République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 novembre 2013 à 20h45
1re législature - 1re année - 1re session - 4e séance
PL 11272-A
Premier débat
Le président. Nous allons passer à la dernière urgence de cette journée. Le débat se déroulera en catégorie II: quarante minutes. Le rapporteur de minorité, M. Miguel Limpo, est remplacé par M. Lefort. Je passe la parole à M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des travaux s'est penchée sur ce projet de loi pendant trois séances... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! Allez-y, Monsieur Béné.
M. Jacques Béné. Merci, Monsieur le président. La commission des travaux s'est penchée pendant trois séances sur ce projet de loi. Ce dernier est en parfaite adéquation avec la planification pénitentiaire qui a été présentée par le Conseil d'Etat il y a une année. Une année, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui, effectivement, le Conseil d'Etat nous présente un projet abouti, clair et précis, qui s'intègre dans cette planification pénitentiaire.
Cela fait des années que nous manquons de places, aussi bien pour la détention administrative que pour l'exécution de peine. Ce projet de loi prévoyant l'augmentation de 100 places de la prison de La Brenaz va non seulement permettre de désengorger provisoirement Champ-Dollon, dont on sait que la surpopulation carcérale devient plus que problématique - elle est juste catastrophique - mais va aussi permettre dans un deuxième temps d'utiliser 168 places de détention administrative.
Nous avons procédé à de nombreuses auditions, parce que effectivement ce projet de loi ne satisfait pas beaucoup de monde autour de l'emplacement qui est prévu, évidemment. Certes, il y aurait peut-être eu d'autres possibilités pour construire cette prison, mais aujourd'hui, vu l'urgence, c'est cette proposition qui a été faite par le Conseil d'Etat. On entendra tout à l'heure le groupe qui s'oppose totalement à ce projet, les Verts, puisqu'ils sont contre la détention administrative.
Mesdames et Messieurs les députés, cette planification pénitentiaire - je rappelle encore une fois qu'il s'agit d'une planification datant de plus d'une année - eh bien, cette planification vise, à l'horizon 2017, à avoir 405 places de détention avant jugement à Champ-Dollon, qui aurait toujours dû rester réservée à la détention avant jugement; 168 places de détention administrative à La Brenaz, c'est le projet de loi que l'on discute ce soir; 450 places d'exécution de peine dans la nouvelle prison des Dardelles, dont nous discuterons à la fin du mois, et 92 places d'exécution de mesures dans l'établissement Curabilis qui devrait ouvrir en avril 2014.
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. Jacques Béné. Merci, Monsieur le président. A présent, parlons de l'opposition des Verts. Il est clair que pour les Verts la détention administrative n'existe pas puisque pour eux à Genève, c'est portes ouvertes toute l'année pour tous les étrangers qui veulent venir, alors qu'on sait pertinemment aujourd'hui que la politique qui a été mise en place entre le département de la sécurité et le procureur général porte ses fruits.
Elle est concrètement bien intégrée dans cette planification pénitentiaire et il ne fait absolument aucun doute qu'il faut voter ce projet de loi et construire le plus rapidement possible cette nouvelle prison !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur François Lefort, qui remplace M. Limpo.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. L'intérêt d'un rapport de minorité est de compléter un rapport de majorité, dans lequel, pour une fois, on a beaucoup parlé de la minorité.
Il va falloir compléter un peu, parce que ce rapport de majorité était un peu vide et nous a laissé sur notre faim. Genève connaît une surpopulation carcérale préoccupante. Il s'agit d'une situation difficile pour les détenus et les gardiens, c'est la réalité ! Il est donc nécessaire de répondre à ce besoin en places pour l'exécution de peines de courtes et de moyennes durées. Ce projet de loi Brenaz II prévoit 100 places supplémentaires qui vont s'ajouter aux 68 places existantes pour l'exécution de peine. La Brenaz II devrait soulager Champ-Dollon, qui redeviendra une prison uniquement dédiée à la détention avant jugement.
Ce crédit de 69 millions prévoit en revanche d'équiper le futur bâtiment unifié des deux Brenaz en vue de le transformer en un établissement de détention administrative à terme, lorsque le gigantesque pénitencier de 450 places des Dardelles aura été construit. Cela ne correspond donc plus au projet initial qui était destiné à l'exécution de peine - parce que le premier projet concernait l'exécution de peine.
Les deux Brenaz seront donc transformées en prisons affectées uniquement à la détention administrative pour accueillir des détenus en voie de rapatriement en provenance de l'ensemble de la Suisse romande.
Qu'est-ce que la détention administrative dont parlait le rapporteur de majorité ? Eh bien, il s'agit de l'emprisonnement, pour une durée maximale de dix-huit mois, d'un étranger en situation irrégulière, homme ou femme, dès l'âge de quinze ans, dans l'attente de son renvoi de Suisse.
La détention administrative ne sanctionne pas un délit pénal. Il s'agit de détention pour la mise en oeuvre du renvoi d'un étranger en situation irrégulière. Des rapports récents et nombreux ont conclu que les détentions administratives de longue durée se multiplient dans notre pays pour des personnes qu'on ne peut pas renvoyer par la force ! La détention administrative est donc utilisée comme moyen de pression pour pousser les migrants à quitter la Suisse sans résultat tangible ! C'est bien cela le problème, Monsieur Béné ! C'est qu'il n'y a pas de résultat ! On remplit Champ-Dollon de gens qui n'ont aucun passé pénal et cela représente selon les statistiques et selon le moment 15 à 20% des personnes détenues ! Cette détention administrative n'atteint pas ses objectifs, mais elle coûte plusieurs dizaines de milliers de francs par détenu et par an, sans résultat.
Il y a d'autres méthodes, Monsieur Béné ! On peut faire suivre une formation, préparer un retour au pays ou renforcer surtout la coopération sur place. Il s'agit de solutions plus efficaces et moins coûteuses que cette stratégie.
