Séance du jeudi 3 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 52e séance

PL 7852-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 9 500 000 F pour la réalisation de la première étape des travaux de renaturation de la Seymaz et de ses affluents. ( -) PL7852
Mémorial 1998 : Projet, 2962. Renvoi en commission, 3000.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des travaux

La Commission des travaux a étudié le projet de loi 7852 au cours de ses séances des 16 et 30 juin, 1er et 8 septembre 1998 sous la présidence de M. Dominique Hausser. Elle a été assistée dans ses travaux par MM. Robert Cramer, conseiller d'Etat, chef du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, F. Heer, chef du service du lac et cours d'eau et J.-P. Viani, directeur-adjoint du service de l'agriculture.

Il est rappelé que la Seymaz, seul cours d'eau situé entièrement sur le territoire genevois, souffre depuis plusieurs décennies, de problèmes de qualité des eaux. De plus la Seymaz pose des problèmes d'insuffisance hydraulique qui se manifestent par des débordements, inondations et érosions périodiques, toujours plus marqués et fréquents, tant dans la partie rurale amont que dans celle, urbanisée, aval de la rivière.

Finalement le délabrement du canal de la Seymaz, en amont du pont Bochet est tel que son entretien ne peut plus être assuré de façon satisfaisante. Des travaux sont donc indispensables et doivent être exécutés de manière urgente.

Plutôt que de réhabiliter le canal en lui laissant son aspect paysage monotone, il est prévu de redonner à la Seymaz un aspect naturel, conformément à la volonté du Grand Conseil, qui en modifiant la loi sur les eaux le 25 avril 1997, a prévu un minimum de 10 millions de francs par année pour la renaturation des cours d'eau. Cette démarche se réfère notamment à l'art. 4, al. 2 de la loi fédérale sur l'aménagement des cours d'eau.

Les objectifs du présent projet de loi sont donc :

1. la renaturation de la Seymaz dans la zone de Rouelbeau, sur des terrains déjà propriété de l'Etat ;

2. l'acquisition de terrains permettant de dégager l'emprise nécessaire à la renaturation de la Seymaz et de ses affluents et à la réalisation d'une zone humide dans les anciens marais de Sionnet ;

3. la réalisation des études globales nécessaires à la renaturation de l'ensemble du tronçon canalisé de la Seymaz et de ses affluents.

Le présent projet de loi constitue une première étape de l'ensemble de l'opération qui est devisée à environ 50 millions de francs.

M. M. F. Heer explique à la commission que jusque dans les années 20, cette région était une vaste zone de marais. A la suite des drainages intervenus à cette époque, on a assisté à un lent processus de tassement des terrains. Des inondations périodiques se produisent lors de crues importantes et les drainages sont de moins en moins efficaces.

La commission voulant se faire une idée plus précise de la situation a décidé de se rendre sur place, ce qui a été fait le 30 juin. A la suite de leur visite, les députés ont été aimablement invités à partager une grillade par les représentants des agriculteurs concernés. Ceux-ci ont saisi l'occasion d'exprimer leurs sentiments face à ce projet.

En résumé, ils craignent que l'aspect renaturation de la rivière soit le seul but du projet, qu'il retire à l'agriculture un certain nombre d'hectares de terres cultivables sans apporter de solution satisfaisante au problème hydrologique de l'ensemble du bassin et qu'en définition, ils se retrouvent être les dindons de la farce.

M. M. R. Cramer qui participait à la visite a paru comprendre les préoccupations des agriculteurs et a convenu avec eux de les rencontrer durant l'été pour une concertation plus approfondie.

Audition de la commune de Meinier et du syndicat d'améliorations foncières de la Touvière

Le 1er septembre, la commission a reçu tout d'abord M. André Chanson, maire de Meinier, accompagné de ses adjoints Mme Marie-Rose Charvoz et M. Marc Michela.

