en commission.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Déclasser ces terrains en zone ordinaire serait effectivement la meilleure manière pour construire peu, pour construire mal et pour favoriser la spéculation. Il faut rappeler ici que, sans zone de développement, la loi 10965 qui prévoit les indices de densité minimale ne s'appliquerait pas. Je précise que le groupe socialiste avait proposé à la commission d'appliquer ces indices de densité minimale en zone ordinaire, ce qui avait été refusé, notamment par le PLR.
On construira mal, parce que l'on construira des logements qui ne répondront pas aux besoins de la majorité de nos concitoyens, mais des logements de luxe qui mettront à mal la politique que le Conseil d'Etat s'était engagé à mettre en oeuvre - suivi en cela par le Grand Conseil lorsque le protocole d'accord sur le logement a été signé - à savoir de construire aussi des logements d'utilité publique. De plus, nous allons créer un dangereux précédent et un signal désastreux pour les autres terrains qui seront déclassés dans le futur, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan directeur cantonal. En somme, ce que le PLR est en train de proposer et d'indiquer ce soir à ces propriétaires, c'est que s'ils arrivent à faire front, s'ils arrivent à s'organiser et à menacer de blocages, alors ils auront une prime et pourront bénéficier du pactole, parce qu'on déclassera en zone ordinaire et non pas en zone de développement. (Remarque.)
Ce mécanisme-là serait... Vous êtes - si vous me permettez, parce que je pense que le temps arrive à terme - vous êtes les fossoyeurs du plan directeur cantonal. Ce projet-là, l'un des premiers grands projets traités par cette législature, doit être irréprochable ! Et le projet irréprochable, c'est pouvoir donner à l'Etat et aux collectivités la possibilité de mener une politique du logement qui réponde aux besoins des gens et non une politique qui permettra à un certain nombre de promoteurs et aux propriétaires des terrains de pouvoir se faire un maximum de bénéfices. (Quelques applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Depuis que je suis entré en fonction, on me demande souvent pourquoi il est aussi long de construire à Genève. Voilà un parfait exemple, Mesdames et Messieurs les députés: la modification de la zone des Corbillettes, cela fait onze ans qu'on en parle ! Onze ans ! Vous avez ici un projet de loi déposé par le Conseil d'Etat le 23 juin 2011. Nous sommes en mai 2014. Il arrive devant vous et on a une proposition de renvoi en commission ! Imaginez-vous les délais, simplement institutionnels ? Alors après, je veux bien entendre toutes les doléances: les autorisations de construire, c'est long; cela ne se passe pas aussi vite que souhaité; les lois sont compliquées. Mais si le premier pouvoir de cette république n'est pas capable de traiter un projet simple, qui correspond au plan directeur cantonal - que dans votre majorité vous avez voté il y a à peine six mois ! - plan qui dit que dans une zone située entre l'aéroport et le centre-ville, à savoir une zone urbaine, dense, desservie par des infrastructures de transports publics conséquentes, on doit favoriser la densité, comme l'ont confirmé les Genevois en votation populaire, eh bien si ce parlement n'est pas capable de le voter ce soir, je ne sais pas que vous dire ! (Commentaires.)
En tout cas, ce que je dirai, non pas à vous, mais à la population, c'est qu'il n'y a pas une majorité dans ce parlement pour construire du logement à Genève, parce que si vous n'arrivez pas à voter un projet aussi simple, aussi clair, aussi cohérent avec le plan directeur cantonal, comment est-ce que vous voulez qu'on y arrive par la suite ?
Pourtant, ce projet - Mme Meissner l'a relevé - est difficile au départ. C'est vrai, c'est compliqué, les gens sont attachés à leur villa dans cette zone, comme dans beaucoup d'autres ! Il est vrai aussi que la commune de Vernier est attachée à cet espace de villas, même s'il y a quand même deux millions de mètres carrés de zones villas à Vernier. Toutefois, le processus participatif engagé ne s'arrêtera pas avec la modification de zone, parce que - j'aimerais le dire à Mme Meissner, mais également à tous les autres qui sont attachés à la concertation - il ne faut pas mentir aux gens, en matière de concertation ! Le fait que cette aire des Corbillettes est appelée à être densifiée par modification de zone, cela a déjà été décidé par vous, Mesdames et Messieurs les députés ! Pas par vous, Madame Meissner, mais par la majorité de ce parlement ! Cette même majorité que j'appelle aujourd'hui à prendre ses responsabilités ! Vous ne pouvez pas me demander d'aller dire aux habitants que, peut-être, on ne va pas modifier la zone ou peut-être que oui, cela dépend. Non ! La modification de zone est liée au plan directeur cantonal. Cela est clair !