Ce projet de 69 millions va être complété par un pénitencier de 450 places à 320 millions. On s'étonne que Genève choisisse de construire de telles prisons dans un contexte où on manque de terrain et où les coûts de fonctionnement sont très importants. Pour faire des économies d'échelle on aurait pu réaliser des prisons intercantonales ailleurs en Suisse. Si on regarde le projet de La Brenaz, il s'agit techniquement d'un bon projet, mais les bâtiments sont très peu élevés en regard des normes fédérales qui relient les surfaces des immeubles à celles des terrains, d'où un énorme gâchis du sol.
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. François Lefort. Nous sommes dans un contexte où nous voulons économiser du sol agricole. Le prochain projet des Dardelles représente vingt hectares de zone agricole qui vont disparaître, principalement de la SDA.
En conclusion, maintenant que j'ai complété ce rapport de majorité, les Verts vous le disent: ils sont favorables à la réalisation de la prison Brenaz II pour l'exécution de peine et pour soulager Champ-Dollon, car c'est là le besoin prépondérant aujourd'hui. En revanche, nous sommes opposés à en faire une prison de détention administrative. Ce n'est pas ce dont nous avons besoin actuellement.
Pour cette raison, nous allons représenter les amendements que nous avons proposés en commission pour faire de La Brenaz II une prison d'exécution de peine. Et si ces amendements ne sont pas acceptés, eh bien nous refuserons le projet de loi ! (Quelques applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va soutenir ce projet de loi. (Commentaires.) Oui, bien sûr ! Il est évident que la planification pénitentiaire jusqu'en 2017 convient au MCG, avec un petit bémol toutefois: ce projet prévoit à terme 168 places. Cela ne sera clairement pas suffisant pour pouvoir incarcérer tous les multirécidivistes qui pourrissent la vie des Genevois.
On sait qu'ils sont aujourd'hui entre 400 et 500. Lorsque j'entends M. Lefort dire qu'il n'y aura aucun résultat en termes de départs, j'ai envie de répondre qu'il n'est peut-être pas toujours évident d'exécuter des mesures de renvoi, mais pendant dix-huit mois, ces gens-là, ces multirécidivistes ne commettront pas des délits au détriment de nos citoyens, et en particulier les gens les plus faibles qui se font arracher leur sac ou qui se font voler.
Je pense qu'incarcérer ces gens qui pourrissent la vie de nos citoyens est une très bonne chose. Cependant, comme je l'ai dit, ces 168 places prévues à terme ne seront largement pas suffisantes. On peut regretter que, d'ici à 2017, rien d'autre ne soit prévu. Le MCG a pourtant déposé une résolution pour que l'on utilise la caserne des Vernets à cet effet jusqu'en 2017, date à laquelle seront réalisés les logements prévus par le plan localisé de quartier concernant le site de la caserne des Vernets.
Entre-temps nous aurions pu mettre à profit cette caserne pour incarcérer tous ces gens qui créent des délits à profusion et qui occupent énormément les forces de police.
Il faut savoir que ces gens sont arrêtés plusieurs fois par année et, lorsqu'on multiplie cela par plus de 500 personnes, on comprend que nos effectifs de police ne sont plus dans la rue pour les autres missions quotidiennes de la police et ne feront bientôt que de s'occuper de ces types de parasites qui nous gênent énormément, qui sont intolérables et indésirables dans notre canton !
Encore une fois, on voit que la gauche s'oppose à ce genre d'établissement. Bien sûr, vous préférez les voir dans la rue. Nous, nous préférons les voir enfermés pour le bien de nos concitoyens. Mais cela coïncide avec votre politique de sécurité qui est absolument inadmissible, parce que vous ne faites absolument rien pour améliorer le sort de nos concitoyens.
Par ailleurs, en 2007, le MCG avait déposé une résolution pour demander des crédits à Berne, puisque la loi sur les étrangers proposait une disposition transitoire incitant les cantons à faire part des budgets nécessaires à la réalisation des installations de détention administrative. Or, à l'époque certains nous avaient répondu que notre résolution était nauséabonde. On peut le regretter, car on voit aujourd'hui que ces travaux doivent être faits, mais à présent ils le seront - malgré une subvention d'un tiers de la Confédération - à la charge des contribuables genevois, qui devront payer le 75% de ces réalisations. A l'époque, nous aurions pu demander que ce projet soit financé par l'ensemble de la Confédération, le problème de ces requérants d'asile - les NEM en particulier - étant un problème fédéral.
Nous regrettons donc d'avoir perdu plusieurs années. On aurait aussi pu envisager des containers, comme nous l'avons souvent suggéré au parlement, qui coûteraient nettement moins cher que ces 69 millions qui font encore un trou de plus dans le budget de notre canton. Nous le regrettons, mais nous soutiendrons ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que les choses soient bien claires: notre groupe, Ensemble à Gauche, ne s'oppose pas à l'agrandissement des établissements pénitentiaires relevant de l'application du droit pénal. Mais ici, nous allons suivre la position de la minorité, car il s'agit d'un crédit de près de 70 millions pour créer 100 places de détention administrative. C'est là que le bât blesse, quand l'on sait que l'on peut placer en détention administrative des familles entières, qu'il convient généralement plutôt d'accueillir, de placer ou de mettre provisoirement à l'abri, plutôt que d'incarcérer.
C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à ce crédit, considérant qu'il y a d'autres priorités en matière notamment de remise en conformité et d'agrandissement des établissements pénitentiaires. Nous pensons à Champ-Dollon, bien évidemment. Nous nous opposerons donc à ce crédit.
Mme Christina Meissner (UDC). Les lois changent, les procédures pénales aussi, les moeurs changent, les frontières s'ouvrent. Au final, il y a plus de braquages, plus de cambriolages, plus de violence. On n'arrête pas d'arrêter. On n'arrête pas d'enfermer. Cela veut dire qu'il faut plus de prisons et cela a un coût. La sécurité a un coût pour le contribuable !
Aujourd'hui, si l'on regarde ce que cela donne, eh bien nous avons devant nous un projet de loi pour La Brenaz de 70 millions, mais il y aura celui de Pré-Marquis de 20 millions. Il y a et il y a eu celui de Curabilis, à 100 millions.
Le problème est que l'on saucissonne, ce qui fait qu'on n'a jamais une vision globale, mais au final ce coût est énorme: 1 000 places de plus, cela représente quand même un demi-milliard de francs. Et tout cela, parce qu'on n'a pas réussi à s'entendre au niveau intercantonal... (Brouhaha.)
