Séance du vendredi 4 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 54e séance

M 1242
20. Proposition de motion de Mmes et M. Elisabeth Reusse-Decrey, Véronique Pürro et Albert Rodrik pour des journées sans voitures en Ville de Genève. ( )M1242

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- l'initiative populaire fédérale demandant quatre dimanches sans voitures et qui a été déposée il y a quelques mois, après avoir recueilli un nombre suffisant de signatures ;

- la motion votée par le Conseil municipal de la Ville de Genève au mois de septembre 1998 ;

- l'importance de pouvoir de temps en temps se réapproprier l'espace public, comme lieu de convivialité ;

- la nécessité de démontrer que la voiture n'est pas toujours un outil indispensable ;

invite le Conseil d'Etat

à organiser en collaboration avec les autorités compétentes des journées sans voitures en Ville de Genève.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Cette motion a un double objectif :

1. offrir de temps en temps, l'espace de quelques heures, la rue à ses habitants. Qu'ils puissent réapprendre à y vivre, à y jouer, à y rencontrer d'autres personnes, d'autres générations ;

2. sensibiliser la population à la pollution de notre ville et en particulier les automobilistes aux possibilités de laisser leur voiture au garage et de découvrir d'autres moyens de transports ainsi que d'autres activités moins gourmandes en déplacements.

La rue, lieu de convivialité retrouvée

Qui ne se souvient pas avec un brin de nostalgie des célèbres " dimanches sans voitures " de la fin de l'année 1973.

Les citoyennes et citoyens se sont alors réappropriés les rues. En quelques heures, elles sont devenues lieux de promenades, de rencontres, places de jeux, espaces de convivialité. Les dangers et la pollution éloignés, les rues retrouvaient, le temps d'une journée, l'ambiance d'autrefois.

Pourquoi dès lors avoir besoin d'une crise pétrolière pour réitérer ce genre d'expériences si positives ?

Sensibiliser à la pollution urbaine et tenter de la faire diminuer

Le mardi 22 septembre 1998, la France étrennait un projet novateur : une journée sans voitures. 35 villes, dont Paris, ont relevé le défi et organisé une telle journée, chacune l'aménageant bien sûr selon ses propres critères de faisabilité.

But de l'action : sensibiliser la population aux problèmes de pollution (le taux de pollution urbaine ayant augmenté de 90 % ces quinze dernières années en France) et les inviter à utiliser d'autres moyens de transports, tels que le vélo, les transports publics, le métro, ou tout simplement la marche.

Les automobilistes ont bien joué le jeu, les commerçants aussi, et l'expérience fut concluante. Elle sera reconduite l'année prochaine et cette fois sera généralisée. Quant à l'an 2000, il devrait voir se réaliser une journée européenne sans voitures.

Les auteurs de cette motion vous demandent donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir faire entrer Genève dans cette dynamique et de voter cette motion demandant à nos autorités d'organiser quelques jours sans voitures par année en Ville de Genève.

D'ores et déjà, le Conseil municipal a voté il y a quelques semaines une motion similaire. Au surplus l'initiative fédérale des " dimanches sans voitures " a rencontré un vif succès et a abouti. Ce projet ne ferait en quelque sorte qu'anticiper l'expérience, dans un domaine qui reste totalement de notre compétence.

Débat

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). La voiture est hélas probablement un mal nécessaire et peu d'entre nous peuvent envisager une vie totalement sans voitures. Pourtant l'évolution de la circulation, l'augmentation de la pollution, les dangers liés à la présence de véhicules doivent nous faire réfléchir. Nous ne pouvons continuer à nous laisser entraîner dans cette spirale qui pourrait, tôt ou tard, nous mener à la catastrophe ; c'est la raison de cette motion.

Prenons quelques fois par an le temps de la réflexion. Réapprenons à vivre dans la rue, elle peut aussi être à nous. Apprenons à nos enfants qu'elle peut être, l'espace de quelques jours, un lieu de vie et de jeux et non pas un lieu de dangers. Faisons aussi l'expérience de déplacements différents, à vélo, à pied ou encore en transports publics. Enfin, prenons conscience de la pollution parfois extrême qui envahit trop souvent notre ville. Cette motion, Mesdames et Messieurs les députés, veut nous permettre de tenter tout cela. Avec un brin d'utopie peut-être, mais aussi du réalisme. Nous devons apprendre à modifier certains de nos comportements.

