République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 mai 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 8e session - 49e séance
PL 10637-A
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 10637-A. Nous sommes en catégorie II, avec quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je reviens sur ce projet de loi qui a été traité en 2012, c'est dire l'efficience de nos travaux parlementaires, avec les diverses urgences et objets qui traînent plus de deux ans à l'ordre du jour - j'en suis assez navré.
De manière succincte, que propose ce projet de loi ? Il propose une modification de la loi sur l'énergie, la L 2 30, et plus précisément de son article 19, avec deux axes qui ont été présentés en commission: premièrement, l'encouragement de l'approvisionnement électrique issu des énergies renouvelables et non fossiles par le canton et les communes et, deuxièmement, l'obligation que les bâtiments publics ou de droit public ne consomment que de l'énergie électrique issue de l'énergie renouvelable ou non fossile. Si le but, sur le fond, est parfaitement louable, le projet de loi est inefficient, et je souligne que la constitution genevoise proscrit la consommation d'électricité de provenance nucléaire.
Ce projet de loi toucherait toutes les communes genevoises, notamment dans leur autonomie. Actuellement, toutes les communes sont fournies par les SIG par défaut en «Vitale Bleu», en «Vitale Vert» ou une combinaison des deux. Il n'y aurait pas de grand changement dans la pratique. L'alinéa 2 semble donc caduc. De plus, ce projet de loi qui modifie l'article 19 de la nouvelle loi sur l'énergie réduit l'effort à la seule électricité et n'est pas réalisable pour le chauffage, ce qui est très dommage. Pour terminer - et je crois qu'il s'agit d'un élément important à préciser pour les personnes qui n'ont pas suivi les travaux - un seul établissement public serait touché avec un tarif de 0,3 centime pour «Initial»: vous comprendrez qu'il s'agit des TPG, un grand consommateur d'électricité.
En conclusion, en termes d'efficience, les efforts sur les assainissements énergétiques sont bien plus efficaces et porteurs tant pour les collectivités publiques que pour les acteurs privés. C'est bien le but de cette nouvelle loi sur l'énergie qui ne demande qu'à être mise en pratique, avec des retombées intéressantes pour notre économie genevoise. Je vous invite donc à refuser ce projet de loi.
M. Florian Gander (MCG), député suppléant et rapporteur de minorité. Chers collègues, je commencerai par un petit historique. Le groupe MCG a déposé ce projet de loi en février 2010, et à l'époque, rappelez-vous, pour ceux qui étaient là, ce projet de loi était considéré comme inefficace ou ne servant à rien.
Entre-temps, malheureusement, l'histoire a connu un événement qui restera dans nos mémoires, le 11 mars 2011: c'est l'événement de Fukushima, qui a changé catégoriquement la politique fédérale de la Suisse, qui souhaite maintenant un arrêt complet de tout ce qui concerne les centrales nucléaires pour en arriver à des solutions d'énergie propre. Alors si le MCG devait être une personne et avoir une profession, je dirais que le MCG serait une voyante ou un voyant, puisque à l'époque où le projet de loi a été déposé, nous avions déjà cette vision d'avenir et cette volonté de fournir nos régies publiques autonomes, nos communes et notre canton en énergie à 100% propre.
L'actualité a fait que la Confédération a emboîté le pas automatiquement, suite aux événements de Fukushima, que nous pouvons regretter puisqu'il s'agit d'un événement tragique. Mais dans ce malheur, le côté positif est que nous allons maintenant vers du 100% renouvelable, vers de l'énergie propre, et je vous rappelle le fort attachement du MCG à la géothermie, à l'éolien; on le voit en ce moment avec les SIG qui nous ont fait le plaisir de racheter Ennova - pour ne pas rappeler des articles récents dans la presse. Mais voilà ! Nous devons investir, nous devons faire en sorte que les établissements du canton s'approvisionnent en énergie propre, et ce projet de loi a toute sa raison d'être. On sait qu'aujourd'hui 94%-95% des régies publiques autonomes utilisent l'énergie propre, mais il reste encore un 10% à 15% qui pourrait aussi le faire. Je vous remercie donc de soutenir ce projet de loi.