Le président. Chut !
Mme Christina Meissner. ...pour incarcérer là où il y a peut-être plus de places que chez nous ! Déjà aujourd'hui certains de nos détenus genevois - enfin, genevois, entendons-nous: 91,3% sont des étrangers - sont dans des prisons situées hors du canton de Genève. Cela étant, faut-il encore mettre plus de pression sur notre petit territoire cantonal et sur la population de Puplinge ? Puplinge où on rase les forêts, qu'on ne compense pas; où on rase la zone agricole - je me demande bien où on va la compenser celle-là ! Finalement, il ne restera plus qu'à mettre des barbelés autour de la commune de Puplinge, parce que ainsi le problème sera réglé une fois pour toute.
Non ! L'UDC aimerait véritablement qu'on ait plus de transparence, qu'un état des lieux, un bilan des coûts, des besoins et des conséquences en matière de prestations pour la population soient dressés ! C'est le message que nous adressons à ce gouvernement et au gouvernement futur - peut-être que nous serons même responsables de le faire, on ne sait jamais, on verra bien les élections de ce dimanche ! En tout cas, il nous paraît nécessaire de donner à la population, qui en a le droit, une vision globale de ce que la sécurité nous coûte et de ce que le non-renvoi des personnes dans leur pays quand elles commettent des délits nous coûte aussi !
M. Roger Deneys. Laissez-les travailler !
Le président. Monsieur le député, s'il vous plaît !
Mme Christina Meissner. Mesdames et Messieurs les députés, ce sera le dernier projet que nous accepterons en l'état. Il faut en finir avec ce saucissonnage qui ne fait que cacher la poussière sous le tapis. (Commentaires.)
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat ouvre en effet un crédit d'investissement pour réaliser 100 places de détention supplémentaires sur le site de La Brenaz. Si le projet de loi visait uniquement cet objectif-là, c'est-à-dire résoudre la surpopulation carcérale, les Verts l'auraient signé et l'auraient adopté volontiers. Or, ce qui rend ce projet de loi inadmissible pour les Verts, c'est le fait qu'à terme cette prison vise la création de 168 places de détention administrative pour des personnes étrangères en situation irrégulière.
Ce projet de loi va très loin en matière de détention administrative, car il prévoit la création, Mesdames et Messieurs les députés, de cellules familiales ! Vous avez bien entendu: des cellules familiales ! (Commentaires.) Désormais à Genève, nous allons incarcérer des familles !
Cette planification est inacceptable pour les Verts ! Nous estimons que si Genève se mettait à incarcérer des familles ou laissait d'autres cantons incarcérer des familles sur notre territoire, cela constituerait un recul important pour la Genève humanitaire, laquelle s'est toujours targuée de défendre les droits de l'Homme.
Une telle politique carcérale ne manquerait pas de nuire à l'image de Genève dans le monde et au sein de la communauté internationale ! Il faut être extrêmement conscient que nous aurons très mauvaise presse si ce genre de chose se faisait à Genève.
Je voudrais encore mentionner un autre fait important. Les statistiques du département de la sécurité nous indiquent que 15 à 20% des personnes détenues administrativement n'ont commis aucun délit. Pire encore, la presse s'est fait l'écho de personnes sans papiers incarcérées.
En situation de surpopulation carcérale, telle que nous la connaissons actuellement à Champ-Dollon, le groupe des Verts déplore cette dérive. Quand Genève ne dispose pas d'assez de places de prison, il est totalement incompréhensible d'incarcérer des gens n'ayant commis aucun délit, mais étant uniquement en situation irrégulière.
Pour ce qui a trait au projet de construction en lui-même, il serait quand même bon de s'interroger sur le fait que l'un des plus petits cantons de Suisse en matière de territoire construise les prisons pour toute la Suisse romande et qu'ensuite tous ces projets se concentrent sur une petite commune ! Disposons-nous de tant de terrains agricoles pour décider ainsi de les déclasser pour des prisons romandes ? N'aurait-il pas mieux valu que le Conseil d'Etat travaille avec les autres cantons romands pour réaliser ces centres de détention administrative auxquels ils tiennent tant ?
Les Verts regrettent que la volonté du Grand Conseil de déclasser avec parcimonie lorsqu'il s'agit de construire des logements se trouve tout d'un coup bafouée lorsqu'il s'agit de construire des prisons ! Mesdames et Messieurs les députés, nous espérons que vous accepterez nos amendements. Si vous refusez ceux-ci, nous refuserons ce projet de loi !
M. Frédéric Hohl (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, personne n'est heureux de construire des prisons ! Personne ! Pour suivre la planification pénitentiaire 2017, la grande majorité de la commission a voté pour l'agrandissement de La Brenaz. Cela est chose faite avec ce projet de loi. Mais, Mesdames et Messieurs, depuis plus de huit ans, nous observons le manque de places de détention administrative. On a eu de nombreux débats à ce sujet. Depuis plus de huit ans, Mesdames et Messieurs, le peuple réclame plus de sécurité dans la rue. Depuis plus de huit ans, nous parlons de ces 250 à 300 criminels de rue qui empoisonnent la vie des Genevois. Eh bien oui, Mesdames et Messieurs, nous sommes ravis que cette prison puisse accueillir et recevoir la détention administrative de la Suisse romande et surtout des gens qui sont à Genève mais qui n'ont rien à y faire ! On parle bien des criminels de rue multirécidivistes ! On ne parle pas des autres !
Alors, certes... (Protestations.) ...vous avez absolument raison, Madame Forster Carbonnier, nous devons faire très attention de savoir qui nous mettons dans ces prisons. Là, vous avez raison et nous demandons au gouvernement de porter la plus grande attention sur ce point, mais nous avons absolument besoin de détention administrative dans notre canton et je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre le rapport de majorité. (Quelques applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, un crédit d'étude de 5,6 millions a été voté par le Grand Conseil en 2011 pour créer 150 places de détention supplémentaires très rapidement, par le biais de l'agrandissement de La Brenaz. Ensuite, le 19 octobre 2012, sur demande du Conseil d'Etat la commission des travaux a été saisie en urgence pour une demande d'affectation différente de ce crédit d'étude. Le projet devient alors un lieu de détention administrative, à terme, de 168 places, c'est-à-dire 100 places supplémentaires et à terme 68 places. On parle donc de Brenaz I et Brenaz II. Ensuite, on vient de voter aussi en commission des travaux 27 places au centre de rétention administrative du terminal T2 - SARA 2 - à l'aéroport, soit in fine 200 places prévues pour les migrants qui effectivement soit n'ont pas de permis de séjour, soit sont déboutés.
