Séance du
jeudi 13 décembre 2012 à
20h30
57e
législature -
4e
année -
3e
session -
12e
séance
R 691
Débat
Le président. Nous reprenons l'ordre du jour au point 31, et je donne la parole au premier signataire, M. David Amsler.
M. David Amsler (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de résolution émane de notre groupe PLR et a été rédigé aux mois de mars-avril de cette année, lorsque le Conseil d'Etat a décidé de diminuer assez drastiquement les investissements dans les infrastructures de notre canton. Effectivement, jusqu'à l'année passée, c'est près d'un milliard qui a été investi dans les infrastructures et dans les projets immobiliers et autres routes de notre canton. Cette année, dans notre projet de budget 2013, il reste entre 500 et 600 millions inscrits au budget - enfin, le jour où on le votera - ce qui fait que de nombreux projets doivent être reportés.
Les raisons de ces reports sont compréhensibles, puisque l'état des finances de notre canton ne fait aujourd'hui plus de secret, avec une dette qui s'élève à près de 11 milliards, l'assainissement de nos caisses de pension, ainsi qu'un budget 2013 extrêmement difficile à mettre sur pied. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, le ratio entre nos investissements, d'environ 600 millions, et le budget de fonctionnement de l'Etat, d'environ 7 milliards, est extrêmement faible. Il est bien plus faible, probablement, que dans la plus petite des communes du canton de Genève. De plus, l'année prochaine nous allons tout droit vers une année électorale...
Une voix. Ah bon ? (Brouhaha.)
M. David Amsler. ...et il est bien connu que ces années sont peu favorables aux nouveaux projets, puisque - on le sait - en général on gagne plus facilement une élection en étant contre des projets qu'en étant pour. Donc, effectivement, l'année électorale n'est pas très favorable au lancement de nouveaux projets. D'autant moins qu'il y a eu également passablement de changements de magistrats, or on sait que pour mener des projets à terme, il faut une certaine continuité aussi dans la gestion des projets.
Pour toutes ces raisons financières et politiques, on a bien compris que le contexte général n'est pas très favorable aux investissements de l'Etat. Par contre, il est absolument nécessaire de poursuivre l'amélioration de nos infrastructures et le développement de la région pour toutes les raisons que vous connaissez. Cette résolution invite donc le Conseil d'Etat à favoriser les investissements privés, et je pense qu'autour de vous, vous avez tous beaucoup de demandes, dans pratiquement tous les secteurs, de privés qui aimeraient investir.
Alors, quel est le rôle du canton ? Le rôle du canton est absolument essentiel. Le canton doit fournir des conditions-cadres pour favoriser ces investissements privés. C'est l'invite de cette résolution. Dans cette dernière, plusieurs types d'investissements privés sont mentionnés. Aujourd'hui, je ne veux pas mettre en avant les PPP, qui sont un montage assez mal connu dans le canton de Genève, dans lequel l'Etat sollicite des privés pour financer des infrastructures qui sont du ressort de la collectivité publique.
Nous pensons que la collectivité publique doit continuer à investir dans les projets qui lui sont propres, mais aussi pouvoir déléguer à des privés tous les projets qui ne sont pas directement de son ressort. Pour pouvoir favoriser ces investissements, on peut imaginer des droits de superficie - on connaît le mécanisme - on peut imaginer des ventes, des sociétés mixtes, dans lesquelles l'Etat ou les communes sont partenaires et, dans tous ces projets, on peut peut-être mentionner quelques-uns des grands projets d'infrastructures qui ont cours aujourd'hui dans le canton, comme le développement du PAV, de la caserne des Vernets, du périmètre de l'Etoile, des logements...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe.
M. David Amsler. ...ou de la traversée du lac. Voilà, Monsieur le président, j'en ai terminé pour cette première intervention. Le groupe libéral du PLR vous engage à soutenir cette résolution, et je reprendrai la parole au sujet des amendements demandés par le groupe MCG.
M. Mauro Poggia (MCG). Vous avez vu que nous avons déposé une demande d'amendement. Sur le principe, nous considérons aussi que les biens de l'Etat doivent être rentabilisés. Nous sommes aussi pour ce qu'on appelle les PPP - les partenariats public-privé - par contre, nous ne sommes pas pour la réalisation des biens de l'Etat en faveur des particuliers. J'ai le souvenir d'un certain Silvio Berlusconi, en Italie...
