République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 mars 2014 à 17h
1re législature - 1re année - 6e session - 40e séance
M 2175
Débat
Le président. Nous poursuivons notre ordre du jour avec la M 2175. Je salue, à la tribune, notre ancien collègue M. Patrick Schmied. (Applaudissements.) Je passe la parole au premier motionnaire, M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président, je serai bref. Pour ne pas heurter les oreilles de M. Gautier, il faudrait peut-être enlever du titre le mot «dangereux» et le remplacer par l'expression «à risque». Cette motion est liée à une question qui s'est posée après le drame d'Adeline: on a simplement perdu la trace de deux personnes, pendant quelques heures malheureusement pour la personne qui a été assassinée, et pendant quelques jours pour l'assassin d'Adeline. Ce que je demande dans cette motion concerne non pas la personne à risque mais la personne qui l'accompagne, pour qu'on ait les moyens de la localiser très vite, de savoir où elle se situe si l'on n'arrive plus à l'atteindre par téléphone, ce qui était le cas dans cette affaire. Le but est donc de connaître rapidement l'endroit où se trouve la personne pour qu'on puisse intervenir en cas de risque, quel qu'il soit, que cette personne puisse déclencher une alarme si c'est nécessaire, et que le véhicule dans lequel elle est - c'est un véhicule privé, pas de la police - puisse également être retrouvé rapidement par un système simple de détection GPS. C'est ce que cette motion développe: elle vise uniquement à disposer de moyens simples et bon marché qui permettent de retrouver au plus vite les personnes qui peuvent être agressées, en engageant immédiatement les forces de police pour aller les secourir. Je vous remercie, et je demande donc le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président
M. Pierre Weiss (PLR). Monsieur le président, je pensais intervenir en trois mots pour dire surveiller et punir, comme Foucault à l'époque, et soutenir - c'était mon troisième mot - la motion du PDC, mais je le ferai en quatre phrases.
Ma première phrase, c'est d'abord que cette mesure a été annoncée cette semaine lors de la conférence de presse de la police, qui faisait son bilan sur la criminalité à Genève. Un certain nombre d'entre nous étaient présents lundi matin au nouvel Hôtel de police, et je crois que cela fait partie du dispositif de réforme de la police genevoise qui est particulièrement utile, notamment dans le cas qui a été pris comme référence par M. Buchs et ses cosignataires. (Remarque.)
La deuxième chose, c'est que cette mesure, évidemment, doit être réservée à un certain nombre de cas; on ne peut pas l'étendre à toutes les situations de déplacements de prisonniers. Il y a un problème de proportionnalité.
La troisième chose... (Brouhaha.) ...c'est qu'il convient effectivement de protéger aussi les personnes et pas seulement de punir les délinquants - car le bracelet est une mesure qui fait partie de l'arsenal punitif. Cela va donc dans les deux sens.
Je conclurai en disant qu'il s'agit d'une motion qui est à la fois de salut public et de salut privé. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, évidemment, lorsqu'on accompagne des détenus dangereux, les premières mesures à prendre sont des mesures de sécurité qui font que le détenu sera dans l'impossibilité de commettre un délit. Mais cette motion - je ne sais pas si j'ai mal compris - envisage d'équiper de dispositifs les véhicules et les accompagnateurs: cette mesure sera donc efficace lorsque le délinquant aura commis un meurtre; on pourra retrouver la victime plus facilement et localiser la voiture s'il la prend, mais cela n'empêchera aucunement un fou furieux de commettre un délit. Je propose par conséquent d'équiper le criminel d'un bracelet qui permette de le localiser plutôt que la voiture ou les accompagnants. J'ai déposé un amendement dans ce sens.
M. Pascal Spuhler (MCG). Nous n'allons évidemment pas soutenir cette motion, parce que finalement, la réponse à la question se trouve dans le titre de la motion: la géolocalisation lors des sorties accompagnées de détenus et d'individus potentiellement dangereux. Pour nous, dans la mesure où la personne est potentiellement dangereuse, elle ne va de toute façon pas sortir pour aller se promener. On a malheureusement un triste exemple qui est relaté ici, celui du mois de septembre; et il est clair que nous nous opposons... (Brouhaha.) ...à toute forme de sortie pour les individus dits dangereux.
Une voix. Bravo !