A terme, nous allons dépenser 70 millions pour faire de la détention administrative - beaucoup de détention administrative: 168 places. Si la détention administrative est payée ou subventionnée à 35% par la Confédération avec tout le nouveau programme issu des lois sur l'immigration, 65% du fonctionnement restera cependant à la charge du canton. Excusez-moi, à charge des fonctionnaires du canton de Genève ! En effet, mercredi, dans son communiqué de presse, le Conseil d'Etat écrit, je cite: «L'alternative à la suspension de l'annuité aurait été de réduire l'augmentation des dépenses dans le domaine pénitentiaire et de la formation [...] ce qui n'entre pas en ligne de compte. La suspension de l'annuité n'est donc pas la conséquence d'une mauvaise conjoncture économique, mais sert à financer de nouvelles prestations prioritaires.»
Actuellement, nous disposons de 50 places de prison administrative pour les cantons de Vaud, de Neuchâtel, de Genève et quand cela est nécessaire, également pour le Jura et Fribourg.
Visiblement, Frambois et le supplément de places déjà ouvert à la Favra peinent à être utilisés et couvrent donc, en tout cas actuellement, les besoins romands. Nous laisserons le soin à la commission des visiteurs d'aller voir les conditions de détention et de travail des fonctionnaires de l'Etat dans ces lieux.
L'énorme augmentation des places de détention administrative que ce projet de loi va créer changera la définition même de la détention administrative. Celle-ci n'est pas une double peine, cependant, d'un lieu de détention réservé aux personnes pour qui une extradition a été négociée ou est à bout touchant, elle va passer à une véritable prison, à un entreposage de migrants pauvres.
Cela concernera des personnes célibataires déboutées, oui, mais aussi de plus en plus de requérants d'asile, des messieurs et mesdames lambda, ainsi que leur famille et leurs enfants, car il est vrai que dans l'exposé des motifs du projet de loi, en page 23, on trouve le titre: «Secteur familles». Au lieu d'investir des fortunes dans une prison administrative, nous ferions mieux de...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...rénover et de mieux gérer des centres comme les Tattes. En apprenant à respecter les gens en situation difficile, nous pourrions peut-être ensuite prévoir ensemble des départs construits. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons accepté La Brenaz II en tant que lieu d'exécution de peine devant soulager Champ-Dollon, mais nous ne sommes pas d'accord de l'affecter à la détention administrative et nous accepterons l'amendement des Verts. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste une minute.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette prison de 100 places à La Brenaz qui sera mise en exploitation en 2015, c'est 125 mètres carrés par détenu. Ce crédit s'inscrit dans le cadre d'un investissement total à la charge du canton de 368 millions qui inclut Curabilis, prison qui sera opérationnelle en 2014 et qui représente 387 mètres carrés par détenu.
La prison dite de Pré-Marquis, opérationnelle en 2017, comptera 72 mètres carrés par détenu et un bâtiment externe de travail auquel s'ajoute la prison actuelle de Champ-Dollon. Ces coûts incluront la construction de salles polyvalentes, de zones de musculation, de zones d'enseignement, de zones multiculturelles, des serres et des jardins potagers pour occuper les prisonniers.
Ces prisons ont été prévues à proximité de l'aéroport international, car elles sont destinées à des détenus en provenance de l'ensemble de la Suisse romande en voie de rapatriement dans leur pays d'origine.
Compte tenu des circonstances en matière de délinquance et des obligations...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Bernhard Riedweg. Oui, je conclus. Compte tenu des circonstances en matière de délinquance et des obligations envers la Confédération, le canton n'a d'autre choix que d'accepter ce crédit pour la prison Brenaz II. Nous jouons ainsi contre la population...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Bernhard Riedweg. Nous jouons ainsi contre la population de Puplinge, dont je suis conseiller municipal.
M. Guy Mettan (PDC). Il est vrai que la détention administrative est un sujet délicat. Au parti démocrate-chrétien, nous accepterons ce projet de loi, mais il est vrai que ce n'est pas de gaîté de coeur. Pourquoi ? Parce que le risque qui a été décrit, notamment par les bancs de la gauche, qu'on utilise cette nouvelle capacité pénitentiaire pour criminaliser les personnes qui n'auraient commis qu'une infraction à la loi sur les étrangers, sans autre délit, est possible.
C'est pour cela que, si nous acceptons ce projet de loi, il faudra être très attentif à son exécution. Il faudra que la commission des visiteurs fasse son travail pour s'assurer qu'effectivement les personnes qui seront placées là auront commis des délits, qu'il s'agisse réellement de criminels et de ces fameux récidivistes dont on a parlé et non simplement des gens qui ont pour seul tort d'être clandestins ou sans papiers. C'est une chose à laquelle on devra veiller.
Cela dit, il faut quand même aussi ajouter que la détention administrative vise des personnes qui ne sont pas juste des anges qui n'auraient rien commis ! La population cible concerne quand même tous ces petits criminels qui effectivement empoisonnent la vie des Genevois et qui méritent d'aller en prison, en tout cas d'y faire un petit séjour pour peut-être se calmer.
J'aimerais encore ajouter un élément qui n'a pas été mentionné: le gros problème que nous avons à Genève, ce sont les conditions de détention des prisonniers ! On n'a pas parlé de la surpopulation à Champ-Dollon, mais c'est peut-être là que réside la plus grande entorse aux droits de l'Homme, à l'égard des prisonniers eux-mêmes. Il est donc aussi de notre devoir de soulager cette population de prisonniers en leur donnant des conditions de détention acceptables et dignes d'une république comme la nôtre.