M. François Lefort (Ve). Alors là, Mesdames et Messieurs les députés, respect ! Je vous demande un instant de silence, car nous n'avons pas coutume d'étudier d'aussi beaux projets de lois ! Celui-ci est un modèle, c'est un monument de légistique ! Vous, d'habitude, vous êtes comme moi, vous êtes tétanisés devant la feuille blanche du projet de loi. Vous n'osez pas, vous vous retenez. Eh bien, faites comme eux ! Ne vous retenez pas ! Lâchez-vous ! Voici la recette, elle est simple: vous prenez une loi toute fraîche, ici en l'occurrence la loi sur l'énergie, combattue par référendum, et, en pleine campagne référendaire, vous déposez un projet de loi pour la modifier. Bien sûr, jamais l'idée ne vous était venue de proposer cette modification pendant les débats, non, bien sûr ! Vous y mettez maintenant un titre ronflant et mensonger qui n'a rien à voir avec le corps du projet de loi: «Energie verte: un devoir pour l'Etat ! Eliminons la consommation d'énergie d'origine fossile !» Moi, quand j'entends ça, j'entends: «Eliminons toutes les voitures, les camions, les chaudières à gaz, à mazout, pas demain, tout de suite, maintenant !» Plus vert que vert ! Retenez-moi, je vais le voter, ce projet de loi ! (Rires.) Ensuite, c'est de la tarte à la crème: vous prenez un article, n'importe lequel, et vous changez un mot. Par exemple, vous remplacez «énergie» par «électricité». C'est tout le génie de ce projet de loi. Il ne vous reste plus maintenant qu'à pomper un document des SIG en guise d'exposé des motifs et c'est prêt ! Voilà, vous le voyez, faire un projet de loi, c'est facile ! C'est plus facile que de faire de la pâtisserie, ne vous retenez plus, Mesdames et Messieurs les députés !
Plus sérieusement maintenant, que dit l'article original de la loi sur l'énergie que veut modifier ce projet de loi ? Article 19, «Encouragement aux économies et à la diversification»: «Le canton et les communes encouragent une consommation d'énergie» - d'énergie - «économe, rationnelle et respectueuse de l'environnement. Ils favorisent la diversification énergétique, la recherche, l'essai et l'application d'énergies renouvelables.»
Que propose ce projet de loi à la place ? Article 19, «Encouragement aux économies et à la consommation d'énergie renouvelable»: «Le canton et les communes encouragent une consommation électrique» - maintenant - «rationnelle et respectueuse de l'environnement basée sur des approvisionnements issus de l'énergie renouvelable et non fossile.» Là, nouveau concept: l'énergie renouvelable et non fossile - on imagine qu'il y a donc de l'énergie fossile qui serait renouvelable. «Ils favorisent la diversification énergétique, la recherche, l'essai et l'application des énergies renouvelables.» Alinéa 2: «Les bâtiments des collectivités et établissements de droit public ne peuvent utiliser que des approvisionnements issus de l'énergie renouvelable non fossile pour leur consommation d'électricité.»
Vous comprenez tout de suite, Mesdames et Messieurs les députés, que le but de cet article et de ce projet de loi est de couler en douce les encouragements aux économies d'énergie en remplaçant «consommation énergétique» par «consommation électrique». Le deuxième alinéa novateur cible la consommation électrique des bâtiments publics, mais pas le chauffage, et c'est toute la subtilité de ce projet de loi. Rappelez-vous, Mesdames et Messieurs, que le principal de la consommation d'énergie fossile est dû au chauffage en Suisse, pas à la production d'électricité, qui ne s'utilise que très marginalement pour faire du chauffage.
Ce projet de loi ne sert à rien, il ne nous a servi qu'à perdre du temps, trois séances de commission quand même ! Vous me direz que ce n'est pas beaucoup. Eh bien si ! C'était trop ! Trois séances de commission surréalistes où l'on a tenté de nous faire croire que ce projet de loi, comme d'habitude, s'apparente à un acte visionnaire, alors que c'est du grand n'importe quoi ! Et derrière ce grand n'importe quoi, il y a surtout une grave attaque de la loi sur l'énergie. Ne soyez pas dupes, Mesdames et Messieurs les députés, surtout ne votez pas - bien que j'aie manqué de le faire... (Rires.)
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. François Lefort. Ne votez pas ce projet de loi ! (Applaudissements.)
