République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 janvier 2014 à 20h30
1re législature - 1re année - 4e session - 19e séance
M 2184
Débat
Le président. Nous abordons le point 214 de notre ordre du jour, avec la motion 2184. Il s'agit d'un débat de catégorie II d'une durée de trente minutes. Je vous informe que nous avons été saisis d'un amendement de M. Jean-Marc Guinchard, que je vous lis:
«invite le Conseil d'Etat à rendre gratuits les tests de dépistage aux HUG et dans les entités subventionnées.»
Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est le fruit d'une demande, d'une situation d'urgence, même - on peut la qualifier ainsi - car la Suisse, en 2012, a connu une augmentation de 15% - j'ai bien dit 15% - du nombre de cas de VIH recueilli, et Genève est le canton le plus mal loti avec 18,7 cas de VIH pour 100 000 personnes. On est donc dans une situation d'urgence, Mesdames et Messieurs, et il nous faut agir, nous, pouvoir politique, pour enrayer ce virus, enrayer cette maladie. Aujourd'hui, les tests du VIH sont proposés par les HUG et également par des entités subventionnées, mais ces tests sont payants. Vous me direz que le problème n'est pas forcément le prix - il est de 55 F et même de 25 F pour les plus jeunes - mais c'est le frein que celui-ci représente. De nombreuses études, ou plutôt plusieurs études - on ne va pas être trop ambitieux - ont démontré que le coût d'un test VIH était une barrière avérée pour beaucoup. Or, aujourd'hui, la situation est catastrophique: 80% des infections du VIH proviennent de 20% de personnes n'étant pas conscientes d'être porteuses de ce virus. Il y a donc un réel souci, aujourd'hui, en termes d'efforts à fournir pour nous, afin d'informer la population et d'encourager les dépistages du VIH. La gratuité des dépistages est le meilleur moyen d'encourager les gens, les plus jeunes notamment, mais peut-être aussi les personnes des milieux les plus populaires, à aller se faire dépister. Aujourd'hui, ce prix est malgré tout un frein à l'accessibilité.
L'autre moyen de se faire dépister - on peut toujours l'évoquer - est de passer par son médecin généraliste. Mais là encore, plusieurs études montrent la difficulté d'aller chez son médecin généraliste, de confier des questions sexuelles et intimes et d'oser faire le test.
Pour enrayer ce virus, nous avons donc, aujourd'hui, le devoir de prendre exemple sur la plupart des pays qui nous environnent, de faire en sorte que Genève soit pionnière en termes de dépistage du VIH et permette enfin la gratuité de ces tests. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je suis un peu concerné par l'article 24 puisque je suis membre du comité du Groupe sida Genève, mais je tenais à m'exprimer sur cette motion, que j'accueille avec sympathie et que le groupe PLR va accueillir de même.
J'aimerais quand même signaler deux bémols: le premier, c'est que ce n'est pas du tout évident que la gratuité du test augmente le dépistage. J'en veux pour preuve qu'il y a une dizaine d'années, le prix du test a baissé de 50%. Or, on n'a vu aucune augmentation de la prévalence du dépistage en Suisse. Donc il faut le savoir, la relation qui pourrait paraître évidente ne l'est pas du tout.
Le deuxième bémol que je tiens à relever aussi, c'est qu'il y a un problème de justice redistributive. Le sida, le VIH, a une connotation très émotionnelle au sein de la population parce que c'est une maladie qui est transmissible. Mais ce n'est pas la seule ! Il faut savoir que les hépatites sont également des maladies transmissibles, et les hépatites - par exemple l'hépatite C - sont un problème de santé publique qui est plus important que le VIH; à l'heure actuelle, on meurt plus de l'hépatite C que du VIH. Alors permettre la gratuité d'un test pour le VIH et ne pas le faire pour le test pour les hépatites, ça me gêne un peu au niveau de la justice redistributive.
Troisièmement, je vois une demande d'amendement - qui me paraît tout à fait raisonnable - de notre collègue, M. Guinchard, afin que cette gratuité soit aussi pratiquée par les entités subventionnées. Je dois aussi dire qu'il n'y a pas d'urgence; il faut savoir qu'en 2013, le nombre d'infections VIH détectées a augmenté, mais ce sont surtout des anciennes infections. Il n'y a pas eu une augmentation énorme de nouveaux cas, et il faut savoir qu'actuellement - et Genève a été pionnière tant dans le dépistage que dans le traitement de cette maladie - on est très bien pris en charge dans notre canton. C'est pour cela que le groupe PLR vous recommande de renvoyer cette motion à la commission de la santé. Je vous remercie.