Dans ce sens-là, ce projet qui vise à accroître le nombre de places en prison contribue aussi - même s'il s'agit de détention administrative - à soulager la surpopulation et donc les conditions de détention pénibles qui existent dans notre république. C'est pour ces raisons que nous accepterons ce projet de loi en gardant, comme je l'ai dit, un oeil tout à fait attentif sur les conditions d'exécution des personnes qui y seront mises.
Une voix. On n'exécute pas !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Ducret, pour deux minutes et trente secondes.
M. Michel Ducret (PLR). J'espère qu'on n'exécute pas les gens dans les établissements de détention, comme vient de le dire le préopinant !
J'aimerais souligner une chose. La mauvaise presse que risque Genève sur le plan international, ce sont aussi les agressions dans nos rues, les petits délits commis journellement par ces gens et, les droits de l'Homme, c'est aussi le droit de vivre en sécurité ! Il s'agit d'une des tâches basiques de l'Etat et les dispositifs de détention en font partie. C'est le premier point.
Deuxièmement, j'aimerais souligner l'intoxication morale que laissent courir les Verts au sujet de la détention administrative à Genève. En deux législatures et demie comme membre de la commission des visiteurs officiels, je n'ai, Mesdames et Messieurs, jamais vu un seul détenu administratif à Frambois - je le précise - sous mandat genevois. Je le souligne, parce que ce n'est pas le cas pour les autres cantons. Mais sous mandat genevois, pas un n'était pas un multirécidiviste... (Commentaires.) ...c'est extrêmement clair ! (Brouhaha.)
Le président. Chut !
M. Michel Ducret. Les autres détenus qui peut-être n'étaient sous le coup d'aucune plainte pénale proviennent d'autres cantons.
Pour terminer, je précise encore que le besoin en places de détention administrative, qui doivent être créées à Genève afin de ne pas être trop éloignées de l'aéroport - c'est cela le but, je vous le signale - ce besoin a été défini notamment par des fonctionnaires de l'office cantonal de la population qu'on peut soupçonner de tout, sauf d'être en manque d'humanité, je tiens à le souligner également, car il y a des gens qui travaillent magnifiquement bien à Genève et je ne crois pas qu'à ce niveau-là en tout cas il y ait eu des abus en matière de politique de détention administrative. Je suis formel !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Jocelyne Haller, pour trois minutes.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce dont la population a besoin, c'est de ne pas être induite en erreur. On prétend que les personnes qui sont placées en détention administrative sont des délinquants multirécidivistes. C'est faux, nous l'avons démontré à de multiples reprises. Cet argument a été réfuté. Prétendre l'inverse ne vous donnera pas raison, cela contribuera simplement à obscurcir ce débat. La détention administrative est une mesure arbitraire et injuste ! On impose un système carcéral à des personnes qui voient leur demande d'asile réfutée ou qui sont sans papiers, c'est inacceptable !
Soyons clairs: si ces personnes étaient véritablement des délinquants, alors elles relèveraient du système pénal et non pas du système administratif ! Donnons des conditions décentes de détention à ceux qui doivent malheureusement exécuter des peines, mais ne violons pas les droits humains et finissons-en avec la détention administrative ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Roger Golay pour vingt secondes.
M. Roger Golay (MCG). J'interviendrai assez vite, simplement pour répondre à Mme Forster Carbonnier: quand elle dit que 15 à 20% des personnes sont en détention administrative, il faut savoir qu'elles le sont pour un délit d'insoumission. Cela est prévu dans l'application de la loi sur les étrangers que le peuple suisse a votée en 2006. Ce que vous dites n'est donc pas vrai ! Lorsqu'on sait que des vols spéciaux à 100 000 F sont préparés, il est tout à fait légitime que ces personnes ne collaborant pas avec les autorités soient incarcérées pour pouvoir assurer ces vols au moment voulu. Cela peut durer cinq ou six jours après les formalités nécessaires.
Le président. Votre temps de parole est terminé, Monsieur le député.
M. Roger Golay. Je termine par là. J'ajoute simplement, puisque la question a été posée au sujet des familles: c'est l'incertitude, cela a été prévu, mais cela ne sera certainement pas appliqué d'après la direction de l'office pénitentiaire.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Nathalie Fontanet, pour quarante-cinq secondes.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Je dirai deux mots. Premièrement, effectivement le groupe PLR se félicite de l'adoption de ce projet de loi, parce qu'il est important pour maîtriser la sécurité dans notre canton que nous nous dotions d'une planification carcérale qui nous permette de mettre les gens dans les endroits où il y a lieu qu'ils soient, au regard des infractions qu'ils commettent.
Deuxièmement, nous avons étudié dernièrement en commission judiciaire la loi sur les étrangers. A cette occasion, nous avons entendu les représentants des juristes progressistes dont nous savons qu'ils sont issus des rangs de la gauche. J'aimerais répondre en particulier à Mme Haller, qui vient de s'exprimer - vous transmettrez, Monsieur le président - que nous avons entendu un avocat extrêmement engagé, mais qui, lui, est honnête, il s'agit de Me Bayenet, qui a reconnu devant notre commission que dans 99,9% des cas, ces personnes mises en détention administrative ont un passé judiciaire chargé. Je pense qu'il est important de le souligner. Il ne s'agit pas d'anges...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Nathalie Fontanet. Il s'agit de personnes qui ont un passé judiciaire et qui ont un passé pénal extrêmement important. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Haller, à qui il reste deux minutes.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je serai brève. Je voulais simplement remercier M. Golay d'avoir précisé quelque chose et d'avoir replacé les choses dans leur contexte: ces multiples délits qu'on reproche aux gens qui sont en détention administrative, c'est l'insoumission, la volonté de ne pas partir, parce que aujourd'hui, pour eux, rester ici, c'est survivre ! En quoi cela peut-il porter atteinte à la sécurité de Genève ? (Exclamations.)
Le président. Chut !