M. Philippe Morel (PDC). Aïe aïe aïe ! Aïe aïe aïe ! (Rires.) Je n'ai pas appuyé sur le bouton assez tôt, là ! (Rires.) Monsieur le président, que dire de plus ? Au fond, ce projet de loi, s'il ne survenait pas derrière ou devant ou après une loi, serait certainement voté à l'unanimité sous la direction et avec l'enthousiasme et le leadership de mon préopinant qui, à l'évidence, est en faveur de l'énergie verte - même si elle est électrique - et de l'utilisation d'énergie renouvelable dans les bâtiments également.
Effectivement, il s'agit d'un projet de loi qui cadre parfaitement avec la volonté politique, puisqu'il est contenu déjà dans une autre loi entrée en vigueur le 7 novembre 1987. Cela fait quelques années que l'Etat se préoccupe des sources d'énergie renouvelable, qu'il se préoccupe des bâtiments malgré les problèmes financiers, qu'il se préoccupe non seulement de l'alimentation en électricité des bâtiments mais surtout de leur isolement.
Alors oui, nous sommes en faveur de l'énergie renouvelable, qu'elle soit électrique ou autre. Oui, nous sommes en faveur de l'isolement des bâtiments. Oui, nous voulons éviter le gaspillage. Oui, nous sommes en faveur de ce projet de loi et je suis, comme mon préopinant, enthousiaste pour le voter, mais malheureusement, quatorze ans plus tôt, un autre projet de loi a été voté. Il s'agit d'une loi en vigueur, la loi sur l'énergie. Nous sommes donc devant une situation qui existe depuis quatorze ans, à mon avis sans modification significative. Nous vous recommandons, avec un peu d'hésitation, de ne pas voter ce projet de loi, pourtant fort intéressant.
M. Eric Stauffer (MCG). Il est fort intéressant d'écouter les Verts, qui se prétendent écologistes. Je prétends plutôt que les Verts sont doctrinaires et essaient de tromper la population genevoise. Lorsqu'on entend ce soir leur représentant nous dire qu'il faut éliminer toutes les voitures et tout le diesel... Evidemment, on peut lire un projet de loi, mais encore faut-il avoir la faculté de le comprendre. Nous ne pensons pas aux véhicules, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président. Nous nous occupons de la consommation électrique.
Il faut savoir comment fonctionne cette consommation. C'est effectivement une multitude de choses. Cela peut être une centrale à gaz, par exemple, comme les Services industriels voulaient la créer à Vernier. Tout le monde se souviendra de la centrale à gaz de Vernier que le MCG a refusée, parce que nous nous refusons, par idéologie cette fois, à investir pour les dix ou vingt prochaines années des sommes en dizaines de millions pour de l'énergie fossile, le gaz étant une énergie fossile.
Nous voulons privilégier l'énergie renouvelable. Qu'est-ce qu'une énergie renouvelable ? C'est quelque chose qui provient d'un barrage hydroélectrique, qui provient de la géothermie, qui provient des éoliennes, qui provient de l'énergie solaire. Ce sont des énergies renouvelables. (Commentaires.) Partant de ce principe, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.)
Le président. Chut !
M. Eric Stauffer. On sait bien que quand le MCG propose un projet de loi, surtout il faut tout faire pour le faire capoter. Que demande ce projet de loi ? Il demande deux choses relativement simples: c'est d'encourager, comme cela est indiqué, la consommation d'énergie renouvelable, mais pas une en particulier, parce que c'est une multitude de sources d'énergies renouvelables qui donne une totalité qui fait que la consommation et la planète ne pourraient s'en porter que mieux. Et c'est cela que nous voulons, puisque aujourd'hui il y a encore de l'énergie qui peut provenir de centrales à gaz, par exemple, c'est-à-dire de l'énergie fossile que nous combattons. On sait bien que l'Allemagne utilise beaucoup d'usines à charbon, comme les Etats-Unis. C'est de l'énergie fossile que nous voulons combattre, et je pense que le MCG et le parlement peuvent donner cette impulsion pour utiliser de l'énergie renouvelable.
