Séance du vendredi 7 octobre 2005 à 14h
55e législature - 4e année - 12e session - 70e séance

P 1532-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant le rejet de la demande d'asile de Muska et Edisa Jusupovic, requérantes d'asile d'origine bosniaque et élèves au CEC André-Chavanne
Rapport de M. François Thion (S)

Débat

M. François Thion (S), rapporteur. Je voudrais tout d'abord rappeler l'objet de la pétition. Il s'agit de deux jeunes filles d'origine bosniaque, élèves au Collège et Ecole de commerce André-Chavanne, qui voudraient bien pouvoir terminer leur scolarité à Genève. Elles résident en Suisse depuis 1999. Leurs parents sont venus en Suisse en tant que demandeurs d'asile politique, mais, cette demande ayant été refusée, ces deux collégiennes sont menacées d'un renvoi en Bosnie depuis le printemps 2005, donc avant la fin de l'année scolaire et avant la fin de leurs études.

Le tort de cette famille est d'avoir fui, comme tant d'autres familles, la région de Srebrenica en 1995, face à l'avancée des troupes du général Mladic. Six mille personnes ont réussi à s'en sortir, mais huit mille - il faut le rappeler - ont trouvé la mort.

Les membres de cette famille ne sont pas venus tout de suite se réfugier en Suisse. Ils ont tenté de trouver une solution et, de 1995 à 1999, ils ont vécu dans une maison abandonnée dans la région de Sarajevo, d'où ils ont été expulsés en 1999. C'est seulement à cette époque qu'ils sont venus en Suisse en tant que requérants d'asile.

Les enseignants qui ont signé cette pétition - ce sont en effet essentiellement des enseignants du CEC André-Chavanne qui l'ont signée - précisent que ces deux jeunes filles ont un bon comportement à l'école et que leur scolarité peut être qualifiée de «normale». L'audition que nous avons eue d'un représentant du Centre social protestant - M. Yves Brutsch - nous a dit que la décision prise à l'encontre de cette famille est sévère par rapport aux décisions qui ont été prises pour d'autres familles arrivées en même temps.

Pour éviter ce renvoi en Bosnie, les enseignants ont lancé cette pétition. Elle a été d'abord adressée à l'office de la population, puis elle est parvenue au Grand Conseil. L'office cantonal de la population nous a signalé que cette famille n'avait aucun problème de police. Le père travaille comme ouvrier agricole; les deux jeunes filles sont au Collège et à l'Ecole de commerce; la fille aînée travaille et un plus jeune frère est au cycle d'orientation. On nous a en outre indiqué qu'il était indispensable d'avancer avec beaucoup de prudence dans ce dossier et de tenir compte en particulier de l'état de santé de la mère.

Mais ce qui a surtout intéressé la commission, c'est l'audition du HCR, dont les représentants nous ont dit que la situation en Bosnie-Herzégovine ne permet pas encore des retours volontaires, même si, pour les autorités suisses, la Bosnie est actuellement un pays sûr. Par conséquent, tout retour forcé à l'heure actuelle n'est pas acceptable, parce que, visiblement, un trop grand nombre de retours pourrait déstabiliser le pays: il y a 40% de chômeurs à l'heure actuelle en Bosnie, les tensions entre les différentes communautés sont encore extrêmement vives, et, si ces personnes étaient renvoyées en Bosnie, cela ne ferait qu'accentuer les problèmes de l'assistance sociale.

Je tiens encore à préciser qu'après les travaux de la commission nous avons été informés que la Commission suisse de recours en matière d'asile a, le 23 mai 2005, provisoirement suspendu le renvoi.

La commission des pétitions a voté à l'unanimité le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Gilbert Catelain (UDC). Il s'agit d'une situation humanitaire comme il y en a beaucoup. Le groupe UDC s'abstiendra sur la proposition de renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Je donnerai tout de même l'information suivante au rapporteur, s'agissant du dernier élément de son intervention, à savoir la situation en Bosnie-Herzégovine. Il y a exactement deux semaines, la France a estimé en Conseil des Ministres que ce pays était sûr et que la France pouvait reprendre les renvois dans ce pays.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées par 32 oui et 7 abstentions.