République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 janvier 2014 à 17h05
1re législature - 1re année - 4e session - 21e séance
PL 11011-A
Premier débat
Le président. Nous reprenons notre ordre du jour au point 32. Il s'agit d'un débat classé en catégorie II avec quarante minutes de temps de parole. Je vais passer la parole à M. Cuendet. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, avant de débuter le débat sur ce projet de loi, je voudrais rendre hommage à M. Dominique Frei, l'ancien directeur de l'office cantonal de la statistique, qui est, je crois, à la tribune. M. Frei a dirigé ce service de main de maître pendant de nombreuses années. Il l'a modernisé et a aussi créé des ponts avec le monde économique, parce qu'il était présent à beaucoup de manifestations dans le monde économique. Il connaît donc très bien le terrain et je pense qu'il est juste et important de lui rendre hommage pour tous les services qu'il a rendus à la République et canton de Genève.
Cela étant dit, quand on a commencé à traiter ce projet de loi à la commission législative, on pouvait se dire qu'un projet de loi sur la statistique allait être ardu, sec et ennuyeux. En fait, pas du tout: ça a été un débat passionnant qui a permis de discuter aussi de nombreux problèmes de fond, à savoir la protection des données, la coopération internationale et les techniques actuelles. Donc, je crois que la commission a fait un travail de fond intéressant.
Tout d'abord, la volonté qui sous-tend ce projet est de moderniser l'outil de la statistique, de l'adapter aux nouvelles technologies et aux nouvelles normes techniques qui ont beaucoup évolué depuis l'adoption de la première loi sur la statistique en 1993. Le but était aussi de mieux encadrer cette activité et je crois que le PL 11011 atteint ce but. Une préoccupation majeure qui a suscité beaucoup de débats était la problématique de la coopération internationale et du risque de transfert de données sensibles à des pays étrangers. Le climat était assez tendu avec les autorités françaises et l'office cantonal de la statistique avait des partenariats et des conventions de partenariats avec l'INSEE française et il a donc paru important à la commission législative de fixer des garde-fous afin que des données sensibles ne soient pas transmises à des autorités étrangères. Cela a été fait par le biais d'un amendement à l'article 12 du projet, qui prévoit spécifiquement que la collaboration statistique dans le domaine de la fiscalité des personnes physiques et des personnes morales est exclue avec des services statistiques étrangers ou internationaux. Cette proposition a recueilli une large majorité dans le cadre de la commission et devrait apporter une garantie suffisante pour que des données sensibles ne soient pas transmises. Un autre point qui m'est évidemment particulièrement cher, c'est le cas de le dire, c'était d'inscrire ce projet aussi dans un cadre budgétaire donné, et un amendement a été fait à l'article 11, alinéa 2, pour inscrire le programme pluriannuel de la statistique dans un cadre budgétaire donné pour éviter que des services de l'Etat soient pris par enthousiasme dans des grands projets statistiques qui coûtent trop cher aux finances de l'Etat.
Cela étant dit, les débats nous ont aussi apporté des informations importantes sur les capacités de l'office cantonal de la statistique qui sont grandes et il serait en mesure de reprendre tout le travail statistique du SRED. Il a donc été proposé que cet aspect des activités du SRED soit transféré purement et simplement à l'office cantonal de la statistique.
Le président. Trente secondes, Monsieur le député !
M. Edouard Cuendet. Et, pour finir, je vous invite à suivre le rapport de majorité.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi nous a d'abord été présenté comme un simple dépoussiérage de la loi actuelle. Ce n'est pas le cas. Sous un aspect anodin, il y a un véritable risque pour nos institutions puisqu'il s'agit d'intégrer nos statistiques dans une collaboration internationale comme l'indique entre autres l'article 1, à sa lettre d. Il n'est pas judicieux de laisser des données sensibles, notamment des données fiscales, utilisables par d'autres pays. Personne ne peut garantir que les règles de bonnes pratiques seront garanties et que les mesures de sécurité pourront être prises à ce niveau. Avec cette nouvelle loi, par exemple, l'Institut français de la statistique pourrait savoir combien de millionnaires français habitent sur le territoire genevois, ce qui n'est pas sans conséquences dans la guerre fiscale que nous vivons entre la Suisse et la France, voire d'autres pays.
