Séance du
jeudi 21 février 2013 à
17h
57e
législature -
4e
année -
5e
session -
22e
séance
PL 10963-A
Suite du premier débat
Le président. La parole est à M. le député Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques a pu étudier ce projet de loi à deux reprises puisque, comme l'a dit le rapporteur de majorité, le projet de loi 10963 est un copier-coller du PL 10602. Dans les deux cas de figure nous n'avons pas mené d'auditions, et ces projets de lois ont été rejetés à une très grosse majorité. La seule différence c'est que, lors de la deuxième mouture, seule l'UDC a changé d'avis, et je serais heureux d'entendre les explications de ses membres à ce niveau-là, étant donné qu'ils avaient voté contre le projet de loi qui avait été précédemment proposé par M. Nidegger.
Alors je ne vais pas rappeler tous les éléments qui ont été évoqués par le rapporteur de majorité; je pense que la commission a été convaincue que l'argument selon lequel les listes de traverse... (Brouhaha.) ...obéraient ou diminuaient la liberté de jugement des électeurs en leur demandant un effort supplémentaire pour biffer ou rajouter un nom ne tenait pas debout, puisqu'environ la moitié de la population genevoise biffe ou modifie ces bulletins de vote lorsqu'il s'agit des élections pour l'exécutif.
De plus, je veux revenir sur l'histoire du contrat de gouvernement: je ne suis pas d'accord avec le rapporteur de minorité. Il ne faut pas confondre contrat de gouvernement et programme du Conseil d'Etat. Un contrat de gouvernement implique que des partis jugent leurs programmes politiques assez compatibles pour proposer une politique cohérente lorsque leurs membres seront élus dans l'exécutif. C'est pour cela que le groupe radical n'a pas changé d'avis et aura la même réponse qu'il y a trois ans, c'est-à-dire ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Catherine Baud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lors de la présentation de ce projet de loi il nous a été proposé une réponse à quatre questions: comment moraliser la vie politique; comment sortir des jeux politiciens; comment intéresser et motiver les électeurs; et enfin, comment faire le ménage dans le capharnaüm que sont les élections - et même, je cite: «Le capharnaüm irrespectueux des citoyens que sont les élections.» Eh bien, il y aurait une solution miraculeuse qui serait de proposer des listes à remplir aux électeurs. En réalité, nous sommes assez sceptiques devant cette solution, puisque la liste vierge existe déjà. Mais évidemment, les listes préimprimées - même si elles peuvent être modifiées - sont situées devant ces listes vierges ! Mais quelle insupportable manipulation de l'électorat !
Vous aurez compris que les Verts ne soutiendront pas ce projet de loi; ils vous proposent évidemment de ne pas entrer en matière, pour la raison toute simple qu'ils ne croient pas aux miracles du MCG.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie le rapporteur de majorité... (Brouhaha.) ...qui a parfaitement analysé les avantages de ce merveilleux projet de loi. Celui-ci repose sur une stratégie qui devrait tout d'abord s'appuyer sur un socle démocratique solide - ce qui n'est pas tout à fait le cas - qui devrait faire appel à des systèmes institutionnels et à des pratiques qui évitent tout favoritisme et tout clientélisme - bien que cela décourage généralement l'innovation - et, comme cela avait été dit, qui devraient motiver l'électeur à faire parfois le ménage dans ce qui lui est proposé.
Mais lorsqu'on s'interroge sur le fond, on peut se dire que finalement ce projet de loi est une entreprise de destruction dynamique, puisqu'on supprime les listes de traverse et qu'on ne soutient que celles qui restent neutres. Il s'agit donc, d'une certaine façon, de stigmatiser les intermédiaires... Et puis alors, la cerise sur le gâteau c'est de comparer ce qui n'est pas comparable, c'est le benchmarking entre l'exemple zurichois - qui n'est pas du tout le même que le nôtre - et les comparaisons à l'italienne, c'est dire la différence de scénarios. Ce type de réforme mobiliserait donc des atouts, mais ces atouts sont bien minces et nous y voyons surtout des effets pervers.
