Séance du
jeudi 18 mars 2010 à
20h30
57e
législature -
1re
année -
6e
session -
27e
séance
R 605
Débat
M. Edouard Cuendet (L). Mesdames et Messieurs les députés, la résolution qui vous est soumise aujourd'hui pose une question toute simple: voulez-vous que la Suisse et, par ricochet, le canton de Genève conservent un système fiscal cohérent et respectueux de la sphère privée ou préférez-vous imposer un régime fiscal fondé sur la toute-puissance du fisc et de l'Etat ? C'est, au fond, de cela qu'il s'agit. Le système fiscal suisse, je le rappelle, est fondé actuellement sur un subtil équilibre entre la protection de la sphère privée du contribuable et le nécessaire droit de l'Etat d'effectuer des contrôles. Cet équilibre a notamment pour conséquence la distinction opérée entre la simple soustraction d'impôts et la fraude fiscale. Cette dernière présuppose en général, en résumé, l'utilisation d'un faux dans les titres. En revanche, omettre de déclarer un élément de fortune ou de revenu ne constitue qu'une soustraction fiscale qui n'est pas considérée comme un délit selon le droit suisse. En Suisse, seule la fraude fiscale peut donner lieu à une levée du secret bancaire. Cela ne veut pas pour autant dire que l'évasion ou la soustraction fiscales y soient tolérées, bien au contraire !
Et c'est là que je me permets d'insister: le fisc, fédéral et cantonal, n'est absolument pas démuni pour poursuivre ces éventuels contribuables récalcitrants. En effet, il dispose tout d'abord d'un impôt de garantie, c'est l'impôt anticipé de 35%, qui a à peu près le taux le plus élevé au monde. En plus, le fisc peut infliger des amendes extrêmement lourdes, puisqu'elles peuvent ascender à plus de trois fois le montant soustrait. Et, enfin, les délais de prescription sont particulièrement longs en Suisse, en général dix ans, ce qui permet au fisc de poursuivre les contrevenants.
Mais - comme vous le savez sans doute, puisque vous lisez certainement les journaux - suite aux pressions massives exercées par des Etats étrangers et par des organisations comme le G20, la Suisse a cédé le 13 mars 2009 et a accepté de supprimer, au niveau international, la distinction entre la fraude et la soustraction fiscales, notamment dans le cadre des conventions de double imposition. Et c'est là où intervient la résolution: est-ce que cette forme de capitulation au niveau international constitue une raison suffisante pour supprimer en Suisse, pour les contribuables suisses, cette distinction en droit interne et, de la sorte, mettre à mal tout le système fiscal dont la Suisse s'est dotée de manière démocratique, en faisant cette espèce de chamboulement complet sur la base de pressions extérieures ? Le groupe libéral et les autres signataires de la résolution en question pensent qu'il ne faut pas, précisément, céder à cette capitulation, mais donner un signe politique fort. En effet, les cantons sont concernés, et il n'est pas normal que les autorités cantonales crient urbi et orbi qu'elles sont pour cette suppression. Je rappellerai d'ailleurs ici que, le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a clairement indiqué que la suppression de cette distinction au niveau international ne devait rien changer pour les contribuables suisses.
Bien entendu, dans les rangs d'en face, beaucoup de personnes plaident pour l'abolition du système actuellement en vigueur. Ce sont ceux-là qui rêvent d'un Etat fort, extrêmement fort, qui domine le citoyen pour qu'il puisse être contrôlé et devienne totalement transparent. Et nous sommes justement opposés à cette transparence absolue: nous sommes pour que l'Etat soit au service du citoyen, et non pas l'inverse ! Ces mêmes personnes, certaines d'entre elles en tout cas, rêvent d'imposer en Suisse des systèmes à la française ou à l'allemande, qui sont extrêmement intrusifs et où le fisc intervient avec des méthodes policières auprès des contribuables. On a vu l'échec de ces systèmes puisque, dans des Etats comme la France et l'Allemagne, ils n'ont eu qu'un effet, c'est de chasser leurs contribuables...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! (Commentaire.)
M. Edouard Cuendet. C'est pour cela que les signataires plaident pour que notre pays et notre canton conservent leur système fiscal et que le Conseil d'Etat s'oppose à la suppression de la distinction entre fraude et soustraction fiscales.
Une voix. Bravo Edouard ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Amaudruz... Euh, pardon: Madame ! Madame Amaudruz !
Mme Céline Amaudruz (UDC). Je ne suis pas encore un monsieur, mais je vous remercie, Monsieur le président ! Personne ne va être surpris si l'on vous dit que le groupe UDC soutient et signe cette résolution. Vous n'êtes pas sans savoir que le groupe UDC se bat depuis des années pour le maintien du secret bancaire. Je vous rappelle que, le 14 novembre 2002, une résolution UDC a été adoptée, elle s'intitulait: «Inscrire le secret bancaire dans la Constitution fédérale». Elle n'a malheureusement pas fait grand effet. Dès lors, on a décidé, le groupe UDC, de lancer une initiative populaire pour inscrire le secret bancaire dans la Constitution suisse. Je ne peux que vous inciter à la signer ! (Commentaires.) Il y a deux semaines, M. Nidegger a déposé une initiative parlementaire visant à inscrire le secret, enfin, la défense de la sphère privée bancaire... (Brouhaha.) Il est évident que l'UDC va se battre pour le secret bancaire, pour la défense de la sphère privée.