Aucune sécurité n'est prévue pour protéger certaines données sensibles. Le journal «Le Matin dimanche» daté du 27 janvier 2013 s'inquiétait à juste titre de l'accès d'une société sous-traitante française dont les employés auraient eu accès aux données privées des contribuables genevois. Le titre en était: «Graves lacunes au niveau de la sécurité informatique de l'administration genevoise - Genève laisse une société française accéder à ses données fiscales». L'article se trouve à la page 7 pour celles et ceux qui désirent le consulter. Cette information démontre que certains secteurs de l'administration genevoise ne sont pas protégés et que des informations sensibles peuvent être facilement piratées. Il est dangereux que l'office de la statistique suive cet exemple. Genève et la Suisse ont obtenu une certaine crédibilité grâce à leur discrétion et leur sérieux. Cette discrétion et ce sérieux doivent être impérativement conservés et nous ne pouvons nous permettre de partager des données sensibles avec des pays voisins ou autres.
On relèvera dans l'article 17 consacré à la protection des données que le transfert des données individuelles à d'autres producteurs de systèmes suisses de statistiques publiques est sévèrement encadré par des conditions très strictes. Il n'est pas indiqué quelles sont les conditions de transfert de ces données individuelles avec d'autres pays. Cette lacune laisse la porte ouverte à tous les abus. La chronique devrait nous faire réfléchir: souvenons-nous du pillage des données dans une banque genevoise par un employé français indélicat. La naïveté n'est plus à l'ordre du jour, il convient de ne pas confondre l'activité internationale de Genève et la confidentialité de nos données.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Sandro Pistis. Pour toutes ces raisons, chers collègues, le MCG a donc déposé des amendements que je vous encourage à soutenir !
M. Gabriel Barrillier (PLR). Il est vrai que la commission a examiné ce projet de loi avec une certaine méfiance, en tout cas avec un esprit critique certain qui fait qu'on a passé quand même pas mal de temps à vérifier un certain nombre de choses pour s'assurer que cette loi sur la statistique soit la plus efficace et neutre possible. Vous le savez bien, la statistique et la politique ne font pas bon ménage. C'est même un couple impossible, puisque l'un des conjoints - la politique - a tendance à vouloir manipuler l'autre qui, pourtant, clame son sérieux et sa neutralité. Bon, vous connaissez tous cet aphorisme, la déclaration de Churchill: «Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées.» Ou cette phrase de Mark Twain: «Les faits sont têtus. Il est plus facile de s'arranger avec des statistiques.» Ceci pour nous mettre dans l'ambiance.
Eh bien, au cours de ces séances, nous avons pu vérifier et modifier le projet de loi en prenant quelques précautions et en obtenant des garanties, notamment que cette loi cantonale ne soit pas contraire à la législation fédérale puisqu'il existe une loi fédérale sur la statistique. Nous avons pu vérifier la neutralité absolue et l'indépendance de l'OCSTAT et je me joins là aux remerciements du rapporteur de majorité à l'égard de M. Frei qui a eu beaucoup de travail pour répondre à toutes nos questions. L'OCSTAT n'est au service d'aucune institution et d'aucune force politique. Nous avons la garantie absolue quant à la protection des données, notamment pas d'identification des données, l'exclusion de toute collaboration avec l'étranger dans le domaine fiscal et, surtout, le transfert de données et les collaborations avec les organismes étrangers sont strictement régis par des conventions et basés sur la réciprocité. Nous avons tracé toute référence à la supranationalité. Ainsi, nous avons la certitude qu'en votant cette loi, nous ne perdons aucune souveraineté dans les structures supranationales. Pour ces raisons, notre groupe refusera les amendements déposés et nous vous invitons à voter ce projet de loi.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je n'étais pas membre de la commission législative lorsque ces travaux ont été conduits, mais à lire le rapport - et je remercie son auteur - à lire le rapport de majorité, je suis impressionné par la qualité des auditions qui ont été demandées, en particulier par la qualité des réponses précises qui ont été fournies, notamment par M. Frei et je m'associe à l'hommage qu'a rendu M. Cuendet à cette personne.