Une voix. Ah !
M. Mauro Poggia. ...qui avait une certaine tendance à effectivement faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat en vendant les biens de la collectivité, à des acheteurs évidemment sélectionnés, et je pense que nous ne devons pas tomber dans ce travers. C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'effectivement si l'Etat a des locaux dont il n'a pas besoin, il doit les mettre en location; s'il y a des droits de superficie qui peuvent être accordés, il faut les accorder, mais nous ne sommes pas pour une vente des biens de la collectivité publique pendant cette période. Ce qui est vendu a disparu. Nous sommes plutôt pour acheter que pour vendre, parce que c'est ainsi que l'Etat construit sa fortune pour les générations à venir. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, si vous acceptez cette résolution, de supprimer le premier point de la première invite, ainsi que, dans le troisième point de celle-ci, les termes «ou la vente». La location ne nous gêne pas, mais pour nous la vente est exclue.
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on peut, en période de vaches maigres, s'accommoder de la situation, on peut faire mine de déplorer sa sévérité et puis on peut aussi, en riposte à une politique budgétaire difficile, oser et proposer. Le texte qui nous est offert ce soir rappelle que favoriser les investissements privés peut répondre aux besoins de la population, de notre république également, en matière de logements, de sécurité, de santé, de sport et d'installations. Je rappelle qu'il propose aussi un contrôle parlementaire, notamment par la commission des finances, à intervalles réguliers, et qu'il réactive, comme cela a été dit, le partenariat public-privé, avec un certain effet booster. Mais on peut toujours, en arrière-pensée, estimer bassement qu'il y a un aspect mercantile qui servirait d'aiguillon à ce projet - et pourquoi pas ?
Alors est-ce que cette résolution est un modèle pour la droite ou est-ce qu'elle est un piège pour la gauche ? Eh bien, ce n'est probablement ni l'un ni l'autre, car, comme le disait M. Deng Xiaoping, camarade bien connu, peu importe la couleur du chat, pourvu qu'il attrape des souris.
Une voix. Ah, joli !
M. Michel Forni. Alors, pas de trompe-l'oeil, il est vrai, dans ce combat, dans cette compétitivité, qui permet de réactiver nos leviers, notre performance, notre innovation et également le dialogue social. Certes, adhérer à ce projet n'est pas un Saint-Graal de sciences sociales, parce qu'il n'est ni bon en soi, ni bon à tout, mais les propositions ont le mérite d'être claires et convaincantes. Le PDC peut y adhérer, car le triptyque croissance, travail et emploi ne peut qu'en bénéficier, dans un contexte de modèle productif qui associe diversité et flexibilité.
Le dispositif qui est proposé est donc intéressant, non seulement dans sa mise en scène, mais surtout dans sa mise en oeuvre, raison pour laquelle, sans myopie stratégique ni déni de réalité, le PDC vous propose de l'accepter tel quel et de le transmettre à la commission de l'économie. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez les Verts, ils sont peu étatistes; ils sont pour un Etat fort, certes, mais ils ne pensent pas que le tout-à-l'Etat soit une bonne solution. Nous accueillons favorablement ce projet de résolution, tout en rappelant que nous avons soutenu le PPP - le partenariat public-privé - en particulier autour des vélos en libre service, mais ce n'est pas le sujet de ce soir. (Rires.)
Les Verts, contrairement aux libéraux, ont confiance en François Longchamp... (Rires.) Nous pensons que c'est un conseiller d'Etat à même de mener une politique offensive en termes de logements. Je vois que, du côté du parti libéral, ce n'est pas forcément le cas.
Néanmoins, nous pensons que les propositions qui sont là vont dans le bon sens. Ce sont des positions que nous pensons pouvoir soutenir, mais nous voulons simplement vous demander de les étudier en commission d'aménagement du canton, c'est pour cela que nous proposerons le renvoi à cette commission.
