Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 44e séance

RD 281-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001). ( -) RD281
 Mémorial 1997 : Rapport, 7260. Renvoi en commission, 7545.
Rapport de M. Gilles Godinat (AG), commission des affaires sociales
R 344-A
Proposition de résolution du Conseil d'Etat relative à la planification sanitaire (1998-2001). ( -) R344
 Mémorial 1997 : Développée, 7260. Renvoi en commission, 7545.
Rapport de M. Gilles Godinat (AG), commission des affaires sociales
M 1229
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Marie-Françoise de Tassigny, Esther Alder, Roger Beer, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Dolorès Loly Bolay, Juliette Buffat, Pierre-Alain Champod, Jacqueline Cogne, Jean-François Courvoisier, Marie-Thérèse Engelberts, Alain Etienne, Gilles Godinat, Mireille Gossauer-Zurcher, Pierre Marti, Louiza Mottaz, Danielle Oppliger, Véronique Pürro, Stéphanie Ruegsegger et Salika Wenger sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001). ( )M1229

11. a) Rapport de la commission conjointe des affaires sociales et de la santé chargée d'étudier les objets suivants :

En date du 26 septembre 1997, le Grand Conseil a renvoyé aux Commissions des affaires sociales et de la santé le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de santé et sur la planification sanitaire ainsi qu'un projet de résolution sur le même objet pour la période 1998 à 2001. Le changement de législature et la mise en place d'une commission conjointe sociale et santé ont malgré tout permis de commencer rapidement l'étude des documents du Conseil d'Etat, considérés comme prioritaires par les deux commissions.

Cette commission conjointe, présidée par Mme Marie-Françoise de Tassigny, a effectué ses travaux en 13 commissions plénières de trente commissaires du 9 décembre 1997 au 21 avril 1998, et en 4 sous-commissions ad hoc de douze commissaires, du 10 mars au 31 mars 1998. Il faut d'emblée souligner ici que, dans une commission de cette grandeur et compte tenu de la matière à examiner, le travail parlementaire n'a pas toujours été très aisé et nous pouvons considérer que, dans un tel contexte, les travaux ont été menés avec diligence. MM. François Longchamp, secrétaire général du DASS, Michel Gönczy, directeur à la direction générale du DASS et Paul-Olivier Vallotton, directeur de cabinet au DASS, ont assisté aux travaux de la commission.

Introduction

Considérés comme de première importance, le rapport du Conseil d'Etat et la résolution ont été présentés à la commission par M. Guy-Olivier Segond, président du DASS et ses collaborateurs, à la première séance.

Pour les responsables du département, et particulièrement M. Segond, la planification sanitaire résulte de l'évolution des coûts de la santé qui touche toute l'Europe occidentale. En Suisse, les autorités fédérales et cantonales ont été conduites à introduire dans la législation l'exigence d'une planification sanitaire. Dans cet exercice politiquement délicat et techniquement difficile, le Conseil d'Etat a procédé par étapes. Un bilan de santé des Genevois a été demandé à l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive, lequel a publié l'étude en juin 1993. Ensuite, le Conseil d'Etat a chargé le professeur Gilliand d'établir un avant-projet de planification sanitaire, après une large consultation. Le rapport Gilliand sur le système de santé genevois a été rendu public en été 1994 et il a fait à nouveau l'objet d'une large consultation jusqu'en 1995. Parallèlement, une enquête suisse sur la santé a permis d'établir des comparaisons entre notre canton et le reste de la Suisse, sur la base de données 1992-1993.

Les bases légales de la planification sanitaire citées dans le rapport du Conseil d'Etat sont, sur le plan fédéral, l'art. 8 de l'arrêté fédéral urgent du 9 octobre 1992, puis les dispositions de la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie entrée en vigueur le 1er janvier 1996, après avoir été acceptée en votation populaire le 4 décembre 1995. Sur le plan cantonal, le Grand Conseil a voté le 30 mars 1995 la loi instituant un plan directeur des prestations sanitaires, entrée en vigueur le 1er juin 1995 (K 1 10) (cf. RD 281, p. 56).

Pour M. Segond, la planification sanitaire est à la politique de santé ce qu'un plan directeur est à l'aménagement du territoire. Cela n'implique ni le vote d'une loi ni le vote d'un plan. La résolution est la forme qui a force de poids politique mais pas d'effet juridique. Le Conseil d'Etat a envisagé la planification sanitaire sous deux angles : la planification sanitaire quantitative et qualitative. La première traite des postes, des crédits ou des subventions, alors que la deuxième complète pour les professionnels ce qui s'adresse à l'autorité politique.

Après un rappel des éléments de base de la politique de santé à Genève depuis 1990 (aide et soins à domicile, réforme hospitalière, loi sur les EMS, par exemple) et les projets en cours (RHUSO, selon la votation de juin 1998, transports sanitaires d'urgence, etc.), M. Segond souligne l'importance des 7 principes fondamentaux de la planification et des 5 instruments existant (RD 281, pp. 116-137), coeur du rapport du Conseil d'Etat. Il estime également important d'intégrer la planification sanitaire qualitative élaborée sous la conduite du professeur Rougemont.

Méthode de travail

Pour faciliter le travail de la commission, les deux séances suivantes ont été consacrées à l'étude du rapport lui-même avec une présentation des principaux axes et enjeux par MM. Lonchamp et Gönczy, suivie d'un premier échange général. Une programmation des auditions a été prévue en deux temps : d'abord l'audition de personnalités considérées comme des experts dans les différents domaines étudiés, ensuite l'audition des acteurs eux-mêmes, à savoir les prestataires de soins et une représentation d'association de patients.

Lors de la présentation du rapport, M. Longchamp a résumé les points suivants : la récente réforme des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) du 1er janvier 1995 selon le principe général de la "; centralisation au sommet " et de la "; décentralisation à la base ". L'orientation générale voulue par cette réforme devait mettre en valeur les réseaux de soins en modifiant les forteresses hospitalières. Du point de vue des journées d'hospitalisation, les HUG sont le plus grand hôpital universitaire de Suisse. Ils reçoivent 45 000 patients par année, avec 768 000 journées d'hospitalisation/an, pour 2 357 lits. Ils assurent en outre 500 000 consultations ambulatoires. La charge salariale s'élève à 809 millions pour 7 685 postes répartis entre 8 632 personnes, selon 165 professions. Outre les 81 % de dépenses totales pour la masse salariale, 7 % sont dévolus aux charges médicales, 7 % pour les charges d'intendance et administratives, et 5 % pour divers. Sur les 1 007 037 446 francs de recettes, 59 % proviennent de la subvention de l'Etat de Genève, 41 % des patients et des caisses-maladie. Les investissements entièrement à la charge du budget de l'Etat s'élèvent à 46 600 000 francs en 1997.

Les principaux projets en cours sont la zone sud (Opéra), la maternité et l'hôpital des enfants. La rénovation du bâtiment des lits doit également être envisagée. M. Longchamp a terminé par la présentation du RHUSO.

M. Gönczy a présenté l'activité de l'aide et des soins à domicile développée par la loi adoptée en 1992. En décembre 1996, le Grand Conseil a voté le 2e crédit quadriennal 1997-2000 d'un montant de 289 500 000 francs. Une nouvelle définition des centre d'action sociale et de santé (CASS) a été retenue avec la responsabilité d'un coordinateur par centre et d'autres mesures devant assurer une meilleure unité d'action. Le nombre total de clients a augmenté de 32 % entre 1992 et 1996. Les différentes associations (AGAD, SASCOM, APADO, CSI) gèrent 1 004 postes de travail occupés par 1 449 personnes, dont 85 % en postes de soins, et 15 % en postes administratifs, le tout ayant augmenté de 41 % entre 1992 et 1996. Pour financer les 95 745 292 francs de charge, 80 % des produits sont des subventions cantonales et fédérales.