Le projet de loi a été étudié entre fin 2012 et début 2013 et ça a été rappelé, le texte date de 1993. Je peux vous laisser imaginer, Mesdames et Messieurs, entre 1993 et aujourd'hui, quelles ont été les évolutions en matière de gestion d'internet, en matière de progrès informatiques, de même qu'en matière d'évolution des réseaux sociaux. Ces méthodes ont donc changé résolument et il était nécessaire de procéder non pas seulement à un toilettage comme cela a été dit, mais à une réforme assez importante. Le projet de loi qui vous est soumis correspond d'une part aux exigences posées par la loi fédérale sur la statistique, d'autre part au code de bonnes pratiques en matière de gestion des statistiques de l'Union européenne. Il est également compatible avec le dispositif cantonal de la LIPAD et il fait l'objet d'une approbation par le préposé fédéral à la protection des données.
Il faut relever que, dans son activité, l'OCSTAT collecte des données dont on tire une statistique. Ce qui signifie que le résultat de cette statistique n'est pas transmis ou n'est pas interprétable. Les données qui sont récoltées, il faut le rappeler, sont cryptées et cette clé de cryptage est conservée auprès de l'OCSTAT et personne, ni le département, ni le Conseil d'Etat ne peut intervenir pour les obtenir. Ces données sont ensuite détruites. Lorsqu'on transmet des statistiques ou lorsqu'on les publie, on transmet les résultats et non pas les données qui ont servi à les faire. Cela signifie que toute identification personnelle est impossible et je préfère me fier à cet égard aux différents documents de recherche qui ont été produits devant la commission plutôt qu'à un quotidien dominical.
Il est vrai - le rapporteur de majorité l'a souligné - que plusieurs questions ont été soulevées sur les aspects fiscaux notamment, également sur les aspects de collaboration internationale ou supranationale ou régionale ou interrégionale ou suprarégionale, puisque tous ces termes ont été utilisés. Les réponses qui ont été données en commission par l'office cantonal lui-même ont été considérées comme satisfaisantes et les modifications demandées, notamment en matière fiscale et dans d'autres domaines, ont été satisfaisantes.
Dans ce cadre-là, Mesdames et Messieurs, chers collègues, le PDC approuvera ce projet de loi. J'attire également votre attention sur l'amendement qui vous est transmis par M. Sandro Pistis concernant la modification des articles 1, 3 et 9: c'est un amendement qui peut paraître anodin...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président, je connais votre mansuétude. (Rires.)
Une voix. Tu fausses les statistiques !
M. Jean-Marc Guinchard. C'est un amendement, disais-je, qui peut paraître anodin voire patelin, mais en fait c'est un amendement qui supprime simplement tout ce qui fait référence aux collaborations interrégionales ou internationales. Mesdames et Messieurs, chers collègues, en matière de statistiques comme en matière d'environnement dont on a parlé tout à l'heure la Suisse n'est pas un îlot fermé vis-à-vis de l'extérieur. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui nous concerne, le groupe socialiste, nous avons également pris connaissance attentivement de l'excellent rapport du rapporteur de majorité notamment. Attentivement pourquoi ? Parce que parfois, comme cela a été dit, le diable se cache dans les détails ou plutôt dans certains amendements du PLR ! Donc, nous regrettons au niveau du groupe socialiste que cette modernisation de la loi ou ce qui est présenté comme tel ait donné lieu à des envolées du PLR et du PDC nourries par certains fantasmes, comme la confusion qui existe visiblement dans certaines têtes entre les données personnelles et les statistiques qui sont bien entendu anonymisées. D'ailleurs, nous relevons au passage que la loi originelle, sans les amendements du PLR, avait donné lieu à un avis positif des préposés à la protection des données. Nous n'avons pas repris tous les amendements du PLR, nous en avons repris un pour corriger un élément qui nous semble tout à fait inadmissible par rapport à cet amendement, qui a trait à l'article 12, alinéa 4. Cet alinéa introduit à la demande du PLR va rendre dans les faits tout à fait impossible tout travail statistique en matière de statistiques fiscales, ce qui nous semble tout à fait inadmissible.
