République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 novembre 2013 à 20h45
1re législature - 1re année - 2e session - 9e séance
M 2157
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, soit la proposition de motion 2157 qui figure au point 146. Nous sommes en catégorie II, avec trente minutes de parole. Avant d'entamer les débats, je salue à la tribune notre collègue Mme Marion Sobanek. (Exclamations. Applaudissements.) Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez toutes et tous: les frais dentaires ne sont actuellement pas remboursés par l'assurance-maladie de base. Or ils pèsent un poids considérable dans le budget de beaucoup de personnes. Donc bien souvent, après avoir payé un loyer, des assurances-maladie, de la nourriture et des loisirs pour les enfants, les familles manquent d'argent pour les soins médicaux, en particulier pour les frais dentaires, qui sont alors reportés à une date ultérieure, voire complètement relégués aux oubliettes.
Une étude récente, publiée en 2012 et effectuée dans notre canton, a démontré qu'un Genevois sur sept renonce à des soins médicaux pour des questions financières, et 75% de ces situations concernent en particulier les frais dentaires. Certaines catégories de la population sont spécialement touchées. Il s'agit notamment d'individus aux bas revenus, de parents avec enfants à charge ou de personnes divorcées. Ce sont, pour certains, des gens vulnérables ou qui se trouvent dans une situation précaire. Il est de la responsabilité de la collectivité de permettre à ces personnes d'avoir accès aux soins les plus élémentaires, notamment dentaires. Cette même étude démontre d'ailleurs que les individus avec moins de 3000 F de revenu par mois sont parmi ceux qui renoncent le plus souvent à des soins dentaires. Ils étaient 22,5% en 2008 contre 34,7% en 2010.
Face à cette détérioration rapide et inquiétante de la situation, il est impératif d'agir, et d'agir vite. Tant que les soins dentaires ne sont pas remboursés par l'assurance-maladie de base, tant qu'il n'existe pas de solution fédérale à cette problématique, le canton de Genève doit combler ce manque, comme il l'a déjà fait par le passé, notamment en matière d'assurance-maternité.
Dans un premier temps, cette motion demande qu'il existe une consultation dentaire annuelle et gratuite pour toute personne qui le souhaite, comme c'est d'ailleurs déjà le cas pour les enfants qui suivent leur scolarité obligatoire. Dans un deuxième temps, elle sollicite la création d'une assurance dentaire cantonale. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons plus attendre !
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Caroline Marti. Oui, je conclus, merci. Comme vous le savez, le fait de ne pas soigner des problèmes dentaires a des conséquences non seulement sur la santé, mais également sur la vie sociale, qui peuvent amener à l'exclusion tant sociale que professionnelle des personnes concernées. (Brouhaha.)
Et je vais conclure en vous demandant ceci, Mesdames et Messieurs les députés: est-ce que vous considérez comme un luxe de se faire soigner une carie ou des dents de sagesse douloureuses ? Est-ce que c'est un luxe de pouvoir traiter des maux dentaires plutôt que de se bourrer d'antibiotiques ou d'antidouleurs en espérant que ça passe ? Est-ce que vous pensez que c'est un luxe d'atteindre les 40 ans en ayant encore toute sa dentition ? (Exclamations.) Il me semble que ce n'est pas le cas, et le parti socialiste estime que ce n'est pas un luxe, mais un droit des plus élémentaires. D'ailleurs, ce droit est garanti par de nombreux articles de notre nouvelle constitution. Pour cette raison, nous vous demandons donc d'accepter cette motion. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je vous ai laissé plus de temps, car il s'agit d'une motion socialiste et que le parti socialiste a donc encore du temps à disposition. La parole est à M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette motion aurait très bien pu avoir pour titre: «"Viendez" à Genève, on plombe gratis.» Parce que c'est exactement ce qui va arriver. C'est surprenant et bien mal connaître nos institutions genevoises, venant de la première signataire qui est maintenant conseillère d'Etat, puisqu'à Genève il existe des services, dont la clinique dentaire, offrant justement toutes les prestations sociales, particulièrement pour les bas revenus. Ces personnes sont prises en charge, et cela va jusqu'à la gratuité des frais dentaires.
Le groupe UDC ne voit donc pas l'intérêt d'offrir une gratuité quelconque de ces services. Quant à la première invite, si les Chambres fédérales légifèrent à ce sujet, qu'elles légifèrent ! Et on verra en temps voulu s'il y a lieu de faire quelque chose au niveau cantonal.