Pour les établissements médico-sociaux (EMS), la nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er janvier 1998, avec le nouveau système basé sur le subventionnement, avec suppression de l'intervention de l'assistance publique. Suite au moratoire pour contrôler le nombre de lits EMS en 1992, une prolongation a été décidée jusqu'en l'an 2000.

Les EMS ont accueilli 3 283 clients au 31.12.96, avec un taux d'occupation de 95 %. Un déplacement s'est effectué vers un nombre croissant de personnes très dépendantes. La durée moyenne de séjour est de 32 mois. Il faut rappeler que 94 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivent à domicile. Sur les 57 EMS en activité, 52 sont agréés sur la liste au  sens de la LAMal par le Conseil d'Etat, pouvant ainsi bénéficier des subventions cantonales.

Pour l'ensemble de la planification, le Conseil d'Etat n'entend pas modifier la répartition entre le secteur public et le secteur privé à Genève. D'ailleurs, il ne dispose pas d'outil juridique lui permettant de modifier l'offre de lits privés. Enfin, il n'envisage pas de sous-traitance ni de privatisation.

Un premier tour de table des différents groupes montre que pour l'essentiel la plus grande partie du RD 281 constitue un ensemble de documents ou de rapports expliquant ou légitimant la politique menée par le Conseil d'Etat à ce jour, et que par conséquent la commission ne peut qu'en prendre acte. Sur les principes de la politique sanitaire, les instruments actuels et nouveaux, ainsi que sur la planification sanitaire quantitative, la commission a souhaité se prononcer après les auditions afin de mieux se déterminer politiquement sur le rapport lui-même et la R 344.

Auditions des experts

Audition du professeur Pierre Gilliand

Avec ses 26 systèmes cantonaux différents, autonomie cantonale voulue par la Confédération en matière de santé, deux cantons romands ont mis en place les premières planifications sanitaires dès les années 60, Valais et Vaud. Avec sa planification sanitaire actuelle, Zurich envisage de fermer huit hôpitaux d'ici l'an 2000, et d'en créer un nouveau. Dans un rapide tour d'horizon, M. Gilliand. évoque la nouvelle répartition hospitalière jurassienne, l'esquisse neuchâteloise, la problématique des hôpitaux de district fribourgeois, des nouvelles orientations vaudoises (NOPS) avec la fermeture de petits hôpitaux envisagée ou leur transformation, et la réussite valaisanne en matière de maîtrise des dépenses hospitalières, avec le système multisite. Connaisseur du système de santé genevois, M. Gilliand juge utile la collaboration avec le canton voisin.

Le niveau de santé genevois est élevé, avec une offre de prestations de haut niveau, une durée moyenne de vie plus élevée que la moyenne suisse, mais le coût du système de soins le plus élevé de Suisse. Grâce au développement de l'aide à domicile, 50 000 journées d'hospitalisation ont été évitées entre 1992 et 1995.

Pour l'avenir, l'évolution démographique reste déterminante. Le nombre de personnes âgées et très âgées va augmenter. Nous entrons dans une phase de mutation du système de santé en Suisse, avec d'une part un nombre de médecins estimé à 16 000 pour 2010, une espérance de vie croissante impliquant le choix du maintien à domicile. La maîtrise des coûts reste indispensable, le nombre de lits hospitaliers doit diminuer dans ce canton, en tenant compte des cliniques privées. L'évolution des EMS vers une plus grande médicalisation est prévisible.

Une étude a montré que les deux derniers mois de vie d'une personne représentent 25 % du coût total des soins offerts à celle-ci. Il faut également se souvenir que 4/5 des lits sont occupés par des personnes de plus de 65 ans.

Il reste un nombre considérable de journées d'hospitalisation inappropriées (40 % en Valais, 20 % dans le canton de Vaud, selon diverses études).

Concernant les nouveaux instruments de la planification, M. Gilliand est opposé au numerus clausus, mode de sélection qui risque de favoriser des critères financiers.

Audition du professeur Antoine Bailly

Représentant de l'approche médicométrique, il souhaite une approche globale à l'échelle suisse, et une réflexion sur les bassins de population pour estimer la place des hospitalisations extérieures aux cantons. Il faut penser à l'échelle régionale. Actuellement, nous avons une surcapacité des lits à l'échelle régionale. Nous devons apprendre à accepter les déplacements et assurer la réciprocité. Il faut réfléchir en termes de "; Genève, capitale de la santé " comme pôle d'attraction, avec toutes ses retombées économiques. Certains analystes prévoient une augmentation de la part des dépenses de santé dans le PNB, par exemple aux USA où elle atteindra 18 % du PNB d'ici 2005-2010. Il faut donc anticiper les allocations budgétaires, en faisant du secteur santé un secteur économique fort. Il est nécessaire d'adapter les structures aux pathologies, par exemple en créant de petites unités bon marché, sur le modèle du Havre, et développer le modèle du réseau, en évitant "; le trop gros et le trop cher ". Les assureurs ont pris beaucoup de poids en disposant de statistiques précises, alors que d'autres partenaires sociaux se désengagent. Les dépenses de santé doivent être considérées comme des investissements.

Audition de MM. Michel Valterio, directeur suppléant de l'OFAS, et Claude Voegeli, adjoint de direction à l'OFAS ( Office fédéral des assurances sociales)

En l'absence de M. Otto Piller, les deux responsables de l'OFAS insistent sur l'importante réforme introduite par la LAMal : extension du catalogue de prestations, amélioration des soins à domicile, ou rétrocessions aux cantons, pour allégement de primes, par exemple. L'introduction de la planification hospitalière est liée à l'analyse d'une surcapacité des lits hospitaliers avec un excédent de 25 %. En comparaison avec la Suède, pour la même espérance de vie, la Suisse dépense 9,8 % de son PIB pour la santé, contre 7,2 % en Suède, avec 3,1 lits pour mille habitants contre 6,1 en Suisse. Dans notre pays, nous devons rationaliser les procédures, améliorer les prestations et la formation.

En 1996, les coûts de la santé ont augmenté de 12,1 %, et se réduiront à 4,9 % d'augmentation en 1998. Ce qui devrait entraîner une diminution du montant des primes. Berne relève en outre d'autres mesures comme la baisse des prix des médicaments, la limitation du tarif dans les EMS, la suppression du remboursement de 50 analyses de laboratoires, l'augmentation de la franchise de base qui a passé de 150 francs à 230 francs. Dans le domaine des primes, la collaboration entre cantons doit augmenter. Du point de vue juridique, la LAMal oblige les cantons à élaborer une planification sanitaire uniquement pour les hôpitaux et les EMS. Mais il vaut mieux tenir compte de l'ensemble et penser en réseau. La clause du besoin doit tenir compte effectivement des besoins de la population par différentes comparaisons, mais nous sommes dans une phase de récolte d'informations, au début d'un processus. Il est important d'améliorer l'instrument statistique en Suisse. Il faut savoir que la Suisse ne dispose d'aucun moyen pour limiter le nombre de lits par habitant. Il y a des propositions au niveau national pour bloquer les prestations et les tarifs ( proposition Riefen). A cause de nombreux recours, la Confédération devra établir un tarif cadre pour que les prix des soins à la charge de l'assurance-maladie soient considérés comme raisonnables, pour les homes et pour les soins à domicile. Il faut améliorer la coordination, y compris au niveau des assurances sociales. La comptabilité analytique permettra d'effectuer des comparaisons entre cantons. Les planifications sanitaires doivent être intercantonales. En Suisse, où le libéralisme et le fédéralisme prédominent, la voie pragmatique a servi à ce jour de guide. Peu de comparaisons ont été faites avec les pays d'Europe car le système de prime par tête est unique en Europe. En partant de ce qui existait, la LAMal a choisi de stimuler la concurrence pour diminuer les primes. La question du financement sera probablement l'objet de prochains débats nationaux.

