Séance du
vendredi 28 février 2003 à
20h30
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
25e
séance
IN 115-D et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Madame la rapporteure avez-vous quelque-chose à dire ?
Des voix. Non !
Le président. Madame Hagmann, vous avez la parole.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Je serai très brève... Il faut bien que j'explique un peu pourquoi nous sommes là ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)
Casatax... le retour! Cette initiative et son contreprojet ont donné lieu à l'un des plus longs débats qu'il y a jamais eus dans cette enceinte, soit plus de cinq heures d'après mes calculs. J'estime donc que tous les arguments de fond ont été développés et que si nous sommes raisonnables - ce que nous devons être maintenant, même vis-à-vis de nos électeurs, parce que cela commence à suffire - nous pouvons voter ce projet en peu de temps. Et il n'est pas question de développer à nouveau des arguments de fond maintenant!
Pour quelle raison sommes-nous là ce soir ? Parce qu'il y a eu deux petits couacs dans les votes des amendements, couacs reconnus par tous, y compris par les chefs de groupe. Le premier des couacs a été un amendement présenté par un groupe pour l'un des paragraphes, et il ne correspondait plus au deuxième paragraphe! Et le deuxième couac a été un amendement présenté par un autre groupe qui, malgré certaines recommandations, a montré qu'il ne respectait pas le principe de l'égalité de traitement. Ces deux amendements ont été corrigés par la commission fiscale. Le contreprojet que nous vous présentons maintenant est correct, et je vous recommande de le voter.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je pourrais rester aussi sibyllin que ma préopinante et dire que le travail qui a été fait est un mauvais travail, et vous recommander de ne pas voter ce contreprojet...
M. Christian Luscher. Ce serait trop beau !
M. Pierre Vanek. Ce serait effectivement trop beau, Monsieur Luscher ! Et ce serait inexact, comme est inexact l'exposé de Mme Hagmann - malgré toute l'amitié que je lui porte - qui parle de deux à trois petits couacs qui auraient été réglés en commission... Couacs qui auraient eu lieu durant notre long et intéressant débat sur l'initiative Casatax et sur son contreprojet.
Je rappelle qu'il s'est quand même produit des choses assez surprenantes et inouïes. De toute mon expérience de parlementaire - en presque dix ans - je n'ai jamais vu le Conseil d'Etat refuser de promulguer une loi votée par ce parlement, revenir en commission, se servir de l'article 140 de la constitution pour suspendre un projet de loi... Nous avons effectivement réouvert les débats en commission sur les problèmes de fond posés par le contreprojet à cette initiative, sur une question qui était au coeur du débat initial autour de ce contreprojet, de savoir s'il s'agissait - comme le prétendait abusivement M. Mark Muller, représentant des initiants, dont M. Luscher - de répondre aux prétendues aspirations des locataires d'accéder à la propriété, ou s'il s'agissait, comme je l'alléguais, de faire des cadeaux importants, à hauteur d'une vingtaine de millions de francs, essentiellement aux propriétaires...
Dans le cadre de ce débat est intervenu le deuxième couac évoqué par Mme Hagmann: un amendement a été présenté. Du reste, Mme Hagmann a expliqué la chose avec euphémisme... C'est en réalité M. Pagan de l'UDC qui a présenté un amendement frappé au coin d'un bon sens - du moins apparent - consistant à dire que ces mesures devaient évidemment être réservées à ceux qui n'étaient pas déjà propriétaires du logement qu'ils occupent. J'ai encore ici cet amendement signé de la main de M. Pagan... On pouvait discuter de sa formulation sur le plan juridique, mais son intention politique était très claire, et cet amendement a été accepté à une très large majorité de ce parlement.
En commission, des fait politiques se sont passés, ce ne sont pas de simples rectifications techniques... L'UDC a apparemment retiré son soutien à cet amendement signé par son chef et à l'idée que le contreprojet, qui sert à concrétiser l'initiative qui avait été mal ficelée, devait être limité quant à ses effets à l'accession effective à la propriété... Et l'UDC a, sans vergogne, soutenu la position du parti libéral qui a été défendue depuis, notamment par une correspondance de la Chambre genevoise immobilière qui figure dans ce rapport et qui n'était pas dans le précédent. Dans son courrier de plusieurs pages, la Chambre genevoise immobilière explique pourquoi elle assume maintenant à visage découvert l'idée qu'il faut faire des cadeaux aux propriétaires, malgré le fait que les 20 millions en question, qu'on cherche à soustraire à l'escarcelle de la collectivité, viendraient aggraver la dette dont certains députés libéraux se plaignent par ailleurs quand ça les arrange.
Tout cela nécessite un débat sérieux car il s'agit tout de même de 20 millions de francs, c'est l'évaluation du coût de cette mesure, de ces cadeaux que l'on veut faire pour favoriser l'accession à la propriété d'un certain nombre de personnes.
La dernière fois, le débat ne s'est peut-être pas déroulé dans des conditions idéales, Madame Hagmann, notamment parce que vous avez voulu faire tout en même temps: défendre l'initiative et la refuser quand même pour qu'on puisse proposer un contreprojet... Je crois que le bilan global est que ce travail a été effectué dans de mauvaises conditions, pas très sérieuses... Cela vient peut-être de l'appétit excessif à concrétiser rapidement cette initiative qu'ont eu certains de ses auteurs... Je pense à M. Muller, jeune parlementaire à l'époque et très impatient.
Madame Hagmann, ce que vous dites en conclusion de votre rapport est frappé au coin du bon sens: «Les propositions d'amendement de dernière minute, fruits de ce débat passionné - c'est-à-dire le débat précédent - voire parfois survolté, ont amené le Grand Conseil à prendre des décisions dans de mauvaises conditions. Ces circonstances ont poussé le Conseil d'Etat à redéposer le projet de loi devant le Grand Conseil.» Bien entendu, avant de le redéposer, le Conseil d'Etat a dû extraire le projet de loi du cursus normal. Et puis: «Le rapporteur - la rapporteure, devrait-on dire - formule ainsi le voeu que le contreprojet à l'initiative 115 «Casatax», qui est soumis ici pour la deuxième fois au Grand Conseil, sera adopté sans heurts excessifs.» A mon avis, pour ce qui est des heures excessives, nous faisons des heures supplémentaires dans ce débat, et il n'est pas raisonnable de vouloir faire le forcing en la matière. Je rappelle qu'il n'était pas prévu de discuter aujourd'hui de cette affaire. Vous avez encore une fois fait le forcing pour mettre cet objet à l'ordre du jour en urgence, alors qu'il a attendu des mois, suite, précisément, à un forcing excessif, et qui ne pourra de toute façon pas passer devant les citoyens avant longtemps.
Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de reprendre la proposition formulée à juste titre par mon collègue Christian Grobet, même si le président n'avait alors pas estimé que c'était le bon moment - maintenant, ça l'est - d'ajourner ce débat, d'aller dormir... Et de reprendre le débat sur Casatax dans des conditions de fraîcheur physiologique - du moins - et intellectuelle meilleures, pour éviter que les choses ne se passent dans de mauvaises conditions, que vous déploriez précisément, Madame Hagmann. Je ne peux pas accepter le raisonnement selon lequel, vu l'heure tardive, il faut...
Le président. Vous devez conclure, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Oui, je termine ! Si nous sommes condamnés à tenir ce débat ce soir, dans de mauvaises conditions, cela ne nous empêchera pas de le faire, Madame Hagmann, sérieusement au niveau politique ! Les citoyennes et citoyens méritent que les députées et députés ne bâclent pas leur travail, et nous le ferons sérieusement, malgré l'heure tardive, si vous nous y contraignez!
Monsieur le président, je propose formellement l'ajournement de ce débat.
Le président. Pour gagner du temps, il faudrait déjà respecter le temps de parole qui vous est imparti... Vous avez parlé pendant huit minutes, Monsieur le député ! Un député par groupe peut s'exprimer. L'AdG vient donc de le faire par votre bouche.
Pour le parti socialiste, la parole est à M. Sommaruga. (M. Sommaruga s'adresse au président.)Vous n'êtes pas obligé de prendre la parole, Monsieur Sommaruga !
M. Carlo Sommaruga (S). Je n'avais pas compris s'il fallait que je m'exprime sur le fond ou sur la demande d'ajournement, Monsieur le président... (Commentaires.)
Je voulais simplement dire que, depuis le début, cet objet a chaque fois été traité par le Grand Conseil au forcing. La majorité a cherché à précipiter les événements pour éviter un débat serein. Les travaux ont eu lieu en commission avant même le débat en plénière sur l'acceptation ou non de cette initiative. Comme l'a dit tout à l'heure M. Pierre Vanek, on a voulu imposer à ce Grand Conseil un rythme effréné. Cela a engendré des confusions qui, finalement, n'ont fait que compliquer et ralentir les débats.
Y a-t-il une bonne raison pour que le contreprojet à cette initiative soit absolument voté ce soir ? Non, aucune ! Le délai pour le voter est exactement le même que pour l'initiative 116. Avec le Bureau et les chefs de groupe, nous étions convenus que l'initiative 116 et l'initiative 115 seraient traitées à la séance du mois de mars. Nous étions tout à fait dans les délais. Il est incompréhensible que cet accord de l'ensemble des partis et des chefs de groupe ait été remis en question au début de cette séance par la seule volonté des représentants de la Chambre genevoise immobilière. Cette manière de travailler est inadmissible ! Il est 23h30, et entamer un débat qui sera probablement long... (L'orateur est interpellé par M. Luscher. Le président agite la cloche.)Monsieur Luscher, je ne suis pas intervenu, si ce n'est pour des amendements, et jamais je...
Le président. Je vous prie de continuer, Monsieur le député ! C'est moi qui essaye de faire régner l'ordre...
M. Carlo Sommaruga. Je pense que, si nous sommes à même de pouvoir discuter et voter l'initiative 116 dans les délais à la prochaine séance, il est possible de le faire également pour l'initiative 115. Nous pouvons faire exactement ce qui avait été prévu par le Bureau, à savoir que ces deux objets soient traités lors de la prochaine session, que ce soit jeudi ou vendredi. J'appuie donc la demande d'ajournement de cet objet à la prochaine session.
Le président. Les PDC, les radicaux, les libéraux, les Verts, l'UDC, ne désirant visiblement pas prendre la parole, je mets aux voix la proposition d'ajournement, conformément à l'article 78, alinéa 1, lettre b), et ce, au moyen du vote électronique. (Le président est interpellé par M. Spielmann.)Non, M. Vanek s'est exprimé pour l'Alliance de gauche ! Je suis navré, Monsieur Spielmann, nous votons sur l'ajournement. Le vote est lancé.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 46 non contre 28 oui et 4 abstentions.
Le président. Monsieur Vanek, vous avez la parole en tant que rapporteur de minorité. Vous avez sept minutes, maximum...
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je pense que les conditions de ce débat - mais vous le savez bien - sont loin d'être bonnes... J'attends que les personnes qui le veulent quittent la salle et que les Weiss et autres qui téléphonent avec leur portable arrêtent de le faire... (Exclamations.)...pour que nous puissions débattre et faire de la politique dans cette enceinte !
Le parti libéral, dans son programme des dernières élections, que je cite, défend l'idée qu'il n'est pas admissible que l'Etat «arrose sans discrimination une bonne partie des citoyennes et des citoyens»... Effectivement, avec l'initiative Casatax, on ne peut pas reprocher aux milieux libéraux d'arroser sans discrimination... Cette discrimination est très spécifique: il s'agit de permettre des abattements fiscaux à des personnes qui sont en mesure d'accéder à la propriété de leur logement, c'est-à-dire d'acheter un bien immobilier, ce qui concerne - chacun le sait - une toute petite minorité de la population... L'initiative prétend «démocratiser» l'accession à la propriété de son logement - le mot «démocratique» est évidemment ici un paradoxe... - mais, en réalité, les mesures préconisées vont permettre à des propriétaires de biens immobiliers d'en acquérir d'autres - plus grands, plus petits, plus à leur convenance - en leur donnant la possibilité de bénéficier de cette subvention. Et cette subvention, qui est un manque à gagner pour la collectivité, a été chiffrée par le département à hauteur d'une vingtaine de millions de francs. Hier, certains ont poussé de hauts cris à la pensée que les comptes de l'an dernier montreraient peut-être un découvert de l'ordre d'une cinquantaine de millions de francs. Et avec une simple initiative, on vient nous proposer une augmentation qui représente 40% du montant de ce déficit qui les avait tant choqués. C'est pourtant une somme qui ne rentrera pas dans les caisses de la collectivité et qui devra se traduire soit par un accroissement de la dette, soit par des suppressions de dépenses sociales, de postes de la fonction publique - par des coupes de Dieu sait quel ordre, mais on ne le sait évidemment pas, puisque les initiants se gardent bien de le dire...
Madame Hagmann, vous allez certainement vous énerver parce que tout cela a déjà été dit, je vous l'accorde volontiers. Mais il y a aussi ce qui n'a pas été dit!
J'ai un papier en main qui porte la signature de M. Jacques Pagan. Eh bien, j'aimerais bien l'entendre s'exprimer sur le retrait de son amendement, amendement stipulant que les aides octroyées par cette initiative étaient accordées à ceux qui n'étaient pas déjà propriétaires du logement qu'ils occupaient. Or, cet amendement a été retiré en commission - par M. Marcet, je crois, qui représentait l'UDC au sein de cette dernière. Il pourra peut-être aussi s'en expliquer...
