Séance du vendredi 28 février 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 5e session - 24e séance

PL 8757
Projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'étude de 5'488'000F pour la Route des Nations ainsi que pour l'adaptation de la Jonction de Ferney

Préconsultation

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). En relisant bien ce projet de loi, je me suis aperçue que ce tunnel d'évitement du Grand-Saconnex coûtera 100 millions : 5,5 millions d'études, 60 millions de réalisation et 18 millions pour les modifications des routes extérieures. 100 millions pour 1300 mètres de tunnel, qui ne soulagera pas en soi le Grand-Saconnex, ni Pregny-Chambésy. C'est marqué dans le projet de loi, à la page 7. Il n'y a pas de mesures d'accompagnement. Si l'on demande cela pour Ferney, le problème ne se retrouve toutefois pas seulement à cet endroit-là mais aussi à Vésenaz, à Veyrier, à Thônex, à Chancy, à Meyrin. Si l'on voulait soulager partout les communes qui voient passer plus de 20 000 pendulaires aux heures de pointe, ce serait à coups de 100 millions par kilomètre de tunnel. Cela se chiffrerait très vite en milliards! Il s'agit d'une politique qui n'est pas supportable à long terme pour le contribuable, que de tels projets soient d'ailleurs subventionnés au niveau cantonal ou au niveau communal. Si l'on regarde le présent ordre du jour, on s'aperçoit que le coût de tous les projets liés aux nuisances du trafic se monte à 220 millions : 40 millions pour Vésenaz, 85 millions pour le revêtement anti-bruit, auxquels s'ajoutent les 95 millions des Nations, on en arrive effectivement à 220 millions rien que pour essayer de déplacer les problèmes de circulation! Il est évident que les voitures ne cesseront pas de rouler si l'on consruit une route de plus... elles seront juste déplacées. Il faut donc arrêter d'aborder les problèmes de cette façon ! On peut bétonner tout le canton, mais le nombre de voitures qui circulent doit être considéré à un autre niveau. Il faut vraiment développer des études pour examiner les alternatives sur les causes et cesser de poursuivre une politique de construction de routes au coup par coup, qui ne fait que déplacer les problèmes.

M. Hugues Hiltpold (R). Permettez-moi en guise de préambule de rappeler que les radicaux ont une vision quelque peu différente du groupe des Verts, puisqu'ils sont pour une garantie de la fluidité du trafic sur les axes principaux, notamment sur les pénétrantes et les contournements, et sont favorables de fait aux traversées souterraines et évitements de localités. C'était d'ailleurs l'un des points de leur programme électoral.

L'investissement présenté est un crédit d'étude de près de 5,5 millions pour une réalisation estimée, elle, à 92 millions au total, dont à déduire la participation de la Confédération, de l'ordre de 25 millions.

S'agissant de la faisabilité, nous avons le regret de n'avoir à nous prononcer que sur la base d'estimations de coûts et de plannings relativement sommaires, qui plus est basés sur des projets encore au stade de l'étude de faisabilité. Nous avons également le regret de ne pas avoir de confirmation de la part de la Confédération sur la reconnaissance de cette route comme faisant partie des routes principales suisses, ce qui implique, vous l'avez bien compris, une incidence directe sur la subvention allouée.

En guise de conclusion, nous demandons au département de poursuivre rapidement les études définitives et de présenter un crédit de construction précis, sans approximation de coûts de l'ordre de 30%, telle qu'elle apparaît dans l'exposé des motifs, et avec un engagement formel de la part de la Confédération quant à la subvention allouée. Nous demandons également au département de bien vouloir distinguer la réalisation de la route de la réalisation du tram, de manière à ne commencer les travaux relatifs au tram que si - et seulement si - la route est terminée, cela, vous l'avez bien compris, pour éviter les problèmes de circulation qui sont actuellement constatés à la gare.

Compte tenu de ce qui précède, le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adresser ce projet de loi à la commission des travaux qui l'examinera avec sa bienveillance coutumière !

M. Christian Grobet (AdG). Vous ne serez pas étonnés que je vous dise que l'Alliance de gauche s'oppose à ce projet complètement fou et totalement mégalomane. Mme Leuenberger a bien fait de rappeler tout à l'heure que l'estimation du coût est de 90 millions. Il faut donc compter que l'ouvrage coûtera à peu près 50% de plus lorsqu'il sera réalisé. (L'orateur est interpellé.)Justement, c'est mon expérience qui me permet de le dire ! Les routes coûtent extrêmement cher, surtout les tunnels qui réservent beaucoup de surprises. Du reste, le Conseil d'Etat constitue déjà des réserves en fonction en études géotechniques.

J'aimerais, au passage, expliquer pourquoi il est totalement absurde d'engager un coût pareil pour une route avec une voie dans chaque sens. Du reste, il faudra revoir, Monsieur Moutinot, le concept du tunnel. Pour des raisons de sécurité évidentes, appliquées notamment aux tunnels du Mont-Blanc, du Gothard et ailleurs, les normes européennes stipulent qu'il devrait y avoir deux tunnels séparés dès qu'un tunnel dépasse 500 mètres. Evidemment, on peut toujours dire que l'on se «fout» des problèmes de sécurité... Vous rigolez, mais cela a été le cas pour d'autres projets. Il faudra donc bien tenir compte, en matière de tunnels routiers, des directives tout à fait pertinentes de l'Union européenne.