Demander d'inscrire dans la loi que les bâtiments des collectivités et des établissements de droit public ne puissent utiliser qu'un approvisionnement en énergie renouvelable, c'est inscrire en lettres d'or dans la loi quelque chose qui dans la pratique a effectivement un certain sens. Mais de nouveau, Mesdames et Messieurs - et que la population m'en soit témoin - lorsque le MCG présente quelque chose, évidemment quand on n'a rien à en dire sur le fond, on attaque sa forme.
Je lis dans le rapport que le président de l'époque de l'Association des communes genevoises disait qu'il ne comprenait pas, je cite: «la différence entre "énergie renouvelable" et "énergie non fossile"». Permettez-moi de vous dire que quand on en est au point de ne pas savoir faire la différence entre de l'énergie renouvelable et de l'énergie fossile, il faut se demander si on occupe la bonne fonction...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. ...au sein du canton de Genève. Je reviendrai après, Monsieur le président.
M. Bernhard Riedweg (UDC). L'objectif fixé par le Conseil d'Etat est de doubler tous les cinq ans la production d'énergie solaire du canton par le photovoltaïque, afin d'atteindre 12% de la consommation d'électricité en 2035. Toutefois, freiner la consommation d'électricité reste l'un des objectifs de la conception de l'énergie 2013, soit la société à 2000 watts, sans nucléaire. Il s'agit donc de réduire la consommation par personne de 2% par rapport à 2000 d'ici 2020 et de 9% d'ici 2035. Le canton ne produit qu'environ 25% de l'électricité consommée, ce qui veut dire que nous devons augmenter notre production notamment par la construction du barrage transfrontalier de Conflan qui, semble-t-il, n'est plus à l'ordre du jour pour le moment. Cet ouvrage augmenterait de 9% la production hydraulique du canton. Genève devra aussi améliorer le rendement de la production de chaleur et d'électricité à partir de l'incinération des déchets et exploiter tous les autres potentiels d'énergie renouvelable, comme le biogaz, la biomasse ou la géothermie profonde. Ce projet de loi représente un recul par rapport à la loi sur l'énergie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) L'UDC refusera l'entrée en matière.
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, si vous le permettez, j'aimerais juste reprendre les propos... (Brouhaha.)
Le président. Chut !
M. Pierre Conne. ...de notre préopinant du MCG qui, citant son projet de loi, ne l'a finalement pas cité, s'arrêtant à mi-chemin, car que dit le projet de loi ? Il dit ceci: «Les bâtiments des collectivités et établissements de droit public ne peuvent utiliser que des approvisionnements issus de l'énergie renouvelable.» (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et tout à l'heure le préopinant MCG s'est arrêté là. Mais le projet de loi va beaucoup plus loin: «non fossile pour leur consommation d'électricité». Cela veut dire que ce projet de loi, dans le fond - et cela a déjà été dit tout à l'heure à travers l'excellente analyse de texte qu'a faite notre préopinant Lefort - en limitant la consommation d'électricité d'origine non renouvelable, n'empêcherait pas les communes de décider de chauffer toutes leurs salles avec des cheminées au charbon. Soit c'est une erreur de plume, soit c'est une incohérence, mais si le MCG est voyant, ce n'est sûrement pas un voyant lumineux. En l'état, tel qu'est libellé le projet... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Pierre Conne. ...il réduirait effectivement tout le sens qui a été donné à la loi sur l'énergie, faite pour la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, qui, vous le savez, est une situation de transition énergétique; et le libellé actuel - je ne vais pas vous le relire, parce que notre préopinant Lefort l'a déjà fait - le libellé actuel de la loi sur l'énergie, par cet article 19 et l'article 20 suivant, contient toutes les dispositions pour favoriser l'utilisation de toutes les sources d'énergie renouvelable et propose à l'article 20 tous les incitatifs, notamment fiscaux et tarifaires, pour aller dans le sens de cette transition.
