Séance du
jeudi 6 juin 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
9e
session -
50e
séance
R 730
Débat
Le président. Nous sommes maintenant au point 24 de l'ordre du jour, proposition de résolution 730. Il s'agit d'un débat en catégorie II: trente minutes. La parole est à M. Marc Falquet - c'est donc le même scénario, vous avez trois minutes, Monsieur le député !
M. Marc Falquet (UDC). Tout à fait ! Merci, Monsieur le président. Juste pour préciser, un haut fonctionnaire de l'ONU, M. Boumedra, responsable d'Achraf... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...vient d'éditer un livre. Vous pouvez donc vous y référer pour savoir la vérité sur Achraf.
Maintenant, concernant le Falun Gong... (Brouhaha.) En Chine... (Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, excusez-moi de vous interrompre ! J'aimerais demander au groupe des Verts...
Des voix. Oui !
Le président. ...vraiment, un peu de tenue ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur le député.
M. Marc Falquet. Je voulais dire que le Falun Gong est une discipline ancestrale qui est pratiquée en Chine et que les pratiquants de Falun Gong font l'objet de persécutions depuis des années. A cet effet, en 2002, notre parlement avait déposé et adopté la résolution 452 concernant la violation des droits de l'Homme, en Chine, à l'encontre des pratiquants du Falun Gong. Alors qu'on ne connaît que la pointe de l'iceberg, il faut savoir qu'il y a en Chine au minimum 1 600 000 détenus du Falun Gong, depuis plusieurs années. Non seulement les pratiquants du Falun Gong se font injustement arrêter, mais ce qui est terrible c'est que, de par leurs pratiques et parce qu'ils sont en bonne santé, on les choisit pour être les victimes de prélèvements d'organes. On a donc réussi à exercer un business très lucratif, en prélevant, à vif, des organes sur ces gens, qui sont des personnes pacifiques. (Remarque. Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Marc Falquet. L'Office de la santé publique met en garde quant à ce tourisme du prélèvement d'organes sur les prisonniers en Chine, et la loi suisse exige évidemment le libre consentement pour faire don de ses organes. On peut lire un peu partout des témoignages horrifiants sur ces prélèvements: un médecin français, par exemple, a déclaré qu'il avait fallu tuer quatre personnes pour un patient... Des dizaines de milliers de pratiquants du Falun Gong se sont fait massacrer de la sorte depuis des années, et les avocats qui prennent leur défense sont également emprisonnés et torturés. C'est un crime contre l'humanité !
Alors, être politicien, est-ce juste défendre des intérêts ? Moi je ne suis pas d'accord ! Je suis aussi là pour défendre des causes - même si vous trouvez cela ridicule, et ce n'est pas mon avis - car il y a des êtres humains qui souffrent, et ce sont des gens qui sont à Genève qui luttent contre cela, raison pour laquelle je relaie leur cause. Au vu du tollé international qu'ont suscité ces barbaries, on ne peut pas rester silencieux ! Rester silencieux c'est être complice, je suis désolé !
Pour faire avancer les choses, l'UDC vous suggère que nous transmettions simplement cette résolution aux Chambres fédérales, afin qu'elles puissent interpeller le Conseil fédéral à propos des décisions relatives à ces affaires de prélèvements, absolument scandaleuses, sur les pratiquants du Falun Gong. Je vous remercie et souhaite que vous souteniez cette résolution.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour que ce soit clair, je signale que vous avez utilisé trois minutes pile: il ne vous reste donc plus rien. La parole est à Mme Marie-Thérèse Engelberts.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est vrai qu'il vaut mieux que l'on s'occupe de ce qu'on a chez soi ou de son voisin, plutôt que s'occuper de quelqu'un se trouvant à des millions de kilomètres. Mais peut-être que le mieux encore, c'est de faire les deux, ou en tout cas d'essayer.
Cette proposition de résolution, nous la soutiendrons, et le MCG a envie de dire deux choses. La première - je ne vais pas répéter tout ce que mon collègue vient d'énoncer - c'est que, d'une manière générale, dans des situations comme celle-ci, la dénonciation ne suffit pas. Or dans peu de temps, le président du Conseil d'Etat de Genève va partir pour la Chine et va rencontrer - dans une ville dont j'ai oublié le nom, mais il y a un article dans la «Tribune» d'aujourd'hui... Donc des rencontres auront lieu, afin de mettre en évidence, et de manière très cordiale, les accords commerciaux et autres - d'amitié - qu'il peut y avoir entre Genève et cette ville de Chine. On sait que la Chine est grande et multiple, mais Genève a aussi à faire respecter un certain nombre de choses; ce serait peut-être là l'occasion d'exprimer notre étonnement lorsque 60 000 greffes sont pratiquées, sur cinq ans, en Chine, et que 2000 prisonniers sont exécutés par année - cela veut dire 5000... Il reste en tout cas encore un certain nombre de greffes qui ne sont pas expliquées.
