République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 janvier 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 4e session - 19e séance
PL 11141-A-1 et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour des urgences. (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence ! Nous sommes toujours en catégorie II, quarante minutes. Il s'agit du PL 11141-A-1 et du PL 11141-A-2. La lecture du courrier 3304 a été demandée, je vais donc passer la parole à M. François Lefort.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, dans ces conditions on ne peut pas continuer à travailler ! S'il vous plaît, faites un effort; vous avez demandé la lecture de la lettre, donc chacun l'écoute jusqu'au bout. Maintenant on va poursuivre nos débats dans le silence, je l'espère ! Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en ma qualité de rapporteur de majorité, je tiens d'abord à souligner le courage du conseiller d'Etat en charge de ce projet de loi, M. François Longchamp, qui a défendu une idée: l'accession à la propriété pour la classe moyenne. Le but de ce projet de loi est simple et clair: il demande, lorsque l'Etat contrôle les prix et offre des conditions imbattables, qu'en échange le propriétaire occupe le logement qu'il achète. Il n'est pas question de faire un business en profitant de l'Etat et de la crise du logement au détriment de la classe moyenne. De nombreux Genevois veulent accéder à la propriété et vivre dans leur propre logement; nous n'avons pas le droit de les en empêcher au profit d'intérêts très particuliers.
Le logement est l'une des préoccupations principales des Genevois, qui subissent depuis des décennies une grave pénurie d'appartements et un développement de la spéculation. Les citoyens et habitants de notre canton attendent des solutions à leurs problèmes. Afin d'y répondre au mieux, la commission du logement a procédé à de larges auditions qui nous ont permis d'entendre les milieux concernés, et d'avoir l'avis juridique de Me Manfrini. Ce projet de loi fait l'objet d'un examen long et minutieux, au cours duquel chacun a pu largement s'exprimer et proposer des amendements. Si on veut donner la possibilité à la classe moyenne d'accéder à la propriété, il faut avoir le courage de soutenir le projet de loi tel qu'il est sorti de la commission. (Brouhaha.) Chers collègues, je vous encourage, en tant que rapporteur de la majorité, à soutenir ce projet de loi tel qu'il a été amendé, traité et discuté au sein de la commission du logement. Je vous le rappelle, nous avons mené ces travaux durant onze séances, ce qui représente quasiment trois mois. Au nom de la majorité, je vous encourage donc à soutenir ce projet de loi. Merci ! (Applaudissements.)
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est à moi que reviennent la tâche et l'honneur de remplacer le rapporteur de minorité de l'époque, Christophe Aumeunier, qui s'était engagé dans un rapport très complet sur les différentes auditions qui ont eu lieu et les aspects véritablement techniques de ce projet de loi.
J'aimerais résumer assez brièvement la position de la minorité, en reprenant les différents points qui ont été débattus en commission avec une certaine objectivité. Je voudrais noter tout d'abord que les constats de ce projet de loi sont justes; il y a eu effectivement des opérations inadmissibles, notamment dans certains cas, dont le département a connaissance. Et je crois que selon la commission du logement de la précédente législature, ces faits ont été avérés - mais ils n'ont pas cours dans toutes les opérations immobilières, heureusement.
