Séance du
jeudi 24 mars 2011 à
14h10
57e
législature -
2e
année -
6e
session -
36e
séance
La séance est ouverte à 14h10, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger, David Hiler, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Charles Beer et Mme Isabel Rochat, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Céline Amaudruz, David Amsler, Guillaume Barazzone, Antoine Bertschy, Beatriz de Candolle, Alain Charbonnier, René Desbaillets, Nathalie Fontanet, Miguel Limpo, Vincent Maitre et Ivan Slatkine, députés.
Annonces et dépôts
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition : Envoyer les enfants de Saint-Gervais-Cornavin au cycle de la Gradelle? Une proposition absurde! (P-1777)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que le point 54 de notre ordre du jour, rapport R 537-A, sera traité avec le point 57, rapport R 635-A. Je donne la parole, dans l'ordre, d'abord à M. François Lefort.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Cet objet est un objet récurrent dans ce parlement, puisque, sous divers aspects, l'idée que la France discrimine les entreprises genevoises a été traitée déjà plusieurs fois ces dernières années. Pour mémoire, par exemple, la motion 1723, intitulée: «Les accords bilatéraux ou les dommages collatéraux contre les PME genevoises...», déposée par le MCG en 2006, lequel lie volontiers cette idée à la problématique des zones franches. La commission de l'économie a également traité, en lien avec cette résolution 537, la motion 1836: «Viticulteurs genevois: les parias de la Haute-Savoie et de l'Ain !» Un sujet également traité, à l'époque de la négociation des accords bilatéraux, dans la motion 1195, en 1998.
Tout cela pour dire que le MCG se plaît à recycler des discussions intéressantes, mais déjà traitées, lorsqu'il est à court d'idées, ce qui lui arrive de plus en plus fréquemment...
Malgré tout, la commission a tenu à vérifier, une fois de plus, la réalité de cette allégation de discrimination dont souffriraient nos entreprises de l'autre côté de la frontière. Pour ce faire, elle a auditionné les représentants des milieux professionnels au contact de cette réalité, c'est-à-dire les représentants de la Fédération des entreprises romandes, de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment, de l'Interprofession du vignoble et des vins de Genève, de l'Union maraîchère genevoise et, en plus, diverses entreprises privées. Mais elle a également reçu des représentants d'autorités politiques: la Représentation permanente de la Suisse auprès de l'OMC, le Comité régional franco-genevois et, bien sûr, le département en charge de l'économie.
Ces nombreuses auditions ont montré que l'essence de la résolution 537 est d'abord basée sur une appréciation subjective de difficultés qui sont dues à un système légal différent du système suisse; qu'il n'existe pas - et c'est un élément important - de cas documenté de discrimination; que, par ailleurs, les représentants des associations professionnelles entendues s'estiment satisfaites de leurs activités sur sol français, à part des problèmes subsistant pour les exportations de petites quantités de vin - toutefois, des solutions sont praticables - et, enfin - c'est quand même l'aspect principal - que les invites de cette résolution sont irréalistes et illégales du point de vue du droit suisse. (Remarque. Rire l'orateur.)
Par conséquent, la majorité de la commission de l'économie vous recommande de refuser cette résolution.
Enfin, une fois n'est pas coutume, je dirai un mot sur le rapport de minorité. Au-delà de l'habituelle propagande de style maoïste, répétant à satiété que le MCG est le sauveur suprême de tout ce qui respire à Genève, le rapporteur de minorité note à propos de cette résolution - et c'est également important - que: «Son passage en commission n'a nullement fait disparaître la bureaucratie en France.» Eh bien oui, Monsieur le rapporteur de minorité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...je le constate comme vous, je m'en attriste, je le regrette: la commission de l'économie, malgré dix séances de travail - je dis bien: dix séances de travail ! - n'a pas réussi à faire disparaître la bureaucratie française ! Je me demande quand même si cet objectif est réellement de la compétence de la commission de l'économie de cette honorable assemblée, voire de cette assemblée tout court. (Applaudissements.)
M. Henry Rappaz (MCG), rapporteur de minorité. Une fois de plus, je constate que toutes les interventions commencent par «Stauffer» ou par «MCG»... J'aimerais bien qu'on entre plus rapidement dans le vif du sujet !
Des voix. Rappaz, Rappaz, Rappaz ! (Le président agite la cloche.)
M. Henry Rappaz. Nous devons tout d'abord constater que le canton de Genève, ces dernières années... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de par sa politique d'ouverture à tout-va avec la France voisine, accorde, on le constate tous les jours, de larges facilités aux entreprises françaises et aux demandeurs d'emploi chez nous. Cela dans le but évident de favoriser l'engagement d'entreprises et de travailleurs étrangers bon marché.
Par contre, nous voulons trop facilement ignorer les difficultés rencontrées par nos entreprises régionales souhaitant travailler aussi de l'autre côté de la frontière, et nous en avons la preuve. Il faut le savoir, et le MCG le répétera aussi souvent qu'il le faut: il est injuste de laisser la France appliquer une politique tracassière ayant pour but de décourager nos concitoyens et patrons de PME d'obtenir facilement, comme c'est le cas chez nous, des autorisations d'exercer sur son territoire. La France n'applique nullement le principe de réciprocité. De simples exemples le démontrent, il n'y a qu'à voir les situations auxquelles les demandeurs genevois doivent faire face pour pouvoir travailler en France ! Je vous cite le cas d'un Genevois, que nous connaissons et qui souhaitait déposer à Ambilly une simple table, un chevalet, avec des produits; il a dû, au préalable, ouvrir un compte auprès de la TVA et, ensuite, il s'est perdu dans les méandres de la mairie pour obtenir les papiers l'autorisant à vendre enfin son produit. (Brouhaha.) Autre exemple concret - puisque vous aimez les exemples - et récent, celui d'un citoyen genevois, propriétaire d'une entreprise, qui s'est installé en France voisine avec des employés pour son travail... Il vient de fermer boutique suite aux tracasseries sans nom de l'administration française. Un étranger dans le même cas n'aurait jamais eu tous ces ennuis chez nous !
Une voix. C'est pas vrai !
M. Henry Rappaz. Voilà donc une situation intolérable que dénonce le MCG, qui souhaite que les entreprises genevoises ne soient pas discriminées par le protectionnisme et la bureaucratie français, qui violent gentiment le principe de réciprocité sous l'oeil complice et bienveillant des responsables de notre administration. La procédure appliquée doit être revue et respectueuse de l'égalité de traitement à l'égard de nos concitoyens. D'ailleurs, la résolution 635 qui va être examinée dans quelques minutes et dont le rapporteur est M. le député Barrillet...
Des voix. «Lier» ! «Barrillier» !
M. Henry Rappaz. ...va exactement dans le même sens. Etant donné ce qui précède, le MCG vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir positivement cette résolution.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. J'interviens bien, Monsieur le président, sur la résolution 635 ? (Un instant s'écoule.) Comme il n'y a pas de réponse, je continue ! (Rires.)
J'aimerais, en tant que rapporteur de la résolution 635, confirmer que de nombreux textes ont été - c'est un problème récurrent, comme l'a indiqué le rapporteur de majorité - déposés depuis plusieurs années sur ce sujet.
Quant à la résolution 537, elle a véritablement donné lieu à un examen détaillé: nous avons décortiqué les relations sur des problèmes tout à fait pratiques entre la Suisse et la France, grâce à de nombreuses auditions. Il faut le dire, le problème est sérieux. Il ne faut pas se le cacher, Genève a connu des hauts et des bas dans ses relations avec la France voisine ! On ne va pas remonter à l'époque de l'Evêché, bien évidemment, mais il y a toujours eu des tensions, et ces dernières ont augmenté depuis la croissance économique, depuis l'après-guerre et, surtout, depuis l'entrée en vigueur des bilatérales avec l'Europe.
Grâce à l'examen d'un certain nombre de points précis, par exemple le régime applicable pour la main-d'oeuvre, le contrôle des normes à l'exportation, les facteurs de production, les régimes fiscaux, les marchés publics, etc., la commission a pu constater qu'en dépit de progrès significatifs sur ces points particuliers - grâce à l'intervention tripartite des partenaires sociaux, de l'Etat, des associations professionnelles - il subsiste, il ne faut pas se voiler la face, des difficultés, des incompréhensions, qui peuvent engendrer certaines tensions, surtout dans la situation actuelle.
C'est la raison pour laquelle - j'insiste sur ce point - dans un esprit de consensus, la commission a décidé de rédiger une nouvelle résolution à partir des discussions que nous avons eues en commission. C'est relativement important dans la mesure où elle donne un mandat tout à fait clair au Conseil d'Etat et au Comité régional franco-genevois - aux deux instances - pour examiner les situations de frictions sur les thèmes qui ont été mentionnés par les deux rapporteurs. Mais, surtout, elle invite le Conseil d'Etat à faire rapport au Grand Conseil sur les résultats obtenus dans les douze mois qui suivront l'acceptation de la présente résolution.
Monsieur le président, chers collègues, ce n'est pas un ultimatum, mais c'est quand même une pression sur les autorités régionales et cantonales pour arriver à obtenir enfin des réponses claires, voire des normalisations sur les procédures qui ne donnent pas satisfaction. C'est la raison pour laquelle la commission dans sa large majorité, unanime, si je ne me trompe - je crois qu'il y a eu une seule abstention - souhaite maintenant que les choses avancent. Si on n'obtient pas satisfaction, on pourra alors se demander s'il ne faut pas agir au niveau de la Confédération.
Cette résolution est vraiment une invitation pressante, Monsieur le conseiller d'Etat, pour que soient clarifiées un certain nombre de procédures qui assurent la réciprocité entre les deux pays.
M. Eric Stauffer (MCG). Nous sommes choqués des propos du rapporteur Vert, M. Lefort ! C'est à se demander si sa double nationalité ne l'empêche pas de voir les choses de façon objective ! (Exclamations.) Eh oui, il faut le dire ! Il faut le dire ! M. Lefort est double national, français et suisse... (Exclamations.) Et moi, je rends hommage à M. Barrillier, qui vient de vous expliquer que ce problème est important... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour l'économie genevoise ! Messieurs les libéraux, je vous prie de vous taire, parce que c'est dans vos factions que ça se passe: ce sont les gens qui vous soutiennent et qui font en sorte que vous siégez dans ce parlement ! C'est un problème important, car les entreprises genevoises sont discriminées en France ! C'est un problème récurrent ! C'est un problème d'emploi ! C'est un problème général ! C'est un problème qu'il appartient aux politiques de régler en donnant les bonnes impulsions au Conseil d'Etat, pour qu'il obtienne des conditions équilibrées !
Après toutes ces années d'entrée en vigueur des accords bilatéraux et de libre circulation, il n'est pas acceptable que des entreprises françaises puissent obtenir une autorisation en trois minutes et demie, en s'acquittant de la TVA à la douane pour venir effectuer des chantiers en Suisse, et qu'une entreprise genevoise souhaitant travailler en France doive établir un contrat avec un représentant fiscal français si elle veut pouvoir travailler ! Ce n'est pas acceptable ! Et c'est vous, par votre... Je ne sais même pas comment le définir !
Une voix. Laxisme !
M. Eric Stauffer. «Laxisme», exactement ! Et c'est en raison de votre laxisme que c'est encore ainsi en 2011 ! Il faut, Mesdames et Messieurs, que nos amis français - et je dis bien «nos amis» ! (Commentaires.) - comprennent que la réciprocité doit être la règle dans tous les cas. Nous, nous ne voulons pas léser un côté ou l'autre, nous voulons l'équilibre et l'équité de traitement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! Alors, cessez de justifier la situation en prétextant que la France, avec son administration décadente, empêche les Français de travailler en France, ce n'est pas une raison pour discriminer les PME genevoises ! Il faut que cela soit clair !
Nous, au MCG, nous avons toujours soutenu le tissu économique genevois et fait en sorte que les PME soient dynamiques, car nous sommes convaincus qu'il faut une économie forte à Genève, laquelle fait notre renommée et notre fierté ! Arrêtez de refuser les objets qui viennent du MCG sous prétexte que nous serions racistes, ou je ne sais quelle autre bêtise vous pourriez encore inventer ! Prenez conscience que ce problème est bien réel ! M. Barrillier a eu raison - au nom du groupe qu'il représente et, probablement, au nom de l'Entente - de vous expliquer que ce problème est sérieux. Alors, aujourd'hui, soutenez cette résolution, pour donner plus de poids au Conseil d'Etat...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. ...afin qu'il règle ce problème !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous prie de m'excuser de vous poser cette question: je croyais que vous étiez vous-même binational. Me serais-je trompé ?
M. Eric Stauffer. Je réponds, Monsieur le président: pour être tout à fait exact, je suis triple national ! (Exclamations.) J'ai été uniquement citoyen suisse jusqu'à l'âge de 35 ans. Par ma mère, j'ai pu récupérer la nationalité italienne. En outre, j'ai été fait citoyen d'honneur à l'île Maurice, et je détiens le passeport mauricien. (Rires. Exclamations.)
Le président. C'est bien ce que je pensais ! (Remarque de M. Eric Stauffer.) Je donne la parole à Mme la députée Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (UDC). Je vais essayer de recadrer le débat sur la région. (Exclamations.) Ces deux résolutions traitent de la même problématique: l'une émane du MCG et, l'autre, de la commission de l'économie, dans laquelle siège le MCG. Elles demandent toutes les deux la même chose, c'est dans le choix des mots qu'elles diffèrent. La résolution MCG, partant du constat que les PME genevoise sont discriminées par le protectionnisme et la bureaucratie de la France, demande de saisir le Conseil fédéral pour édicter les même contraintes en Suisse. Le genre «oeil pour oeil, dent pour dent» !