Cela étant, Mesdames et Messieurs, et je l'ai dit à la commission des transports, il n'y a aucun problème à réaliser deux lignes de tram sur la route de Ferney, avec une voie de circulation dans chaque sens. Je relève que l'ambition du Conseil d'Etat, c'est d'ailleurs le seul point positif dans ce projet, reste raisonnable, puisqu'il ne préconise pas de réaliser une route avec deux voies de circulation dans chaque sens, mais de réaliser une route avec une voie dans chaque sens. Toutefois, un tel projet paraît totalement déraisonnable à ce prix-là! Il est d'autant plus déraisonnable d'investir une somme pareille lorsqu'on sait que le seul moyen susceptible de résoudre le problème du transport est précisément de prolonger le tram de la place des Nations jusqu'au Grand-Saconnex. Vouloir donc réaliser à la fois une route à 150 millions et une voie de tram qui coûtera probablement 50 à 70 millions est totalement absurde. Nous n'avons pas les moyens financiers de mener une telle politique. Et si l'on réalise ce projet, cela signifie que l'on va enterrer - c'est le cas de le dire puisque l'on parle de tunnels ! - une série d'autres projets qui ne se réaliseront jamais en raison de l'argent qui sera investi dans cette affaire!

Je rappelle que, le long de la route de Ferney, des réservations routières existent depuis 50 ans. Par voie de conséquence, il n'y a, je le répète, aucun problème pour que cette route soit, en tant que de besoin, légèrement élargie. Du reste, la partie étroite située en dessous de l'Hôtel Intercontinental se trouve en bordure d'une zone de développement, où des constructions vont se réaliser. On peut donc aménager à la fois une voie de circulation dans chaque sens et, de part et d'autre, une voie de tram, ceci à un coût nettement plus raisonnable que ce qui nous est proposé.

Nous voterons donc contre ce crédit de construction et, surtout, nous nous opposerons fermement au crédit final !

Mme Loly Bolay (S). Le groupe socialiste l'a toujours dit, il l'a même écrit dans son programme, il est contre tous les évitements de localités. Seulement, s'il fallait en choisir une, ce serait le Grand-Saconnex. Pourquoi le Grand-Saconnex ? Parce que le Grand-Saconnex n'a pas seulement... ( Brouhaha.)

Le président. Vous laissez parler Mme Bolay !

Mme Loly Bolay. Parce que le projet relatif au Grand-Saconnex n'a pas seulement un impact local. Il concerne toute la rive droite, tout le canton, voire toute la région.

Il y a 21 ans, c'était 18 février 1982, ce même Grand Conseil avait accepté un crédit d'études de 200 000 F concernant l'évitement du Grand-Saconnex. Les conclusions du groupe... (L'oratrice est interpellée.)Laissez-moi parler, Monsieur Blanc ! Les conclusions du groupe de travail avaient été adoptées par le Conseil d'Etat de l'époque, auquel appartenait M. Christian Grobet.

Autre chose : dans le plan directeur des organisations internationales, le volet transports a pour objectif de proposer un concept d'accessibilité au secteur des organisations internationales. Lorsque M. Grobet explique qu'il est possible d'aménager deux voies de tram dans l'assiette de la route de Ferney, je lui dis que c'est infaisable !

Maintenant, j'aimerais quand même lui rappeler ceci. J'ai entre mes mains, Monsieur le député Christian Grobet, une lettre que vous avez adressée le 6 août 1985 au Conseil administratif du Grand-Saconnex. Dans cette lettre, vous dites la chose suivante : «Comme je vous l'ai déjà indiqué, l'exécution de cet ouvrage ne pourrait pas être entreprise avant la réalisation de la traversée de la rade. Je considère toutefois, à titre personnel, que la réalisation de cette route de contournement devrait avoir la priorité après la traversée de Versoix, sous réserve du problème de la traversée du lac. Dès lors, je fais inscrire cet ouvrage au programme d'intentions du Conseil d'Etat pour la période 1990-1995, ceci sous toute réserve. Cette inscription devrait toutefois vous donner satisfaction, puisqu'il s'agit du seul ouvrage routier inscrit au programme des intentions pour cette période.» Ainsi, M. Grobet précise bien, à titre personnel, que c'est la traversée du Grand-Saconnex qu'il préfère !