Les représentants de la commune de Meinier admettent l'utilité de ce projet de loi. Ils font part de quelques inquiétudes de la population quant à la création de zones humides, la mémoire collective se souvenant encore des nuisances engendrées par les anciens marais. La commune a peu d'informations sur les améliorations foncières envisagées. M. Chanson signale aussi l'important problème des voiries des parcelles concernées, ainsi que la présence de pistes pour cavaliers. D'autre part, il indique que la commune a l'intention d'acquérir le site sportif de Rouelbeau et ne voudrait pas que l'accès à ce site soit rendu difficile voire impossible.

La commission a ensuite reçu Mme de Rahm, présidente du syndicat d'améliorations foncières de la Touvière. Cette dernière explique que le syndicat a été créé dans le cadre des mesures de compensation Reuters pour appliquer la partie "; améliorations foncières ". Il a été amené à négocier avec le service lac et cours d'eau ainsi qu'avec les organismes représentant la protection de la nature. Il a actuellement un projet de drainage en 2 étapes qui pourra être influencé par le vote du projet de loi et des négociations seront nécessaires.

Audition de la Chambre genevoise d'agriculture

Le 8 septembre, la commission reçoit M. Neil Ankers, directeur de la Chambre genevoise d'agriculture accompagné de MM. Alexis Corthay et Jean Rivollet, ces deux personnes représentant les agriculteurs concernés. Ils représentent plus précisément le point de vue de 76 % des agriculteurs concernés.

M. Ankers explique que les agriculteurs ont été choqués par la présentation de ce projet de loi qui leur est apparu en quelque sorte comme la demande d'un chèque en blanc portant à terme sur plus de 50 millions sans délimitation précise du projet, qui va concerner d'importantes surfaces agricoles, sans garantie de véritables améliorations, notamment sur le plan de la gestion hydrologique.

Aujourd'hui, il remercie M. R. Cramer d'avoir recherché des solutions avec la collaboration des agriculteurs. Un accord a pu être trouvé qui se concrétise par 3 amendements que M. Cramer soumettra à la commission.

Le premier amendement est une adjonction à l'art. 1, al. 1 qui précise que dans le même temps où ce crédit sera engagé, il sera procédé à une étude permettant de définir des mesures de gestion des eaux pour l'ensemble du bassin. Jusqu'au dépôt d'un nouveau projet de loi relatif à la renaturation de la Seymaz, les terrains acquis conformément au présent article continueront à être exploités par les agriculteurs aux conditions actuelles.

Les deux autres amendements consistant à ajouter un art. 8 en 2 alinéas, soit :

1 Il est précisé que tout nouveau projet de loi relatif à la renaturation de la Seymaz sera conçu de façon à intégrer les mesures nécessaires de gestion des eaux, lesquelles devront permettre un assainissement satisfaisant de la partie agricole du bassin versant.

2 En cas de projet de remaniement parcellaire lié à la renaturation de la Seymaz, les projets de loi mentionnés à l'alinéa 1 comporteront une participation aux travaux d'améliorations foncières, pour un montant maximum de 3 000 000F.

M. Ankers ajoute que les agriculteurs ont aussi souhaité obtenir des garanties par rapport aux principes de collaboration avec le département. Une charte est en préparation et sera acceptée par les deux parties.

A partir de là, M. Ankers et les agriculteurs concernés représentés par MM. Corthay et Rivollet se déclarent d'accord avec le présent projet de loi.

Discussion et vote de la commission

Le WWF et Pro Natura ayant renoncé à être entendus, la commission peut donc passer à la discussion finale.

M. Cramer déclare que pour lui, ce projet de renaturation ne pouvait se faire que s'il amenait un plus pour la nature et un autre plus pour l'agriculture.

Les amendements proposés et acceptés par les agriculteurs donnent la garantie que les projets renaturation et hydrologie sont intimement liés. Pour que tout cela fonctionne, il faudra une concertation étroite entre tous les partenaires. Le fait de prendre en compte la question hydrologique et le remaniement parcellaire de façon aussi approfondie va demander plus de temps que prévu. Ce n'est qu'après avoir récolté tous les détails que l'étude d'impact pourra débuter.

Ce qui est demandé avec ce projet de loi, c'est la possibilité d'étudier, de mettre les gens les uns avec les autres et créer ainsi la base des prochains projets.