Non seulement cet amendement a été retiré, mais une proposition alternative pratiquée à Neuchâtel - je ne vais pas rentrer ici dans le détail puisqu'on aborde le fond pour l'instant et que l'on évoquera les détails de technique législative ultérieurement - n'a pas été soutenue ! Pour quelle raison ? Parce que la Chambre genevoise immobilière et les initiants ont développé un nouveau discours selon lequel il est question de favoriser non seulement les locataires mais aussi les propriétaires... Et Mme Hagmann, qui a rédigé un rapport complet et fort bien fait, a eu l'amabilité d'inclure à la page 24 un document de la Chambre genevoise immobilière - c'est-à-dire les initiants - dans lequel celle-ci dit: «...il importe que les réductions de droits d'enregistrement bénéficient aussi aux propriétaires...». C'est de cela dont il s'agit !
Lors de notre dernier débat - vous voyez bien, Madame Hagmann, que nous avons avancé - M. Muller se posait en Zorro ou en Superman, je ne sais plus, défenseur des locataires, et aujourd'hui nous avons l'avantage d'être revenus à plus de clarté, puisque nous voyons enfin les défenseurs des intérêts des propriétaires qui avancent à visage un tout petit peu plus découvert ! Et cela à un moment où il est évident que la République pourrait se passer de ces cadeaux ciblés aux plus nantis. Mais enfin sur ce point chacun prend ses responsabilités... Lors du dernier débat - je le cite parce que cette discontinuité dans les débats, induite par la hâte qui a marqué le dernier débat, fait que certains ont pu l'oublier - M. Luscher courait dans tous les sens... (Exclamations.)...et s'énervait à propos de l'amendement Pagan. Déjà, lors du dernier débat - je cite le Mémorial, puisque nous avons l'avantage d'en bénéficier...
Le président. Monsieur le député, votre temps de parole est terminé.
M. Pierre Vanek. Je finis ma phrase, Monsieur le président ! ( Chahut.) Déjà, lors de ce débat, M. Luscher disait ceci: «Eh bien, oui, cela fait de nombreuses années que je défends les propriétaires, que je les défends avec fierté et que je fais tout ce que je peux pour les défendre loyalement, honnêtement et parfois intelligemment.»
Mesdames et Messieurs, à cette table, ici, pour ma part, je défends les intérêts de la majorité des Genevois qui - comme vous vous êtes plu à le souligner, ne sont pas propriétaires et ne sont pas en passe de le devenir - sont des locataires !
Le président. Avant de donner la parole au prochain orateur, j'aimerais demander à tous les intervenants de ne pas faire d'attaques nominatives contre tel ou tel autre député... Cela n'apporte rien au débat ! Je vous demande aussi de vous limiter aux sept minutes de temps de parole qui vous sont imparties. Et il n'est d'ailleurs pas nécessaire de les épuiser...
Monsieur Carlo Sommaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S). J'aimerais remettre l'initiative 115 dans le contexte global des projets qui ont été déposés par l'Entente depuis le début de cette législature et montrer comment les milieux immobiliers, par leur aile parlementaire, entendent porter un certain nombre de coups extrêmement violents aux locataires de ce canton, qui représentent la majorité de la population. Et n'en déplaise au député qui va s'opposer à ce point de vue - je ne le citerai pas - les locataires représentent la majorité de la population.
Voyons d'un peu plus près les deux initiatives, l'initiative 115 et l'initiative 116, qui ont été présentées à la signature simultanément. L'initiative 115, qui nous intéresse ce soir - Casatax -vise en fait à limiter la contribution des propriétaires - c'est-à-dire des personnes les plus nanties de ce canton - aux caisses publiques. Le cadeau qui va être fait à titre individuel pour chacun de ces propriétaires atteint 15 000 F au maximum sur le paiement des droits d'enregistrement, sans compter le complément sur les droits de constitution des hypothèques. Il s'agit, comme cela a été dit, d'une perte pour l'Etat de l'ordre de plusieurs dizaines de millions, et ceci pourrait être le cas chaque année compte tenu du nombre de ventes immobilières qui interviennent. Dans le projet initial, le calcul de la perte pour l'Etat a été fait sur la base d'une seule vente par propriétaire alors que la mesure législative proposée n'est pas limitative et que, donc, l'Etat perd de l'argent sur chaque vente. En fin de compte, la prestation financière de l'Etat, sous forme d'allègement fiscal, est destiné à ceux qui ont des moyens financiers.
En parallèle, une initiative - IN 116 - non formulée est déposée et un certain nombre de projets de concrétisation sont proposés en commission. Dans quel but ? D'une part, de réduire encore la contribution aux caisses publiques et, d'autre part, d'amener l'Etat à devoir payer des montants faramineux à terme, dans le cadre de l'épargne logement. Je rappelle que les montants dont pourront bénéficier les propriétaires par l'épargne logement peuvent atteindre des dizaines de milliers de francs.
Mais le but des initiants de l'IN 115 et de l'IN 116 n'est pas seulement de vider les caisses tout en redistribuant à ceux qui ont les moyens, il s'agit aussi de s'en prendre aux derniers terrains constructibles en zone de développement et de les réserver exclusivement aux personnes qui ont les moyens de se payer de la PPE au lieu de laisser construire les logements sociaux dont Genève a besoin. Nous savons bien que les logements subventionnés subissent une érosion extrêmement importante et qu'il n'y a pas de nouvelles constructions de logements sociaux pour compenser ces pertes! (Exclamations.)Et un certain nombre de propriétaires, dans une stratégie bien définie, empêchent la réalisation de constructions de logements pour les locataires, dans l'attente de pouvoir bénéficier de davantage de liberté et d'avantages financiers en matière d'accession à la propriété.
Les initiants ont la volonté de ne pas faire payer le prix à ceux qui en ont les moyens; ils ont la volonté d'aller puiser dans les caisses de l'Etat des fonds pour les distribuer à ceux qui en ont les moyens et il y a une volonté de faire un hold-up sur les derniers terrains constructibles de ce canton. Et il y a, en outre, une volonté délibérée de s'en prendre aux locataires, à savoir la volonté de remettre en cause la loi sur les démolitions, transformations et rénovations, notamment par l'augmentation des loyers et par différents autres biais.
Il est donc clair que ce soir on ne votera certainement que sur l'initiative 115, mais elle doit être mise effectivement dans cette perspective globale de volonté des milieux immobiliers de porter atteinte à... (Des députés chantonnent. L'orateur cesse de parler pendant un moment.)Monsieur le président, cela fait trente secondes que je n'ai plus de micro ! (Rires. Le président agite la cloche. Le micro est rallumé par l'opératrice et l'orateur reprend la parole.)