Toutes les auditions nous ont montré que le problème est réel, les entraves existent. La France pratique le protectionnisme contre tous: pas seulement contre ses voisins genevois, mais tous ses voisins, européens ou non. Elle utilise, pour ce faire, une arme redoutable d'efficacité: la bureaucratie. Un clic de souris permet aux entreprises étrangères d'accéder au marché genevois; une montagne de papier attend celles qui rêvent d'exercer en France. Contre la bureaucratie, la massue n'est guère efficace. Allumer le feu l'est davantage, mais provoque des ravages durables et n'aidera en rien nos PME. Or tel est bien l'objectif: aider nos PME, pour que les portes de la France s'ouvrent à ces dernières. Aussi, la commission a reformulé le titre de la résolution: «Pour que les artisans et PME/PMI genevois et français puissent offrir leurs prestations, sans entrave, sur le territoire de l'agglomération». Elle a changé sa cible en interpellant le Conseil d'Etat, de même que le Comité régional franco-genevois, qui travaille au niveau régional et doit rendre compte de ses travaux. La commission a précisé les invites, donnant ainsi une mission claire au CRFG et fixant un cadre temporel au Conseil d'Etat pour rendre un rapport.
C'est seulement si cette démarche n'aboutit pas qu'il y aura lieu d'interpeller le Conseil fédéral. Alors, que le MCG maintienne sa résolution dans ces conditions, c'est incompréhensible, c'est contreproductif et, sans doute, un brin électoraliste...
Les autres partis, dont l'UDC, ont choisi de travailler de manière efficace, afin d'obtenir le meilleur résultat pour les principaux intéressés, les PME. Merci de soutenir la résolution de la commission, la R 635.
Une voix. Bravo !
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Le rapport de minorité de la résolution 537 évoque à peine la motion... C'est plutôt un prétexte pour tenir toujours le même discours sur la misère des Genevois face à l'invasion des frontaliers, sauf que les Genevois seraient vraiment misérables s'ils ne pouvaient se loger de l'autre côté de la frontière et s'ils ne pouvaient être soignés chez nous ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)
On ne veut pas des Français, mais on se plaint de ne pas pouvoir aller travailler chez eux... On souhaite importer les contraintes administratives, juridiques, fiscales, en Suisse pour les punir, ce qui, du coup, punirait aussi les entreprises suisses. Au-delà de cette vision résolument positive et constructive de la vie de l'agglomération franco-genevoise, la commission a pu faire un tour d'horizon complet, intéressant, et, dans ce sens, nous remercions le MCG de nous avoir offert cette opportunité...
En effet, nous avons produit une résolution qui invite - cela a été dit précédemment - le CRFG et le Conseil d'Etat à poursuivre l'aplanissement des contraintes de part et d'autre de la frontière, à identifier les points précis qui posent problème, à proposer des solutions. Cet important travail - coûteux aussi, dix séances - qui débouche sur la reconnaissance d'une réalité - oui, Mesdames et Messieurs du MCG ! - et sur la volonté d'aller de l'avant de la part de la commission, n'a étonnamment pas suffi au MCG, qui n'a pas retiré sa résolution, mais qui a pourtant signé la résolution de la commission.
Que faut-il en conclure ? Que le fond n'intéresse pas le MCG et qu'il s'agit de maintenir une tribune à tout prix ?
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous invite à rejeter la résolution 537 et à réserver un bon accueil à la résolution 635 de la commission, adoptée à l'unanimité. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à Mme la députée Loly Bolay, à qui il reste un généreux cinquante secondes.
Mme Loly Bolay (S). Combien ?
Le président. Cinquante secondes ! Cinq fois dix secondes !
Mme Loly Bolay. Ouh là, je dois me dépêcher ! Mesdames et Messieurs les députés, en commission des transports, l'autre jour - je vais aller très très vite - nous avons eu la preuve que les accords avec la France fonctionnaient. Pourquoi ? Le conseiller d'Etat Unger nous a fait transmettre une lettre écrite par Genève Association Taxiphone Centrale et adressée aux douanes françaises pour obtenir une amélioration concernant le paiement de la TVA - je veux parler des chauffeurs de taxis qui passent en France voisine. Eh bien, les douanes françaises ont répondu très vite à cette demande - le 9 novembre, c'est-à-dire en dix jours - en indiquant qu'une mesure simplifiée permettait aux chauffeurs de taxis suisses de passer la douane sans avoir à payer à chaque fois et qu'ils pouvaient le faire une seule fois par mois.
M. Eric Stauffer. Hors sujet !
Mme Loly Bolay. C'est dire - ce n'est pas hors sujet, je ne sais pas qui a dit cela ! - que les choses avancent.
Le président. Madame la députée, il va falloir conclure !
Mme Loly Bolay. Je vais conclure, Monsieur le président ! Je parle déjà très vite, et je ne peux pas faire mieux... (Rires.) M. Barrillier a tout à fait raison, parce que cette réciprocité, à l'heure actuelle, n'est pas totalement acquise. Il faut par conséquent que le Conseil d'Etat donne une véritable impulsion aux autorités françaises...
Le président. Madame la députée, vous devez conclure !
Mme Loly Bolay. ...car, c'est vrai, les petites PME genevoises continuent à être pénalisées sur le territoire français.
Une voix. C'est faux !
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il est vrai que les lois françaises sont les lois françaises, que les lois suisses sont les lois suisses, et que les lois cantonales sont autre chose. Tout cela faisant partie de la région franco-valdo-genevoise, cela complique un peu en matière d'économie, mais, enfin, c'est la réalité !
Pourquoi les choses se passent-elles comme cela ? Il y a eu les Accords de Versailles en 1815 - je ne vous le rappelle pas - puis les Accord de Territet en 1933, et cela n'empêche pas des entreprises françaises de venir travailler en Suisse, ou inversement, ou des entreprises suisses de travailler avec des personnes qui viennent de France, ou le contraire, cela en très bonne intelligence. En tout cas, c'est ce qui se passe dans le domaine de l'agriculture, de nombreux exemples le prouvent.
Les dix séances de commission nous ont réellement permis de mieux cerner les problèmes, raison pour laquelle nous vous demandons de retirer la résolution 537 du MCG - comme celui-ci s'était engagé à le faire, du reste - et de garder la résolution 635. Il s'agit d'une résolution de la commission de l'économie adressée au Conseil d'Etat, pour lui demander de nous rendre un rapport sur ce sujet, rapport montrant que les choses avancent dans ce domaine.
M. Jacques Jeannerat (R). Il y a effectivement des problèmes ! Etant donné qu'il y a une frontière, les règles ne sont pas les mêmes de part et d'autre de celle-ci, et cela peut soulever des difficultés lorsque les entreprises d'un pays veulent aller travailler dans l'autre.
Mais le vrai problème, c'est que le MCG exagère, comme d'habitude, en parlant de «viol du principe de réciprocité» ! Ce que le MCG n'a pas compris, c'est qu'au fond la France applique les mêmes règles pour les entreprises françaises que pour les entreprises suisses qui veulent travailler en France ou pour les entreprises allemandes qui veulent travailler en Alsace, dans le Nord-Est de la France. On ne peut donc pas parler de discrimination, puisque les règles sont les mêmes !
M. Stauffer se réfère aux accords bilatéraux... Un des principes des accords bilatéraux, c'est justement la non-discrimination ! Donc, les règles qui sont valables dans un pays le sont pour tout le monde, pour toutes les entreprises des pays qui veulent venir travailler dans ce pays !
M. Eric Stauffer. Ce n'est pas le cas !
M. Jacques Jeannerat. Mais si c'est le cas, Monsieur ! D'abord, laissez-moi parler, je ne vous ai pas interrompu !
En Suisse, c'est la même chose ! Les règles établies par les lois suisses sont valables pour les entreprises suisses qui exercent en Suisse, mais, aussi, pour les entreprises françaises qui viennent exercer chez nous.
Nous avons la chance d'avoir des règles administratives pour les entreprises, plus souples que celles des Français... Eh bien tant mieux ! C'est un point positif pour notre économie, et je crois qu'il faut le souligner.
Si l'on appliquait à la lettre les recommandations de la résolution du MCG, il faudrait pratiquer des taux de TVA différents selon que l'entreprise effectuant les travaux est française ou suisse ! Ce n'est tout simplement pas possible ! Le groupe radical vous propose donc, bien sûr, de rejeter la résolution 537.
La résolution 635, quant à elle, n'est pas qu'une suite de mots alignés sur une feuille: elle est contraignante pour le CRFG. Il devra - je lis les invites - dresser un tableau des démarches; s'assurer que les actions de formation et d'information sont coordonnées. Cette résolution demande également au Conseil d'Etat de prendre les choses au sérieux et de nous rendre un rapport dans les douze mois. Cela engage le Conseil d'Etat, ce n'est pas seulement des mots alignés sur une feuille ! Je le répète, cette résolution est sérieuse, et je vous invite à la voter.
M. Daniel Zaugg (L). De nombreuses personnes l'ont relevé avant moi: le problème est réel. Les PME suisses rencontrent de nombreuses tracasseries administratives lorsqu'elles vont en France. En fait, lorsqu'une PME suisse veut travailler en France, elle se trouve très vite face à un fonctionnaire muni d'un formulaire. Hier soir, je me suis endormi en pensant à cette problématique...
Des voix. Oh ! (Brouhaha.)
M. Daniel Zaugg. Eh bien, je ne vous recommande pas de faire la même chose ! Parce que cela a tourné au cauchemar, Mesdames et Messieurs ! J'ai rêvé que le Grand Conseil renvoyait la résolution du MCG au Conseil d'Etat... Je sais, c'est absurde, même le MCG n'y croit pas, mais c'est un rêve ! (L'orateur est interpellé.) Un cauchemar, absolument ! Encore plus absurde: le Conseil d'Etat transmet tout ça au Conseil fédéral, et celui-ci, qui ne se rend absolument pas compte que cette résolution est du niveau du jardin d'enfants - puisqu'il s'agit simplement d'embêter les autres autant qu'ils nous embêtent - décide d'appliquer cette résolution à la lettre... Eh bien, Mesdames et Messieurs, je ne sais pas si vous avez vraiment lu l'invite, mais celle-ci propose, je cite: «d'édicter les mêmes contraintes juridiques, fiscales et administratives aux PME françaises, qui opèrent sur le territoire suisse et notamment à Genève, que les contraintes que subissent les PME genevoises qui désirent travailler [...] en France [...]».
Mesdames et Messieurs les députés, la traduction, c'est: appliquer le droit français en Suisse ! (Remarque. Rires.) Si le Conseil fédéral fait cela, c'est en respectant les accords bilatéraux et en respectant le droit suisse, c'est-à-dire sans discrimination. Donc, il va appliquer cela à tout le monde, également aux entreprises suisses !
Eh bien, Mesdames et Messieurs, en ce qui me concerne, je n'ai pas envie de garanties décennales en Suisse ! Je n'ai pas envie d'être confronté, dans mon propre pays, à tous les problèmes que l'on rencontre en France, et qui sont réels ! (L'orateur est interpellé par M. Eric Stauffer.) Merci, Monsieur Stauffer, de me laisser parler !
En fin de compte, ce que le MCG préconise, c'est d'importer en Suisse les problèmes que l'on rencontre en France...
M. Pierre Weiss. Pour poser des problèmes aux Suisses !
M. Daniel Zaugg. Voilà, exactement ! Et qui y gagnerait ? Les Français, qui sont mieux préparés, puisqu'ils sont déjà confrontés aux mêmes problèmes chez eux, et qui pourraient plus facilement travailler en Suisse que les Suisses ! Heureusement, ce n'est qu'un cauchemar !
Je fais confiance au Grand Conseil pour rejeter la résolution fantaisiste du MCG et accepter la résolution extrêmement raisonnable de la commission de l'économie. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va voter la résolution de la commission, mais elle va s'opposer à la résolution du MCG.
Oui, la France a une politique administrative tracassière ! C'est la bureaucratie, mais c'est pareil pour tout le monde ! Il est vrai que si je voulais m'installer en France en tant que médecin, je ne pourrais pas le faire, les tracasseries administratives sont telles que j'en serais dissuadé.
Mais il faut aussi prendre le problème à l'envers et se dire que les tracasseries administratives de la France participent peut-être à la bonne santé de l'économie genevoise... Pour quelle raison ? Le maire de Ferney-Voltaire, lorsqu'il est venu à la commission de l'aménagement, s'est plaint que les ONG situées à Ferney-Voltaire déménageaient à Genève précisément en raison des tracasseries administratives qu'elles rencontraient en France, que ces ONG n'arrivaient même pas à remplir les certificats de salaire pour les employés et qu'elles préféraient payer plus cher leur loyer à Genève que de s'établir en France !
Le même maire de Ferney-Voltaire s'est aussi plaint de ce que l'on ne construit que des logements en France, que les industries ne s'y installent pas et que, par conséquent, cela ne crée pas d'emplois en France... Pourquoi ? Toujours en raison des tracasseries administratives et de la bureaucratie.
La France perd probablement beaucoup de places de travail à cause de son système, et nous, nous gagnons beaucoup de places de travail grâce aux tracasseries administratives françaises !