Nous présentons donc cet amendement qui porte sur deux points et que je présente avec des collègues des groupes verts et d'Ensemble à Gauche. Il vise à supprimer l'article 12, alinéa 4 d'une part et à supprimer, d'autre part, la référence à cet article 12, alinéa 4, qui figurait à l'article 7, lettre e de la loi.
Une modernisation ne doit pas se faire au prix de restrictions, chères et chers collègues, de restrictions nouvelles qui n'existent pas actuellement et qui rendraient difficiles voire impossibles soit la collaboration internationale en matière de statistique, soit la tenue de statistiques et la publication de résultats en matière fiscale. C'est pourquoi, si notre amendement devait être refusé ou si les amendements du MCG devaient être acceptés, eh bien, nous refuserions une loi qui s'avérerait plus restrictive pour le travail statistique de l'Etat que la loi actuelle.
M. François Baertschi (MCG). Voilà, je crois qu'on touche un problème important, un problème qui est souvent ignoré à Genève, parce qu'il s'agit d'informatique, qu'il s'agit de choses nouvelles, qu'il s'agit de données, qu'il s'agit d'éléments abstraits. Mais nous entrons actuellement dans une guerre de l'information, dans une cyberguerre comme on a usage de le dire également et il y a de nouvelles menaces qui sont là. Maintenant, ces menaces ne sont plus vraiment sur les champs de bataille, en tout cas pas en Europe, mais elles sont sur les réseaux informatiques. Elles sont à ce niveau-là et la statistique peut être un danger. C'est en cela qu'il faut y veiller et prendre garde. C'est pour ça que nous avons demandé la plus grande prudence avec les organismes supranationaux et internationaux, parce que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre notre souveraineté sur nos données. Il y a des données brutes qui ne sont pas des données anonymisées tout le temps et dans lesquelles on peut retrouver certains éléments.
Je vous demande également de rejeter l'amendement de M. Mizrahi, parce que je ne voudrais pas voir des données fiscales aller chez nos amis Hollande et compagnie de l'autre côté de la frontière. On a déjà eu des précédents de vols de données dans le domaine bancaire et je ne voudrais pas que les socialistes français fassent main basse sur des statistiques fiscales, un domaine délicat, sur nos informations et fassent ainsi main basse sur notre souveraineté. Je vous demande de soutenir les amendements de Sandro Pistis, en faveur d'une souveraineté nationale. C'est ce que nous demandons et dans ces conditions-là, nous voterons le texte qui nous est proposé, autrement nous le refuserons. Je vous remercie, au revoir.
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, il faut se rappeler ici que nous parlons de traitement statistique et non de données brutes initiales, soit bien de chiffres liés à un groupe, à une thématique et non pas à un individu. C'est bien le résultat du traitement de données anonymisées qui permet aux collectivités, aux acteurs économiques, aux instituts d'analyses, aux politiques, aux citoyennes et aux citoyens et bien d'autres encore, de comparer, de mettre en perspective le cas échéant une situation ou une thématique spécifique. Ce sont aussi des outils d'aides à la décision qui doivent permettre de se projeter dans l'avenir, d'appréhender notre réalité et planifier nos lendemains. Il ne faut pas oublier que la statistique est utilisée au quotidien, notamment au travers de nos collaborations internationales, à l'exemple des organismes internationaux dont nous sommes membres, que ce soit l'Organisation de coopération et de développement économiques dont la Suisse est membre depuis 1960, le Conseil de l'Europe dont la Suisse est membre depuis 1963 ou encore l'OSCE, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe dont la Suisse est membre depuis 1975.