Mme Jocelyne Haller. Je vous pose la question et je vous remercie de l'avoir précisé.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Messieurs les rapporteurs, vous n'avez presque plus de temps de parole, mais je vais vous donner deux minutes chacun. Monsieur Lefort, vous avez la parole.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à certains députés qui pratiquent la confusion permanente que les multirécidivistes sont arrêtés pour des délits pénaux, ils ne le sont pas au titre de la détention administrative. C'est bien notre propos d'augmenter les places d'application des peines... (Remarque.) Monsieur Ducret, voulez-vous venir prendre le micro à ma place ?
M. Michel Ducret. Ah oui !
M. François Lefort. Non, vous avez un bouton, vous appuyez et vous me laissez finir !
Le président. Monsieur Lefort, vous vous adressez au président.
M. François Lefort. C'est bien notre propos d'augmenter les places d'application des peines pour les gens qui commettent des délits et cela concerne vraiment les multirécidivistes. Ces 69 millions pour la détention administrative sont encore un gâchis inutile. La priorité est l'application des peines et c'est vraiment le seul moyen de soulager Champ-Dollon. Soyez bien conscients que cette prison de détention administrative n'hébergera aucun multirécidiviste, parce que les multirécidivistes qui ont commis de nombreux délits pénaux doivent exécuter des peines pénales. Je vous remercie de voter les amendements que les Verts présenteront pour faire de cette prison une prison d'application des peines.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est pour deux minutes à M. le rapporteur de majorité.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il faut être cohérent, ce n'est pas sexy de construire une prison, quel que soit son prix. Je remarque que les Verts ont voté 300 millions pour un dépôt TPG. Ici, on parle effectivement de plus de 60 millions, mais je tiens quand même à dire que 32 millions sont pris en charge par la Confédération. Cela représente 60% du coût. Alors que si on accepte votre amendement, Mesdames et Messieurs des Verts, il y a un surcoût de 13 millions, puisque quand il s'agit de détention pour exécution de peine, la Confédération ne finance plus qu'à hauteur de 35%. Vous voulez donc tout simplement, par votre amendement, que cet établissement coûte 13 millions de plus.
Et puis, s'il vous plaît, Monsieur Zaugg, vous êtes nouveau dans ce parlement: lisez les textes avant de faire des interventions...
Le président. Vous vous adressez au président, Monsieur.
M. Jacques Béné. Il a clairement été dit qu'il n'y a pas de détention administrative à Genève, ni pour les familles, ni pour les enfants. Il y a d'autres cantons qui le font, quelques-uns... (Commentaires.) ...vu qu'il s'agit d'un établissement concordataire. (Brouhaha. Exclamations.)
Le président. Chut ! S'il vous plaît, Mesdames !
M. Jacques Béné. Mais cet établissement est prévu pour 2017. En 2017, le concordat aura pu discuter de ces problématiques et pour nous en tout cas il est exclu de mettre des familles ou des mineurs en détention administrative, pour autant que les mineurs ne soient pas assignés à Frambois ou à la Clairière, comme cela est prévu.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Jacques Béné. Je termine juste en disant que sur 97 personnes qui ont été placées à Favra depuis le 1er février 2013, il y a 17 personnes qui n'ont commis qu'une infraction à la loi sur les étrangers et 80 autres ont été condamnées depuis plus ou moins d'un an, cela pour infirmer les chiffres qui ont été donnés.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est maintenant à M. le conseiller d'Etat François Longchamp.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, parlons d'abord du bâtiment, avant de parler des personnes qu'il va accueillir. Ce bâtiment, vous l'avez examiné en commission des travaux: aucune critique n'a été faite quant à sa conception, quant à son coût, aucune critique n'a été faite quant au respect du cahier des charges et j'aimerais, Monsieur Riedweg, m'étonner avec vous effectivement que le nombre de mètres carrés par détenu soit important. Il est même plus élevé, figurez-vous, que les normes de l'office du logement pour la construction de logements destinés aux familles en zone de développement !
Mais j'aimerais vous rappeler qu'il n'y a pas que des détenus dans les prisons. Il y a aussi des gardiens ! C'est aussi pour eux que nous construisons des prisons, parce que ce sont eux qui assurent notre sécurité. Nous ne pouvons pas éternellement considérer qu'il est digne de ce canton de faire accueillir dans cet établissement pénitentiaire deux fois plus de détenus qu'il ne peut en accueillir.
Nous avions 832 personnes à Champ-Dollon, hier. C'est beaucoup trop ! Cela suppose que nous devons prendre certaines mesures et avoir une planification. C'est ce que le Conseil d'Etat vous a proposé dans un premier temps avec la réalisation ici d'un premier établissement - l'établissement de La Brenaz - qui se substituera demain à un second établissement, les Dardelles, qui a été voté par votre commission des travaux mardi dernier et qui sera à l'ordre du jour certainement de votre prochaine séance de commission pour un vote du crédit d'étude.
Je confirme ici, Madame la députée Forster Carbonnier, que le canton de Genève n'incarcère pas des familles avec enfants et qu'il n'entend pas le faire !
C'est exclusivement dans le cas du respect des concordats et dans la situation extrêmement particulière de la présence éventuelle d'une famille venant d'un autre canton pour une durée très limitée, puisqu'il s'agit d'organiser un renvoi, que serait accueillie, peut-être, une famille. Mais en aucun cas le canton de Genève, vous le savez, ne souhaite incarcérer des enfants dans le cadre de cet établissement.
Pourquoi est-ce que j'insiste sur le concordat ? Parce que, Mesdames et Messieurs, à celles et ceux qui pensent - vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur de minorité - qu'il faudrait exporter nos besoins et demander à d'autres cantons romands d'assurer notre propre incapacité, notre propre absence de volonté à construire des établissements pénitentiaires, j'aimerais rappeler que nous sommes très largement déficitaires et que nous pouvons remercier les autres cantons d'avoir construit les établissements que nous sommes incapables de construire, sans quoi notre situation serait pire encore.
La prison de Champ-Dollon, à l'exception d'un modeste agrandissement, date pour l'essentiel de 1977. Depuis, la population a presque doublé à Genève. L'insécurité a pris une autre dimension, la délinquance n'a plus aucun rapport avec celle parfois «aimable» qui régnait dans notre ville il y a trente ou quarante ans. Il s'agit de prendre un certain nombre de mesures, c'est ce qui vous est proposé ce soir... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. François Longchamp. ...avec ce premier vote qui permet un établissement d'exécution de peine pénale jusqu'en 2017, le temps que le nouvel établissement que vous serez appelés à voter et que nous serons appelés à construire soit réalisé.