Une voix. Eh bien bravo ! (Commentaires. Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Lefort, à qui il reste... Pardon, je vous prie de m'excuser ! Je passe la parole à M. le député Alain Meylan, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Alain Meylan (L). Je voudrais juste signaler, par rapport aux faits qui ont été relevés par certains, que les règles présentant un obstacle aux entreprises suisses voulant travailler en France peuvent déboucher sur des solutions. Et ces dernières passent très certainement par des accords formulés par les associations professionnelles, je suis assez bien placé pour le savoir. Dans ce cadre, les entreprises suisses ont tout à fait la possibilité de travailler en France selon la législation française. La législation française exige un répondant TVA, la législation suisse l'exige aussi. J'ai interpellé, dans le cadre des associations professionnelles, la TVA suisse, qui m'a répondu dans ce sens. Certes, la législation suisse stipule que la TVA est due seulement à partir de 100 000 F, alors que la législation française stipule que la TVA est due à partir du premier franc. Mais c'est aussi la règle pour les entreprises françaises en France...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Alain Meylan. Tous ces domaines techniques sont, pour l'instant, assez bien cadrés, ce qui permet aux entreprises suisses de travailler en France dans des conditions acceptables. Je tenais à ce que cela soit su et dit ici.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité François Lefort, à qui il reste une minute.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ferai tout d'abord une première remarque: je suis heureux que M. Stauffer ait avoué sa triple nationalité. Cela nous épargnera l'étude d'un projet de loi MCG visant à évincer de cette assemblée les députés binationaux, qui sont nombreux dans cette salle !
Une voix. Trinationaux !
M. François Lefort. Trinationaux, peut-être ! Pourquoi pas ? Cela dit, revenons-en à l'essence de la résolution 537. Elle n'évoque pas les problèmes réels: elle parle d'allégations de discrimination. Et c'est bien le travail de la commission d'avoir vérifié ces allégations de discrimination, parce qu'il serait extrêmement grave que nos entreprises soient réellement discriminées. Aucun cas de discrimination ne nous a été signalé, on ne peut pas les inventer ! Tous les représentants des milieux professionnels, de même que le ministère suisse, nous ont affirmé qu'il n'y en avait pas !
Où étaient vos commissaires, Monsieur Stauffer ? Sont-ils venus nous indiquer des entreprises exemplaires, victimes de discrimination ? Vous en parlez aujourd'hui, évidemment, parce que vous êtes en pleine période électorale ! Vous faites de l'électoralisme gratuit ! (Le président agite la cloche.) Vous n'avez même pas lu le rapport de majorité - d'ailleurs, vous n'êtes pas venu à la commission de l'économie - car, si vous l'aviez lu, vous sauriez qu'il n'y a pas de cas de discrimination recensé depuis dix ans !
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. François Lefort. Je conclus. Comme l'a remarqué M. Zaugg, je note, pour en venir encore à l'essence de cette résolution, que son invite est absolument illégale du point de vue du droit suisse ! Il n'est donc pas possible de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral. De grâce, ne nous ridiculons... ridiculu... ridiculisons pas ! (Brouhaha. Remarque.) En latin, oui !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je donne la parole à M. le rapporteur Gabriel Barrillier, à qui il reste quarante-cinq secondes.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Cela sera suffisant ! J'aimerais insister sur le fait que les relations entre nos deux pays existent et qu'elles se sont améliorées, le député Meylan a donné quelques exemples. Il existe toutefois encore des incertitudes dans un certain nombre de procédures, et nous aimerions les lever.
Je conclurai, Monsieur le président, en indiquant que l'on ne peut pas construire une région sur la défiance réciproque, et c'est précisément pour lever toute défiance réciproque que nous vous proposons d'accepter la résolution 635. Quand je dis «défiance réciproque», il en va de même pour les transports, y compris pour le CEVA.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Rappaz, je suis désolé, vous avez, de même que votre groupe, épuisé votre temps de parole. La parole est donc à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faudra tout de même reconnaître ceci au MCG: il a été si agressif sur ce type de questions et la manière de les poser que le ronron de bon voisinage que nous avions jusqu'au milieu des années 2000 - en gros - a dû avoir des soubresauts. Ce qui a été le cas !
Cela a été le cas à travers un projet extrêmement important pour Genève et sa région: le projet d'agglomération franco-valdo-genevois, dans lequel une première étape, signée en 2007 avec l'ensemble des partenaires, a permis de donner une ossature d'infrastructure à cette région en dessinant non seulement le tracé du CEVA, mais celui d'un certain nombre de trams qui permettent d'améliorer la mobilité dans notre canton. Tout cela était assorti de plusieurs engagements, dont celui du canton de Genève de construire 2500 logements par an, ce qu'il n'a pas réussi à faire... Et, ça, ce n'est pas aux Français qu'on le doit: c'est dû à notre incapacité récurrente de construire les logements dans des zones déclassées ou de procéder à des déclassements pour les construire !
Parallèlement, l'économie genevoise s'est bien portée. J'entends d'aucuns s'interroger sur le fait qu'elle se porterait éventuellement trop bien... A ceux qui prônent la décroissance, je rappellerai simplement ce qu'a été le début des années nonante à Genève et la crise durable qui s'est ensuivie, extrêmement douloureuse pour la population de Genève dans son ensemble et pour ses chômeurs en particulier.
Mesdames et Messieurs, nous avons mis la vitesse supérieure, mais il n'en reste pas moins - et vous l'avez toutes et tous évoqué - qu'il y a une frontière ! Cela ne sert à rien de dire qu'il n'y en a pas: il y en a bien une ! Ce qui implique qu'il peut y avoir des douaniers et que l'application administrative du droit français, en règle générale, rend le douanier autrement plus fouineur, vis-à-vis de la PME, que le douanier suisse. Mais ce sont des questions d'organisation qui tiennent au fait que nos ordres juridiques sont différents, et vous l'avez également indiqué. Dans cette situation, il convient de respecter l'ordre juridique de l'autre, comme nous lui demandons de respecter le nôtre ! De temps à autre, des agents de chez nous vont sur des chantiers et demandent à contrôler les certificats de salaire des ouvriers venant de la France voisine. Au même titre que certains agents français peuvent intervenir sur tel ou tel chantier pour savoir s'il y a un point de chute TVA en France. Cela ne changera pas ! Sauf à imaginer que la Suisse entre dans l'Europe, ce que, à mon avis, je ne verrai pas au cours de ma vie politique, ma vie active, et, probablement, ma vie tout court !
Il faut donc travailler en respectant les ordres juridiques qui existent et il faut en accepter les différences, tout en essayant d'en gommer les aspérités. Et ce sont ces aspérités que nous avons découvertes avec la construction du projet régional franco-valdo-genevois et la libre circulation des personnes.
Le droit européen ne nous permet pas tellement d'intervenir sur un domaine quelconque, y compris celui des zones franches, qui existent toujours, quand bien même elles sont inféodées au droit européen qui ne les reconnaît pas... Cela rend donc assez difficile toute intervention, par exemple, sur un recours juridique. Le professeur Levrat nous avait expliqué que le seul moyen était qu'un particulier entreprenne des démarches au Tribunal de La Haye, et que le dernier qui l'avait fait avait obtenu un jugement au bout de... vingt-huit ans !
Ce n'est pas exactement sur ce mode-là que nous avons envie de travailler, vous en conviendrez, et l'Europe ne s'est jamais construite sur le principe de la réciprocité mais sur celui de la non-discrimination, ce qui est tout à fait autre chose. La réciprocité n'est pas prévue dans les accords bilatéraux, contrairement à la non-discrimination. Ces deux éléments ne sont pas de même nature.
Mesdames et Messieurs, la résolution élaborée par la commission me paraît extrêmement importante. Vous avez relevé, Monsieur le rapporteur de majorité, qu'elle était «contraignante» pour le Conseil d'Etat... Elle l'est d'abord pour le CRFG - Comité régional franco-genevois - puisque vous l'adressez à cet organisme, dont je rappelle ici qu'il est le seul à avoir une valeur juridique transfrontalière, puisqu'il a été décrété et par l'Etat français et par l'Etat suisse. C'est vrai, en lisant ses statuts, on constate qu'il ne date pas d'hier - il est un peu vieillot - ce qui nécessitera de le rénover quelque peu. Il n'en reste pas moins que c'est la seule structure juridique qui a un potentiel opérationnel sur la zone transfrontalière. Et, par bonheur pour nous, le nouveau préfet de région, Jean-François Carenco, est l'ancien préfet de Haute-Savoie, ce qui veut dire qu'il connaît les problèmes mieux que quiconque. Et qui d'autre que lui aurait eu le courage, au cours de la dernière réunion du CRFG, de dire qu'il était bien conscient que le grand banditisme venait du Grand Lyon, qu'il était responsable du Grand Lyon et qu'il devait tout faire pour empêcher ce grand banditisme d'arriver jusqu'à nos frontières et, le cas échéant, de les traverser. Il l'a dit devant 80 personnes ! Et nous l'attentons évidemment, là aussi, en matière de résultats.
Mesdames et Messieurs, je suis optimiste, sans être euphorique, car des ordres juridiques aussi différents et des ordres de tracasserie administrative qui sont un tout petit peu... Enfin, les tracasseries administratives genevoises, dont beaucoup se plaignent déjà, sont aux tracasseries françaises ce que le Signal de Bernex est à l'Himalaya ! (Rires.) Il faut bien le comprendre ! Il s'agit donc d'apprivoiser ce domaine, et le Service des affaires régionales, Mesdames et Messieurs, sera là pour essayer de trouver les articulations - créer les guichets - qui permettront de faciliter les choses.
Mais les associations professionnelles ont aussi leurs responsabilités. On nous a indiqué - c'était vous, Monsieur l'ancien président du Grand Conseil - qu'il était difficile d'exporter une douzaine de bouteilles de vin chez un restaurateur situé pratiquement de l'autre côté de la frontière, tout près. Certes, c'est difficile, mais si les vignerons se regroupaient pour faire passer un camion par semaine - de 12 bouteilles pour l'un, de 24 bouteilles pour l'autre, et de soixante pour un troisième - cela irait. Mais pas sans droits de douane ! Les droits de douane sont réglementés par l'Etat français, par des règles françaises, et nous n'allons quand même pas, nous, lui demander de les changer !
Il faut donc bien comprendre que nous allons pouvoir améliorer de nombreux fonctionnements, mais nous ne pourrons pas apporter des modifications dans les ordres juridiques des autres ! Nous pouvons tout juste le faire dans les nôtres, et encore, pour autant que cela ne concerne pas les relations internationales.
Vous voyez donc que la marge de manoeuvre est mince et qu'il convient de cultiver une espèce de «Guide des bonnes pratiques» pour les uns et les autres, plutôt que d'imaginer je ne sais quelle assemblée qui aurait je ne sais quels pouvoirs dans des pays qui n'ont jamais eu la moindre velléité de donner un pouvoir quelconque à des assemblées à caractère régional. Sauf, cas échéant, pour être opérateur de transports publics transfrontaliers, d'eaux propres transfrontalières, de téléphérique presque transfrontalier; je veux parler des fameux GLCT, qui sont des groupes opérationnels, lesquels sont d'ailleurs contrôlés par le Conseil d'Etat et par votre Grand Conseil, de notre côté, et par les instances correspondantes en France.
Quoi qu'il en soit, nous nous attellerons à essayer de trouver des solutions aux problèmes qui sont les vôtres, parce que nous avons bien conscience que le projet d'agglomération No 2...
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, il vous faut conclure !
M. Pierre-François Unger. Je conclus. ...qui doit être signé le 30 juin de l'année prochaine, ne sera ni durable ni solide si l'habillage qu'il y a autour des rails n'est pas mieux défini.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la résolution 537.
Mise aux voix, la proposition de résolution 537 est rejetée par 68 non contre 17 oui.
Le président. Je vous soumets maintenant la résolution 635.
Mise aux voix, la résolution 635 est adoptée et renvoyée au Comité régional franco-genevois (CRFG) et au Conseil d'Etat par 84 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Je donne la parole à l'auteur de cette proposition de résolution, c'est-à-dire M. le député Eric Bertinat.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
M. Eric Bertinat (UDC). Sans doute, la résolution que je vous propose aujourd'hui vous aura-t-elle surpris. Je vais donc essayer de vous expliquer qu'elle correspond non seulement à une réalité politique connue, mais plus encore qu'on ne le pense.
Petit préliminaire avant d'aller plus loin dans mes explications: je voudrais préciser un point, car le sujet de ma proposition de résolution a été, à mon avis, très mal compris par la presse. Il ne s'agit pas d'annexer des régions à la Suisse: nous ne voulons annexer personne ! Au contraire, la résolution propose d'intégrer à la Suisse les régions frontières qui seraient intéressées à devenir, éventuellement, un canton suisse.
Autre remarque: il est en fin de compte naturel de voir la Suisse s'agrandir petit à petit, elle l'a fait depuis sa naissance et au cours des siècles, les régions intéressées par la Confédération sont venues la rejoindre.
Qu'est-ce qui a déclenché le dépôt de mon texte ? C'est tout simplement un sondage récent qui a montré que les habitants du Vorarlberg, de Haute-Savoie, du Bade-Wurtemberg et de la région de Côme-Varèse étaient très intéressés et favorables à l'idée de rejoindre la Suisse. Bien évidemment, un sondage vaut ce qu'il vaut, mais celui-ci a attiré notre attention, car le taux des sondés qui sont favorables n'est pas minime; il montre que cet intérêt est tout à fait manifeste. J'ai pu m'en rendre compte il y a quelques mois, lors d'un déplacement à Stuttgart. J'ai assisté à une conférence réunissant un peu plus de 200 participants; à un moment donné, la personne qui présidait cette réunion a demandé aux gens qui étaient présents dans la salle si l'idée de devenir suisses, pour être maîtres de leur destin, pour avoir accès à la démocratie directe - droit dont peu de pays voisins, si ce n'est aucun, ne bénéficient... Eh bien, plus de 90% des participants ont levé la main en disant qu'il y avait un intérêt manifeste.
La question se pose de plus en plus, parce qu'avec l'Union européenne, peu encline à une démocratie directe, les pays voyant leur pouvoir ou leur souveraineté diminuer regardent du côté de la Suisse, qui, sur ce point, ne s'en sort pas mal du tout.