Audition de M. Gianfranco Domenighetti, chef de la section sanitaire tessinoise

En Suisse, 54 % des cotisations aux assurances-maladie servent à payer la médecine ambulatoire, ratio qui s'élève à 64 % à Genève. Il y a une grande variabilité entre canton, ce qui pose problème. La LAMal prévoit un contrôle de la partie hospitalière de la dépense et laisse au marché la partie ambulatoire. Or les citoyens sont touchés en priorité par les coûts de la médecine ambulatoire. Au Tessin, le principe du 2e avis médical a été présenté à la population dans une brochure élaborée avec la société médicale du Tessin. Il faut développer les informations pour donner aux gens une meilleure position face à l'asymétrie des connaissances entre les professionnels et la population. Une clause du besoin a été introduite au Tessin avant l'introduction de la LAMal, interdisant l'établissement de nouvelles structures cliniques. Au niveau national, M. Domenighetti est favorable à un gentleman agreement en matière de revenu médical, avec une réduction d'un tiers des prescriptions médicales. La Suisse est le seul état où il y a un système inflationniste d'incitations sans aucun type de correction. Il est par exemple possible de corriger les effets pervers de l'actologie (médecine payée à l'acte), d'autre part, il est possible de définir une enveloppe budgétaire par spécialité comme au Canada. Il peut également exister des systèmes mixtes entre la médecine à l'acte et la capitation. Au niveau national, le système GRAT ( révision générale des tarifs médicaux) ne change rien du tout.

Sur le problème du numerus clausus, son introduction n'aurait d'effet que dans 20 ans. Il faut explorer d'autres pistes comme la distinction entre le droit de pratique et l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance, ou les systèmes HMO. Il faudrait également envisager des mesures incitatives pour que les jeunes médecins acceptent de s'installer dans d'autres cantons que ceux où ils ont effectué leurs études, vers des cantons où les incitatifs financiers peuvent par exemple jouer un rôle. A Appenzell Rhodes-Intérieures, le chiffre d'affaire moyen est de 400 000 francs, alors qu'il est de 314 000 à Genève et de 227 000 à Bâle-Ville.

Audition des professeurs Suter, doyen de la Faculté de médecine, et A. Junod, directeur médical des HUG

Pour M. Junod, indépendamment de la planification sanitaire, la question de la qualité des soins doit être examinée car le problème est aigu. Dans leurs programmes de santé les Etats-Unis ont été les premiers à introduire des critères de qualité dans le contrôle de ces programmes. Des soins de qualité doivent être conformes aux meilleurs standards et à ce que les patients peuvent attendre de l'institution hospitalière. Cela concerne les structures, les processus dans les unités et les résultats. L'évaluation doit être globale, et s'intéresser aux répercussions sur la société. A Genève, une cellule de qualité a été mise sur pied depuis plus de 3 ans, dans un partenariat médico-infirmier. Tous les départements médicaux ont été concernés par les 27 projets mis en route. Actuellement, l'ensemble des HUG connaissent une structure de la qualité des soins, liée à une structure budgétaire d'évaluation, s'élevant à 1,5 pour mille du budget total des HUG, soit 1,5 millions sur 1 milliard. Ce nouveau regard critique sur nos institutions de soins permettra d'améliorer le système. Il faut se rappeler qu'un service médical ne répond pas aux mêmes critères qu'un service du domaine privé, du type ISO 9000. Par exemple, il y a succès à l'hôpital lorsqu'il y a une diminution du nombre de clients ! Un audit tel que celui effectué par Arthur Andersen n'a qu'un contact superficiel avec la vie hospitalière. Il ne semble pas pertinent par exemple de rechercher le meilleur rapport qualité/prix mais bien plutôt le rapport coût/efficacité. Sur la question du numerus clausus, M. Junod pense que la limitation du nombre de postes pour les Suisses nécessiterait un recours aux étrangers, pratique adoptée aux U.S.A.

L'exposé du professeur Suter concernant le problème du numerus clausus est annexé au présent rapport. Il tient à souligner que la Suisse est le pays qui accueille le plus de médecins étrangers en formation, avec un taux de 29 % alors qu'il n'atteint que 22 % aux Etats-Unis. La densité médicale en Suisse est tout à fait comparable aux pays qui l'entourent.

Audition du professeur André Rougemont, directeur de l'Institut de médecine sociale et préventive

La planification sanitaire qualitative a nécessité une année de travail. Elle devait répondre au mandat suivant :

1. identifier les problèmes prioritaires de santé, en terme de mortalité, de morbidité et de coûts sociaux et économiques ;

2. identifier les objectifs à atteindre en terme d'amélioration de l'état de santé, des modes de vie, de l'environnement, des structures, du fonctionnement et de la gestion du système sanitaire ;

3. présenter des propositions quant aux actions nécessaires pour diminuer l'importance des problèmes identifiés ;

4. présenter des propositions en vue d'éventuelles réorientations des structures et des modes de fonctionnement existants ;

5. définir un système d'information pertinent qui permettra le pilotage du système de santé, sur la base d'un nombre réduit d'indicateurs dûment validés ;

6. établir des propositions pour l'évaluation des actions entreprises et pour la recherche.

L'élaboration du document émane de la collaboration de nombreux milieux professionnels. Il s'agissait d'établir un document stratégique qui détermine, à partir d'une analyse de la situation actuelle et du système de soins à Genève, une douzaine de problèmes de santé prioritaires et des actions à mettre en oeuvre pour y faire face. Il n'y a pas de relation linéaire entre les structures du système et le niveau de santé. Il faut partir des problèmes de santé et réfléchir ensuite sur les structures. C'est le contenu essentiel du premier rapport. Le deuxième est un document détaillé à partir des 38 buts de l'OMS pour l'Europe, sur la base de dossiers spécifiques. Il donne un aperçu plus détaillé des problèmes liés à certains groupes de population, de maladies spécifiques, de comportements à risque, des problèmes liés aux services et structures du système de santé à Genève, avec une mise en perspective au niveau suisse et européen.

Après avoir présenté la méthodologie (indicateurs de mortalité entre 30 et 65 ans, enquêtes des professionnels et de la population, années potentielles de vie perdue, modèle DALY de la Banque mondiale, à savoir unité de mesure sur la base de l'année de vie ajustée à un handicap dans une approche de quantification), le professeur Rougemont présente les résultats concernant les problèmes de santé les plus importants :

1. les maladies cardio-vasculaires ;

2. les cancers des voies respiratoires ;

3. le cancer du sein ;

4. les traumatismes dus aux accidents de la circulation ;

5. les suicides ;

6. le SIDA.

Dans l'ensemble, il faut aider à modifier le comportement des gens, lutter contre l'Etat-providence et contre le tourisme médical, dans une perspective à long terme. Il faut savoir qu'à Genève les coûts ambulatoires sont 2 fois plus élevés que partout ailleurs en Suisse. Le carnet de santé et la clause du besoin seront utiles, ainsi que le numerus clausus.