J'aimerais ensuite vous dire qu'un autre enjeu se posera à ce moment-là qui peut-être nous amènera à devoir imaginer d'autres stratégies. Nous ne pourrons pas éternellement faire vivre Champ-Dollon avec un taux d'occupation double de celui pour lequel il a été conçu et un vieillissement du bâtiment et de ses structures beaucoup plus rapide que cela n'est l'usage dans un établissement qui est correctement doté.
Nous devrons exécuter aussi certains travaux dans cet établissement, car il en va de la sécurité de notre population, de la sécurité des gardiens et de la dignité que nous devons aux détenus dans le respect des normes fédérales, ni plus, ni moins. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter ce crédit de 69 954 000 F. Il s'agit d'une somme importante, mais j'aimerais rappeler que presque la moitié - 32 millions de francs - fait l'objet d'une subvention fédérale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote sur le projet de loi 11272.
Mis aux voix, le projet de loi 11272 est adopté en premier débat par 67 oui contre 18 non.
Deuxième débat
Le président. En deuxième débat, nous sommes saisis d'un amendement du parti des Verts qui modifie le titre comme suit: «Projet de loi ouvrant un crédit d'investissement de 69 954 000 F en vue de l'agrandissement de 100 places de l'établissement de La Brenaz et de son équipement en établissement d'exécution de peine.» Je mets aux voix cet amendement... (Remarque.) Ah non, Madame Forster Carbonnier, je vous cède la parole.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Monsieur le président, je préciserai d'abord la position des Verts: nous sommes entrés en matière, parce que nous avons encore l'espoir que nos amendements puissent être acceptés par cette plénière. Nos amendements visent donc bien évidemment à faire en sorte que La Brenaz demeure un établissement d'exécution de peine.
En effet, comme il a été souvent répété ici, qu'est-ce que la détention administrative ? C'est emprisonner administrativement des gens pour lesquels la détention pénale n'est pas possible. Or, priver quelqu'un de sa liberté, alors que pénalement il ne peut être condamné, ne va pas sans poser des problèmes juridiques et éthiques. La détention administrative ne sanctionne donc pas une activité criminelle, elle emprisonne des personnes en attente d'un renvoi pour une période allant jusqu'à 18 mois, voire même 24 mois !
Le système de détention administrative, outre les problèmes éthiques qu'il pose, est coûteux et peu efficace. En effet, la durée moyenne de la période de détention administrative se situe autour des trois mois, mais il arrive régulièrement que des personnes soient détenues pour de plus longues périodes, allant au-delà d'une année. Or, il s'avère souvent que l'objectif premier de la détention administrative n'est pas rempli. Même après de longs mois passés en prison, de nombreux détenus ne sont finalement pas renvoyés, le plus souvent faute d'accord avec les pays d'origine. Dès lors, la question se pose de savoir si la durée de leur détention est justifiée et proportionnelle !
Dans les cantons qui pratiquent le plus la détention administrative, nous arrivons au magnifique résultat que seul 20% des personnes détenues sont renvoyées dans leur pays d'origine. Il s'agit donc d'un système extrêmement cher et peu efficace.
Là où les mesures de contraintes sont en revanche totalement efficaces, c'est pour faire gonfler les coûts ! Pour faire gonfler la facture ! Chaque détenu coûte en effet plusieurs centaines de francs par jour au contribuable et la création de nouvelles places de détention va créer également de nouveaux besoins au sein du pouvoir judiciaire et notamment au TAPI.
C'est donc dans une perspective humaniste, mais également de bonne gestion des deniers publics, que les Verts vous appellent à accepter leurs amendements.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Cyril Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, évidemment le parti socialiste va soutenir les amendements qui nous sont proposés par les Verts pour ne pas étendre à l'excès les capacités de détention administrative.
Au-delà de la question de fond de l'opportunité de la détention administrative, qui a déjà été abondamment discutée, j'aimerais vous apporter un éclairage: j'ai moi-même siégé comme juge assesseur au Tribunal administratif de première instance et j'ai notamment... (Commentaires.) ...été chargé... (Commentaires.) Si vous me laissez finir, Mesdames et Messieurs d'en face...
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît ! Il y a eu un excellent climat jusqu'ici, on est presque au terme du débat. Ce serait bien de continuer convenablement jusqu'au bout. (Brouhaha.) Allez-y, Monsieur Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi. Je le dis par souci de transparence, effectivement, j'ai... (Exclamations.) ...statué comme juge assesseur... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Antoine Bertschy, s'il vous plaît ! (Protestations.)
M. Cyril Mizrahi. ...notamment, selon la formule consacrée, Monsieur le député en face, selon la formule consacrée... (Protestations.)
Le président. Monsieur Mizrahi, vous vous adressez au président, s'il vous plaît.
M. Cyril Mizrahi. Oui, mais c'est un peu pénible ! On ne peut pas intervenir sans être interrompu !
Une voix. Il faut t'habituer !
Le président. Continuez en vous adressant à moi. (Commentaires. Brouhaha.)
M. Cyril Mizrahi. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été confronté à ce système... (Brouhaha.) ...puisque j'ai fait partie d'un tribunal qui devait statuer sur la légalité et l'adéquation des mesures de détention administrative. (Commentaires.)
Une voix. Devoir de réserve ! (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît !
M. Cyril Mizrahi. Je ne siège... (Brouhaha.)
Le président. Poursuivez, Monsieur Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi. Je ne siège plus comme assesseur, Mesdames et Messieurs, je pense donc pouvoir m'exprimer et apporter un éclairage de manière légitime. (Brouhaha.) Je ne vais donc plus répondre aux attaques de forme et j'en viens au fond. On nous parle légitimement de la sécurité des Genevoises et des Genevois et des 250 à 300 personnes à l'origine de petite criminalité, multirécidivistes, qui effectivement empoisonnent la vie des Genevoises et des Genevois.
