Séance du
jeudi 21 mars 2013 à
10h
57e
législature -
4e
année -
6e
session -
36e
séance
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Gabriel Barrillier, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Pierre-François Unger, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Michèle Künzler et M. Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Antoine Bertschy, Roberto Broggini, Alain Charbonnier, Pierre Conne, René Desbaillets, Emilie Flamand, Claude Jeanneret, Vincent Maitre, Guy Mettan et Philippe Morel, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. M. Stauffer a demandé la parole, je la lui donne.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Puisque nous sommes au point 4, «Discussion et approbation de l'ordre du jour», je demande l'ajournement du projet de loi sur le bouclier fiscal. Merci. (Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, vous pouvez reformuler votre proposition dès qu'on aura repris le point qui est en discussion.
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, puisqu'on en est à l'approbation de l'ordre du jour, je demande une modification de ce dernier au point 4. (Brouhaha.) Je peux le faire avant la reprise des débats.
Le président. Monsieur le député, vous pouvez très bien demander cette modification de l'ordre du jour, mais cela implique les deux tiers des voix.
M. Eric Stauffer. Oui, aux deux tiers.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette modification. La majorité des deux tiers est requise.
Mis aux voix, l'ajournement du projet de loi 11130 est rejeté par 56 non contre 16 oui et 1 abstention.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous reprenons l'examen du point 93: PL 11130.
Suite du premier débat
Le président. Je donne la parole à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, par rapport à l'objet qui nous occupe aujourd'hui, la situation est grave. Voter sur la fiscalité est fondamental, car notre canton est véritablement divisé en deux: 30% de la population, qui ne paient pas d'impôts et, si l'on parle de la fortune, 4% qui paient les 80% d'impôt sur la fortune. Si l'on revient du côté de la taxation sur le revenu, il n'y a finalement que 17% qui paient les 70% de cet impôt sur le revenu. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais les chiffres qui nous sont donnés, par rapport à cette proposition de revenir sur le bouclier fiscal, sont des chiffres déjà anciens - mon collègue l'a relevé.
Le risque aujourd'hui est que ce bouclier fiscal puisse avoir une incidence sur la classe moyenne, celle qui connaît une situation déjà fortement tendue. La situation est également tendue dans notre parlement, on le sait ! Parce qu'aujourd'hui nous avons lié le bouclier fiscal à la question générale du budget de l'Etat, lequel va nous occuper d'ici à un mois.
Nous nous sentons quand même, quelque part, pris en otage et nous sommes assez surpris de la position de certains partis. Celle de l'UDC n'a jamais changé: nous voulons l'équilibre budgétaire. Cet équilibre budgétaire peut être trouvé de différentes manières, certes également par l'impôt. Mais, dans un mois, nous devrons savoir si nous acceptons un déficit de 100 millions ! Ce que le PLR semble vouloir indiquer en disant: «Si vous n'acceptez pas ce bouclier fiscal, nous sommes prêts à voter les 100 millions de déficit». C'est votre président qui le dit. Ou alors: «Nous sommes prêts... (Brouhaha.) ...si vous acceptez d'aller en votation avec le bouclier fiscal, nous, nous garderons les 100 millions de plus de réduction du budget»... Le PLR indique finalement qu'il peut aller dans un sens ou dans l'autre avec les 100 millions. Ce montant n'est pas un problème pour vous, le PLR; peut-être que vos électeurs n'ont pas un problème de quelques centaines de millions. (Exclamations.) Nous et la classe moyenne... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous constatons qu'aujourd'hui notre parlement a véritablement perdu la raison ! Nous demandons le renvoi en commission de cet objet, pour pouvoir l'examiner, pour pouvoir définir les risques véritables, les revenus véritables, et vous ne le souhaitez pas, ce renvoi en commission ! C'est incompréhensible ! Mais que reste-t-il, après, si notre parlement n'est pas capable d'avoir une position raisonnable ? Eh bien, nous pourrons demander au peuple d'avoir une position raisonnable. Eh oui ! La parole au peuple est une constante, à l'UDC, car nous croyons à la sagesse populaire !
Alors je vous redemande encore une fois - maintenant - de renvoyer ce projet en commission, de retrouver la raison, afin que nous puissions avoir, dans un mois, un débat rai-son-nable ! Et si vous faites de nouveau obstruction en disant non, vous voulez faire quoi ? Vous nous poussez dans la nasse en claquant d'une manière ou d'une autre 100 millions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Nous sommes partagés ! Je ne vous cache pas qu'au niveau de notre parti nous sommes partagés, car nous ne sommes pas pour les impôts ! (Brouhaha.) Et nous savons que si nous retournons devant le peuple, peut-être que ce dernier, avec sa raison, voudra des augmentations d'impôts. Cela est clair, c'est un risque évident. Mais si cent personnes ici ne peuvent pas avoir un débat raisonnable... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)... par rapport au budget qui sera discuté dans un mois, quelque part vous nous pousserez à faire confiance au peuple ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît ! Madame la députée... (Brouhaha.)
Mme Christina Meissner. ... et nous le laisserons choisir !
Le président. Madame la députée, s'il vous plaît ! J'aimerais que vous vous adressiez au président.
Mme Christina Meissner. Je m'en excuse, Monsieur le président...
Le président. Ensuite je ferai voter le renvoi en commission. Mais adressez-vous à moi, car ce n'est pas la bonne solution que vous avez choisie. Je vous écoute, vous pouvez poursuivre.
Mme Christina Meissner. En parlant de bonne solution, là est toute la question par rapport au bouclier fiscal, vous avez raison. Je demande simplement à ce parlement, une fois de plus, d'être raisonnable, de renvoyer cet objet en commission. (Brouhaha.)
Une voix. Assumez !
Une autre voix. On assume ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
Mme Christina Meissner. Nous assumerons ! Nous assumerons, effectivement. Et, s'il n'y a pas de raison dans ce parlement, nous ferons confiance au peuple. (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale: nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 11130 à la commission fiscale est rejeté par 66 non contre 15 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons notre débat: la parole est à M. le député Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Le Mouvement Citoyens Genevois regrette que ce débat qui a lieu aujourd'hui en plénière ne puisse pas se faire en commission... (Exclamations.) ...notamment parce qu'il y a des éléments assez importants à discuter: il y a des chiffres qui sont évoqués mais qui ne sont pas vérifiables aujourd'hui et il y a des commentaires intéressants qui méritent d'être travaillés au sein de la commission. D'ailleurs, M. Dal Busco était extrêmement loquace aujourd'hui - il l'a été beaucoup moins lors du budget, c'est d'ailleurs dommage, mais bref ! On aimerait que le PLR prenne ses responsabilités. Le MCG est clairement déterminé - et il le sera encore - à voter ce bouclier fiscal, afin que le peuple décide de son sort.
On ne va donc pas réitérer la demande de renvoi en commission, on estime que cet acte qui va être accompli d'ici à quelques minutes est de la responsabilité du PLR et de l'Entente.
M. Serge Dal Busco (PDC). Ecoutez, j'ai déjà dit beaucoup de choses, il me semble, tout à l'heure. On me traite de «très loquace»... Très bien ! J'ai en effet des choses à dire aujourd'hui ! Je relève que ce n'est pas toujours le cas, notamment dans des débats complètement stériles comme ceux qu'on a connus la semaine dernière.
J'aimerais simplement dire que les manoeuvres qui sont en cours - on nous annonce prétendument l'appel au peuple, etc. - sont totalement risibles, Mesdames et Messieurs, chers collègues ! Cela ne trompe personne, il faut arrêter ! On parle d'un sujet qui est très important. Il est fondamental ! (Remarque.) Oui, absolument, il faut prendre ses responsabilités maintenant ! Parce que ce sujet est juste fondamental. Et vos manoeuvres de bas étage sont juste lamentables ! Voilà, c'est tout ce que je voulais dire. (Remarque. Applaudissements.)
Puisque j'en suis à quelques rappels fondamentaux, je voulais signaler à mon excellente collègue, Mme Forster Carbonnier, que M. Sarkozy a peut-être supprimé le bouclier fiscal, mais l'organe qui a proposé le bouclier fiscal ici, dans ce canton, en 2008 ou en 2009, c'était un Conseil d'Etat à majorité de l'Alternative. Il avait d'ailleurs utilisé une argumentation similaire à celle que l'on avance et que j'avance moi-même maintenant. Cela m'étonnerait donc que la situation ait à ce point changé, s'agissant de la nécessité de préserver la manne fiscale apportée par les plus fortunés de nos concitoyens, et qu'on puisse modifier notre position aujourd'hui. Il faut juste rappeler cela.
De même, si l'on regarde les chiffres en valeur absolue, peut-être qu'il y a eu des revers de fortune parce qu'il y a eu une crise financière entre deux, mais entre 2008 et 2009 le nombre en absolu de nos concitoyens qui payaient plus qu'un million d'impôts est passé de 515 à 421. Il s'agit d'un chiffre quand même assez significatif ! Continuons dans ce sens-là, votons la suspension de ce bouclier fiscal, ou même attendons en renvoyant en commission, en allant discutailler je ne sais pas encore combien de temps, afin de gagner du temps pour des manoeuvres qui n'échappent à personne, et ce chiffre va encore diminuer !
C'est le risque qui nous pend au nez, Mesdames et Messieurs ! Alors, soyons sérieux ! Prenons maintenant nos responsabilités, n'acceptons pas cette suspension ! Par ailleurs, mettons-nous au travail. Ce sera certainement la tâche du prochain Conseil d'Etat que de se retrousser les manches et savoir comment il peut proposer à cet Etat un train de vie qui soit performant, mais qui soit aussi allégé ! Parce que les temps vont être durs, Mesdames et Messieurs ! Pas seulement sur la question des contribuables fortunés qui, peut-être, quitteront le canton, mais également sur le fait que, probablement, cette manne totale de 10 milliards dont nous disposons dans ce canton risque de diminuer à l'avenir, et il faut s'y préparer.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Extraordinaire collègue Serge Dal Busco qui aujourd'hui vient dire devant ce parlement - vous transmettrez, Monsieur le président: «Le prochain Conseil d'Etat devra faire en sorte de réaliser des économies dans cet Etat qui est un peu trop grand», alors qu'il y a une semaine à peine il a voté avec ses collègues un budget déficitaire... Définitivement, Monsieur le président, les deux magistrats communaux de ce parlement n'ont pas la même vision des finances publiques ! Le MCG, lui, prône un budget à l'équilibre; force est de constater que ce n'est pas l'apanage du député Serge Dal Busco - qui par ailleurs a brillé par son absence lors du débat sur le budget, alors qu'il est candidat au Conseil d'Etat.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui nous nous retrouvons dans la situation suivante: nous avons entendu - et je me suis entretenu, avant de prendre la parole sur ce projet de loi, avec le président du PLR, M. Alain-Dominique Mauris, qui me l'a confirmé - que les PLR n'étaient pas aussi sûrs de ne pas voter un budget à l'équilibre. Alors vous comprendrez que, dans la ligne du MCG - qui veut un budget à zéro - lorsqu'on entend le président - le numéro un du parti ! du PLR, réuni ! - qui vient dire et laisse entendre qu'il faudra trouver des aménagements pour voter un budget déficitaire... Le MCG exige des garanties ! Des garanties extrêmement fermes, des garanties comme nous avons su en prendre - et nous avons su tenir cette ligne dure.
Aujourd'hui, je vous le dis, si le PLR, d'ici à la fin du débat sur ce projet de loi, n'a pas demandé lui-même le renvoi en commission, eh bien le peuple se prononcera sur le bouclier fiscal ! Parce que la majorité sera atteinte ! Et l'unique responsable de ce chaos budgétaire ? J'ai cité le parti libéral-radical !
Alors chacun assumera ses responsabilités. Nous, nous voulons un budget à l'équilibre, et, comme nous l'avons déjà dit, il y a plusieurs moyens d'arriver à l'équilibre: faire des économies ou augmenter les impôts ! Nous avons choisi la voie des économies, mais, vu la faiblesse de la présidence du PLR, aujourd'hui nous avons des doutes raisonnables sur l'attitude et la ligne du PLR.
Partant de ce principe, j'enjoins nos collègues de bien réfléchir sur la responsabilité qu'ils vont avoir. Car je vous rappelle, pour la petite parenthèse - vous transmettrez, Monsieur le président - que pour un budget déficitaire il vous faut 51 députés !... Que vous n'aurez pas sans la participation du MCG !
Alors si le parti gouvernemental PLR veut jouer les pyromanes et autosuicider son propre gouvernement à la majorité, eh bien il a choisi exactement la bonne voie !
Le MCG ne bougera pas d'un iota. Le MCG a une ligne claire: nous voulons une économie forte pour du social efficace, avec des comptes équilibrés ! L'Etat est trop grand, il faut diminuer la voilure, et en ce point je rejoins mon collègue Serge Dal Busco: il y a des économies à faire au sein de l'Etat ! J'aurais bien voulu l'entendre lors du débat budgétaire, et pas sur le bouclier fiscal ! Mais ça c'est un autre débat, Monsieur le président.