Il ajoute que ce projet de loi a plusieurs aspects :

a) crédit de construction pour la partie de Rouelbeau ;

b) disposer des capitaux nécessaires pour les études sur lesquelles se fonderont les prochains projets de lois ;

c) gérer l'aspect foncier avec l'acquisition des terrains.

Vote d'entrée en matière: unanimité.

Premier amendement : Il est accepté à l'unanimité tel que décrit plus haut en ajoutant à la phrase "; Dans le même temps que ce crédit sera engagé, il sera procédé à une étude permettant de définir des mesures de gestion des eaux pour l'ensemble du bassin, et à l'étude d'impact. "

Les deux autres amendements consistant à ajouter un art. 8 en 2 alinéas sont acceptés à l'unanimité tels que décrits plus haut.

Vote final

La commission accepte le projet de loi tel qu'amendé par 11 voix et 1 abstention (R). L'abstention est motivée par le souci de l'impact de ces nouveaux investissements sur les finances de l'Etat.

La Commission des travaux vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de la suivre dans ses conclusions et de voter le projet de loi 7852 tel qu'amendé par ses soins.

PROJET DE LOI(7852)

ouvrant un crédit d'investissement de 9 500 000 F pour la réalisationde la première étape des travaux de renaturation de la Seymaz et de ses affluents

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit d'investissement

Art. 2 Subvention fédérale

Art. 3 Budget d'investissement

Art. 4 Financement et couverture des charges financières

Art. 5 Amortissement

Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève

Art. 7 Utilité publique

Art. 8

Premier débat

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. A la page 2 de mon rapport, vous pouvez lire que M. Cramer s'est engagé à collaborer avec les agriculteurs et les milieux représentant la protection de la nature pour que ce projet se réalise d'une manière optimale avec l'accord de tous. Or, dans l'intervalle, M. Cramer a signé avec la Chambre genevoise d'agriculture, la Coordination rivières, Pro Natura, Seymaz Rivière et le WWF, une charte qui précise les modalités de cette collaboration et dont il m'a fait parvenir une copie. Je m'en réjouis et je pense que c'est un bon exemple de collaboration intelligente.

M. Hubert Dethurens (PDC). Il y a quelque temps encore, je pensais que ce projet était tout simplement un délire vert et cela en était un ! En effet, dépenser 50 millions de francs et retirer près de 50 hectares à l'agriculture pour implanter des roseaux et permettre la multiplication des moustiques ou autres insectes aquatiques relevait tout simplement d'une douce utopie, d'où l'accueil très réservé du monde agricole.

Ensuite, il y a eu des discussions, négociations, échanges entre les agriculteurs et M. Cramer. Les premiers ont compris qu'à ce stade il n'était pas possible, pour l'instant, de connaître les tenants et les aboutissants de ce projet au mètre carré près et que seul un sain rapport de confiance permettrait de faire la planification par la suite, une fois les budgets approuvés. Le deuxième, M. Cramer, a réussi à transformer le projet de départ, uniquement paysager, en un projet équilibré prenant également en compte la résolution des problèmes hydrologiques et fonciers de la région.

Une saine collaboration a pu s'installer et la prochaine étape sera la réalisation commune d'une étude d'impact. Ce sera en fonction de ses conclusions que les agriculteurs se prononceront définitivement sur les différentes réalisations prévues. Faire accepter à des entrepreneurs la perte de 50 hectares de leur outil de travail n'était pas une mince affaire. M. Cramer a réussi à en faire un projet d'intérêt général et les agriculteurs sont aujourd'hui prêts à jouer le jeu moyennant la résolution des problèmes hydrologiques et fonciers qui les touchent.

Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que la réalisation de ce projet, à condition que chacun respecte ses engagements, représenterait un véritable tour de force dans notre système démocratique, le parti démocrate-chrétien votera ce projet de loi. Je souligne cependant que ce oui du monde agricole est intimement lié à l'étude d'impact globale qui doit impérativement précéder le début des travaux, à l'exception de ceux du marais de Rouelbeau si, après les premières études, cela ne s'avérait pas nécessaire.

Reste la dimension plus philosophique où chacun de nous est libre de s'interroger sur la priorité de ce projet compte tenu de la situation financière de notre République.