J'entends bien, mais sur ces 250 à 300 personnes, toutes ne sont pas expulsables. Cela a déjà été dit, il faut des accords de réadmission. Il ne suffit pas simplement de construire des places de détention administrative pour y mettre les gens et, comme par magie, ensuite les renvoyer chez eux, cela ne se passe pas ainsi !
La première escroquerie consiste à faire penser qu'en construisant 200 ou 250 places, on va résoudre ce problème. Cela est faux, bien entendu, puisque cette détention est destinée au renvoi et si le renvoi n'est pas possible, en théorie, il n'y a pas de détention, sans quoi la loi sur la détention administrative est tout simplement, Mesdames et Messieurs, dévoyée ! Le deuxième point de l'escroquerie...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Cyril Mizrahi. Je vais conclure. Le deuxième point - cela a été dit - est qu'il y a déjà eu une augmentation: à la base, je rappelle qu'il y avait 20 places de détention administrative. A présent nous en sommes à 50 et nous sommes en train de parler de 168 places. Déjà maintenant, cela a été dit, cela figure dans le rapport et cela correspond aussi à mon sentiment après ces années en tant que juge assesseur...
Le président. Votre temps de parole est terminé, Monsieur Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi. ...15 à 20% des personnes détenues n'ont commis aucun délit et, en augmentant ce nombre de places, vous allez inciter...
Le président. Votre intervention est terminée, Monsieur Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi. ...à incarcérer des familles... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Mizrahi, c'est terminé ! (Quelques applaudissements.) La parole est à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il sera impossible de régler le problème des réfugiés politiques, économiques ou autres à Genève pour les années à venir. Ce problème doit se régler au niveau de la Confédération suisse et de l'Union européenne qui doivent investir dans les pays d'origine de ces émigrés pour que l'envie d'aller retrouver un eldorado qui n'existe pas leur passe.
C'est là qu'il faut intervenir et c'est là où la Suisse doit se poser les vraies questions pour inverser ces flux migratoires et faire en sorte que les gens aient une qualité de vie suffisante dans les pays dont ils sont originaires... (Commentaires.) ...pour ne pas avoir envie... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...au risque de leur vie de venir trouver un eldorado qu'ils ne trouveront pas. Mais cela, malheureusement, ils ne peuvent pas le savoir avant d'avoir mis les pieds ici. C'est une réalité, Mesdames et Messieurs ! On peut débattre pendant des heures, pendant des semaines, pendant des mois, mais la solution ce ne sont pas les Genevois qui l'ont !
Maintenant, nous avons un problème sur le canton de Genève. J'entends bien que cela n'est pas humainement acceptable d'incarcérer quelqu'un au seul motif qu'il n'a pas le droit d'être ici. C'est injuste, c'est vrai. Nous, nous sommes nés ici et nous avons une qualité de vie que bien des pays nous envient. Eux sont nés là-bas et ont une qualité de vie qui est juste désastreuse, mais le monde est ainsi fait. Je vous le dis, nous, nous avons un représentant à Berne, mais à tous les partis représentés sous la Coupole fédérale: c'est là qu'il faut intervenir ! C'est au niveau de la diplomatie internationale et notamment avec l'Europe. La grandeur de l'Europe et de la Suisse ne se mesurera que quand les pays du bassin méditerranéen auront retrouvé un équilibre ! Vous pouvez me dire ce que vous voulez, mais personne ne peut me contester sur ce point !
Pour en revenir encore une fois à Genève: oui, cela est arbitraire, oui, ce n'est pas juste ! Mais, Monsieur Mizrahi - vous transmettrez, Monsieur le président - ces réfugiés qui séjournent ici ne dorment pas dans la rue. Ils sont logés pour certains dans des hôtels ou dans des baraquements prévus à cet effet. Les hôtels coûtent presque 3000 F par mois, alors que les citoyens genevois, eux, ont des problèmes à se loger. Là où il y a aussi une injustice... (Remarque.) Mais oui, c'est la réalité, il faut arrêter le monde des Bisounours ! Cela n'existe malheureusement pas et je l'ai dit ! Oui, c'est arbitraire et, encore une fois, c'est injuste. Mais ces gens peuvent en moins de vingt-quatre heures interrompre leur détention...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. ...simplement en collaborant à leur départ volontaire; le billet est payé par la Confédération. C'est tout ce que j'ai à dire. Pour toutes ces bonnes raisons, nous nous opposerons à votre amendement, parce que encore une fois vous jouez les pyromanes et les apprentis sorciers avec des boîtes d'allumettes...
Le président. Votre intervention est terminée, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. ...et ce n'est pas ainsi que vous ferez avancer les choses de la république !
M. Michel Ducommun (EAG). Chers collègues, j'ai bien écouté ce que M. Stauffer a dit - c'est à vous que je m'adresse, Monsieur le président - et l'ayant bien écouté, j'ai une seule question à lui poser. Il a dit qu'il fallait effectivement permettre aux gens de ne pas avoir l'envie de venir ici. Je sais que prochainement, dans cette assemblée, nous discuterons d'un projet de loi où la droite et, sauf erreur, le MCG aussi proposent de supprimer 500 000 F par année pendant quatre ans - c'est-à-dire 2 millions - destinés aux projets de coopération. Je lui demande si, en fonction de ce qu'il vient de dire, il se rend compte qu'effectivement cette proposition de diminution de subvention est malheureuse et s'il va donc voter autrement lorsque ce projet de loi nous sera soumis. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons passer au vote de l'amendement du parti des Verts modifiant le titre comme suit: «Projet de loi ouvrant un crédit d'investissement de 69 954 000 F en vue de l'agrandissement de 100 places de l'établissement de La Brenaz et de son équipement en établissement d'exécution de peine.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 28 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Je mets aux voix l'amendement du parti des Verts à l'article 1, alinéa 1, qui a la teneur suivante: «Un crédit d'investissement de 69 954 000 F (y compris renchérissement et TVA) est ouvert au Conseil d'Etat en vue de l'agrandissement de 100 places de l'établissement de La Brenaz et de son équipement en établissement d'exécution de peine.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 28 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 7.
Troisième débat
La loi 11272 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11272 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 27 non et 1 abstention.