Mme Sarah Klopmann (Ve). Comme cela a déjà été dit, nous avons fait nombre de tristes constats à propos de l'augmentation du VIH à Genève. Triste constat aussi de voir que souvent, les infections sont générées parce que les gens ne sont simplement pas au courant de leur état de santé. Et c'est là que nous voyons le rôle essentiel du dépistage, tant dans la prévention que dans la gestion de l'épidémie, tant pour l'individu que pour toute la collectivité. Actuellement, à Genève - et dans tous les autres cantons suisses je crois - les tests sont soit anonymes et payants, soit ne sont pas anonymes et ont une vague chance d'être remboursés. Si je ne dis pas qu'ils sont gratuits mais que, peut-être, il y a une chance qu'ils soient remboursés, c'est parce que ce n'est finalement pas si facile que ça de se faire payer son test. Outre la difficulté, déjà, d'en parler avec son médecin traitant, qui nous connaît, auprès duquel on va devoir se confier, se justifier, il va encore falloir batailler auprès de son assurance, parce que l'article 12d de l'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins spécifie - je vous lis l'article - que: «l'assurance prend en charge les coûts des mesures suivantes - dont le dépistage VIH, donc - en vue d'un dépistage précoce des maladies chez certains groupes à risque et à certaines conditions.» Plus loin, on nous explique que, pour le test VIH, les conditions sont: «soit des nourrissons de mère séropositive, soit des personnes exposées à un danger de contamination», et cela doit être suivi d'un entretien de conseil qui doit être consigné. Donc ça signifie que pour être remboursé, on va encore devoir aller se battre auprès de son assurance pour dire que oui, on a pris des risques, que s'il vous plaît, il faut nous rembourser le test ! Je trouve ça quand même assez lamentable, autant pour la santé morale du patient que pour l'encouragement à faire ce test. Ensuite, même si éventuellement, après s'être battu, après avoir crié au monde entier qu'on a eu un comportement à risque - si c'est le cas, car il y a aussi d'autres façons d'être contaminé - l'assurance accepte de rembourser, il faut déjà avoir une franchise minimale ou dépassée, c'est-à-dire avoir assez d'argent pour être bien assuré, et puis il faut encore déduire la quote-part. Donc finalement, les tests gratuits pour le VIH ça n'existe pas, c'est un leurre.
S'il est vrai que le prix n'est pas forcément exorbitant, comme cela a déjà été dit, le problème n'est pas qu'on n'arrive pas à sortir ces 55 F, mais c'est le frein que cela représente de devoir payer pour aller faire un test. Ensuite, il faut aussi rappeler que la Suisse est un des seuls pays où le test est encore payant, et même parmi les pays où les tests sont payants, c'est quand même le pays où le test est le plus cher. Donc pour augmenter le nombre de tests faits - parce que c'est comme ça qu'on enraye, finalement, une épidémie, c'est quand les gens savent qu'ils sont contaminés et que donc ils peuvent transmettre la maladie - il faut que les dépistages soient plus fréquents ! C'est vraiment la chose sur laquelle il faut insister, et il faut que l'infection soit décelée plus rapidement.
Le président. Il vous reste quinze secondes.
Mme Sarah Klopmann. Il faut donc faciliter cela, et également diversifier les lieux dans lesquels ces tests peuvent être faits. C'est dans cette optique que nous soutiendrons l'amendement de M. Guinchard, qui propose que les tests puissent aussi être faits dans les entités subventionnées. Ce test...
Le président. Il faut terminer, Madame la députée, vous n'avez plus de temps.