M. Alberto Velasco (S). Nous ne pouvons qu'approuver un projet qui s'inscrit dans le cadre de la renaturation des rivières, et surtout quand des études récentes ont démontré qu'elle participait de manière biologique et écologique à la dépollution des rivières.

Lors de notre visite sur ce site, il est en effet apparu qu'en été, le débit d'eau étant moindre, l'eau devenait polluée par stagnation. Par ailleurs, ce type de travaux qui permet d'engager des petites et moyennes entreprises est un soutien à notre économie et à l'emploi puisque, comme chacun le sait, ces PME sont aujourd'hui les plus dynamiques à l'heure de créer des emplois.

Compte tenu de ces remarques, le groupe socialiste votera donc ce rapport.

M. Thomas Büchi (R). Ce projet est novateur. Il a déjà été initié lors de la dernière législature par M. Claude Haegi et a été repris avec beaucoup de talent et de brio par M. Cramer qui l'a finalisé. C'est une nouvelle approche utile et sensible pour redonner vie à nos cours d'eau. C'est aussi réparer, tant que faire se peut, toutes les erreurs accumulées depuis les années 20, où on a voulu canaliser à tout prix à grand renfort de mètres cubes de béton tous nos cours d'eau. On les a empêché de se régénérer... (Protestations.) ...On se calme ! On se calme les maçons ! Or, ce faisant, nous avons accru la pollution et transformé toutes nos rivières en véritable cloaque.

Ce projet peut paraître cher mais il est tout de même réparti sur plusieurs années, à raison d'un maximum de 10 millions de francs par an, comme l'a voté notre Grand Conseil en 1997 en modifiant la loi sur les eaux. 10 millions, cela crée aussi des emplois ayant une certaine valeur ajoutée : paysagistes, horticulteurs, jardiniers, et même le génie civil y trouvera son compte puisqu'il pourra faire des travaux de terrassement.

Autre signe positif qui plaide en faveur de ce projet : il y avait de nombreuses réticences dans le monde des agriculteurs et je crois que M. Cramer, grâce à une large concertation, a réussi à convaincre une majorité de personnes de se rallier autour de ce projet. Ce projet est donc vraiment un plus et pour l'agriculture et pour la nature, et je m'en réjouis.

Mesdames et Messieurs les députés, l'eau c'est la vie et sans elle nous ne sommes rien ! C'est donc notre devoir de la léguer la plus pure possible à nos descendants et, pour ceux qui seraient encore réticents, je rappellerai la prophétie d'un Indien Kri : ";Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l'argent ne se mange pas." !

Il faut donc voter ce projet de loi; je vous y encourage !

M. Bernard Annen (L). Après cette définition apocalyptique présentée par notre collègue Büchi, j'ai envie de penser et de dire : heureux peuple que nous sommes pour dépenser 50 millions à la renaturation de cette rivière qui, semble-t-il, est totalement inconnue à M. Büchi, ce qui est assez normal puisqu'il habite de l'autre côté du canton. Laissez donc M. Büchi parler et laissez témoigner un homme qui non seulement vit à proximité mais y a passé toute sa jeunesse !

Je peux vous dire aujourd'hui, Monsieur Büchi, que la Seymaz n'a pas vraiment changé en trente ans.

Une voix. C'est toujours le même cloaque!

M. Bernard Annen. Je puis vous dire que nous pouvons effectivement nous étonner d'un certain nombre de problèmes que M. Blanc - et je l'en remercie puisqu'il était pour ce projet - a énuméré dans son rapport. Très objectivement, il nous a exposé les avantages et les inconvénients. S'il y a des inconvénients à refuser ce projet de loi au nom de l'emploi ou au nom des PME comme j'ai cru l'entendre, je crois franchement que c'est un mauvais procès qu'on nous fait. En effet, un investissement de 10 millions, s'il n'est pas fait ici, peut être fait ailleurs et vous aurez le même coup de pouce à l'investissement et aux PME, c'est dire que vous ne pouvez pas vous fonder uniquement sur cet argument pour défendre ce projet de loi.

