République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 novembre 2013 à 17h
1re législature - 1re année - 1re session - 1re séance
Allocution du président du Grand Conseil
Allocution du président du Grand Conseil, M. Antoine Droin
Le président. Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,
Mesdames et Messieurs,
nous entamons la première séance de cette nouvelle législature, et nous sommes le premier parlement régi par notre nouvelle constitution. Nous avons la responsabilité d'accomplir, en cet an 1, une oeuvre de créativité.
Il m'échoit donc aujourd'hui l'honneur - et je vous remercie de votre confiance - de présider aux destinées de notre nouveau parlement. J'espère que nous verrons aussi, dans les mois qui viennent, le renouveau des murs qui abritent nos délibérations, voire nos lamentations.
Il faut relever que 2013 et 2014 sont des années de commémoration qui, avec la nouvelle constitution, nous permettent de nous souvenir du 31 décembre 1813; non pas de l'assourdissant canon de la Treille mais de la Restauration, suivie du débarquement des Suisses au Port Noir le 1er juin 1814, événement dont nous marquerons les 200 ans. Genève retrouve alors ses institutions, sa souveraineté et son alliance.
Je vois ici une coïncidence prometteuse entre les années 2013 - 2014 et celles de de la Restauration. Un renouveau que nous apporte la mise en application de notre nouvelle constitution, entrée en vigueur un 1er juin également. Mais la période qui suivit sera malheureusement marquée par le conservatisme et la peur de la Genève protestante.
En 1846, la révolution radicale progressiste de l'époque, menée par James Fazy, verra anéantis le repli sur soi et les appréhensions. Pour nous aussi, aujourd'hui, c'est un privilège de valoriser les fondations d'une Genève ouverte et moderne, prête à relever les défis complexes de notre temps.
L'année 2013 est donc une période de renouveau, de renaissance de la république. Renaissance qui nous donne l'occasion de prendre de nouveaux repères, d'avoir de nouvelles ambitions pour cette Genève parfois ambivalente, entre repli sur elle-même et horizon international, cette Genève qui lutte toujours entre son conservatisme et son ouverture, mais poursuit inlassablement son engagement vers plus de solidarité et d'humanité, de culture et de savoirs. Genève, tournée vers le monde proche et lointain, soucieuse de préoccupations environnementales, énergétiques ou de mobilité; Genève, créatrice d'une diversité des emplois et d'habitats en nombre suffisant, sachant engendrer et utiliser les technologies du futur; Genève, ainsi fière mais non plus frileuse dans son engagement en vue d'un développement durable alliant indéfectiblement, pour les générations futures, société, économie et environnement.
Une renaissance n'a pourtant de valeur que si chacun se l'approprie et qu'elle devient ensuite, par le partage, un patrimoine collectif de références. Pour cela, les acteurs et actrices que nous sommes, nouveaux élus de ce parlement, portons la responsabilité de rendre cette renaissance forte, vivante et attrayante, avec abnégation et humilité.
De l'humilité, il en faut. Il est alors nécessaire de vaincre nos peurs et nos scléroses, d'oser penser autrement, de renaître ensemble à nous-mêmes.
Pour ce faire, il est besoin du respect de toutes et tous, que nous soyons majoritaires ou minoritaires sur telle ou telle question.
Le fondement de la démocratie implique le respect et l'écoute d'autrui; la démocratie est le principe qui veut que la politique et le pouvoir appartiennent à l'ensemble des citoyens. N'est-ce pas pour cela que nous avons été élus par ce qui s'appelait, dans un autrefois récent, le Conseil général ?
Un proverbe éthiopien énonce que «l'écorce de l'arbre n'adhère pas à un autre arbre».
En d'autres termes, ce que nous sommes, ce que nous pensons, ce que nous revendiquons, n'a pas à habiller notre vis-à-vis, fût-il notre contradicteur.
Dès lors, la contradiction n'est pas seulement une remise en cause. Elle est avant tout un partage, quand bien même le plus grand nombre emporte le résultat au bout du compte, tout en appartenant au même arbre.
Emporter le résultat demande le consentement implicite d'écouter avec attention le point de vue de l'autre. Accepter le poil à gratter, les empêcheurs de tourner en rond, le rappel à temps et à contretemps que toute majorité n'est pas, à elle seule, l'humanité. Le respect des minorités est donc un geste primordial de démocratie, de discussions constructives et libres. C'est ainsi que l'on bâtit durablement, solidement, ce qui valide le processus démocratique, ce pourquoi nous avons été élus.
Je tiens à attirer votre attention sur le penchant de toute société à devenir totalitaire par ignorance, mépris, peur ou exclusion de celles et ceux qu'elle a tendance à considérer comme marginaux, étrangers, insignifiants ou au contraire inquiétants, si l'on prend en compte que l'écorce d'un arbre peut enrober un autre arbre.
Ces réflexions trouvent aujourd'hui, plus qu'en tout autre temps, leur signification. Le souverain a voulu, le 6 octobre dernier, mettre chaque bloc de ce parlement en position de force mais en minorité. Il nous donne donc un message clair: obligeons-nous à la recherche de compromis. Apprenons à recevoir, à composer, imaginer et créer. Allons de l'avant, mettons de côté les dogmes et cherchons les consensus constructifs.
Reste donc maintenant à nous mettre au travail, résolument et avec sagesse, à accomplir notre mission pour le bien commun. Ce sont les enjeux du renouveau, de la renaissance, faisant abstraction des détours et des raccourcis trop faciles qui font le lit des populismes.
Mesdames et Messieurs les députés, nous avons la chance inestimable d'être là pour la mise en oeuvre de notre nouvelle constitution. Elle nous rappelle en préambule que le peuple de Genève est, je cite: «déterminé à renforcer une république fondée sur les décisions de la majorité et le respect des minorités».
Par la délibération et notre engagement, nous avons dès lors le devoir de la faire vivre par des lois et des règlements. Le verbe haut se fera volontiers l'écho de nos pensées. La franchise de l'expression est aussi rude que les convictions sont fortes, mais respectueuse des avis divergents.
La parole, nous devrons la porter, la transmettre, la partager, pour répondre aux enjeux de notre société et vaincre les inégalités. Alors faisons en sorte que Genève reste attentive au monde, garde son humanisme et son sens de l'ouverture et du partage.
Faisons-le en utilisant nos divergences qui sont nos richesses communes, utilisées comme moteur du devenir. Ainsi, notre démocratie sera plus forte pour le bien du plus grand nombre. Que nos minorités, desquelles nous faisons immanquablement partie aujourd'hui, puissent faire vivre encore et toujours notre démocratie ! Que notre parlement ait la force et la sagesse d'en donner l'exemple !
Que vive Genève de toutes et tous ! (Longs applaudissements.) (Les deux huissiers quittent la salle.)
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