Le point fort que l'on a, dans notre parlement, c'est de réveiller un certain nombre de consciences, de profiter de l'occasion de ce voyage de M. Beer, président du Conseil d'Etat, en Chine... (Brouhaha.) ...de même que celui de pouvoir relever et dénoncer la coopération des entreprises occidentales qui collaborent avec les autorités médicales de ce pays: il y a des malversations archi-connues, qui sont extrêmement développées, qui rapportent beaucoup, et que nous serions susceptibles de dénoncer ! Je vous remercie.
M. Philippe Morel (PDC). C'est un sujet extrêmement délicat et extrêmement sensible. Rappelons tout d'abord que le Falun Gong a été fondé en 1999, que c'est un mouvement spirituel chinois qui, au début, a été soutenu par les autorités chinoises, avant d'être largement condamné, entraînant les emprisonnements dont il a été fait mention et les sévices qui ont été évoqués préalablement. Maintenant, le problème, c'est la transplantation, le prélèvement d'organes, avec, comme sous-titre, la Chine. Le gouvernement chinois reconnaît très clairement qu'il prélève des organes sur des personnes condamnées à mort, immédiatement après leur exécution. C'est de fait public, c'est reconnu. Du reste, il y a quelque mois, ce même gouvernement chinois a décidé d'interrompre cette pratique, ce qu'il garantit dans un délai de deux ans au maximum. On sait donc que sur les 10 000 transplantations effectuées par année en Chine, 1000 environ proviennent de personnes exécutées. J'ai entendu, par plusieurs de mes collaborateurs qui sont allés en Chine, que les familles de ces personnes décédées touchaient un certain «bénéfice», dirons-nous, suite au prélèvement, et il semble - je dis bien «il semble» - que les condamnés à mort aient, avant leur exécution, été interrogés pour savoir s'ils acceptaient le prélèvement d'organe. Je l'ai entendu, mais j'en doute.
Pour ce qui est de la différence entre les 10 000 greffes effectuées et les 1000 prélevées après des exécutions, eh bien il subsiste une incertitude et un point d'interrogation énormes. Et c'est dans ces 9000 greffes non expliquées que se trouvent peut-être les personnes appartenant au Falun Gong.
Le parlement canadien s'est emparé très récemment de cette problématique, il s'est montré convaincu par les arguments mais n'a pris aucune décision. Je pense que nous avons des arguments très forts et que nous éprouvons une suspicion importante, cependant la communauté de transplantation internationale n'a actuellement pas de faits indubitables, n'a pas de preuves absolues et n'a pas de preuves qui ne soient pas contestables. Le doute est très important. La certitude n'existe pas. De multiples instances internationales se sont prononcées - Swisstransplant est parmi elles, tout comme, évidemment, l'Organisation des Nations unies - condamnant ces pratiques si elles existent, et émettant les plus grandes réserves sur le prélèvement d'organes chez les personnes décédées, prélèvement qui pourtant semble accepté en Chine. Il faut savoir que dans le domaine de la transplantation, tout prélèvement illégal non autorisé, non éthiquement autorisé ou non accordé, est clairement condamné. La communauté internationale condamne les prélèvements sur les donneurs décédés, condamne également...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Philippe Morel. Merci ! ...condamne également ces prélèvements sur les gens de la secte Falun Gong. Il faut savoir, enfin, que ces événements n'ont aucune incidence sur la Suisse, que ce commerce et ces prélèvements d'organes ne parviennent absolument pas en Suisse, et que cela n'interfère aucunement avec la transplantation chez nous. Nous condamnons ces pratiques si elles existent; ce n'est probablement pas le rôle de notre parlement, mais nous n'avons pas, comme le parlement canadien, de certitude absolue. Par conséquent, nous allons vous proposer de vous abstenir.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes saluent les élans internationalistes de l'UDC, ce d'autant plus qu'ils sont, d'ordinaire, assez rares. Toutefois, cette résolution pose deux difficultés: la première, c'est qu'elle fait la promotion d'une organisation qui n'est pas un modèle d'émancipation - je crois effectivement que le Falun Gong est considéré, notamment en France, comme une secte ou comme ayant un caractère sectaire. (Remarque.) La seconde, c'est que les invites sont insatisfaisantes car beaucoup trop vagues. Elles disent qu'il faut que le Conseil fédéral se positionne ou explique sa position. Je pense qu'en consultant le site internet de l'administration fédérale un certain nombre d'informations sont disponibles et que dès lors cette résolution n'est pas utile. En revanche, en renvoyant cette dernière à la commission des Droits de l'Homme, il serait possible de la modifier pour lui donner un peu de coffre et, également, d'interroger le Conseil d'Etat sur la mise en oeuvre de la convention internationale qui vise à endiguer ces pratiques, afin de voir si cette convention est appliquée à Genève - M. Morel nous a donné quelques informations à ce sujet ce soir. A mon sens, cette résolution ne doit donc pas être renvoyée telle quelle au Conseil d'Etat, elle doit d'abord être discutée en commission, elle doit être amendée, et par la suite, si elle va dans un sens satisfaisant, elle doit être renvoyée au Conseil d'Etat pour être portée devant les autorités fédérales. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Dans quelle commission demandez-vous le renvoi ?