Aujourd'hui, l'enjeu n'est pas de savoir si c'est les libéraux ou les UDC qui ont commencé à se battre pour ça ! Parce qu'on est face à une situation grave, Mesdames et Messieurs les députés: on doit sauver notre place financière dont dépend une part essentielle des places de travail à Genève. Ce sont des ressources fiscales indispensables à la politique sociale, Mesdames et Messieurs les députés ! Il faut sauver l'économie de Genève et, particulièrement, éviter un effet de dominos. Enfin, il faut préserver la sphère privée, qui est au coeur de nos valeurs. Et elle nous touche tous, Mesdames et Messieurs les députés !
Comme vous le savez, le secret bancaire est entré dans le droit suisse en 1934; il y a une loi à ce propos. Depuis lors, la Suisse vit avec la tradition du secret bancaire. Le but de ce dernier est d'imposer, à un banquier ou à toute personne qui est soumise à cette loi, le respect de la sphère privée de chaque individu. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Aujourd'hui, il faut lancer un appel au Conseil fédéral, qui a l'air de lâcher du lest: oui, ils subissent beaucoup de pressions à l'extérieur, mais il faut se battre ! Il faut que les cantons se battent, il faut que Genève se batte. Et il faut montrer au Conseil fédéral qu'on n'est pas d'accord d'accepter sa mollesse et, aussi, son esprit de contradiction ! Réagissons ! Défendons nos valeurs ! J'aimerais qu'on m'explique comment, depuis des années, toutes ces personnes qui ont des comptes en Suisse, qu'elles soient suisses ou étrangères... (Exclamations. Commentaires. Rires.)
Une voix. Merci l'UDC !
Mme Céline Amaudruz. Merci de votre intervention !
M. Antoine Bertschy. C'est ce qui fait notre fortune !
Mme Céline Amaudruz. Bon... Je peux continuer ?! Je vous remercie !
Le président. Je vous en prie, Madame !
Mme Céline Amaudruz. Merci ! Tous...
Le président. Mais vous avez atteint les trois minutes, il vous faut conclure !
Mme Céline Amaudruz. Je vais conclure. Tous ces gens étaient en situation légale. Et, du jour au lendemain, on leur dit: «Mesdames et Messieurs, vous êtes en situation illégale» ?! Mais c'est juste n'importe quoi ! Alors, je vous en conjure...
Le président. Très bien...
Mme Céline Amaudruz. Je conclurai en disant: «Vive le secret bancaire, vive la sphère privée, et vive la Suisse !» (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les invites de la présente résolution disent, car la Suisse a dû accepter, sous la menace de plusieurs pays de l'OCDE, de revoir la notion de secret bancaire et, donc, de transmettre des informations aux pays signataires de conventions de double imposition - parce que la Confédération mais également l'Association des banquiers privés suisses ont accepté de considérer qu'il ne pouvait plus y avoir de distinction entre fraude fiscale et évasion fiscale et que nous allons petit à petit accepter une entraide administrative plus importante dans un certain nombre de cas de CDI, car, bien sûr, ces décisions auront influencé le système bancaire suisse... Alors vous voulez sauver, à l'interne de notre pays, des bastions instaurés sur des sables mouvants. Et ce que vous proposez dans vos invites, c'est un appel à couvrir des fraudes et des détournements de la loi fiscale suisse sous couvert de la protection de la sphère privée.
Dans l'exposé des motifs, vous expliquez qu'en Suisse l'Etat est chanceux, car il peut compter sur un impôt anticipé de 35%. Vous oubliez juste d'indiquer que ces 35% portent sur les bénéfices d'une somme versée sur un compte en banque. Cela ne garantit pas que la somme sur le compte en banque soit déclarée aux impôts... Oui, il y a des amendes fortes lorsque le fisc découvre qu'un contribuable n'a pas déclaré cette somme. Mais quand on joue au poker, on en accepte certaines règles ! Et si l'on triche et que l'on se fait découvrir, eh bien, on en accepte les conséquences. Il semble que, dans certaines histoires, on utilisait des tonneaux de goudron et des plumes dans ces cas-là...
Mesdames et Messieurs les députés, la plupart des contribuables suisses, comme dans n'importe quel pays du monde, sont attachés à leur lieu de vie, à leurs emplois. Si l'Etat manque de ressources, ce sont les contribuables moyens qui vont payer plus cher, alors que ceux qui ont le pouvoir financier pour soustraire leur contribution au bien public peuvent s'en tirer à meilleur compte... Plus nous acceptons que le système financier et bancaire reste opaque, plus nous enrichissons les personnes déjà riches et appauvrissons le citoyen contribuable moyen. Pour ces raisons, nous refuserons cette motion.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Les Verts sont également attachés à la protection de la sphère privée du contribuable. Cependant, il est très clair pour les Verts que le secret bancaire ne doit pas servir à protéger les délits fiscaux.