M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président de séance, peut-être devriez-vous rendre les cours de lecture obligatoires dans ce parlement. (Commentaires.) C'est une motion courte, pour une fois, relativement précise à part un adjectif qualificatif relevé par le motionnaire. Cette motion ne parle pas du problème de celui qui est potentiellement dangereux, mais propose simplement que la voiture et la personne qui accompagne, ou les personnes qui accompagnent un individu dit dangereux puissent être plus facilement géolocalisées s'il se passe quelque chose. (Remarque.) Ne confondons donc pas les problèmes: il ne s'agit pas, dans cette motion, d'avoir des bracelets géolocalisables pour les méchants qui sont dangereux, mais bien au contraire d'avoir la possibilité de tracer les véhicules qui transportent ces gens-là... (Commentaires.) ...et de savoir où sont les personnes qui les accompagnent. Il s'agit donc d'une mesure de sauvegarde de celles et ceux qui sont, de par leur métier, amenés à devoir se déplacer...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Renaud Gautier. ...avec des gens potentiellement dangereux. Il ne faut donc pas mélanger les deux problèmes, et dans ce sens-là, cette motion, comme cela a été dit, doit être renvoyée au Conseil d'Etat.
Présidence de M. Antoine Droin, président
M. Bertrand Buchs (PDC). Très rapidement, pour répondre à M. Spuhler et à M. Falquet: je suis d'accord avec eux ! Dans ce cas-là, cette personne n'aurait jamais dû sortir et jamais dû se promener avec quiconque. Nous sommes entièrement d'accord. Mais cette motion propose un principe de précaution ! C'est un simple principe de précaution pour que, dans le cas où une telle situation se reproduirait - peut-être qu'elle se reproduira - les personnes qui se sentent en danger puissent le faire savoir et qu'on ait les moyens de les retrouver très rapidement. C'est un simple principe de prudence. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette motion a effectivement l'avantage de la brièveté, mais aussi celui d'être pragmatique - contrairement à des propositions que j'ai entendues, comme on dit, sur les bancs d'en face, bien que je n'aime pas trop cette expression - en visant à parer aux dangers qui peuvent être occasionnés par les sorties. Parce que ces sorties, eh bien elles sont nécessaires ! Mesdames et Messieurs, les personnes qui sont en train d'exécuter une peine vont revenir un jour dans la société... (Brouhaha.) ...en tout cas pour la grande majorité d'entre elles: ce sont donc des personnes qui doivent nécessairement être réinsérées. Et pour que cette réinsertion se fasse dans de bonnes conditions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il faut qu'on ait cet outil des sorties accompagnées. Afin que ces sorties se passent dans les meilleures conditions de sécurité, il nous semble que la mesure qui est proposée par le PDC d'équiper les véhicules d'instruments de géolocalisation est une mesure de bon sens. Nous proposons donc tout simplement de voter cette motion sans la renvoyer en commission. Je vous remercie.
M. Francisco Valentin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, j'ai un petit souci avec cette motion. Si je peux adhérer totalement au fait de géolocaliser les véhicules des professionnels qui travaillent avec des détenus, dangereux ou pas, j'ai été surpris d'entendre le député Buchs modifier l'intitulé de sa propre motion pour ne pas heurter les oreilles d'un autre député ! A ce moment-là, j'imagine qu'il faudrait retirer cette motion et la redéposer avec un nouvel intitulé. (Remarque.)
D'autre part, ce même député, lequel ne voulait pas que l'intitulé lui heurte les oreilles, se trompe de cible ! Poser un GPS sur une voiture de professionnel est une chose, mais si c'est juste pour aider à retrouver plus vite un cadavre, ce n'est pas forcément la bonne réponse à donner. Alors effectivement, cette motion, avec tout l'intérêt qu'elle peut avoir, mériterait d'être un petit peu modifiée, et ce sont en fait les gens dits potentiellement dangereux qui ne devraient pas sortir tant que les médecins - pour autant que la médecine ait moins de limites - n'ont pas estimé qu'ils peuvent sortir... (Commentaires.) ...et être réinsérés.