Dernière remarque: on vient d'aborder le problème de l'agglomération. Il est toujours difficile - je ne sais plus qui l'a dit - de travailler ensemble à cause de la frontière, car les règles ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre. Eh bien, si l'on prend le cas de l'Ain ou de la Haute-Savoie - bien évidemment, dans l'hypothétique cas de figure où ils deviendraient suisses...
Le président. Monsieur le député, vous avez dépassé la frontière du temps qui vous est imparti !
M. Eric Bertinat. Merci, Monsieur le président ! ... les problèmes d'agglomération se trouveraient résolus.
Je sais très bien ce qu'il va advenir de ce texte, mais je fais néanmoins le pari que nous n'avons pas fini de parler de ce sujet.
M. Pierre Weiss (L). Je ne savais pas M. Bertinat si proche de M. Baettig, et ce voisinage ne l'honore pas nécessairement... Celui-ci s'est en effet vu retoquer sérieusement lorsqu'il a proposé un objet similaire aux Chambres fédérales, et voici qu'aujourd'hui, sur le plan cantonal, M. Bertinat en vient à nous proposer d'accepter - il n'a pas dit «d'annexer» - que des régions limitrophes nous rejoignent ! A mon avis, s'il avait de l'histoire une meilleure mémoire, il se souviendrait que la Suisse a refusé d'accepter des régions limitrophes qui voulaient nous rejoindre. La dernière fois, c'était en 1919 au sujet du Vorarlberg, lequel s'était déclaré favorable, à 82%, en faveur du rattachement de ce land - une partie de l'ancien Empire austro-hongrois - à la Suisse. Eh bien, il s'est trouvé que la Suisse n'a pas voulu s'agrandir ni modifier ses frontières, pour les raisons déjà évoquées par Genève concernant la Savoie: pour ne pas modifier l'équilibre linguistique et confessionnel. C'est une boîte de Pandore que M. Bertinat veut ouvrir aujourd'hui ! C'est une boîte de Pandore, et, bien évidemment, nous mettrons tout en oeuvre pour qu'elle ne s'ouvre pas !
Au surplus, dans ces exemples - deuxième considérant - il est indiqué que les régions limitrophes sont victimes d'un dédain ou d'un désintérêt de la part des pouvoirs centraux... C'est peut-être vrai pour le Pays de Gex, mais je doute que le land du Bade-Wurtemberg soit victime d'un désintérêt de l'Allemagne pour son développement - d'ailleurs, c'est l'une des régions les plus développées d'Allemagne, avec la Bavière. Je doute que l'Alsace - il se trouve que c'est la patrie de mes ancêtres paternels... (Exclamations.) Je suis donc double national, bien sûr ! (Rires.) Je poursuis: je doute que l'Alsace se plaigne d'un désintérêt de Paris. Et je pourrais multiplier les exemples !
Prétendre que les régions n'ont pas la possibilité de se prononcer sur leur destin renvoie à deux choses: tout d'abord, évidemment, au droit national... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui ne le prévoit pas, sauf dans certains pays. D'ailleurs, jadis, l'URSS prévoyait le droit à la sécession, mais on sait que la constitution extrêmement «démocratique» de l'URSS - c'est une parenthèse - n'avait, dans les faits, pas grande portée. Mais le plus important, et qui peut déboucher sur une sécession, c'est l'autodétermination des peuples. Va-t-on prétendre qu'il y a un peuple savoyard, qu'il y a un peuple levantin, qu'il y a un peuple de la région de Côme, qu'il y a un peuple alsacien ? Voilà d'ailleurs aussi une rhétorique sur laquelle...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. ...je ne voudrais pas revenir ! Bref, Monsieur le président, le droit international ne reconnaît le droit à la sécession que dans des cas très limités.
Cette proposition de résolution est une ingérence indirecte, qui ne respecte pas l'intégrité territoriale des pays voisins. Elle est en outre offensante, parce que, en réalité, elle suppose que les pays voisins ne sont pas à même de mener à bien leur propre avenir. La Suisse s'est fixée dans ses limites: qu'elle y reste ! Elle y est heureuse, et ses habitants aussi !
M. Guy Mettan (PDC). Il est vrai que, comme certains dans cette salle, lorsque j'ai lu le libellé de cette résolution, j'ai d'abord cru à une plaisanterie. Je sais que l'UDC a beaucoup d'humour, mais pas toujours en ce domaine. J'aimerais quand même rappeler qu'il y a moins de deux ans le président de votre parti nous avait concocté une affiche parlant de la «racaille» d'Annemasse... Vous avez bien fait de supprimer cette affiche, car ce terme était tout à fait inapproprié. Mais enfin, nous sommes quand même assez étonnés de voir que, tout d'un coup, vous voudriez que la population voisine, dont vous vous méfiez tellement, vienne à nous maintenant.
Par ailleurs, durant ces deux dernières années, nous vous avons beaucoup entendu parler des accords de Schengen, en nous répétant urbi et orbi que ces accords ne valaient pas un clou parce qu'ils permettaient aux criminels de France voisine de venir chez nous. Il est vrai que, pas plus tard qu'aujourd'hui, la station Agip, à Anières, vient d'être dévalisée par quelqu'un qui fuyait du côté de la frontière... De deux choses l'une: soit les accords de Schengen sont efficaces, et, dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'accepter que les régions limitrophes nous rejoignent; soit ils ne le sont pas, et il ne faut surtout pas faciliter la tâche des criminels étrangers qui aiment tant les guichets de nos banques et de nos bureaux postaux !
Et enfin, il y a dans cette résolution une invite qui me paraît tout à fait surprenante, elle demande de modifier la Constitution fédérale... Or j'ai toujours cru, en lisant la propagande de l'UDC, que la Constitution fédérale est absolument intouchable, que c'est quelque chose de sacré, d'inviolable. Et voilà que, maintenant, vous nous proposez de tout bazarder, pour, au fond, non pas mettre la Suisse dans l'Europe, mais l'Europe dans la Suisse ! A mon avis, il vaut beaucoup mieux - en tout cas, c'est la considération que j'ai pour nos voisins français - parler sur un pied d'égalité, respecter les institutions de nos voisins. Si l'on veut s'ouvrir à l'Europe - ce que je salue, finalement, à travers cette initiative - il vaut beaucoup mieux que ce soit la Suisse qui aille vers l'Europe, que le contraire ! (Commentaires. Exclamations.)
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Patrick Lussi (UDC). C'est exactement comme tout à l'heure: vous avez l'art de galvauder un sujet et de l'amener sur un terrain qui n'a rien à voir ! En définitive, Mesdames et Messieurs, quand je vous entends... On est sans arrêt en train de nous dire que nous devons nous ouvrir aux réfugiés; et pour une fois que l'on essaie de suggérer que la Suisse pourrait s'étendre un peu, évidemment c'est le «fascisme discriminatoire», j'entends déjà des députés de certains bancs nous le dire !
Mesdames et Messieurs, regardez l'invite de cette résolution ! Regardez surtout, à la lumière de l'actualité, la dichotomie grandissante entre les élites oligarques - dont j'ai l'impression que quelques-uns parmi vous font partie - qui oublient constamment de tenir compte de ce que pense le peuple ! Eh bien, le peuple commence à s'exprimer différemment: n'en déplaise à certains, la démocratie purement représentative, les gens en ont assez ! Ils veulent aussi une démocratie directe, cela se constate de plus en plus, et ça s'entend !
Mesdames et Messieurs, que fait l'UDC ? Certains, je vous l'avoue, réfléchissent au problème... Eh bien non, Monsieur Mettan, la Suisse n'a pas envie d'entrer dans l'Europe ! Parce que le système politique ne nous convient pas ! Beaucoup de Suisses vous le diront: ce déficit démocratique ne convient pas ! Et si, comme cela semble se dessiner, quelques Européens décidaient de nous rejoindre, en admettant qu'ils aient droit à l'autodétermination, leur feriez-vous l'affront de le leur refuser ? La question se pose ! Honte à vous, Monsieur ! Honte à vous !
Mesdames et Messieurs, je vous conseille d'accepter cette résolution.
M. François Lefort (Ve). Une fois n'est pas coutume, cher Monsieur Bertinat, c'est avec magnanimité que nous nous sommes penchés sur cette résolution UDC. (L'orateur est interpellé.) Si, magnanimité, car, nous aussi, nous partageons votre goût pour l'excellent pinot noir de votre collègue Leyvraz. Mais il ne produit visiblement pas les mêmes effets chez tout le monde...
Néanmoins, il y a trois bonnes raisons pour refuser votre résolution, Messieurs Bertinat et Lussi ! D'abord, elle est tout à fait timorée, minimaliste, car, enfin, quitte à revoir le cadre constitutionnel fédéral, il faut le faire avec ambition, et non pas envisager un ridicule petit débarquement à Thonon ! Vous le savez, pour vos amis du MCG, la France voisine c'est toute la France ! Jusqu'à Bordeaux ! Et vous voudriez vous limiter à ces crêtes, si chères à Pictet de Rochemont ? Par contre, lancer nos féroces Vieux-Grenadiers à l'assaut de la France voisine, faire jonction avec les milices savoisiennes, défiler sous l'Arc de Triomphe... Ensuite, prendre Papeete et en faire notre porte-avions, remonter le Yangtsé avec notre fière Neptune, prendre Pékin, renommer la Place Rouge en «Place Rouge à Croix Blanche»... (Exclamations.) ...et marquer «Made in Switzerland» sur nos slips... (Applaudissements.) Voilà un programme plus ambitieux qui rajouterait un énorme canton à la Suisse, Monsieur Bertinat !
Voilà ce que nous inspire donc la lecture de votre résolution, et le nectar de votre collègue, bu concomitamment. Voilà la première raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas votre résolution: elle est minimaliste !
La deuxième raison est tout simplement d'ordre pratique, elle a déjà été mentionnée par certains députés. Votre résolution implique une révision partielle de la Constitution fédérale, dont le principe, sur la base de votre invite à l'Assemblée fédérale, est loin d'être acquis, je suis désolé de vous le dire ! Pourquoi ne pas demander aussi au Conseil fédéral de renégocier les traités de Vienne et de Turin ?! Ce qu'il pourrait faire, s'il lui en venait l'idée folle ! Cela aurait au moins le mérite d'être clair: cela ressemblerait tout à fait au casus belli que vous demandez à l'Assemblée fédérale de commettre.
Enfin, plus sérieusement, la troisième raison pour laquelle nous refuserons votre résolution, c'est qu'il y a une solution toute simple pour intégrer les régions limitrophes, une solution toute simple dont vous ne voulez jamais entendre parler: c'est l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne, à laquelle votre parti s'oppose constamment.
Pour conclure, vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Vert refusera d'entrer en matière sur cette pitrerie de l'UDC, qui commence à se prendre pour le MCG ! (Applaudissements.)
M. Claude Jeanneret (MCG). Eh bien, voilà une résolution qui, si elle peut paraître quelque peu surprenante au départ, ne l'est pas tant que ça ! Contrairement à ce que dit M. Lefort, qui n'a jamais rien su du MCG, sinon de le critiquer d'une manière stupide, nous n'avons jamais confondu la France dans son ensemble et le Pays savoisien, loin de là ! Nous nous sommes toujours pas trop mal entendus avec nos voisins, et nous leur avons même, au Moyen-Age, donné un coup de main quand ça n'allait pas... Il n'est donc pas nouveau que l'on tende la main à nos voisins !
Nous ne pouvons que constater que, depuis 1815, la France, pour coloniser la Savoie, n'a fait que violer les traités. Et si une région frontalière se réveille politiquement et a envie de connaître autre chose qu'une soumission aveugle au pays qui l'a quelque peu assassinée, cela me paraît être une bonne chose. Je ne sais pas si l'on pourra influencer la Confédération pour changer, disons... Mais nous pouvons en tout cas encourager les personnes intéressées à venir vers nous et leur faire savoir qu'elles seront soutenues, parce que, bien évidemment, nous allons les soutenir. Les conditions dans lesquelles elles vivent actuellement ne sont pas admissibles. C'est vrai, la France est championne de la nouvelle industrie du frontalier, cela rapporte 6 milliards dans le coin, mais on ne peut pas dire qu'elle encourage fortement le développement de la région haut-savoyarde, où les usines de décolletage et autres ferment jour après jour, parce que Paris n'en à rien à faire !
Il faut croire à la régionalisation, c'est un élément important, et je pense que la Suisse, surtout Genève, peut avoir une influence très significative.
Je dirai encore une chose. Les régions existent, elles ont toujours existé, et ce n'est pas parce que des pays centralisateurs les ont un peu asphyxiées qu'elles n'existent plus. Aujourd'hui, je pense réellement que le Pays savoisien se réveille, et nous aurons beaucoup à entreprendre. Nous n'allons pas faire une leçon d'histoire maintenant, mais c'est vrai que ce qui s'est passé depuis un siècle et demi est assez dommage. Alors, si aujourd'hui nous pouvons tendre la main à nos voisins, il faut le faire !
Certes, je suis surpris que cette résolution vienne de l'UDC, mais il n'empêche que c'est une très bonne initiative de sa part: il faut que les Savoisiens sachent que nous sommes à leurs côtés, pour qu'ils aient aussi une région. Comme disait Jean Dutourd, qui était quelqu'un d'intelligent: «Ce n'est pas la Suisse qui doit entrer dans l'Europe, mais l'Europe dans la Suisse». En effet, s'il y a une bonne constitution, c'est la nôtre ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner, à qui il reste une minute vingt. (Exclamations.)
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. L'UDC ne demande rien de moins, justement, que de pouvoir faire bénéficier nos voisins de notre liberté démocratique ! (Rires.) Mais oui ! (Brouhaha.)