Pour ce qui est de l'alinéa 4 de l'article 12, nous proposons de le supprimer car, de fait, il empêcherait la réalisation de statistiques publiques en la matière, soit pour le moins de les rendre publiques et libres d'accès, notamment sur internet. En effet, selon les dires de certains, ces statistiques pourraient être captées par des Etats belliqueux. Permettez-moi de sourire ! Nous sommes dans les statistiques et non dans la diffusion de données personnelles: il n'y a là aucune information sensible, mais seulement des peurs infondées, développées sur des catégories de données compilées.
Le groupe des Verts soutiendra ce projet de loi tout en vous suggérant de retenir l'amendement que nous avons proposé, ceci pour éviter de modifier cette loi à très court terme pour répondre aux besoins avérés d'échanges et de collaboration en matière de statistiques.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'admire l'euphorie béate, naïve, de certains d'entre vous, du PDC aux Verts: tout est bien dans le meilleur des mondes. L'informatique, c'est super et il n'y a aucun vol. C'est à croire qu'ils ont oublié ou tout d'un coup «switché» l'actualité - avec certaines personnes, la NSA - qui montre que même des données sensibles, militaires, diplomatiques ou autres sont prises. Donc, évidemment, tout ce qui viendrait du fisc, bien entendu, ça n'intéresse pas et ça ne serait pas décodé. Chers amis, il faudrait quand même un peu de sérieux.
Ensuite, vous me permettrez quand même de vous dire que les citations ont été faites, comme «la statistique est quand même une addition juste de chiffres faux». Et bien souvent, même si on dit que la statistique n'est pas politique, ces chiffres faux servent justement à influencer quelques données ou quelques opinions.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC acceptera l'entrée en matière sur le projet de loi. Simplement, à notre sens, il y a des cautèles qui sont indispensables et qui sont les amendements du MCG et uniquement les amendements du MCG. Nous accepterons donc ces amendements et si c'est refusé ou si d'autres choses étaient introduites dans ce projet de loi, nous nous verrions contraints de le refuser.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste deux minutes quarante.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président; ça sera largement suffisant. La statistique publique cantonale de Genève est de présenter une image statistique aussi fidèle, actuelle et complète que possible. L'utilité de la statistique publique cantonale est avant tout un moyen d'aide à la gestion tant publique qu'institutionnelle, ce qui peut faciliter la réalisation de projets.
Je comprends la réticence de l'un des partis politiques importants du Grand Conseil sur le fait de collaborer en matière de statistiques avec les pays voisins et plus particulièrement avec la France, dans le cadre du Grand Genève. Dans ce projet de loi, on mentionne la gestion des statistiques cantonales qu'il ne faut pas confondre avec l'entraide fiscale. A notre connaissance, exception faite pour la protection sociale et la santé, le projet de loi ne se prononce pas sur les statistiques de l'OCSTAT qui permettraient de faire des comparaisons avec les politiques publiques d'autres cantons et mesurer ainsi les ratios d'efficacité, d'efficience et de qualité des prestations telles qu'elles ressortent des tomes consacrés au budget et au compte de fonctionnement de notre canton. Il serait intéressant, par exemple, de comparer les prestations et leurs coûts avec ceux d'autres cantons similaires au canton de Genève, comme Zurich, Bâle-Ville et Berne, qui possèdent un aéroport, une université ou un hôpital universitaire. Je voulais vous signaler cet état de fait. L'UDC demande toutefois d'accepter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Amaudruz pour une minute trente-neuf.