Je vous le dis, la position du MCG est que nous soutiendrons ce projet de loi, et nous demanderons au peuple de se prononcer sur le bouclier fiscal si, bien entendu, le PLR s'obstine. Comme disait mon grand-père, «La persévérance paie, l'obstination tue» !
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais intervenir sur trois points: d'abord sur la question de l'insécurité juridique. Le bouclier fiscal est entré en vigueur l'an passé, en 2012. Ce projet de loi propose de le suspendre à partir de 2013: on se rend bien compte que c'est impossible. Le Conseil d'Etat lui-même l'a constaté, c'est la raison d'ailleurs de son amendement pour qu'il soit repoussé à 2014 et 2015. C'est un amendement purement formel, mais qui montre bien que, sous l'angle purement formel de la sécurité juridique, le projet de loi n'est pas sérieux.
La deuxième chose - et je reprendrai les chiffres annoncés tout à l'heure par M. Serge Dal Busco, mais je ne prendrai évidemment que la tranche la plus élevée - est qu'il y a 421 contribuables participant à hauteur de 211 millions à l'impôt sur le revenu. Cela signifie que probablement, compte tenu de l'inégalité qu'il y a entre les plus riches - ce sont des contribuables millionnaires - les 421 contribuables en question ont tous un revenu déclaré supérieur à un million.
Les riches sont aussi inégaux que les moins riches. Et il y a là-dedans probablement un dixième qui paie, disons, la moitié ou en tout cas le quart des 211 millions. Il y a donc probablement une centaine de personnes qui paient à elles seules 50 millions d'impôts sur le revenu. Ces cent personnes sont susceptibles de partir l'an prochain... (Brouhaha.) ...ou d'ici à l'an prochain, si ce projet de loi est voté par l'union qui pourrait se dessiner entre l'Alternative et la droite nationaliste. Si tel était le cas... (Exclamations.) Si tel était le cas, vous voyez bien que les discussions que nous avons sur le budget seraient renvoyées à leur insignifiance par la baisse des recettes fiscales qui résulterait de la mise en oeuvre de ce projet suicidaire en matière de rentrées fiscales pour le canton - et je ne parle pas de l'effet qu'il aurait sur les «moins que millionnaires» mais néanmoins contribuables à forte valeur ajoutée pour les finances publiques genevoises.
Je terminerai par un troisième point: deux députés ont argumenté, Monsieur le président, en se référant à des déclarations - non pas sur Facebook, mais dans la «Tribune de Genève» - du président du PLR. Je déclare au nom de tous les députés du PLR qui ont soutenu l'amendement pour une réduction linéaire que ces déclarations ont la valeur de l'encre d'imprimerie de Bussigny ! A savoir une valeur égale à zéro !
Nous sommes, au PLR, en faveur d'un équilibre financier, je le déclare au nom de nos collègues, parce qu'il faut maintenant dire les choses sérieusement ! Il y a un moment où nous ne pouvons pas prendre prétexte de déclarations faites à gauche ou à droite, par tel ou tel. Les présidents de parti, au PLR, ne votent pas au caucus et ne sont pas présents dans cette salle, contrairement à d'autres partis ! En d'autres termes, ils n'influent pas sur nos décisions: nous avons eu une décision unanime, qui n'a pas duré deux minutes sur le fait de savoir si nous étions favorables à l'amendement de 2%.
Je le répète: ne prenez pas prétexte de ces déclarations, qui relèvent du politiquement correct ou de ce que vous voulez - faites dans la «Tribune» - où, d'ailleurs, le président du Conseil d'Etat nous a accusés d'être à la solde du MCG. Vous voyez bien que vous auriez pu prendre les déclarations de M. Beer pour argumenter différemment. L'UDC aurait pu les prendre pour argumenter différemment. Eh bien, moi je vous le dis: nous ne sommes ni à la solde du MCG, ni à la solde du président du PLR. Au contraire, nous sommes là pour défendre les arguments des contribuables genevois, quel que soit leur niveau de contribution ! Et je terminerai en paraphrasant Lamartine, qui a dit: «Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !», moi je vous dis: un seul gros contribuable vous manque, et les autres contribuables genevois seront plumés ! (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord je tiens à répondre à M. Serge Dal Busco qui prétend, ce qui est juste, qu'il y aurait des manoeuvres. Mais les manoeuvres, c'est quoi ? Ce sont des compromis où il est demandé à chacune des parties de faire un pas en direction de l'autre; c'est ce qui s'est passé avec différents acteurs politiques dans cette salle.
Malheureusement, aujourd'hui on est confronté à un manque d'assurance de nos alliés PLR, ce qui fait qu'on ne change pas notre position de départ puisque, si vous relisez le rapport de minorité du MCG, il y est bien mentionné qu'en cas de manque de rigueur budgétaire on en viendrait à soutenir ce projet de loi pour la suspension du bouclier fiscal. Donc, nous restons cohérents.
Concernant les déclarations de M. Weiss, on veut bien le croire, mais on sait bien qu'il n'y a pas de garanties entre partenaires politiques - malheureusement. Nous, nous avons demandé un renvoi, cela n'a pas été accepté, on peut donc émettre certains doutes quant à la volonté du PLR de vouloir cette rigueur budgétaire, telle qu'elle a été conçue au départ.
Par rapport à cette suspension du bouclier fiscal, j'ai entendu beaucoup de choses. Il faut savoir que ce bouclier fiscal est entré en vigueur depuis une année seulement; pendant toutes les années qui ont précédé, il n'y a pas eu un exode de contribuables riches. Et si l'on considère l'année pendant laquelle ce bouclier fiscal a été appliqué, il n'y a pas eu beaucoup de riches qui sont venus s'implanter à Genève.
Je reste persuadé qu'il s'agit d'une suspension de deux ans seulement, ce qui nécessiterait, pour ceux qui voudraient partir, de vendre leur maison, de sortir leurs enfants de leur école, ou éventuellement d'autres complications. Evidemment, on me répondra qu'il suffit d'avoir une boîte aux lettres ici... Mais il ne s'agit que de deux ans; quand on étudie les inconvénients, s'il y en a quelques-uns qui partent, il est évident qu'ils seront vite remplacés dans leurs maisons de maîtres par d'autres personnes intéressées à venir profiter de notre environnement à Genève; je ne crois pas qu'il y aura un exode, comme on le dit, à cause d'une suspension de deux ans, d'autant que ces gens ont juste goûté durant une année à ce bouclier fiscal. Je pense que c'est du vent !
Nous sommes déterminés. Si le PLR veut revenir en arrière - cela a été dit par mon collègue Stauffer - nous suivrons, mais pour l'instant on garde la ligne politique, parce qu'on s'aperçoit que le PLR n'est plus un allié fiable.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Ce Grand Conseil a une responsabilité ! On n'est pas au casino. On ne joue pas à la roulette. Il ne s'agit pas de tactique, mais il s'agit de vision. Il ne s'agit pas non plus de manoeuvres pour des compromis. On a l'impression qu'on assiste à des manoeuvres plutôt politico-politiciennes.
Budget, dépenses et impôts répondent à une vision qui ne se réduit pas non plus à une bataille de chiffres ! Ce matin, on n'a entendu que des chiffres et on entend certaines ritournelles revenir régulièrement. Dans les chiffres, bien sûr qu'il y a des gens qui paient peu d'impôts, et il y en a toujours plus, qu'un nombre plus restreint, qui en paient moins.
Bien sûr qu'il y a des gens qui paient beaucoup d'impôts, et bien sûr qu'il y a des gens qui sont extrêmement fortunés, qui ont très peu de revenus, et qui bénéficient du bouclier fiscal. (Brouhaha.) Mais ici, on devrait parler d'autre chose ! Si les inégalités s'accroissent, ce n'est pas la responsabilité de ceux qui gagnent peu. Les causes sont plutôt à aller chercher du côté d'une économie impitoyable et d'un modèle capitaliste à la dérive.
Nous pensons que la paix sociale a un coût, et quand on pense cela la question est de se demander quelle Genève on veut: est-ce qu'on veut une Genève bénéficiant d'une qualité de vie, d'une qualité de ses institutions, d'une sécurité qui fonctionne, d'une offre culturelle abondante... (Brouhaha.)
Le président. Madame la députée, excusez-moi. J'aimerais demander un peu de silence au groupe PLR... Je vous remercie. Poursuivez, Madame.
Mme Christine Serdaly Morgan. Oui, parce que si vous n'écoutez pas ce qu'on dit, vous allez continuer à répéter ce que vous avez décidé de répéter, et on n'avancera pas beaucoup dans le débat. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît ! On continue.
Mme Christine Serdaly Morgan. La question est donc de savoir quelle Genève on veut, pour en revenir à la question de la paix sociale. Est-ce qu'on veut une Genève qui soit séduisante uniquement sur le plan fiscal ou est-ce qu'on veut une Genève qui soit séduisante parce qu'il y a de la sécurité, de la culture et un système de santé qui fonctionne bien ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît !... Poursuivez, Madame.
Mme Christine Serdaly Morgan. Nous pensons que la paix sociale passe... Nous pensons que Genève n'est pas attractive uniquement par sa place économique. Nous pensons que la paix sociale est fondamentale, et celle-ci a un coût: c'est la solidarité, qui se construit en partie par la question de l'impôt. Bien sûr les socialistes, dans l'absolu, n'aiment pas beaucoup les boucliers fiscaux; mais rappelons encore une fois, puisque probablement on devra le dire et le redire, qu'il est question ici de le suspendre deux ans, de voir les effets et d'y repenser ensuite.
L'équilibre budgétaire - et je finirai par là - Mesdames et Messieurs les députés, a trois piliers. Le premier est une réflexion sur les prestations: quelles sont les prestations que l'on veut ? Il comprend un pilier basé sur les recettes, et c'est bien de cela qu'il s'agit ici, et un pilier reposant sur l'organisation de l'Etat. Or, si vous voulez un Etat plus allégé, c'est alors un Etat qui va déléguer plus, notamment au secteur associatif et à la société civile. Il ne faut donc pas non plus commencer par couper les moyens de ces associations, et couper dans le budget, si vous voulez que l'Etat soit organisé différemment.
Nous vous invitons donc à soutenir ce projet de loi portant sur le bouclier fiscal. Ce n'est qu'une affaire de deux ans, mais c'est aussi la vision d'une Genève à moyen terme, une Genève attractive plus par ses prestations que par la seule question fiscale. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député indépendant Didier Bonny à qui j'accorde trois minutes.
M. Didier Bonny (HP). Merci, Monsieur le président. Je vais utiliser mon statut d'indépendant à présent pour faire un peu de politique-fiction, donc je ne suis pas au courant de ce qui se passe entre les différents partis, du «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette»... J'essaie de comprendre où est-ce que les uns et les autres veulent en venir.
Ce que je ressens là, et ce qui a été dit, c'est que le projet de loi du parti socialiste a de bonnes chances de l'emporter tout à l'heure, au moment du vote. Si tel était le cas, on peut alors faire l'hypothèse que, le 25 avril, lors du vote du budget, le MCG et l'UDC ne voteront qu'un budget à l'équilibre, ils l'ont dit et redit; que le PLR, battu sur le bouclier fiscal ce matin, voudra également voter un budget à l'équilibre, sans quoi il renierait tout ce qu'il a dit jeudi et vendredi derniers. Résultat: le 25 avril, il y aura un budget équilibré, mais à quel prix ?
Concernant les moins 2% linéaires, je fais juste une petite parenthèse pour dire - vous transmettrez à M. Weiss - que si le PLR était d'accord par rapport aux moins 2%, il l'était concernant la première version. Il ne s'agissait pas de la coupe linéaire ! C'est différent ! Bref ! A présent, on en est à cette coupe linéaire et on sait qu'il y aurait des conséquences catastrophiques si l'on votait ce budget-là.
Certes, d'ici-là, le Conseil d'Etat aura peut-être encore trouvé de quoi diminuer le déficit ou même retirera-t-il le budget, on ne sait pas, mais on n'en est pas sûrs, en tout cas je pense qu'il ne faut pas jouer les apprentis sorciers. C'est pourquoi, au nom de l'intérêt général de la population, au nom de tous ceux pour qui ces moins 2% seraient une catastrophe, j'invite les auteurs du projet de loi socialiste à le retirer, ce qui permettrait très vraisemblablement, le 25 avril, de voter un budget, même déficitaire, avec les partis gouvernementaux que sont jusqu'à preuve du contraire le PLR, le PDC, les Verts et les socialistes. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Plusieurs d'entre vous l'ont dit ce matin, et le parti socialiste y adhère, c'est vrai qu'à terme tout le monde veut un budget équilibré ! Personne n'a envie d'accroître la dette et d'accroître les problèmes du canton. Toute la question est de savoir comment on arrive à un budget équilibré et si l'on vit une crise des charges ou une crise des recettes. Il y aura des divergences sans doute entre nous - et cela est normal, nous sommes en démocratie, nous avons des partis politiques différents, sinon on serait dans un Etat monolithique et, cela, personne ne le souhaite ici.
