Séance du vendredi 23 septembre 2011 à 17h
57e législature - 2e année - 11e session - 69e séance

M 1989
Proposition de motion de Mmes et MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Eric Leyvraz, Eric Bertinat, Christina Meissner, Marc Falquet, Patrick Lussi, Antoine Bertschy, Céline Amaudruz, Mauro Poggia, Sandro Pistis, Roger Golay, Eric Stauffer, Pascal Spuhler, Henry Rappaz, Fabien Delaloye, Thierry Cerutti : Déclassons en zone 3 les terrains en zone de développement 3 depuis plus de 15 ans, pour permettre la réalisation rapide de logements

Débat

Le président. Nous en sommes maintenant au point 43, proposition de motion 1989. La parole est au premier motionnaire, M. Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Gros sujet que celui des zones de développement. Nous l'avons évoqué à plusieurs reprises hier soir et effectivement la zone de développement 3 pose problème. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On le voit de plus en plus, la commission d'aménagement est régulièrement saisie de nombreux projets de lois qui demandent justement de déclasser certains périmètres en zone de développement 3. Et qu'est-ce que l'on voit ? On s'aperçoit que, de plus en plus, il y a des oppositions par rapport à ces projets de lois. Les habitants - comme il a été rappelé hier soir - perdent la moitié de la valeur de leurs terrains si ceux-ci sont déclassés en zone de développement. Donc on se rend bien compte qu'il y a un réel problème avec les zones de développement 3.

Cela fait une bonne cinquantaine d'années que la zone de développement 3 existe. On voit aussi que, par rapport aux tout premiers terrains qui y ont été déclassés, jamais personne n'a véritablement proposé de projet de construction. Cela pour différentes raisons: la première, c'est que les habitants desdits terrains ne veulent pas vendre. Pourquoi ? Parce qu'ils ne veulent bien sûr pas perdre la moitié de leur avoir, ce qui est logique.

Donc, ce que propose cette motion, c'est de faire un état des lieux du canton en regardant l'ensemble des périmètres déclassés en zone de développement 3 et d'essayer de trouver une solution, c'est-à-dire en disant que la zone de développement 3, à ces endroits, est un échec; elle n'apporte rien, donc déclassons, trouvons autre chose. La proposition qui est faite est de les déclasser en zone 3, ainsi les propriétaires seront peut-être incités... Bien évidemment, après il n'y a aucune obligation pour le propriétaire de réellement vendre.

Le président. Mais il y a l'obligation de conclure, Monsieur le député. (Exclamations.)

M. Stéphane Florey. Mais quelque part, s'il y trouve son compte, peut-être sera-t-il incité à vendre et on pourra enfin construire des logements sur ces terrains. Moi, ce que je vous propose, c'est de renvoyer la motion à la commission d'aménagement, ainsi nous pourrons en discuter sérieusement, faire un état des lieux et prendre la décision qui s'impose. Merci.

M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts est tout à fait intéressé par les tenants et aboutissants de cette motion. Effectivement, la question des zones de développement 3 soulève beaucoup d'interrogations; on a souvent des problématiques qui sont énoncées dans les considérants, comme l'absence d'évolution des mesures de déclassement. Certaines parcelles restent toujours à l'identique quarante ans plus tard, c'est vrai. L'autre problème est celui du logement. Toutefois, le groupe des Verts n'est pas d'accord sur les conclusions de cette proposition permettant effectivement de dire tout simplement que la zone de développement a perdu son sens, qu'elle n'a pas d'intérêt, et qu'il s'agirait de passer sans autre à une zone 3 ordinaire.