Brièvement, la minorité déplore, dans ce projet de loi, tout premièrement un renforcement de la LDTR, et effectivement le principe de la clause de rétroactivité. Au nom de la minorité et de l'actuelle commission du logement, en raison du changement de département, de l'importance et de la zone de développement et des enjeux qui y sont liés, je demanderai à ce parlement de renvoyer ce projet de loi à la commission du logement, non pas pour l'enterrer... (Commentaires.) ...non pas pour se voiler la face, mais simplement pour lui apporter une plus-value. (Rires.) Une plus-value de laquelle nous aimerions débattre... (Rires. Le président agite la cloche.) ...dans de nouvelles dispositions, notamment s'agissant de la notion du primo accédant et de la notion de rétroactivité. Cela non pas pour enterrer le projet, mais avec l'engagement que dans les deux mois sorte de cette commission un projet de loi équilibré grâce à l'effort de tous les partis, avec un soutien beaucoup plus large que ce qui est le cas maintenant. Donc je vous demanderai un renvoi à la commission du logement. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. S'agissant du renvoi en commission, peuvent s'exprimer les rapporteurs et le Conseil d'Etat. Monsieur le rapporteur de majorité, voulez-vous vous exprimer ? (Remarque.) Alors allez-y, sur le renvoi en commission s'il vous plaît.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Sur le renvoi en commission, je tiens quand même à apporter quelques précisions. Comme je l'ai dit, nous avons traité ce sujet durant onze séances, plus de trois ou quatre mois se sont écoulés, et nous avons également fait appel à un avocat, Me Manfrini, qui nous a fait un avis de droit qui se trouve également dans ce rapport de majorité. Je pense que renvoyer ce projet de loi à la commission du logement revient simplement à enterrer définitivement ce dernier. Je vous rappellerai quand même le but essentiel de ce projet de loi, qui est que celui qui achète une PPE - donc une propriété par étage - dont les prix sont contrôlés par l'Etat, occupe le bien acheté. Je me permets juste de lire quelques extraits...
Le président. Oui, mais sur le renvoi en commission, Monsieur le rapporteur, s'il vous plaît.
M. Sandro Pistis. Oui, toujours sur le renvoi. Je lis donc quelques extraits de ce projet de loi et ensuite je me tais, promis, Monsieur le président. Il est indiqué: «De nombreux logements ont été occupés d'emblée par des locataires alors qu'ils étaient censés être mis en vente.» Vous aurez compris que ces PPE destinées à la vente ont été effectivement achetées, mais dans le but de faire de la location. Renvoyer ce projet de loi, c'est également retarder la possibilité, pour la classe moyenne, de pouvoir accéder à des appartements dont les prix sont contrôlés par l'Etat. Au nom de la majorité, je vous encourage à ne pas renvoyer ce projet de loi en commission. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, toujours sur le renvoi.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit par le rapporteur de majorité: quand bien même il y a une demande de renvoi, votre commission a passé pas moins de onze séances de deux heures à procéder à des auditions, à discuter sur des amendements, à réadapter le projet de loi initial en fonction de ces auditions, et a, par conséquent, fait un travail complet et approfondi. Aujourd'hui, une partie des députés souhaite néanmoins renvoyer ce projet de loi en commission; nous ne pouvons qu'en prendre acte mais le regretter. La population attend de ses autorités - qu'elles soient gouvernementales ou parlementaires - le courage de ses décisions. Les situations évoquées dans le rapport de majorité sont connues, le débat a été fait, il appartient à chacun de se positionner sur cette question. Alors la position du Conseil d'Etat est claire: nous l'avons dit lors du discours de Saint-Pierre, en matière de politique du logement nous entendons favoriser l'accès à la propriété pour la classe moyenne, celle qui veut habiter dans le logement qu'elle acquiert. Et cette vision politique correspond, d'après ce que j'ai compris, à celle qui est affichée pratiquement par l'ensemble des groupes en matière de PPE. Une fois le principe posé, vous comprenez, Mesdames et Messieurs, que l'Etat ne peut pas rester les bras croisés quand il constate que malgré une loi sur les PPE en zone de développement, celles-ci sont détournées de leur objectif initial - soit de fournir des appartements à la classe moyenne - par certaines personnes qui recourent à des moyens, certes, légaux, mais dont le résultat est de priver les Genevoises et les Genevois qui ont des budgets et des salaires médians, ne serait-ce que