Mais ce que j'aimerais relever, c'est que même le PLR reconnaît que nous vivons, en tout cas partiellement, une crise des recettes ! Puisque, dans les mesures que le PLR avait proposées au Conseil d'Etat, il y avait la volonté d'augmenter la taxe personnelle, qui est bien une recette supplémentaire et qui aurait rapporté probablement, me disait mon chef de groupe, quelque chose comme 70 millions au canton. Alors que pense le parti socialiste ? Le parti socialiste vous dit qu'il n'y a pas de raison de s'en prendre aux plus faibles, aux plus pauvres ! A ceux pour qui 300 F par année de plus à payer c'est les mettre dans une situation extrêmement difficile. Le parti socialiste - d'ailleurs avec le Conseil d'Etat - vous demande simplement, pendant deux ans, un peu de solidarité de la part des plus riches d'entre nous.
Parce que de qui parle-t-on ? Je vais vous donner quelques chiffres, mais je crois qu'ils sont suffisamment éclairants. Les chiffres sont ceux que le Conseil d'Etat avait donnés en commission fiscale concernant les personnes qui pourraient être touchées par ce bouclier fiscal: on parle d'environ 678 personnes qui ont une fortune de 10 à 20 millions par année. Qu'est-ce qu'on leur demande comme effort, à ces 678 personnes ? On leur demande de payer 7000 F d'impôts de plus ! Excusez-moi, mais si j'avais 10 ou 20 millions de fortune, je serais d'accord de payer 7000 F de plus.
On demande à 343 personnes qui ont une fortune de 20 à 50 millions de francs de payer 28 000 F de plus par année; on demande aux 106 personnes qui ont entre 50 et 100 millions de fortune de payer 56 000 F supplémentaires; et enfin, aux 79 personnes qui ont plus de 100 millions de fortune on demande de payer 180 000 F.
Ce que vous dit le parti socialiste, Mesdames et Messieurs les députés, c'est simplement que, par les temps qui courent, la solidarité ne se fait pas sur le dos des plus faibles, mais avec la collaboration de celles et ceux qui ont la chance de vivre avec de très hauts moyens, de grosses fortunes, ce qui n'est sans doute pas le cas de chacun d'entre nous dans ce parlement.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Ivan Slatkine (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'interviens simplement pour vous dire que le PLR et le groupe libéral que je représente ont une ligne, ont une parole, et n'en changeront pas. Nous avons toujours été contre la hausse de la fiscalité, il n'y a pour nous aucune raison de renvoyer ce projet de loi en commission, où il a déjà été traité. Tous les points ont déjà été étudiés, et notre position c'est non à la suspension du bouclier fiscal.
Je m'amuse de voir les groupes MCG et UDC soutenir - jeudi - la discussion immédiate et l'urgence, et, maintenant, venir nous dire qu'il faut le renvoyer en commission !... Parce que s'il fallait le renvoyer en commission, alors il ne fallait pas soutenir la discussion immédiate jeudi, il ne fallait pas demander l'urgence, et le projet de loi serait déjà en commission !
Alors on est en train de jouer à quoi, dans ce parlement ? A prendre en otage les Genevois ? Ce n'est pas la volonté du PLR ! Le PLR a une position claire sur la fiscalité: c'est non à toute hausse de la fiscalité ! Nous vivons aujourd'hui une crise des dépenses, et non pas des recettes !
Le MCG doit prendre, comme l'UDC, ses responsabilités. La semaine passée, ils faisaient des discours pour nous expliquer qu'on avait la fiscalité la plus lourde de Suisse, qu'il était exclu de voir cette fiscalité augmenter, et aujourd'hui M. Golay vient nous dire que, tout compte fait, on peut voter la suspension du bouclier fiscal, il n'y a aucun problème... L'UDC, qui a des positions au niveau suisse, mais d'une extrême rigueur en termes de gestion financière et d'impôts, vient nous dire: «On peut aussi renvoyer cela en commission, le cas échéant faire passer la suspension du bouclier fiscal»... Vos électeurs apprécieront ces retournements de situation - un jour, c'est oui... (Brouhaha.) ...un jour, c'est non !
Le PLR, lui, a une et une seule ligne ! C'est non à la hausse de la fiscalité ! Et c'est un budget équilibré ! Mais plus qu'un budget équilibré: nous, ce qu'on veut, ce sont des comptes équilibrés ! (Applaudissements.)
Mme Marion Sobanek (S). Je regrette un peu que tout ce débat se fasse autour du budget. On avait clairement dit que ce débat sur le bouclier fiscal était indépendant du vote du budget. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) J'aimerais rappeler que cette suspension du bouclier fiscal était un projet du Conseil d'Etat, cela a été indiqué, mais je crois qu'il faut le redire.
Je suis aussi extrêmement contente que mes deux préopinants socialistes aient donné des chiffres; on a ainsi montré qu'il ne s'agit pas d'une hausse d'impôts pour la totalité de la population genevoise - c'est tout à fait mensonger de prétendre cela - mais que cela touche, seuls, quelques petits pourcents extrêmement aisés, et qui n'auraient peut-être même rien contre le fait de payer cette somme-là, durant deux ans ! (Remarque.) C'est la deuxième chose que je tiens à répéter: il s'agit d'une suspension pour deux ans, et ensuite on pourra voir !
J'aimerais bien aussi que M. le président rappelle à M. Dal Busco, concernant la baisse des fortunes à Genève, que c'est certainement dû à cette crise qu'on a connue il y a quelques années et que, entre-temps, les chiffres montrent que les fortunes se reconstituent. Car dans cette guerre des chiffres, quand on met d'un côté ceux qui ne paient pas d'impôts et, de l'autre, ceux qui ont la chance de payer plus d'impôts, j'aimerais bien vous citer le cas de mon père. Je viens d'une famille d'entrepreneurs, une famille dans laquelle j'ai appris que, finalement, avoir la chance de bénéficier d'une fortune ou avoir la chance d'être un peu plus... comment vais-je dire ? ...un peu plus privilégié que les autres, cela comporte des responsabilités; dans la loi fondamentale, en Allemagne, il est indiqué que la fortune a des obligations, et je suis convaincue que beaucoup de personnes, à Genève, seront contentes de contribuer. Je vous demande donc d'adopter ce projet de loi et vous en remercie. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, vous avez entendu notre cheffe de groupe vous dire que nous étions quelque peu divisés quant à la suite à donner à ce projet de loi. Divisés parce que, premièrement, l'UDC a toujours été contre toute augmentation d'impôts. C'est un principe politique chez nous, et je tiens à le respecter. Il est respecté à Berne, il doit l'être dans ce canton.
Deuxième remarque: la discussion sur cette motion en même temps que le budget est malheureuse, parce que finalement elle rejette dans l'ombre la réelle demande qui est faite à travers ce projet de loi, à savoir suspendre le bouclier fiscal pendant deux ans. Mme Torracinta nous a parlé de quelques miettes de milliers de francs, sur deux ans; je constate tout de même que cela fait près de 80 millions qui seront demandés aux «vilains capitalistes» de ce canton et, comme l'a dit M. Bonny, j'estime que là on est en train de jouer aux apprentis sorciers, parce que la situation économique est mauvaise. Vous n'aimez pas cette expression, tout comme les Français n'aiment pas le mot «rigueur»; vous n'aimez pas qu'on vous dise qu'ici, à Genève, contrairement aux chiffres connus, derrière les bons résultats de l'économie de ces dernières années, la situation est mauvaise.
J'ai eu l'occasion de discuter avec un très bon ami qui est avocat d'affaires, ainsi qu'avec une autre personne qui est gestionnaire de fortune, et ils me racontaient que, durant toute leur vie professionnelle, ils l'ont passée à aller chercher des fortunes pour les placer dans les banques genevoises, mais que depuis deux ans leur principale activité est l'inverse ! Par honnêteté vis-à-vis de leurs clients - grâce au «bon travail» que vous avez fait, la plupart d'entre vous, pour arriver à combattre le secret bancaire - ces personnes qui gèrent les fortunes sortent maintenant par dizaines de millions l'argent qui est placé à Genève.
Tout cela aura bien évidemment une répercussion à court terme, y compris sur la qualité de vie des Genevois, mais aussi sur les performances fiscales. Avec ce projet de loi, le seul signal que vous donnez c'est qu'on va encore imposer davantage les personnes qui font confiance à Genève ! Le bouclier fiscal était une proposition qu'on leur a faite et qu'aujourd'hui vous voulez remettre en cause.
Autre remarque: il y a de nombreux changements de lois qui, prochainement, vont à nouveau pénaliser l'économie ! Le taux d'imposition unique pour les entreprises, on ne sait pas ce que cela va réellement changer et dans quelle mesure cela va pénaliser les entreprises étrangères qui sont installées à Genève et dont les dirigeants - qui, ma foi, ont des salaires évidemment très sympathiques - devront payer eux aussi des impôts, pour autant qu'ils restent dans notre canton.
Pour terminer, il me semble que vous mélangez le frein à l'endettement et le bouclier fiscal. Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur un budget, qu'il soit fortement déficitaire ou qu'il soit à l'équilibre, quoi qu'il advienne il sera tributaire du frein à l'endettement. C'est à nous de savoir ce qu'on veut faire, et je peine malgré tout à lier ce PL au budget, comme l'a fait le PLR.
Aujourd'hui, j'apprends que le PLR va maintenir sa position. J'en prends acte, mais je suis obligé de vous dire que, vu vos positions ces dernières années, j'en prends simplement acte, sans plus. J'espère vraiment que vous serez à nos côtés pour essayer d'obtenir un budget qui soit à l'équilibre, mais au sein du groupe UDC une partie va rejeter ce projet de loi parce que, derrière ce dernier, il y a un signal ! Dire: «On veut que la population puisse le voter», oui; mais attention, avec une proposition consistant à suspendre ce bouclier fiscal. Le PLR expliquera à la population: «Oui, on a soutenu le projet de loi socialiste, mais on est contre.» Dans le cadre d'une votation, on joue avec le feu ! Je trouve que la position du PLR n'est pas claire du tout. Quant à moi, je dirai non, afin que, justement, ma position soit tout à fait claire.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, en vertu de l'article 78 LRGC et après consultation du Bureau, je décide de clore la liste. Peuvent encore s'exprimer: Mme von Arx-Vernon et MM. Bavarel, Stauffer, Deneys, Gautier, Saudan, Riedweg et Golay. Mais au quart de poil ! N'est-ce pas ?!... Au quart de cinquième de poil ! La parole est à Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est important de redire pourquoi il faut refuser ce projet de loi. Il y a plusieurs raisons: la première est que le peuple a voté pour ce bouclier fiscal et qu'au nom d'une suspension de deux ans on imposerait un gadget ! Quelque chose qui n'a aucun sens, parce que cela ne s'inscrit pas... Si vous avez une idéologie, alors vous êtes totalement dans le gadget de prévoir cela pour deux ans ! Il s'agit de quelque chose qui a été décidé par le peuple ! Comment pouvez-vous maintenant venir apporter un argument qui remet en question ce qui a été massivement décidé par le peuple ?
C'est une forme, le mot va peut-être vous choquer mais je vais quand même le dire, d'équité ! Parce que, l'égalité, elle n'existe pas dans la forme fiscale, on le sait, alors ne faisons pas semblant ! Mais, pour le parti démocrate-chrétien, il est important qu'il y ait cette manne fiscale, car cela permet, à terme, le rêve - pour moi en tout cas - de baisser les impôts de la classe moyenne et de la classe moyenne inférieure, lesquelles paient déjà beaucoup trop d'impôts !
Ensuite, oui, les riches contribuent - et nous en avons besoin - à une meilleure équité par le fait que des personnes extrêmement modestes ne paient pas d'impôts. Il y en a plus de 20% à Genève ! Et pourquoi ne paient-elles pas d'impôts ? Parce qu'effectivement elles n'ont pas les moyens, et si elles peuvent continuer à bénéficier des avantages sociaux, qui sont une justice sociale... C'est une justice sociale ! Ce n'est pas de la charité ! Je veux que cette justice sociale continue à Genève et, pour cela, il faut qu'il continue d'y avoir des avantages fiscaux pour ceux qui alimentent cette manne !
Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien il y a toujours eu la défense... Ce n'est pas simplement un effet de manche, cela fait cent ans que le parti démocrate-chrétien défend une justice sociale à travers une rentrée fiscale équitable, à travers une économie forte, parce que c'est le meilleur moyen de continuer à avoir cette justice sociale que nous souhaitons, et surtout pas une mendicité sociale.