M. Michel Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aurai largement le temps. M. Barrillier nous a rappelé une citation de Churchill. Moi, je me souviens qu'en tant qu'étudiant, j'avais un professeur d'économie, Firmin Oulès, qui nous disait de faire attention, que la statistique est la science parfaite du mensonge et qu'elle ouvre la voie à la manipulation.
Je voudrais aussi vous dire que la loi qui nous est proposée pose des principes, mais elle ne contrôle pas leur application. C'est pourquoi il faut faire preuve d'une grande prudence dans l'acceptation de cette loi, parce que vous savez qu'on ne maîtrise jamais les fuites et qu'il y a des protections de données dont on doit s'assurer dans l'intérêt de chacun. C'est donc dans cet esprit-là et avec conviction que nous soutiendrons les amendements du MCG.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Cyril Mizrahi. Il vous reste une minute quinze.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisant. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas préparé de citation comme certains de mes collègues, mais j'aimerais insister sur ce qui a été dit à la fois par mon collègue Riedweg et aussi par mon collègue Boris Calame. Il s'agit de ne pas confondre en substance la collaboration en matière statistique avec l'entraide fiscale et c'est là le coeur de notre amendement, c'est de pouvoir permettre la collaboration statistique dans le domaine fiscal. Je vous remercie de votre attention.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la loi que vous vous apprêtez à voter est une loi importante, parce qu'elle fixe certains principes pour l'élaboration des différents outils statistiques. C'est fort bien que nous ayons un cadre juridique qui précise ces différents principes, afin que l'office cantonal de la statistique puisse travailler dans un domaine qui soit prévisible et dans un cadre juridique qui soit stable.
Mesdames et Messieurs, un certain nombre de craintes ont été exprimées ici et je me dois ici de les lever. Le but et l'objectif de ce projet de loi, je l'ai dit, sont de donner une stabilité, notamment un cadre juridique. Il faut se rappeler que les différentes informations qui sont données ici le sont par des collaborateurs et des collaboratrices qui ont fait leurs preuves, sur la base d'engagements qui ont toujours été respectés. Ils le sont d'autant plus que depuis un certain nombre d'années - je crois qu'il faut les citer en exemple - l'office cantonal de la statistique s'est ouvert sur la région et, avec l'Observatoire statistique transfrontalier, offre à l'ensemble de cette région des statistiques probablement d'une qualité incomparable à aucune autre région d'Europe. Ces statistiques ont permis d'élaborer des politiques publiques, de comprendre certains phénomènes comme probablement jamais aucune région qui a la particularité de chevaucher deux cantons et deux pays n'a été en mesure de le faire. Il faut d'abord rendre hommage à celles et ceux qui ont élaboré cette statistique transfrontalière et, parmi eux, saluer la présence de l'ancien directeur, M. Dominique Frei, qui a collaboré de manière très intense à ce résultat dont nous pouvons être fiers.
Bien évidemment, la transmission d'informations, l'échange d'informations n'ont de sens que si certains principes sont respectés et c'est précisément ce que cette loi permet. Mais il est bien sûr aussi que la statistique n'a de sens que si elle peut être utilisée avec des bases qui soient comparables. Bien évidemment, pour disposer de ces informations, cela suppose qu'il y ait certains échanges.
Avec le rattachement récent de l'office cantonal de la statistique au département présidentiel, j'ai rappelé à ses différents responsables que nous entendions respecter les principes que le gouvernement a toujours appliqués à l'endroit de ce service, à savoir lui garantir une forme d'indépendance, mais aussi de s'assurer que divers éléments soient respectés, notamment en termes de sécurité. J'entends affirmer ici que ceux-ci le seront; il ne faut pas faire de mauvais procès, il ne faut pas imaginer que, parce que nous collaborons avec des offices statistiques ailleurs, l'office cantonal soit rempli de traîtres qui vont donner nos informations à l'ennemi.