M. Christian Dandrès. A la commission des Droits de l'Homme.
Le président. Aux Droits de l'homme, très bien. La parole est à M. Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie sincèrement mon préopinant PDC pour sa brillante démonstration, documentée et fouillée - c'est là qu'on reconnaît le génie du praticien émérite que nous connaissons à l'hôpital. Mesdames et Messieurs, il semble qu'il ne s'agirait pas de quelque chose pour nous - «On ne devrait pas s'en occuper», «On ne devrait pas s'en soucier», «On devrait être totalement en dehors de cela»... Peut-être ! Eh bien, Monsieur le président - et cela, vraiment à titre tout à fait personnel - je remercie nos instances, je remercie notre procédure, je remercie nos institutions qui, même si c'est pour être vilipendées, nous permettent ce soir de parler de ce sujet, qui, comme l'a dit mon préopinant PDC, constitue quand même une préoccupation mondiale, une problématique dont beaucoup de gouvernements s'occupent, et dont la finalité ne peut - même pour un UDC - que susciter l'horreur et faire froid dans le dos. En ce qui me concerne, c'est avec un grand plaisir que j'accepterai le renvoi de cette résolution à la commission des Droits de l'Homme, si c'est ce que vous décidez. Je vous remercie
M. Mauro Poggia (MCG). Le silence est la complicité du lâche - je l'ai dit, je le répète. On a beau, ici, venir faire des grands discours, en disant: «Ce qu'il se passe est scandaleux, mais nous attendons d'avoir des preuves absolues pour intervenir»... C'est sans doute ce que d'autres avant nous ont pensé durant la dernière guerre, avant d'intervenir contre les chambres à gaz - effectivement, on attend des preuves, on attend de voir les corps, de voir les victimes... Non, je crois que nous devons nous lever quand des tortures, des atrocités, comme celles qui sont commises en Chine le sont ! C'est vrai que ce n'est pas politiquement correct d'en parler... Aujourd'hui l'heure est à la fête, avec la Chine; on fait du commerce. Et tant mieux, sans doute, pour notre pays; tant mieux pour notre canton si nous allons en Chine avec nos entreprises. Et je ne suis pas de ceux qui proposent de boycotter les pays où les droits de l'Homme ne sont pas respectés, je suis plutôt de ceux qui proposent, au contraire, d'aller sur place et d'oeuvrer directement de l'intérieur pour faire changer les mentalités. Or a-t-on la volonté de faire changer les mentalités ? Le Falun Gong n'est pas une secte, contrairement à ce qui a été dit par certains; le Falun Gong est une pratique ancestrale chinoise respectable. Et si les pratiquants du Falun Gong sont persécutés, c'est tout simplement parce qu'ils sont plus nombreux que les membres du Parti communiste chinois. Et le gouvernement chinois a peur ! Il se dit...
Le président. Monsieur le député, je suis désolé, mais votre collègue avait déjà «mangé» beaucoup de temps de parole.