C'est ainsi que nous voulons cette forme d'équilibre qui est une répartition nous semblant la plus juste ! Alors refusez ce projet de loi qui n'est qu'un gadget et qui remet en question cet équilibre ! Je vous remercie.
Présidence de M. Antoine Droin, premier vice-président
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu beaucoup de choses dans ce débat et les Verts ressentent le besoin de vous réaffirmer comment ils votent: nous votons une urgence lorsque nous pensons que c'est urgent et qu'il faut traiter le sujet immédiatement; non pas lorsque nous voulons renvoyer un sujet en commission. Nous votons oui lorsque nous sommes d'accord avec un projet de loi, et non pas pour donner un signe politique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ou pour dire qu'on aimerait voter non mais pour embêter d'autres; nous votons oui, parce que nous pensons que ce projet de loi, il faut l'accepter.
Nous votons le bouclier fiscal pour embêter personne; non pas pour prendre en otage tel ou tel parti, pas dans le but de faire du billard à trois bandes et dans le but d'avoir une influence sur une autre votation ou sur un autre sujet - par exemple, le budget... au hasard. Nous votons oui, parce que telle est notre conviction. Nous ne nous prononçons donc pas par rapport aux autres. Et nous avons la conviction que la classe politique n'est pas pourrie. Nous avons l'habitude de travailler avec vous, chers collègues, et nous voyons que nous sommes face à des gens qui ont des convictions différentes et qui s'engagent en politique. La majorité de ce parlement est constituée de femmes et d'hommes qui s'engagent en politique, derrière des convictions, et pas uniquement face à des manoeuvriers.
Nous acceptons donc de ne pas être d'accord les uns avec les autres et que, parce que nous n'avons pas forcément le même point de vue et que nous ne parlons pas des mêmes endroits, nous pouvons avoir des votes divergents.
Mesdames et Messieurs les députés, nous pensons que nous sommes partis dans un débat qui ressemble plus à de la politique politicienne, et nous le regrettons. Nous vous demandons simplement de voter selon vos convictions, et non pas suivant d'autres types d'intérêts. Cela sera beaucoup plus simple et beaucoup plus lisible pour la population, et beaucoup plus simple pour tout le monde dans ce parlement !
M. Eric Stauffer (MCG). Le MCG a beaucoup apprécié les applaudissements du groupe PDC, lorsque le député Ivan Slatkine a pris la parole et a dit que le PLR voulait un budget à l'équilibre, mais, plus encore, des comptes à l'équilibre. Et j'adore le PDC qui, il y a moins d'une semaine, a voté un budget déficitaire de 100 millions contre ses alliés ! Mais - vous transmettrez, Monsieur le président - c'est vrai que, quand on est les rois du cocufiage ou de l'adultère, évidemment il n'y a plus d'honneur dans ce parti qui, lui alors, est vraiment la girouette en haut d'un clocher !
Cela étant dit, on peut être d'accord ou pas d'accord avec le bouclier fiscal, néanmoins, Mesdames et Messieurs les députés, si vous avez bien écouté les propos de Mme Anne Emery-Torracinta, eh bien, aujourd'hui nous demandons à l'entier de la fonction publique de faire des efforts afin de réaliser des économies. Il est vrai que si les chiffres qu'elle a divulgués sont corrects - je n'ai pas de raison de douter qu'ils ne le soient, et je pense qu'ils seront confirmés par le conseiller d'Etat M. David Hiler tout à l'heure - effectivement, pour quelqu'un qui possède une fortune de plus de 100 millions de francs, payer 180 000 F d'impôts de plus, eh bien, il n'y a pas de quoi abattre un âne à coup de figues molles ! Et cela fait participer à l'effort que nous devons tous faire.
Alors, moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs, dans ce parlement il y a des pyromanes; il y a des têtus; il y a des orgueilleux; et aujourd'hui l'orgueil du PLR aboutira - finalement, je pense que c'est un bien - à un vote populaire sur la suspension pour deux ans. J'en suis presque à me demander si le MCG ne devrait pas déposer un amendement pour prolonger ces deux ans à la législature prochaine, à savoir jusqu'en 2018, car, on le sait, à l'horizon les comptes ne sont pas au beau fixe, la conjoncture économique mondiale émet quelques signes de souffrance, et peut-être mieux vaut-il prévenir que guérir. On va encore réfléchir d'ici à la fin de ce débat et voir si, éventuellement, on ne déposerait pas un amendement dans ce sens.
Finalement, nous sommes tous les humbles serviteurs du souverain, c'est-à-dire le peuple, et nous demandons au peuple, eh bien, de se prononcer ! D'imposer son choix ! Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que dans la fonction que nous occupons, nous ne sommes que l'émanation de la volonté du peuple et que nous avons en Suisse cette grande chance - que beaucoup de pays nous envient - c'est ce qu'on appelle la démocratie directe. Elle permet qu'on sollicite nos citoyens, afin qu'ils s'expriment sur divers sujets plusieurs fois par année, et s'il y a un sujet qui est important dans l'expression populaire c'est bien celui des impôts.
Je ne peux m'empêcher de répondre - Monsieur le président, vous transmettrez - à Mme von Arx-Vernon, quand elle dit: «Mon rêve, c'est de baisser les impôts des classes moyennes»... J'ai entendu beaucoup de choses depuis huit ans que je siège dans ce parlement, mais alors là, c'est quand même le summum du blues ! Si on analyse deux secondes ce qu'elle a dit...
Une voix. Un, deux ! (Rires.)
M. Eric Stauffer. ...c'est quoi ? C'est: «Faisons des abattements fiscaux pour ceux qui ont plus de 100 millions, et ainsi on pourra baisser la fiscalité de la classe moyenne.» Je pense qu'elle s'est pris les pieds dans le tapis, parce que c'est le contraire ! C'est si l'on augmente légèrement la fiscalité pour ceux qui ont une fortune de plus de 100 millions que, éventuellement, à un moment donné, on pourra évaluer la possibilité de baisser les impôts de la classe moyenne ! Et ce n'est surtout pas en contrant la levée du bouclier fiscal qu'on y arrivera ! Mais encore une fois, vous savez, il y a des partis dans ce parlement qui sont plus ou moins cohérents - ou qui ne le sont plus ou moins pas... Définitivement, le PDC fait partie de la deuxième catégorie. Et ça, c'était à souligner, tant l'incohérence des propos de cette députée est surprenante.
En conclusion, j'aimerais dire - et vous transmettrez à M. le député Weiss, concernant sa déclaration préalable - oui, Monsieur Weiss, j'ai confiance en vous, je crois sur parole vos propos. Néanmoins, votre président, qui est quand même le numéro un du parti, a une position sensiblement différente. Alors loin de moi l'idée de m'immiscer dans les problèmes internes et les querelles internes qui résident au sein du PLR, mais ce que nous avons demandé c'était juste un renvoi en commission, et rien ne vous empêchait de le faire - et politiquement cela ne vous coûtait rien. Aujourd'hui vous avez décidé de mettre le feu à la mèche: nous assumerons ! Totalement ! Et nous demanderons au peuple de se prononcer sur ce sujet.
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG, unanime, votera la suspension du bouclier fiscal pour deux ans, en demandant au peuple de se prononcer par la voix des urnes !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, en tout cas, je salue l'effort de démocratie qui consiste justement à soumettre cette proposition au peuple; il est vrai qu'on peut avoir un avis ou un autre sur les avantages ou les inconvénients de ce bouclier fiscal, toujours est-il que nous sommes bien dans un débat où il est question de balance. La baisse d'impôts de 2009, qui coûtait 400 millions de francs par an, avait été justifiée sous prétexte notamment que la conjoncture économique allait permettre d'absorber cette baisse de recettes fiscales par l'arrivée de nouveaux contribuables, par les nouveaux revenus des personnes qui pourraient réussir avec la conjoncture favorable, et malheureusement cela ne s'est pas tout à fait passé comme ça. En 2009, on pensait que 400 millions, c'était possible - je vous rappelle que 400 millions, c'est quand même 5% du budget de l'Etat, ce qui n'est pas négligeable. Mais aujourd'hui, à l'évidence, il faut se rendre compte que c'était trop, et puis on pourrait revenir en arrière; cela ne veut pas dire annuler définitivement la baisse d'impôts, cela veut dire simplement lui donner une ampleur moindre, compte tenu des circonstances.
Quand on pense à la situation dans la cité de Genève, dans notre république, où l'on voit des personnes toujours plus pauvres, toujours plus démunies, et les problèmes que cela suscite en termes sociaux, en termes de sécurité - l'autre jour, il y avait dans le «20 Minutes» un article que j'ai trouvé assez grave au sujet de la Jonction - il est vrai que quand on voit ces personnes désoeuvrées à longueur de journée, parce qu'elles ne trouvent pas de travail, parce qu'elles n'ont pas d'avenir plausible - raisonnable - dans notre société, on peut se poser la question de savoir s'il ne faut pas y consacrer davantage de moyens. Verser un minimum avec l'assistance sociale est une chose, essayer d'offrir des perspectives à des personnes qui s'éloignent du marché du travail en est une autre. Et dans ce sens-là, les socialistes sont extrêmement inquiets quand on lit, comme hier, dans les statistiques de l'OCSTAT, que l'écart entre les plus hauts revenus et les plus bas s'accentuent ! Les riches devenant plus riches, les pauvres devenant plus pauvres ! Est-ce réellement le modèle de société que nous voulons ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, les socialistes vous répondent non ! Nous, ce que nous aimerions, c'est une société qui permet aux uns et aux autres de vivre décemment et de ne pas être exclus du système.
Mettre à contribution des personnes qui ont bénéficié d'avantages supplémentaires en 2009 - parce qu'il s'agit bien de cela: il ne s'agit pas de revenir sur un acquis historique qui dure depuis plusieurs centaines d'années, il s'agit de revenir sur une mesure votée en 2009 et entrée en vigueur très récemment - dans ce sens-là, cet effort supplémentaire est bien lié à la conjoncture et à la situation que nous connaissons.
Les interventions alarmistes de plusieurs députés qui invoquent le fait que les contribuables risqueraient de fuir sont malheureusement totalement inexactes et en tout cas effrayantes pour rien ! Parce qu'avant ce bouclier fiscal il y avait à peu près 5000 personnes par an qui arrivaient à Genève, et après le bouclier fiscal il y a toujours à peu près 5000 personnes qui arrivent à Genève, par année. (Brouhaha.) Fondamentalement, la baisse d'impôts de 2009 s'est concrétisée avec 400 millions de recettes fiscales en moins par année ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce sont les chiffres !
On voit bien qu'aujourd'hui on doit raisonnablement corriger le tir, et cette mesure spécifique concernant des personnes qui disposent de moyens considérables pour vivre, qui n'ont pas de problèmes pour boucler leurs fins de mois, paraît juste et équitable aux socialistes ! Nous vous invitons donc à soutenir cette proposition de suspension du bouclier fiscal.
M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs, permettez-moi de singer d'aucuns et de m'adresser à celles et ceux qui nous regardent, s'il y en a plus que trois ou quatre. Je voudrais redonner la notion de solidarité, car ce mot m'écorche les oreilles par la façon dont certains l'utilisent actuellement. La solidarité, c'est quoi ? C'est un lien social d'engagement et de dépendance ré-ci-pro-que - et ce dernier mot est le plus important - et ce n'est pas du racket. La manière dont ce débat nous est présenté relève plus, effectivement, d'une ponction non volontaire que de la solidarité.
Alors, Mesdames et Messieurs les socialistes, je veux bien entendre parler de solidarité, mais dans sa conception originale, et non pas par le fait de dire qu'on va prendre l'argent chez les riches: ça, ce n'est pas de la solidarité, c'est du racket ! (Commentaires.)
Une voix. Bravo !
M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, permettez à un non-expert en matière fiscale de s'exprimer sur ce sujet, et je ne m'exprimerai que sur la suppression du bouclier fiscal. Je crois que la fiscalité est un art subtil qui s'apparente un peu à la tonte des moutons: il faut savoir tondre les gens sans les écorcher. (Commentaires.) Et ce bouclier fiscal est un moyen d'éviter d'écorcher des contribuables.
J'aimerais revenir aussi sur cette notion de solidarité, parce que sur les bancs d'en face, particulièrement au parti socialiste, on a instillé l'idée que notre parti sacrifiait la solidarité avec les plus démunis d'entre nous en refusant la suppression du bouclier fiscal. Cela a été dit à maintes reprises: 25% des contribuables genevois ne paient pas d'impôts... Je crois qu'il faut rappeler que, jusqu'à 80 000 F de revenu, les couples, à Genève, ont la fiscalité la plus avantageuse de toute la Suisse ! Que, jusqu'à 80 000 F de revenu, les célibataires sont dans le troisième canton suisse pour une fiscalité avantageuse.