D'autre part, les données sensibles, notamment, sont cryptées, de manière qu'aucune autre instance étrangère ne puisse y accéder. Nous n'avons d'ailleurs jamais eu aucun problème de cette nature, alors même que nous savons que des établissements bancaires qui ont pourtant des systèmes de sécurisation beaucoup plus puissants que ne peuvent en avoir des offices étatiques ont été confrontés à des comportements dont l'ensemble de notre place financière a été la victime.
Il faut aussi rappeler ces différents principes au moment où vous allez aborder le vote d'une loi qui permettra précisément de fixer un cadre.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je fais voter l'entrée en matière du projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11011 est adopté en premier débat par 86 oui contre 9 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Pistis à la lettre d, que je soumets à votre suffrage. Monsieur Pistis ? Rapidement, parce que vous n'avez plus de temps de parole, normalement, je pense.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Juste sur les amendements, oui ?
Le président. Alors trois minutes pour l'ensemble des amendements !
M. Sandro Pistis. Très bien, merci ! Moi, ce que je vous propose, au vu des diverses déclarations faites, c'est de retourner ce projet de loi en commission... (Commentaires.) Oui ! De pouvoir réétudier la chose, pour savoir de quoi il en retourne. En plus, il faut également savoir, si vous permettez, que tous les cantons sont assujettis à une charte éthique au niveau de la Confédération et elle n'est pas forcément reconnue au niveau de l'Europe.
Donc, ce que je propose, puisque vous êtes des nouveaux députés pour certains, c'est de réétudier la chose... (Commentaires.) ...pour savoir de quoi il en retourne et de retourner en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il y a une demande de renvoi en commission, je vais donc donner la parole à M. Cuendet en tant que rapporteur et au Conseil d'Etat, s'il le désire. Monsieur Cuendet !
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Bon, c'est une manoeuvre dilatoire courante. Donc, on ne va pas s'en offusquer. Mais, comme l'ont relevé beaucoup d'intervenants dans le cours du débat, je crois que les travaux ont été menés en commission législative avec sérieux, que toutes les personnes à auditionner ont été auditionnées, que les députés qui étaient présents en commission ont fait leur travail de manière sérieuse et qu'il y a une continuité dans le pouvoir législatif. Ce n'est pas parce qu'il y a un changement de législature qu'il faut recommencer le travail à zéro. C'est pour ça que je m'oppose à ce renvoi en commission. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Pistis, vous avez déjà parlé pour le renvoi en commission. Donc, je ne vais pas vous redonner la parole, mais je vais donner la parole à M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Après, nous votons.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'abonde dans les propos qui viennent d'être tenus par le rapporteur de majorité. Il y a parfois des renvois en commission qui sont des manoeuvres dilatoires et il ne s'agit pas de procéder à cela ce soir. Le travail a été fort bien fait, les rapports sont complets. Je vous invite donc à poursuivre vos travaux et à ne pas renvoyer ce texte en commission.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11011 à la commission législative est rejeté par 70 non contre 24 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat sur les amendements et je passe la parole à M. Cyril Mizrahi - qui renonce. Monsieur le rapporteur de minorité ? Allez-y !
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste m'exprimer par rapport à l'amendement qui avait été déposé. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans le texte original qu'on vote ce soir, il est tout simplement fait état à l'article 1, lettre d qu'il faut «assurer la collaboration avec les cantons et les organismes régionaux et internationaux». L'amendement vise à supprimer «et les organismes régionaux et internationaux». Pourquoi ? Le but n'est pas de ne pas collaborer, c'est tout simplement qu'au niveau international, d'autres procédures peuvent être demandées. C'est ce qui se fait actuellement avec la loi actuelle, celle qui passe par le cheminement normal. Nous n'avons pas à faciliter, à nous... Je vais y arriver: à faciliter l'échange de communications puisque nous n'avons pas ce principe de faciliter les échanges. Je prends un exemple concret. Lorsque vous avez des travailleurs français qui veulent venir travailler en Suisse grâce à internet, celles et ceux qui désirent venir travailler en Suisse peuvent s'inscrire. La réciprocité du côté français n'est pas la même: il y a passablement de paperasse, il y a passablement d'encombrements. Donc, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions, nous, faciliter la communication de certaines informations et ne pas avoir la réciprocité. C'est pour ça que nous demandons tout simplement que le texte soit revu à ce niveau-là, qu'il assure la collaboration avec la Confédération, les cantons et les communes, en supprimant «les organismes régionaux et internationaux». Merci !