Je conclurai donc comme l'a fait le rapporteur de majorité en vous demandant de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire qu'à la commission de l'énergie, à l'époque, avec M. Gander, nous avions, il est vrai, accueilli avec un certain intérêt cette proposition, parce que les travaux se passaient dans un état d'esprit constructif et assez consensuel. On avait déjà eu l'occasion d'expérimenter cela à l'époque des discussions sur la centrale chaleur-force. Il y avait quelques nuances dans la façon d'exprimer nos points de vue, mais cela se passait de façon assez sereine et il est vrai que ce projet de loi, ma foi, était un peu particulier, parce qu'on pensait que l'intention était louable, en tout cas on pouvait le penser à sa première lecture. Mais dans son application, on avait quand même plutôt l'impression qu'il s'agissait d'une régression par rapport à la loi sur l'énergie actuelle. Ce n'était pas forcément l'intention du MCG quand il a déposé ce projet de loi: certes, on l'a exprimé peut-être de façon un peu sèche à M. Gander ou aux représentants du MCG, qui le prennent à titre personnel, mais je crois que c'était, de façon pragmatique, une volonté de dire que ce projet de loi veut restreindre l'application de la loi sur l'énergie à la question de l'électricité. M. Gander le relève d'ailleurs dans son rapport de minorité, c'est un peu dommage: il dit qu'on ne peut pas appliquer ce projet de loi au chauffage, car ce n'est pas réalisable à ce jour. Au fond, il s'agit bien d'une régression par rapport à la situation actuelle et, dans ce sens-là, nous ne pouvons pas le souhaiter.
J'ai entendu tout à l'heure M. Stauffer qui comme d'habitude vient faire de grandes déclarations et nous dire qu'il est contre les énergies fossiles. Je rappellerai juste qu'il roule toute l'année en 4x4 - un véhicule qui est plutôt un grand consommateur d'énergie fossile. Avant de faire de grandes déclarations devant ce Grand Conseil, il serait bien de commencer par passer à l'acte dans sa vie privée et quotidienne. Je l'invite donc à renoncer à son 4x4 et à passer au vélo: cela lui fera beaucoup de bien et c'est aussi très bon pour la tête, cela permet de réfléchir sereinement, et je suis sûr qu'après quelques mois de pratique du vélo, on aura un meilleur état d'esprit dans ce Grand Conseil.
Je vous invite à refuser ce projet de loi, parce qu'il s'agit d'une régression par rapport à la situation actuelle, et j'encourage les représentants du MCG à combattre les énergies fossiles en passant au vélo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune nos anciennes collègues, Mmes Danielle Oppliger et Nathalie Schneuwly. (Applaudissements.) Je passe la parole à M. Benoît Genecand. Il vous reste une minute et cinquante-cinq secondes, Monsieur le député.
M. Benoît Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Je vais utiliser cette minute pour évoquer un point de cet article qui est l'attitude des collectivités publiques en matière d'économie d'énergie. Le texte proposé dit que «les bâtiments des collectivités et établissements de droit public ne peuvent utiliser que des approvisionnements issus de l'énergie renouvelable non fossile pour leur consommation d'électricité». On a vu tout à l'heure que cette idée d'énergie électrique non renouvelable et non fossile était peu claire. Je me suis demandé ce que la loi sur l'énergie prévoyait pour ces mêmes bâtiments. La loi sur l'énergie - je pense qu'il est intéressant de le rappeler - dit en son article 16, alinéa 1: «Les constructions de bâtiments et installations des collectivités publiques, des établissements et fondations de droit public et de leurs caisses de pension doivent être conçues et maintenues de manière à satisfaire à un standard de haute performance énergétique, conforme aux prescriptions fixées dans le règlement.» Je pense que la version actuelle est plus précise et meilleure que celle proposée, mais ce n'est pas tellement le sujet de mon intervention. Dans la réalité, ce que font les autorités aujourd'hui en matière de gestion de l'énergie au sein de leur patrimoine immobilier est à mon avis loin de ce que prévoit la loi existante et s'il y a une vertu à ce débat, c'est peut-être celle de leur rappeler cette responsabilité d'être exemplaires en matière d'énergie, de s'appliquer à elles-mêmes toutes les prescriptions qu'elles veulent imposer à l'ensemble de la population à juste titre et de commencer déjà par gérer leur patrimoine de manière exemplaire. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Leyvraz, à qui il reste deux minutes et quarante secondes.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Nous avons actuellement une loi sur l'énergie extrêmement ambitieuse, mais c'est une loi sur l'énergie ambitieuse et réaliste ! Nous avons des échéances en 2035, en 2050 et même au-delà ! Alors, Monsieur Gander, j'apprécie beaucoup votre engagement et votre enthousiasme concernant toutes ces questions énergétiques, mais on ne peut pas proposer un projet de loi comme celui-ci qui n'est tout simplement pas réalisable ! Quand on a encore 40% à 45% de notre électricité qui est produite par le nucléaire, penser qu'on va pouvoir éliminer d'un simple revers de la main l'énergie d'origine fossile, c'est un doux rêve et cela n'est tout simplement pas réaliste de proposer un tel projet de loi dans un parlement comme le nôtre. J'apprécie votre engagement plein d'énergie - c'est le cas de le dire - mais on ne peut pas accepter ce projet de loi, j'en suis désolé.
