Séance du
vendredi 20 mai 2005 à
15h
55e
législature -
4e
année -
8e
session -
45e
séance
PL 9429-A
Premier débat
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Je souhaite juste indiquer que ce projet de loi concerne un crédit d'investissement de 35 millions et, aussi, la loi votée en juin 1991 pour la réalisation et la création d'au moins 3000 logements à loyer bon marché. Etant donné l pénurie, qui nous préoccupe tous au Grand Conseil, j'espère que l'ensemble des députés suivra notre commission et votera le projet qui est soumis.
M. Ernest Greiner (R). La crise du logement qui existe à Genève est due à de nombreux facteurs, mais essentiellement à la fragilité de la société dans laquelle nous vivons et à l'éclatement des familles.
Lorsque l'on connaît les chiffres, on s'aperçoit que 38% de nos contribuables ont un revenu inférieur à 50 000 F et que 71% de nos contribuables ont un revenu inférieur à 100 000 F. Il est dès lors compréhensible qu'une partie de ces personnes ne puissent payer des logements coûtant cher, voire très cher. Ainsi, les HBM ont été créés il y a longtemps pour qu'une partie de notre population puisse se loger à des prix raisonnables. Or aujourd'hui, les nouvelles constructions de nos HBM, je les appellerai plutôt «habitations bonne mixité». Pourquoi ? Parce que les barèmes, fixés autrefois entre 40 et 60 000 F, permettent aujourd'hui à une famille de quatre personnes vivant dans un cinq-pièces de percevoir jusqu'à 100 000 F de revenu brut. Cela permet une bonne mixité, et toutes les communes qui ont logé depuis fort longtemps des locataires à bas revenu pourront accueillir également de bons contribuables. C'est quand même un argument positif !
Il ne faut pas oublier, non plus, que la société d'aujourd'hui peut obliger des personnes à changer de situation professionnelle - par exemple à cause du chômage ou des déplacements. Dans le passé, on ne pouvait pas avoir accès à un logement HBM avec un salaire de 5 000 F; aujourd'hui, les nouveaux barèmes permettent également à la catégorie de revenus entre 50 et 100 000 F d'obtenir éventuellement un de ces logements. Cela est important. Parce qu'on a vu assez souvent le pouvoir politique négliger cette catégorie de personnes.
C'est une des raisons pour lesquelles j'accepterai - et je crois pouvoir parler pour le groupe Radical - ce crédit de 35 millions.
Ce n'est que grâce à une collaboration entre le privé et les collectivités publiques que nous arriverons à diminuer les tensions du marché du logement. De plus, je crois que la logique du locataire est de trouver un logement, la logique des professionnels du bâtiment est de construire, la logique des politiques est de loger leurs concitoyens ! Aussi, ces 35 millions sont nécessaires pour que l'on puisse continuer à construire du logement pour une partie de notre population.
M. Jacques Baud (UDC). Nous avons là un projet qui demande 35 millions pour des fondations sociales; nous voterons pour.
Je tiens tout de même à rappeler que nous avons en commission, à l'heure actuelle, deux projets de lois - l'un de 50 millions, l'autre de 30 millions - pour le même sujet. Il est évident qu'en commission nous serons obligés de revoir notre position: si ce projet de loi est accepté ici, les deux autres projets de lois en commission deviendront caducs. Nous voterons donc ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). Tout d'abord, il faut saluer ce crédit, parce que c'est une bonne chose que de continuer le logement social pérenne. Il est important de constituer cette base, et les logements HBM sont ceux pour lesquels le taux d'occupation et le revenu sont au maximum.
