Séance du
vendredi 28 février 2003 à
17h
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
24e
séance
PL 8795
M. Rémy Pagani (AdG). Nous abordons une nouvelle fois le chantier, si j'ose dire, du stade de la Praille et notamment de son accessibilité. Nous ne comprenons pas pourquoi cette passerelle a été mise à la charge de l'Etat. Comme vous le savez, elle va non seulement profiter largement au stade, mais aussi au centre commercial mis en route par Jelmoli. A notre connaissance, les bénéfices de ce centre commercial sont assez extraordinaires, puisqu'ils se sont élevés l'année passée, au niveau du groupe Jelmoli, à 120 millions. (Brouhaha.)Nous estimons qu'il n'appartient pas à la collectivité... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Kunz, vous pouvez rigoler, mais toujours est-il que vous êtes vous-même payé par le parking de Balexert ! Vous en êtes fier d'ailleurs ! Vous avez payé une traversée sous la route menant à votre parking sans demander à la collectivité de la financer. Bien vous en a pris et vous vous en réjouissez aujourd'hui ! Toujours est-il que l'on fait, une fois de plus, peser sur l'Etat la charge de l'accessibilité au stade, accessibilité d'ailleurs prévue par nombre de projets au moment de la présentation des projets du stade de la Praille et du centre commercial. Cette accessibilité au centre commercial devrait être prise en charge par les personnes auxquelles elle profite. Malheureusement, on constate une nouvelle fois que l'on fait peser sur la collectivité cette charge de 7,6 millions, charge qui sera bien évidemment plus élevée, disons 8 millions pour être large...
Un autre problème apparaît dans cette affaire. Non seulement le groupe Jelmoli a enregistré des bénéfices l'an passé, ce qui est une bonne chose pour lui, mais il a, en plus, profité d'un droit de superficie extrêmement généreux, lui permettant d'ailleurs - cela relève du point précédent de l'ordre du jour - d'utiliser de façon abusive des terrains industriels. Il a, à notre sens, profité abusivement d'une dérogation qui lui a donné le moyen de s'installer sur un terrain mis à disposition par la collectivité, laquelle fait en sorte que ces terrains soient relativement bon marché de façon à donner à de petites et moyennes industries la possibilité de venir s'y installer. Or le groupe Jelmoli, on le voit, n'avait pas de raison particulière de s'installer comme il l'a fait dans ce lieu.
En un mot comme en cent, nous estimons qu'il n'appartient pas à la collectivité - et nous nous opposerons de ce point de vue-là à ce crédit de construction de prendre en charge ce coût. Si l'on était un peu décent, on présenterait une facture au groupe Jelmoli, pour le faire participer à cette construction, ce qui n'a visiblement pas été le cas et n'a même pas été envisagé. Voilà pour ce qui est de ce débat de préconsultation. Nous nous réservons bien évidemment le droit d'intervenir en commission et de proposer des mesures adéquates pour s'opposer résolument à ce projet de loi.
M. Sami Kanaan (S). Le groupe socialiste examinera ce projet de loi de manière relativement positive, même s'il a des doutes. Je découvre au passage avec intérêt que notre collègue Pagani propose en quelque sorte la privatisation des aménagements publics. C'est une démarche intéressante, parce qu'elle consisterait à dire que l'on a droit, là où les centres commerciaux existent, à des passerelles piétonnes et cyclables et que l'on y aurait pas droit là où il n'en existe pas !
Ce projet de loi, je le considère pour lui-même, c'est-à-dire comme un aménagement cycliste et piétonnier sur un axe routier majeur. Rien que pour cela, il mérite une ouverture, un intérêt et un accueil positif. En effet, il rétablit l'équilibre entre différents modes de transport, sur cette partie au moins de la route des Jeunes. Nous attendons d'ailleurs avec impatience que toute la route des Jeunes soit aménagée dans les deux sens, ceci indépendamment du centre commercial de la Praille. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un périmètre qui est non seulement déjà fortement pourvu en activités de type industriel ou commercial, mais qui est aussi appelé à se développer de manière substantielle en matière de logement. Nous avons aussi une responsabilité à l'aménager en termes de mobilité, non seulement pour les voitures, mais aussi pour les autres modes de transport.