Je pense, quant à moi, que nos prédécesseurs, il y a une trentaine d'années, avaient décidé de faire drainer cette rivière pour un certain nombre de raisons; M. Blanc en rappelle d'ailleurs quelques-unes et je n'y reviendrai donc pas !

Aujourd'hui, on veut faire tout à fait le contraire : on va inonder les terrains et sortir quelque 75 hectares, autrement dit quatre domaines agricoles, qui vont être dilapidés sans avoir, selon moi, d'autres raisons que de faire plaisir à M. Cramer, qui s'est engagé dans un certain nombre de domaines et sur un certain nombre de programmes qu'il est bien obligé de respecter aujourd'hui. Il me semble qu'il veut marquer son empreinte par ce genre de projets qui, de mon point de vue, s'ils sont peut-être utiles, n'ont en tout cas aucun caractère de priorité. C'est la raison pour laquelle le groupe libéral refusera ce projet de loi.

M. Chaïm Nissim (Ve). Après toutes les interventions louangeuses et la dernière intervention catastrophique de M. Annen, j'indiquerai brièvement le point de vue des Verts sur ce projet.

En commission, j'ai retenu une intervention de M. Heer, qui est le fonctionnaire responsable de ces problèmes au département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement. Il disait que les rivières servaient à trois choses :

- une fonction hydrologique, soit amener l'eau de la source à l'embouchure;

- une fonction biologique, soit préserver la biodiversité, augmenter la teneur en oxygène dissous, purifier la rivière au niveau des micro-organismes;

- une fonction paysagère, soit un endroit récréatif où les gens peuvent venir se promener et être heureux.

Ces trois fonctions ne sont malheureusement plus remplies par ce canal mort, une sorte de cadavre ambulant, d'où la nécessité de recommencer tout à zéro d'une façon naturelle. Les Verts soutiendront évidemment ce projet.

M. Pierre Meyll (AdG). Il est entendu que réactiver la Seymaz et les marais de Sionnet est une bonne chose mais il y a tout de même la manière de le faire ! Compte tenu du temps que nous avons mis pour faire cette étude, il me semble que nous pouvons bien attendre encore un peu, en considérant qu'une étude d'impact doit être faite avant le début des travaux.

En l'occurrence, on nous promet une première étape de 10 millions de francs - ce qui n'est pas rien - et ensuite on devrait pouvoir procéder à une étude d'impact. Mais si cette étude d'impact s'avère défavorable, ce que je ne souhaite pas, ces 10 millions n'auront servi à rien, si ce n'est à déboucher environ 500 mètres ! En l'occurrence on va commencer les travaux sans connaître l'impact du centre sportif de la commune de Meinier, situé juste au-dessus de la parcelle de Rouelbeau, et de son parking qui va accueillir 120 voitures, ni celui de tout le bassin versant de la zone artisanale de Compois; tout cela me paraît un peu léger !

C'est pourquoi il me semble préférable de préciser dans la loi, d'où mon amendement, que ces travaux ne seront pas entrepris avant que l'étude d'impact établisse que l'ensemble correspond réellement au but visé. Dans cette idée, je vous propose un amendement, qui va être déposé sur le bureau, visant à modifier ainsi la fin de l'article 1, alinéa 1 :

";...zone humide. L'engagement de ce crédit est subordonné à une étude préalable permettant de définir... et à l'étude d'impact. Un rapport sur ces études sera présenté au Grand Conseil."

C'est alors seulement que nous pourrons justifier l'ensemble des mesures promises aux paysans. De ce fait, chacun des intervenants sera d'accord avec cette loi et on pourra aller de l'avant.

Cet amendement me paraît nécessaire, car trop souvent les études d'impact - c'est d'ailleurs le même cas pour la Praille - ont lieu après des travaux préalables. Or, ceci n'est pas conforme à une gestion correcte d'un dossier qui va porter, il faut le rappeler, sur 100 millions. Il s'agit quand même d'un montant assez énorme.