Monsieur le rapporteur de minorité, Genève s'est dotée d'une confiance interpersonnelle et entend se dispenser d'une défiance banalisable, c'est la raison pour laquelle elle est toujours prête à écouter les critiques, à formuler de nouveaux scénarios. Mais, sur les bases qui nous sont proposées - vous l'aurez compris - nous n'entendons nullement plébisciter ce programme et vous invitons également tous à le refuser.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ne croyez pas que c'est un moment de gêne, j'essaie simplement de répondre à mon préopinant, M. Saudan, qui a cru fin, adapté, de dire que, la première fois, l'UDC voulait ce projet de loi et que, la deuxième fois, elle ne le voulait pas. Eh bien oui, il peut arriver parfois qu'il y ait des méprises tragiques et des incompréhensions, ce pourquoi notre camarade incriminé s'en veut profondément, mais rassurez-vous, lors du vote, vous pourrez contrôler - peut-être que certains demanderont le vote nominal - l'UDC adoptera ce projet de loi.
Mesdames et Messieurs les députés, oui, c'est un copier-coller; oui, nous le savions; oui, nous le voulions; oui, nous sommes contents. D'ailleurs, je regarde avec une certaine sympathie M. Limpo qui, il y a deux ans ou deux ans et demi, était également rapporteur de majorité alors que c'était moi qui tenais la place de M. Cerutti.
Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes là dans un débat de fond: peut-on ou ne peut-on pas, dans une élection majoritaire - et on ne parle que des élections de l'exécutif - influencer le citoyen ? Vaste débat, me direz-vous ! Vaste débat que nous soulevons - et que nous dénonçons - parce que, comme je l'avais dit, à l'époque, ce qui est proposé n'est pas un fait unique, une Genferei de plus; c'est déjà en cours dans le canton de Zurich où, pour les élections de magistrats, on ne peut employer que le bulletin officiel et inscrire soi-même, à la main, les noms des candidats.
Alors vous l'aurez compris, on ne va pas aller plus loin. Nous connaissons l'ostracisme que vous faites contre cela. Nous en parlons en public, nous disons que vous avez tort et nous soutiendrons le rapporteur de minorité.
M. Serge Hiltpold (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas épiloguer trop longuement sur ce projet de loi, nous avons déjà eu des débats à ce sujet il y a à peu près une année. J'aimerais simplement revenir sur le premier argument qui est celui de l'amélioration du taux de participation des élections. Je crois que, pour améliorer ce taux, des efforts ont été faits par le service des votations, avec notamment le vote par correspondance, la possibilité de voter par internet et d'avoir un troisième choix sur le local de vote. Donc je ne pense pas qu'on va améliorer la participation en mettant des listes vierges. Ça c'est pour le premier argument, que je trouve complètement dépassé.
La deuxième chose, c'est que, les listes de traverse, elles existent ! Elles représentent des soutiens aux partis et respectent les droits populaires. Pourquoi ? Parce qu'il y a des gens figurant sur une liste de traverse qui ne veulent pas forcément être affiliés à un parti politique, mais qui sont des sympathisants - des sympathisants des commerçants, des artisans, des associations de quartier, etc. - et je pense qu'ils méritent aussi d'avoir un appui sur ces listes de traverse.
Troisièmement, en ce qui concerne le respect des électeurs et l'argument que vous citez, je pense que c'est simplement prendre les gens pour des imbéciles ou des demeurés que de ne pas imaginer qu'ils sont capables de savoir ce qu'est une liste de traverse.
Je vais conclure sur la position suivante: le parti libéral-radical avait maintenu une ligne de conduite qui était le refus de ce projet, il la tient et vous invite à faire de même. Merci.
M. Didier Bonny (HP). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi pose une bonne question, mais, de mon point de vue, apporte une mauvaise réponse. Il me paraît en effet important que les électrices et les électeurs puissent savoir, sur le bulletin, à quels parti, alliance, groupement ou association appartiennent le ou les candidats et candidates. Par contre, la multiplication des listes, avec parfois... (Commentaires.)...des énoncés qui peuvent - et le droit d'affichage qui va avec - induire en erreur les électrices et électeurs, eh bien cela pose effectivement un problème. C'est la raison pour laquelle je soumettrai prochainement, avec celles et ceux qui voudront me suivre, un projet de loi visant entre autres à prévenir la multiplication des listes comportant les mêmes candidats.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, le débat est évidemment intéressant. M. le rapporteur de majorité nous dit qu'on ne change pas les règles du jeu pendant la partie; le problème c'est qu'ici la partie n'est jamais finie... (Brouhaha.) Donc si l'on attend la fin de la partie pour changer les règles du jeu, la fin de la partie adviendra quand vous serez sortis du gouvernement, mes chers amis ! Ce sera en tout cas la fin de votre partie, dans tous les sens du terme. (Rires.)