Afin de garantir la justice fiscale, nous sommes d'avis que la distinction entre la fraude et la soustraction fiscales doit disparaître, tant sur le plan national qu'au niveau international. Nous considérons en effet cette distinction comme étant artificielle. La personne qui omet de déclarer sa fortune ou une partie de celle-ci et celle qui tente de se soustraire à limpôt de manière fallacieuse visent en fait le même objectif: payer moins d'impôts que ce qu'elles devraient.
Enfin, cette distinction entre fraude et soustraction fiscales est une particularité du droit suisse qui est appelée à disparaître, et nous sommes d'avis que les gesticulations de parlementaires cantonaux ne changeront pas grand-chose à cet état de fait. Nous ne voterons donc pas cette proposition de résolution.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Dandrès, à qui il reste vingt secondes.
M. Christian Dandrès (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais revenir en deux mots sur la distinction entre fraude fiscale et soustraction fiscale et rappeler simplement que, contrairement à ce qu'a indiqué mon collègue Cuendet, la principale justification de cette distinction, c'est la guerre fiscale que la Suisse mène contre la communauté internationale depuis de nombreuses décennies. (Commentaires.) La réalité est donc beaucoup plus prosaïque que la noble défense de la sphère privée... (Commentaires.) ...à laquelle je suis particulièrement attaché. (Commentaires.) A partir du moment où la Suisse a décidé de collaborer avec les pays tiers, cette distinction n'a plus lieu d'être en droit interne également. Mais j'aimerais quand même rassurer les auteurs de la résolution en rappelant simplement que le secret fiscal existe à Genève et que ce n'est pas demain que les informations transmises au fisc seront étalées...
Le président. Très bien, monsieur le député...
M. Christian Dandrès. Je termine ! ...seront étalées dans la presse ! Je vous remercie.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, je suis consterné par les propos que j'entends dans la bouche des députés socialistes et Verts: des discours angéliques. Est-ce que l'on pense réellement que l'on va pouvoir, avec des caisses vides, mener une politique sociale efficace dans ce pays ? Est-ce qu'on pense réellement que les Suisses sont des êtres supérieurs, qui ont réussi à maintenir un pouvoir d'achat supérieur au reste de l'Europe depuis la dernière guerre parce qu'ils sont simplement meilleurs que les autres ? Ou pense-t-on réellement que nous avons su, grâce à notre système bancaire - avec les défauts qui ont été corrigés, qui étaient graves et qui méritaient d'être corrigés - eh bien, pense-t-on que nous avons su faire profiter aussi les entreprises d'un système bancaire fort ? Le MCG est pour ce système bancaire-là. Et que l'on cesse de nous dire que l'évasion et la fraude fiscales sont deux choses identiques !
Le petit entrepreneur français qui réussit à mettre de côté un peu d'argent après avoir payé ses impôts français - si on lui laisse quelque chose ! - et qui décide simplement de placer ses économies, honnêtement mises de côté, en Suisse plutôt que de les laisser en France... (Commentaires. Protestations.) ...ne serait-ce que pour des raisons successorales... (Brouhaha.) Est-ce que cet homme-là est un malhonnête ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Est-ce que cet homme-là est un malhonnête ?! Bien sûr que non ! (Commentaires.) Ça n'a rien à voir avec celui qui crée une société... (Commentaires.) Si les socialistes sont gênés par mon discours, parce qu'il touche la vérité... (Commentaires.) ...je suis désolé pour eux ! (Commentaires.) Vous faites un amalgame entre deux choses qui n'ont absolument rien à voir: le fraudeur est celui qui, par des moyens malhonnêtes, trompe le fisc; c'est celui qui crée une société en Suisse et qui, grâce à des fausses factures, fait sortir de l'argent depuis la France, depuis l'Allemagne. Celui-là ne mérite pas de protection ! (Commentaires.) Ce n'est plus que dans des mauvais romans que l'on voit des gens, des criminels, qui placent de l'argent sale en Suisse. Est-ce que vous avez essayé... Est-ce que vous avez essayé, ne serait-ce que de recevoir 25 000 francs sur votre compte bancaire ? Et que votre banquier vous téléphone pour vous demander ce que c'est et de produire toutes les pièces nécessaires ? La Suisse est certainement l'un des pays les plus stricts pour l'ouverture des comptes aujourd'hui et pour la surveillance de l'argent sale ! (Brouhaha.) Que l'on arrête de faire des amalgames ! Nous ne sommes pas des agents du fisc étranger, et il est scandaleux que des Etats étrangers puissent instiguer des personnes à violer nos lois dans un but fiscal ! Et il est scandaleux que des personnes, ici - qui sont censées défendre les travailleuses et travailleurs de ce pays - viennent démanteler la richesse de ce pays, richesse qui s'est forgée grâce à un secret bancaire devant être préservé dans le respect, évidemment, de l'honnêteté. (Brouhaha.)