Je répète que mon groupe et moi-même sommes tout à fait d'accord pour la renaturation de la Seymaz mais pas dans ces conditions. Nous pouvons encore attendre quelque temps, mettre clairement les choses au point, établir un calendrier, de façon à savoir à quoi on s'expose. C'est pourquoi je me permettrai, après l'entrée en matière, d'intervenir pour que cet amendement soit accepté, sans quoi mon groupe se verra dans l'obligation de s'abstenir.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. J'espère qu'il y aura assez d'eau dans la Seymaz pour abreuver les ânes, parce que tout ce que je viens d'entendre me fait penser qu'après des travaux très constructifs en commission nous avons entendu un certain nombre d'âneries.

Pour la première, je m'adresserai à mon ami de toujours, M. Annen - je pourrais dire mon ami de trente ans puisqu'il dit que la Seymaz a été drainée il y a une trentaine d'années, alors qu'en fait ces drainages datent de quatre-vingts ans. Ils ont en effet été entrepris au début des années 20 !

Cela m'amène à relever les propos de M. Büchi : il n'est pas acceptable de dire que les travaux exécutés au début des années 20 étaient une erreur. Ces travaux correspondaient à ce qu'il fallait faire à l'époque. Je vous rappelle que cette région était insalubre et impropre à la culture. De gros travaux y ont été entrepris pour donner ces terrains à l'agriculture. C'est d'ailleurs ce qui a permis à notre agriculture de faire face aux difficultés de la guerre de 39-45; en rendant cultivables des terrains qui ne l'étaient pas, notre agriculture est devenue compétitive, on a permis à nos agriculteurs de vivre. Aussi, Monsieur Büchi, il est malhonnête de dire que les travaux de 1920 étaient une erreur.

Il est vrai que ces travaux ont quatre-vingts ans et que tout s'est dégradé, ce qui est normal. Il nous faut maintenant refaire les choses. Quatre-vingts ans après, nous avons des manières de voir et d'agir différentes et c'est dans ce sens que va ce projet de loi.

J'en arrive au troisième : Monsieur Meyll, je crois franchement que vous retardez d'une guerre et que vous n'avez rien compris ! Il est vrai que vous avez entendu dire que les agriculteurs subordonnaient leur accord à une étude d'impact sur la totalité du projet. Oui, c'est vrai et je sais qui vous l'a dit.

Ce que j'ai tenté de vous dire, mais vous n'avez pas voulu m'entendre, c'est que dans l'intervalle M. Cramer a négocié - comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon exposé liminaire - une charte de collaboration qu'il a signée avec les agriculteurs, Pro Natura, Seymaz Rivière et le WWF et qui précise la collaboration future entre le département et ces différents organismes.

M. Cramer, qui est arrivé entre-temps, vous le dira mieux que moi. Je pense néanmoins que présenter de tels arguments, alors que nous pouvions penser que tout avait été réglé à la satisfaction de tous, n'est pas très honnête, Monsieur Meyll, et je le regrette vivement !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je vous prie d'excuser mon retard, qui me fait arriver en cours de débat.

Je tiens à vous dire plusieurs choses au sujet de ce projet de loi. Vous devez tout d'abord vous souvenir que vous avez voté, l'année dernière, une modification de la loi cantonale sur les eaux. Par cette modification, l'engagement a été pris - et il figure dans la loi - qu'un montant de 10 millions par année au minimum serait affecté à des tâches de renaturation.

Le Conseil d'Etat a cru comprendre que, ce faisant, le Grand Conseil émettait un souhait qui devait être respecté par l'exécutif. C'est la raison pour laquelle, dans notre discours de Saint-Pierre, nous avons indiqué que l'un des projets prioritaires de cette législature serait d'aller de l'avant avec ces opérations de renaturation.

Nous en sommes arrivés à examiner ce qu'il en était des différents projets de renaturation en cours dans le canton et le projet qui était le plus abouti, prêt à être présenté devant ce parlement était précisément celui de la Seymaz. Ce projet posait toutes sortes de problèmes dont le premier était d'ordre financier. Dans un premier chiffrage, on parlait d'un montant total de 100 millions pour renaturer la Seymaz; c'est le chiffre que vous avez cité Monsieur Meyll. Le Conseil d'Etat a décidé... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous demande un peu de silence. On n'entend pas l'orateur !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat a décidé qu'un tel montant ne devait en aucun cas être engagé dans cette opération de renaturation de la Seymaz. Il a donc décidé - et cela figure dans le rapport présenté à l'appui du projet de loi - de renoncer à la construction d'une galerie de décharge et a ainsi économisé une somme de 50 à 60 millions sur le montant de 100 millions qu'il était prévu de dépenser.