Mme Christina Meissner (UDC). Je suis quand même assez choquée par les propos de certains de mes préopinants. On dit que ces personnes multirécidivistes, dangereuses, n'auraient jamais dû sortir, mais qu'au cas où ça se reproduirait... (Brouhaha.) Eh bien non, il ne faut pas que ça se reproduise ! Parce que, comme un intervenant l'a dit, si équiper les véhicules ou les accompagnateurs d'instruments de géolocalisation sert à retrouver des cadavres, excusez-moi, mais c'est profondément choquant ! Ce sont bel et bien les détenus, ceux qu'on laisse sortir, qu'il faut équiper d'un système de géolocalisation - surtout si, comme un préopinant l'a relevé, ces personnes doivent être réinsérées - parce que ce sont bien eux qui risquent de créer des situations potentiellement dangereuses. Et ce n'est pas le cas des accompagnateurs qui, malheureusement, eux, ont des chances de ne plus avoir grand-chose à dire, comme dans le cas d'Adeline. (Brouhaha.) Je vous invite donc à voter la motion, mais avec l'amendement qui a été proposé par mon collègue, qui vise à équiper les détenus considérés comme dangereux d'un bracelet de géolocalisation lors de sorties accompagnées.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, pour cinquante secondes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Personnellement, j'ai bien écouté tous les intervenants; mais vous pouvez mettre tous les bracelets de géolocalisation, bips et autres repères sur les accompagnants, les voitures, les chaussures, et je ne sais quoi encore, ça ne change pas le principe, Mesdames et Messieurs ! Vous sous-entendez, par cette motion, que des individus potentiellement dangereux - et dans l'exposé des motifs vous prenez bien l'exemple de la Pâquerette - pourraient quand même profiter de sorties éventuelles. (Brouhaha.) Mais vous allez ramasser quoi, quand vous aurez géolocalisé la personne perdue? Un cadavre, Mesdames et Messieurs ! Le simple principe d'admettre qu'un individu potentiellement dangereux puisse sortir est, pour moi, inadmissible ! Nous ne voterons pas cela, même avec tous les amendements que vous voudrez !
Une voix. Bravo !
M. Bertrand Buchs (PDC). Juste pour dire une chose: on nous a interpellés sur le titre, la discussion porte sur le terme de dangerosité. On ne va pas faire un débat sur la dangerosité, mais c'est un mot qui actuellement ne veut strictement rien dire, parce qu'on ne peut pas savoir qui peut être potentiellement dangereux avant que cette personne ne passe à l'acte. (Brouhaha.)
Deuxième chose, je fais juste une remarque pragmatique: je dis qu'il y a eu un événement un jour, l'année passée, et qu'on n'a pas retrouvé la victime rapidement, ni la personne qui avait fui. (Commentaires. Remarque.) Mais c'est pour protéger ces gens-là, Monsieur Spuhler ! Vous ne voulez pas... (Commentaires.) C'est drôle, dès qu'on parle de sécurité, il n'y a que vous qui avez raison ! (Exclamations.) Alors on supprime...
Le président. Monsieur Buchs, adressez-vous à moi, s'il vous plaît !
M. Bertrand Buchs. Excusez-moi, Monsieur le président. Dès qu'on parle de sécurité, il n'y a que le MCG qui a raison. Alors d'accord, supprimons le Grand Conseil ! (Commentaires.) On aurait pu aller se promener cet après-midi, manger des glaces et laisser tout le débat sur la sécurité au MCG ! (Protestations.) Je suis pragmatique, j'ai dit que je voulais... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Bertrand Buchs. ...une fois pour toutes protéger la personne qui accompagne ces dangereux criminels; on ne peut jamais prévoir ce qui va se passer... (Protestations.) ...ce sont des mesures très faciles à mettre en place, et je ne vois pas comment on peut refuser une motion qui est aussi simple que ça ! Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Gautier, je suis désolé, mais votre groupe a épuisé son temps de parole. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Entendons-nous bien...
Le président. Pour quarante-quatre secondes, Madame la députée !
Mme Christina Meissner. ...l'objectif n'est pas de laisser sortir des détenus potentiellement dangereux, mais comme l'ont dit certains, au cas où cela arriverait - on peut imaginer une évasion, ou effectivement, que la personne ait déjà été libérée... (Commentaires.) ...mais reste potentiellement dangereuse - dans ces cas-là, la géolocalisation du détenu lui-même peut encore... (Protestations.) ...et peut toujours se justifier !
Le président. Chut !
Mme Christina Meissner. Je parle bien de la géolocalisation du détenu ou de la personne qui reste potentiellement dangereuse. Cela étant, si cette motion est refusée, avec ou sans notre amendement, nous n'allons pas pleurer car l'objectif est de revoir l'exécution des peines ainsi que les sorties, et le fait même qu'on laisse des individus pareils se rendre à l'extérieur pour faire des activités qui coûtent extrêmement cher... (Remarque.) ...et qui ne constituent pas forcément les meilleures manières de répondre...
Le président. Il vous faut conclure, Madame !
Mme Christina Meissner. ...au besoin de sécurité de la population.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc saisis d'un amendement de M. Falquet, qui consiste à annuler l'invite et à la remplacer par l'invite suivante: «A envisager de façon systématique d'équiper les détenus considérés comme dangereux d'un bracelet de géolocalisation lors de sorties accompagnées.» Je mets aux voix cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 78 non contre 9 oui.
Le président. Je vous soumets l'entier de cette motion.
Mise aux voix, la motion 2175 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 63 oui contre 26 non.