M. Michel Ducommun (EAG). Le point sur lequel j'avais envie d'intervenir, c'était d'abord une analyse de l'énergie fossile, parce que c'est l'énergie qu'actuellement on développe prioritairement partout dans le monde. Si on observe les grandes compagnies pétrolières, il est intéressant de voir qu'elles investissent à peu près 2% par an pour l'énergie renouvelable et le reste pour l'énergie fossile.
Ensuite, l'énergie fossile pose trois problèmes: premièrement, elle est à l'origine des gaz à effet de serre et des désastres climatiques qui nous attendent. Se dire que tout va très bien, qu'on fait des beaux bénéfices sur le pétrole ou sur le charbon est un problème ! Deuxièmement, on sait que ces réserves d'énergie fossile sont très limitées. Le pic du pétrole a été dépassé. De quoi s'agit-il ? C'est drôle, parce que c'est un chimiste américain qui a prévu l'avènement de ce pic, qui a d'ailleurs été observé: il s'agit du fait que la production de pétrole va en augmentant jusqu'au moment où elle arrive à son sommet, puis redescend. On se trouve actuellement dans la redescente. Un des problèmes lié à cela est qu'on effectue des recherches pour trouver des substituts au pétrole. Et le substitut qui amène certains bienfaits économiques aux Etats-Unis, c'est le gaz de schiste.
Je pense que vous avez vu certains films diffusés sur Arte ou sur d'autres chaînes, montrant les dégâts provoqués par la recherche de gaz de schiste. Ces dégâts sont visibles: lorsqu'on laisse passer de l'eau dans un robinet et qu'on y met une allumette ou un briquet, la flamme apparaît ! Dans les régions où de nombreuses recherches sur le gaz de schiste ont lieu, ces dégâts se traduisent par le développement des cancers et la mort de certains animaux. Il y a donc un problème et heureusement, au niveau de la France voisine et de la Suisse, un mouvement assez fort tente et réussit pour le moment à s'opposer à la recherche de gaz de schiste dans notre région. Le deuxième problème est donc que cette énergie fossile va disparaître, mais qu'on essaie de poursuivre dans la même voie.
Par rapport au problème de l'électricité, il est intéressant de voir que le gaz de schiste aux Etats-Unis a permis d'exporter d'autres énergies fossiles. Si le prix de l'électricité a diminué en Europe, particulièrement en Allemagne, c'est parce que le prix du charbon, suite à l'arrivée du gaz de schiste américain, a diminué, alors qu'il s'agit d'une des pires ressources fossiles du point de vue des émissions de gaz à effet de serre et de CO2. Il devient très important dans la production d'électricité, ce qui explique la diminution récente du coût de l'électricité.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Michel Ducommun. Pardon ?
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, il vous reste trente secondes.
M. Michel Ducommun. Alors, pour conclure, je dirai deux choses: d'abord, quand on dit que l'actuelle loi sur l'énergie est fantastique, je rappelle que sur la question de l'énergie, la constitution comportait un article 160E lié au refus du nucléaire qui contenait l'interdiction du chauffage électrique, mais il a été supprimé. Et donc...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Michel Ducommun. Je termine, parce que je n'ai presque plus de temps. Il est vrai que je ne suis pas convaincu que tout soit résolu par le projet du MCG...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Michel Ducommun. Je suis surpris que le MCG aille dans une direction qui est quand même positive... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. C'est terminé, Monsieur, merci. Je passe la parole à M. François Lefort, à qui il reste vingt-deux secondes.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Vous voudrez bien transmettre à M. Stauffer que l'expression «consommation d'énergie» contient au sens commun la consommation électrique. Je ne ferai pas, comme mon collègue Deneys, le bon et gentil naïf...