En effet, la zone de développement 3 permet de substantielles avancées pour la population, pour l'ensemble de celle-ci et pas uniquement pour un certain groupe de personnes. Effectivement, elle permet par exemple la conclusion de réalisations d'immeubles à des prix intéressants. Elle permet aussi aux biens publics d'intervenir; elle permet par exemple de meilleures accessibilités en matière de cheminements pédestres. Elle permet également des avancées en termes d'infrastructures publiques, comme les écoles ou les infrastructures de transport. Par conséquent, contrairement à ce que vous disiez, la zone de développement 3 est loin d'avoir perdu son sens; tout au contraire. Comme je vous ai bien écouté, je considère effectivement que dans vos propos il y avait une chose qui était tout à fait juste, c'est que vous avez mentionné le fait - Monsieur le président, vous lui transmettrez - que votre proposition peut «peut-être» permettre une avancée. Mais on n'a pas vu le cas où cela avançait concrètement. Pour ces raisons, nous ne souhaitons pas le renvoi en commission et nous refuserons la motion.

M. Serge Dal Busco (PDC). Nous partageons largement le constat des motionnaires sur le caractère non construit, en tout cas non densifié, de cette zone de développement, pour certaines d'entre elles depuis plusieurs décennies. Nous partageons le constat qu'il y a effectivement un grand potentiel dans ces zones. Nous partageons le constat que l'incitation est probablement une bonne méthode pour parvenir à densifier, à construire des logements en nombre. Incitation, parce que la notion de propriété privée nous est tout à fait chère, mais celle d'intérêt général également.

Nous ne sommes pas certains, à l'instar de ce qu'a dit M. Norer, que la suppression du qualificatif «développement», et donc le passage à une zone ordinaire, soit la panacée; nous avons même de gros doutes à ce sujet. Notamment pour les communes, le fait d'avoir affaire à de la zone ordinaire apporte un certain nombre de handicaps, par exemple en matière de financement d'équipements publics. Puis évidemment, si l'on vise - et c'est le but et le projet politique des démocrates-chrétiens - à avoir de la mixité dans ces quartiers, s'il n'y a pas de possibilité de contrôler les plans financiers, pour obtenir cette mixité, notamment en passant les parcelles en zone ordinaire, eh bien c'est quelque chose qui est préjudiciable.

Puis, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous risquons peut-être, en appliquant cette solution - cette recette apparemment séduisante - d'obtenir le contraire. Parce qu'on pourrait imaginer qu'avec une sorte de limite à quinze ans ou à une autre valeur, cela incite des propriétaires à attendre cette échéance avant de se mettre à construire et donc on aura exactement l'effet inverse, et peut-être encore davantage de blocages, ce qui n'est pas peu dire.

Nous sommes donc absolument au clair et en accord avec les motionnaires s'agissant du constat. Pour les solutions, eh bien il faut les étudier, c'est la raison pour laquelle nous adhérons à l'idée de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement, et je vous prie de soutenir également cette position.

M. David Amsler (L). Le PLR est favorable au principe de la zone ordinaire - vous le savez - mais pas dans toutes les situations. La zone ordinaire - vous le savez aussi - permet aux propriétaires de disposer de la valeur de marché de leur bien, et c'est un concept bien libéral et radical. Du reste, en commission, nous avons souvent proposé des amendements pour transformer les projets qui nous étaient soumis en zone ordinaire. Nous n'avons malheureusement pas été très souvent suivis.

Alors que propose M. Florey ? Vous suggérez une mesure un peu drastique et probablement une mesure sans discernement. Et quel message voulez-vous donner à ces propriétaires qui, depuis plus de quinze ans, ont un terrain déclassé en zone de développement ? C'est, comme l'a dit mon préopinant M. Dal Busco: «Attendez quinze ans et votre parcelle, fraîchement déclassée en zone de développement, passera en zone ordinaire !» Non, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas un message que nous voulons faire passer. Cette proposition risque de freiner la construction et surtout elle rouvre des procédures d'opposition potentielles à des projets qui sont aujourd'hui en force.