Sur un plan plus technique, il avait été évoqué la nécessité de renvoyer le contreprojet en commission, en raison de la violation du principe de l'égalité. La violation du principe de l'égalité de traitement avec les locataires a même été évoquée !
En fait, le projet tel qu'il est ressorti des derniers débats en séance plénière n'était que la copie conforme de ce qui se pratique à Neuchâtel. L'amendement qui avait été présenté par M. Pagan permettait effectivement de respecter la constitution: l'égalité de traitement. Au surplus, il permettait de respecter la volonté des initiants qui affirmaient, et c'est toujours écrit dans l'exposé des motifs... (Brouhaha. Les députés continuent de chantonner)Monsieur le président... Monsieur le président ! (Un pupitre claque.)
Une voix. C'est quoi ce bruit ?
M. Carlo Sommaruga. Monsieur le président, vous présidez ou vous tenez une conversation privée ? (L'orateur est interpellé.)C'est faux ! (Le président agite la cloche.) (Le président est interpellé par M. Spielmann.)
Le président. Excusez-moi, mais vous n'écoutez pas toujours non plus, Monsieur Spielmann ! (Exclamations.)
M. Jean Spielmann. Mais vous, vous devez présider ! (Rires.)
Le président. Eh bien, je crois que je préside... Mesdames et Messieurs les députés qui êtes debout, je vous prie de vous asseoir ! (Le président agite la cloche.)Monsieur Spielmann, asseyez-vous ! Vous savez, vous ne donnez pas une image flatteuse du parlement, malgré votre ancienneté ! (Exclamations.)
M. Carlo Sommaruga. Vous non plus, Monsieur le président !
Le président. Oui, Monsieur Spielmann, parfaitement ! (Exclamations.)Alors, Monsieur Sommaruga, continuez ! (Exclamations.)Essayez, Monsieur Sommaruga d'intéresser l'auditoire, et continuez ! Monsieur Spielmann, vous êtes prié de vous taire ! (Exclamations.)
M. Carlo Sommaruga. Monsieur le président, je pense...
M. Christian Grobet. Il y a vos amis politiques qui chantent, Monsieur le président !
Le président. Vous n'arriverez pas à faire interrompre cette séance ! Monsieur Sommaruga, je vous prie de continuer !
M. Jean Spielmann. C'est catastrophique !
Mme Janine Berberat. Mais il a fini !
M. Carlo Sommaruga. Non, je n'ai pas fini... Eh non ! Je disais donc... (Exclamations.)
Le président. Taisez-vous et écoutez l'orateur !
Une voix. C'est Mme Berberat qui veut l'empêcher de parler, Monsieur le président ! Il faut arrêter ! Il ne faut pas seulement regarder de notre côté, il faut aussi regarder de l'autre côté !
Le président. Moi, je regarde l'orateur qui parle... Allez-y, Monsieur le député !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter M. Sommaruga qui a certainement des choses passionnantes à nous dire et qui va les dire rapidement... (Commentaires.)Vous n'avez plus qu'une minute et demie, Monsieur le député...
M. Carlo Sommaruga. Je demande simplement que le vice-président vous remplace, Monsieur le président, car aujourd'hui vous menez les débats d'une manière partiale !
M. Pierre Vanek. C'est une motion d'ordre ?
M. Carlo Sommaruga. Oui, c'est une motion d'ordre !
Le président. Vous y allez ?
M. Carlo Sommaruga. J'ai simplement demandé que le vice-président vous remplace étant donné la manière dont vous menez les débats aujourd'hui ! (Rires.)
M. Claude Blanc. C'est fini ce cirque !
Le président. Continuez, Monsieur Sommaruga ! (Exclamations.)
M. Carlo Sommaruga. Monsieur le président, j'ai pris la parole, et je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit de particulier pour faire durer ce débat... (Quelques exclamations.)
Je m'exprime sur le fond de cette affaire, alors, j'aimerais au moins que la présidence porte un minimum d'attention non pas forcément à mes propos, mais au moins à la séance pour faire observer un peu de silence dans cette salle, et que les députés de votre parti cessent de chantonner au fond de la salle ! (Exclamations.)
Une voix. Il faut remplacer le président !
Le président. Monsieur Sommaruga, maintenant, je vous donne la parole. Je prie l'assemblée de vous écouter. Il vous reste une minute et demie, après je vous couperai le micro.
M. Carlo Sommaruga. Je disais donc qu'un des motifs qui avaient été invoqués, pour reprendre la discussion sur ce projet de loi, était la prétendue inégalité de traitement. Or, le projet de loi tel qu'il avait été voté en plénière la dernière fois, à savoir qu'il ne favorisait qu'une première accession à la propriété et acquisition d'un logement, est parfaitement conforme à la constitution puisque c'est le modèle qui est pratiqué dans le canton de Neuchâtel.
En fait, on a utilisé le retour de l'objet en commission pour permettre d'étendre la portée du projet de loi bien au-delà de l'intention claire et délibérée des initiants, à savoir de démocratiser l'accession à la propriété, c'est-à-dire d'accéder pour la première fois à la propriété de son logement. L'initiative ne visait pas à favoriser les propriétaires d'un logement d'accéder à un autre logement et, ensuite, de le revendre et d'en racheter un autre et, ainsi, de bénéficier encore et encore des largesses de l'Etat ! C'est une chose qu'il faut savoir.
Avant de conclure cette première intervention, je dirai la chose suivante: ce sont les partis de l'Entente qui défendent aujourd'hui la démarche consistant à vider les caisses de l'Etat en supprimant ou en limitant certaines taxes et en faisant des cadeaux énormes aux propriétaires. Et je le dis pour les électeurs qui n'auraient pas encore voté aujourd'hui. Il faut le savoir ! Ce sont des personnes comme M. Longchamp qui sont responsables de ce genre de politique... (Exclamations.)Et c'est cette politique qu'il va soutenir s'il est élu ! (Exclamations.)
Le président. Messieurs, encore un peu d'attention et de patience avant le vote de ce contreprojet. Je rappelle que nous débattons du contreprojet à l'initiative 115 et que nous ne faisons pas campagne électorale pour les élections d'après-demain. Vous avez la parole, Monsieur Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais dire, au nom de la fraction de l'Alliance de gauche, que nous considérons cette initiative comme absolument indécente à l'égard de la grande majorité de la population qui n'a aucun espoir quelconque de pouvoir acquérir, un jour, un objet immobilier...
Lors du débat d'hier après-midi, nous avons entendu la touchante déclaration, au nom du parti libéral, de M. Weiss nous disant à quel point le parti libéral était attaché au principe de l'égalité dans cette société et qu'au nom de cette égalité il n'était pas possible de verser une modeste allocation de 400 ou 600 F d'indemnité pour des étudiants en stage... Je vois qu'aujourd'hui cette égalité ou, plutôt, cette inégalité ne semble pas vous gêner, puisque vous voulez accorder des dizaines de milliers de francs aux contribuables les plus privilégiés de ce canton ! M. Sommaruga a bien eu raison de rappeler l'inégalité flagrante qui ressort de cette initiative.