Pour le reste, nous estimons que le système d'aide sociale concernant les frais dentaires est largement suffisant à Genève. Pour celles et ceux qui seraient entre les deux et n'auraient pas spécialement droit à des aides, il y a bien évidemment toujours des arrangements possibles entre le patient et le dentiste. On voit donc que, de toute façon, il n'y a pas lieu de s'alarmer à ce sujet, puisque tout est déjà en place. C'est pour ces raisons que l'UDC refusera non seulement cette motion, mais également un éventuel renvoi en commission. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la motion que nous examinons maintenant soulève un problème important. Il s'agit d'un problème de santé publique qui ne peut pas être négligé et sur lequel on ne peut pas passer sans l'étudier quelque peu.
Nous savons tous que l'état de santé dentaire - face auquel nous ne sommes pas tous égaux à la naissance, comme c'est d'ailleurs le cas pour l'état de santé général - peut avoir des conséquences pathologiques importantes sur la santé en général, que ce soit chez les enfants ou les personnes âgées. Il s'agit là d'un fait connu, qui n'a pas besoin d'être argumenté. La motionnaire a aussi parlé de l'impact social, qui est du reste relevé dans le texte de la motion: il est extrêmement difficile, pour quelqu'un dont la dentition ne regroupe que quelques chicots noircis, de s'intégrer d'une façon ou d'une autre, et en particulier de chercher un emploi.
Toutefois, il faut reconnaître que les motionnaires devraient encore travailler sur le fond, affiner leurs chiffres, donner plus de précisions et notamment un calendrier ou un échéancier, puisque deux systèmes sont prévus: d'une part, la prise en charge gratuite d'un examen prophylactique et d'un nettoyage par une hygiéniste dentaire - si j'ai bien lu - et, d'autre part, la création d'une assurance dentaire généralisée, ce qui prendrait évidemment plus de temps.
La question de la LAMal a été précisée, et il faut rappeler quand même que celle-ci prend extrêmement peu de cas en charge; c'est très rare dans l'assurance de base. Certes, il existe des assurances privées, et il est vrai qu'à Genève, il y a un pourcentage important de personnes assurées en privé, y compris par ce qu'on appelle des «petites privées», qui couvrent notamment les remboursements des frais dentaires. Ceux-ci sont toutefois généralement plafonnés à 1000 ou 2000 F par année, ce qui n'est pas grand-chose lorsque vous avez une dentition en mauvais état. Il faudrait d'ailleurs vérifier quelle latitude le canton peut se permettre par rapport au droit supérieur et aux dispositions générales de la LAMal, puisque c'est un aspect qui n'est pas du tout soulevé dans la motion.
Sur cette base et en tenant compte de ce qui précède, le PDC recommandera le renvoi de cette motion, non pas à la commission des affaires sociales, mais à la commission de la santé, dans la mesure où il s'agit en premier lieu d'un problème de santé publique et ensuite d'un problème d'assécurologie. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Sarah Klopmann (Ve). Comme ça a déjà été expliqué, beaucoup de personnes laissent de côté les soins dentaires faute de moyens financiers, ce qui a de graves implications non seulement sur l'état dentaire, mais aussi sur l'état de santé général. Les risques d'infection, d'AVC et de crise cardiaque sont plus grands. Des douleurs et des migraines peuvent également être engendrées par des problèmes dentaires non soignés. Et l'isolement social est créé autant par les problèmes dentaires que par leurs conséquences. C'est très dommageable.
Ainsi qu'il a été dit dans l'exposé des motifs et rappelé par Mme Marti tout à l'heure, les motionnaires suggèrent, dans un premier temps, qu'il y ait au moins un contrôle et un détartrage annuels proposés aux personnes dans une situation financière difficile. C'est effectivement essentiel. Non seulement ça améliore la santé à long terme, mais ça permet aussi et surtout de traiter beaucoup plus tôt certains problèmes de dents en cas de besoin. L'aspect préventif est fondamental: plus on attend pour se faire soigner, plus c'est cher et plus les problèmes sont graves. Finalement, on ne s'en sort plus, et c'est le cercle vicieux de la précarisation, tant pécuniaire que sanitaire. Cela n'est pas acceptable.
Tout à l'heure, M. Florey nous a parlé de la clinique dentaire, qui offre des prestations de soins. Cela existe effectivement pour certaines personnes, mais je pense qu'on ne peut pas comparer des soins offerts par une clinique dentaire pour des individus qui - peut-être - bénéficient déjà de certaines aides sociales, avec ce qui est proposé ici par le parti socialiste, à savoir d'offrir simplement à la population une assurance. Il y a des gens qui ne bénéficient pas d'aides sociales ou n'ont peut-être pas droit à certaines prestations et qui, faute de budget, sont obligés de laisser ces soins de côté. On pourra ainsi régler ce problème.