de voir l'annonce de la disponibilité de ces appartements, et d'avoir ne serait-ce que la chance de déposer une demande auprès du promoteur ou du propriétaire pour acquérir ce logement. (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs, les Genevois attendent de l'équité en matière d'accès au logement. Chacun est conscient de la pénurie, et ce sera un des grands dossiers de cette législature. Mais dans une situation de pénurie, quand vous avez enfin, même si c'est peu et modeste, quelques biens à disposition, c'est bien sur ces objets qu'il faut contrôler les prix pour que la classe moyenne puisse y accéder. La population ne peut pas comprendre que ces biens soient confisqués par certaines personnes qui ne désirent pas habiter dans ces appartements, mais qui souhaitent, à l'issue des dix années de contrôle, faire une plus-value immobilière importante. Cela, Mesdames et Messieurs, je crois, doit être acté de manière claire. L'actuel Conseil d'Etat, tout comme le précédent, est déterminé sur ce projet de loi. Par conséquent nous vous prions d'aller vite et d'éviter les manoeuvres dilatoires. Le Conseil d'Etat s'en remet à vous sur le renvoi en commission, car il ne veut pas - comme M. Longchamp l'a expliqué tout à l'heure - vous dire ce que vous avez à faire; vous êtes maîtres de votre ordre du jour, mais je ne vous demanderai qu'une seule chose: la bonne foi. Si vous trouvez une majorité, aujourd'hui, pour renvoyer ce projet de loi en commission, je vous demande d'être de bonne foi et de ne pas l'enterrer, de lui donner un traitement rapide, de ne pas rouvrir l'ensemble des débats mais de procéder à une évaluation technique des éléments qui pourraient encore déranger certains députés - notamment les nouveaux, peut-être, qui siègent pour la première fois dans cette législature - et dans ces conditions, de revenir au plus tard - au plus tard ! - dans deux mois avec ce projet à l'ordre du jour, pour que nous aboutissions à une décision très prochainement. Le Conseil d'Etat ne souhaite pas le renvoi en commission de ce projet de loi; si pour votre part vous l'acceptez, je vous demande de respecter ces deux conditions. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je passe la parole à M. François Longchamp, qui l'a demandée. Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous avez la parole.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous suggère le vote nominal... (Commentaires.) ...pour cette demande de renvoi en commission. (Applaudissements. Exclamations.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vois que la proposition est largement soutenue, donc il y aura vote nominal. Je mets aux voix cette proposition de renvoi à la commission du logement.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 11141-1 et 11141-2 à la commission du logement est rejeté par 59 non contre 34 oui et 2 abstentions (vote nominal).
Le président. Nous poursuivons nos débats. La parole est à M. le député Olivier Cerutti.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, j'ai entendu le Conseil d'Etat s'exprimer. Personnellement, je suis désolé, mais je ne fais pas le même constat que vous. Le constat que je fais est le suivant: on a pu lire dans la feuille d'avis, ces derniers jours, que des demandes d'autorisation de passer de PPE en HM étaient renvoyées; nous sommes en train de tuer la PPE, de cette façon-là, Mesdames et Messieurs. (Protestations.) Oui ! Pourquoi ? Nous sommes toujours, avec la LGZD, dans un rapport gagnant-gagnant. Le droit du propriétaire dans la zone villa, comme l'a rappelé tout à l'heure le courrier qui a été lu par M. Lefort, est différent. Aujourd'hui, nous offrons 1000 F le mètre carré de terrain dans une zone villa pour un déclassement. Ce déclassement, Mesdames et Messieurs, s'il ne se faisait pas, rapporterait certainement 2500 F, voire plus, à ce propriétaire de villa.
Mesdames et Messieurs, l'appel nominal a été demandé tout à l'heure, et je m'en réjouis. Nous sommes en train de casser cette volonté de construire, et de construire pour tous ! Je suis désolé, cette urgence était pour nous quelque chose d'important, elle permettait aux députés de reprendre leur travail en commission du logement, de revoir certains amendements qui auraient permis à cette loi de passer, parce que notre constat est le même que vous, Mesdames et Messieurs. Nous constatons, comme vous, qu'aujourd'hui 53% des gens ont acheté plus de deux appartements ! Oui, Mesdames et Messieurs ! Vous avez raison, mais ce n'est pas de cette façon qu'on fait de la politique; on sort du rapport gagnant-gagnant, et je suis désolé pour vous, mais ce n'est pas comme ça qu'on construira Genève ! (Commentaires.)