Cependant, il y a des choses que l'on peut regretter. D'une part, ce crédit est déjà pratiquement épuisé - c'est vraiment dommage puisqu'au fond on ne valorise pas vraiment l'avenir: à peine la moitié de ce crédit restera à disposition pour des projets engagés. D'autre part, comparons le prix de la construction et le prix des acquisitions. Et je reviendrai sur le projet dont M. Baud a parlé, soit le projet que nous avons déposé pour que la Fondation de valorisation acquière des objets immobiliers. Quand on voit ici que, pour le tiers du prix, on achète la moitié de logements... Eh bien, pour un tiers de moins, on arrive à constituer des logements HBM avec du logement existant ! En fait, c'est vraiment une position économique à adopter. Nous dépensons 77 millions par année pour le logement: peut-être qu'en se tournant davantage vers l'acquisition de bâtiments existants et en renonçant modestement à construire des constructions nouvelles dans la zone de développement - soit un peu moins de HBM, ce qui évitera d'y créer des ghettos - on arrivera à constituer un meilleur support et à un prix bien moins élevé que des constructions nouvelles, toujours soumises à de fortes résistances.
Pour nous, c'est un des enseignements de ce projet de loi. Bien sûr que nous le voterons, mais, je le répète, on pourrait le regretter, puisqu'on ne peut pratiquement plus engager de créations nouvelles avec ce crédit.
M. Rémy Pagani (AdG). Comme l'a dit Mme Künzler précédemment, on a affaire ici à une goutte d'eau dans la mer de désespoir dans laquelle se débattent de nombreux demandeurs d'emploi... (Commentaires. Rires.)Pardon: de demandeurs de logement ! Les demandeurs d'emploi sont d'ailleurs «logés» à la même enseigne, j'en profite pour le dire, vu le nombre de chômeurs que compte ce canton. Bien souvent, il s'agit des mêmes personnes - d'où mon lapsus assez significatif.
Cela étant, évidemment que nous ne nous opposerons pas, bien au contraire: nous voterons ce crédit d'investissement. Simplement, je trouve extraordinaire que, lorsqu'il s'agissait de construire des HLM et de faire passer la manne de l'Etat de sa poche à celle des propriétaires - en construisant, bien sûr, et en garantissant un certain nombre de bénéfices à ces propriétaires - on a assisté à une explosion de la construction de HLM. Mais, quand il s'agit pour l'Etat d'investir dans son propre parc immobilier afin de garantir sur le très long terme des logements à bon marché au centre ville ou dans la périphérie - bref, dans notre canton ! - eh bien, les mesures sont plus timorées !
La politique que mène en ce moment la Fondation de valorisation en est un exemple parfait: alors que nous avons passablement d'objets à disposition qui nous permettraient d'augmenter de manière très importante le nombre de logements à bon marché, on y va au compte-gouttes ! Et encore, «à la reculette» ! Puisqu'il faut que le corps électoral - on l'a vu notamment pour l'hôtel Carlton - force notre Grand Conseil à acheter ces immeubles, et encore ce n'est réglé.
Mon appel, ici, veut soutenir la politique du gouvernement, non seulement pour nous proposer des projets tels que celui-ci, mais aussi pour aller de l'avant: pour faire construire des immeubles, et surtout, pour débloquer des fonds afin de permettre à tout un chacun - et j'insiste sur le terme «tout un chacun» - d'accéder à un logement convenable, à la portée de sa bourse !
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes à nouveau confrontés à un budget d'investissement relativement important, dans un but certes généreux, mais qui, finalement, est là pour suppléer à une politique de choix du logement qui est déficitaire. Parce qu'on ne veut pas entrer en matière sur une accession facilitée à la propriété, les gens restent dans du locatif, ils bloquent le locatif et provoquent son renchérissement... C'est le serpent qui se mord la queue. Et en définitive, on doit maintenant nous demander de voter des crédits pour construire du logement social.
Tout à l'heure, on a voté un crédit de 86 millions; là, on est sur un crédit de 35 millions, et, dans quelques minutes, on va nous proposer de voter un crédit de 58 millions... C'est-à-dire qu'en l'espace d'une heure, ce Grand Conseil va devoir voter grosso modo plus de 170 millions de francs !