La question qui se pose ici, c'est de savoir si l'on peut continuer à jouer sur une possible méprise de l'électorat pour essayer d'obtenir des voix supplémentaires dans des élections majoritaires. Je le dis bien - et je le précise - ce sont uniquement dans des élections majoritaires, pour lesquelles évidemment la personnalité du candidat est centrale. Le parti qui le présente est aussi fondamental. Donc nous voulons que les listes soient limitées en nombre, que chaque parti présente ses propres candidats et que les électeurs puissent savoir pour qui ils votent, le cas échéant avec le panachage et le latoisage que vous connaissez bien - on peut en enlever, on peut en rajouter. Nous ne voulons pas ces listes d'entente et d'alliance. Pourquoi ? Evidemment parce que cela ne nous intéresse pas sur le plan politique ! On n'est pas ici pour se mettre des autogoals ! Et je comprends parfaitement que de l'autre côté de la barre, si j'ose dire, vous soyez tout à fait satisfaits de cette situation. Mais il se trouve qu'avec ces listes d'entente on fait passer des personnes qui parfois ne sont pas à la hauteur de la fonction ! (Brouhaha.) Donc on va voter des paquets, sans forcément voter des personnes, et ça je pense que c'est tromper l'électeur. Mais pire encore, je dirai que ce sont ces listes de traverse... (Brouhaha.) ...et là vous aurez: «Pour les locataires, votez M. Pierre Maudet» - je prends M. Maudet, j'aurais pu mettre n'importe qui. Vous aurez aussi: «Pour les propriétaires, votez M. Pierre Maudet»; «Pour les automobilistes, votez M. Pierre Maudet»... (Commentaires.) «Pour les cyclistes, votez M. Pierre Maudet» - on trouve toujours cinquante personnes qui sont prêtes, au sein de nos partis, à signer ces listes de traverse ! Ce n'est pas sérieux !... Ce n'est pas sérieux, cela veut dire que ceux qui ont les moyens de se payer trente listes de traverse vont avoir leur nom sur trente listes différentes, au point où l'électeur qui lit ces listes pense de bonne foi qu'il y a une association derrière tout ça, que cette association a pesé le pour et le contre, qu'elle a considéré que le candidat en question allait dans les vues de cette association... C'est un leurre ! C'est un leurre ! Nous voulons simplement que ces leurres disparaissent dans le cadre des élections majoritaires et, une fois de plus, nous voulons que nos électeurs votent pour des personnes, et uniquement des personnes.
M. Antoine Bertschy (UDC). Vous transmettrez à notre néocollègue, Didier Bonny, que quand on est élu sur une liste PDC et que, pour finir, on siège comme indépendant, et qu'ensuite on vient dire que c'est tromper l'électeur que de ne pas indiquer le nom du parti qu'on représente, eh bien c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité ! Lui, il représente un parti, mais pour finir il est élu pour un autre, dont il est le seul représentant... C'est quand même un peu surprenant. (Brouhaha.)
Mais là n'est pas le thème de ce débat. Ce débat concerne les élections à l'exécutif. Et il faut se demander pour qui nous votons, à l'exécutif. Est-ce qu'on vote pour des partis ou est-ce qu'on vote pour des personnes ? Tout le monde, tous les électeurs que vous rencontrerez vous diront qu'ils votent pour des personnes, et non pas pour des partis ! Alors à quoi bon faire des listes de partis ? A quoi bon faire des listes de partis ?! Mettons les noms, et les gens choisiront par rapport aux qualités des candidats ! Dans cet exécutif que nous avons, à l'heure actuelle, si cela se passait comme le veut ce projet de loi, il y a fort à parier qu'il y aurait deux ou trois conseillers d'Etat qui ne seraient pas en place; malgré tout le talent de votre conseiller d'Etat Unger, je ne sais pas s'il serait passé sans les voix PLR ! C'est un excellent candidat, certes, mais sans les voix PLR il ne serait peut-être pas passé ! Aurait-on perdu quelque chose ? Peut-être ! Aurait-on gagné mieux ? Peut-être aussi ! Laissons les électeurs choisir, sans essayer de les influencer ! Sans faire des alliances ! Ce qui vous est proposé est une solution. Moi j'en vois une autre, avec le nouveau système: c'est d'interdire les alliances au premier tour ! Les partis présentent tous les candidats au premier tour, et ensuite, au deuxième tour, des alliances sont permises. Mais laissez au moins les citoyens choisir, et en ne les influençant pas ! Et en ne leur donnant pas des paquets ficelés à cause desquels ils se sentent parfois obligés de voter pour la totalité de la liste.