Pour ces raisons, nous soutiendrons assurément cette résolution. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, vous avez parlé pile trois minutes. Aussi, Monsieur Jeanneret, j'en suis désolé pour vous, le temps de parole est écoulé pour votre groupe, ce qui m'oblige à passer la parole à M. Barazzone.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Merci, Monsieur le président. Acculée par un certains Etats étrangers ayant des intérêts convergents, la Suisse - et son Conseil fédéral sans stratégie - depuis quelques mois, a baissé ses culottes. Mais c'est de la géopolitique, c'est l'intérêt des Etats. La Suisse a décidé d'appliquer les standards de l'OCDE pour faire plaisir à plusieurs Etats étrangers. On essaie de nous faire croire, depuis un certain temps, que tous ces événements, cette chaîne d'événements, ne sont qu'une fatalité - les derniers en date étant les déclarations de Mme Widmer Schlumpf; je ne sais si elle déclarait cela au nom du Conseil fédéral ou pour son compte propre. On essaie de nous faire croire que la dernière étape - soit la suppression de la distinction entre soustraction et évasion fiscales en droit interne, c'est-à-dire la manière dont la loi suisse règle les relations entre le citoyen suisse et les administrations fiscales - est une fatalité.
Nous voulons que le canton de Genève, qui accueille plusieurs établissements financiers, fasse savoir par le biais de son gouvernement qu'il s'agissait d'une dernière étape. Nous disons: «Stop !» Et nous voulons que le Conseil d'Etat le dise clairement à l'Assemblée fédérale et au Conseil fédéral en le leur écrivant.
Je pense que si nous voulons mener ce débat sur un plan moral, nous le pouvons. Mais nous, nous disons clairement que nous ne souhaitons pas d'un Etat qui considère que le citoyen, par définition, trompe le fisc et que cela doit être la présomption de base. Nous pensons que le système, qui a fait ses preuves jusqu'à présent en droit interne, doit être maintenu.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'adopter cette résolution. Nous prions le Conseil d'Etat de faire un geste fort et des déclarations publiques à l'attention de l'Assemblée fédérale, pour que le canton de Genève - qui a un poids «indéterminant» dans ce dossier au niveau helvétique - puisse peser dans la balance et que le Conseil fédéral ainsi que l'Assemblée fédérale maintiennent le système actuel en droit interne s'agissant de la distinction entre l'évasion fiscale et la soustraction fiscale. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs les députés, le secret bancaire vise à protéger la sphère privée, pas les activités... (Panne de micro durant quelques secondes.) Lorsqu'elle souscrit des engagements internationaux, la Suisse les respecte. Dans le cadre de ces derniers, la Suisse transmet des informations, y compris sur des questions fiscales, de manière transparente, constructive, via l'entraide administrative et judiciaire. La collaboration internationale peut être modifiée à condition de respecter les principes du droit international public. Les changements ne doivent pas résulter d'une politique de... (Panne de micro durant quelques secondes.) ...d'exiger cela, en particulier de la part d'Etats de droit amis. La fiscalité de l'épargne empêche efficacement l'évasion fiscale et constitue un instrument valable: elle est pratiquée avec succès au sein de l'Union européenne, en Suisse ainsi que dans nos relations bilatérales avec l'Union européenne. Un échange automatique d'informations ayant pour but de mettre à nu le citoyen n'est pas conciliable avec notre culture juridique, nos principes de démocratie directe et de fédéralisme. Les radicaux voteront cette résolution: pas d'abandon de la sphère privée !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Weiss, à qui il reste deux minutes trente.
M. Pierre Weiss (L). Il en faudra bien moins, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a les aspects techniques de la résolution présentée devant vous ce soir - et que nous espérons voir adoptée, défendue ensuite par le Conseil d'Etat et prise en compte par les Chambres fédérales - et puis il y a évidemment le message politique. Il y a le message politique de ceux qui veulent non seulement défendre ce pays, mais aussi les intérêts de la population de ce pays, face à ceux qui ont déjà abandonné. Il y a des capitulards, il y a des gens qui croient qu'il faut se coucher face aux pressions venant de l'étranger, il y a des gens qui croient qu'il faut servilement copier des législations étrangères. Nous ne sommes pas de ceux-là, raison pour laquelle nous vous demandons d'adopter cette résolution ! Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je dois confesser avoir été un peu gêné par le mélange entre deux objets résolument distincts. Et d'ailleurs, ceux qui se préparent à voter cette résolution disent des choses différentes, parce qu'au fond ils ne sont pas d'accord sur ces objets. Là, dans la résolution, l'objet est limité, il parle de ce que nous devons faire en ce qui nous concerne par rapport aux modifications qui ont eu lieu à l'extérieur. Un autre débat est celui qui a été soulevé au hasard de quelques phrases, par M. Poggia ou par l'UDC: la question de nos relations avec l'étranger.
La Suisse, ma foi - par son autorité, le Conseil fédéral - a accepté de se conformer aux standards de l'OCDE. Sauf si l'une ou l'autre des conventions de double imposition était attaquée en référendum - et je laisserai ceux qui le font porter les conséquences catastrophiques d'un tel acte quant aux mesures de rétorsions que ne manqueraient pas, en particulier, de prendre les Etats-Unis... Eh bien, sauf à croire que les CDI ne soient pas ratifiées et n'entrent pas en force, nous sommes dans les standards de l'OCDE. Cette question, à ce stade, est close, sauf si elle posée à nouveau par l'un ou l'autre groupe.
