Séance du jeudi 6 octobre 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 12e session - 68e séance

GR 430-A
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur S. H.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse. A nouveau, pour éviter une confusion lors du vote, je signale que la commission a adopté, à l'unanimité, la grâce pour cette personne.

Il s'agit d'un jeune homme qui a maintenant 28 ans. Les faits qui lui sont reprochés sont des contraventions établies sur la voie publique, pour mendicité, etc. A une certaine époque, M. S.H. habitait dans un bus WV avec sa compagne - j'ai moi-même pu contacter cette jeune personne qui a maintenant un enfant de dix mois. M. S.H. essaie donc de refaire sa vie et de se sortir des soucis qu'il a connus depuis sa jeunesse. Il s'agit d'un jeune homme qui n'a pas eu beaucoup de chance dans la vie ni dans milieu où il avait été intégré. Il demande la grâce pour une somme qu'il ne pourra de toute façon pas payer puisque, pour l'instant, il est à l'assistance publique. M. S.H. se trouve dans une démarche importante de retour en emploi, notamment de recherche d'un apprentissage - il avait tenté de faire un apprentissage quand il était jeune, mais il a rencontré des difficultés familiales et personnelles. M. S.H. montre une grande volonté de reprendre le droit chemin; il place ses espoirs en son fils qui a maintenant dix mois et il souhaite fonder une famille.

La commission de grâce n'a pas estimé utile de pénaliser davantage cette personne, qui l'a suffisamment été pendant tout son parcours. La commission a jugé qu'il fallait montrer à M. S.H. que l'on peut aller de l'avant et lui permettre de retrouver l'estime de lui-même, qu'il avait largement perdue. La commission vous recommande donc d'accepter cette grâce.

M. Christian Luscher (L). Avant de faire une remarque, Madame la présidente, j'aurais une question à poser à la commissaire - question qui n'a pas fait l'objet d'une réponse, pour l'instant, dans la présentation très angélique qui nous a été donnée: j'aimerais savoir si ce monsieur possède un véhicule automobile.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse. M. S.H. n'a plus de véhicule automobile; il l a effectivement été passible de nombreuses contraventions et a entamé plusieurs procédures auprès du service des contraventions pour essayer de couvrir sa dette, très élevée pour lui du fait qu'il n'a pas de revenu. En effet, ce monsieur paie en prélevant actuellement 200 F par mois sur le revenu qu'il touche de l'assistance. J'ai contacté M. S.H. par téléphone, car les éléments qui figuraient dans le dossier ne me paraissaient pas suffisants, et j'avais l'intuition qu'il s'agissait de quelqu'un dans une grande détresse - de quelqu'un auquel il faudrait un petit élan pour remonter la pente. Au téléphone, nous avons discuté de sa situation: c'est effectivement une personne que vous auriez pu voir à l'âge de 16 ans dans la rue, en désaffiliation complète - et qui n'est pas étrangère mais totalement genevoise ! M. S.H. a vécu une histoire familiale très difficile... (Remarques. La présidente sonne la cloche.)J'ai aussi eu l'impression que cette personne avait peu d'estime d'elle-même et ne croyait plus qu'on lui laisserait une chance... (Remarque.)M. S.H. n'a plus de voiture ! Et il paie 200 F par mois, prélevés sur ce que l'assistance publique lui alloue.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). J'ai aussi une question: toutes ces amendes sont détaillées, mais le montant total n'est pas mentionné.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse. Le montant total dû à ce jour au service des contraventions est de 6635,70 F. Ce monsieur devra aussi, et de toute façon, s'acquitter de 2521 F représentant le frais administratifs. Il reste donc un solde, ce qui est logique.

M. Gilbert Catelain (UDC). La loi s'applique à tous, et ce monsieur est majeur et vacciné: apparemment, il touche une allocation de l'Hospice général, puisqu'il n'a pas d'occupation professionnelle. Il verse 200 F par mois, qu'il prélève sur cette allocation, et c'est une bonne chose. Parce que contribuer au paiement des amendes, c'est aussi éducatif. Un petit calcul nous montre qu'en l'espace de quatre ans, à raison de 200 F par mois, M.  H.S. aura remboursé la totalité de ses amendes... Ce qui ne milite pas vraiment pour la grâce qui nous est demandée.

Mais j'imagine que l'Hospice général a dû aussi participer à ce montant de 200 F et qu'il a dû le trouver correct. Alors, y a-t-il un élément nouveau pour dire que ces 200 F sont trop élevés ? Pour se faire une idée exacte, j'aimerais savoir quel est le revenu, monétaire et non monétaire, de cette personne. J'entends par «monétaire» ce que vous lui donnez en argent, au niveau de l'Hospice général, et par «non monétaire» ce qu'il touche à travers la prise en charge du loyer, de la caisse maladie, des frais de maladie et, éventuellement , de l'abonnement des TPG, etc.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse. Quand on est dans une situation comme celle de M  S.H., qui se trouve à l'Hospice général, et que l'on obtient l'assistance, on touche ce que l'on appelle des «revenus minimaux» pour vivre. Alors, au niveau du bureau des autos, l'assistante sociale a négocié en fonction de ce qu'elle et ce monsieur pouvaient bien négocier. Hormis le fait que son assurance-maladie et son loyer sont couverts, M. S.H. dispose de 900 F pour vivre, c'est-à-dire s'habiller, se nourrir et contribuer à l'entretien de son enfant. Car, pour l'instant, M. S.H. ne peut pas vivre avec sa femme puisqu'ils n'ont pas un logement suffisamment grand. Ce monsieur se trouve donc dans une situation difficile et vit dans un squatt.