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne crois pas qu'on puisse lutter contre la mauvaise foi qui anime certains bancs, ce soir, par le biais de travaux au sein de la commission du logement. Les auditions qui ont été faites sont claires, et les éléments que vous soulevez, chers collègues, n'ont strictement rien à voir avec le projet dont nous débattons. Ce soir, nous traitons de la LGZD, du principal outil de lutte contre la spéculation foncière. Cette loi prévoit un principe, c'est que les logements qui sont construits sur les zones de développement doivent répondre aux besoins de la majorité de la population, en fonction de ses capacités financières. Et cette loi est absolument indispensable, parce que, dans ces domaines-là, il y a des intérêts inconciliables. On ne peut pas laisser spéculer à leur aise un certain nombre de promoteurs, tout en permettant à la population de trouver des logements qui répondent à sa capacité financière. En somme, Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler un élément absolument déterminant, c'est que les profits délirants que les promoteurs peuvent engranger se font nécessairement sur le dos des futurs habitants des immeubles. (Commentaires.) Alors dans ce contexte - et c'est pour cela que ce projet a été soutenu par les socialistes - les spéculateurs ont déployé des trésors d'ingéniosité pour arriver à contourner la loi existante. Il faut le regretter, ils l'ont fait avec le soutien du Conseil d'Etat. Depuis 2007, il y a eu un changement de pratique, et le Conseil d'Etat a poussé à la réalisation de propriétés par étage, alors que, le salaire médian étant à 6800 F, la population a d'abord besoin de logements destinés à la location. Les gens n'ont pas les moyens d'acheter des propriétés par étage, même avec le système de contrôle du prix. On arrive à des montants qui sont excessifs, à tel point, d'ailleurs, que cela peut mettre en péril la santé économique de notre pays. Je crois que le Conseil fédéral l'a rappelé, suivi de quelques réactions notamment de l'USPI, mais on est dans une situation qui aujourd'hui est dangereuse.
Alors ce qu'on peut constater, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'après avoir lâché la bride aux promoteurs, tout à coup le Conseil d'Etat a été saisi d'une sorte de sainte frayeur, et puis, sur la base d'un constat qui a été fait à La Tulette, a décidé de déposer ce projet de loi. Ce projet de loi a une vertu, c'est qu'il a en tout cas permis de mettre en lumière un certain nombre de pratiques de promoteurs qui thésaurisent des logements, pendant toute la période de contrôle, soit dix ans, et à la fin de cette période de contrôle, les revendent à des prix délirants et arrivent à empocher le pactole en contournant l'objectif de la LGZD. Le Conseil d'Etat a donc fait un pas dans la bonne direction, et c'est quelque chose qu'il faut relever; on a pu constater, ces quatre dernières années, que ces pas étaient très rares, donc c'est une forme de clairvoyance et de frémissement d'intelligence politique qui, à mon avis, doit être saluée. Mais il faut quand même rappeler qu'on est toutefois loin du coeur du monstre, qui est le fait qu'en zone de développement, il faut construire d'abord des logements destinés à la location. (Commentaires.) Il faut également balayer les discours imbéciles - je parle de discours et pas de personnes, je précise, Monsieur le président - tenus par ceux qui ont rédigé la lettre qui nous a été lue tout à l'heure. Parce que justement, parmi ces trésors d'ingéniosité dont je vous parlais, on a avancé un argument hallucinant: il faudrait construire de la PPE, parce que, sans PPE, il ne serait pas possible de construire du LUP. Et là, je salue quand même la cohérence qui a été celle du MCG de refuser le renvoi en commission, parce qu'on se souvient que M. Stauffer expliquait, en prenant comme référence la Fondation des logements de la Ville d'Onex, qui est présidée par Mme Kast - une conseillère administrative socialiste - qu'il était possible de construire bon marché sans aucune subvention ! Mais naturellement, ça peut se faire parce que la commune d'Onex n'entend pas obtenir des rendements à 15% ou 20% sur l'argent qu'elle a investi. C'est là, le problème, Mesdames et Messieurs.