M. Bernhard Riedweg (UDC). La résolution fait mention d'une dette de 11,4 milliards, une dette consolidée de 14,1 milliards selon les comptes 2011. Il y a des investisseurs qui regorgent de liquidités, Mesdames et Messieurs, notamment les investisseurs privés qui ont plus de 50 millions, les caisses de pension suisses et étrangères, des sociétés étrangères en Suisse, des fonds de placement, des hedge funds. Ces investisseurs ont de l'argent à investir et notamment dans un canton comme Genève. En effet, Genève est attractif parce qu'il est sûr, il a une solvabilité, il a un très bon rating et est très connu dans le monde entier. Il y a des banques spécialisées dans ce domaine de recherche de fonds. Les investisseurs publics et privés séduisent, car il y a deux entités qui analysent la rentabilité et le risque. En conclusion, nous sommes pour un renvoi de cette résolution à la commission de l'économie.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont réellement l'impression d'assister à un épisode d'un très mauvais feuilleton ! «Favorisons les investissements privés dans le canton de Genève !»: en lisant ce titre, on a l'impression qu'on vit en URSS ! Alors, je ne sais pas si le parti libéral s'en rend compte, la Suisse est un pays qui vit dans l'économie de marché, où il a une majorité politique depuis des lustres et où, jusqu'à preuve du contraire, les investissements privés sont possibles, se réalisent année après année, sous différentes formes, et donc je ne vois pas très bien ce qu'on pourrait demander de plus pour favoriser ces investissements privés qui sont possibles !
Vous évoquez les centres commerciaux: je n'ai encore jamais vu des centres commerciaux réalisés par l'Etat ! Vous évoquez les centres sportifs: cela, on peut le discuter. Et ce que j'aime bien, c'est qu'il y a une proposition concernant les ports. Alors s'il s'agit de plusieurs ports à Genève, effectivement, il vaut peut-être mieux que ce soient des investisseurs privés, plutôt que de créer plusieurs ports sur notre territoire qui risquent d'endetter le canton parce qu'ils ne serviront à rien ! Très bien.
Et puis il y a des propositions qui sont nettement plus graves concernant la sécurité. On voit ce que cela donne aux Etats-Unis et en France; la privatisation des prisons, c'est la surenchère de l'enfermement, c'est la surenchère de l'enfer carcéral...
Une voix. C'est déjà le cas !
M. Roger Deneys. Oui, mais c'est encore pire quand c'est privatisé ! C'est bien cela le problème ! Donc, pour les socialistes, ces propositions sont inacceptables ! Au demeurant, le partenariat public-privé, vous le mentionnez aussi pour la traversée de la rade. Je vous invite alors à relire le rapport du Conseil d'Etat RD 870 à la page 27: il est évoqué qu'en cas de partenariat public-privé, le prix d'une traversée pourrait coûter jusqu'à 26 F ! Je vois que c'est le modèle économique que prônent les libéraux. Je suis ravi de l'apprendre, mais je ne suis pas sûr que cela rende service à tout Genève.
On le voit aussi avec les autoroutes en France, d'ailleurs: les autoroutes sont une vache à lait pour les sociétés privées. Cela se fait au détriment des consommateurs, cela se fait au détriment de la collectivité publique, parce que, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, c'est rentable ! Mais c'est rentable pour qui ? Pour des entreprises privées, au détriment de toute la collectivité publique. D'autant plus que la dernière invite ne demande pas de contrôler ces investissements, de contrôler ces financements, mais d'informer la commission des finances ! Ce n'est pas du contrôle, c'est simplement prendre acte de privatisations en douce et ce n'est pas acceptable pour les socialistes ! (Brouhaha.)
Au demeurant, ce texte est malhonnête dans sa forme, parce qu'il n'évoque même pas le fait que les impôts ont baissé de 400 millions de francs par année depuis 2009 et, en l'occurrence, les recettes... (Le président agite la cloche.) ...du canton de Genève sont directement péjorées par ce choix politique que vous avez fait. La situation financière du canton et la dette sont directement dépendantes de vos mauvais choix de 2009. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes vous invitent à refuser ce texte fermement. (Quelques applaudissements.)