L'adage fiscal de Laffer, «Trop d'impôt tue l'impôt», est malheureusement vrai. Et on est tous attachés à notre système de prestations sociales: nous ne pouvons pas prendre le risque de voir un exode de quelques contribuables fortunés. Surtout, je vous rappelle que le canton de Genève a beaucoup contribué à la prospérité de la côte voisine, où il y a un bouclier fiscal. Et l'on ne peut pas s'exonérer de notre environnement régional.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical restera ferme sur ses positions: nous n'entrerons en matière ni sur un renvoi en commission ni sur un vote de ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). On parle d'une suspension du bouclier fiscal d'une durée de deux ans. Cela signifie que nous prévoyons que les comptes seront équilibrés en 2014 et en 2015, ce qui ne sera certainement pas le cas. Compte tenu des dépenses qui nous attendent, comme les 140 millions annuels nécessaires au renflouement des caisses de pension, la baisse des salaires dans le secteur privé, qui aura une conséquence sur les recettes fiscales, la diminution probable à 13% des taux d'impôts pour les sociétés holding, les multinationales et les PME locales, ainsi que les augmentations certaines dans les charges de diverses politiques publiques comme l'action sociale, les personnes âgées, les handicapés et la santé, nous sommes convaincus que la gauche demandera une prolongation du bouclier fiscal en 2015 pour les années 2016 et 2017.
Sachez, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne sommes inféodés à aucun parti et que notre décision est prise en fonction de ce que l'UDC dit depuis toujours: pas de hausses d'impôts !
Présidence de M. Gabriel Barrillier, président
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on a entendu plusieurs choses depuis la reprise de notre séance, notamment de la part de M. Gautier, qui indique que c'est du racket si nous effectuons une suspension de ce bouclier fiscal pour deux ans. Moi, je n'appelle pas cela du racket, c'est simplement de remettre les choses en ordre, donc de faire en sorte que tout le monde ait un taux d'effort qui soit identique selon ses revenus. Ce n'est rien d'autre que cela ! On ne peut pas parler de racket lorsque les gens sont tous soumis au même régime, avec un taux d'effort identique selon les montants de leur revenu.
D'autre part, ce qui m'a le plus surpris ce sont les paroles de Mme von Arx, qui parle de justice sociale, de même que les paroles de M. Slatkine, qui dit que la ligne politique du PLR, ce n'est surtout pas d'augmenter les impôts... Je vous rappelle que dans leur programme par rapport aux économies budgétaires - que vous avez pu lire sur leur site - ils proposaient d'augmenter la taxe personnelle à 365 F ! Ce qui signifie, en moyenne, une hausse quatorze fois supérieure à ce qui existe aujourd'hui en touchant les plus pauvres du canton ! Donc double constat: on ne touche pas aux riches; par contre, taxons un maximum les pauvres ! Quatorze fois davantage ! Et c'était sur leur programme. Heureusement, le MCG, lors des discussions avec ses partenaires et alliés pour la rigueur budgétaire, a dit qu'il n'était pas d'accord d'imposer de la sorte les plus pauvres, ce qui fait que cette option n'a pas été retenue. Mais vous retrouvez encore cette proposition sur le site du PLR, à moins que cela n'ait été effacé tout dernièrement.
Une voix. Et le PDC !
M. Roger Golay. Et puis, le PDC, bien sûr ! C'est pour cela que je parle de la justice sociale de Mme von Arx - taxer les pauvres, c'est vraiment... Et les familles, surtout ! Les familles ! (Brouhaha.) L'élément premier du programme PDC !... Laissez-nous rire ! Cela démontre que ce parti ne sera certainement plus sur la scène politique à la fin de l'année ! (Remarque.) Nous pouvons comprendre que les citoyens n'arrivent plus à s'y retrouver, dans des programmes qui changent à tour de bras !
En ce qui nous concerne... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous allons soutenir cette suspension de bouclier fiscal. Simplement, il y aura environ 350 millions qui devront être trouvés pour répondre aux besoins de notre administration l'année prochaine, il n'y a pas à tortiller ! Cela a été dit par notre collègue UDC: les 140 millions pour l'assainissement des caisses; les 100 millions qui vont certainement disparaître des recettes fiscales par le changement de statut des banques qui sont passées de banques privées à des sociétés anonymes; et puis, bien sûr, le fait que les frontaliers peuvent maintenant déduire un maximum, étant donné qu'ils peuvent soustraire les kilométrages qu'ils font pour venir travailler - il est évident que ceux qui sont à Grenoble ou même bien moins loin, à 30 kilomètres de Genève, auront un impôt à la source quasiment nul grâce à ces déductions ! Ce qui est scandaleux ! Mais voilà... En somme, il manquera peut-être aussi 100 millions par rapport à cela, en tout cas quelques dizaines de millions c'est sûr !
Ce qui fait qu'il faudra trouver à peu près 350 millions l'année prochaine, afin de répondre aux besoins des politiques publiques - qui sont aussi chères aux uns et aux autres - et afin de pouvoir maintenir certaines prestations destinées à la population. Donc il faudra bien les trouver quelque part !
Aujourd'hui, comme le PLR semble quitter le fameux groupe qu'on avait créé - MCG, UDC et PLR - pour une rigueur budgétaire... (Protestations.) ...eh bien, puisqu'ils ne sont plus fiables, on est obligés d'aller chercher l'argent là où il se trouve, et on le prendra là où il y a eu des privilèges. On supprimera ce privilège ! Et on est même en train de se poser la question - selon comment les choses vont tourner, pourquoi pas - de prendre encore une autre position, au MCG, sur les forfaits fiscaux.
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat David Hiler. (Brouhaha.) S'il vous plaît !
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, j'aimerais vous dire et vous redire que le vote que vous aurez aujourd'hui sur le bouclier fiscal n'impacte pas le projet de budget, puisqu'on ne met jamais dans un projet de budget une décision qui doit être soumise obligatoirement au peuple, tant que ce dernier ne l'a pas acceptée. C'est le moindre des principes de prudence.
Un certain nombre d'entre vous lient ces deux dossiers: ils n'ont pourtant rien à voir sur le plan des répercussions comptables, ce sont purement des affaires politiciennes qui peuvent permettre de lier ces deux dossiers.
Deuxième élément: concernant le bouclier fiscal, j'aimerais vous rappeler qu'il en existe plusieurs. Et quand on compare celui de Sarkozy, celui du canton de Berne, au nôtre, qui est celui du canton de Vaud, il y a quand même des nuances assez fortes. Lorsque le Conseil d'Etat, pendant la précédente législature - c'est parfaitement exact - a proposé le bouclier fiscal vaudois, il avait examiné les divers types de boucliers. Le canton de Berne en a un qui est à 300 millions d'impact, eh bien regardez leurs récents comptes: malgré dix ans de cure d'austérité, ils sont de nouveau à moins 200 millions ! Les choses sont donc plus compliquées en la matière, qu'on ne le croit.
Oui, il y a une très forte dépendance, tant au niveau des entreprises que des personnes privées, à un petit groupe de contribuables. Faites toutefois attention à une chose. Vous faites des pourcentages en calculant seulement les gens soumis au barème ordinaire; en réalité, il faudrait quand même tenir compte de la manne fiscale de personnes qui sont, pour l'essentiel, de classe modeste ou moyenne - que sont les personnes imposées à la source - pour avoir une idée représentative.
Il a été dit, c'est vrai, que toutes les statistiques indiquant cette forte dépendance datent d'avant l'introduction du bouclier fiscal en 2011, donc ces gens très riches étaient bel et bien présents à Genève avant la mise en place du bouclier fiscal. C'est ce qui avait, dans l'analyse de risques, poussé notre Conseil d'Etat à proposer cette suspension ! En son temps.
Et alors là, Mesdames et Messieurs les députés, excusez-moi, mais il y a quand même certaines affirmations qui me surprennent: «Il faut étudier en commission», nous disent l'UDC et le MCG... Mais, la dernière fois que vous avez refusé ces propositions, l'automne dernier, vous ne les aviez pas étudiées ?! (Remarque.) Ah bon ! Je veux bien que vous me disiez qu'il faut les étudier, mais alors, si je comprends bien, quand un projet est du parti socialiste, Monsieur le député Stauffer, vous le réétudiez. Quand il provenait du Conseil d'Etat, vous avez voté, avec un bandeau sur les yeux, un non sec et claquant, accompagné d'un certain nombre d'invectives à l'égard de ce Conseil d'Etat, qui manifestement, selon votre analyse, usuelle, d'ailleurs - qui en devient lassante - était tombé sur la tête de proposer cela ! Maintenant, je vois avec satisfaction que vous vous préparez à changer d'avis - oui, six mois après... si je ne me trompe pas ! (Brouhaha.) Alors, la prochaine fois, étudiez-le lors de la première proposition, ce sera plus simple !
Le bouclier fiscal, je vais juste rappeler en une minute de quoi il s'agit, parce qu'il y a des choses exactes et inexactes qui ont été dites. Nous avons une fiscalité sur la fortune, qui pour les grandes fortunes - et pas pour les petites - est très élevée: 1%, tendanciellement. C'est, en Europe et dans le monde, un taux particulièrement élevé qui nous rapproche plus de la France que d'autres pays.
Vous ne pouvez pas comparer le bouclier fiscal et les questions d'imposition qui ont été correctement dites ! Le but est d'éviter que le cumul de l'impôt sur la fortune et de l'impôt sur le revenu ne dépasse 71%, IFD compris. Le chiffre totalement exact est 60% pour l'ICC, 11% pour l'IFD. Donc cela n'a rien à voir avec les 75% de tranche de barème en France qui ne porte que sur le revenu et qui ne sont pas le taux moyen d'imposition pour les supérieurs, mais juste pour une tranche. Essayons de ne pas confondre toutes ces choses.
Le canton de Vaud n'a visiblement aucune intention de changer ce système, et les partis qui ici se battent contre ont, semble-t-il, dès qu'on passe la Venoge, une appréciation un peu différente, parce que le combat est assez spécifiquement genevois ! Et c'est quand même un peu ennuyeux. Nous avons estimé que les 40 millions de ce bouclier, qu'il faut mettre en lien avec 4 milliards d'impôts directs - revenus et fortune, y compris donc l'impôt à la source - n'étaient pas de nature, sur une période courte, à changer fondamentalement le comportement de personnes qui n'auraient eu que deux ans à payer, en réalité.
Qu'est-ce que ce bouclier voulait éviter ? Il voulait éviter que des gens qui ont une fortune sans rendement ou à très faible rendement connaissent une imposition qui aille au-delà de leur revenu, c'est-à-dire qu'ils doivent attaquer la fortune pour la payer. C'était le cas avant le bouclier fiscal, il y a des gens qui payaient 140% de leur revenu.
Nous avons donc, au vu des 242 millions d'efforts exigés, dont pas loin de 70% sur les charges - c'est légitime, c'est ce que le Conseil d'Etat a décidé, il ne s'agit pas de mon imagination - nous avons pensé demander ce contrepoids pour deux ans. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés.
Ce qui nous gêne profondément, en revanche, c'est la mascarade... La mascarade ! Le budget est le moment le plus important de votre Grand Conseil, parce qu'il n'est pas soumis au référendum populaire. Sur la question de la fiscalité, il est sidérant - je m'excuse de le dire - de voir que des groupes puissent changer totalement de position en six mois sur des sujets qui vont être soumis au peuple !
Ma conviction profonde, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que de toute façon, un jour ou l'autre, le peuple arbitrera cette question ! Et je ne suis pas sûr que ce soit la suspension qu'il arbitrera. Il arbitrera vraisemblablement le principe même ! Mais, ce jour-là, ce sera peut-être une initiative.
Toutefois, la manière dont on est en train d'entrer dans ce débat, par le biais de chantages autour du budget et réciproquement, laisse le Conseil d'Etat pantois ! Je vous le dis très franchement: pantois ! C'est d'autant plus surprenant que, jusqu'à preuve du contraire, tout indique que les comptes 2013 sont largement à l'équilibre. Et tout ce qui est excessif est insignifiant ! Et les tempêtes dans les verres d'eau n'ont jamais fait couler de bateaux. (Remarque. Commentaires.) Par contre... (Remarque.) Par contre, je ne pense pas que les échanges d'aujourd'hui aient singulièrement aidé à restaurer l'image de sérieux de ce parlement dans ce type de débat. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter l'entrée en matière sur le projet de loi.
Plusieurs voix. Vote nominal !
Le président. Vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, largement soutenu !
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 11130 est adopté en premier débat par 44 oui contre 42 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 1 souligné, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat concernant l'article 72, alinéa 7 (nouvelle teneur). Il s'agit de remplacer les mots «[...] périodes fiscales 2013 et 2014» par: «[...] périodes fiscales 2014 et 2015.» La parole est à M. le député Roger Golay.