Ce qui est proposé là, c'est une prestation à la population et surtout un moyen de faire de la prévention. Le droit aux soins est inscrit dans la nouvelle constitution genevoise mais, finalement, le système de santé suisse est basé sur une logique commerciale, qui exclut les soins essentiels de santé. C'est à nous de trouver des solutions pour respecter notre constitution et surtout rendre les traitements médicaux accessibles à chacun et chacune.
L'assurance cantonale proposée ici peut être une très bonne solution. Alors, effectivement, il faudra encore trouver le financement - et on se réjouit d'entendre les propositions du Conseil d'Etat à ce sujet-là. Il est quand même dommage - il faut le souligner - que ce soit maintenant au canton de pallier le manquement de la LAMal, alors que chacun et chacune paie suffisamment cher et qu'une partie très conséquente du budget global des gens...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame.
Mme Sarah Klopmann. Oui. ...va aux assurances-maladie privées. Il est donc vraiment temps que l'on change de système de remboursement des soins et que nous ayons enfin une caisse maladie sociale et unique, ce dont nous nous réjouirions. Un jour, on y arrivera enfin ! Merci. (Applaudissements.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne vous ferai pas l'historique des besoins fondamentaux et du cadre légal par rapport à cette motion. Je voudrais d'abord dire que le MCG la soutient et qu'il la renverra à la commission de la santé, afin que l'ensemble des éléments dont on a parlé aujourd'hui puissent être analysés. Je ne vais pas répéter ce qui est écrit dans le texte mais, par contre, j'aimerais insister sur une donnée assez fondamentale, à savoir que les personnes qui ont des problèmes dentaires sont en difficulté; il s'agit en effet d'une sorte de marqueur social. Dans la relation à l'autre, c'est ce que l'on voit immédiatement; on ne voit pas que les beaux yeux, on voit aussi la dentition. Alors, pour ceux qui ne peuvent pas aller chez le dentiste, imaginez la difficulté de trouver un emploi, de s'insérer normalement dans la communauté. Ceci est valable aussi bien pour les classes moyennes - qui sont quelquefois très limitées avec tous les problèmes à régler, pour lesquels elles n'ont aucun support financier - que pour les personnes bénéficiant de l'aide sociale ou de l'AI. Il y a un problème d'image de soi qui est essentiel, et rien que pour cette raison, il me paraît très important de reconsidérer cet élément dans le cadre de notre propre culture, par rapport à l'estime de soi et sur le plan de la collectivité. Voilà, je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg pour une minute.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Oui, merci, Monsieur le président. Dans le canton de Genève, il y a 40 000 personnes qui se font rembourser leurs frais dentaires, car elles bénéficient de l'aide sociale ou de prestations complémentaires de l'Hospice général. Si on accepte cette motion, un potentiel de 430 000 personnes supplémentaires pourraient bénéficier de l'assurance dentaire cantonale. Les coûts, pour un contrôle dentaire et un détartrage de toutes les personnes habitant à Genève, s'élèveraient à 41 millions. Une assurance dentaire cantonale, c'est faire payer 229 000 contribuables du canton, qui paient des impôts sur leurs revenus. L'Union démocratique du centre ne soutiendra pas cette motion destinée à 70 000 personnes à bas revenus, qui ne vont pas plus chez le dentiste plutôt par peur de la piqûre. (Exclamations.) Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, nous sommes d'accord sur ce constat: les questions d'hygiène bucco-dentaire sont un problème de santé publique - en augmentation, d'ailleurs. Cela a été très bien décrit avec, d'une part, toute une série d'effets secondaires provoquant des maladies infectieuses, cardiaques et cancéreuses et, d'autre part, le fait que les traitements dentaires ne sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins. Voilà le constat, sur lequel nous sommes tous d'accord.