J'aimerais ouvrir une courte parenthèse à ce sujet pour justifier ce projet de loi. Il existe des études fouillées qui ont été faites autour des centres commerciaux de l'agglomération zurichoise. Ces études montrent que la clientèle de ces centres est extrêmement sensible à la qualité respective des différents modes de transport et qu'elle est tout à fait prête à utiliser d'autres modes de transport que la voiture si l'offre en transports collectifs ou en aménagement piéton et cycliste est correcte. Et plus de la moitié des personnes se rendant dans ces centres commerciaux en ressortent avec moins de marchandises que l'équivalent d'un sac Migros! Ainsi, l'argument consistant à dire que les gens ressortent de ces centres commerciaux avec beaucoup de matériel - ce qui justifierait l'utilisation de la voiture - tombe, dans la mesure où plus de la moitié des gens y vont plutôt pour faire un tour, éventuellement du lèche-vitrine, faire quelques courses, pour boire un café, mais rien qui justifierait à lui seul, en termes d'achats, l'usage d'une voiture. Cela vaut donc objectivement la peine de leur offrir des alternatives.
Et là, je dois dire que le canton de Genève est en retard par rapport à d'autres cantons comme Berne et Zurich: ils disposent de législations très bien faites qui précisent, par exemple, qu'un centre commercial ne peut être construit ou implanté nulle part s'il n'y a pas une desserte substantielle en transports publics. Le Tribunal fédéral vient de le confirmer en expliquant qu'une desserte substantielle signifie qu'il y a plus qu'une simple ligne de bus régionale. Cela doit être un noeud de transports publics réellement attractif! Les gens sont pragmatiques et ne se contentent pas de discours. Lorsqu'on leur demande de circuler autrement qu'en voiture ils veulent évidemment une offre correcte!
Le cas du centre commercial de la Praille est à la fois un bon et un mauvais exemple. C'est un bon exemple car, tant qu'à faire, s'il nous faut des centres commerciaux - ce dont je doute à titre personnel, mais admettons-le - ces derniers doivent au moins se situer en agglomération et pas à la campagne. De ce point de vue-là, je préfère que le centre commercial de la Praille soit là où il se trouve plutôt qu'en rase campagne, où il serait encore plus difficile d'aménager des transports collectifs, cyclistes ou piétons. Il se situe donc à proximité d'axes importants des transports publics, de lignes de tram existantes ou futures, sur un axe ferroviaire, à proximité relative - pas immédiate - de gares RER existantes ou futures. Le parking est heureusement payant. Ce n'est pas le cas de tous les centres commerciaux de ce canton et, s'il y a là des progrès à faire - on sent qu'il y a un effet dissuasif - il n'est pas trop grand. De plus, la direction est ouverte à cette discussion et essaye en tout cas de comprendre dans quel sens on peut aller pour favoriser d'autres moyens de transports que la voiture.
Ce qui est par contre moins convaincant pour l'instant, c'est que l'aménagement dont nous discutons aujourd'hui aurait dû être prêt pour l'ouverture, parce que les gens prennent vite leurs habitudes. Malheureusement, la seule chose qui était vraiment prête à l'ouverture, c'était justement le parking. On est en train de rattraper, tant que faire se peut, la desserte en transports publics. La ligne D a heureusement été renforcée le jour de l'ouverture. Mais c'est tout! Et l'on est encore en train de mener la préconsultation concernant la parcelle cycliste et piétonne, alors qu'elle aurait dû être prête à l'ouverture du centre! Ma foi, on va essayer, une fois de plus, de rattraper ce retard. Il est malheureusement classique que le secteur public court après le secteur privé. En tout cas, je vous recommande une discussion ouverte en commission sur ce projet de loi.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est partagé par rapport au projet de loi qui nous est présenté. Il ne conteste en tout cas pas la nécessité d'avoir un accès protégé pour les piétons, respectivement les cyclistes, dans ce secteur fortement construit, où la circulation est intense.
Il n'empêche que cette passerelle mesure, d'après le projet de loi, 188 mètres pour un coût de 7,6 millions. Le calcul est donc vite fait, c'est 40 000 F le mètre. 40 000 F le mètre pour une structure légère, cela correspond à 40 millions le kilomètre. Un kilomètre d'autoroute, avec quatre pistes et deux bandes d'arrêt d'urgence, c'est 100 millions avec des infrastructures du type tunnels, etc. Je me demande donc si le projet qui nous proposé est financièrement viable. Je me pose encore la question de savoir si nos finances vont nous permettre, au cours des prochaines années, d'absorber tous ces projets, sachant que nous avons déjà dû restreindre les amortissements pour le budget 2003, ce qui est malheureux à dire.
Le groupe UDC se réjouit de traiter ce projet en commission. Par contre, il sera attentif à son coût et à la capacité de l'Etat à le financer, car il est exclu de compter sur nous pour avoir recours à l'emprunt pour financer ce type d'infrastructure.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.