Mme Sarah Klopmann. Oui, juste pour dire qu'effectivement on pourrait aussi élargir ça au test de l'hépatite C, mais c'est un autre débat. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne vais pas répéter ce qui a été dit mais je souhaiterais quand même faire une remarque par rapport au problème assécurologique. A l'heure actuelle, vous avez la possibilité de faire un test de dépistage chez votre médecin généraliste - pour autant que vous en ayez un, ce qui n'est pas totalement répandu - et généralement le test ne vous sera pas facturé - j'insiste là-dessus - parce qu'il sera, sur la feuille d'analyses, noyé parmi d'autres tests de laboratoire, et en général, selon mes expériences... (Commentaires.) ...les assurances ne les contestent pas. Cela étant, le seul moyen pour garantir l'anonymat - parce que vous connaissez la problématique de la confidentialité et des assureurs maladie - c'est d'aller soit aux HUG, soit dans d'autres entités, en fait une qui existe à Genève et qui propose ces tests qui, évidemment, sont payants. La seule demande que je voudrais rajouter par rapport à ça - et c'est le but de l'amendement que je me permets de vous soumettre - c'est une certaine égalité de traitement entre les gens qui choisissent d'aller aux HUG - où d'ailleurs l'accueil et l'empathie ne sont pas toujours de qualité, d'après ceux qui s'y rendent - et ceux qui choisissent d'aller dans des lieux comme Checkpoint, qui est géré par l'association Dialogay, subventionnée, d'ailleurs, par le département de la santé. Je vous remercie donc, au nom du PDC, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et d'accepter l'amendement qui vous est proposé. Merci. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, chers collègues, j'aimerais également apporter quelques précisions. Certains membres du groupe UDC ont signé cette motion, d'autres ne l'ont pas signée mais la soutiendront, et un certain nombre ne la soutiendront pas. Ils s'exprimeront probablement juste après moi.
Concernant ce qu'a dit M. Romain de Sainte Marie sur les 20% qui ne sont pas au courant de leur état et qui sont responsables de 80% des contaminations, il est important de savoir que certaines personnes qui ignorent leur état ont été contaminées une ou deux années au préalable. Cela veut dire que, étant donné que le sida est une maladie évolutive et que l'instauration rapide d'un traitement a une influence directe sur l'espérance de vie du patient, si cette gratuité - et gratuité n'équivaut pas à promotion, je pense - pouvait contribuer à inciter les personnes à se tester, les traitements gagneraient en rapidité et les personnes gagneraient en espérance de vie. Mais pour cela, il est nécessaire d'établir cette gratuité.
De plus, j'attire votre attention sur le fait que la jurisprudence en matière de contamination a changé à Berne récemment, et que de nombreux drames humains risquent de se jouer sur cette jurisprudence. Si des contaminations peuvent être évitées grâce à la gratuité, de nouveau, il faut la voter.
Par rapport au bémol concernant la répartition et l'hépatite C, j'aimerais juste apporter également une précision: l'hépatite C et le sida, en fait, peuvent être considérés de manière différente, car en matière d'hépatite C, des progrès récents ont été faits grâce à la découverte de molécules très prometteuses pour le traitement, ce qui n'est pas le cas pour le sida. Donc la différence est beaucoup plus nette et la répartition peut s'orienter vers le sida. Cela d'autant plus que les molécules de première génération pour le traitement de l'hépatite C présentaient de nombreux problèmes d'effets secondaires, alors que les molécules de deuxième génération gomment ces effets et donnent l'espoir de traiter des hépatites C de phénotype 1, ce qui n'est pas possible actuellement. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Stéphane Florey, à qui il reste une minute.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Personnellement, je soutiendrai la demande de renvoi en commission. M. de Sainte Marie déclare qu'il y a de grandes études qui montrent que le prix est un frein au dépistage, alors qu'on vienne nous le prouver clairement en commission. Ça, c'est la première chose.
Par ailleurs, je rejoins M. Saudan et je pense qu'il a parfaitement raison quand il déclare que la gratuité n'augmentera en rien le dépistage, car pour moi le dépistage relève uniquement de la responsabilisation personnelle de celui ou celle...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Stéphane Florey. ...qui veut prendre des risques sur cette problématique. Enfin, comme vous le savez, la gratuité n'existe pas, donc que M. de Sainte Marie vienne également en commission nous dire comment il compte subventionner ces dépistages gratuits...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Stéphane Florey. ...et ce qu'il compte diminuer comme autre subvention pour financer celle-là. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutiendra cette proposition de motion qui nous semble tomber sous le sens, et appuiera son renvoi au Conseil d'Etat avec l'amendement proposé par M. Guinchard. Nous pensons évidemment que la prévention est le meilleur moyen de faire des économies; ça, c'est sûr. Un petit dépistage vaut mieux que des soins lourds et qu'un coût médical important, puisqu'on soigne les personnes pendant 20, 30, 40 ans, à coup de trithérapie, sauf erreur, si le terme est juste. A notre avis, faire de la prévention revient beaucoup moins cher que d'assurer des soins coûteux. Donc si nous pouvons, par cet intermédiaire-là, non seulement sauver quelques vies mais en plus faire des économies, il est certain que nous ne pouvons que soutenir cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). J'aimerais répondre très brièvement aux propos de M. Florey et de M. Saudan. Certes, on peut parler d'inégalité de traitement quant au fait d'aller de l'avant avec la gratuité des tests VIH et pas forcément avec ceux de l'hépatite C. J'ai envie de dire que oui, cela reste effectivement à faire au niveau de l'hépatite C, donc à ce moment-là proposez des projets, des motions allant dans ce sens; je vous soutiendrai, je peux même m'engager au nom de groupe socialiste, nous vous soutiendrons. (Remarque.) Je crois que ce soir, il ne faut justement pas freiner le dépistage du VIH par souci d'égalité de traitement, mais au contraire aller de l'avant pour éradiquer cette maladie.