Cette motion n'est pas si utopique que cela puisque la France vient de faire, il y a deux mois et demi, une expérience identique qu'elle est prête à recommencer l'an prochain. Parallèlement, plus de 110 000 citoyennes et citoyens suisses souhaitent quatre dimanches par an sans voitures et ont signé une initiative dans ce sens.

Enfin, cette motion qui réunit à la fois des objectifs pédagogiques, de protection de l'environnement, de changement de comportement, rejoint la demande faite par la Ville de Genève il y a quelques semaines. C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat

Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Cette motion est la suite logique de l'initiative populaire fédérale, de la motion votée par le Conseil municipal de la Ville de Genève et de l'expérience conduite dans trente-cinq villes françaises. En effet, la voiture n'est pas toujours un outil indispensable comme le mentionne, entre autres, un des considérants de cette motion, mais elle l'est forcément pour certaines catégories professionnelles, telles que transporteurs, coursiers, commerçants, etc. Nous pensons donc que, pour une première, ces journées sans voitures devraient avoir lieu un dimanche, comme le propose d'ailleurs l'initiative fédérale, afin de ne pas perturber la vie économique de la cité et de permettre à un très grand nombre de personnes de pleinement en profiter. Nous proposons donc un amendement qui remplace dans le titre et dans l'invite le mot «journées» par «dimanches».

Réapprendre à vivre dans la rue, faire des rencontres, retrouver un espace de convivialité est en soi un but tout à fait louable que nous partageons, mais nous pensons aussi que, pour trouver une animation qui incite les gens à profiter de ces rues sans voitures, les magasins et les marchés qui le souhaitent pourraient être ouverts. Nous sommes tous conscients de l'impact que la France voisine génère sur les consommateurs genevois ; ce n'est pas simplement qu'une question de prix ; faire ses courses un dimanche matin en France est devenu un loisir partagé en famille car tout est ouvert, de l'échoppe du petit artisan aux grandes surfaces et aux marchés. Alors pourquoi ne pas essayer à Genève ?

Arriver à coordonner des dimanches sans voitures avec l'ouverture des commerces qui le souhaitent ainsi que des marchés apporterait une animation certaine souhaitée par bon nombre de Genevois. C'est pourquoi nous vous proposons une deuxième invite qui a la teneur suivante : «à prévoir que pendant ces dimanches, les magasins et les marchés seront autorisés à ouvrir.» Il va de soi que ce deuxième amendement n'est valable que si le premier est accepté.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). J'aurais l'impression d'être redondante en plaidant une fois de plus les bienfaits d'une utilisation maîtrisée et raisonnable de la voiture. En effet les Verts - vous vous en souvenez peut-être, pour ceux qui sont là depuis longtemps - avaient déjà déposé une motion équivalente en 1992. Pour ma part, je m'abstiendrai de parler de journées sans voitures ; je préférerais parler de journées pour les piétons ou de journées pour les cyclistes. Comme il est certain, d'autre part, que la pollution et le bruit ne connaissent pas de frontières et que tous les citoyens du canton souffrent de ces nuisances, les Verts proposent un amendement pour étendre les effets bienfaisants de cette motion à tout le canton. Il serait injuste, en effet, que les autres citoyens du canton ne profitent pas de ces journées sans voitures. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement en ce sens auprès du président. Quant au choix du jour, le dimanche ou en semaine, il est bon de laisser la liberté au Conseil d'Etat de déterminer quelles seront ces journées... (Commentaires et brouhaha.) Il choisirait peut-être le dimanche...

A nos yeux, le but de ces journées sans voitures n'est pas forcément de se précipiter dans les commerces de la ville. Nous pensons que le personnel de ces commerces a droit aussi à des dimanches sans voitures afin qu'il puisse en profiter sans travailler. Peut-être serait-il bon aussi de préciser - pour certaines personnes qui ont eu de mauvaises expériences la dernière fois que nous avons organisé des dimanches sans voitures - que ces journées devraient avoir lieu en été afin d'éviter que ce même type de problème se reproduise.