Par contre, nous sommes d'accord d'analyser la problématique, car s'il y a une trop grosse différence entre la valeur de marché et celle qui est fixée par l'Etat, eh bien cela n'incite pas les propriétaires à aller de l'avant dans leur projet. Donc, de cas en cas, il vaut la peine d'analyser cette problématique de transfert d'une zone de développement en zone primaire ordinaire. Ainsi, pour ce faire, nous soutiendrons le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement. Merci beaucoup.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit, le constat que fait cette motion est exact. Certains propriétaires refusent la densification de leur secteur et refusent de vendre leur parcelle. Les solutions pour résoudre ces difficultés ne sont pas simples - nous avons eu pas mal de débats sur cette question - mais elles existent toutefois. Et celles qui sont proposées par les motionnaires postulent qu'en payant grassement les propriétaires, ils accepteront de laisser construire du logement. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition n'est pas la nôtre. Les socialistes se sont toujours opposés à favoriser la rente foncière au détriment de l'économie et des locataires, que ces derniers soient des entreprises ou des personnes physiques.

La solution préconisée par cette motion doit également être rejetée parce qu'elle pose plus de difficultés - je suis d'accord avec le député Amsler pour une fois - qu'elle n'en résout. Tout d'abord et principalement, parce qu'elle aura pour conséquence que la facture finale sera payée par les locataires des immeubles qui seront construits sur les surfaces densifiées. Et nous ne sommes pas en train de parler de petits montants, puisque sans zone de développement, il est probable que le mètre carré se vende à plusieurs milliers de francs.

En supprimant la zone de développement pour bon nombre de surfaces à bâtir - c'est ce que préconise la motion - nous priverions également l'Etat de son principal outil d'aménagement ainsi que de toute politique du logement. En effet, je pense qu'il faut le rappeler ici, sans zone de développement, pas de plan localisé de quartier; sans zone de développement, plus de logements d'utilité publique; et si plus de logements d'utilité publique, alors plus de nouvelle politique du logement qui est l'enfant chéri de notre magistrat. Sans zone de développement, Mesdames et Messieurs les députés, les communes ne pourraient plus non plus construire les installations publiques dont la population a besoin - je pense notamment aux crèches et aux écoles.

La zone de développement a pour objectif principal de garantir que les nouveaux logements répondent aux besoins de la population quant à leur taille et à leur prix. Les règles qui sont applicables à ces zones constituent aujourd'hui la mesure essentielle pour freiner les appétits de certains propriétaires fonciers, pour freiner la spéculation immobilière, parce qu'elles instaurent un mécanisme de contrôle des loyers. Et supprimer ce régime, en période de pénurie qui est la nôtre, aurait - et ça, c'est absolument certain - un effet de catalyseur pour la spéculation et du coup laisserait effectivement le champ libre aux spéculateurs. Les logements qui seraient construits seraient très certainement destinés exclusivement à la vente et seraient des appartements de luxe, toutes sortes de logements qui ne répondent pas aux besoins de la majorité des habitants de notre canton.

Or, en lisant l'exposé des motifs, on peut constater assez clairement que ce n'est pas là l'objectif des motionnaires. L'exposé des motifs indique très précisément...

Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député.

M. Christian Dandrès. Bien. Mesdames et Messieurs les députés, pour les raisons rappelées ci-dessus, le groupe socialiste n'appellera pas à renvoyer cette motion à la commission d'aménagement, mais la refusera.

M. Mauro Poggia (MCG). Certains cherchent des solutions aux problèmes, d'autres cherchent des problèmes aux solutions. Question d'idéologie sans doute. Nous avons entendu les uns et les autres trouver des avantages, d'autres des inconvénients à la proposition qui nous est faite. Je dois dire qu'il y a du bon sens des deux côtés, raison pour laquelle, selon moi qui suis signataire, avec les députés du groupe MCG, il convient d'approfondir la question. Nous devrions tous avoir une vision commune et un but commun qui est celui de favoriser la construction de logements dans ce canton. Il y a une proposition qui nous est faite, qui n'est de loin pas farfelue et qui mérite donc qu'on s'y penche. C'est la raison pour laquelle je vous demande - vous, députés socialistes, qui avez apparemment des arguments contre cette proposition - de venir en débattre en commission, afin que finalement en sorte la solution, qui soit la solution favorable pour cette population. Ainsi, le groupe MCG acceptera le renvoi de cette proposition à la commission d'aménagement. Je vous remercie.