Peut-être n'avez-vous pas saisi ce que peut éprouver un jeune qui a quitté son foyer à l'âge de seize ans à cause d'importants problèmes familiaux, qui a tenté d'effectuer un apprentissage de bûcheron et qui a eu des grandes difficultés existentielles... Je ne voulais pas soulever ici ce genre d'éléments, mais il s'agit d'un jeune que vous pouvez facilement imaginer: comme ceux que vous voyez parfois dans la rue, avec des allures vous faisant un peu peur, mais qui sont simplement des jeunes qui vivent en déshérence déjà à leur âge et qui ont besoin de se sentir considérés pour pouvoir retrouver l'estime d'eux-mêmes. Et cette personne a la volonté de s'en sortir, elle l'a dit, et elle a aussi un fils de 18 mois et une femme. Je pense donc que la chance que l'on accorderait à M. S.H. ne le serait pas seulement pour lui-même: ce serait une chance que l'on accorderait à sa famille, et c'est important !

M. Gilbert Catelain (UDC). A moins d'avoir le dossier complet sous les yeux, excusez-moi, mais je ne suis pas en mesure de prendre une décision... (Remarques.)Non, puisqu'on reçoit le document maintenant !

Une question simple... (Remarques.)Parce qu'on nous fait la morale par rapport à une personne qui a des difficultés familiales... Alors, moi aussi, je l'ai vécu dans ma propre famille ! Mon frère, à l'âge de 17 ans, est parti de la maison pour des difficultés familiales: il n'a commis aucune de ces infractions-là et ne s'est jamais présenté devant le Grand Conseil pour une quelconque demande de grâce ! Donc, cet argument ne tient pas. Et si chaque fois qu'une personne a des problèmes, elle quitte la cellule familiale à l'âge de 17 ans et qu'il faut l'exonérer de toute peine, eh bien, on ira au devant de très grandes difficultés ! Et c'est une déresponsabilisation totale, de la jeunesse et de la société, à laquelle nous assistons !

Ma question est très simple. M. S.H. a un enfant et, a priori, il vit avec une femme et ne s'est pas marié: cette femme a-t-elle un revenu ? Parce que je considère que si M. S.H. est marié ou si ces personnes vivent en concubinage, etc., on devrait, à ce moment-là, tenir compte de l'ensemble des revenus pour prendre une décision. Et, dans cette affaire, on ne peut pas forcément scinder en deux, car apparemment il y a une cellule familiale et l'on doit prendre en compte le fait qu'il y a un enfant. Cet enfant doit certainement bénéficier d'allocations; or si ce n'est pas lui, c'est la compagne de M. S.H. Et si c'est elle qui touche l'allocation, cela veut dire que c'est elle qui s'occupe de l'enfant. Cela ne me paraît donc pas très clair ! Ce n'est pas aussi limpide que l'on veut bien nous le faire croire.

Donc, je demande simplement une clarification par rapport à ce dernier point: est-ce que M. S.H. vit avec sa compagne ou pas ? Est-ce que cette compagne est aussi prise en charge par les services de l'Hospice général ? (Exclamations.)Respectivement: a-t-elle un revenu ? Et si l'on associe l'ensemble des revenus, peut-on considérer que cette cellule familiale est en mesure de régler la totalité des amendes ! Totalité qui s'élève, je le rappelle, à 200 F par mois pendant quatre ans, ce qui n'est pas la mer à boire.

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur Catelain, vous n'avez peut-être pas participé longuement aux travaux de la commission de grâce, vous avez un délégué... Je vous rappelle les conditions dans lesquelles la commission de grâce fonctionne - j'y ai participé pendant un certain nombre d'années. Quand un assistant social ou une assistante sociale fait l'effort d'écrire - car j'imagine que ce n'est pas ce monsieur, tout seul, qui a fait l'effort d'écrire à la commission de grâce - cela veut dire qu'il y a un processus de réhabilitation, de prise en charge, d'autonomisation. Et la commission de grâce - je lui rends d'ailleurs hommage - soutient ce type de processus et va dans le sens de... (Brouhaha.)Excusez-moi, Monsieur Catelain, mais, entre choisir d'assister quelqu'un à vie et choisir un processus de réinsertion tel que proposé ici, j'opte pour la deuxième solution, comme l'a fait à l'unanimité la commission de grâce ! Et je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'approfondir des questions qui ont de toute façon été posées et qui ont trouvé réponse au sein de cette commission.

Je demande donc que l'on en finisse et que l'on suive l'avis unanime de la commission de grâce.

Mme Nicole Lavanchy (AdG), rapporteuse. Je souscris entièrement à ce qu'a dit M. Pagani. La commission de grâce a pris acte... (Remarques. Brouhaha.)Je vous ferai simplement remarquer, Monsieur Catelain, que chaque être humain est unique. Vous prenez le cas personnel de votre frère... Je pense qu'ici, dans cette salle, personne ne pourra dire qu'un être humain peut avoir, à situation égale, des réactions identiques ! Les gens peuvent présenter des fragilités que d'autres n'ont pas. Vous connaissez peut-être la notion de résilience ? Je pense que c'est une bonne notion, que l'on pourrait envisager en fonction des situations. C'est-à-dire que quand quelqu'un se sent un peu porté, quand il voit qu'on ne l'enfonce pas tout le temps - car c'est ce que M. S.H. m'a fait ressentir - eh bien, il peut démarrer, il peut rebondir ! Et ne dites pas, parce que votre frère a vécu quelque chose, que tout le monde doit réagir de la même manière ! C'est un non-sens du point de vue de toute la psychologie du développement.

Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde des amendes) est adopté par 52 oui contre 11 non et 7 abstentions.