M. Rémy Pagani (AdG). A l'évidence, nous soutiendrons ce projet de motion parce qu'il nous semble hautement pédagogique à divers titres. D'une part, plus de 49 000 personnes n'ont pas vécu de dimanche sans voitures puisque cette expérience date de vingt-cinq ans. D'autre part, nous nous opposerons à l'amendement qui propose le dimanche : nous estimons au contraire qu'une journée quotidienne sans voitures... (Rires.)... ou plutôt une journée dans la semaine sans voitures, avec accès gratuit aux transports en commun permettrait à ceux qui se cantonnent dans leur voiture bien au chaud en cet hiver de se rendre compte aussi que la vie est plus facile dans les transports en commun : on peut lire le journal, on peut avoir une activité conviviale dans les transports en commun... (Brouhaha.) Nous estimons que l'amendement restrictif du parti libéral est inopportun. Il est évident que le Conseil d'Etat doit envisager cette expérience dans toute la palette des possibilités, y compris la semaine. Il ne doit pas se contenter de faire de ces journées simplement des journées de loisirs ; il faut aussi faire l'expérience de la vie quotidienne, un jour de semaine, sans voiture.

M. Jean-Marc Odier (R). Cette motion ne nous laisse pas indifférents, notamment dans les intentions de deux de ses considérants : se réapproprier l'espace public comme lieu de convivialité, se rendre compte que la voiture n'est pas toujours un outil indispensable. Nous y sommes sensibles ; vous imaginez bien que ce ne sont pas les radicaux qui vous reprocheront de rechercher la convivialité. Vous recherchez la convivialité ? Vous avez bien raison et comptez sur nous, notre groupe vous aidera.

Si les radicaux sont bien de fervents adeptes de cette convivialité, ils n'en sont pas moins travailleurs et lorsqu'il est dit que la voiture n'est pas toujours un outil indispensable, nous rectifions : la voiture n'est pas toujours un outil, mais lorsqu'elle est un outil, elle est toujours indispensable.

Nous ne nous opposerons pas au but de cette motion visant à sensibiliser la population. Cependant, nous pensons qu'il est indispensable de fixer un cadre plus précis à cette sensibilisation. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous propose le renvoi de cette motion à la commission des transports afin de l'étudier plus en détail.

M. Albert Rodrik (S). Mesdames et Messieurs, permettez-moi d'abord de me réjouir ; il y a quelques années, nous n'aurions pas eu cet accueil - je dirais au moins superficiellement favorable - que nous avons reçu sur les bancs de l'Entente. C'est indiscutablement un progrès, même si cela ne nous paraît pas très profondément senti. On prend ce qu'on trouve par les temps qui courent...

D'abord nous dirons que l'amendement de nos amis les Verts, nous l'accepterons. Nous avons été probablement plus timorés qu'eux et il nous semblait que la charge polluante était avant tout une question d'agglomération urbaine, mais nous accepterons cet amendement.

Chère Madame Mottet-Durand, nous n'avons pas voulu spécifier de jour pour que le Conseil d'Etat puisse organiser l'affaire librement et parce que la motion adoptée par la Ville de Genève spécifiait : surtout pas le dimanche. Le gouvernement conciliera ces propositions et présentera un plan. Quant à l'ouverture des magasins, vous permettez. Il y a eu une grande bagarre, un vote populaire, des affrontements ; ne mélangeons pas les torchons et les serviettes. C'est comme les gens qui - pour régler les affaires concernant le droit d'éligibilité de certains fonctionnaires - voulaient que l'on refasse le statut de la fonction publique. Il ne faudrait surtout pas amplifier les choses de cette manière.

Quant à M. Odier qui veut envoyer cette proposition de motion à la commission des transports, soyons raisonnables ! Nous voulons faire un acte simple, un acte pédagogique comme a dit M. Pagani, aussi laissons le gouvernement...

Une voix. Pédagogique vis-à-vis de qui ?

M. Albert Rodrik. Vis-à-vis de ceux qui ont le culte de la bagnole, n'est-ce pas, Monsieur Vaucher ?

Je vous prie de bien vouloir envoyer cette motion au Conseil d'Etat dans toute la modestie de son ambition.

Le président. Je prie les personnes qui ont des téléphones mobiles de les utiliser à l'extérieur de la salle. Monsieur Barthassat, vous avez la parole.