M. Mauro Poggia. Oui oui, je finis, Monsieur le président ! Le gouvernement chinois a peur, raison pour laquelle il arrête, il persécute, il torture, et il exécute. On n'a pas à exécuter des membres du Falun Gong, ce ne sont pas des criminels, ce ne sont pas des délinquants ! La question n'est pas de savoir si l'on peut prélever les organes d'une personne condamnée à mort. (Commentaires.) Il faut que les droits de l'Homme soient respectés, et nous ne pouvons pas rester silencieux. Je vous demande de donner une suite à cette résolution, et je ne vois pas d'objection à ce qu'elle soit renvoyée dans une commission, s'il faut effectivement l'approfondir ou la modifier. Je vous remercie.
M. Daniel Zaugg (L). Chers collègues du «Gouvernement mondial», je m'étonne aujourd'hui de la trivialité de notre ordre du jour. Quoi que je lise dans ce dernier, en dehors des deux objets que nous traitons en ce moment, on ne parle que de problèmes locaux, de problèmes genevois, de problèmes bien de chez nous...
Une voix. Des babioles !
M. Daniel Zaugg. On n'est pas le «Gouvernement mondial» ? Ah, excusez-moi ! Je me suis trompé, alors ! (Remarque.)
Le président. Poursuivez, Monsieur le député !
M. Daniel Zaugg. Revenons à nos moutons. Y a t-il un problème en Chine avec le Falun Gong ? D'après ce qu'on nous dit: oui. Y a-t-il des preuves ? Certains disent oui, certains disent non. Si ce qu'on nous raconte est vrai, c'est absolument terrible. Mais moi j'aimerais vous parler avec pragmatisme. Je suis désolé, cela déplaît peut-être, mais est-ce le rôle du parlement genevois que d'aller dire à un pays souverain, la Chine, ce qu'il doit faire et comment il doit le faire ? Et, plus important encore, en admettant que ce soit notre rôle, est-ce que la Chine en a quelque chose à faire ?! Excusez-moi de vous le dire, mais, les dirigeants chinois, on peut leur adresser toutes les résolutions qu'on veut en passant par le Conseil fédéral, cela ne va rien changer. (Commentaires.) Alors excusez-moi, ce n'est pas notre rôle. Nous ne sommes pas payés par les contribuables genevois pour débattre sur des problèmes mondiaux, avec un effet absolument nul ! Donc je m'inscrirai, avec le professeur Morel, pour une abstention sur cette résolution, qui est peut-être fondée mais qui ne nous concerne pas, dans le sens où nous ne pouvons rien changer.
M. Pierre Conne (R). Cet objet aborde deux problèmes qui, au fond, sont distincts. Le premier est celui de la relation entre le Parti communiste chinois et le Falun Gong, ce qui est une première chose. L'autre chose, c'est le problème, disons, de la politique sanitaire de la Chine en matière de greffes d'organes. Cela a été dit mais je le répète, le gouvernement chinois a effectivement fait d'énormes progrès pour ce qui est de la politique d'attribution des greffes. Et je pense qu'il faut saluer cet effort, en rappelant d'où vient la Chine, où était la Chine il y a encore quinze ans, et où la Chine est arrivée aujourd'hui. Quand un pays de cette importance fait de manière aussi rapide des changements économiques, sociaux, politiques, sanitaires, je pense qu'on ne peut que le saluer. Ça, c'est le premier point.
Deuxième point, le Falun Gong. Le Falun Gong n'est pas une pratique ancestrale, c'est un mouvement spirituel créé en 1992 et qui s'est structuré progressivement en mouvement social opposé au Parti communiste chinois. Donc il y a effectivement un problème de politique intérieure en lien avec ce mouvement, qui est de l'ordre de la politique intérieure chinoise.
Maintenant, et je conclurai là-dessus, il est vrai que le premier de ces deux problèmes - celui des greffes d'organes et la manière dont cette question a progressé en Chine, c'est-à-dire d'où cette pratique vient, et où elle tend à aller aujourd'hui - évolue de façon tout à fait réjouissante. Deuxièmement, la manière dont la Chine gère effectivement les problématiques de politique intérieure est d'une nature qui fait que chacun, dans le fond, peut raisonner avec une sensibilité personnelle particulière. Pour ces raisons, le PLR a proposé sur cet objet une liberté de vote. Pour ma part, je m'opposerai.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Monsieur Morel, je suis désolé, vous avez épuisé le temps de parole qui vous était imparti. Mesdames et Messieurs les députés, je vais d'abord vous faire voter... (Commentaires.) Attendez ! Attendez !... Je vais d'abord vous soumettre le renvoi à la commission des Droits de l'Homme, qui a été clairement demandé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 730 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 32 oui contre 31 non et 9 abstentions. (Exclamations et brouhaha durant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)