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Nous ne voulions pas prendre la parole, mais ce qui vient d'être dit par M. Poggia est quand même décevant. Ce qu'il est en train de nous dire, c'est que les électeurs votent n'importe quoi, ne sont pas conscients de ce qu'ils votent, qu'ils peuvent être influencés... (Brouhaha.) ...et en particulier influencés par tout ce que les gens qui soutiennent le rapport de minorité ont dit, c'est-à-dire des prismes négatifs, des prismes de manipulation qu'il pourrait y avoir dans ces listes de traverse. Or ce qu'on oublie de relever, c'est que ces listes de traverse sont aussi le signe d'un dynamisme politique, non seulement des partis mais aussi d'associations, dans différents domaines, domaines que des personnes qui se présentent à des élections soutiennent dans la vie de tous les jours, dans la vie associative, dans la vie professionnelle. Il est important aussi que l'électeur soit informé de cela à travers ces listes de traverse ! Car la politique ne se fait pas seulement en termes de gestion ou d'une police - c'est-à-dire de ce qui gère une ville ou un territoire au niveau d'un parlement - mais elle s'effectue bien aussi dans la rue, de même qu'à travers des actions concrètes. Et c'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que le parti socialiste, qui n'est pas riche - et qui, contrairement à ce qui a pu être dit, soutient X listes de traverse... C'est faux ! Je crois que c'est faux - peut-être que certains peuvent le faire... Mais cela fait partie de ce discours un peu manipulateur qui est de dire que les riches peuvent se payer des listes de traverse, et les autres pas ! Le Grand Conseil à d'autres points à traiter que celui des personnes élues, et pour cela, Mesdames et Messieurs, nous soutiendrons le rapport de majorité, afin que ces expressions puissent continuer à être vivantes... (Commentaires.) ...lors d'élections, qu'elles soient cantonales ou municipales.
Le président. La parole est à M. le rapporteur de minorité remplaçant, soit M. Thierry Cerutti. (Commentaires.) Il n'a plus de temps ? Vous avez épuisé votre temps, Monsieur le rapporteur. (Commentaires.) Le rapporteur de majorité également ? Alors... (Remarque.) C'est lui qui tient l'horloge, donc je dois l'écouter ! La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter... (Remarque.) Oui, Monsieur le rapporteur de minorité !
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité ad interim. Je demande le renvoi en commission. (Brouhaha.)
Le président. Renvoi en commission: bien ! (Commentaires.) Je rappelle que les deux rapporteurs peuvent s'exprimer chacun trois minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Miguel Limpo (Ve), rapporteur de majorité. Très brièvement: nous avons déjà étudié ce projet en 2010; et nous l'avons étudié en 2012 ! Je n'ai pas envie qu'on le réétudie en 2013, donc je vous invite à refuser le renvoi en commission.
Le président. Très bien. La parole est à M. le rapporteur de minorité.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité ad interim. C'est vrai qu'on a entendu beaucoup de choses, notamment concernant les associations qui souhaitaient déposer des listes, et par rapport à cela je trouve dommage que la commission n'ait pas pris le temps d'auditionner ces dernières. Est-ce qu'elles déposent réellement des listes pour tel et tel parti ? (Brouhaha.) Est-ce qu'au final il ne serait pas intéressant aussi d'entendre des citoyens, afin de voir ce qu'ils en pensent ? Pas forcément tout le monde, mais il me semble que ce projet de loi a été traité de manière assez... expéditive ! Et pouvoir entendre des associations serait de bon aloi, de même que d'entendre des associations, des citoyens - écouter le cri du coeur de ces gens - et de se demander s'il vaut la peine de changer le mode d'élection, comme le vit Zurich aujourd'hui, et cela naturellement dans le respect de l'électeur, avec de la transparence quant aux élus et avec une représentation démocratique juste.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant cette fois plus demandée, Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais tout d'abord voter sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10963 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 65 non contre 18 oui.
Le président. Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération de ce projet de loi-
Mis aux voix, le projet de loi 10963 est rejeté en premier débat par 64 non contre 18 oui.
Le président. Je salue, à la tribune, un groupe de l'Université ouvrière de Genève, accompagné de M. Jacques Bastianelli, professeur en histoire et civisme. Ce groupe vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique suisse. (Applaudissements.)