Mme Christina Meissner (UDC). A 1000 francs le m2 de terrain aujourd'hui, ça ne marche pas, les propriétaires ne sont pas motivés. A 700 francs le m2, si l'initiative de l'ASLOCA est acceptée, eh bien cela marchera encore moins ! Il est vrai que si l'on remet ces zones au prix du marché, ça va fonctionner et peut-être même trop bien, et c'est un risque.

La motion qui vous est proposée ne suggère pas - si vous lisez bien la deuxième invite - de prendre toutes les zones en développement 3 aujourd'hui et de les changer en zone 3, mais de présenter «des» projets de lois sur «des» zones en développement 3. Qu'est-ce que cela veut dire ? Eh bien que l'on pourrait faire un test sur un endroit donné pour éviter effectivement que les gens ne se disent: «Tiens, on va attendre quinze ans.» Faisons un test sur un lieu donné et peut-être qu'alors on aura des arguments et peut-être qu'on aura fait avancer la cause du logement à cet endroit, tout en ne lésant pas le propriétaire ! Merci.

M. Stéphane Florey (UDC). Je reviendrai juste sur cet aspect des quinze ans où il a été dit que cela allait bloquer encore plus les choses. Déjà, il faut prendre conscience du fait qu'à mon avis cela ne va rien bloquer de plus, puisque la majorité de ces terrains sont déjà bloqués ! Ils ont été déclassés et rien n'y a été proposé. Donc je ne vois pas en quoi il y aurait plus de blocages.

Autre chose: les seuls terrains qui ont été passés récemment - parce que, oui, il y en a quand même qui sont acceptés à l'unanimité de notre commission et de ce parlement - en zone de développement 3, ce sont uniquement ceux dont les propriétaires sont partie prenante. Ce sont soit ceux qui veulent raser leur maison pour en construire trois ou quatre, parce que la leur est trop vieille et qu'ils en désirent une autre, soit ceux qui veulent vraiment densifier leur parcelle tout en conservant leur maison. Donc on voit bien que c'est le seul aspect où la zone de développement 3 fonctionne. Mais pour tout le reste, il faut nécessairement se repencher sur toute cette problématique. Je vous remercie par conséquent d'accepter le renvoi en commission.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous discuterons donc de cette motion en commission, c'est une bonne chose. La problématique soulevée, au fond, n'est pas très éloignée de celle que nous évoquions hier soir à l'occasion d'une motion sur la compensation des zones villas déclassées. C'est toujours le même problème: comment convaincre le propriétaire d'une villa en zone de développement de vendre son terrain à un promoteur ou de se lancer dans une opération immobilière, avec un problème réel, c'est celui du prix du terrain. Alors je suis très heureux de voir que des propositions sont faites pour essayer de trouver une solution à ce problème; on en débattra en commission.

Quelques mots quand même sur la proposition qui est faite ici. Elle présente un certain nombre d'avantages et d'inconvénients, mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait que la zone de développement permet de réaliser des logements abordables pour notre population, ce que ne permet pas la zone ordinaire. En effet, celle-ci ne permet pas à l'Etat de contrôler le prix des terrains - et c'est d'ailleurs pour cela que vous faites cette proposition. Ainsi, cela ne permet pas à l'Etat de s'assurer qu'une certaine proportion des logements mis sur le marché sont d'utilité publique ou du moins abordables pour la majorité de notre population. Et je pense que c'est le principal inconvénient d'une solution trop caricaturale et trop générale qui irait dans ce sens.

En revanche - en revanche ! - il peut y avoir un certain nombre de cas où le déclassement en zone ordinaire peut se justifier pour des raisons tout à fait particulières. Et j'aimerais vous annoncer ici que je proposerai très prochainement au Conseil d'Etat le déclassement en zone ordinaire d'un périmètre actuellement sis en zone villas et couvert de villas. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi de la motion à la commission d'aménagement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1989 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 60 oui contre 26 non.