Là, vous avez souhaité vous exprimer sur un sujet - qui n'a d'ailleurs, en réalité, pas du tout la même importance - celui de savoir si, dans la situation nouvelle créée par ces conventions - par le fait que nous ayons accepté les standards de l'OCDE - le droit de poser un certain nombre de questions lorsqu'on a des informations à disposition est réservé à des Etats étrangers ou si les administrations fiscales de ce pays peuvent en bénéficier également. Ce débat a été lancé il y a plusieurs mois déjà par, en son nom propre, le radical, M. Wanner, président de la Conférence des directeurs cantonaux des finances - soit les conseillers d'Etat chargés des finances. La CDF n'a jamais pris position. Ce débat a d'abord fait l'objet de diverses positions où il était assez frappant de voir... (Remarque.) Oui, c'est celui de Soleure. ...que les positions ne répondaient pas du tout à une géométrie politique telle que celle qu'on vient de vivre ici. Et évidemment, le débat a pris une autre ampleur lorsque, assez longuement - dans une colonne libre que vous avez certainement lue en sa version française dans «Le Temps» - la conseillère fédérale Widmer Schlumpf a indiqué qu'à partir du moment où plusieurs Etats étrangers - qui vont devenir très nombreux, ça ne s'arrêtera pas à quinze, et qui ne sont pas tous très proches - pouvaient interroger les banques par le biais de l'autorité fédérale sur des soupçons relatifs à une évasion fiscale - donc pas simplement un oubli: une omission, c'est-à-dire que quelqu'un ait consciemment voulu dissimuler des faits - eh bien, Mme Widmer Schlumpf disait qu'à partir du moment où ce droit est accordé à des Etats étrangers, il doit l'être aux autorités de notre pays.
Là-dessus, le débat s'est poursuivi, chacun a été happé par la presse, y compris votre serviteur qui a indiqué deux choses. La première, c'est qu'effectivement, vraisemblablement, il faudrait une symétrie, mais que, par conséquent, ça cesserait strictement là où les conventions s'arrêtaient: pas d'échange automatique d'informations. Il n'est pas question, ni de la part de M. Wanner, ni de la part de Mme Widmer Schlumpf, ni de la part des dix ou quinze politiciens - M. Hiltpold, M. Maudet - qui se sont prononcés en faveur de cette solution, d'arriver au système où les banques et l'employeur remplissent la déclaration fiscale - ce qui est le système français. Personne n'a dit cela ! Voici la question qui s'est posée: si un fisc cantonal, qui n'a que très peu de moyens pour combattre la fraude - il ne faut pas exagérer, l'IFD en a un peu plus, mais les cantons, très peu - donc, si un fisc cantonal a des soupçons fondés qu'il peut démontrer au même titre qu'un Etat étranger, est-il normal qu'il ne puisse pas interroger les banques de la même façon que des Etats étrangers ? C'est ça, la question. En fait, elle se limite à ça.
Tous les acteurs de ce débat - et je crois qu'il faut s'en tenir à cela - ont dit que de toute façon, dans la culture suisse, il y a, disons, une volonté de conserver la confidentialité. Ça veut dire que les banques, dans l'esprit de ceux qui ont posé ce débat au niveau fédéral, ne devraient répondre que lorsqu'il y a des soupçons fondés. C'est ça le débat, on peut avoir un avis ou l'autre.
Vous avez choisi la résolution. Par ce moyen, c'est le parlement qui exprime son opinion. Bien entendu, le Conseil d'Etat transmettra, comme il le fait de toute résolution, aux Chambres fédérales. Mais ça n'épuise pas absolument la question, parce qu'en réalité, très franchement, s'agissant de la confidentialité, personne, je crois - enfin, à ce stade - ne souhaite réellement que nous passions à un système d'échange automatique des informations, des banques suisses aux administrations fiscales. C'est totalement contraire à la culture du pays. En revanche, êtes-vous vraiment persuadés, lorsqu'il y aura septante, quatre-vingts, nonante CDI, que des pays ne brillant pas par leur démocratie auront, concernant leurs ressortissants, le droit, par le biais de cette CDI, d'interroger les banques et que nous n'aurons pas ces droits équivalents ? Pensez-vous vraiment que, durablement, nous n'amènerons pas un changement de système ?
Dans le cadre du débat au niveau du parti radical suisse, du PLR, la question de la notion de soustraction fiscale aggravée a été posée. S'en est ensuivi un grand débat, à peu près aussi houleux que le vôtre, et il va continuer parce que la question est posée.