Je vous le rappelle, cette résolution demande simplement que les régions limitrophes puissent bénéficier du choix, comme nous, de rejoindre, à un moment donné, la région qui est voisine. Nous avons choisi de manière démocratique - c'est le peuple, Monsieur Lefort, qui l'a décidé, ce n'est pas l'UDC ! - de ne pas rejoindre l'Europe, et c'est toujours le cas aujourd'hui. (Commentaires.) Mais cela ne veut pas dire que nous devons interdire aux autres de ne pas bénéficier de ce choix, de cette décision du peuple !
Au-delà de cela, j'aimerais quand même relever que si, par exemple - par hasard - l'Ain ou la Haute-Savoie voulaient rejoindre la Suisse, comme le demande cette résolution, eh bien, à ce moment-là, il s'agirait aussi pour les Suisses - et cela à la double majorité, des cantons et de la population - de pouvoir aussi dire oui ! (Commentaires. Brouhaha.) C'est l'essence même de la démocratie ! (Commentaires.) Finalement, votre manque d'ouverture est terrible ! Qui est intégriste dans ce parlement ?!
Le président. Madame la députée, il vous faut conclure !
Mme Christina Meissner. L'UDC ou vous tous ?
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.) (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Alors que l'UDC veut renvoyer tout le monde de Suisse, alors que l'UDC veut bâtir des murs législatifs pour refuser l'entrée de pas mal de gens, l'UDC nous prie ici, avec cette résolution, d'intégrer, d'assimiler, d'annexer des départements limitrophes ! (Exclamations. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais dire, c'est que l'UDC est tellement imbue, d'une certaine manière, de sa «suissitude», que, là, cela ne lui suffit plus au niveau de notre canton et qu'on est prêts à coloniser les régions limitrophes... tellement on est bons !
Etant donné que j'ai des origines jurassiennes, je voudrais juste vous rappeler que, dans les années septante, la Suisse entrait si peu en matière sur un plébiscite, celui de la séparation et de la construction du Jura, qu'à un moment donné il y a eu des pourparlers, voire des approches, du côté français et du côté jurassien, dans l'idée de, peut-être, annexer le Jura à la France... (Exclamations.) Et, à ce moment-là... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...qui s'était opposé avec force à cette idée ? L'UDC, plus particulièrement, et les partis de droite, plus généralement ! (Commentaires.)
Nous, socialistes, sommes contents de voir ce parti évoluer, mais, en même temps, nous ne sommes pas ravis de constater que cette évolution conduit à des velléités de colonialisme... (Brouhaha.) ...ce qui n'est pas de bon augure à Genève. C'est pour cette raison que le parti socialiste vous demandera de refuser cette résolution.
Le président. Merci, Madame la députée. Je serai extrêmement reconnaissant aux députés assis sur les bancs se trouvant sur ma droite, au propre comme au figuré, de bien vouloir respecter le moment durant lequel les intervenants s'expriment. Les autres députés font l'effort de ne pas vous interrompre: faites de même, je vous en prie ! (Remarque.) Non, Monsieur Lussi ! Non ! La parole est à M. le député Stauffer, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je sais que vous êtes tous respectueux des lois et, bien sûr, des premiers textes de la constitution genevoise. Sur le site de l'Etat de Genève - www.ge.ch/législation - vous trouverez ceci sous la lettre A 1 02: «Traité entre Sa Majesté très chrestienne et la Republique de Geneve». Eh bien, laissez-moi vous dire que la Savoie avait signé un traité...
Le président. Monsieur le député, vous devez conclure !
M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr, on va conclure ! Tout cela pour vous dire qu'il existe des zones franches - on parlait d'économie tout à l'heure - et que la constitution n'est pas respectée, alors que c'est publié sur le site de l'Etat de Genève ! Je conclurai ainsi, Monsieur le président, en disant: vive Genève et vive la Savoie libre ! (Commentaires. Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger, qui a droit à trois minutes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai partagé la surprise exprimée par un député à la lecture de cette résolution... La surprise de départ ! Je serais intéressé de savoir comment il l'a trouvée à l'arrivée !
En effet, Mesdames et Messieurs, nous n'allons quand même pas changer la Constitution fédérale par le biais d'une résolution de notre parlement ! Sans parler du fait que le droit international ne permet pas - je voudrais quand même insister sur ce point, car vous semblez avoir tout d'un coup envie de vous internationaliser, ce qui est plutôt une bonne nouvelle... (Commentaires. Rires.) Eh bien, ne permet pas la sécession !
Or, cette résolution ne préconise rien d'autre que de vouloir autoriser une partie - une partie ! - des Savoyards voisins à faire sécession. Et c'est bien de cela qu'il s'agit ! Le droit international prévoit la sécession dans des cas extraordinairement particuliers - par exemple, en cas de génocides ou d'événements de cette nature - et il ne faut donc pas y penser ! Accessoirement, le simple fait de discuter d'une telle éventualité est ressenti par nos voisins comme un geste extrêmement inamical, voire provocateur.
Mesdames et Messieurs, je suis aussi fier que vous de notre «suissitude», mais je n'ai, en revanche, aucun espoir, aucune envie ni aucun souhait de quelque nature que ce soit à coloniser qui que ce soit. Il faut rejeter cette résolution !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette proposition de résolution. (Commentaires durant la procédure de vote.)
Mise aux voix, la proposition de résolution 631 est rejetée par 57 non contre 16 oui.
Débat
Le président. Je donne la parole... (Remarque.) Il faut demander la parole, Monsieur le député ! Voilà. La parole est donc à l'un des auteurs de la résolution, M. le député Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (R). Je suis désolé, cette résolution sera peut-être un peu moins divertissante pour notre parlement... Comme vous le savez tous, les Chambres fédérales s'apprêtent, en juin, à apporter la touche finale à la révision de la LAMal, qui va consacrer le principe des réseaux de soins intégrés comme étant le maillon essentiel de notre système de soins.
Alors, en deux mots, en quoi consistent ces réseaux de soins intégrés ? Le principe le plus important est qu'il y aura un recours prioritaire à un seul interlocuteur - qui sera le médecin de premier recours - et une collaboration plus ou moins contraignante entre les membres du réseau de soins intégrés. En outre, les patients seront incités financièrement à y adhérer.
Ces réseaux de soins intégrés, Mesdames et Messieurs les députés, ont entraîné une vive résistance du corps médical, en particulier à Genève et à Bâle, deux cantons limitrophes. Pour votre information, sachez que 88% des médecins de l'AMG étaient prêts à lancer un référendum contre cette révision de la LAMal. Quelles sont leurs craintes ? Que les patients chroniques soient pénalisés; qu'il y ait une limitation de leur liberté thérapeutique; qu'il y ait une mise en concurrence de ces réseaux de soins, avec une discrimination pour ceux qui auraient trop de malades chroniques; que ces réseaux de soins intégrés entraînent une surcharge administrative.
Ces craintes sont probablement exagérées, mais certaines paraissent légitimes aux yeux des signataires de cette résolution, les groupes radical et libéral. A ce propos, je tiens à préciser que le premier signataire de cette résolution, votre serviteur, est un médecin cadre hospitalier, qui n'est touché en rien, ni financièrement ni professionnellement, par la problématique des réseaux de soins intégrés.
Que veulent nos deux groupes ? Le maintien d'une médecine de qualité en Suisse, et particulièrement à Genève. Ils ont donc essayé, dans cette résolution, de répondre aux inquiétudes du corps médical genevois, en sachant que c'est le Conseil fédéral qui va édicter les exigences de qualité déterminant le succès et le devenir de ces modèles de soins.
Quelles sont les invites de cette résolution ? Premièrement, les réseaux de soins intégrés doivent avoir une taille critique importante et regrouper vraiment tous les partenaires de soins, tant ambulatoires qu'hospitaliers. Deuxièmement, le choix pour les patients de participer à ces réseaux de soins intégrés ne doit pas être faussé par de trop grandes incitations financières qui seraient sans commune mesure avec la diminution réelle des coûts obtenue par ce système. Troisièmement, et c'est fondamental, les critères de qualité qui vont être édictés par le Conseil fédéral doivent prendre en compte les éléments suivants: les prestataires de santé, les médecins qui vont participer à ces réseaux de soins intégrés doivent avoir une formation postgraduée équivalente à notre formation FMH en qualité et en durée. Actuellement, pour s'installer, avec les bilatérales, il suffit d'avoir trois ans de formation postgraduée...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Patrick Saudan. ...en Europe, pour obtenir un diplôme FMH. Par ailleurs, les réseaux de soins intégrés ne doivent pas entraîner une surcharge administrative, et, enfin, les critères de qualité et leur taille minimale, édictés par le Conseil fédéral, découleront d'une concertation avec les autorités cantonales et sanitaires.
Dernière invite - et je finirai par là, Monsieur le président, si vous m'octroyez encore vingt secondes - les caisses maladie doivent être dans l'obligation de contracter avec tous les réseaux de soins intégrés qui remplissent les critères de qualité édictés par le Conseil fédéral.
Nous savons que ces réseaux de soins intégrés vont être une réalité dans l'avenir: ils ne peuvent pas s'édifier sans la collaboration des acteurs de santé, et c'est pour cela que nous vous demandons - et aussi pour des questions de calendrier, car nous allons traiter ce sujet en juin - d'adopter cette résolution et de la renvoyer à nos instances fédérales.
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Cette résolution ouvre le chapitre suivant de la révision de la LAMal, et le groupe socialiste espère que l'attention qui sera consacrée à cette importante question des réseaux de soins sera meilleure que celle portée jusque-là à la résolution qui suit, concernant le financement des soins de longue durée.
La question étant complexe et les invites touchant à divers aspects - formation, partenaires impliqués, financement - le groupe socialiste demande que la résolution soit renvoyée à la commission de la santé.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 634 à la commission de la santé est rejeté par 36 non contre 29 oui.
M. Bertrand Buchs (PDC). Les réseaux de soins intégrés, c'est un peu l'oreiller de paresse de M. Burkhalter ou l'oeuf de Colomb au niveau de la santé... Il semble que cela va régler absolument tous les problèmes des coûts de la santé en Suisse, mais cela ne sera certainement pas le cas !
J'aimerais juste signaler que les réseaux de soins existent depuis longtemps et que le canton de Genève était précurseur en la matière, puisque deux réseaux ont été créés avant même l'entrée en vigueur de la LAMal, en 1996. En outre, ces réseaux de soins n'ont jamais intéressé les caisses maladie, et l'on n'a jamais pu faire un travail efficace avec eux.
La résolution proposée aujourd'hui est intéressante sur un point, car elle rappelle certains éléments qui doivent être respectés au niveau des Chambres fédérales: un réseau de soins de qualité, mais, aussi, un réseau de soins qui soit accepté par toutes les caisses maladie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je rappelle à ce propos que le groupe démocrate-chrétien a déposé un amendement, il y a une année, devant les Chambres fédérales, pour demander que les caisses maladie remboursent tous les réseaux de soins qui seraient créés dans un canton, dans une région. Eh bien, cet amendement a été refusé à une très forte majorité par les Chambres fédérales !
Les discussions qui ont lieu actuellement, au niveau de la Confédération et au niveau des réseaux de soins, ne sont pas satisfaisantes pour les médecins. C'est la raison pour laquelle, à Genève et à Bâle, il est probable, si la loi est votée telle qu'elle est et si la voix genevoise n'est pas écoutée, qu'un référendum sera lancé; les médecins se mobiliseront pour obtenir les signatures nécessaires.
Ce n'est pas que nous voulons une augmentation des coûts de la médecine, nous voulons simplement éviter que les réseaux de soins soient pilotés par les caisses maladie, que celles-ci les dirigent, et que l'on se retrouve avec une nette diminution de la qualité des soins, ce qui sera sûrement le cas si les demandes contenues dans l'invite de la résolution de M. Saudan ne sont pas respectées.
Mme Esther Hartmann (Ve). Je suis consternée que cette résolution ne soit pas passée en commission de la santé, parce que nous la trouvions - nous, les Verts - intéressante. Intéressante, car les réformes envisagées au niveau fédéral vont effectivement impliquer une adaptation des réseaux de soins dans le canton.
Toutefois, nous émettons une importante réserve concernant quelques invites et nous éprouvons de la frustration en voyant que seuls certains professionnels de la santé sont mentionnés dans cette résolution. Or, il y a des infirmières qui travaillent dans des groupements médicaux, de même que des psychologues et des ergothérapeutes, qui mériteraient, eux aussi, d'être pris en considération lors de l'examen du fonctionnement des réseaux de santé, examen devant être plus adéquat qu'il ne l'est actuellement au niveau fédéral.
C'est pourquoi, en l'état, nous ne pouvons, étant donné son contenu et telle qu'elle est rédigée, soutenir cette résolution en vue de son renvoi direct au Conseil fédéral, et nous en sommes désolés.
M. Claude Aubert (L). Lorsque des enseignants expliquent qu'il faut prendre en considération la qualité de l'enseignement, tout le monde parle du lobby des enseignants; et lorsque des médecins expliquent qu'il faut protéger la qualité des soins, évidemment, tout le monde parle du lobby des médecins... Par conséquent, à mon avis, il faut regarder ce problème sous un angle relativement simple, celui de la protection du consommateur. Pourquoi ? Parce que toute personne qui se rend en consultation, d'une certaine manière, consomme des soins, et elle a le droit de savoir qui la soigne et quelle est sa formation. Aussi, lorsque ces réseaux de soins seront mis sur pied, il sera absolument indispensable que l'on puisse indiquer qui fait quoi, et avec quelle formation.