Voilà ce que je voulais dire ce soir, Mesdames et Messieurs les députés ! (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Le projet qui nous est présenté consiste en fait en un crédit d'études. Il ne s'agit donc pas de déterminer ce soir si l'on va construire ou non ce tunnel. Je pense que personne n'est suffisamment qualifié dans cette salle pour le faire, même s'il apparaît de prime abord, par rapport à ce qui a été dit par Mme Loly Bolay, que même nos collègues de la gauche, à une certaine période en tout cas, étaient favorables à la construction de cette traversée en tunnel de la commune du Grand-Saconnex. Il est manifestement clair aujourd'hui que le trafic est totalement saturé dans cette région, que le département de l'économie s'investit pour trouver des entreprises et donner des emplois aux citoyens de ce canton et que l'on développe le côté international de la Ville de Genève. D'un autre côté, il m'apparaîtrait totalement incohérent de ne pas assurer la fluidité du trafic dans une région fortement prisée par les organisations internationales. Je rappelle aussi, s'agissant de ce secteur, que les 50% environ du trafic concerné représentent un trafic de transit, notamment de fonctionnaires internationaux domiciliés en France voisine. La meilleure solution pour faciliter ce transit est évidemment de construire une traversé sous la commune du Grand-Saconnex.

Dès lors, en tout état de cause, sachant que ce projet de loi ne nous force en tout cas pas la main, puisqu'il s'agit, je le rappelle, d'un crédit d'études, l'UDC le soutiendra.

M. Alain Meylan (L). Le projet de loi qui nous est soumis ce soir concernant ce crédit d'étude, qui sous-tend donc la réalisation d'un projet routier, est emprunt d'un esprit général de cohérence. Cohérence tout d'abord par rapport au RD 429, qui analysait certaines traversées dans le canton et qui précisait, pour toutes ces traversées, que le préavis technique était positif, à savoir la possibilité réaliste d'entreprendre ces travaux. Cohérence encore vis-à-vis des ordonnances OPB et OPair, que l'on a abondamment citées dans le précédent débat, qui permettra effectivement, dans un souci de complémentarité, et là aussi il y a de la cohérence, de développer, grâce à ces traversées ou à ces contournements, les transports publics afin d'améliorer ceux-ci et d'améliorer leur efficacité. C'est bien là l'objectif qu'il faut relever de ces projets et de celui-ci en particulier. C'est effectivement la complémentarité.

Chaque fois que l'on en parle, beaucoup de personnes des bancs d'en face indiquent qu'elles y sont favorables. Mais chaque fois qu'il s'agit de montrer concrètement à la population que l'on est pour la complémentarité, il y a naturellement de l'abstention et un recul.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le parti libéral soutient ce projet de loi afin que l'on réalise cette traversée. Il soutiendra également les autres projets de développement complémentaire du transport privé et professionnel - j'entends assez rarement parler dans nos débats de ce type de transport absolument nécessaire à l'économie de notre canton - ainsi que le développement des transports publics. Nous soutiendrons donc ce projet et nous en débattrons en commission des transports.

M. Luc Barthassat (PDC). Brièvement, le parti démocrate-chrétien et Mme Loly Bolay du parti socialiste ne peuvent faire partie que de ceux qui cherchent des solutions aux adaptations routières et autoroutières dans ce canton. Il est vrai que cela a un coût. On peut discuter sur les montants, on peut discuter sur la nécessité, sur le oui, sur le pourquoi, sur le comment. Je vous rappelle que l'on discute surtout sur le renvoi de ce projet de loi en commission des travaux. Certains de mes collègues ont déjà dit beaucoup de choses, je ne vais donc pas allonger. Je suis tout à fait d'accord avec les propos de M. Hiltpold. Le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet et vous demande de le renvoyer en commission afin que nous puissions en discuter concrètement.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. En matière d'évitement de localités, certains d'entre vous en voudraient de très nombreux, un peu partout. D'autres parmi vous n'en veulent que peu, voire pas du tout. Dans cette situation, vous vous souviendrez que le Conseil d'Etat a fait mener des études et a déposé devant vous un rapport qui classe, en fonction de nombreux critères, notamment de leur importance pour résoudre les problèmes de circulation dans le canton, ceux de ces objets que nous devons construire et ceux dont l'urgence ou l'intérêt est moindre. En fonction de ce rapport, dont vous avez pris acte, le Conseil d'Etat a bien entendu suivi, dans l'ordre, la liste des projets qui doivent être réalisés. Dès lors que la route des Nations était un projet en tête de liste, nous déposons en toute logique devant vous ce projet de loi de crédit d'études, afin d'aller de l'avant. Si l'on remet en cause cette hiérarchie en voulant faire plus, on en arrive à l'impossibilité décrite par Mme Leuenberger, c'est-à-dire que l'on ne pourra pas tout financer. Si, à l'inverse, l'on n'en prend aucun, on ne pourra pas résoudre les problèmes de circulation, parce qu'il est illusoire de croire que l'on peut, à partir du moment où la population augmente, faire passer plus de gens sur les mêmes routes, quels que soient au demeurant les modes de transport envisagés.

L'évitement du Grand-Saconnex a été retenu parce qu'il a un impact régional favorable pour les habitants de cette région, de même qu'un impact favorable plus large sur la circulation à Genève, en ouvrant cette voie particulière, chargée aujourd'hui de nombreux frontaliers vaudois ou français dans la zone des organisations internationales, qui encombrent et polluent l'ensemble des voies de circulation sur la rive droite pour se rendre à leur travail.

Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de réserver bon accueil à ce projet lorsque vous aurez à l'examiner plus avant devant la commission des travaux.

Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.