J'ajoute que ceux qui ont lancé cette initiative et qui représentent les promoteurs - pas du tout les acquéreurs - c'est-à-dire ceux qui s'en mettent plein les poches dans le secteur immobilier, savent très bien que cet abattement fiscal ne va absolument pas profiter aux acquéreurs, mais qu'il va profiter aux constructeurs et aux vendeurs. Pourquoi ? Tout simplement parce que les vendeurs connaissent très bien le marché et c'est le marché qui vous est tellement «cher», entre guillemets, qui fixe les prix de vente. Bien entendu, ces prix sont tirés à la hausse: arrivera-t-on par exemple à vendre une villa 870 ou 890 000 F ? Mais l'acquéreur ne verra rien du tout de cet abattement fiscal, car le vendeur sait très bien jusqu'où l'acquéreur pourra monter !
Je me souviens à cet égard de la démonstration faite avec beaucoup de pertinence par M. Milleret dans cette enceinte, il y a une vingtaine d'années, lorsque nous avions introduit dans la loi le taux de 0,25, voire de 0,3% pour la contiguïté en zone villa. Il y avait cet espoir un peu naïf que cela permettrait non seulement de construire davantage, mais aussi de faire baisser le prix du terrain si on pouvait construire deux villas sur une parcelle. En réalité, cela n'a absolument pas fait baisser le prix du terrain, bien au contraire: il s'est envolé !
Par voie de conséquence, c'est une pure fiction de penser que l'acquéreur va bénéficier de cet abattement fiscal - et vous le savez très bien... Par contre, il est évident que les vendeurs pourront vendre l'objet immobilier, 15, 20 ou 30 000 F plus cher. C'est ça, la vérité !
La deuxième vérité dans cette affaire est la suivante. On a entendu les feintes jérémiades des libéraux, tout particulièrement en ce qui concerne la situation financière de l'Etat; vous vous inquiétez de l'état des comptes; vous vous inquiétez de l'endettement de l'Etat, mais, dans le même temps, vous voulez diminuer les rentrées fiscales de l'Etat !
Ici, vous ne proposez pas de baisser les impôts d'une manière linéaire pour des catégories de contribuables - ce qui serait une égalité de traitement: tous les contribuables bénéficieraient d'une certaine baisse d'impôts - vous proposez une baisse tout à fait sélective au profit des promoteurs et des vendeurs, dont on connaît bien l'importance des marges de bénéfices qui sont les leurs. Simultanément, vous réduisez les moyens financiers de l'Etat ! J'entends encore M. Kunz dire qu'il faudrait diminuer la dette de 300 millions par année... Eh bien, je me demande bien comment on pourrait y arriver si on continue à diminuer les rentrées fiscales comme vous le faites!
Cette initiative est absolument indécente... Et nous la dénoncerons.
Nous n'aurons évidemment pas les mêmes moyens que les milieux immobiliers qui bénéficieront certainement, une fois de plus, de 400 ou 500 000 F pour mener campagne en faveur de leur initiative, mais nous ne désespérons pas de faire comprendre aux citoyennes et citoyens de ce canton qu'il y a quand même quelque chose d'indécent au fait qu'une petite minorité qui fait beaucoup d'affaires dans le secteur immobilier réussisse encore à se faire octroyer des cadeaux financiers de la part de l'Etat ! Mais faites-nous confiance, nous mènerons une campagne active, et j'espère que nous arriverons à faire rejeter cette initiative et ses conséquences particulièrement injustes sur le plan fiscal vis-à-vis de la population!
M. Souhail Mouhanna (AdG). A l'appui des propos de M. Grobet et de M. Sommaruga, je voudrais vous donner quelques éléments chiffrés qui figurent dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat de 2000, dans des tableaux tout à fait explicites. En effet, dans les rapports de gestion suivants, certains tableaux sont encore apparemment en attente d'être publiés, en raison de l'affaire des prae et postnumerando que nous connaissons. Les chiffres que j'ai sous les yeux, Mesdames et Messieurs les députés, concernent les tranches de fortune imposable à Genève. Sont sans fortune imposée: 76,24% des contribuables. Les millionnaires qui représentent 3% détiennent 76,82% de la fortune imposée à Genève, soit 35 milliards. 35 milliards ! Les chiffres sont très parlants: 76% des contribuables n'ont pas de fortune imposée et 3% possèdent les 76% de la fortune imposée, soit 35 milliards !
Puisque nous parlons d'accession à la propriété, je vois que 87,5% des contribuables possèdent une fortune inférieure à 150 000 F, dont, comme je l'ai dit tout à l'heure, 76,24% qui n'ont aucune fortune imposable.
Parallèlement, des cadeaux fiscaux de plusieurs dizaines de millions sont faits... Et par qui ? Par les mêmes qui critiquent la gestion de l'Etat, les dépenses sociales et tout le reste, qui disent que l'Etat vit au-dessus de ses moyens, mais qui font tout pour empêcher l'Etat de disposer des recettes nécessaires pour faire une politique digne de ce nom dans un canton qui se veut social. Eh bien, Mesdames et Messieurs, je crois que les choses sont claires ! Pour une partie de notre Grand Conseil - la droite pure et dure - il y a une constante: c'est que les riches ne le sont jamais assez et que les autres le sont toujours trop... C'est votre devise, et vous nous le démontrez avec cette initiative et avec le contreprojet !
Eh bien, nous, nous allons essayer de faire en sorte qu'il y ait plus de justice sociale dans ce canton, et nous espérons réussir à faire capoter votre initiative asociale et antisociale !
Mme Michèle Künzler (Ve). Les choses sont peut-être plus nuancées: il n'y a pas les bons d'un côté et, de l'autre, les méchants, les vilains propriétaires. Nous, nous sommes constants: nous avons largement contribué au contreprojet à l'initiative «Casatax» et nous continuerons à le soutenir.
Pour nous, ce n'est pas un mal d'accéder à la propriété, c'est une forme de logement comme une autre. Par contre, nous sommes contre l'accaparement, et nous l'avons toujours dit. C'est la raison pour laquelle nous avons amendé cette proposition, afin que cet abattement de 15 000 F bénéficie à des personnes qui pourraient accéder à la propriété, mais une propriété de moins d'un million. Il ne s'agit donc pas de millions... Cette mesure est très ciblée. Et les personnes qui achètent un appartement de moins de 500 000 F seraient exonérées de la taxe, mais, franchement, il ne s'agit pas de sommes énormes. L'incidence n'est pas très importante puisque le montant total a été estimé à 20 millions, et encore, ce n'est pas certain.