Je rappelle, d'un point de vue tout à fait factuel, qu'en Suisse un médecin peut s'installer après deux ans de formation postgraduée - deux ans ! - c'est l'OAMal qui le précise. Toutefois, très peu de médecins ont le culot, je dis bien «le culot», de s'installer après deux ans de formation postgraduée. Etudier la médecine est une chose, pratiquer des soins en est une autre; et la plupart des médecins, avant d'avoir un titre de spécialiste, suivent une formation postgraduée durant au minimum cinq ans.
Les conditions européennes sont telles que les «Eurodocs» peuvent s'installer après trois ans de formation - trois ans ! En Suisse, nous nous retrouverons avec, en quelque sorte, sur le marché - si vous me permettez cette expression - des médecins qui auront suivi deux ans de formation; d'autres, trois ans; et d'autres encore, cinq ans. Le risque étant, bien évidemment, que les réseaux de soins puissent recruter des médecins dont la formation ne sera pas forcément la meilleure. Je vous rappelle, à cet égard, tous les problèmes que nous avons connus avec les permanences, il y a dix, quinze ou vingt ans !
Par conséquent, du point de vue de la protection du consommateur, on sort du problème du lobby ou on prend le lobby du consommateur, et cela me semble être le seul moyen d'avoir une vision pas trop biaisée.
Dernier point. Je lance un appel qui n'a rien à voir, mais je saisis cette occasion: nous sommes dans l'Année internationale des forêts, c'est pourquoi je renonce consciemment à demander l'appel nominal. Que toutes celles et ceux qui passent leur temps à évoquer la forêt, la biodiversité, etc., en fassent autant ! Car il faut savoir qu'à chaque fois qu'un vote se fait à l'appel nominal, cela représente des tonnes et des tonnes de sapins et de grumes pour fabriquer le Mémorial ! (Exclamations.) Alors j'aimerais bien, pendant cette année, que nous renoncions à lancer: «Appel nominal !», de la même manière que, quand on était jeunes, on menaçait: «Na na na, on le dira à la maîtresse !» Merci. (Exclamations.)
Une voix. Sacré Aubert !
M. Mauro Poggia (MCG). C'est vrai que la première réaction, en lisant cette proposition de résolution, est de se demander ce que l'on essaie de nous faire avaler, car elle a l'air corporatiste... Non, je vous rassure, je pense que c'est dans notre intérêt ! On parle de «consommateur»; je pense que le patient, le malade, n'est pas un consommateur. Les prestations de soins ne sont pas un bien de consommation, j'utiliserai d'autres termes pour cela. C'est vous et moi, donc des assurés, nous espérons rester des assurés, et non pas devenir malades; mais si nous devenons malades, nous devons pouvoir compter sur des prestations de soin de qualité.
Ces réseaux de soins, qu'on le veuille ou non, vont progressivement s'imposer en Suisse, et, à mon avis, ce n'est pas une mauvaise chose, pour autant, bien évidemment, que l'on sache à qui l'on s'adresse et que les critère de qualité soient sauvegardés. Mais, surtout - vous le savez, ma crainte va toujours en direction des assureurs - j'imagine que les assureurs vont choisir ce qui va leur coûter le moins cher, qui ne correspond pas toujours à la meilleure qualité. C'est même souvent le contraire. Il faut donc savoir exactement à qui l'on s'adresse et, d'abord, contrôler ces réseaux de soins au niveau de la qualité. Ce n'est pas une question de protectionnisme en faveur des médecins locaux, mais, puisqu'il y a libre circulation, nous devons aussi savoir quels sont les médecins qui vont venir s'installer chez nous.
Je vous dirai qu'actuellement les médecins étrangers qui s'installent chez nous commencent par mettre le pied dans la porte par le biais des expertises médicales. En effet, des bureaux d'expertises engagent à tour de bras des médecins étrangers, qui font les expertises de nos assurés, des expertises qui, trop souvent, sont rendues en faveur des assureurs. Ce serait donc une bonne chose qu'un contrôle soit effectué à ce niveau-là.
Il faut qu'il y ait un contrôle des réseaux de soins et que les assurances maladie soient obligées de couvrir les frais de ces réseaux. Organiser un réseau de soins coûte évidemment beaucoup d'argent, surtout si l'on veut qu'il soit efficace, dans l'intérêt des patients. Mais que va-t-il se passer ? A un moment donné, si l'on n'oblige pas les assureurs à contracter avec tous les réseaux de soins - pour autant que les critères de qualité soient remplis - les assureurs vont choisir les meilleur marché ! C'est-à-dire ceux qui auront les coûts, par patient, les plus bas. Et, vous le savez, les malades qui coûtent le plus cher sont les malades chroniques. Donc, on va finalement pénaliser ces malades chroniques en pénalisant les réseaux de soins qui s'en occupent. Il est ainsi très important qu'un contrôle soit effectué au niveau national. Et, comme l'indiquait très justement M. Saudan...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Mauro Poggia. Je finis tout de suite, Monsieur le président ! ...un débat va avoir lieu à Berne, en juin, et il est important que ce signal soit donné, même si je suis toujours réservé quant à l'écoute que Berne peut prêter à nos démarches.
M. Marc Falquet (UDC). C'est vrai, cette résolution paraît très sensée et assez intéressante. Cependant, comme nous ne sommes pas tous médecins, je pense qu'il aurait été judicieux de pouvoir l'étudier, voire la peaufiner, en commission de la santé. Je trouve dommage qu'elle n'ait pas été transmise à cette commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme Schneider Hausser, à qui il reste deux minutes.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président, ce sera bien suffisant ! Nous, les socialistes, sommes plutôt favorables à ce type de réseaux de soins, mais, étant donné la complexité du sujet, il est indispensable de pouvoir étudier un minimum cette proposition de résolution en commission, afin de la compléter.
Comme elle ne pourra pas être travaillée en commission - cela a été refusé - nous ne soutiendrons pas, malheureusement, son renvoi direct.
Le président. Merci, Madame la députée. (Remarque.) Monsieur le député, auteur de la résolution, je suis désolé, vous avez déjà largement usé voire abusé de votre temps de parole; si je commence à faire des exceptions, je vais très vite me retrouver avec cent demandes dans cette salle !
Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Celles et ceux d'entre vous qui sont favorables à cette résolution votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la résolution 634 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 41 oui contre 28 non et 6 abstentions.
Débat
Le président. Aucun rapporteur ne se présentant, j'imagine donc que nous allons pouvoir passer directement au vote. (Remarque.) Ah, non ! (Quelques instants s'écoulent. Les rapporteurs prennent place à leur table.) J'imagine que les rapporteurs souhaitent prendre la parole... Je donne cette dernière à M. le rapporteur de majorité Philippe Schaller.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission a été favorable au choix politique du Conseil d'Etat concernant le nouveau modèle de financement des soins de longue durée, conformément à la disposition de la loi fédérale.
Je fais un bref rappel. Les Chambres fédérales ont adopté la loi sur le nouveau régime des financements des soins en juin 2008. Ce nouvel article LAMal 25a, alinéa 5, autorise le canton à reporter sur le patient une contribution personnelle allant jusqu'à 20% des coûts facturés pour les prestations de soins selon l'AOS.
Le Conseil d'Etat, par son arrêté du 23 juin - et c'est contre celui-ci que le groupe socialiste a écrit sa résolution - a choisi de diviser par deux le plafonnement et de le fixer à 10% de la contribution maximale fixée par le Conseil fédéral, soit 8 F par jour. Il a également proposé d'appliquer les barèmes du RDU - revenu déterminant unifié - pour moduler la part à charge des patients.
Pour les personnes au bénéfice de prestations complémentaires, la facture de cette contribution personnelle sera adressée directement au service des prestations complémentaires.
Mesdames et Messieurs les députés, renoncer à cette contribution équivaut à soutenir financièrement, avec des fonds publics, des personnes qui disposent de moyens suffisants pour financer partiellement les soins qui leur sont fournis.
Il faut relever - et cela est important - que le canton de Genève est le canton de Suisse qui soutient le plus fortement le financement des soins à domicile et leur développement, avec une part avoisinant, en 2008, 68%. Comme je l'ai déjà indiqué, renoncer à ce financement complémentaire reviendrait à alourdir encore plus la charge publique et risquerait de mettre en péril l'avenir de ce secteur. En mettant à contribution de manière limitée et de manière ciblée ceux qui le peuvent parmi les bénéficiaires de soins à domicile, on assied mieux la politique poursuivie par le canton en la matière. La majorité de la commission n'estime pas que cette contribution puisse nuire à la politique établie dans le canton, en faveur des soins à domicile et de l'ambulatoire.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce qui précède, la majorité des membres de la commission de la santé du canton vous propose de ne pas prendre en considération cette résolution.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Mme Christine Serdaly Morgan (S), rapporteuse de minorité. Une seule séance: c'est le temps que la majorité de la commission de la santé a accordé à la question du financement des soins de longue durée, soulevée par la résolution 637 !
Pour 1,5 million à trouver pour 2011 à la FSASD, la Fondation des services d'aide et de soins à domicile - d'ailleurs fraîchement reconvertie en établissement public - le Grand Conseil va-t-il accepter de mettre à bas vingt ans d'une politique exemplaire d'aide à domicile alors qu'arrive juste derrière celle des hôpitaux, dont on sait qu'elle vise à réduire encore les séjours et à les transférer sur les soins à domicile ?
Le Grand Conseil va-t-il accepter qu'une réforme fondamentale de la loi sur l'assurance-maladie se traduise par des décisions par simples arrêtés et de renoncer ainsi à ses prérogatives et à ses devoirs ?
Le Grand Conseil va-t-il accepter d'imposer aux assurés une nouvelle contribution financière en plus de ce qu'ils paient déjà pour les soins à domicile, par leur franchise, leur quote-part et le centime additionnel de leurs impôts ?
Le Grand Conseil va-t-il accepter d'imposer cette nouvelle contribution personnelle sans avoir de vision sur les besoins globaux en soins, sur l'impact du report des hôpitaux sur le domicile, sur les prestataires existants et nécessaires, bref, sans planification sanitaire, qui ne sera présentée au Grand Conseil que ce printemps ?
Le Grand Conseil va-t-il accepter que soit généré un financement peu transparent, dont on ne connaît pas l'impact sur l'aide sociale et dont le report sur les prestations complémentaires a déjà été évalué à 2 millions - pour un besoin de financement de 1,5 million, rappelons-le ! - et sans compter le surcoût administratif lié à la complexité du prélèvement ?
Enfin, le Grand Conseil va-t-il accepter de risquer que des personnes renoncent aux soins, en raison du coût ou de la complexité, et d'induire des surcoûts en aval, ainsi que le montre déjà une récente étude des HUG largement médiatisée ?
Très simplement et concrètement - rappelons-le encore une fois, puisqu'il semble que beaucoup renoncent à se pencher sur l'objet en prétextant que c'est trop compliqué - les principes de la révision de la LAMal concernant les soins de longue durée sont de bloquer la contribution des assureurs-maladie - qui, il faut le dire, ont habilement négocié en fixant des tarifs identiques de Genève à Glaris... - en conséquence, de transférer le solde non financé aux cantons qui doivent l'assurer et d'autoriser les cantons à faire participer les assurés, sans toutefois les y contraindre.
Mais, concernant les soins à domicile, des recommandations ont été immédiatement édictées par la Conférence nationale des directeurs de la santé pour inviter précisément les cantons à ne pas reporter le coût sur les clients et à assumer par la subvention pour soutenir l'idée que l'ambulatoire prime l'hospitalier.
Il s'agit de la première partie d'une stratégie fédérale globale visant à contrer...
Le président. Madame la députée, il vous faut conclure !
Mme Christine Serdaly Morgan. Oui ! ...l'augmentation des coûts et le vieillissement de la population. Et, vous en conviendrez peut-être, il ne s'agit pas d'une simple adaptation du cadre existant à de nouvelles règles, mais de la remise en question d'un modèle genevois, initié en 1992 avec l'aide et les soins à domicile, en 1998 avec une loi sur les EMS, et qui présente aujourd'hui tous les éléments d'un modèle gagnant face aux objectifs fixés par la Confédération. Faut-il dès lors que le Grand Conseil...
Le président. Madame le rapporteur, s'il vous plaît !
Mme Christine Serdaly Morgan. ...se refuse à jouer son rôle et à examiner, de manière approfondie et avec les outils nécessaires de cette réforme, ses conséquences au niveau cantonal ?
M. Charles Selleger (R). Il ne s'agit pas de démanteler le système des soins à domicile ! Ce sujet est d'une assez grande complexité financière, et il faudrait pratiquement être licencié en mathématiques ou être expert-comptable pour le comprendre vraiment. Je vais essayer de le simplifier. Le Conseil fédéral a pris des mesures, au cours des années, pour limiter le coût du vieillissement qui est à la charge de l'assurance obligatoire des soins. La récente modification de la LAMal, en son article 25, prévoit que la participation maximale de cette assurance obligatoire de soins est fixée, pour les soins de longue durée, à 79,80 F par jour. La couverture des montants réellement facturés est assurée, pour ce qui est du surplus, par les cantons, sous déduction d'une contribution possible demandée à l'intéressé, de 15,95 F.
Les cantons ont adopté des stratégies variables. Certains - neuf d'entre eux - ne demandent rien: Argovie, Berne, Bâle, etc. Huit cantons demandent 8 F au maximum. Cinq cantons demandent le maximum, soit 15,95 F; deux cantons laissent les communes choisir; un canton n'a pas encore décidé. Genève a opté pour une contribution variable, entre 0 F et 8 F, en fonction du RDU, ceci pour les soins ambulatoires, étant entendu que rien n'est demandé en matière de soins continus dispensés dans les EMS pour l'année 2011.