A présent, on a une nouvelle proposition de déclassement en zone ordinaire. La première conséquence, si on allait dans le sens de M. Genecand, serait un retard de deux ans. Le projet de loi qui vous est soumis ici a fait l'objet de procédures techniques, d'enquêtes publiques, et le déclasser en zone ordinaire impliquerait de le reprendre à zéro. La deuxième conséquence, cela a été dit, est qu'il n'y aurait pas de densité minimale. La volonté de la population d'appliquer un minimum de densité dans les espaces que l'on construit serait très certainement bafouée. Il n'y aurait pas de LUP. Nous avons réalisé 9% de LUP dans ce canton, la loi nous en demande 20%... (Commentaires.) ...mais peu importe que la classe moyenne et la classe modeste se logent ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Antonio Hodgers. Nous disions avant, tous ensemble dans cette enceinte, qu'il fallait des moyens pour équiper. Or, avec une zone ordinaire il n'y aurait pas de taxe d'équipement ! La commune n'aurait pas les moyens d'équiper cet espace ! Il n'y aurait de possibilité ni pour le canton, ni pour la commune de préempter. Mesdames et Messieurs, la zone ordinaire n'est pas un instrument que je veux exclure totalement dans les politiques d'aménagement, mais elle doit être mesurée; elle doit s'adresser aux plus petites parcelles. On ne peut pas faire de zone ordinaire sur une grande parcelle, parce que nous avons besoin de cette mixité sociale, les LUP - je l'ai dit - et nous avons besoin de cette taxe d'équipement. Les communes ont besoin de cette taxe d'équipement pour équiper des nouveaux quartiers importants, et, de ce fait, la zone ordinaire appliquée à une trop grande parcelle est néfaste à la mutation territoriale. Au sujet des petites parcelles, nous pouvons prendre l'exemple sur nos voisins vaudois: ils déclassent en zone ordinaire, mais quel est le corollaire ? Il existe des conventions conséquentes avec les propriétaires immobiliers qui s'engagent à faire du logement social, qui s'engagent à verser une part de leurs revenus pour faire de l'équipement et par conséquent, qui compensent l'absence de l'outil lié à la zone de développement avec une convention. Cela n'est pas prévu ici.
Mesdames et Messieurs, je vous en prie, ne jouez pas aux apprentis sorciers avec un projet qui a mis autant de temps à arriver devant vous... (Commentaires.) ...et - je parle pour la majorité de ce parlement - soyez cohérents avec votre vote du plan directeur cantonal. Cela n'engage pas que cette zone-là. Le message qui serait donné aux autres zones villas que nous voulons densifier serait désastreux. Ce message serait: «Plaignez-vous auprès du parlement, il vous suivra et arrêtera la modification de zone !»
Un autre message va arriver, Mesdames et Messieurs: celui de Berne. Pas plus tard que la semaine passée, j'étais dans les bureaux de Doris Leuthard, conseillère fédérale... (Exclamations.) ...pour discuter de notre plan directeur cantonal. Si nous avons de bonnes chances de le voir approuvé par le Conseil fédéral d'ici à la fin de l'année, le message de notre conseillère fédérale est clair: le canton ne peut pas continuer de prendre sur la zone agricole et plus particulièrement sur sa surface d'assolement s'il ne fait pas des efforts conséquents sur la zone à bâtir, à savoir les surfaces déjà bâties. Vous le savez, la zone villas à Genève regroupe 50% de la surface à bâtir pour seulement 10% de la population. (Brouhaha. Commentaires.) Je tiens donc à être clair...
Le président. S'il vous plaît !
M. Antonio Hodgers. Si nous n'arrivons pas à prouver pendant cette législature que nous nous donnons les moyens de densifier, pas à pas et avec concertation, la zone villas, la réponse de Berne sera un blocage des déclassements sur la zone agricole. Par conséquent, le bilan en termes de construction sera de zéro. Le canton n'aura que ses yeux pour pleurer et les Genevoises et les Genevois qui souffrent aujourd'hui de la pénurie de logements seront vraiment les laissés-pour-compte. Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie, je m'adresse à cette majorité qui a voté le plan directeur cantonal: assumez vos responsabilités, soyez conséquents avec vos choix et votez ce projet de loi ce soir. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Dandrès ? C'est pour le vote nominal ?
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Oui, je demande le vote nominal.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous êtes largement soutenu, il en sera fait ainsi. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur le renvoi en commission des deux objets, le projet de loi et la pétition.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10843 et la pétition 1801 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 55 oui contre 28 non et 2 abstentions (vote nominal).