M. Roger Golay (hors micro). Je renonce !
Le président. Vous renoncez. La parole est donc à M. le conseiller d'Etat David Hiler.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi cet amendement ? Simplement parce qu'il y a quand même deux problèmes distincts. Il y a celui de savoir comment chaque nation ou chaque canton modifie sa fiscalité et il y a la manière dont ils le font. (Brouhaha.) L'année 2013 a commencé. Les contribuables peuvent certes éviter un impôt supplémentaire en déménageant d'ici à la fin de l'année, mais en termes de sécurité des droits, qui est un de nos grands atouts, il nous paraît absolument indispensable qu'une mise en oeuvre qui aurait lieu à la suite d'une votation qui ne peut pas se tenir avant le 22 septembre - vous voterez donc sur le bouclier fiscal, si vous l'acceptez, le 22 septembre - il paraît difficile de dire que cela va être fait rétroactivement sur l'année 2013. C'est la raison pour laquelle, en dehors de toute question de fond, nous vous demandons de réserver bon accueil à cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 31 non et 8 abstentions.
Le président. Il va de soi que le titre de ce projet de loi est modifié en conséquence: «Nouvel intitulé: modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Suspension en 2014 et 2015 du dispositif relatif à la charge maximale - bouclier fiscal)».
Mis aux voix, ce nouvel intitulé est adopté.
Mis aux voix, l'article 72, alinéa 7 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Le président. Concernant l'article 2 souligné, il est par conséquent modifié comme suit: «Art. 2 (souligné) - Entrée en vigueur (nouvelle teneur) - La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2014».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 35 non et 5 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Le président. La parole est au président du Conseil d'Etat, M. Charles Beer.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés - et Monsieur le Président, excusez-moi !
Le président. Je vous en prie.
M. Charles Beer. Plus proches de Feydeau que de Marivaux, les débats de ce parlement viennent, une fois de plus, de démontrer la complexité des couples à trois. (Rires.)
Constatant que certains groupes qui tout en pourfendant les pyromanes pratiquent l'art du pompier-pyromane, et constatant que le projet de budget tout comme la fiscalité sont pris en otage dans un débat partisan, le Conseil d'Etat renonce à demander le troisième débat.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau n'étant pas unanime, il ne va pas, lui non plus, demander le troisième débat ! Ce dernier est reporté à une prochaine session. (Brouhaha.)
Objet retiré par ses auteurs: Session 07 (avril 2013) - Séance 39 du 25.04.2013
Le président. Nous passons à l'ordre du jour ordinaire: point 23, rapport M 2042-A.
Suite du débat
Le président. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, il est 11h20: après ces débats sous tension, je vous propose de poursuivre, afin d'avancer un peu dans notre ordre du jour... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Ceux qui veulent discuter et commenter vont à la salle des Pas-Perdus !
M. Jacques Béné (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On reprend ce débat qui avait été avorté lors de notre dernière session, faute de combattants. On est sur un vrai débat de société, malgré tout; on n'est plus dans le budget, j'espère donc qu'on va calmer un peu les esprits !
Dans le cadre de cette motion qui vise à permettre une meilleure transparence et à permettre surtout aux proches d'un patient décédé d'avoir accès au dossier médical et aux informations concernant son décès, j'aimerais rappeler un élément qui me paraît essentiel, c'est que le médecin est là pour protéger le patient et non les descendants. Je crois que c'est sur cette base-là qu'on doit avoir ce débat. La motion prévoit l'accès à l'information et au dossier médical. C'est une énorme différence que d'avoir accès au dossier médical ou simplement aux informations sur les circonstances du décès. La motion prévoit également un consentement présumé du patient décédé, et c'est bien là que cette motion pose un problème.
Si aucune précision n'a été donnée par le patient, il est admis que le médecin part de l'idée qu'il a le consentement du patient et il explique les circonstances du décès, mais ne va pas divulguer le dossier médical. Toutefois, on est bien conscients que, ce faisant, le médecin viole déjà d'une certaine manière le secret médical.
Alors l'objectif de transparence est ici confronté aux droits de la personne décédée. Ce n'est pas parce que quelqu'un est mort qu'il n'y a plus rien à protéger, et c'est ce que le Tribunal fédéral a déjà rappelé à plusieurs reprises. On a évoqué en commission le risque qu'un médecin qui détient une information puisse être mis en cause s'il divulgue cette information et sélectionne donc ce qu'il pourrait avoir à dire. C'est un risque, mais on nous a confirmé, en tout cas en ce qui concerne les HUG, qu'il y a un vrai travail d'équipe, et pour que quelque chose soit caché il faudrait qu'il y ait une collusion au sein de l'ensemble de l'équipe.
Les HUG, ce sont chaque année 150 faits graves qui sont annoncés, mais les procédures internes aux HUG sont suffisantes pour assurer la transparence qui voudrait être améliorée par cette motion.
Le vrai problème, en fait, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le dialogue. Et celui-ci est souvent difficile. Il a été relevé en commission qu'il y a davantage de dysfonctionnements parmi les proches des patients que dans les équipes soignantes; il y a en effet de nombreux cas où des conflits familiaux péjorent la situation: les avis ne sont pas partagés, les tensions sont extrêmes, et c'est surtout visible dans les cas de fin de vie.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le rapporteur !
M. Jacques Béné. Le risque est donc que les patients ne donnent plus d'informations et que les dossiers ne soient plus complets, ni transparents. On parle aujourd'hui de cinq à dix cas problématiques par année, sur 3000 décès à Genève. Dans un monde idéal, on devrait arriver à ce que chacun établisse évidemment ses directives anticipées, mais nous pensons, nous, que l'intérêt à assurer au patient la confidentialité de ses informations...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Jacques Béné. ...prévaut sur l'intérêt hypothétique des proches à avoir un accès libre au dossier. Donc, pour la commission, les solutions de conciliation sont préférables aux solutions judiciaires, lesquelles seraient inévitablement légion avec le vote de cette motion. Par contre, la commission - et moi, en tant que rapporteur de majorité - acceptera volontiers un des amendements, qui sera proposé par M. Poggia tout à l'heure...
Le président. Oui, vous pourrez vous exprimer tout à l'heure.
M. Jacques Béné. ... soit d'intégrer dans la législation la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral.
M. Mauro Poggia (MCG), rapporteur de minorité. Chers collègues, les statistiques, comme chacun sait, sont des additions justes de chiffres faux ! Quand on nous dit qu'il y a au maximum une dizaine de cas problématiques, évidemment la réalité est bien au-delà de ce que l'on pense; il y a une très grande majorité de proches qui nourrissent des doutes quant aux soins ayant entouré le patient décédé, qui renoncent tout simplement à demander des explications, parce qu'il y a déjà la douleur de la perte d'un être proche, mais aussi parce qu'ils savent quelles sont les difficultés au-devant desquelles ils vont.
La commission a admis, je crois, à l'unanimité, qu'il y avait un problème de société, un problème humain aussi, qu'il fallait essayer de régler, et je trouve assez singulier que la commission, après ce constat de la problématique, décide finalement qu'il n'y avait rien à faire, au motif que ce qu'il faudrait entreprendre est trop compliqué à mettre en oeuvre.
Alors, c'est vrai, le représentant de la majorité de la commission vous l'a dit, le secret médical est l'émanation de la sphère privée du patient. Le secret médical protège le patient, et non ses proches, et personne n'est ici pour affirmer le contraire. Mais il faut ajouter qu'il n'est pas là pour protéger le médecin ou le corps médical !
Le secret médical est une institution qui va même au-delà de la protection du patient lui-même, parce qu'il est indispensable, dans une société démocratique, qu'il y ait des personnes auxquelles on puisse se confier avec la certitude que ce qu'on leur dit n'ira pas au-delà. Ce sont les médecins, bien sûr, ce sont les ecclésiastiques, cela peut être les avocats.
La question qui se pose est: que se passe-t-il lorsque le patient décède ? Le Tribunal fédéral l'a dit clairement, le secret médical perdure au-delà de la mort. Ce n'est pas parce que le patient décède que ses héritiers héritent le droit d'accès au dossier médical, et le médecin a ce devoir qui perdure au-delà de la mort de son patient. Qu'en est-il si ses proches nourrissent des soupçons ? Souvent infondés, il faut le dire, parce que les médecins, en très grande majorité, font bien leur travail en leur âme et conscience; mais que ce passe-t-il si dans un cas particulier les proches nourrissent des doutes sur une possible mauvaise pratique médicale ?
Je m'étonne d'une levée de boucliers quasi unanime du corps médical représenté dans cette assemblée, qui semble considérer que le fait de vouloir savoir, de poser des questions, puisse être déjà une atteinte à leur intégrité professionnelle. Je crois au contraire qu'il faut savoir donner des réponses et, comme l'a dit très justement M. Béné, c'est parce que ce rapport de confiance, ce dialogue, est rompu que, à un moment donné, les choses dérivent, parfois même jusqu'à des procédures.
Alors on nous dit, et on l'a fait dans le cas de la procédure, qu'il y a des procédures pénales qui sont là, le cas échéant, si l'on veut avoir des réponses aux questions... Je dis non ! Parce que la procédure pénale est douloureuse. Elle est douloureuse évidemment pour la famille, mais elle est aussi douloureuse pour le médecin qui en est l'objet ! Pourquoi ce médecin doit-il aller devant un policier, un procureur, pour justifier de sa bonne pratique - qui est une réalité dans la plupart des cas - alors qu'il suffirait finalement de donner cette information et d'accorder cette transparence pour désamorcer cette bombe-là ? Alors, cette...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Mauro Poggia. Je reviendrai ensuite sur les amendements, Monsieur le président, mais je voudrais ajouter simplement ceci: il est important aujourd'hui que l'on ne dise pas non à cette question qui vous est posée, il est important que l'on trouve des solutions. Je reviendrai tout à l'heure sur les amendements que j'ai proposés - j'en ai proposé trois, j'ai renoncé à celui du milieu, qui semblait susciter le plus de réactions négatives - mais il faut absolument que ce parlement donne la possibilité aux proches de ne pas rester avec ce point d'interrogation qui est mauvais non seulement pour eux et pour le médecin, mais pour la société tout entière.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Après réflexion, je vous indique ceci: si vous vous exprimiez sur le temps de votre groupe, vous auriez la possibilité, déjà, de présenter vos amendements - je pense que cela permettrait de conduire un débat en connaissance de cause - si vous le souhaitez, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. Je pense que ce serait plus logique. Je vous remercie de cette proposition, Monsieur le président.
Le président. Vous avez la parole.
M. Mauro Poggia. M. Béné a dit qu'il y a un premier amendement avec lequel la commission se déclarerait d'accord, c'est le numéro un, il propose d'intégrer dans la loi des principes qui ont été admis par le Tribunal fédéral. J'ai entendu certains dire: «Mais ce n'est pas la peine de mettre dans la loi ce que la jurisprudence a déjà admis.» Attention ! Le Tribunal fédéral a simplement indiqué... (Brouhaha.) ...dans le cadre de la pratique des Hôpitaux universitaires de Genève, qu'il n'était pas arbitraire de la part des HUG de s'opposer à la remise du dossier médical à un proche et d'exiger que celui-ci passe par un médecin de confiance. Le Tribunal fédéral n'a pas posé de règles ! Il a simplement examiné, avec son pouvoir d'examen limité, cette proposition des HUG, en disant que c'était finalement un moyen terme acceptable.
Je pense qu'il faudrait mettre cette proposition dans la loi pour qu'elle soit claire, qu'elle permette de concrétiser un droit pour le proche d'avoir un regard par l'intermédiaire de cette soupape de sécurité qui est ce médecin de confiance, qui aura à la fois à coeur de donner les renseignements de nature à éclairer et, si possible, à rassurer le proche sur les circonstances du décès, tout en préservant de l'autre côté le secret médical. Car il faut savoir que, dans certains dossiers, il peut y avoir des informations que les proches ne doivent pas connaître. Je considère pour ma part que c'est l'exception, mais même cette exception mérite d'être sauvegardée, et il faut qu'il y ait effectivement un sas de sécurité.
En ce qui concerne la deuxième invite - qui est en fait la troisième dans ma proposition - elle consiste à dire: «Donnons une alternative à la voie pénale.» Nous savons que les proches s'adressent à notre commission de surveillance - nous avons aujourd'hui une commission unique qui est la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients - qui peut recevoir évidemment des courriers des proches qui manifestent leurs interrogations. Concernant ces démarches qui sont considérées comme des dénonciations, pour reprendre les termes de la commission, il serait bon qu'il y ait un retour. Car aujourd'hui, trop souvent, une interrogation est adressée à la commission, puis il n'y a pas de retour - ou un retour tenant sur une seule ligne et disant: «Nous n'avons pas constaté d'agissements professionnels incorrects.»