Ensuite, sur la question soulevée par M. Florey en termes de coûts, eh bien M. Spuhler y a très bien répondu: il est beaucoup plus avantageux économiquement de prévenir que de guérir, surtout une maladie comme le VIH, qui coûte extrêmement cher en raison de la trithérapie. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Renaud Gautier, pour une minute.
M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, il serait vain de s'opposer à la gratuité des tests, mais pour l'amour du ciel, ne faites pas de confusion ! Le dépistage, ce n'est pas de la prévention ! Or, en fait, le problème qui se pose aujourd'hui à Genève, c'est un problème de prévention, en particulier dans les lieux de privation de liberté; ce n'est pas un problème de dépistage, puisqu'effectivement, à l'Hôpital cantonal on peut avoir accès à des tests gratuits ! Donc que l'on s'occupe du problème du dépistage est une chose, mais pour l'amour du ciel, ne mélangez pas, s'agissant de la problématique du sida, le dépistage et la prévention, ce sont deux choses différentes !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Luc Forni, pour une minute et quarante secondes.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, étant professionnel de la santé et engagé en plus dans la prévention, je vais bien sûr soutenir cette proposition. Simplement, j'aimerais rebondir sur ce que vient de dire M. Gautier: je pense qu'il est essentiel de renforcer les messages de prévention en amont, parce que dans notre pratique professionnelle, nous sommes un peu horrifiés par la banalisation des comportements à risque qui nous sont dépeints, notamment lors de la dispensation des pilules du lendemain. Et je pense que dépister rapidement c'est une bonne chose, mais il faut renforcer les messages de prévention. Il y a une certaine banalisation des comportements à risque car on pense que maintenant le sida et l'hépatite ont des médicaments suffisamment puissants et qu'on peut les combattre facilement, mais je pense que là, il y a encore de nombreux messages à faire passer. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pascal Spuhler, pour deux minutes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Juste une réponse à M. Gautier, qui a l'impression que la prévention ce n'est pas du dépistage: bien au contraire ! Je crois que les médecins qui vous entourent, Monsieur Gautier, vous l'expliqueront ! Quelqu'un qui apprend qu'il est malade ne va plus transmettre la maladie ! Il va prendre ses précautions. Et c'est tout le but de l'exercice. Parce que justement, cette maladie se transmet malheureusement par un trop grand nombre de gens qui ignorent être atteints ! Parce qu'ils ont honte de se faire contrôler, ou parce qu'ils n'y croient pas, ou je ne sais quoi encore. Donc en proposant ce dépistage anonyme et gratuit, nous permettrons justement aux gens de connaître leur état de santé et de prendre les précautions d'usage ! Ça, c'est de la prévention ! Je vous remercie.