Le groupe radical soutiendra cette politique basée sur un compromis acceptable, eu égard au choix d'une solution médiane de notre gouvernement. L'effort maximum exigible s'élève à 2920 F par an, et cet effort ne sera exigé que dans la mesure où il sera supportable financièrement par les assurés.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, le groupe radical vous demande de refuser cette résolution.
Mme Sylvia Nissim (Ve). Je vais essayer d'être brève. Si les Verts se sont abstenus en commission, ce ne sera pas le cas aujourd'hui !
En effet, si nous comprenons la position socialiste consistant à s'opposer à toute contribution supplémentaire des clients, résidents, assurés, il nous semble, de fait, que renoncer à cette contribution revient à soutenir financièrement des personnes qui disposent de suffisamment de moyens pour participer au financement de leurs soins.
La décision du Conseil d'Etat, en conformité avec la disposition de la loi fédérale, de décharger le contribuable en faisant passer les contributions des bénéficiaires à 10% tout en tenant compte du RDU, nous semble raisonnable. Les personnes dont les ressources ne sont pas suffisantes seront, bien entendu, couvertes par l'aide sociale et ne seront en aucun cas laissées pour compte.
De plus, il a été plusieurs fois rappelé en commission que Genève soutient déjà les soins à domicile à hauteur de 68%, ce qui nous semble suffisant.
Les Verts sont donc favorables à une gestion raisonnable et égalitaire des soins à domicile et de l'ambulatoire.
Je vous remercie donc de ne pas prendre cette résolution en considération et de prendre acte de ce rapport.
M. Marc Falquet (UDC). Je crois que tout a été dit. Je voudrais juste préciser que seules les personnes disposant de moyens suffisants seront mises à contribution dans cette affaire. Le Conseil d'Etat a fait un effort, puisqu'il pouvait opter pour une augmentation de 20% et que, en fin de compte, il a divisé la poire en deux en augmentant de 10% seulement la participation des patients de longue durée.
Par ailleurs, c'est vrai - et je comprends la rapporteuse de minorité - on voit que les coûts de la médecine augmentent sans arrêt et que les prestations diminuent. Donc, on nous demande toujours plus d'argent pour toujours moins de prestations !
Il y aurait peut-être un terrain à défricher, c'est-à-dire de se demander si la médecine va dans le bon sens. Je ne veux pas critiquer la médecine, je ne suis pas médecin, mais on peut se poser des questions. On voit, par exemple, certains effets secondaires causés par des médicaments, effets qui coûtent des dizaines de millions de francs. On soigne quelqu'un avec un médicament; ensuite, on doit lui en donner un deuxième pour traiter les effets secondaires provoqués par le premier; puis il faut un troisième médicament pour traiter les effets secondaires du deuxième médicament, lequel provoque des maux d'estomac... Il y aurait vraiment des choses à améliorer au niveau de la médecine elle-même et il faudrait se poser des questions: la médecine fait-elle les bons choix ou est-elle dévouée à l'industrie pharmaceutique, plus intéressée par l'argent que par la santé des gens ? C'est un sujet dont on pourrait débattre.
Une voix. La conclusion !
M. Marc Falquet. En conclusion, nous ne soutiendrons pas la minorité, car nous pensons que ce que l'on va demander à certaines personnes, c'est une toute petite participation qui ne changera rien à leurs finances !
M. Bertrand Buchs (PDC). Les démocrates-chrétiens vont refuser cette résolution, parce que, pour nous, l'aide doit aller à ceux qui en ont besoin, et pas l'inverse.
La discussion, jusqu'à maintenant, a bien montré l'absurdité du financement de la santé... A ce propos, ce qu'a dit Mme la rapporteure de minorité est exact: on n'arrive plus à savoir où l'on en est au niveau des frais médicaux. Entre les séjours à l'hôpital qui sont de plus en plus courts, les primes d'assurance-maladie, les quotes-parts et les participations, les gens n'arrivent plus à s'y retrouver !
Mais il y a un point essentiel, c'est que Genève a développé depuis longtemps les soins à domicile. Cela fait plus de dix ans, et la structure mise au point fonctionne. Or elle a un coût ! Et il n'est pas totalement pris en charge par l'assurance-maladie, il l'est en grande partie par l'Etat. Il faut donc aussi que les personnes ayant des moyens financiers suffisants comprennent que l'aide à domicile a un coût et qu'il est normal qu'on leur demande une petite participation, c'est un minimum !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Mauro Poggia, mais, auparavant, je tiens à saluer, de la part du parlement, la présence de la classe de première année d'apprentis de l'Ecole de commerce André-Chavanne. (Applaudissements.) Monsieur Poggia, vous avez la parole.
M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, vous l'aurez vu dans le rapport de majorité, le MCG s'était opposé, dans le cadre de la commission, à la proposition socialiste. Mais, depuis lors, nous avons rediscuté de ce sujet. Sur le fond, nous sommes assez d'accord avec ce qui a été dit jusqu'ici par les représentants de la majorité, dans le cadre de ce projet, en particulier par M. Buchs, pour le PDC: l'aide doit être ciblée pour les personnes qui en ont besoin.
Il n'en demeure pas moins que nous pouvons nous demander si nous n'avons pas été un peu vite en besogne, en ne consacrant qu'une seule séance à cet objet, et s'il ne serait pas utile de savoir qui seraient les assurés touchés par ces mesures, leur nombre, et combien cela coûterait au canton d'abandonner cette participation des patients. Parce que, finalement, si cela représente peu de chose pour l'Etat, ce n'est pas le cas pour les personnes concernées. D'autant que ces 8 F ne représentent pas 10% de la facture globale, puisque c'est 8% de la somme résultant de l'ordonnance du Conseil fédéral sur les prestations de l'assurance des soins. Ce qui veut dire qu'une partie de la facture, en plus de ces 8 F, au maximum, peut être mise à charge de l'assuré.
Nous considérons donc, au groupe MCG, qu'un examen un peu plus attentif sur ce sujet tout de même délicat serait opportun, et nous suggérons le renvoi de cet objet à la commission de la santé.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous ferons voter votre proposition à la fin du débat. Je donne la parole à Mme la députée Lydia Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Les hospitalisations coûtent tellement cher aux assurances que les séjours ont été raccourcis, rationalisés à l'extrême. Compte tenu de ces coûts d'hospitalisation, Genève a, depuis plusieurs années, voire une décennie, soutenu de manière claire et massive l'organisation et le développement des soins à domicile à travers la FSASD et, pour cela également, par un centime additionnel qui, à l'époque, avait été accepté par le peuple.
Les soins sont soit remboursés, soit à charge complète de l'assuré si c'est lui seul qui demande ces prestations. Lorsque les soins sont remboursés par une assurance, le patient doit toujours - et devra toujours - payer sa franchise et ses participations, et là, par un arrêté, en quelque sorte par la bande, en période estivale 2010, le département des affaires régionales, de l'économie et de la santé - le DARES - promulgue qu'à partir du 1er janvier 2011 le patient aura une participation à payer aux soins à domicile, de 7,95 F par jour - enfin, 8 F - en plus de ce qu'il paye déjà: sa franchise, ses participations. Et les impôts, tout de même ! (Exclamations.) Rien n'obligeait le canton à percevoir ce complément, bien au contraire !
La Conférence suisse de la santé recommandait de ne pas toucher aux soins à domicile, mais le canton de Genève est entré dans la faille: 10% seront demandés aux patients ! Alors que des articles, ces derniers temps, viennent de paraître dans la presse locale, sur la corrélation entre la pauvreté ou la précarité et le non-accès aux soins, que sommes-nous en train de faire ici, avec nos aînés en particulier ? Parce que ce sont eux les principaux bénéficiaires des soins à domicile... Que sommes-nous en train de faire ? Profiter d'eux, d'une certaine manière: soit leur honneur les poussera à payer, soit, quand ils ne le pourront plus, ils se passeront des soins proposés par la FSASD ou par d'autres associations ! Si c'est cela, la vision d'avenir de ce parlement, elle est bien triste !
Le parti socialiste s'y opposera, car nous ne sommes pas d'accord de piéger les personnes souffrantes ou ayant besoin d'aide. Notre politique cantonale en matière de soins n'est pas cohérente - ou, plutôt, elle ne l'est plus, car elle l'était jusqu'à présent. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi en commission de cette résolution, pour pouvoir l'étudier davantage.
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à Mme Christine Serdaly Morgan, rapporteur de minorité, à qui il reste trente secondes.
Mme Christine Serdaly Morgan (S), rapporteuse de minorité. Nous sommes face à un vaste bricolage financier alors qu'il n'y a pas de planification sanitaire: on prend des décisions financières sans base décisionnelle cohérente, et nous sommes étonnés de cette absence de rigueur !
Le groupe socialiste vous invite à suivre la proposition du MCG et à renvoyer cette résolution en commission pour aborder la révision de la LAMal avec la rigueur et les outils nécessaires, en particulier la planification sanitaire cantonale.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. La parole est au rapporteur de majorité, M. Philippe Schaller. Vous avez deux minutes, Monsieur le rapporteur.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pensons pas qu'il soit utile de renvoyer cette résolution à la commission de la santé, car nous connaissons le montant en jeu et nous savons quels sont les bénéficiaires.
Il s'agit, en fin de compte, d'un choix politique; le problème n'est pas technique, il s'agit de savoir si nous voulons privilégier les personnes qui en ont besoin. Notre système social permet de protéger ceux qui ne peuvent pas payer cette quote-part, et, comme l'a expliqué le député Buchs, nous pensons que ce choix politique est bon et qu'il poursuit la politique menée par Genève en matière de soins à domicile.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. le conseiller d'Etat...
M. Pierre-François Unger. Il faut d'abord voter sur le renvoi en commission, non ?
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, nous sommes arrivés à la fin du débat. Si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte, nous procéderons au vote après, pour ne pas interrompre le débat sur le renvoi en commission.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit. Au fond, la question qui se posait à nous, compte tenu de ce nouveau modèle de financement, était d'abord de l'anticiper. Cela peut vous paraître bizarre, Madame la rapporteure de minorité, que l'on ait publié un arrêté à cette date, mais il y a des délais: les arrêtés doivent précéder de plusieurs mois la mise en route d'un système, et nous n'avons fait que nous conformer aux lois !
La décision a été prise, car beaucoup de personnes en EMS - 70% environ - sont au bénéfice de prestations complémentaires, et nous ne voulions pas inventer un financement de l'Etat à l'Etat, à l'intérieur même et d'une population et d'établissements où le pourcentage serait versé par les SPC pour aller vers la subvention... Ça n'avait aucun sens !
Pour ce qui est de l'aide à domicile, c'est tout à fait différent ! Plus de 70% des personnes bénéficiant d'une aide à domicile ne l'utilisent pas tous les jours de l'année ! Donc, les sommes qui ont été calculées sont des sommes maximales, plus élevées que la réalité. Et l'on sait qu'au-delà de trois interventions par semaine sur plusieurs mois, en règle générale - et malheureusement - les personnes vont si mal que soit elles retournent à l'hôpital, soit elles vont en EMS. Il n'est en tout cas pas fréquent que des personnes reçoivent des soins à domicile tous les jours.
Et puis nous avons pensé que la FSASD avait besoin de moyens. S'il est vrai, Madame la rapporteure de minorité, que vous n'avez pas encore la planification sanitaire dans son ensemble, vous auriez pu identifier que les moyens de la FSASD - c'est la seule pour laquelle vous auriez pu le faire - allaient augmenter, puisque 25 postes par année sont demandés à partir de 2012 et pendant quatre ans. J'en conviens, c'est une forme de planification indirecte, mais quand on demande plus de postes, c'est qu'on entend développer un service.
Pour financer tout cela, Mesdames et Messieurs, notamment l'année 2011 pour la FSASD, il convenait de prendre une mesure médiane, c'est-à-dire qu'au lieu d'appliquer le taux de 20%, comme la loi fédérale nous l'autorise, nous avons décidé d'appliquer un taux de participation à 10% adaptée au RDU, ce qui permet réellement aux personnes qui en ont besoin d'avoir une couverture quasi totale. Quasi totale ! Cela évitera d'«arroser», comme vous le demandez si souvent, sans vous rendre compte qu'à force de faire des pressions sur les dépenses, ce sont bien entendu les dépenses publiques qui augmentent, mais également les dépenses de l'assurance-maladie, ce qui, un jour, Madame, si l'on vous suit jusqu'au bout, finira par couper l'accès aux soins, accès auquel vous semblez si attachée, puisque plus personne ne pourra payer les primes nécessaires à s'assurer.
Quant à l'étude que vous avez évoquée, nous en parlerons plus tard lorsque nous l'aurons, car elle n'a pas encore été rendue publique. Nous en parlerons donc... (M. Pierre-François Unger est interpellé.) Ecoutez, c'est moi qui l'ai financée, et je ne l'ai pas encore reçue ! Alors tant mieux si les députés la reçoivent avant le commanditaire - ça devient une mode dans cette République !
Mesdames et Messieurs, le projet qui vous est proposé est très équilibré, et il nous semble que la proposition des socialistes le remet complètement en question. Ils devraient pourtant être rassurés, car nous avons indiqué que les effets de cette décision seraient évalués à la fin de l'année pour savoir s'il fallait la prolonger ou pas. Il faut savoir que votre proposition représentera, déjà à la fin de cette année, un trou de 3 millions dans le budget de la FSASD. Je vous laisse prendre votre décision, mais sachez que cela signifie, à terme, moins de postes à la Fondation des services d'aide et de soins à domicile et, donc, moins d'accès aux soins, alors que nous pensions, au contraire, l'élargir.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 637 à la commission de la santé est rejeté par 50 non contre 28 oui et 2 abstentions.