C'est dans ces conditions que le projet de loi que vous avez sous les yeux vous a été soumis. Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises en commission et comme cela figure très clairement dans le rapport précité, d'une part, ce projet se suffit à lui-même, en ce sens qu'il permet d'engager toute une série d'opérations nécessaires sur la Seymaz; d'autre part, il est également lié à un programme qui, s'il venait à être intégralement réalisé, n'impliquerait jamais une dépense supérieure à 40 millions environ. Voilà en ce qui concerne les chiffres.

Deuxièmement, le montant de 9,5 millions auquel se réfère le présent projet de loi ne doit en aucun cas être dépensé en une seule fois. Si vous vous souvenez du rapport déposé à l'appui du projet de loi, vous aurez remarqué que ces dépenses sont étalées sur une période de dix ans et que ce montant ne sera donc que très progressivement libéré, au fur et à mesure de l'avancement des études. Voilà pour les questions techniques.

Au-delà de ces questions techniques, je n'hésite pas à dire que le projet de loi de renaturation de la Seymaz, tel qu'il s'est développé après son dépôt devant votre commission, est un projet de loi exemplaire en ce qui concerne la concertation. A juste titre, lors des premières discussions sur ce projet de loi en commission - et j'ai encore en mémoire les interventions extrêmement virulentes et pertinentes à bien des égards de M. Blanc - on reprochait à ce projet d'être exclusivement axé sur l'aménagement paysager, sur la renaturation et d'ignorer totalement les besoins des agriculteurs du bassin versant de la Seymaz et la résolution des problèmes hydrologiques.

Les propos de M. Blanc étaient exacts, bien qu'un peu excessifs dans la mesure où ces questions formaient aussi l'arrière-plan de ce projet de loi. Mais ces propos de même que les interventions de la Chambre genevoise d'agriculture nous ont incité à remettre l'ouvrage sur le métier et à examiner de près ce que nous pourrions faire avec ces 9,5 millions.

Nous avons procédé à cet examen avec la commission des travaux, mais surtout avec les partenaires intéressés, c'est-à-dire les agriculteurs représentés par la Chambre genevoise d'agriculture et, très concrètement, les agriculteurs qui, dans le bassin versant de la Seymaz, se faisaient du souci quant à leur outil de travail que sont les champs qui entourent la Seymaz. Nous avons convenu ensemble - et c'est la raison pour laquelle on parle d'études à faire dans le même temps que l'engagement du crédit de 9,5 millions, car il faut bien de l'argent pour faire ces études - que les études devaient également reposer sur une maîtrise naturelle de l'hydraulicité, c'est-à-dire en ne passant pas par une galerie de décharge mais par la constitution de zones de rétention d'eau. Les agriculteurs sont d'accord pour que nous réalisions cela. Nous avons également convenu avec les agriculteurs de faire des études pour savoir comment améliorer les conditions de l'agriculture dans cette région, tout en renaturant la Seymaz.

Cet important travail de concertation a débouché sur une charte de collaboration conclue entre les agriculteurs du bassin versant de la Seymaz, les associations de protection de la nature, les milieux qui s'intéressent à la gestion de l'eau et le département. Tous ces milieux ont donc décidé de travailler ensemble et de se concerter pour renaturer la Seymaz. Je peux vous répéter ici les engagements qui ont été pris au nom du département : nous n'engagerons aucuns travaux dans la Seymaz qui ne recueilleraient pas l'approbation des agriculteurs. Tous les travaux qui y seront réalisés, quels qu'ils soient, le seront sous le contrôle des agriculteurs concernés. Il y aura aussi des travaux de remembrement foncier qui, on le sait, peuvent parfois poser des problèmes au niveau de la nature. Tous ces travaux se feront également sous le contrôle des associations de protection de la nature.