Nous refuserons tous les autres abattements et nous soutiendrons ce projet, parce que nous y avons contribué en commission et que nous sommes favorables à l'accession à la propriété, quand elle est modeste. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle qu'en principe un seul représentant par parti peut s'exprimer puisque nous sommes entrés dans le premier débat du projet de loi 8708.
Pour le parti socialiste, il faut que Mme Grobet-Wellner se mette d'accord avec M. Sommaruga qui a aussi demandé la parole... Vous avez la parole, Madame Mariane Grobet-Wellner... (Le président est interpellé.)Non, il faut suivre le règlement ! Nous avons eu un débat général... Monsieur le rapporteur, vous êtes intervenu largement, ainsi que d'autres députés ! Je dis maintenant que nous ouvrons le débat d'entrée en matière du projet de loi 8708. Ensuite, nous voterons. Alors, une personne s'exprime par parti. (Protestations.)Madame Grobet-Wellner, allez-y ! Nous règlerons ce petit problème après. (Exclamations.)La liste des intervenants va s'allonger et je serai obligé de la clore... (Brouhaha.)Je vous prie d'écouter Mme Grobet.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je voudrais apporter un certain nombre de précisions. Je ne veux pas revenir sur ce qui a été dit, ni sur la triste scène à laquelle nous avons assisté il y a quelques mois. Ce travail en commission fiscale a été mené à coups de bâtons à la demande des initiants et je regrette que nous nous retrouvions aujourd'hui encore avec un projet mal ficelé. Je vais expliquer pourquoi.
D'abord, tous les propriétaires pourront bénéficier de cet avantage, même les multimillionnaires ! (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais bien que vous écoutiez Mme Grobet.
Mme Mariane Grobet-Wellner. Le but de l'initiative est d'aider certaines personnes à devenir propriétaires de leur logement. Mais ce projet de loi est un contreprojet à cette initiative et son but est tout à fait différent...
Par ailleurs, je pense qu'il est absolument scandaleux que la majorité de droite ait cru être en droit de profiter d'un renvoi en commission fiscale pour s'écarter du but initial de l'initiative «Casatax» dans des termes qui ont convaincu un certain nombre de personnes de la signer.
J'abrège, mais je tiens simplement à dire ceci: quand on parle de cadeau aux futurs propriétaires, je considère qu'il s'agit d'une tromperie. Je m'explique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)L'idée est de compléter les fonds propres nécessaires - soit environ 20% - pour pouvoir acquérir un logement. Mais les 15 000 F, dont profiteraient certains propriétaires, ne vont pas leur revenir intégralement. Nous sommes dans une situation de marché - comme M. Grobet l'a expliqué tout à l'heure - dans laquelle les prix ne sont pas fixes et ce montant sera immédiatement absorbé par une hausse du prix du bien immobilier en raison de la pénurie. Et même davantage. Considérant que les 15 000 F en question constituent des fonds propres supplémentaires, cela permettra aux milieux immobiliers de demander jusqu'à 75 000 F de plus pour un objet similaire - 15 000 F représentant 20% de 75 000 F ! C'est cela le véritable enjeu ! Le futur propriétaire, fort de ce cadeau de 15 000 F, sera tenté d'acheter un objet beaucoup plus cher puisqu'il sera en mesure de s'endetter davantage... Je le répète, seuls les milieux immobiliers profiteront de ces 15 000 F: c'est cela le véritable enjeu de cette affaire !
Les socialistes s'opposent fermement à ce qui ne serait même pas un cadeau aux futurs propriétaires de «condition modeste», mais un énorme cadeau aux milieux immobiliers aux frais de la collectivité.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau dans sa majorité vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits M. Vanek et M. Sommaruga. Je donne la parole à M. Pierre Vanek, rapporteur de minorité.
M. Pierre Vanek. Le parlement ne doit-il pas se prononcer sur cette proposition du Bureau, Monsieur le président ?
Le président. Celles et ceux qui approuvent la clôture des débats sont priés de lever la main.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Bien, Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole. (M. Vanek est interpellé par Mme Berberat.)
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Madame, si j'étais mal élevé, j'emploierais des termes plus sévère encore à votre égard... Mais j'ai un peu plus d'éducation... (L'orateur est interpellé.)Non, non, c'est à Madame Berberat... (Exclamations.)...qui m'a interpellé tout à l'heure !
Le président. S'il vous plaît, vous n'interrompez pas M. Vanek qui a sept minutes pour s'exprimer !
M. Pierre Vanek. Monsieur le président, j'aurais effectivement aimé ne pas avoir à répondre à Mme Berberat et que vous lui fassiez vous-même remarquer qu'elle n'a pas à m'interpeller et à m'attribuer des qualificatifs désobligeants. Et peu politiques!
Je reviens sur le fond de cette affaire. Madame Künzler - il faut tout de même parler de la position des Verts - vous venez d'évoquer la constance de votre groupe... Vous m'accorderez, Madame Künzler, que nous aussi sommes constants... (Exclamations.)...et nous sommes opposés à ce projet de loi qui veut faire un cadeau fiscal aux nantis, cadeau de l'ordre de 20 millions de francs par an, cadeau qui tombe particulièrement mal vu la situation des finances de cette République. Ce cadeau est inadmissible. Et notre opposition à ce projet est constante. Madame Künzler, vous avez parlé avec beaucoup de légèreté de ces 20 millions, disant que c'était une somme peu importante... En d'autres circonstances, on est plus soucieux des deniers publics ! Christian Grobet a eu parfaitement raison de le rappeler hier: nous discutions de l'investissement dans la formation des élèves de l'Ecole du Bon-Secours - sous forme de subventions aux infirmières et aux infirmiers que nous formons dans cette République - pour leur donner les moyens de vivre et de mener à bien cette formation dans des conditions qui soient bonnes. Les montants articulés - 1, 2 ou 3 millions, selon les niveaux d'indemnisation - paraissaient alors astronomiques, et la proposition du projet de loi de l'Alliance de gauche a reçu un accueil négatif puisqu'il semblait impensable à une majorité de cette assemblée d'imaginer entrer en matière sur des montants pareils! Aujourd'hui, alors que nous parlons de montants beaucoup plus importants - dix fois plus - il semble qu'ils vous paraissent dérisoires ! Pourquoi ? Parce que c'est évidemment bien peu de chose en regard de la fortune des personnes à qui ces cadeaux seront faits. Et, de ce point de vue-là, cette mise en perspective fait que l'on ne s'offusque pas quand il s'agit de faire des cadeaux aux propriétaires, dont la fortune se chiffre en milliards... (Rires et exclamations.)...si on les compte à l'échelle cumulée dans ce canton. Et vous avez beau rire - c'est bien de cela dont il s'agit, Mesdames et Messieurs les députés ! - ces 20 millions apparaissent effectivement comme bien peu de chose.