Le groupe PLR aimerait saluer le fait que les motionnaires aient amené ce débat de santé publique au sein de ce parlement. Effectivement, ce problème est aujourd'hui mal circonscrit et mérite qu'on s'y attelle. Malheureusement - et je n'ai pas de dent contre les socialistes ! - la motion aborde cette question de manière tangentielle. Le problème est décrit, et la solution proposée est une assurance-maladie dentaire. Alors, attention, j'aimerais faire une analogie avec une autre maladie qu'on connaît tous, à savoir la surcharge pondérale et l'obésité, qui provoquent le diabète. On sait traiter le diabète; l'assurance-maladie prend en charge les traitements diabétiques, mais non pas la cause, qui est la surcharge pondérale et l'obésité. Eh bien dans le cadre des pathologies que sont les troubles d'hygiène bucco-dentaire, le fait d'arriver à un moment donné chez le dentiste avec, comme il est écrit dans la motion, les dents gâtées, ne change rien: le mal est fait.
Notre proposition - et cela a déjà été suggéré - la voici: abordons ce problème au sein de la commission de la santé non pas dans un premier temps sous l'angle assurantiel - qui est probablement ou peut-être un élément de la solution - mais plutôt sous l'angle de la santé publique. En effet, il y a vraisemblablement un certain nombre de politiques à mettre en oeuvre en amont, orientées vers le dépistage et la prévention. Et j'ouvre ici une toute petite parenthèse, parce que des études récentes l'ont démontré: deux fois deux minutes par jour de brossage des dents préviennent toutes les pathologies bucco-dentaires. Je ne suis pas en train de dire: «Il n'y a qu'à..., il faut qu'on...» Arriver à ça suppose vraisemblablement des moyens techniques, éducatifs et de contrôle que nous n'avons pas aujourd'hui.
Voilà, je vous ai brossé un tableau à caractère de santé publique...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Pierre Conne. ...donc le groupe PLR vous invite à suivre la demande qui a déjà été faite, soit de renvoyer cette motion à la commission de la santé. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Saudan pour vingt secondes.
M. Patrick Saudan (PLR). Seulement vingt secondes, Monsieur le président ?
Le président. Oui, Monsieur le député.
M. Patrick Saudan. Alors je vais prendre mon temps... Mesdames et Messieurs les députés, une bonne prévention en médecine, c'est une prévention ciblée, qui doit reposer sur deux principes: d'abord identifier les personnes à risque, puis les sensibiliser. La deuxième invite de cette motion socialiste, à savoir offrir des soins dentaires à toute la population genevoise, c'est un arrosage qui, malheureusement, sera totalement inefficace.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Patrick Saudan. Mon collègue a parlé de surcharge pondérale, qui est un problème beaucoup plus important par rapport aux maladies cardiovasculaires. Est-ce que vous êtes prêts à offrir un abonnement de fitness et une consultation diététique à toute la population genevoise...
Le président. C'est terminé, Monsieur Saudan.
M. Patrick Saudan. ...quand vous savez que 50% des Genevois sont en surpoids ? Non, vous n'allez pas le faire parce qu'on ne peut pas se le payer. Donc...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur Saudan.
M. Patrick Saudan. ...ce genre de motion, ce genre d'invite, c'est malheureusement populiste et cela n'apporte rien au niveau de la santé publique. Néanmoins, nous ne sommes pas opposés à la renvoyer à la commission de la santé, parce qu'effectivement il y a une relation entre un mauvais état dentaire et des problèmes cardiovasculaires. Et on peut trouver...
Le président. Monsieur ! Monsieur Saudan, c'est terminé, s'il vous plaît.
M. Patrick Saudan. Monsieur le président, j'ai rarement abusé ! ...on peut trouver une solution avec une meilleure collaboration entre les médecins de premier recours et les médecins-dentistes.
Le président. C'est terminé, merci.
M. Patrick Saudan. Voilà, merci.
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je revendique l'égalité de traitement, et donc le même facteur multiplicateur de temps dont a bénéficié mon collègue !
Enfin, l'idée est très bonne et je serai bref, rassurez-vous. L'idée de cette assurance concernant les frais dentaires est très bonne, elle est même tellement bonne que nos camarades - plus particulièrement ceux du groupe Ensemble à Gauche, puisqu'il s'agit du POP... (Remarque.) Oh, initialement, ils se sont ralliés ! Donc le POP et solidaritéS, dans le canton de Vaud, ont présenté et défendu devant le parlement un projet d'initiative populaire pour la mise en place d'une assurance couvrant les frais dentaires.
J'aimerais revenir sur tout ce qui a été dit: «arrosage», «coûts monstrueux», etc. Au contraire, la mise en place d'une assurance n'a rien à voir avec de l'arrosage - ou alors, à ce moment-là, il faut supprimer l'ensemble de nos assurances et de nos assurances sociales. Il faut en effet discuter le problème du financement. Dans l'initiative constitutionnelle qui est proposée dans le canton de Vaud, le financement d'une assurance concernant les soins dentaires de base est envisagé par un prélèvement sur les salaires, analogue à celui de l'assurance-vieillesse et survivants, donc proportionnel aux revenus. Ça n'a rien à voir avec de l'arrosage.