M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs, il neige dehors et la neige tient, c'est probablement la raison pour laquelle nous avons le début d'un débat intéressant. Et pourquoi est-ce un débat intéressant ? Parce que s'affrontent ici traditionnellement deux visions, celle défendue si brillamment tout à l'heure par mon préopinant, M. Deneys, qui consiste à supposer que seul l'Etat a la réponse à tout. Ou bien le discours un tout petit peu plus pragmatique et réaliste de celles et ceux qui se rendent compte que, devant les demandes infinies des besoins de l'Etat et les ressources finies, il n'y a pas d'autres solutions que de favoriser le partenariat public-privé. Alors on peut ensuite lutter contre cette idée-là qui est une absolue évidence. Je signale d'ailleurs à M. Bavarel qui est à la buvette - bonjour, s'il m'écoute - que j'aime beaucoup sa prise de position en ce qui concerne le canton. Je lui rappelle juste que, s'agissant du partenariat public-privé en Ville, les Verts sont contre !
Pour revenir au fond du problème, refuser ici et maintenant de regarder quelles sont les possibilités d'un partenariat entre le public et le privé, sous prétexte que la population - et pas ce parlement - a voulu une baisse d'impôts, c'est faire preuve d'une cécité intellectuelle qui m'inquiète. Par contre, évidemment, renvoyer cette proposition à la commission des finances, de façon à étudier quels pourraient être - il s'agit d'un conditionnel - les solutions ou les projets qui, avec un doigt de bonne volonté et de conscience, pourraient être mis en place, m'apparaît on ne peut plus nécessaire. C'est faire preuve, à mon sens, de cécité que de s'opposer dès le départ à une question qui mérite d'être soulevée ici, si l'on veut effectivement que l'Etat continue à être la vache à lait nourricière du plus grand nombre !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Nathalie Fontanet. Il reste trente-cinq secondes à votre groupe.
Mme Nathalie Fontanet (L). Oui, cela ne durera pas plus longtemps, Monsieur le président. Je voulais vous demander de transmettre un message à M. Bavarel, s'il vous plaît, pour le rassurer et lui dire que si, effectivement, le groupe libéral n'a pas toute sa confiance en Mme Künzler pour s'occuper de mobilité, il a en revanche une entière confiance en M. Longchamp pour s'occuper d'aménagement et de construction de logements ! (Brouhaha.)
M. Eric Bertinat (UDC). Chers collègues, cette résolution soulève évidemment un problème, c'est celui d'observer que l'Etat, malheureusement, ne va pas pouvoir mettre autant d'argent qu'il le souhaitait dans les investissements et cherche à trouver un palliatif. Le palliatif que nous propose cette résolution est finalement un remède assez dur, puisqu'il évoque effectivement le partenariat public-privé, auquel l'UDC accorde toute son attention, mais semble aller beaucoup plus loin que cela, et là, nous n'allons pas y aller, tout simplement parce que nous constatons que, à Genève, il faut qu'on trouve une qualité de vie et surtout un niveau de vie décent. Or toutes ces grosses firmes, tous ces gros capitaux qui peuvent être pris pour développer du logement ou des infrastructures, nous remarquons simplement qu'ils élèvent le coût de la vie à Genève et posent d'infinis problèmes à toutes les classes moyennes.
C'est pour cela que nous sommes d'avis qu'il faut renvoyer cette résolution à la commission de l'économie qui, sous cet aspect-là, est la plus apte à pouvoir en débattre. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. J'accorde dix secondes à M. Amsler pour s'exprimer sur le renvoi.
M. David Amsler (L). Merci beaucoup, Monsieur le président. En fait, concernant le renvoi, la dernière invite, si vous la lisez bien, demande au Conseil d'Etat de faire rapport régulièrement à la commission des finances, non pas sur les ventes ou les octrois de droits de superficie, mais sur les mesures prises pour favoriser les investissements privés. Donc cette invite rend inutile le renvoi dans une commission ! Je vous enjoins de voter cette résolution et de la transmettre directement au Conseil d'Etat, pour que celui-ci soit saisi du dossier et fasse rapport à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez dépassé le temps qui vous était imparti, mais de peu.
Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vais d'abord vous faire voter sur le renvoi. Deux demandes ont été formulées: la première à la commission d'aménagement et la seconde à la commission de l'économie. (Remarque.) Non, nous allons voter dans l'ordre de ces demandes.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 691 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 49 non contre 36 oui.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 691 à la commission de l'économie est adopté par 44 oui contre 40 non.
Le président. Les amendements seront traités en commission de l'économie.