Moi, si je voulais faire des cadeaux, je pourrais vous suggérer de prendre ces 20 millions pour faire un chèque de 2000 F qui serait donné à dix mille locataires, choisis sur tel ou tel critère... (Brouhaha.)On pourrait trouver des arguments... Cela permettrait à ces personnes d'utiliser cet argent pour faire des travaux, pour améliorer la qualité de leur environnement. Mais tout le monde me tomberait dessus en disant que tout cela est insensé, irréaliste, impossible... Eh bien, ce n'est pas plus impossible que ce que vous êtes en train d'essayer de nous «enfiler»... (Rires et exclamations.)Et j'espère que les citoyennes et les citoyens de ce canton - et je pense que cela sera le cas - le reconnaîtront, puisque, fort heureusement, ce sont elles et eux qui auront le dernier concernant cette affaire!
Vous avez voulu, Monsieur le président et le Bureau - unanime ou dans sa majorité? je ne sais pas... - clore la liste des intervenants dans ce débat. Il y a quand même un acteur dans cette affaire que j'aimerais entendre, ne serait-ce que par curiosité intellectuelle, c'est le député UDC, Jacques Pagan, qui a signé l'amendement que l'on sait... (Le président agite la cloche.)Vous me direz que la signature de M. Pagan ne vaut pas cher... (Exclamations.)...mais je lui attribuais tout de même un petit peu de constance, malgré tous ses défauts... Je constate, conformément aux allégations assez régulières que je formule sur les bancs de l'Alliance de gauche, que l'UDC n'est qu'une force d'appoint pour les libéraux et non un parti différent et populaire. Mon rapport l'évoque: nous avons là une démonstration très précise de ce phénomène... (Brouhaha.)...mais je pense... (Le président agite la cloche. Exclamations.)Monsieur le président, vous avez dit qu'il ne fallait interpeller personne... (L'orateur est interpellé.)Non, non, je ne le fais pas ! (Rires et exclamations.)Je pose simplement une question sur un amendement relativement important - puisque même Mme Hagmann en a parlé en disant qu'il était malvenu - provenant d'un certain groupe, sans oser le nommer... Alors bien sûr, moi, j'ose le nommer: c'est l'UDC, et j'ose même nommer l'auteur de cet amendement qui est M. Pagan... (Exclamations.)Est-ce un sacrilège ? Je ne le pense pas ! Il y a eu un changement de religion à cet égard... (Exclamations.)...et j'aimerais bien entendre les raisons pour lesquelles cet amendement qui a été déposé en mars - c'était une réponse raisonnée à une objection apparemment fondée, et qui est toujours fondée, à ce contreprojet - disparaît tout à coup. On nous a dit que cet amendement...
Le président. Il vous reste trente secondes!
M. Pierre Vanek. Oui, oui ! On nous dit que cet amendement conduit à une inégalité de traitement... Eh bien, Bon Dieu, votre texte actuel conduit bien à une inégalité de traitement... (Exclamations.)...puisqu'il ne veut faire de cadeaux qu'à la petite minorité - Souhail Mouhanna, mon collègue, a dit combien elle était restreinte - qui peut envisager de poser sur la table... (Exclamations.)...de quoi acheter un immeuble... (Les députés de droite font le compte à rebours.)
Des voix. Dix, neuf, huit, sept, six, cinq...
M. Pierre Vanek. Eh bien, ça, c'est de l'i-né-ga-li-té...
Des voix. ... quatre, trois, deux, un !
M. Pierre Vanek. ... de trai-te-ment ! (Vives acclamations.)
Le président. La parole est à M. le député Sommaruga... Je vous prie de l'écouter en silence, parce que M. Sommaruga aime être écouté en silence... (Exclamations.)
Une voix. C'est la quatrième fois!
Le président. La liste a été clôturée; j'ai donné les noms des députés inscrits, et vous n'avez pas protesté... M. Sommaruga a la parole ! (Commentaires.)
M. Carlo Sommaruga (S). Je réagis aux propos de la députée des Verts qui s'est exprimée sur cette initiative. Elle nous a dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas que de méchants propriétaires et de gentils locataires... Le problème n'est pas là: il est de savoir quelles sont nos priorités en matière d'affectation des ressources de l'Etat. Cette affectation, que ce soient par des cadeaux fiscaux ou par des prestations, doit aller à ceux qui en ont le plus besoin, aux personnes qui perdent leur logement, mais certainement pas à ceux qu'elle appelle «les modestes acquéreurs d'un bien de un million». A ce propos, j'aimerais rappeler à la majorité qui soutient ce projet de loi qu'en 2002... (Brouhaha.)J'aimerais bien avoir du silence, Monsieur le président, même si vous êtes fatigué et presque endormi ! (Quelques exclamations.)
Le président. Monsieur Sommaruga a encore très exactement cinq minutes et quarante secondes... Je vous prie de l'écouter...
M. Carlo Sommaruga. En 2002 - disais-je - à Genève, mille deux cents locataires ont reçu leur congé et ont dû le contester devant la Commission de conciliation... Pire encore: mille cinq cents familles ont été assignées en évacuation pour défaut de paiement de loyer ! Quelles sont les prestations versées par l'Etat pour ces familles qui se retrouvent sans logement ? (Exclamations.)
Le président. M. Luscher pourrait-il se taire ?
M. Carlo Sommaruga. Et on propose ce soir d'affecter les ressources de l'Etat non pas à ces personnes qui ont un cruel besoin d'aide, parfois financière, mais à des personnes qui peuvent acheter un bien qui vaut jusqu'à un million !
Par ailleurs, il convient de relever que la limite de un million ne correspond à aucune réalité... Dans le premier rapport déposé par le Conseil d'Etat au sujet de l'initiative 115, il était indiqué que les ventes qui pouvaient être ciblées par ce projet de loi étaient de cinq cent septante-huit pour un montant global de 314 millions environ. Cela signifie que la moyenne des transactions se situe à 543 000 F. En d'autres termes, on aurait pu tout à fait faciliter l'accession à la propriété du logement à des personnes à revenus modestes avec un projet de loi proposant une limite de prix plus basse à 500 000 F. Mais l'objectif de l'Entente n'est pas de favoriser l'accession à la propriété des revenus modestes - ce que l'on pourrait admettre - mais de faire des cadeaux à des personnes qui peuvent se permettre de payer un bien immobilier jusqu'à un million, c'est-à-dire leurs amis politiques et leurs amis économiques, à leurs amis des milieux immobiliers. C'est cela que nous ne pouvons accepter: l'affectation des ressources de l'Etat aux personnes qui en ont déjà et pas à ceux qui en ont besoin.