M. Luc Barthassat (PDC). Le parti démocrate-chrétien pense que cette motion part d'une bonne idée. Nous parlons de journées sans voitures, ce serait plutôt de dimanches sans voitures dont il devrait être question. Comme l'a dit M. Odier, la voiture est un outil de travail indispensable pour certains commerçants et certains restaurateurs. Plutôt qu'étendre cette disposition à tout le canton, peut-être serait-il préférable de se limiter à la ville, voire à certains quartiers. N'oubliez pas les gens de passage qui viennent de France et du canton de Vaud. Nous pensons que ces dimanches pourraient coïncider, par exemple, avec les Journées du patrimoine qui offrent un bel éventail de sites à visiter.

Comme M. Odier, nous soutenons le renvoi de cette motion à la commission des transports afin de pouvoir en discuter plus en détail.

Le président. Nous sommes en présence de deux amendements et d'une demande de renvoi en commission. Je vous invite à vous prononcer sur la demande de renvoi en commission.

La proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cette proposition est rejetée par 43 non contre 40 oui.

Le président. Nous passons au vote de l'amendement proposé par Mme Dallèves-Romaneschi qui consiste à modifier l'invite de la motion ainsi :

«à organiser en collaboration avec les autorités compétentes des journées sans voitures dans tout le canton de Genève.»

L'amendement de Mme Dallèves-Romaneschi est mis aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cet amendement est adopté par 43 oui contre 41 non.

M. René Koechlin (L). Je demande non seulement aux motionnaires mais aux auteurs de cet amendement de bien vouloir me dire ce qu'il adviendra ce jour-là du trafic de transit sur l'autoroute.

Des voix. Ils ne savent pas... Ils s'en fichent !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons rouvrir le débat et donner la parole à ceux qui veulent répondre à cette question. Madame Reusse-Decrey, vous avez la parole.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Mesdames et Messieurs les députés et Monsieur Koechlin en particulier, il est évident pour les motionnaires que tout ce qui concerne les transports urgents doit pouvoir circuler. De même les transports publics doivent pouvoir circuler et il est évident que les axes qui sont fédéraux seront ouverts à la circulation. (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, tout semble clair. Nous pouvons voter l'amendement de Mme Mottet-Durand qui consiste

à remplacer dans le titre et l'invite : «journées» par dimanches,

et à ajouter une seconde invite ainsi libellée :

«- à prévoir que, pendant ces dimanches, les magasins et les marchés seront autorisés à ouvrir.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mme Anne Briol (Ve). Monsieur le président, je ne suis pas au Bureau mais j'ai eu le loisir de voir qu'il y avait exactement les mêmes personnes dans la salle que pour le vote de l'amendement de Mme Dallèves-Romaneschi.

Le président. Vous avez raison, Madame Briol, ce sont exactement les mêmes personnes, mais quatre personnes n'ont pas voté. Le résultat du premier vote était de 43 contre 41, par conséquent la majorité s'est renversée. Les personnes qui veulent voter doivent le faire, sans quoi la majorité change. Chacun est responsable de son vote.

Nous votons l'ensemble de la proposition de motion.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

Le président. J'entends que certains contestent le résultat du vote qui vient d'avoir lieu. Au moment d'accepter la motion, trois personnes ont levé la main, beaucoup plus étaient contre. Cette motion a été refusée ; le vote était clair. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, chacun au moment du vote a la responsabilité de lever la main. En l'occurrence, il y avait beaucoup plus de voix contre que de voix pour. Le vote était clair et net : peut-être une trentaine de voix contre quatre ou cinq. Je ne peux pas faire autrement qu'accepter le vote du Grand Conseil. Ce point est terminé... (Commentaires.) Vous pouvez redéposer la motion et on l'inscrira à l'ordre du jour d'une prochaine séance. On peut recommencer, mais il aurait mieux valu se prononcer au moment du vote. Monsieur Ferrazino, je vois que vous demandez la parole mais je ne reviendrai pas sur cette décision. Vous redéposerez la motion, nous recommencerons le débat lors d'une prochaine séance et vous ferez le travail sérieusement... (Chahut.)

Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas faire autrement que prendre acte des votes que vous faites dans la salle. Si vous ne votez pas au bon moment, il ne faut vous en prendre qu'à vous-mêmes ; les résultats sont là. Si vous voulez déposer cette motion une nouvelle fois, c'est votre droit. Elle sera inscrite à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

Nous poursuivons nos travaux.