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Christian Dandrès. C'est la raison pour laquelle les socialistes soutiendront ce projet de loi, malgré tous les bémols que j'ai pu exprimer ce soir. (Applaudissements.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes là, ce soir, en train de discuter d'un projet de loi extrêmement important et qui pourrait marquer cette législature. Ce projet de loi vise à mettre un terme aux abus et aux détournements de la loi qui visait à faciliter, pour la classe moyenne genevoise, l'accès à la propriété. En effet, le constat actuel est sévère: la classe moyenne, à qui était destinée la vente des appartements, n'a pas eu accès aux objets en question. La plupart des biens ont été vendus sans même que des annonces aient été publiées dans les journaux. Nombreux sont mes amis de la classe moyenne qui espéraient pouvoir acheter et qui n'ont jamais rien vu passer. Les promoteurs se sont ainsi servis, tout comme leurs proches. Ce constat est confirmé par les chiffres: plus de la moitié des propriétaires ont deux logements, ou plus, et n'y vivent donc pas. Plusieurs appartements sont achetés simultanément par le même acquéreur; nous voyons bien que la loi est détournée de son objectif. Tout cela démontre que la vraie classe moyenne genevoise, celle qui ne peut pas se permettre d'acquérir plusieurs appartements, n'a pas eu accès à ces biens en zone de développement. Cette classe moyenne a dû ainsi soit partir vivre en France, soit partir vivre dans le canton de Vaud. Ce projet de loi est donc là pour mettre un terme à ces abus, pour enfin permettre à la classe moyenne genevoise d'acquérir des logements qui lui étaient destinés. Les Verts soutiennent donc fortement et pleinement ce projet de loi, et refusent son renvoi en commission. Nous avons eu l'occasion d'en discuter pendant onze séances, cela a été dit. Je ne peux entendre, aujourd'hui, ces arguments dilatoires selon lesquels il faudrait revenir en arrière et le repenser. Vous avez eu l'occasion de faire toutes les auditions qui étaient nécessaires, de proposer de nombreux amendements, des amendements qui visaient d'ailleurs à vider le projet de loi de son sens et de son contenu. On nous proposait en effet un amendement pour qu'une famille puisse acheter, pour ses quatre enfants, quatre appartements ! Et on avait l'illusion de faire croire que ça, c'était la classe moyenne genevoise ! Mesdames et Messieurs les députés, il faut mettre fin à ce scandale, il faut arrêter ici cette mascarade et voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, inutile de vous rappeler que le logement est un des enjeux du canton de Genève. Nous vivons une crise récurrente du logement depuis bien trop longtemps. Nous avons constaté l'échec des politiques de construction, qu'il s'agisse de gouvernements de gauche, de droite, de gauche, et de droite ! Aujourd'hui, les raisons qui font que Genève ne construit pas assez sont multiples. Mais l'une des explications principales, Mesdames et Messieurs, c'est que les propriétaires - de villas notamment - ne veulent pas vendre, parce qu'aujourd'hui, avec le fruit qu'ils récolteraient de leur vente, ils ne seraient même pas sûrs de pouvoir trouver un bien équivalent. (Protestations.) Mais Mesdames et Messieurs, c'est une réalité aujourd'hui ! Car si les gens pouvaient vendre en étant sûrs de pouvoir retrouver quelque chose de similaire, eh bien on pourrait construire plus facilement. Lorsque c'était Moutinot, nous avions dit qu'on ne construisait pas des appartements à coups de règlements, mais avec une pioche et une pelle.
M. Pierre Weiss. «Monsieur» Moutinot !
M. Eric Stauffer. «Monsieur» Moutinot, vous avez raison, Monsieur Weiss ! (Commentaires.) Ensuite, il y a eu Mark Muller. On ne va pas s'étendre sur le sujet... (Commentaires. Rires.)
Une voix. «Monsieur» ! «Monsieur» !