Je vous dis donc que le Conseil d'Etat transmettra, bien entendu, cette résolution, mais que la question de savoir comment nous allons organiser la fiscalité suisse en fonction de ce qui s'est passé par rapport aux standards OCDE - c'est-à-dire, fondamentalement, les appliquons-nous aussi aux administrations fiscales suisses ? - est un débat beaucoup moins important et beaucoup moins délicat que celui de savoir si, en regard de ce qui a été accepté par la Suisse, on veut revenir en arrière. Dans le premier cas, je pense que c'est question d'opinion. Et en réalité, en ce qui me concerne en tout cas, je ne m'échaufferai pas sur ce dossier. En revanche, vis-à-vis de ceux qui voudraient profiter de ce débat pour alimenter la révolte, pour revenir en arrière sur l'acceptation de standards OCDE, alors là, je le dis, et vous le savez - Monsieur Cuendet, vous le savez en particulier, comme d'autres - le retour en arrière, actuellement, aurait des conséquences catastrophiques pour l'économie suisse, les places financières de Genève et de Zurich en particulier. Donc, d'accord sur le débat d'aujourd'hui - on voit bien que les gens se sont exprimés en dehors de clivages politiques sur le plan national - mais: non à l'utilisation de ce débat, pour remettre en cause des solutions trouvées péniblement dans un rapport de forces défavorable. Et tant que nous demeurerons d'accord, je dirai que le reste sera vraiment un débat à fleurets mouchetés, qui, réellement, n'a pas le côté dramatique qu'on a peut-être voulu lui donner maintenant, à la genevoise. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. M. Roger Deneys nous ayant saisis d'un amendement, je lui donne la parole - pour trois minutes au maximum.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire que j'ai été particulièrement choqué d'entendre certains arguments, parce qu'il est très clair qu'aujourd'hui nous sommes toutes et tous attachés à la survie de l'économie bancaire à Genève et en Suisse. (Exclamations. Applaudissements. Commentaires.) Mais cette survie, Mesdames et Messieurs les députés, c'est comme - si l'on se souvient de Darwin - celle d'une espèce animale dans l'évolution. (Commentaires.) Si les banquiers suisses ne veulent pas finir comme des dinosaures, il serait grand temps qu'ils se rendent compte que le monde change, que la conjoncture change, et que nos vérités d'il y a cinquante ans ne sont pas celles d'aujourd'hui. (Brouhaha.) Pour ces simples raisons, Mesdames et Messieurs les députés, il serait bon que les milieux bancaires - et d'ailleurs, certains d'entre eux ont réalisé cette évolution - se rendent compte que l'avantage artificiel créé par cette distinction très hypocrite entre fraude fiscale et soustraction fiscale, qui ne serait pas de la fraude, n'est pas réaliste, n'a pas d'avenir et ne peut pas permettre au secteur bancaire de survire. Certains politiciens de droite en Suisse, Mesdames et Messieurs les députés, l'ont déjà bien compris et sont en faveur de la suppression de cette distinction.
Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il en va de l'avenir du secteur bancaire en Suisse - qui représente au demeurant 13% du PIB de la Suisse; il ne faut donc pas oublier qu'il y a quand même encore 87% qui sont dans l'industrie horlogère, chimique, etc. (Remarque.) Oui, «et dans le bâtiment», Monsieur Barrillier ! On ne saurait donc sacrifier le reste de l'économie suisse sur l'autel de quelques banquiers qui ont un avenir doré.
Pour cette simple raison, Mesdames et Messieurs les députés, je suis convaincu - nous, socialistes, le sommes - que l'avenir du secteur bancaire suisse passe par les compétences et les capacités des personnes y travaillant, et pas par des avantages historiques artificiels. Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de soutenir notre amendement qui vise à supprimer la distinction artificielle entre fraude et soustraction fiscales. Pour ces raisons, je vous demande de voter cet amendement, pour l'avenir du secteur bancaire suisse et genevois !
Des Voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Antoine Bertschy (UDC). Je vois que le parti socialiste parle de Darwin quand ça l'arrange, hein ? Effectivement, on parle souvent de darwinisme social - là, ça vous dérange ! - et puis, tout d'un coup, de «Darwin, l'évolution du secret bancaire»... On fait référence à Darwin. Mais quand il s'agit de problèmes sociaux, Darwin est le pire des hommes qu'il y ait jamais eu sur cette terre ! Je remarque aussi qu'il y a deux catégories de population qui décrient Darwin à certains moments: les intégristes religieux et les socialistes. (Brouhaha.) C'est quand même assez terrible, hein ? Comme quoi, parfois les extrêmes se rejoignent. (Commentaires.)
On va parler de cet amendement. Monsieur Deneys, cet amendement va exactement dans le sens contraire de ce qui est déposé... C'est n'importe quoi ! On ne peut pas soutenir ceci ! Vous voulez la fin du secret bancaire... (Brouhaha.) Le secret bancaire... Vous devez cette place, que vous tenez ici à l'heure actuelle, au secret bancaire ! On n'aurait peut-être pas de démocratie, s'il n'y avait pas le secret bancaire ! (Commentaires.) Nous avons une démocratie parce que nous sommes un pays riche ! (Rires. Brouhaha.) Regardez un peu la carte du monde ! Regardez-là et réfléchissez quant au temps: il y a longtemps que les pays riches ont vu la démocratie. Et les pays qui étaient pauvres avant et qui deviennent riches commencent à la voir. C'est la richesse qui fait la démocratie ! C'est quand les citoyens sont heureux, donc quand il y a de la richesse, qu'ils deviennent démocrates ! (Brouhaha.) Avant, vous aviez des dictatures ! (Brouhaha.) Nous ne pouvons pas entrer... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans ce genre de raisonnements, Monsieur Deneys, cet amendement est simplement inacceptable ! Nous le refuserons, parce qu'il va au contraire de la résolution que nous avons signée !