Le président. Je vous soumets maintenant cette proposition de résolution. Je vous rappelle que le rapport de majorité préconise de la refuser et le rapport de minorité, de l'accepter.
Mise aux voix, la proposition de résolution 637 est rejetée par 50 non contre 13 oui et 15 abstentions.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le premier signataire de cette résolution est M. le député Patrick Saudan, à qui je donne la parole.
M. Patrick Saudan (R). Merci, Monsieur le président. Nous avons beaucoup parlé de l'augmentation des coûts de la santé; ceux-ci augmentent parce que notre population vieillit, parce que l'offre médicale, du point de vue technologique, s'accroît, mais aussi, malheureusement, parce que notre population grossit. Et il faut réaliser que, plus que la fumée active, plus que les maladies infectieuses, plus que la toxicomanie, l'obésité est devenue le plus gros problème de santé publique auquel sont confrontés les pays occidentaux.
Je ne vais pas vous abreuver de statistiques de santé publique. Un seul chiffre: les coûts liés au traitement des maladies provoquées par l'obésité, à Genève, en 2005, se situent entre 400 et 500 millions de francs. Juste pour vous mettre les choses en perspective...
Nous devons donc réagir ! Je ne veux pas en faire une croisade personnelle, mais, dans ma pratique hospitalière, je suis confronté, en bout de chaîne, à ces malades, et je ne peux - c'est vrai - que constater les conséquences dramatiques de l'obésité sur leur état de santé. Il n'y a pas de pilule miracle, il faut absolument prendre une série de mesures pour arriver à inverser cette tendance. Et, parmi les mesures prises dans le domaine alimentaire, une mesure est appliquée à New York depuis 2008. Elle est assez intéressante, car elle fait appel au libre arbitre du citoyen consommateur lorsqu'il consume... lorsqu'il consomme... - pardon pour ce lapsus très révélateur ! (Commentaires.) ...de la restauration rapide, type d'alimentation qui est malheureusement de plus en plus répandue chez nos jeunes. Cette mesure est toute simple: elle consiste à afficher clairement à proximité du prix la valeur énergétique en kilocalories des consommations, afin que chacun puisse décider en toute connaissance de cause s'il va acheter ou non ce type d'alimentation.
Qu'en est-il à Genève ? Vous pourriez me rétorquer qu'à Genève c'est déjà fait... Certes, une chaîne de restauration rapide très connue - que je ne citerai pas - applique cette politique, mais je tiens à vous expliquer comment elle procède. Au recto des sets de table, il est marqué: «Les informations nutritionnelle figurent au verso». Si vous voulez connaître la teneur d'un big «quelque chose» et d'un paquet de frites, vous allez au verso, dans le coin, et vous consultez les colonnes où sont indiquées ces informations. C'est là que vous vous rendez compte que vous avez ingéré 1000 kilocalories rien qu'avec ces deux produits !
Il est clair que cette mesure ne va pas révolutionner le traitement de la surcharge pondérale, mais elle peut être utile. Le problème c'est qu'elle implique un changement de la législation fédérale: c'est pourquoi nous agissons par voie de résolution. Je pense qu'elle peut tout à fait être renvoyée à la commission de la santé pour y être peaufinée.
C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous demande de la renvoyer à la commission de la santé.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Eric Leyvraz (UDC). Cette résolution part d'un bon sentiment, mais l'objectif semble discriminatoire. On pourrait croire que la restauration rapide est la cause de tous les maux de notre société - l'obésité, ses maladies - et qu'elle est la source de nos problèmes. Si c'était le cas, il serait beaucoup plus simple de fermer ces restaurants !
Le mode de vie général - l'abus de l'utilisation de moyens de transport passifs et de médias électroniques - explique et amplifie les dérives de notre société moderne qui ne fait plus assez d'exercice et qui montre peu de goût pour l'effort physique.
Cette résolution attaque de façon unilatérale un type de restauration. Je doute que dans notre pays, où l'offre est variée et n'a rien à voir avec celle des USA, la mesure proposée soit intéressante. Il n'est pas si simple d'évaluer combien de calories se trouvent dans certains aliments, et les gens ne vont pas faire le calcul sur la quantité consommée. Les produits de grande surface portent souvent des indications en la matière, mais ce sont des produits conditionnés et l'effet sur la population est parfaitement nul.
Il serait beaucoup plus judicieux de discuter avec les chaînes concernées, qui, il faut quand même le reconnaître, ont fait de gros efforts dans le bon sens. Alors arrêtons de tout vouloir réglementer de façon exagérée ! Mettons plutôt l'accent sur l'éducation des jeunes en leur donnant le goût de la bonne nourriture ! C'est pourquoi il faut refuser cette résolution.
M. Frédéric Hohl. Le vin ! (Rires.)
M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts accueille bien entendu cette proposition de résolution avec un grand intérêt. Nous avons toujours soutenu, aux niveaux régional et national, l'application d'étiquettes énergie, notamment sur la consommation électrique des appareils ménagers; cela a effectivement permis, sur le long terme, de diminuer fortement la consommation électrique de ces appareils. On a pu le constater et quantifier ce qu'il était possible de faire. On a réussi à le faire, ce qui a permis au consommateur d'acheter en conséquence. Maintenant, le consommateur peut choisir l'étiquette A, A++, et la consommation de son frigo diminue.
De la même manière, l'étiquetage d'une consommation rapide dans un fast-food est tout à fait possible. Cela aidera à déterminer quel type de restauration est bonne ou pas pour la santé, si elle est saine, quelle est sa valeur calorique. Forcément, certaines restaurations se retrouveront en bas de la liste, et d'autres, en haut. En tout cas, les consommateurs pourront se faire une meilleure idée de ce qu'ils mangent. C'est tout à fait réaliste et possible.
Il est toutefois intéressant de lancer le sujet en commission de la santé, pour avoir des auditions complémentaires. Les offices fédéraux qui ont créé les étiquettes énergie pour différents produits - dont, comme je l'ai déjà dit, les appareils ménagers, mais, également, les voitures - pourront peut-être apporter des éléments.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le problème de l'obésité, il ne faut pas le nier, est une vraie épidémie, et il faut la traiter comme telle: il faut se battre contre l'obésité et entreprendre tout ce qui est possible. La première des choses, c'est la façon de se nourrir. Il est donc essentiel que nous discutions de la valeur calorique des aliments que nous consommons. C'est un élément de base, pourtant la plupart des personnes n'ont aucune idée de ce qu'elles ingèrent, car elles ne savent même pas ce qu'est une calorie. A ce propos, je vous livre une petite anecdote: l'une de mes patientes ne comprenait pas pourquoi elle prenait du poids... Elle buvait chaque jour trois à quatre litres d'une boisson gazeuse américaine.
Il me semble donc tout à fait important de traiter de ce sujet en commission de la santé, cela nous donnera l'occasion d'examiner la question de l'affichage. Car il est possible d'avoir un affichage ludique et compréhensible, permettant aux gens de choisir leur menu en toute connaissance de cause lorsqu'ils consomment des produits de restauration rapide.
Une voix. Excellent !
M. Mauro Poggia (MCG). Dans tous les domaines, l'information est la prémisse de l'exercice de la liberté. Je dis bien: dans tous les domaines ! Il ne s'agit pas ici de comparer le consommateur de restauration rapide avec une machine à laver, mais c'est vrai qu'à la base le même souci se présente: celui d'informer, pour permettre de prendre une décision conforme à celle que l'on croit bonne au moment où on la prend.
Nous le savons, ces restaurants rapides sont souvent décriés, même s'il est vrai que des améliorations notables ont été apportées dans ce domaine - et nous les saluons - la malbouffe. Malbouffe qui est souvent servie aux personnes les plus modestes de notre population, peut-être les plus sujettes à l'obésité.
L'obésité est un vrai problème. On parlait tout à l'heure de santé, de coûts de la santé... Eh bien, nous le savons, l'alimentation a un impact direct sur la santé, il est donc important que l'on sache ce que l'on mange, et tout particulièrement dans ce type de restaurants. Bien entendu, il faut que les mesures prises soient proportionnelles aux résultats que l'on veut atteindre, parce que l'on ne peut pas exiger de tous les restaurants qu'ils fassent ce type de calculs. Mais dans la restauration rapide, où les menus sont, si j'ose dire, reproductifs, ce ne serait pas un très gros travail que d'afficher la valeur calorifique des repas. Je crois qu'on dit «calorique», pas «calorifique». Excusez-moi !
Nous considérons donc que cette proposition doit être soutenue, mais nous ne pensons pas, devant l'évidence du bienfait qu'elle peut apporter, devoir la renvoyer devant une commission. Nous estimons qu'elle peut être adressée telle quelle au Conseil d'Etat, afin qu'il interpelle l'Assemblée fédérale. Nous sommes certains qu'à Berne d'autres personnes de bon sens soutiendront cette résolution, comme nous le ferons tout à l'heure.
Mme Aurélie Gavillet (S). Ce texte part assurément d'une bonne intention, aussi le groupe socialiste le soutiendra-t-il.
J'aimerais simplement rappeler ici que la seule indication de la valeur énergétique, et cela uniquement dans le secteur de la restauration rapide, ne suffira pas à mener une véritable politique de santé publique. L'action de l'Etat doit plutôt s'inscrire dans un contexte global: il faut à la fois lutter contre les mauvaises habitudes alimentaires et promouvoir le sport et les repas de qualité, en particulier dans les écoles, pour les enfants et les jeunes. Le Conseil d'Etat doit le faire ! (L'oratrice est interpellée.) Il le fait effectivement, et nous le soutenons - les apprentis du CEC André-Chavanne, qui sont aujourd'hui à la tribune, ont pu déjeuner à la cafétéria Fourchette verte de leur établissement - cela fait...
M. Gabriel Barrillier. C'était bon ?
Mme Aurélie Gavillet. ...partie des tâches de notre canton, et nous trouvons que c'est très bien.
C'est dans cette mesure, Mesdames et Messieurs les députés, que la résolution qui nous est présentée aujourd'hui nous semble manquer d'une vision globale, pour se concentrer sur un aspect très particulier du problème. Mais comme elle semble partir d'une bonne intention, le groupe socialiste ne se sent pas le coeur de la refuser... (Exclamations. Le président agite la cloche.) ...et soutiendra un éventuel renvoi de cette résolution en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Patrick Lussi, à qui il reste une minute.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC s'inquiète ! En effet, vous nous traitez d'extrémistes, vous nous traitez de toutes sortes de choses, mais, en définitive, que voit-on ? Après l'alcool, après la fumée, voilà maintenant que vous vous attaquez à la bouffe ! Mais alors, quel plaisir reste-t-il ? (Rires.) En entendant mon préopinant Vert... (Commentaires.) ...dire que l'affichage de la consommation d'énergie a été une bonne chose en ce qui concerne les ampoules, je pense qu'il oublie une chose: la bouffe, c'est aussi une partie de plaisir !
Alors permettez-moi une petite boutade - et j'attends votre prochaine intervention... J'ai lu dernièrement qu'à chaque fois qu'un homme fait l'amour cela équivaut à courir un cent mètres... (Rires.) Vu mon âge, ma pratique annuelle devient dangereuse ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)
J'attends un projet de loi, afin que l'on légifère dans ce domaine ! Je vous invite à refuser cette résolution. (Commentaires. Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger, pour trois minutes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que l'information est la mère de la liberté et qu'à ce titre nous devrions en savoir plus... Quoi qu'il en soit, cette résolution, même si elle est destinée à l'Assemblée fédérale et que, de ce fait, nous n'aurions pas à en assurer la gestion, pose quand même d'innombrables problèmes.
En effet, que veut-on exactement ? Ce que l'on veut ne concerne pas seulement le fast-food: de manière générale, il faut un étiquetage ! Celui-ci devra-t-il se faire pour les régimes de bananes, les olives, le saucisson ? Et pourtant les gens en mangent beaucoup !
En réalité, cela n'a aucun sens de cibler particulièrement tel ou tel type de nutrition. Le seul moyen, c'est d'apprendre à connaître un tant soit peu la valeur nutritionnelle de ce que l'on mange, et cela fait partie du programme de l'école. Nous collaborons d'ailleurs beaucoup avec le service concerné, avec le médecin, M. Lormand - je crois qu'il vient de changer de nom; pas Lormand, le service, c'est pour cela que le nom ne me revient pas - et on a pu démontrer que les actions menées, une vingtaine depuis quatre ans, avaient permis de stabiliser l'index de masse corporelle des enfants entre 7 et 17 ans. On y arrive donc ! Ce n'est en tout cas pas le simple étiquetage de telle ou telle nourriture, au détriment de telle ou telle autre, qui va fondamentalement améliorer les choses: cela ne nous paraît pas inutile, mais compliqué !
De plus, entre la traçabilité, la présence d'OGM ou pas, le ceci, le cela, les renseignements sur les denrées alimentaires, qui sont censés nous informer, sont tellement illisibles qu'ils sont plus une source de désinformation qu'autre chose. Je ne vois donc pas ce que cela apporte réellement aux gens, à part qu'on se donne bonne conscience en fournissant un nombre incroyable de renseignements ! On sait par exemple que les besoins énergétiques varient beaucoup en fonction de l'âge, de l'activité sportive... Que vaut donc un renseignement, s'il n'est pas mis dans un contexte ?
Bref, je pense qu'il est préférable que nous discutions en commission de tous ces éléments, avant que d'adresser ce chaleureux message aux Chambres fédérales.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Dans un premier temps, comme cela a été demandé, je vous soumets le renvoi de cette résolution à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 648 à la commission de la santé est adopté par 65 oui contre 5 non.
Le président. Mesdames et Messieurs, vous avez droit à une petite pause, jusqu'à 17h. Je lève la séance.
La séance est levée à 16h20.