Il y a un aspect de solidarité qui est évident dans une telle assurance; il y a un aspect de nécessité et de réponse à un besoin social qui est évident - cela a déjà été souligné par un certain nombre de mes préopinants; il y a un aspect médical et de réponse à une inégalité sociale. En effet, un article relativement récent paru dans la «Revue Médicale Suisse» le relevait: il existe une profonde inégalité sociale face à la santé bucco-dentaire. Nous nous réjouissons donc de l'étude de cette motion en commission. Nous nous réjouissons en effet de travailler non pas seulement sur une motion, mais également sur un projet de loi instituant une telle assurance. Et je vous rassure, elle est parfaitement conforme au droit supérieur. C'est en tout cas l'avis du Conseil d'Etat du canton de Vaud, qui est soumis au même droit supérieur que nous. Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de m'avoir écouté.
Le président. Merci, Monsieur Vanek. La parole est à M. le député François Baertschi pour une minute trente.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je crois que, d'entrée, nous soutiendrons cette motion, parce qu'elle pose de bonnes questions. En revanche, on peut discuter quant aux solutions, mais je crois qu'il faut toutes les examiner de manière intelligente et approfondie.
J'ai en mémoire le témoignage tout récent d'une de nos militantes, qui disait: «Un de mes employés sort de l'aide sociale. Il a des dents dégueulasses, mais pas les moyens de les réparer. Qu'est-ce que je fais ?» Et dans le même temps, qu'est-ce que j'apprends ? Cela ne plaira pas à l'autre parti des bancs d'en face, j'en suis désolé d'avance... J'apprends que les prisonniers de Champ-Dollon voient leurs dents entièrement réparées quand ils viennent chez nous, alors...
M. Renaud Gautier. Ce n'est pas vrai ! Mais ce n'est pas vrai ! (Commentaires.)
Une voix. Si, c'est vrai !
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Gautier !
M. François Baertschi. Ce sont des faits. Malheureusement, ce sont des faits... On peut contester. Ce qui n'est pas contestable, c'est l'état dentaire de beaucoup de nos concitoyens. Et je crois qu'il faut examiner cela sérieusement. Nous avons des moyens, une clinique dentaire qui fait déjà un travail social important. Je crois qu'il faut peut-être l'aider dans ce travail social. Et je crois qu'il faut aider nos concitoyens à avoir une parfaite santé, et non pas les laisser - comme on le fait actuellement - se pourrir la vie.
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. François Baertschi. Parce que ce que l'on est en train de faire actuellement, passivement, c'est laisser ces gens se pourrir la vie. Avoir des dents dégueulasses - désolé du terme - c'est vraiment avoir une vie qui a les mêmes couleurs... Comment dire ? Il n'y a peut-être pas de mot pour exprimer ce que l'on peut ressentir dans ce genre de cas, parce que c'est une douleur que l'on éprouve quand on est victime de maux dentaires. Je crois qu'il faut aider ces personnes. Alors, voilà, j'espère que la commission y contribuera. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller. Il vous reste trente secondes. (Remarque.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Oui, je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement dire que quiconque a des dents abîmées - et encourt un certain nombre de problèmes de santé subséquents - doit être aidé et a besoin de soins. Ce serait de la non-assistance à personne en danger que de ne pas le faire. Les gens de ma génération ont vu la disparition des dents de pauvres. Mais aujourd'hui, avec la précarisation et l'endettement croissants d'une grande partie de la population, de plus en plus de personnes ont de la peine à se faire soigner.
J'aimerais juste rappeler que ce même parlement, lors de la législature 2005-2009, avait décidé, dans une volonté d'appliquer un certain nombre de mesures d'économie, d'abaisser le seuil d'accès à la clinique dentaire de la jeunesse. Qu'est-ce qu'on a fait ? On a exclu un certain nombre d'enfants du bénéfice de la clinique dentaire de la jeunesse. Alors faites bien attention aux décisions que vous prenez, parce que, finalement, elles peuvent être lourdes de conséquences.
Le président. Il vous faut conclure, Madame, s'il vous plaît.