M. Eric Stauffer. Oui, «Monsieur» Mark Muller, et ensuite il y a eu «Monsieur» François Longchamp.
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. Rien n'y a fait, la construction est toujours en retard. Alors il faut faire très attention quand on modifie les paramètres des lois sur les zones de développement. J'aimerais vous donner un petit exemple: il existe une zone de développement 3 qui a été déclassée il y a 60 ans, qui est au milieu d'un centre urbain; il y a un PLQ en force depuis 15 ans, Mesdames et Messieurs, et rien ne s'est passé ! Pourquoi donc, puisque c'est une zone de développement 3, zone mixte, et qu'il y a un PLQ en force ? Simplement parce que les propriétaires ne veulent pas vendre leur bien ! Alors avant de faire des grandes déclarations du style gauche caviar - parce que je suis sûr qu'il y a plus de propriétaires fonciers sur les bancs d'en face qu'au MCG... (Protestations.) Oui oui ! (Protestations. Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. On en fait la démonstration quand vous voulez, Mesdames et Messieurs ! Il faut commencer à réfléchir, et réfléchir intelligemment. On ne peut pas harmoniser le tout, il y a des différences dont l'on doit tenir compte. Quelques-uns de mes préopinants ont essayé de vous expliquer que pour certaines zones déclassées en zone de développement 3 et issues de la terre agricole, le prix - je le donne de manière arbitraire mais c'est pour l'exemple du calcul - est à 1000, avec un plafond à X, et quand ce sont des zones villas, le prix est à 3000, toujours avec un plafond à X. Evidemment, la différence fait que les bénéfices sont moindres, ou alors à la ramasse, quand ce ne sont pas des pertes. Et moi j'aimerais vous dire, Mesdames et Messieurs de la gauche notamment: est-ce que vous pensez que les promoteurs sont des philanthropes qui vont investir pour faire des logements et perdre de l'argent ? (Commentaires.) Eh bien oui, vous le savez ! Nous sommes dans une économie de marché ! Mais heureusement, chers amis de la gauche, que des gens gagnent de l'argent pour payer des impôts que vous pouvez dépenser allégrement dans vos subventions ! (Commentaires.)
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Donc je vous le dis, Mesdames et Messieurs... (Applaudissements. Le président agite la cloche.) ...et je conclurai par là, Monsieur le président: la tentative d'intimidation de M. François Longchamp est inadmissible. Alors je vais faire encore mieux que lui: je demande le vote nominal et le renvoi en commission de ce projet de loi... (Remarque.) ...pour pouvoir modifier les paramètres... (Huées.) ...qu'il est nécessaire de modifier ! Merci ! (Applaudissements. Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons donc une demande de renvoi en commission; seuls les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent se prononcer. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole. (Remarque.) Il ne la prend pas. Monsieur le rapporteur de minorité, vous pouvez vous exprimer.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la minorité circonstancielle actuelle... (Remarque.) ...a bien entendu les propos du conseiller d'Etat Antonio Hodgers. Et c'est en toute conscience que je m'engage, au nom de la minorité et du groupe parlementaire que je représente, en tant que chef de groupe, à travailler d'arrache-pied à sortir un projet de loi équilibré dans les deux mois en commission du logement, afin d'aboutir à quelque chose de constructif. Je vous demande donc un vote de confiance... (Commentaires.) ...et j'appuie ce renvoi à la commission du logement. (Commentaires.)
Le président. Je rappelle que les demandes de renvoi en commission sont votées immédiatement après avoir été formulées, et que seuls les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer. C'est le règlement du Grand Conseil, il est comme il est, je ne peux pas le changer maintenant ! Monsieur le rapporteur de majorité, vous voulez quand même vous exprimer ? (Remarque.) Alors allez-y.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je pense que je me suis longuement exprimé sur le sujet, donc, au nom de la majorité, je n'y reviendrai pas. Merci. (Exclamations.)
Le président. Le Conseil d'Etat ne demandant pas la parole, je vais soumettre cette demande de renvoi à la commission du logement à vos suffrages. L'appel nominal a été demandé, est-il soutenu ? (Des mains se lèvent.) Il l'est. Le vote est lancé.
Des voix. MCG, girouette !
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 11141-1 et 11141-2 à la commission du logement est adopté par 60 oui contre 31 non (vote nominal). (Exclamations durant toute la procédure de vote.)
Le président. J'aimerais bien qu'on ne crie pas à travers la salle quand on est en procédure de vote, et de manière générale, s'il vous plaît. (Brouhaha.) Je vais demander aux huissiers d'ouvrir les fenêtres, nous faisons cinq minutes de pause.
La séance est suspendue à 21h50.
La séance est reprise à 21h57.