Alors, j'ai juste un problème par rapport à cela. En effet, on nous dit qu'une partie se trouve dans le budget 2005; mais je n'ai pas trouvé l'échelonnement de ce crédit. J'aimerais avoir une idée précise de ce que cela implique, puisqu'en général, dans un budget, les investissements sont limités à 300 millions par année. Qu'est-ce que cela implique pour les budgets 2006 et 2007 ? Est-ce que cela entre dans le cadre du plan quadriennal et qu'est-ce que cela implique en matière d'emprunts ? Quelles sont les conséquences pour les deux, trois, quatre prochaines années, par rapport aux différents projets qui nous sont soumis, et notamment par rapport à celui-là ? Qu'en est-il du financement de ces différents projets d'investissement ?
Je remercie le rapporteur et, éventuellement, le département de nous répondre.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Je vous réponds en général: les crédits d'investissement que nous votons ici, le mot l'indique, donnent une autorisation de dépense au Conseil d'Etat. Ensuite, c'est le Conseil d'Etat qui programme les investissements dans le cadre du budget accepté, année par année.
En l'occurrence, les 55 millions que nous allons voter tout à l'heure seront programmés selon ce que le DAEL et le Conseil d'Etat auront prévu comme grands travaux - vous n'avez qu'à ouvrir le livre bleu à la page des grands travaux et vous verrez la programmation de ces investissements. Mais le crédit voté aujourd'hui ne sera pas forcément dépensé demain matin ! Il risque d'être dépensé dans les deux ou trois prochaines années. Mme Künzler vous a dit tout à l'heure qu'une partie des 35 millions qui vous sont demandés ici a déjà été dépensée, parce que, comme on nous l'a signalé en commission, il y avait des occasions très importantes à saisir. Et une autre partie du crédit sera investie dans les mois ou les années qui viennent. C'est justement au Conseil d'Etat de planifier ces dépenses.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Quelques réponses aux questions et interrogations qui se sont fait jour. La raison pour laquelle une partie de ce crédit est d'ores et déjà engagée est plutôt une bonne nouvelle. En effet, un certain nombre d'opérations ont pu se réaliser plus vite que prévu et, dès lors que nous disposons du mandat impératif de votre Grand Conseil de réaliser les 3000 logements HBM, nous avons préféré aller de l'avant plutôt que prendre le risque de perdre ces opérations ou retarder l'ouverture des chantiers.
En ce qui concerne la demande de M. Catelain, il tombe sous le sens que l'on ne va pas dépenser ces trois crédits, ni en 2005, ni même en 2006, mais que l'étalement, s'agissant des deux crédits de travaux, se fait en fonction de l'avancement des travaux. Ils sont planifiés dans le plan de trésorerie figurant dans le livre bleu, aux pages 107 et suivantes, avec la réserve que les planifications sont plutôt en retard et que, conséquemment, les opérations vont plutôt se diluer dans le temps. Il va de soi qu'un certain nombre d'éléments peuvent amener à des choix sur l'ensemble des autorisations de dépense que ces crédits comportent, mais, concernant les trois que vous étudiez cet après-midi, ils me paraissent en toute hypothèse, les trois, parfaitement prioritaires.
Mesdames et Messieurs, je vous ai entendus parler de la Maternité et je n'ai pas cru bon de rappeler que, pour le Conseil d'Etat aussi, c'est évidemment un équipement de toute première importance; le crédit de 35 millions de dotation pour les fondations HBM, personne, non plus, n'en a remis en cause l'utilité. Quant au cycle d'orientation, il fait bien partie, lui aussi, desdites priorités. Je vous rassure, Monsieur Catelain: la somme totale votée aujourd'hui est extrêmement importante, mais la dépense effective se fera exercice par exercice, jusqu'à terminaison des chantiers.
Je saisis encore cette occasion pour dire à Madame Künzler ou à Monsieur Pagani que nous sommes sensibles aux encouragements qu'ils nous adressent, mais qu'effectivement certaines limites budgétaires ne permettent pas de réaliser la totalité de ce que l'on pourrait souhaiter.
Je vous remercie de bien vouloir réserver bon accueil à ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 58 oui et 2 abstentions.
La loi 9429-A est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9429 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui et 6 abstentions.