En ce qui concerne la dépression à Genève, il y aurait une étude à faire en lien avec la crise actuelle et le rôle des généralistes et des psychiatres. Il faut mieux définir le rôle du généraliste en revalorisant son activité de premier acteur du système de santé et sa fonction d'orienteur dans ce système. En conclusion, le système de santé devrait moins être concentré autour de la structure hospitalière.

Débat sur l'entrée en matière

Un tour de table permet de situer les tendances dans la commission conjointe. Le groupe libéral n'est pas contre une planification sanitaire mais la LAMal n'exige qu'une planification hospitalière. Une évaluation financière du RD 281 lui paraît indispensable. Une motion sera déposée dans ce sens. Il y a un manque d'information sur les implications financières et les libéraux craignent de se laisser entraîner dans une spirale, raison pour laquelle ils ne voteront pas l'entrée en matière.

Le groupe PDC considère également que l'entrée en matière est difficile à accepter car le rapport manque de données dans le domaine financier. En votant la R 344, la commission donnerait un blanc-seing au Conseil d'Etat.

De nombreux amendements paraissent nécessaires au groupe PDC.

Le parti radical n'a pas de position commune à ce stade. Depuis l'introduction de la LAMal, les données chiffrées font défaut. Même dans le rapport NOPS (nouvelles orientations de la politique sanitaire) du Conseil d'Etat vaudois, les données les plus récentes remontent à 1991. Globalement, il est difficile de savoir ce que coûte le système de santé dans son ensemble, raison pour laquelle le parti radical se prononcera ultérieurement sur l'entrée en matière.

Au parti socialiste, les avis sont également partagés, car le RD 281 ne contient rien sur la collaboration entre les cantons de Vaud et de Genève. Le Conseil d'Etat doit élaborer une autre politique sanitaire, raison pour laquelle le groupe socialiste ne souhaite pas entrer en matière pour le moment.

Les Verts éprouvent un malaise face à ce rapport. Ils souhaitent prendre acte de la R 344, mais ne pas entrer en matière.

L'Alliance de Gauche fait également le constat que le RD 281 est basé sur une série de documents dont il faut prendre acte. Les données fournies par le professeur Rougemont devraient être intégrées à la discussion. L'AdG souhaite entrer en matière sur la R 344, tout en l'amendant.

La situation est débloquée par la proposition de repousser le vote sur l'entrée en matière après avoir auditionné les représentants des acteurs dans le système de soins, et constitué une sous-commission qui examinerait les propositions des différents groupes pour trouver une base d'accord sur les amendements, méthode acceptée par la commission.

Deuxième série d'auditions

Audition de MM. Claude Aubert et Jean-Marc Guinchard, respectivement président et secrétaire de l'Association des médecins de Genève ( AMG)

Un texte est remis à la commission (cf. annexe) et il est rapidement commenté par M. Guinchard. Selon l'AMG, nous avons davantage assisté à une augmentation progressive des coûts qu'à une réelle explosion. De 1985 à 1995, alors que l'indice suisse des prix à la consommation progressait de 32,2 %, celui des systèmes de santé atteignait 39,3 %. Or, depuis 1993, les coûts ambulatoires se sont stabilisés, les coûts hospitaliers ont continué à progresser et les primes d'assurance ont suivi le mouvement puisque la LAMal a étendu ses prestations de base. Les primes vont probablement se stabiliser.

En ce qui concerne les nouveaux instruments de la planification sanitaire, pour M. Aubert, l'image des cascades et des flux permet de visualiser le fonctionnement du système. Sur les 1000 médecins en formation à Genève, 10 % s'installent par année, soit 100 médecins. Avec ses 1000 postes de formation dans ses hôpitaux publics, la proportion de médecins venant d'ailleurs que du canton va croître si le système est rétréci en amont. Il faut envisager un contrôle en aval, avec un numerus clausus interne aux spécialités, en fonction des débouchés.

Pour la clause du besoin, les règles du jeu doivent être égales pour tous, secteur public et secteur privé. Par exemple, en matière d'imagerie médicale (type IRM) les deux secteurs doivent être également concernés par une régulation. Enfin, le carnet de santé doit être apprécié de façon nuancée. Efficace pour les enfants et les personnes âgées, il est aléatoire entre les deux classes d'âge. Le médecin de premier recours ou de famille peut jouer le rôle de mémoire et remplacer le carnet de santé. L'AMG est favorable à un système de carte à puce possédant une mémoire sélective qui permettrait d'avoir accès à des informations ciblées. De plus, la population ne peut être considérée de façon homogène.

Audition de Mme Véronique Maye et de MM. Jean-Claude Eggimann et Bernard Rueff de la Fédération genevoise des assurances maladies (FGAM).

La planification hospitalière joue dans la planification sanitaire un rôle éminent, car elle est un des outils les plus efficaces pour la maîtrise des coûts. Selon la loi, les décisions sur la planification sanitaire auraient dû être prises par les députés avant décembre 1997. Publier la liste des hôpitaux avant l'adoption de la planification hospitalière est une aberration. Or le canton connaît une surcapacité en matière d'offre de lits. Il n'y a pas d'étude ni d'indicateur valable pour justifier telle ou telle diminution. Le mandat confié à l'OCSTAT l'a été trop tardivement. Nous manquons de données pour une planification hospitalière qui se respecte. Il faut également tenir compte du secteur privé. Une évaluation des besoins est possible, en tenant compte des transferts de patients dans une planification sanitaire intercantonale. Les missions hospitalières doivent être définies.

Pour les autres outils de maîtrise des coûts de la santé, l'introduction du numerus clausus devrait être envisagée au niveau suisse, avec des critères de sélection pertinents. D'autres mesures de répartition des médecins doivent être prévues. Pour la clause du besoin, il faut distinguer les cabinets médicaux d'une part et les appareils médicaux d'autre part. La garantie de liberté de commerce pose problème pour les cabinets médicaux. Par contre, la clause du  besoin pour les appareils médicaux est souhaitable, car il y a un suréquipement à Genève. Par exemple, le canton dispose d'au moins 10 IRM, alors que l'OMS prévoit 1 IRM pour 500 000 habitants ! Il doit être possible d'agir par le biais des tarifs. Enfin le carnet de santé est une bonne chose car il permet de contrôler la surconsommation et l'adéquation du traitement, s'il est couplé avec une présentation obligatoire du carnet.

En matière d'assurances complémentaires, il semble que près de la moitié de la population dispose d'une telle assurance. Les complémentaires dépendent depuis 1996 des assurances privées , lesquelles fixent librement les couvertures et les primes. La loi interdit des compensations entre les différents secteurs, par exemple entre les primes des enfants pour une couverture des coûts de santé des adultes. Il faut savoir que les assurances maladies sont favorables au principe du coût par pathologie.

Pour les cliniques privées qui figurent sur la liste du Conseil d'Etat, la nouvelle LAMal demande une division générale. La question qui va se poser est de savoir comment une telle clinique pourra soigner ses patients en privé lorsque l'on sait que seule la moitié du coût total par patient sera assurée par les caisses-maladie et que l'autre moitié, assurée dans le public par les subventions de l'Etat sera prise également en charge par les assurances maladie ; dans ce cas, les primes d'assurance complémentaire privée risquent d'exploser, et plus personne ne prendra de telles assurances. En ce qui concerne les franchises, le problème est réglé par l'ordonnance fédérale sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS). D'une manière générale, le principe de la concurrence entre les caisses-maladie doit être maintenu.