M. Michel Ducommun (EAG). Monsieur le président, je crois que M. Spuhler m'a un peu devancé, car je voulais justement rappeler à M. Gautier que le sida était une maladie contagieuse ! Lorsqu'une maladie est contagieuse, cela veut dire qu'elle peut être transmise par une personne à une autre personne ! Et effectivement, les gens qui ne savent pas qu'ils sont porteurs du virus sont plus dangereux que les autres au niveau de la transmission; ce qui veut dire que s'ils font ce test, c'est de la prévention par rapport à la contagion qui continue s'agissant du sida. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-Charles Rielle, pour une minute et trente secondes.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voulais quand même juste dire, sans vouloir donner un cours, qu'il n'y a vraiment plus que dans ce parlement qu'on peut entendre que le dépistage n'est pas de la prévention ! Il y a trois sortes de prévention: la prévention primaire, lorsqu'on est en amont de toute maladie et qu'on veut effectivement ne pas tomber malade; il y a la prévention secondaire, qui est celle où la personne est malade mais où on va détecter la maladie pour que cette personne puisse retrouver son état de santé d'avant; et puis il y a la prévention tertiaire, qui est celle où on ne va pas pouvoir ramener la personne à l'état de santé antérieur mais où on va limiter les dégâts et lui permettre de vivre dans les meilleures conditions. Ce test, dont nous demandons la gratuité, permet justement de travailler à tous ces niveaux. Un, parce qu'on va éviter infecter d'autres personnes, donc on est vraiment en amont; ensuite, parce qu'on va permettre à la personne qui a été détectée de profiter immédiatement du traitement, ce qui va coûter moins cher pas simplement en argent, mais en souffrances, en difficulté...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Jean-Charles Rielle. Je n'aurai pas besoin de plus, Monsieur le président, je ne m'exprime pas très très souvent, comme vous le savez. A partir de là, on va agir aussi au niveau tertiaire parce qu'un certain nombre de personnes vont pouvoir bénéficier de traitements et ne pas décéder sans connaître leur maladie. Donc vraiment, chers collègues, acceptez la gratuité de ce test de dépistage, car c'est de la vraie prévention, aux trois niveaux. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons évidemment qu'être concernés par la lutte contre cette terrible maladie, et tout ce qui peut être entrepris doit l'être. Le Conseil d'Etat considère par contre que cette proposition de motion part d'une prémisse discutable - je ne dis pas fausse, mais discutable - qui est celle d'un lien entre la gratuité et l'accès au test. On vous l'a dit, le test coûte 55 F, 25 F pour un jeune de moins de 18 ans. S'agit-il véritablement d'un obstacle infranchissable au dépistage ? Nous pouvons évidemment en discuter.
Les recommandations de l'OMS et de l'Office fédéral de la santé publique visent évidemment à promouvoir et à augmenter le dépistage et à améliorer encore l'accès à ce dernier. Il faut savoir qu'à Genève, 15 000 tests VIH par année sont effectués sur deux sites - M. le député Guinchard l'a dit - au Checkpoint de Dialogay et aux HUG. Mais au-delà de ces tests proprement dits, il y a toute une activité d'information qui est importante, information avant et après le test, car il ne suffit pas d'envoyer les gens le faire; il faut quand même leur expliquer pourquoi ils le font, il faut les y préparer et peut-être les sensibiliser au fait que leur comportement est un comportement à risque pour ce type de maladie. Plusieurs associations travaillent donc pour cela: le Groupe sida Genève bien sûr, mais aussi Première ligne, Boulevard et Aspasie. Alors on peut se demander si une gratuité généralisée, qui coûterait, d'après les estimations du département, 200 000 F, doit être promue, ou si au contraire, par une activité de l'Etat auprès de ces associations, on doit amener celles-ci à proposer des réductions de prix, voire même la gratuité aux personnes qui n'auraient pas les moyens de s'offrir le test. Mais ce n'est pas seulement cela; on vous l'a dit aussi, certaines personnes renoncent au test pour une question d'anonymat. Faire le test et le faire prendre en charge... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...par son assurance-maladie, c'est évidemment le faire savoir, et dans une idée assez répandue, faire le test signifie accepter l'idée que l'on ait eu un comportement à risque. Cela peut donc effectivement constituer un obstacle pour certaines personnes, sans parler de celles et ceux qui sont ici, à Genève, de manière illégale - qu'on le veuille ou non, c'est une réalité - et qui n'ont évidemment aucune couverture d'assurance-maladie, donc qui feront difficilement ce genre de démarche.
Alors je ne vois pas d'inconvénient à ce que cette proposition de motion soit transmise au Conseil d'Etat; nous avons déjà travaillé sur le sujet, nous avons déjà beaucoup de réponses, je pense qu'effectivement nous pourrions affiner celles que nous vous transmettrons pour vous dire si oui ou non il est essentiel de promouvoir cette gratuité pour véritablement améliorer l'accès à ces tests. Encore une fois, le Conseil d'Etat n'en est pas absolument convaincu, mais c'est une question que l'on doit raisonnablement se poser. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons donc une demande de renvoi à la commission de la santé, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2184 à la commission de la santé est rejeté par 56 non contre 30 oui et 5 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur l'amendement de M. Guinchard, qui complète l'invite. Je vous le relis: «invite le Conseil d'Etat à rendre gratuits les tests de dépistages effectués aux HUG et dans les entités subventionnées.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 90 oui contre 1 non et 2 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2184 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 80 oui contre 3 non et 6 abstentions.