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Evidemment, il faut rejeter cet amendement ou ces amendements qui excluent toute collaboration avec la région et les autres pays ! Le but de cette loi, c'est de cadrer - comme l'a dit le président du Conseil d'Etat - c'est de cadrer cette collaboration, ce n'est pas de l'annihiler. C'est pour ça que, comme l'a dit un des préopinants, Genève n'est pas une île et vit dans une région et il faut pouvoir collaborer aussi dans ce domaine-là, mais avec un cadre précis qui exclut notamment la collaboration sur des données sensibles. C'est pour ça que la commission s'est préoccupée de cette situation et a fourni des solutions tout à fait raisonnables et acceptables. Par conséquent, je vous invite à rejeter ces amendements.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est encore à M. Mizrahi ? (Remarque.) Toujours pas ! Alors je ne sais pas pourquoi votre nom est toujours inscrit sur la machine. Mesdames et Messieurs les députés, je vais donc vous faire voter cet amendement à l'article 1, lettre d. (Remarque.) Ah, je n'avais pas vu ! Monsieur Girardet, vous avez la parole.
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. L'amendement qui est proposé me paraît assez logique, dans la mesure où il vise à enlever de la loi ce qui a été proposé par le député Pistis, la collaboration avec les organismes régionaux et internationaux, dans la mesure où il y a une collaboration qui est assurée avec la Confédération, avec les cantons, mais pas avec les communes ! Alors, ou bien on rajoute les communes, parce que les communes sont des organismes régionaux, mais elles font avant tout partie de notre canton, de notre République et canton de Genève. Donc, si on ne les met pas dans la loi, il n'y a pas de raison pour qu'on facilite par cette loi la collaboration avec les communes. Et je pense que c'est primordial de mettre aussi cette collaboration avec les communes. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Donc, cette fois, nous sommes en procédure de vote et je vous soumets l'amendement à l'article 1, lettre d: «assurer une collaboration avec la Confédération, les cantons».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 29 oui.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que l'article 2.
Le président. A l'article 3, alinéa 3, nous sommes saisis d'un amendement de M. Pistis. La parole n'est pas demandée... Vous n'avez plus de temps normalement, Monsieur Pistis.
M. Sandro Pistis. Je renonce, c'est bon.
Le président. Monsieur Cuendet ? Non ? Donc, je vous soumets l'amendement à l'article 3, alinéa 3: «Dans son activité statistique, le canton collabore avec la Confédération, les cantons, les communes, ainsi qu'avec les milieux scientifiques, l'économie privée et les partenaires sociaux.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 29 oui.
Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que les articles 4 à 6.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 7, lettre e, demandant la modification suivante: «...dans les limites fixées par l'article 17, alinéa 6».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 32 oui.
Mis aux voix, l'article 7 est adopté, de même que l'article 8.
Le président. A l'article 9, nous sommes saisis d'un amendement du MCG sur la lettre b demandant «d'assurer la coordination générale du système cantonal de statistique publique et de le représenter auprès de la Confédération».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 29 oui.
Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que les articles 10 et 11.
Le président. A l'article 12, nous sommes saisis d'un amendement du parti socialiste. Il demande de biffer l'article 12, alinéa 4.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 32 oui.
Mis aux voix, l'article 12 est adopté, de même que les articles 13 à 27.
Mis aux voix, l'article 28 (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 11011 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11011 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 43 non et 3 abstentions.