M. Ivan Slatkine (L). Mesdames et Messieurs les députés, je vais être extrêmement bref pour relever qu'on a l'habitude des amendements un peu provocants de M. Deneys - c'est assez drôle, vous gagnez un peu de temps. Mais j'aimerais juste rappeler ici une chose: cette résolution, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas destinée à défendre le système bancaire suisse ! (Brouhaha.) C'est une résolution pour défendre les citoyens suisses, citoyens de gauche, citoyens de droite, citoyens du centre ! Il s'agit uniquement de défendre les personnes. (Commentaires.) Il ne s'agit absolument pas de vouloir défendre une banque ou une autre ! Non, Mesdames et Messieurs, ce sont des valeurs que nous défendons ! C'est une relation entre le citoyen et l'Etat que nous défendons ! (Commentaires. Brouhaha.) C'est une notion de la liberté que nous défendons ! (Commentaires.) C'est une notion de la confiance qu'il existe entre l'Etat et les citoyens que nous défendons ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est tout ! Nous ne défendons aucun lobby, et je voulais le dire ce soir ! Je vous remercie. (Exclamations.)
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont pu être dites dans ce débat, elles étaient parfois extrêmement intéressantes, parfois un peu lassantes. Deux observations à ce stade du débat: premièrement, la sphère privée est une notion indispensable dans notre ordre juridique, qu'il s'agisse du secret bancaire, du secret professionnel du médecin, de l'avocat, et nous ne devrons jamais transiger sur ce point.
Maintenant... (Brouhaha.) ...à propos de l'intervention de M. Deneys. Je crois qu'il faut bien se rendre compte du débat: nous sommes en présence d'une guerre qui a été diligentée par un certain nombre de pays - par exemple, les Etats-Unis, qui ont un paradis fiscal, le Delaware; de même que le Royaume-Uni, qui a Guernesey et Jersey. Donc, il s'agit de pays qui ont des paradis fiscaux et qui viennent aujourd'hui nous dire comment il faudrait faire ! Je suis frappé de voir que, finalement, le débat de ce soir, nous ne l'avons pas eu auparavant, alors que nous aurions pu l'avoir tout seuls. Nous l'avons sous la pression d'Etats étrangers qui viennent nous dicter aujourd'hui notre politique ! Cela n'est pas acceptable, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous avons le droit de décider de notre destin, nous avons le droit de décider de ce qui nous paraît être juste, nous avons le droit d'avoir cette distinction entre évasion et soustraction fiscales, et ce n'est pas à des Etats étrangers, qui eux-mêmes ont des paradis fiscaux, de nous expliquer ce qui doit être fait dans notre pays ! Je vous remercie.
M. Claude Jeanneret (MCG). Je vais rappeler que le MCG est cosignataire de cette résolution, et avec fierté, parce qu'il s'agit là non pas de parler seulement de fiscalité, mais d'honneur et de courage. La Suisse est un peuple courageux, c'est un peuple d'honneur. Et je dois dire une chose, c'est que ce débat est assez dénigrant vis-à-vis de la liberté. En effet, nous sommes un pays de liberté, nous sommes la plus vieille démocratie d'Europe occidentale, et je crois que certains l'oublient. Je sais que pour les socialistes, la liberté, c'est uniquement l'asservissement à leur dictature. On peut voir, au niveau des pays du Nord... Si Staline pouvait revenir dans certains pays du Nord, il constaterait aujourd'hui que, même dans ses plus grands délires, il n'aurait jamais pensé qu'on pourrait asservir les gens à ce point ! Et j'espère bien qu'on n'en arrivera pas là un jour !
J'aimerais relever autre chose. Il ne faut pas ouvrir un débat sur la fraude et l'évasion. La fraude, il faut la sanctionner. L'évasion, c'est autre chose. L'évasion...
Des voix. Ah !
M. Claude Jeanneret. Je crois que la Suisse a pris de bonnes dispositions. Parce qu'en taxant 35% du revenu d'une fortune, il est clair que l'évasion n'est pas uniquement une question fiscale. C'est peut-être une question personnelle... (Rires.) ... et je préfère quand même... (Brouhaha.) Vous rigolez, Messieurs-dames... (Brouhaha.) Attendez ! Ceux qui nous condamnent, les Etats-Unis et les autres, ils ont des trustees bien pires qu'un secret bancaire... (Brouhaha. Commentaires.) C'est quelque chose de totalement immoral ! En ce qui nous concerne, c'est une question d'honneur personnel. Et c'est une question de liberté personnelle ! Ah ouais, évidemment que tous ces partis qui n'ont que des doctrines ne débouchant que sur des taxes et sur la suppression de la liberté ne peuvent pas comprendre cela ! Le rire d'en face, je le comprends dans cette conception ! Mais nous, nous ne pouvons pas l'accepter ! Nous défendons l'idée du citoyen, l'idée d'un citoyen honnête. Parce que les citoyens sont honnêtes ! Il faut arrêter de dire qu'en Suisse on n'est pas honnête: nous sommes le pays qui paie le plus d'impôts par tête de citoyen ! Nous sommes le pays qui a le moins de chômage ! Nous sommes le pays qui a le plus d'activités ! Et là, on veut remettre en question tout ce qui a permis cet équilibre du pays ?! Il faut arrêter de rentrer dans des... Il faut arrêter de s'asservir et de se mettre à plat ventre devant des gens qui veulent uniquement prendre notre activité bancaire ! Car l'activité bancaire, Monsieur Deneys, ce n'est pas uniquement 13% du PIB: c'est toute la possibilité de financer notre économie ! Et cela, on l'oublie. Si la Suisse bénéficie de cela, si les salaires sont élevés, c'est parce que l'argent est bon marché - il faut voir cela comme c'est ! Et il faut arrêter de critiquer un système... Il n'est pas parfait, loin de là, et on n'a pas dit qu'il ne fallait pas l'améliorer, mais arrêtons de couper la branche sur laquelle on est assis !