Le président. Il vous faut déjà conclure, Monsieur le député !
M. François Lefort. ...qu'il joue très bien. Cette loi a comme unique but de réduire le champ d'application de la loi actuelle sur l'énergie et de la couler. C'est un projet dangereux et non écologiste et il faut le refuser.
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à M. Eric Stauffer, pour vingt-cinq secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez, ils se reconnaîtront: c'est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son que certains paraissent brillants avant d'avoir l'air con. (Rires. Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, lorsque M. Deneys vient me dire que je devrais laisser mon 4x4, j'aimerais lui rappeler qu'à réitérées reprises, lorsque nous nous rendons en commission de l'autre côté du canton, il me demande de venir le chercher avec le même 4x4...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. ...à Plan-les-Ouates ! (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Roger Deneys, à qui il reste une minute et vingt-quatre secondes. (Commentaires. Rires.)
M. Roger Deneys (S). Monsieur Stauffer, vous devriez me remercier, parce qu'en l'occurrence, je vous permets de diviser par deux votre consommation par passager ! (Remarque.) C'est par souci écologique que je me propose, que je me sacrifie pour venir à bord de votre véhicule ! (Hilarité.) Je crois donc qu'on doit me remercier: je contribue par mes gestes écologiques du quotidien à sauver la planète et vous aide à en faire de même. Remerciez-moi, Monsieur Stauffer ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Florian Gander, pour une minute et quarante-quatre secondes.
M. Florian Gander (MCG), député suppléant et rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. D'abord, permettez-moi de rappeler à M. Lefort que les Verts n'ont pas le monopole des bonnes idées en matière d'énergie renouvelable. Le MCG a déposé ce projet de loi, je vous le rappelle, en février 2010. Le projet de loi dont tous mes préopinants ont parlé a été voté par le peuple en août 2010. Le jour où nous avons déposé ce projet de loi, la loi existante - qui est effectivement bonne aujourd'hui - n'avait pas été votée par le peuple. Maintenant, avec le recul, vous pouvez donc effectivement dire quelque chose, mais alors, le projet de loi, pour nous, avait tout son sens visionnaire. (Commentaires.) Je vous remercie de me laisser terminer. Permettez-moi de vous rappeler, à titre personnel et ayant présidé cette commission de l'énergie, que suite au voyage que nous avons effectué pour aller voir les sites de géothermie, une motion interpartis a été élaborée allant dans le sens de faire de la recherche en matière de géothermie. Nous allons donc de toute façon dans le bon sens. Effectivement, vous pouvez dire que maintenant, après que le nouveau projet de loi a été voté par le peuple, il est peut-être caduc...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Florian Gander. Je vais terminer. Je vous invite toujours à soutenir ce projet de loi. Cela met encore en avant la volonté de ce canton d'avoir de l'énergie propre pour les régies publiques autonomes et les bâtiments administratifs.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Pour terminer, je passe la parole à M. le rapporteur de majorité. Monsieur Serge Hiltpold, vous avez la parole. Il vous reste une minute et quarante secondes.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons passé un bon moment grâce au projet du MCG ! J'ai trouvé ce parlement détendu, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de légèreté dans ce débat et je me permettrai de faire un petit clin d'oeil à mon ami Renaud Gautier. Nous avons eu dans cette comédie: François Lefort dans le rôle du pâtissier, Philippe Morel dans celui du président, Bernhard Riedweg, évidemment, dans le rôle du comptable, Pierre Conne dans le rôle du professeur, Roger Deneys dans le rôle de l'éco-citoyen, Benoît Genecand dans celui de consultant, Eric Leyvraz dans celui de viticulteur ou administrateur, éventuellement, Michel Ducommun dans le rôle du combattant, du bavard, Eric Stauffer dans le rôle de Madame Irma la visionnaire, Florian Gander dans le rôle de la victime, et les décors étaient de Serge Hiltpold. Je vous invite à rejeter ce mauvais vaudeville.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, pour cette pointe d'humour. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter l'entrée en matière.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, le vote nominal est soutenu.
Mis aux voix, le projet de loi 10637 est rejeté en premier débat par 64 non contre 23 oui (vote nominal).