Mme Jocelyne Haller. Oui, je vais terminer. Je souhaite juste ajouter un élément concernant l'aide sociale: effectivement, les gens les plus démunis bénéficient d'une prise en soins, ce qui est bienvenu, juste, digne et respectueux. En revanche, tous ceux qui sont frappés par les effets de seuils, tous ceux qui se trouvent juste au-dessus des barèmes, ceux-là n'ont droit à rien, si ce n'est à s'endetter. Parce que les arrangements, on ne les fait pas comme ça, Monsieur. On les fait quand on a les moyens de les tenir. Et de moins en moins de personnes ont les moyens de les tenir.
Le président. Merci, Madame la députée. (Applaudissements.) La parole est à Mme la députée Caroline Marti. Il reste une minute trente.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je suis un peu surprise d'entendre qu'on résume le fait de choisir d'aller ou pas chez le dentiste en fonction de la peur ou non de la piqûre. Je pense que les paramètres de ce choix sont légèrement plus compliqués que ça.
Je profite encore du temps qui m'est imparti pour rappeler un élément que je n'ai pas tellement eu l'occasion d'aborder tout à l'heure, à savoir les conséquences du fait de ne pas soigner les maux dentaires. Premièrement, ce sont les conséquences sur la santé des personnes, puisque des foyers infectieux peuvent amener à développer et à augmenter le risque de graves maladies, comme par exemple les AVC ou les infarctus. Je pense que c'est une mesure préventive et de santé publique absolument fondamentale que de rembourser les frais dentaires. Mais ce remboursement sert également à lutter contre des conséquences sociales extrêmement importantes puisque, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, l'état dentaire est un marqueur social très fort, qui peut amener à une exclusion sociale ou professionnelle.
De plus, les personnes concernées se trouvent déjà dans une situation précaire, ce qui peut les entraîner dans un cercle vicieux absolument catastrophique. Pour cette raison...
Le président. Il vous faut conclure, Madame, c'est bientôt terminé.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie. Pour cette raison, le groupe socialiste demande le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales. (Commentaires.)
Des voix. De la santé !
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Thomas Bläsi, vous avez trente secondes.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je vais essayer d'être assez rapide. Concernant la prise en charge de l'excès de poids dont ont parlé mes deux collègues médecins MM. Saudan et Conne, il faut juste rappeler que l'estimation du BMI et la lettre du médecin traitant suffisent pour obtenir un traitement au Xenical, qui est un traitement de régulation. Il est donc en partie pris en charge.
Le vrai problème des soins dentaires est ailleurs. En ce qui concerne les bas revenus, il y a généralement suffisamment...
Le président. Il vous reste cinq secondes.
M. Thomas Bläsi. ...d'aides sociales. Pour les hauts revenus, il n'y a globalement pas de soucis. Le problème de ce non-remboursement par les caisses maladie - juste une seconde, s'il vous plaît - est finalement la déréglementation de ce milieu, qui fait que tous les tarifs sont pratiqués. Et c'est en cela que la motion de Mme Marti est intéressante: effectivement, il serait intéressant de savoir pourquoi ce milieu est dérégulé, pourquoi une partie de la population qui a des problèmes se dirige vers la France...
Le président. Cette fois, il vous faut conclure.
M. Thomas Bläsi. ...pour se faire soigner. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je suis magnanime, parce que chaque groupe a eu un peu plus de temps, mais essayez quand même de rester dans les durées prévues, s'il vous plaît. Madame Engelberts, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur le député Bertrand Buchs, vous disposez de cinq secondes... (Rires.) ...mais je vous en laisserai quinze ! (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, ce sera très rapide, Monsieur le président. Juste pour dire qu'il faut vraiment renvoyer cette motion à la commission de la santé, parce que c'est un problème de santé publique.
Depuis vingt ans que je suis installé, je suis impressionné par l'état dentaire de la population, qui s'est aggravé ces dernières années, et pas seulement celui de personnes en situation précaire, mais de toute la population genevoise. Il y a de plus en plus de problèmes dentaires, les gens ne paient plus leur assurance-maladie, la plupart ne se soignent plus et ne s'occupent plus de leurs dents, parce qu'ils n'ont plus les moyens financiers de le faire. Et il ne s'agit là pas seulement de gens qui manquent de moyens. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission, la première - faite par les socialistes - à la commission des affaires sociales, la seconde à la commission de la santé. Je vous propose de voter en premier lieu sur le renvoi à la commission des affaires sociales.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2157 à la commission des affaires sociales est rejeté par 62 non contre 23 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2157 à la commission de la santé est adopté par 77 oui contre 5 non et 3 abstentions.