Alors il faut, une fois pour toutes, soutenir cette résolution ! Il faut surtout que l'on ne lâche pas, il faut que le peuple suisse se montre aussi courageux qu'il l'a toujours été et qu'il ne cède pas sous les pressions étrangères ! Merci, Monsieur le président.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Deneys, à qui il reste trente secondes. (Commentaires.)
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Monsieur Bertschy, j'ai bien entendu: vous êtes déçu que les dictatures ne soient plus là pour nourrir les banquiers suisses... (Exclamations.) Monsieur Bertschy, j'aimerais vous rappeler que vous vous plaignez régulièrement, dans votre parti, que les réfugiés envahissent la Suisse et coûtent très cher à son économie. Eh bien, la misère du monde, elle est financée par des gens qui font de la fraude ou de l'évasion fiscales ! Parce qu'ils oublient de déclarer combien ils ont caché en Suisse ! (Exclamations.)
Des voix. Bravo ! (Applaudissements. Exclamations.)
M. Roger Deneys. Et ça... (Applaudissements. Huées.) Eh oui ! (Le président agite la cloche.) Et les mesures de rétorsion internationales, qui vont ruiner le reste de l'économie suisse... (Commentaires.) Eh bien ça, c'est votre responsabilité ! (Commentaires.) Et les amendements Deneys, c'est M. Dick Marty... (Commentaires.)
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. ...conseiller aux Etats et radical... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui les a défendus ! Alors moi...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Roger Deneys. ...je vous dis simplement ceci: oui à la liberté; mais non à la liberté de frauder !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Amaudruz, à qui il reste une minute. (Exclamations. Commentaires.)
Mme Céline Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président. J'ai juste une question: Monsieur Deneys, est-ce que vous vivez au pays des Bisounours ? (Rires.) Où tout est beau, où tout est mignon ? Mais ouvrez les yeux ! Pensez-vous sincèrement que le service, tradition de la Suisse, va suffire aujourd'hui ?! (Commentaires. Brouhaha.) L'Union européenne a ses paradis fiscaux ! L'Asie a ses paradis fiscaux ! Alors arrêtez, le service ne suffit plus, il faut défendre la sphère privée et le secret bancaire !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole au dernier intervenant: M. Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts accepteront l'amendement Deneys. Nous sommes très heureux de participer ce soir à ce débat national. Nous savons que nous, à gauche, avions un peu la spécialité de présenter des résolutions à Berne, sur des sujets ne nous concernant pas forcément; nous sommes contents de voir qu'aujourd'hui, à droite, vous avez la même pratique !
Je rappellerai gentiment à M. Bertschy que nous sommes un parlement représentant une population à peu près équivalente à celle de Saint-Etienne - Saint-Etienne est une ville dans laquelle on peut vivre, Aix-en-Provence aussi. Ce sont des gens qui vivent autrement que nous. Mais j'ai l'impression, ce soir, que nous avons bel et bien un débat digne du parlement du Conseil municipal de St-Etienne - j'en suis ravi - et c'est peut-être ça notre immense bonheur ! (Commentaires. Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Encore trente secondes à M. Bertschy, et le débat est clos - on passe au vote. (Brouhaha.)
M. Antoine Bertschy (UDC). Merci, Monsieur le président. Saint-Etienne, avant d'être une ville, est un saint - je le rappelle à M. Bavarel.
Quant à l'intervention de M. Deneys, je dirai que ce qui a ruiné certains pays, ce ne sont probablement pas le banques, mais plutôt certains systèmes politiques qui étaient souvent de gauche, socialistes ou communistes. (Exclamations. Brouhaha.)
Le président. Nous allons nous prononcer sur l'amendement de M. Deneys. (Remarque de M. Roger Deneys.) C'est terminé, Monsieur le député, vous n'avez plus droit à la parole... (Commentaires.) Ah, le vote nominal est demandé ! (Brouhaha.) Très bien, il est accepté ! Je vous rappelle la teneur de l'amendement. Il s'agit d'une nouvelle invite, laquelle remplace comme suit les deux qui figurent dans la résolution: «[...] à supprimer en droit suisse la distinction entre fraude et soustraction fiscales.»
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 66 non contre 31 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)
Mise aux voix, la résolution 605 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui contre 30 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nos travaux ne sont pas terminés ! Nous passons à la dernière urgence, point 138 de l'ordre du jour: résolution 604 de la commission des visiteurs.