Audition de MM. Philippe Glatz, Nicolas Froelicher, James Bissel et Philippe Caruzzo de l'Association des cliniques privées du canton de Genève (ACPG)

L'ACPG comprend neuf établissements hospitaliers de soins aigus, dans un réseau de type complémentaire. Ils représentent 26 % des lits de soins aigus du canton et traitent 30 % des patients dans ce domaine avec 26 % des journées hospitalières en soins aigus, pour 1600 emplois. La complémentarité entre le secteur public et le secteur privé est insuffisamment développée dans le RD 281. Si les hôpitaux privés n'assumaient pas leurs 125 000 journées d'hospitalisation, cela représenterait 200 millions à la charge de l'Etat. Les quatre plus grands établissements privés (Les Grangettes, La Colline, La Tour et La Générale-Beaulieu) ont un taux d'occupation de 85 % en moyenne annuelle, avec une durée moyenne de séjour de 5 jours et demi par patient.

L'ACPG regrette de n'avoir pu pleinement être associée à l'établissement de la liste des hôpitaux. L'ACPG souhaite une réflexion sur le rôle de l'Etat garant ou gérant. Des accords existent entre le public et le privé dans le domaine des soins intensifs et des urgences pédiatriques (HUG et La Tour). De plus, l'hôpital de La Tour assure depuis de nombreuses années la formation d'une vingtaine de médecins assistants par année, sans subvention de l'Etat. Une meilleure collaboration est souhaitée. Dans le domaine des soins à domicile, certaines cliniques privées ont développé des structures pour les premiers jours consécutifs à la sortie de l'hôpital.

Audition de MM. Andréas Saurer et Alain Riesen (Forum Santé)

Pour les représentants du Forum Santé, l'absence d'un rapport Vaud-Genève en matière de politique sanitaire est regrettable. Le RD 281 donne peu d'indications sur l'articulation entre les besoins et les fournisseurs de soins. Par exemple, le moratoire sur le EMS est mentionné sans être justifié. Il manque une réflexion d'ensemble et sectorielle de l'offre de lits pour une véritable planification. Sur les nouveaux instruments de la planification, la question du numerus clausus est un faux problème. De fait, le nombre de places détermine les taux d'échecs entre la première et la deuxième année d'étude. Par contre, la clause du besoin est une notion centrale. Elle doit concerner le secteur public comme le privé. L'exemple des consultations ambulatoires des HUG (500 000 par année) représente le travail de 200 médecins en ville. Il faut une réflexion d'ensemble également dans le domaine ambulatoire, surtout si l'on sait que 2/3 des dépenses dans le système de santé dépendent de la décision du médecin de ville lors d'hospitalisations. La densité médicale est également en lien direct avec les coûts de la médecine ambulatoire selon M. Domenighetti (cf. annexe), une clause du besoin est nécessaire au contrôle des coûts. Le carnet de santé, enfin, est un moyen de lutte contre la surconsommation médicale. Le Forum Santé préfère l'attitude pédagogique au principe du carnet obligatoire dans une logique de simple contrôle. L'adhésion volontaire doit être liée au consentement libre et éclairé, avec le droit du patient de préserver le caractère confidentiel et de contrôler voire retirer des éléments du carnet. En fait, c'est le processus de relation entre les patients et les professionnels de la santé qui est en jeu. Il faut donc inscrire le projet de carnet de santé dans une série de mesures d'éducation à la santé en visant la responsabilisation du patient et non le contrôle social. L'exemple des malades du SIDA montre que dans une relation de confiance, beaucoup de choses peuvent évoluer entre les soignants et les patients. Si au contraire, un aspect répressif apparaît, alors une partie de la population cherchera à s'y soustraire. De toute façon, il faut favoriser le débat sur les nouveaux instruments.

Travaux de la sous-commission

Réunie à quatre reprises entre le 10 mars et le 31 mars 1998, avec deux représentants par groupe, un intense travail a été entrepris pour dégager des options et des priorités en vue d'une résolution et de motions et de les dissocier de l'acceptation ou non du RD 281.

Un tour de table a mis en évidence les principes suivants :

Les Verts sont les plus critiques sur le fait que la commission doit plancher sur une planification sanitaire que n'exige pas la LAMal alors que les décisions concernant la planification hospitalière et en particulier la liste des hôpitaux reconnus par le canton ont déjà été prises par le Conseil d'Etat. Il faut prendre acte du rapport et adopter une position minimaliste, à savoir une demi-douzaine d'objectifs.

Le PDC insiste sur le manque de données chiffrées pour évaluer les coûts futurs. Dans les hôpitaux, la planification est une réalité. Les députés peuvent donner dans une résolution ou une motion des principes prioritaires pour une politique de santé par exemple dans la complémentarité entre le secteur public et le privé. Le PDC regrette que les députés ne connaissent pas les critères ayant présidé au choix des hôpitaux sur la liste.

Pour les libéraux, l'évaluation financière est déterminante. Ils ne peuvent souscrire à la R 344 actuelle. Ils souhaitent une procédure de consultation sur les nouveaux instruments de la planification. Une tendance libérale souhaite une planification sanitaire intégrée au niveau suisse, et une prise en compte prioritaire des aspects qualitatifs plutôt que quantitatifs.

L'AdG défend le principe d'une résolution en prenant acte du rapport. Il faut distinguer les objectifs et moyens généraux d'objectifs et moyens plus ciblés. Des éléments de la planification qualitative doivent apparaître dans la résolution. Par ailleurs, l'AdG ne peut accepter la planification quantitative telle que résumée dans le rapport RD 281, en particulier la baisse linéaire du nombre de lits hospitaliers sans une réflexion plus approfondie. Il faudrait par exemple définir des critères sur les taux d'occupation minima acceptables, en-deçà desquels une diminution du nombre de lits est envisageable.

Pour les radicaux, le RD 281 est un document utile mais les données chiffrées manquent pour définir un plan d'action précis. Une motion permettrait de mieux cerner les orientations. Le principe d'amender la résolution est accepté par ce groupe.

Les socialistes ne peuvent que prendre acte de ce qui existe déjà. La résolution doit être amendée. Demander par une motion une modification fondamentale pour les années 1998-2001 est inutile. Il vaut mieux cerner les critères pour élaborer la planification sanitaire 2001-2005 dans de meilleures conditions. Une politique sanitaire devrait être basée sur une planification par objectifs de santé en indiquant les moyens.

L'idée qu'avant de voter la résolution la commission fasse part d'une motion adressée au Conseil d'Etat pour obtenir d'avantage d'informations est refusée par une majorité, plusieurs groupes étant divisés. La sous-commission élabore un projet de résolution soutenu par 10 députés avec deux abstentions ; la dernière invite est acceptée à l'unanimité. Le principe d'une motion plus détaillée est accepté et un projet est élaboré.

Fin des travaux

La résolution R 344-A proposée par la sous-commission est soumise au vote. La proposition d'ajouter un considérant sur "; la nécessité de maîtriser les coûts de la santé " est refusée par une majorité car cette notion figure dans les considérants de la motion et qu'il faut conserver la cohérence de la démarche entre les deux textes. La proposition de modifier la troisième invite de la résolution par le texte "; les principes de la planification sanitaire qualitative sont approuvés sous réserve d'une évaluation financière des objectifs engagés " est refusée par 11 non (4 AdG, 5 S, 1 Ve, 1 L), 8 oui (3 DC, 2 R, 3 L) et une abstention radicale. Au vote final, la R 344-A relative à la planification sanitaire (1998-2001) est approuvée telle qu'elle ressort des travaux de la sous-commission par 14 oui (4 AdG, 5 S, 1 Ve, 3 R, 1 L), un non (DC) et 5 abstentions (2 DC, 3 L).