Il serait bon que cette commission, puisqu'elle se penche sur le dossier suite à la dénonciation, dise aux proches quelles ont été les conclusions de son examen - conclusions qui évidemment ne doivent pas être un moyen de détourner le secret médical. Il ne s'agit pas de faire en sorte que la lecture de la décision de la commission permette aux proches de savoir ce qu'on leur aurait interdit de savoir par un accès direct. Mais il faut au moins une réponse sous la forme d'une décision motivée, du type: «Notre commission a décidé qu'il n'y avait pas d'agissements professionnels incorrects, parce que [...], parce que [...], parce que [...].» Cela peut même être très court, mais je pense que c'est indispensable. Quand on s'adresse à une autorité, il en va de la crédibilité de celle-ci qu'elle réponde avec un minimum de motivation à la personne qui s'adresse à elle. Je vous demande donc de soutenir ces deux amendements. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je précise que je souhaite aller jusqu'au bout du débat, car le chef du département doit nous quitter cet après-midi et il souhaiterait pouvoir répondre. En travaillant bien, on doit pouvoir y arriver. La parole est à Mme la députée Esther Hartmann.
Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Les Verts, comme vous vous le rappelez peut-être, faisaient preuve d'une grande méfiance par rapport à cette motion. La notion de secret médical est très importante, elle préserve la sphère privée des individus; et moi, en tant que proche ou en tant que patiente, je ne tiens pas forcément à savoir ou à me dire que quelqu'un, après ma mort, pourra avoir accès à mes données personnelles ou à certains de mes petits secrets, même si ce sont de tout petits secrets, mais dont je n'ai justement pas parlé à mes proches pour de bonnes raisons. Je ne tiendrais pas forcément à ce qu'ils aient accès à ces dossiers-là.
Pour ces motifs, les Verts s'étaient opposés, je crois, même au renvoi en commission, cela par position de principe par rapport à la protection de la sphère privée et par rapport à la difficulté qu'il y aurait à déterminer ce à quoi un proche pourrait avoir accès et ce à quoi il ne le pourrait pas.
Nous avons pris connaissance des amendements du rapporteur de minorité; même si le rapporteur de majorité a dit que l'ensemble de la commission était unanime quant au premier amendement, ce n'est pas le cas des Verts. Nous nous rappelons ce que le rapporteur de minorité avait lui-même dit en commission: qu'il considérait comme étant bancale la solution proposant que la famille puisse consulter un médecin de confiance afin d'avoir accès à un dossier. Nous pensons qu'en fait, pour déterminer une loi précise, premièrement il faudrait peut-être que cela se détermine au niveau fédéral et, deuxièmement, il faudrait surtout que les précisions soient beaucoup plus éclairées qu'à l'intérieur de cette motion.
Nous nous posons aussi la question de ce qui se passerait dans le cadre de la médecine de ville: comment est-ce que, moi, je déterminerais quel médecin serait habilité à consulter un rapport ? Est-ce qu'il aurait forcément toutes les compétences? Ce sont des points à éclaircir, et cela, je pense, au niveau fédéral. Je suis très mal à l'aise quant au fait d'intégrer une décision du Tribunal fédéral comme système juridique.
En ce qui concerne le troisième amendement - peut-être y reviendrons-nous plus tard - nous y sommes également opposés.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'élément essentiel qui découle de ce projet de loi est une recherche de conciliation, si l'on en croit le rapporteur de minorité, avec sa dialectique et sa grande expertise. J'en profite d'ailleurs pour saluer l'excellent travail fait par le rapporteur de majorité.
Cette conciliation entre le secret médical - parce que c'est ça, finalement, la transparence - et le droit à la vérité nous amène bien sûr dans le droit de l'information, dans l'accès à l'information privilégié des proches, dans la chronique d'une mort - que certains souhaiteraient rapidement - du secret médical, et enfin, parfois, dans une forme de judiciarisation. Il est évident que nous entrons dans un cadre qui n'est plus seulement de se forger une opinion sur le risque ou sur le problème, mais c'est une quête de vérité qui se prolonge et qui s'immisce dans les intérêts privés d'un patient, au profit d'un intérêt général ou dans l'intérêt d'une famille.
Alors y a-t-il égale légitimité entre l'un et l'autre ou y a-t-il, au contraire, le devoir de s'effacer, de l'un par rapport à l'autre ? Actuellement, le secret médical va jusqu'à la mort, et il est associé à une responsabilité du médecin, comme cela a été dit. Nous ne sommes donc non plus dans une simple interface entre un principe d'obligation de discrétion, d'un devoir de réserve, mais de fait c'est réellement un testament qui est confié à un médecin et qui correspond à ce que les juristes appellent un contrat de mandat.
Ce secret professionnel s'applique aussi dans le cadre des différentes divergences qu'on peut avoir entre médecins, et finalement il est parfaitement légalisé, puisque le périmètre du soignant est déterminé par la loi, qui lui applique rapidement un principe de culpabilité s'il en déroge ou s'il enfreint cette forme de déontologie.
Il est vrai que le modèle des HUG a permis d'améliorer la situation et qu'il intervient dans les contrepropositions qui seront faites tout à l'heure, mais nous en arrivons au problème essentiel, celui que nous appelons le «dossier douloureux». Dossier douloureux qui peut aussi faire appel à une médiation et qui va bénéficier, comme cela a été dit, de procédures e-toile dans la communication, de directives anticipées, et aussi peut-être d'une certaine forme d'éducation des familles. Car, comme cela a été dit par ma préopinante, derrière ce problème il y a très souvent, soyons francs, des problèmes génétiques, des problèmes de pesée d'intérêts par rapport à des maladies infectieuses; il y a aussi parfois des obligations de dérogation, et cela nous oblige à intervenir dans le cadre du légal.
Exiger des remèdes pires que le mal, ce n'est peut-être pas tout à fait le thème de cette motion, mais enfin, c'est entrer dans le champ des compétences, des expertises et des conflits.
Je voulais revenir sur le fait que notre commission, qui a rejeté ces propositions, s'est basée sur deux éléments: l'un, je l'ai déjà dit la fois passée, c'est l'articulation entre le confidentiel et le transmissible, qui reste toujours un sujet difficile et qui exige la plus grande prudence; le deuxième, c'est l'idéologie de la transparence totale, qui conduit toujours à la langue de bois généralisée...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Michel Forni. ...et qui entraîne souvent, trop souvent, des barrières au-delà de la confidentialité. Il y a donc peut-être besoin d'un recentrage, mais la pesée d'intérêts entre le droit supérieur, la jurisprudence et la loi sur la protection des données fait que le secret médical doit être préservé et ne doit pas être transgressé ! C'est la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien vous invite à ne pas suivre et à rejeter ce texte.
M. Charles Selleger (R). On dit: «Trop de médecins gâchent la sauce.» M. Poggia, rapporteur de minorité, s'étonne de l'unanimité du corps médical ! En principe, quand vous demandez l'avis de trois médecins, vous aurez trois avis différents. Là, ce n'est pas le cas. Pourquoi ? Parce qu'on se trouve sur un sujet basique, sur un sujet extrêmement important ! Il est important non pas pour le médecin lui-même, il est important pour le patient. Je rappelle que le secret médical, ce n'est pas le secret du médecin, c'est le secret du patient. C'est à lui qu'on doit penser !
Notre position vient du fait qu'on veut ouvrir un accès au dossier médical, et on pense - tout le débat tourne là autour - au dossier médical hospitalier de la personne qui est décédée, mais on ne pense pas du tout, et cela n'est pas exclu par cette motion, au dossier médical constitué pendant de très nombreuses années, quelquefois plusieurs décennies, par un médecin traitant à qui on s'est confié progressivement.
On ouvrirait ce dossier, selon les termes de cette motion, à un médecin de confiance, mais à un médecin de confiance nommé par les personnes intéressées à pénétrer ce dossier médical. Je rappelle que lorsqu'on veut un droit à l'information sur des circonstances de décès, on l'a déjà de par les dispositions fédérales, mais on l'a aussi parce que les médecins qui siègent à la commission de surveillance sont tous des médecins de confiance auxquels on peut se référer. Ces médecins-là sont capables de juger dans un dossier médical des éléments qui sont utiles à l'information des proches ou qui sont de nature à devoir être préservés, nonobstant le fait que le malade, le malade décédé, n'a pas pu préciser avant sa mort qu'il voulait absolument que ses données soit protégées.
Je souhaite encore prolonger mon intervention sur les amendements. Le premier amendement, bien sûr, ne nous gêne pas, dans la mesure où il s'agit de dispositions fédérales et qu'on parle de «données médicales nécessaires à leur information», et non pas de divulgation du dossier médical en tant que tel.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christine Serdaly Morgan. Je pense que c'est très bien de prendre déjà position sur les amendements, on gagnera du temps.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). En vue d'accélérer le débat, absolument ! Il n'y a aucun problème. Merci, Monsieur le président.
Quand nous avons accepté cette motion et l'avons renvoyée en commission, il faut le dire, c'est que nous avions l'intuition qu'il y avait une vraie problématique, et cette question s'est révélée absolument juste en commission, au travers des auditions. En effet, combien d'entre nous sont-ils conscients que si son mari ou sa femme meurt, il ou elle n'aura pas accès au dossier médical de son conjoint, cela en dehors de toute question de conflit ?
Je ne le sais pas, mais en tout cas beaucoup d'entre nous, au sein de la commission, n'en avaient pas conscience. Au travers des auditions, nous avons vu que le problème méritait qu'on s'y attelle, mais nous avons aussi vu que la voie pour dessiner une solution respectueuse était fort étroite, parce que, on l'a dit, il y a le respect du secret professionnel et du droit fédéral.
Il y a le respect de chacun à conserver ses secrets sur sa santé physique et mentale. Il y a le respect du proche aussi, dans son désir de savoir et de pouvoir faire son deuil. Et puis, il y a également une réalité qui n'est ni noire ni blanche, et si tous les médecins et les proches étaient parfaits, nous ne serions pas là pour discuter de cette motion.
Enfin, la voie est étroite, parce qu'il existe aujourd'hui une pratique aux HUG qui permet d'accéder au dossier médical, et que l'on peut souhaiter l'équité, à ce sujet, pour la médecine de ville. Dans ce sens, et pendant les auditions, le parti socialiste a préconisé quatre voies, dont deux ont été retenues dans l'amendement qui nous est finalement proposé.
Les quatre voies étaient les suivantes: il y avait en effet la possibilité de désigner un médecin de confiance aussi bien dans le cadre des HUG que dans la médecine de ville; il y avait la possibilité, qui a été retenue, pour les proches de saisir la commission de surveillance, parce que - on l'a vu au travers des auditions - ce n'est pas contraire à la notion de secret, comme nous l'a montré d'une manière extrêmement intéressante le professeur Guillod, de l'Institut du droit de la santé.
Enfin, nous avions fait deux autres propositions, qui n'ont pas été retenues, qui concernaient une politique d'information accrue du département par rapport à l'usage et au recours aux directives anticipées. Maintenant ce principe est entré dans la loi fédérale, on pourrait donc rendre plus publics le sens et l'usage de ces directives anticipées.
Nous avions aussi proposé de rendre moins taboue cette question de la fin de sa vie et d'inviter les médecins, qu'ils soient de ville ou de l'hôpital, à poser systématiquement la question à leurs patients, afin de savoir s'ils souhaitaient que leurs proches aient un jour ou non accès à leur dossier médical.
Les enjeux ici sont importants. L'information médicale est complexe et chacun n'est pas à même de la comprendre. Toutes les informations ne sont pas bonnes à entendre, et dans ce sens il nous a paru à la fois important...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame !
Mme Christine Serdaly Morgan. Oui, je vous remercie, Monsieur le président. Je disais qu'il nous a paru à la fois important de pouvoir ouvrir cet accès, mais aussi de le faire dans un cadre qui soit protégé.
Cette motion n'est pas un projet de loi, elle demande au Conseil d'Etat de travailler sur la question d'une formulation. Si nous ne pouvons accepter la motion telle qu'elle a été présentée à l'origine, nous accepterons le premier et le troisième amendements, de manière à pouvoir revenir sur cette question au travers d'un projet de loi et d'une proposition du Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je répète que nous irons au bout de ce débat, qui a déjà été interrompu la dernière fois. Nous débattrons donc jusqu'à 12h05 ou 12h10. (Remarque.) Monsieur le député Gander, il reste quarante secondes à votre groupe - secondes que vous «mangez» sur le temps qui reste au rapporteur !... Je vous passe la parole.
M. Florian Gander (MCG). Merci, Monsieur le président. J'étais obligé de prendre la parole sur ce sujet. Vous savez que les cas théoriques, ce n'est pas trop mon truc. Je vais donc vous parler sans ma casquette de député - à nouveau - mais d'un cas pratique. Malheureusement, il y a quatre ans, mon cousin, à l'âge de 35 ans, nous a quittés, sans prévenir, brutalement... Aujourd'hui, quatre ans après, nous ne pouvons toujours pas faire notre deuil, parce que nous ne savons pas de quoi il est décédé. Il est impossible pour une famille qui a perdu un proche jeune - il aurait aujourd'hui 39 ans, et nous ne savons toujours pas de quoi il est décédé - de faire son deuil. Pour une simple et bonne raison: le secret médical ne peut pas être communiqué, même aux parents proches !
