Séance du vendredi 27 janvier 2006 à 15h
56e législature - 1re année - 4e session - 17e séance

M 1232-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Fabienne Blanc-Kuhn, Liliane Charrière Debelle, Pierre-Alain Champod, Christian Brunier pour davantage d'égalité entre les femmes et les hommes au sein des filières de formation professionnelle

Débat

Le président. (Le président annonce le titre de la motion dans un brouhaha indescriptible.) Mesdames et Messieurs les députés, j'ai de la peine à m'entendre moi-même, alors j'imagine ce que cela doit être pour vous ! La parole est-elle demandée au sujet de ce rapport ? Monsieur Christian Brunier, vous avez demandé la parole ? (M. Brunier acquiesce hors micro.) Bien, je vous la donne !

M. Christian Brunier (S). A l'époque, nous avions déposé cette motion parce que toute une série de filières, notamment professionnelles, étaient peu accessibles aux femmes - et elles le restent, malheureusement.

Le département - on le ressent bien au niveau du rapport - a mis en place toute une série d'actions pour changer cet état de fait, pour comprendre cette problématique de la non-égalité entre les hommes et les femmes en matière de formation. Le département évoque d'ailleurs plusieurs causes: la tradition familiale, le fait que certaines professions soient encore et malheureusement considérées comme plutôt masculines et peu accessibles aux femmes.

Dans ce rapport, il manque peut-être l'image de certains établissements. (Brouhaha.) Certaines écoles à Genève sont toujours considérées comme étant purement masculines ou, en tout cas, à fort tendance masculine: je pense, par exemple, au CEPTA, ou encore, à l'Ecole d'ingénieurs. A l'époque, nous avions évoqué dans la motion le fait que certaines filières pouvaient attirer des filles, mais que des écoles pouvaient faire l'effet contraire, et nous avions donné l'exemple de l'architecture... (Brouhaha.) Je rappelle que l'Ecole d'architecture attirait, à l'époque, 30 à 40% de jeunes filles...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député, une seconde ! Mesdames et Messieurs les députés, j'invite ceux qui n'auraient pas une oreille attentive pour les problèmes évoqués par M. Brunier à se disperser loin d'ici... Mais c'est dommage, parce que nous n'en avons pas pour très longtemps encore ! Si vous voulez pouvoir savourer votre pause pour l'avoir bien méritée, il faut écouter les orateurs !

M. Christian Brunier. Merci, Monsieur le président ! Je disais que certains établissements repoussent, en quelque sorte, les jeunes filles en raison de la mauvaise image qui est véhiculée. Par exemple, l'Ecole d'architecture comptait 30 à 40% de jeunes filles. Eh bien, ce taux est inférieur à 10% pour la même filière d'architecture à l'Ecole d'ingénieurs !

Il faut corriger cet état de fait, et le département s'est mis vraiment au travail dans ce sens. Toute une série d'actions ont été proposées par le DIP pour corriger ce malaise de société. Nous saluons le rapport du Conseil d'Etat. Nous saluons la politique qui est mise en place et nous espérons que celle-ci donnera des effets positifs très rapidement pour que l'égalité entre les hommes et les femmes se concrétise enfin !

Mme Anne Mahrer (Ve). Les Verts remercient le Conseil d'Etat pour son rapport et, surtout, pour les réponses circonstanciées apportées aux invites de la motion.

Mais je trouve que les chiffres qu'il nous donne dans ce rapport sont plutôt inquiétants à bien des égards, c'est-à-dire que la situation ne s'est pas améliorée: au contraire, elle se dégrade... On constate que les filles, au lieu de diversifier leurs choix professionnels, choisissent encore des filières tout à fait stéréotypées. On constate également qu'elles n'ont pas tendance à s'engager dans des formations professionnelles en école à plein temps ou dans le système dual, et ce constat vaut aussi pour les garçons. Les chiffres nous le disent. La formation professionnelle, c'est-à-dire le CFC et, éventuellement, une maturité professionnelle, attire - les chiffres le montrent - moins de garçons également.

Ce constat doit donc nous inquiéter. D'autant plus que nombre de jeunes ne terminent pas leur formation - les filles très souvent, les garçons également - et se retrouvent sur le marché du travail avec des difficultés majeures. La presse en parle aujourd'hui...

Il faut donc que le département, bien sûr, mais également les entreprises et tous les partenaires sociaux prennent ces problèmes à bras le corps. Pour ce qui est des choix professionnels des filles, je crois que le chemin est encore long... Il faut, depuis l'école primaire jusqu'à la fin du cycle d'orientation, proposer d'autres modèles et faire un travail d'information très concret au quotidien.

Je remercie le Conseil d'Etat pour son rapport dont nous prendrons acte.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je vous dirai brièvement que davantage d'égalité entre les femmes et les hommes au sein des filières de formation professionnelle est un objectif éminemment d'actualité.

En effet - comme vous l'avez relevé, Madame Mahrer - les chiffres ne traduisent pas toujours, c'est le moins que l'on puisse dire, une évolution positive d'une année à l'autre. Au contraire, au cours des dernières années, dans un certain nombre de métiers, le nombre des jeunes femmes choisissant ce qu'on peut appeler effectivement des professions atypiques, du point de vue des choix traditionnels, a reculé.

J'aimerais à cet égard relever ceci: j'ai participé, il y a de cela une semaine, aux promotions de la faculté des sciences de l'Université, ce qui me permet de dire que cette faculté est particulièrement rayonnante, pas seulement par la qualité de ses professeurs, mais aussi, par le nombre de diplômes qu'elle remet. Lors de ces promotions, près de cinq cents licences et doctorats ont été délivrés - cent vingt-cinq doctorats exactement.

Sur ce nombre impressionnant, pratiquement la moitié concerne des jeunes femmes. Cela veut dire qu'effectivement, au niveau de la diversification des choix - même si, par ailleurs, l'Université reste souvent un sujet de discussion, y compris dans cette enceinte par rapport à l'accession aux postes de professeurs ordinaires - la rupture, ou, plutôt, la destruction des tabous en la matière progresse vraiment du côté des filières académiques et universitaires.

Du côté de la formation professionnelle, les choses sont infiniment plus compliquées. Effectivement, comme M. Brunier l'a rappelé, il y a l'image véhiculée par certains établissements, non pas qu'ils seraient mal gérés ou qu'ils le seraient dans une optique machiste, mais tout simplement pour des questions de tradition, de réputation, qui font qu'ils peinent à intéresser les jeunes femmes. C'est le cas, notamment, du CEPTA.

Je rappelle en outre qu'il y a un vrai travail à mener - et, du reste, il est engagé avec les organisations professionnelles - au niveau des infrastructures. Il ne suffit pas de décréter qu'il est facile d'engager des jeunes femmes et que celles-ci doivent élargir leurs choix... Dans certains métiers - je pense à l'artisanat, aux professions techniques - nous constatons en effet que les infrastructures sont défaillantes. Vous le savez, les petites entreprises qui emploient du personnel mixte doivent avoir des toilettes hommes, des toilettes femmes, voire des douches hommes, des douches femmes. Et les celles-ci montrent une certaine résistance à adapter leurs infrastructures qui sont, à ce jour encore, très largement réservées aux hommes.

L'Etat de Genève doit donc agir dans ce sens. Il ne doit pas forcément culpabiliser les entreprises sur ce point, mais il doit soutenir, d'une manière ou d'une autre, celles qui s'engagent à diversifier leurs infrastructures.

Voilà en quoi je voulais prolonger la réflexion, déjà largement exprimée dans le rapport à la motion.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1232.