Une majorité de la commission a souhaité garder comme base de travail pour une motion le texte émanant de la sous-commission. Celui-ci a été modifié dans sa forme, mais la structure en quatre parties a été conservée. Les amendements de fond ayant fait l'objet d'un débat et qui ont été acceptés ont été intégrés à la motion dans sa rédaction définitive en commission. Les amendements refusés sont les suivants :

-A. 1a ";  dont le génie génétique "

5 "; en ayant soin de maîtriser les coûts ".

Un vote séparé sur chacune des parties a été refusé. Au vote final, la motion sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001) est adoptée par 19 oui (5 AdG, 6 S, 2 Ve, 3 DC, 2 R, 1 L), 1 non (L) et 3 abstentions (1 Ve, 2 L).

Une partie du groupe libéral a souhaité joindre au présent rapport la motion M 1145 "; Pour des prestations sociales coordonnées et répondant aux besoins de la population genevoise ", renonçant ainsi à un rapport de minorité.

Ainsi, la majorité de la commission conjointe sociale et santé vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la résolution 344-A et la motion 1229 telles qu'issues des travaux stimulants, parfois tortueux mais surtout animés de la commission.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes et MM. Micheline Spoerri, Janine Berberat, Claude Howald, Geneviève Mottet-Durand, Bernard Annen et Olivier Vaucher

Dépôt: 10 juin 1997

M 1145

proposition de motion

pour des prestations sociales coordonnées et répondant aux besoinsde la population genevoise

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- qu'il est nécessaire, devant les difficultés que rencontre un nombre croissant de personnes démunies, qu'une aide sociale adaptée et active soit offerte pour l'ensemble du canton, et cela en coordination avec les communes;

- que, depuis de nombreuses années, les prestations sociales sur le territoire de la Ville de Genève sont dispensées par divers services communaux et cantonaux en parallèle, et de manière le plus souvent non concertée;

- que, compte tenu des problèmes financiers que traversent nos collectivités publiques, il est indispensable d'utiliser les deniers publics de manière optimale;

- qu'en 1996, une modification de l'article 14 de la loi cantonale sur l'assistance publique donne compétence à l'Hospice général ";d'appliquer la politique sociale définie par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat" et que, par conséquent, cette institution est désormais habilitée à assurer une coordination de l'aide au niveau cantonal,

demande au Conseil d'Etat

- de faire l'inventaire des prestations sociales offertes sur le territoire cantonal;

- de faire une étude particulière sur les prestations financières supplémentaires offertes sur le territoire des communes et, en particulier, de la Ville de Genève; de faire des propositions concrètes de répartition des tâches entre les services sociaux communaux et l'Hospice général;

- d'assurer la coordination entre les diverses prestations sociales financières offertes plus généralement sur le territoire cantonal, de tenir compte, dans ce cadre, des initiatives privées et de les encourager.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

Dans les années 1920-1930, la Ville de Genève a mis en place des prestations sociales pour ses habitants.

Celles-ci étaient de deux natures: en espèces et sous forme d'appui social essentiellement, puis infirmier.

En espèces, existaient alors non seulement des prestations financières mais également des apports matériels par des ";magasins ou établissements" de la Ville.

Sur le plan social, des aides étaient apportées soit directement par un service social de la Ville, soit par des offices proches de la Ville tels que le Bureau d'aide sociale, pour ne citer qu'une institution.

Aux environs de 1935, le canton a développé, à son tour, des prestations sociales, notamment par l'adoption de la loi cantonale sur les prestations complémentaires et sociales qui ont été intégrées en 1987-1988 aux prestations complémentaires à l'AVS-AI, et cela pour deux raisons: d'une part, la Confédération prenait en charge le 30% (actuellement 10%) de ces prestations; d'autre part, par simplification et pour éviter d'avoir deux législations parallèles.

Durant toutes ces années, la Ville de Genève a, elle aussi, développé ses prestations sociales, notamment par un réseau de services sociaux de quartier, des immeubles avec encadrement infirmier et d'autres prestations annexes attribuées directement à ses bénéficiaires, soit à des institutions semi-privées ou privées travaillant sur le territoire de la Ville.

Toutes ces démarches parallèles, et par ailleurs fort louables, ont abouti à ce que nombre de prestations peuvent être allouées simultanément aux bénéficiaires potentiels et sans aucune concertation. Il en résulte que les bénéficiaires les plus habiles obtiennent des prestations faisant double usage et les autres - la majorité - ne savent pas où s'adresser dans le dédale des offices sociaux.

Depuis la modification de la loi cantonale sur l'assistance intervenue en 1996, l'Hospice général est responsable de mettre en place la politique sociale du canton. Dès lors, il apparaît logique qu'il coordonne l'ensemble des activités sociales du canton et des communes de manière à avoir une utilisation cohérente et rationnelle des ressources affectées à cet effet.

Vu ce qui précède, il est indispensable d'uniformiser la répartition de ces prestations sociales, et cela pour les raisons suivantes:

- les bénéficiaires auront un interlocuteur central, à savoir l'Hospice général, où ils pourront s'adresser en cas de besoin, charge à celui-ci de leur indiquer leur service social de proximité;

- une réallocation de toutes ces ressources doit être effectuée de manière à éviter les ";doublons" et à utiliser de manière optimale les ressources du secteur social.

272829303132333435363738394041424344454647484950515253545556575859606162636465666768697071Débat

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. Avant d'ouvrir les débats sur la planification sanitaire, il est important de rappeler que c'est un acte qui est demandé au Grand Conseil, un acte politique qui se caractérise par peu de portée législative, qui est avant tout exprimé dans une résolution générale, et la commission a souhaité donner plus de poids à la résolution en l'appuyant d'une motion. C'est donc le fond du rapport.

En ce qui concerne les grandes lignes de la planification, ce que nous pouvons relever c'est qu'à la fin de ce siècle, pour la première fois en Suisse, le débat sur les planifications hospitalières implique également dans certains cantons le débat sur la planification sanitaire. Celle-ci est un des éléments de la politique de santé, mais les structures de soins et la politique en la matière ne sont évidemment pas superposables à la politique de santé puisque les déterminants de la santé - et je pense que nous aurons peut-être à en débattre aujourd'hui - sont bien plus larges que ceux liés aux structures de soins elles-mêmes. C'est le constat que l'on a pu faire ces vingt dernières années, à savoir que les conditions de vie, les conditions de travail, la pollution, certains facteurs externes environnementaux jouent un rôle en tant que déterminants de la santé, déterminants environnementaux et déterminants sociaux, ceci juste pour situer l'ensemble de la réflexion.

Sur le travail de la commission, j'ai souligné la difficulté de travailler à trente dans une commission conjointe sur un tel sujet. Je ne veux pas y revenir, je trouve que nous avons pu mener les travaux avec une relative diligence. Pour l'essentiel, je reviendrai plus tard sur le contenu de la motion qui me paraît amener au débat un certain nombre de propositions intéressantes.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Avec cette planification sanitaire, les députés des commissions sociale et de la santé ont dû reconnaître - je crois - qu'ils avaient atteint leurs limites. Plus de mille pages à ingurgiter puis à essayer de digérer, mission quasi impossible. Quant à la planification des travaux, elle non plus n'a pas été très simple.

Vu la complexité des domaines traités, vu l'ampleur du sujet, il est extrêmement difficile d'intervenir aujourd'hui et je n'entends pas entrer dans les détails, ce dont - pour certains secteurs - je serais bien incapable. J'aimerais au nom du groupe socialiste préciser quelques points, d'abord sur l'évolution du travail en commission : le Conseil d'Etat nous avait proposé une résolution qui ne nous offrait guère qu'une photographie de la politique de la santé. Un simple relevé de situation, un constat dont le contenu nous convenait plus ou moins bien mais sur lequel nous n'avions plus grand-chose à dire. Il s'agissait d'un état de fait. C'est pour cette raison que le parti socialiste a très rapidement proposé de modifier la résolution en approuvant simplement les principes cités et, parallèlement, que la commission travaille sur une nouvelle motion.