Le défi que nous devons relever est un défi difficile. Il consiste à faire coexister des attentes en matière de nature, d'agriculture, à essayer de faire en sorte que nous puissions, autour de ce projet de loi, réaliser un plus pour la sécurité des habitants de ce canton et de cette région en maîtrisant l'hydraulicité; un plus pour l'agriculture - car le bassin versant de la Seymaz représente un tiers de l'agriculture genevoise - et, enfin, un plus pour la nature de notre canton, pour la faune et pour la flore.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande d'approuver cette démarche de concertation, d'approuver cette charte de collaboration dont je vous remettrai volontiers une copie, Monsieur Meyll, si vous avez encore un doute. Je vous demande de l'approuver en votant l'entrée en matière mais surtout en votant ce projet de loi, tel qu'il a été accepté par les différents partenaires et tel qu'il a été amendé par les agriculteurs de la région qui trouvent que ce projet de loi correspond parfaitement à leurs besoins et à leurs attentes.

M. Thomas Büchi (R). Je ne voulais pas intervenir après le conseiller d'Etat, mais je dois répondre à M. Blanc qui m'a pris à partie tout à l'heure et a déformé mes propos. (Brouhaha.)

Je n'ai jamais dit que les travaux de la Seymaz étaient une erreur. J'ai parlé de tous les cours d'eau d'une manière générale. C'était un considérant général : j'ai dit que c'était une erreur d'avoir systématiquement canalisé et drainé tous les cours d'eau, puisqu'en agissant de la sorte on s'est aperçu qu'on les a empêchés de se régénérer et qu'on a aggravé la pollution.

Je ne voudrais pas aller plus loin dans la polémique. On s'aperçoit aujourd'hui qu'il y a une approche différente, plus ";soft", de nos cours d'eau et, à cet égard, je trouve ce projet particulièrement intéressant. Monsieur Blanc, je ne voulais pas et je ne me serais pas permis de faire davantage de polémique à propos de la Seymaz

M. Pierre Meyll (AdG). Il est clair que ce que vient de déclarer le conseiller d'Etat Cramer éclaire ce projet d'un jour quelque peu différent. Mais il est aussi évident que ces propos n'ont pas été tenus face la commission et face au Grand Conseil. Nous n'avons pas été informés officiellement des discussions qui ont eu lieu après le dépôt de ce projet de loi et du rapport. Il est donc assez normal que nous nous inquiétions parce que, trop souvent, les études d'impact sont faites trop tard et d'une manière qui ne nous convient pas.

Nous admettons volontiers que vous avez obtenu l'accord de chacun mais, si cette déclaration préalable avait été faite plus tôt, elle nous aurait évité de présenter des amendements, qui dans certains cas s'avèrent absolument nécessaires. Contrairement à M. Blanc, nous croyons en votre parole comme en celle de l'Evangile, et nous pensons que nous pouvons effectivement accepter le projet dans ces conditions, en tenant compte que vos engagements sont pris de manière formelle et définitive.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Avant de voter article par article, je demanderai au rapporteur, Monsieur Blanc, de bien vouloir donner un titre à l'article 8 qui n'en a pas.

Art. 1

Le président. Un amendement a été proposé à l'article 1.

M. Pierre Meyll (AdG). Comme je l'ai dit précédemment, nous y renonçons. Même si nous persistons à penser qu'il est préférable que ce soit dit dans la loi, nous croyons à la promesse de M. Cramer et nous en restons là.

Le président. Cet amendement est donc retiré.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 7.

Art. 8

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je ne crois pas qu'il soit obligatoire de donner un titre à tous les articles mais, si M. Cramer est d'accord, nous pourrions l'intituler : ";Travaux ultérieurs". M. Cramer étant d'accord, nous vous proposons ce titre.

Mis aux voix, l'article 8 ainsi intitulé est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7852)

ouvrant un crédit d'investissement de 9 500 000 F pour la réalisationde la première étape des travaux de renaturation de la Seymaz et de ses affluents

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit d'investissement

Art. 2 Subvention fédérale

Art. 3 Budget d'investissement

Art. 4 Financement et couverture des charges financières

Art. 5 Amortissement

Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève

Art. 7 Utilité publique

Art. 8 Travaux ultérieurs