C'est pour cette raison que le parti socialiste s'opposera à ce contreprojet.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord voter l'entrée en matière du projet de loi 8708, bien entendu au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 51 oui contre 25 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous passons à l'article 8A. Pas d'opposition... Monsieur Grobet, vous voulez la parole ? Je vous la donne.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, normalement, vous devriez, sur un article comme celui-ci, procéder au vote en deuxième débat, alinéa par alinéa, mais, bref... Je fais valoir mon désir de déposer un amendement à l'article 8A, alinéa 4, qui dit: «En cas d'aliénation de l'immeuble, le débiteur des droits au sens de l'article 161, alinéa 1, est responsable du paiement de la reprise des droits.» On n'est, bien entendu, pas garanti que ce remboursement se fera. Je propose donc d'ajouter à cet alinéa le texte suivant: «Le montant des droits fait l'objet d'une annotation au Registre foncier et il est retenu par le notaire sur le produit de vente de l'immeuble.»
Le président. Vous voudrez bien me faire parvenir cet amendement, Monsieur Grobet. Nous allons donc voter sur cet amendement au moyen du vote électronique que je vous relis: «En cas d'aliénation de l'immeuble, le débiteur des droits au sens de l'article 161, alinéa 1, est responsable du paiement de la reprise des droits. Le montant des droits fait l'objet d'une annotation au Registre foncier et il est retenu par le notaire sur le produit de vente de l'immeuble.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 26 oui et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 8A est adopté.
Troisième débat
Le président. Le troisième débat est demandé... Enfin, on le demande... (Exclamations.)Oui, de toute façon, il s'agit d'un contreprojet ! Je fais voter le projet dans son ensemble...
Monsieur Pierre Vanek, rapporteur de minorité, vous avez la parole, que vous aviez demandée avant le vote. Vous en avez le droit.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Vous êtes adorable, Monsieur le président ! (L'orateur est interpellé.)
Le président. Monsieur Vanek, vous vous adressez à moi ou à l'assemblée...
M. Pierre Vanek. Oui, mais je m'adressais à vous !
Le président. Vous vous retourniez !
M. Pierre Vanek. Oh ! J'ai tout de même le droit de regarder M. Kunz ! (Rires et exclamations.)C'était parfaitement amical et je m'adressais à vous, Monsieur le président ! Dans le cadre du soutien à l'amendement de Christian Grobet, j'avais effectivement appuyé à tort sur la touche du micro, et je vous remercie de m'avoir accordé la parole avec beaucoup de fair-play... (Rires.)
M. Claude Blanc. Il se moque de vous, Monsieur le président !
M. Pierre Vanek. Je répète que, dans le cadre du troisième débat, j'aurais aimé entendre l'explication concernant cet amendement dit «Pagan»... Moi, je suis tout simplement stupéfait qu'on puisse défendre ce contreprojet en rupture complète avec tout l'argumentaire des initiatives selon lequel il faut favoriser l'accession à la propriété, ce qui revient, en somme, à renier l'idée première selon laquelle les faveurs fiscales sont réservées à ceux qui ne sont pas encore propriétaires de leur logement. (Un député ligote M. Pagan pour qu'il ne prenne pas la parole, ce qui provoque des rires. Le président agite la cloche.)Je suis tellement séduit - je ne devrais pas, car notre intention est de combattre cette initiative, comme Christian Grobet l'a dit avec beaucoup de clarté - que je voudrais proposer d'améliorer ce contre-projet - je le répète, je ne devrais pas le faire, et mon chef de groupe vient de me dire que nous n'avions aucun intérêt à l'améliorer. Mais je ne suis pas comme ça... (Eclats de rire.)
Le président. Pas d'exagération, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Je n'arrive tellement pas à comprendre ce qui s'est passé que j'ai envie, dans le cadre du troisième débat sur ce projet de loi, de déposer à nouveau l'amendement qui précise: «...qui n'est pas déjà propriétaire du logement qu'il occupe.» (Exclamations.)Je ne suis pas juriste, mais... Monsieur le président, j'imagine que vous n'avez pas besoin de mon amendement par écrit. (Le président agite la cloche.)
Le président. Je n'ai pas le texte !
M. Pierre Vanek. Oh ! Allons, allons, allons !
Le président. Alors, vous me donnez le texte de l'amendement que vous voulez présenter !
M. Pierre Vanek. Il est dans le Mémorial, Monsieur le président !
Le président. Oui, et vous pensez que j'ai le Mémorial avec moi ! (Quelqu'un apporte le Mémorial.)Voilà, je l'ai ! Je vous le relis: «...qui n'est pas propriétaire du logement qu'il occupe». Et il s'agit toujours d'un million de francs.
Je mets cet amendement aux voix, au moyen du vote électronique...
M. Christian Grobet. Regardez votre tableau ! On a demandé la parole !
Le président. Moi, j'ai Mme Hagmann, rapporteur...
M. Christian Grobet. Monsieur le président, regardez !
Le président. Oui, mais moi je n'ai pas le nom !
M. Rémy Pagani. Je demande la parole !
Le président. Madame Hagmann, vous voulez la parole ? Non, bien. Je vous donne la parole Monsieur Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne savais pas que j'étais le numéro 104... Eh bien, Monsieur le président, vous le saurez à l'avenir !
J'aimerais simplement poser une petite question... Qui a demandé le troisième débat, Monsieur le président ? Parce que, jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas entendu le Conseil d'Etat le demander ! (Exclamations.)Si c'est le Bureau qui l'a demandé, il peut le faire, mais seulement à l'unanimité. Et en l'occurrence, je n'ai pas non plus entendu que le Bureau était unanime sur la demande du troisième débat ! C'est un projet de loi, je vous le rappelle et non un contreprojet... Et la procédure doit être respectée, conformément à notre règlement.
Le président. Monsieur le député, le troisième débat est demandé. Le Conseil d'Etat vous le confirme ! (Exclamations.)J'aime ce formalisme ! (Le président agite la cloche.)Nous allons procéder au vote concernant l'amendement proposé par M. Vanek, qu'il vous a abondamment commenté tout à l'heure, et le vote de ce projet en troisième débat se fera à l'appel nominal. (Le président est interpellé.)J'aime M. Gautier qui demande qu'on se dépêche !
Je mets maintenant l'amendement proposé par M. Vanek, à l'article 8A, au moyen du vote électronique, je cite : ...«qui n'est pas déjà propriétaire du logement qu'il occupe.» Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 22 oui.
Le président. Nous votons maintenant au moyen du vote électronique et par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi 8708 modifiant la loi sur les droits d'enregistrement, contreprojet à l'initiative 115. Le vote est lancé.
La loi 8708 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble, par 54 oui contre 25 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, excusez-moi, mais la séance n'est pas encore levée. Nous devons en effet prendre acte de l'initiative 115-D.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous devons maintenant prendre acte du rapport divers 448-A.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la dernière urgence que nous avons votée au point de l'ordre du jour, puisque personne n'a demandé de changement, je veux parler de la résolution 467.