Cette motion reprend trois grandes préoccupations. Premièrement : améliorer la santé de la population en général et en particulier par la prévention. Nous aurons l'occasion d'ailleurs de revenir sur cet aspect lors du projet de crédit concernant la planification qualitative et les grandes priorités. Deuxièmement : oeuvrer à une meilleure collaboration tant entre partenaires qu'entre structures. Troisièmement : réformer le système de santé, imaginer de nouvelles approches, sortir d'un simple copier-coller d'une année à l'autre avec, au passage, soit quelques améliorations, soit quelques économies. Voilà pour le contenu qui a réussi à réunir la presque totalité des commissaires, et que nous soutiendrons donc aujourd'hui.

Permettez encore deux remarques. La première, c'est que pour tout ce qui touche à l'amélioration de la santé de la population en général et à la réforme du système de santé, il faudra aussi intégrer de nouveaux défis qui naîtront tant de l'évolution de la recherche que de celle de notre société et du type de vie qu'elle offre aux individus. Enfin notre groupe réaffirme son attente d'un système qui permette la meilleure égalité possible d'accès à des soins de qualité. Sur ce plan-là, l'obsession d'économies de certains et le manque total de responsabilité et d'éthique de la part des assurances nous laissent un peu inquiets. Par le vote de cette motion, nous demandons au Conseil d'Etat d'être particulièrement attentif à ce problème.

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Je dois vous avouer, Mesdames et Messieurs les députés, que cet exercice genevois de planification sanitaire m'a laissé songeur. J'ai du reste quelques regrets à exprimer à l'égard d'à peu près tout le monde, y compris à l'égard de moi-même. A l'encontre du Conseil d'Etat tout d'abord et je vais dire pourquoi. A l'encontre de la commission de la santé et de la commission sociale - puisqu'elle étaient réunies à cet effet - et je vais dire pourquoi. A l'encontre du Grand Conseil tout entier et je vais dire pourquoi. Vous voyez que le député Restellini n'a pas froid aux yeux ! Et enfin à l'encontre de moi-même...

M. Pierre-François Unger. Et tu diras pourquoi ?

M. Jean-Pierre Restellini. Et je dirai pourquoi aussi; donc tout le monde est servi !

Conseil d'Etat tout d'abord : quelle a été la chronologie des événements, Mesdames et Messieurs les députés ? Décembre 1997, élaboration définitive de la planification hospitalière genevoise par le Conseil d'Etat. Novembre 1998, c'est-à-dire maintenant, élaboration définitive de la planification sanitaire genevoise. A l'évidence, la chronologie la plus élémentaire des réflexions et décisions en matière de planification n'a pas été respectée. Pratiquement le Conseil d'Etat a arrêté la planification hospitalière, conformément aux compétences qui lui ont été dévolues par le Grand Conseil, une année avant que le Grand Conseil ne se penche sur la question de la planification sanitaire tout entière.

Qu'est-ce que la planification hospitalière ? C'est tout simplement un sous-ensemble de la planification sanitaire qui se compose de l'hospitalier et de l'ambulatoire. En d'autres termes, il eût fallu - à mon sens - que le parlement se penche d'abord sur le problème général de la planification sanitaire pour qu'ensuite seulement le Conseil d'Etat - en s'inspirant de ces lignes directrices dégagées, ma foi, par le souverain - arrête la planification hospitalière qui - faut-il le rappeler ?- constitue à elle seule environ la moitié des coûts de la santé et qui bien entendu a une incidence directe sur toute la problématique de la santé publique.

Commission de la santé et commission sociale réunies ensuite : de l'avis de la quasi-totalité des commissaires - deux commissions, trente députés, excusez du peu ! - il s'agissait avant tout d'élaborer une réflexion visant, il faut le dire, à cadrer l'exécutif en lui désignant clairement les objectifs prioritaires. Ceci d'autant plus que le très volumineux rapport du Conseil d'Etat sur la question comprenait à peu près tout, c'est-à-dire toute la médecine, tous les soins passés, présents et futurs... Monsieur Segond, vous aviez fait très fort !

Résultat des opérations : après de longues discussions, portant parfois dans la même séance sur le secret médical, les HMO, les soins aux prématurés, j'en passe et non des moindres, la commission s'est fendue d'une motion supplémentaire comprenant pas moins de dix-neuf invites, donc dix-neuf priorités supplémentaires venant s'ajouter à la quinzaine de priorités déjà dégagées par le DASS dans sa résolution. Priorités parlementaires qui cette fois vont de la lutte contre la maltraitance jusqu'à la promotion de la collaboration entre les cantons de Vaud et Genève, en passant par une action ciblée contre le mal de dos.

Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'avoir l'outrecuidance de vous dire, malgré ma jeunesse parlementaire, que tout cela n'est pas très sérieux. Planifier, c'est faire des choix. Quand on choisit tout, bien entendu on ne choisit rien. Dans ces conditions, concrètement, il est évident que c'est l'exécutif qui va faire ce choix à notre place.

Grand Conseil maintenant : je m'empresse de dire qu'il est très aisé de faire de la critique a posteriori. Je n'étais pas député à l'époque, lorsque la loi d'application de la LAMal a été adoptée, mais je crois qu'avant de confier au parlement cette haute mission de ratification de la planification sanitaire il eût été préférable de réfléchir un peu plus à la traduction politique concrète que pouvait revêtir un tel mandat. Facile de dire que l'on va planifier, encore faut-il savoir comment !

Contre moi-même enfin - on y vient, Monsieur le député Unger - enfin et surtout parce qu'il s'agissait d'un tout premier exercice, politiquement délicat et techniquement difficile et là je suis tout à fait M. Segond. Je ne sais plus qui a dit que la planification consistait à remplacer le hasard par l'erreur. Je ne partage pas ce point de vue, mais je pense qu'il illustre bien toute la difficulté du travail qui ne peut, à l'évidence, être parfait du premier coup.

Alors, je terminerai avec une proposition positive cette fois, sans savoir tout à fait quelle forme je lui donnerai : je pense qu'il serait intéressant d'envisager la création d'une sorte de comité de suivi de cette planification sanitaire, qui serait par exemple composé d'un membre par parti et qui aurait pour mission de travailler en continu avec le DASS sur cette question. Une telle mesure aurait à mon sens l'avantage d'éviter de devoir, tous les quatre ans seulement, accomplir cette mission impossible de ratification de la planification envisagée par le Conseil d'Etat, et surtout et enfin de tenir compte des évolutions de la LAMal qui vient par exemple tout récemment d'octroyer aux cantons - dans un article 51A nouveau, et c'est un véritable pétard, Mesdames et Messieurs les députés - le pouvoir de fixer des budgets enveloppes y compris concernant les prestations ambulatoires, qu'elles soient publiques ou privées. Merci de votre attention.

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La planification sanitaire, quel vaste programme ! En effet, malgré un regard critique du conseiller d'Etat en charge du dossier, la commission que j'ai présidée a travaillé avec célérité et je l'en remercie. Ce sujet est une véritable auberge espagnole. Cette résolution avait pour objectif de définir la politique de la santé à Genève, tout simplement ! De plus, les anciens comme les nouveaux députés se sont trouvés confrontés à un rapport fleuve qui va de l'égalité des soins à l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées, en passant par les maladies chroniques, le vieillissement, le sida, le cancer, la prévention, la promotion de la santé, etc. J'arrête là ma liste, tant l'énumération serait fastidieuse quoique bien entendu capitale pour la santé des Genevois.