Je trouve simplement indigne que les familles ne puissent pas savoir de quoi sont décédés leurs enfants. Je ne parle pas, peut-être, des personnes âgées, mais il est vrai que le secret médical, oui, il est important tant que la personne est là, il est important de son vivant ! Mais si une personne part brutalement et ne peut pas transmettre son souhait, parce que...
Le président. Voilà, Monsieur le député ! Je suis désolé, les quarante secondes sont écoulées.
M. Florian Gander. Oui, je termine. Je vous demande simplement de soutenir cette motion, avec les amendements proposés par Me Poggia. (Remarque.) «M. le député» Poggia !
Mme Nathalie Fontanet (L). J'aimerais d'abord relever qu'on a étudié avec grande attention cette motion en commission et qu'on a pris le temps, on a entendu beaucoup de monde; et puis les libéraux ont eu un souci - je crois que M. Gander vient de le révéler en s'adressant à son député rapporteur de minorité, et j'ai beaucoup de respect pour M. Poggia - nous avons vraiment ressenti le fait que cette motion était déposée par un avocat, un avocat habitué à représenter les patients, voire les familles des patients. On a senti à un moment donné, dans cette motion, une volonté de judiciarisation ou en tout cas la tentative de trouver des solutions à des obstacles qu'il rencontrait au niveau judiciaire pour représenter certains. Je ne vous cache pas que c'est intéressant, parce que nous devons prendre en compte les soucis de chacun, les soucis des familles qui ne peuvent pas faire leur deuil; mais nous devons aussi prendre en compte le souci du patient qui, lui, a droit à ce secret médical.
Pour nous, en tout cas pour les libéraux, il ne s'agit pas, en refusant cette motion, de protéger la caste des médecins contre des actes qui n'auraient pas été effectués dans la bonne pratique de la médecine ! Ce n'est en aucun cas le but des libéraux et le but de notre refus. Ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait d'autres solutions qui soient prises pour permettre au patient de se déterminer lui-même sur ce qu'il souhaite faire de ce secret médical au-delà de sa période de vie; qu'il se demande: «Qu'est-ce que je veux demain, si je décède ? Est-ce que je veux que mes enfants puissent avoir accès à mon dossier ? Est-ce que je veux nommer un représentant thérapeutique ? Est-ce que je veux indiquer à mon médecin qui de ma famille pourra savoir ce qu'il m'est arrivé et dans quelles limites ?»
Nous estimons que c'est la seule solution pour maintenir ce secret médical, pour préserver la vie personnelle du patient et pour éviter tout dérapage qui, comme nous l'avons entendu en commission, n'est pas toujours un dérapage de la famille proche - de la famille qui a été là, qui a assisté le patient tout au long de sa maladie - de l'enfant qui a été présent tous les jours à l'hôpital, qui a pu rencontrer le médecin, qui a pu échanger avec lui au sujet de l'évolution de la situation du malade. Eh bien, non ! Souvent, ce sont des familles qui, tout d'un coup, y trouvent un intérêt très important une fois que le patient est décédé, qui se disent que, peut-être, elles ont loupé un événement important et aimeraient savoir ce qui s'est passé. Je ne remets pas en question l'intérêt de ces familles, mais je pense que l'intérêt prépondérant c'est celui du patient, à conserver ce secret médical, même au-delà de sa mort.
Pour ces raisons, Monsieur le président, le groupe libéral acceptera uniquement le premier amendement, celui qui est conforme à la situation de la jurisprudence aujourd'hui, qui ne remet pas en cause cette valeur du secret médical et qui ne permet pas au médecin ni à la famille d'oublier que ce patient, lorsqu'il a rencontré son médecin, lorsqu'il a été soigné, était conscient de l'existence de ce secret médical. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est, pour quarante-quatre secondes, à M. Patrick Saudan. Quarante-quatre secondes !
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Je vais donc essayer d'être bref. Permettez juste à un médecin hospitalier de ne pas répéter les propos de ses préopinants, mais juste d'indiquer que cette motion s'inscrit quand même dans une perspective de litige, de judiciarisation de la médecine, et je dois vous rendre attentifs à un dommage collatéral: on l'a vu aux Etats-Unis, une médecine judiciarisée est une médecine qui devient défensive, parce que les médecins, sous le prétexte d'une sécurité juridique, s'ils savent que le secret médical peut-être levé après la mort de leur patient, vont verser dans la futilité !
C'est quelque chose que je vois tous les jours: on multiplie les actes pour se protéger, on va multiplier les investigations, et cela se fait au détriment des patients, parce que toute investigation a des effets secondaires, surtout dans les derniers stades de la vie.
C'est pour cela que nous sommes extrêmement réservés sur cette motion. Nous accepterons le premier amendement, comme cela a été dit par les autres groupes, mais nous refuserons le troisième amendement de M. Poggia.
M. Marc Falquet (UDC). Si cette motion a été déposée, c'est qu'il y avait un véritable problème, et je pense que le conseiller d'Etat est au courant. Il ne s'agit pas de soupçonner les médecins, mais bien, comme l'a dit mon collègue Gander, que les familles puissent faire leur deuil.
Actuellement, on a une judiciarisation des cas, puisque, lorsque les gens s'adressent à la commission de surveillance, en général, s'ils reçoivent un accusé de réception après six mois, c'est bien... Habituellement, ils n'ont même pas d'accusé de réception. Ils s'adressent donc au prochain échelon, c'est-à-dire à la police, laquelle entendra une vingtaine de personnes - cela ne servira souvent à rien du tout, cela ne résoudra pas le problème - et les familles resteront frustrées. Par ailleurs, je ne crois pas que ce soient les avocats qui cherchent à pratiquer du clientélisme; ce sont les gens qui souffrent qui vont s'adresser aux avocats.
Le but est donc d'améliorer la communication sans dévoiler le secret de fonction. C'est simplement une question d'humanité. Souvent, les médecins, par crainte - ou un peu par rigidité - ne communiquent pas les choses élémentaires aux familles, pour les soulager et simplement leur donner quelques informations sans dévoiler le secret médical.
L'UDC votera l'amendement qui permet à un médecin de famille, non pas d'enfreindre le secret médical mais de soulager les familles - c'est cela le problème, c'est de soulager les familles et qu'elles puissent faire leur deuil. L'UDC votera aussi le troisième amendement, puisque pour l'instant la commission de surveillance ne répond en général pas aux questions. Donc cela préviendra une judiciarisation.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est pour une minute à M. le rapporteur de minorité Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Pour répondre à Mme Nathalie Fontanet, c'est vrai que je suis avocat, c'est vrai que je suis spécialisé dans le domaine de la responsabilité médicale; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je sais qu'il y a une souffrance, je la touche quotidiennement en côtoyant les proches, et je dois vous dire que si je ne pensais qu'à mon propre intérêt la situation actuelle me conviendrait très bien, puisque je fais de longues procédures pour tenter d'avoir des renseignements qu'on pourrait souvent obtenir simplement, avec les propositions qui vous sont faites ici.
Donc le but est véritablement de soulager les proches, d'apporter un minimum de transparence, et je ne comprends pas pourquoi le corps médical s'arc-boute et se recroqueville lorsqu'on parle de transparence.
Faire de la politique, c'est aussi arbitrer des intérêts opposés pour trouver ce subtil équilibre qui permet de tenir compte, bien sûr, de l'intérêt légitime du patient au respect de son secret, mais aussi de ne pas faire en sorte que ce secret serve à d'autres fins que celles pour lesquelles il a été érigé, c'est-à-dire protéger le patient. Il ne s'agit pas...
Le président. Voilà, c'est terminé, Monsieur le rapporteur.
M. Mauro Poggia. ...de protéger la mauvaise pratique médicale. Je dirai simplement - et j'en ai terminé, Monsieur le président - que si vous refusez une amélioration, la seule alternative aujourd'hui c'est une procédure pénale douloureuse pour tout le monde.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, pareille motion nous interroge sur des choses de la plus fantastique des intimités qui sont tout à la fois le secret, la relation aux proches - qu'il ne faudrait pas dépeindre comme étant toujours aussi innocente que ce qu'on imagine - et la mort. C'est donc un débat très consciencieux qui a eu lieu en commission et qui avait débouché sur le rejet de la première version de la motion, dont Monsieur le député rapporteur de minorité, sans vous faire aucun procès - je n'en ai pas la compétence, n'étant ni procureur ni avocat - on avait tout de même l'impression que vous l'aviez pensée plus comme avocat que comme témoin de difficultés, telles que nous les a présentées le député Gander.
Cela étant dit, il n'est pas anormal qu'un avocat écrive en termes juridiques. Ce n'est donc pas un reproche que je vous fais, mais le ressenti que cela avait généré avait mené à un rejet.
La question fondamentale qui se pose est effectivement quand des proches sont confrontés - c'est une expérience que j'ai vécue malheureusement à maintes reprises lorsque je dirigeais le service des urgences - à une mort inattendue, inopinée, dans laquelle, très naturellement, dans la phase de révolte face à ce décès brutal, on se demande qui sont les complices. Qui sont les complices ? Est-ce que ce ne sont que les coronaires ? Est-ce le cardiologue qui a mis le cathéter ? Est-ce le médicament qu'avait donné l'ambulancier ? Toutes ces interrogations sont totalement légitimes dans l'émotion, la plus importante que l'on puisse vivre, qu'est la mort d'un proche.
Cela étant, nous avons travaillé - et j'ai eu l'occasion de vous en parler hors de ce débat officiel - sur l'intérêt qu'il y aurait à ancrer dans la loi sanitaire genevoise l'essence légistique de l'arrêt du Tribunal fédéral qui confirme la possibilité de médiation par un médecin de confiance des proches, en général leur médecin traitant, à qui ils vont demander d'aller voir le dossier avec le médecin de l'hôpital pour être sûrs que tout s'est passé normalement. Je pense qu'il est important de mettre cela dans la loi, afin que les gens sachent qu'il y a un recours naturel possible qui est le recours le plus simple; c'est de passer par un autre professionnel en qui on a confiance, pour être certain que les choses se sont bien passées. Cela ne viole pas le secret médical, bien qu'on pourrait discuter à l'infini de savoir si passer un secret d'un médecin à un autre n'est pas déjà une violation, mais on ne va peut-être pas aller trop loin dans la complication. Je pense que cette idée est bonne et il s'agit d'ailleurs de votre premier amendement.
J'ai plus de doutes quant au deuxième amendement, pas tellement des doutes qui se rapporteraient à un intérêt qui ne serait pas celui des proches, mais plutôt le doute de savoir ce qu'on va demander comme décision motivée. Car de deux choses l'une: soit on demande à la commission de surveillance si elle a l'impression que tout s'est déroulé normalement, et elle répond comme actuellement: «Nous n'avons pas observé d'agissement professionnel incorrect»; soit la famille va demander de quoi il s'agissait exactement, et à ce moment-là on viole le secret. Donc votre troisième amendement me paraît moins convaincant que le premier.
Ce que je vous suggère, c'est de nous renvoyer la motion avec seul le premier amendement, afin qu'on lui donne une concrétisation législative et qu'on regarde un peu comment cela fait évoluer les choses dans notre société. Je pense notamment à des meurtrissures très profondes, telles qu'a pu les rencontrer le député qui a raconté sa propre histoire.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter de la façon suivante. Il est proposé de remplacer les trois invites de la motion par deux nouvelles invites qui figurent dans l'amendement que vous avez reçu et qui en comportait trois à l'origine. Je vais vous faire voter ces deux invites nouvelles séparément. C'est clair ? (Brouhaha.) Il s'agit donc de la première et de la troisième invite, le rapporteur ayant renoncé à la deuxième.
Je vous lis la première invite: «Les fondements de la jurisprudence du Tribunal fédéral permettant aux proches d'un patient décédé de désigner un médecin de confiance, avec pour mission de recueillir les données médicales nécessaires à leur information.»
Mise aux voix, cette invite est adoptée par 57 oui contre 3 non et 17 abstentions.
Le président. Nous nous prononçons maintenant sur l'invite numéro 3 - elle figure au bas de la page de l'amendement présenté: «Les fondements garantissant aux proches d'un patient décédé qui saisissent la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients le droit d'être entendus et de recevoir une décision motivée dans le respect du secret médical.»
Mise aux voix, cette invite est rejetée par 40 non contre 33 oui et 4 abstentions.
Le président. Je vous soumets maintenant la motion amendée comme suit: «Amendement général. Invite unique: à intégrer dans la législation genevoise les fondements de la jurisprudence du Tribunal fédéral permettant aux proches d'un patient décédé de désigner un médecin de confiance, avec pour mission de recueillir les données médicales nécessaire à leur information.»
Mise aux voix, la motion 2042 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 11 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous remercier de la haute tenue de ce débat-là ! (Brouhaha.) Je vous donne rendez-vous à 14h.
La séance est levée à 12h.