La résolution est une réponse élargie à une exigence de la LAMal qui demandait une planification hospitalière. Malgré la nécessité d'une vision à long terme de la santé pour le XXIe siècle, la nécessité de mieux définir les priorités, la nécessité de cadrer les implications financières des soins, c'était une véritable gageure pour les députés de cautionner les grands principes d'une politique de santé sans les approfondir. Après moult auditions d'autorités en la matière, les commissaires ont décidé de vous soumettre une résolution modifiée, plus minimaliste mais décrétant les principes généraux d'une politique de santé, approuvant la planification sanitaire qualitative et demandant des instruments financiers indispensables à l'encadrement des coûts de la santé. Parallèlement, croyant au mandat plus contraignant de la motion, les commissaires vous soumettent une motion qui précise les axes principaux d'une politique de la santé pour Genève et qui demande au Conseil d'Etat de fixer des objectifs pour une impérative maîtrise des coûts. C'est dans ces conditions que le parti radical vous demande donc de voter successivement la résolution 344-A et la motion 1229.

Mme Barbara Polla (L). La majorité du groupe libéral, même s'il n'y paraît pas au premier regard, aimerait ce matin faire entendre une opinion plus radicale que celle de la majorité d'entre vous. En effet, s'il est vrai que la LAMal exige la mise en place de systèmes cantonaux de planification hospitalière et que les coûts de la santé justifient une telle exigence, il n'en reste pas moins qu'il y a planification sanitaire et étatisation sanitaire. La première paraît raisonnable, la seconde ne peut être que délétère et conduire à des situations surréalistes et absurdes où ce sont les politiciens qui décident des priorités de soins, comme nous le voyons apparaître dans la motion 1229 et dans la planification sanitaire qualitative.

Est-ce que vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, il vous paraît adéquat que ce soient les politiciens qui décident qu'il faut cibler, selon la motion 1229, les maladies cardio-vasculaires, le cancer du sein, le sida, les traumatismes non intentionnels, les douleurs du dos, la dépression et le suicide? J'espère que personne ici n'a mal au ventre, n'a de maladies infectieuses, n'a de cancer qui ne soit pas du sein, de maladies neuro-dégénératives dans sa famille ou de psychoses maniaco-dépressives !

Non, le politicien ne peut se faire le prescripteur de ce que l'on doit soigner ou non. Il est tout simplement certains domaines qui ne sont pas du ressort du politique et le domaine de la santé, celui dont nous traitons aujourd'hui, pour le bien de la santé de la population genevoise, devrait être laissé aux médecins, aux professionnels de la santé, ceux qui suivent au quotidien, étudient et soignent les maladies et les malades tels qu'ils se présentent dans leur cabinet ou leur service d'urgence.

Nous ne pouvons donc adhérer ni à la motion 1229 ni à la résolution 344 puisque celle-ci propose notamment d'approuver les principes de la planification sanitaire qualitative, c'est-à-dire en l'occurrence des priorités de santé définies par des politiques. Nous vous invitons - si vous ne voulez pas vous trouver, non pas face à une médecine à deux vitesses mais à de multiples vitesses, différentes selon les maladies dont vous seriez susceptibles de souffrir - à en faire de même.

Qu'en est-il des instruments de planification sanitaire quantitative proposés ? Je ne reprendrai pas le débat sur chacun des points mais je me concentrerai sur le numerus clausus, le carnet de santé et la clause du besoin. Le numerus clausus est un instrument largement discuté au niveau suisse et ailleurs aussi. Mais jusqu'à ce jour nous n'avons vu aucune proposition raisonnable quant à l'instrument de sélection capable de déterminer qui sera un bon médecin. Probablement tout simplement parce qu'il n'existe pas un tel instrument à l'heure actuelle. Car nous sommes bien d'accord sur ce que veut le numerus clausus : c'est une réduction de quantité; il ne s'agit pas d'une réduction de qualité des étudiants futurs médecins. Pour être un bon médecin, il faut notamment être motivé, travailleur et patient; il faut de l'endurance. Le système actuel permet à tous ceux qui garderaient ce magnifique idéal de soigner les autres, de tester leur endurance, leur motivation au cours d'une première année d'étude. Perte de temps ? Pas forcément ! Et ce n'est que le jour où un système de sélection meilleur nous aura été proposé que nous pourrons considérer le numerus clausus.

En ce qui concerne le carnet de santé, il pourrait quant à lui être un instrument intéressant, s'il est conçu comme un outil d'amélioration de la qualité des soins, un outil au bénéfice premier du patient, utilisé dans la plus absolue des confidentialités et non comme un instrument de contrôle. Qualité des soins oui, contrôle jusque dans le plus privé de notre vie, non.

Venons-en finalement à la clause du besoin. Nous ne voulons pas de surveillance de l'Etat sur la médecine privée dans la mesure où, à Genève, l'Association des médecins privés planifie elle-même raisonnablement ses activités. Nous ne voulons pas d'une médecine d'Etat. Nous voulons que la médecine reste un art, nous voulons que chacun puisse choisir son type de médecin ou plus largement son type de thérapeute, son type de traitement tel que négocié, choisi, décidé dans une relation thérapeutique positive, tout en assumant sa part de responsabilité, notamment financière, qui en découle. A trop vouloir surveiller, Monsieur Segond, à trop vouloir contrôler, superviser, taxer, planifier, maîtriser, on finit par tuer la qualité; et cela, nous ne le voulons pas.

Je sais, Monsieur le président, vous avez des chiffres, des comparaisons intercantonales, mais dans ces chiffres n'oublions pas non plus qu'en Suisse un emploi sur six est issu des domaines liés à la santé. A Genève en particulier, la médecine participe activement tant à l'économie qu'à l'emploi. Et surtout, n'oublions pas que les professionnels de la santé, comme dans tous les autres domaines, pourraient être des partenaires et qu'ils le seraient bien volontiers, des partenaires solides d'une planification sanitaire à laquelle ils participeraient pleinement. Plutôt que des contrôles et des surveillances, nous proposons de mieux intégrer les praticiens dans les systèmes de santé, d'associer concrètement la pratique ambulatoire privée aux réseaux de soins existants ou à développer, avec pour objectif une meilleure orientation des patients, la mise en place de filières de soins et l'expérimentation de nouveaux modes de collaboration.

La planification sanitaire ne peut se faire qu'avec les médecins et non contre eux, sinon, au bout du compte, elle sera contre les patients aussi.

J'aimerais terminer par les questions de prévention. Il est aujourd'hui fort à la mode de préférer la prévention aux soins, de détourner les efforts des soins curatifs, qui seraient bien trop techniques, pour les réorienter vers les soins palliatifs ou préventifs, sauf bien sûr lorsqu'on est vraiment malade ! J'aimerais souligner une fois de plus le rôle central, en termes de prévention, de promotion de la santé, du professionnel de la santé proche du patient. A peu de frais et depuis longtemps, les médecins traitants dans leur cabinet font de la médecine environnementale et préventive et de la promotion de la santé, tout comme le font les infirmières dans le cadre notamment des soins à domicile. Il y a donc lieu de valoriser le travail des professionnels privés en termes de prévention et de médecine environnementale.

Je conclurai avec ce message, Mesdames et Messieurs les députés : nous avons encore la chance d'avoir à Genève une médecine de qualité, hospitalière et privée, pas encore complètement «formolisée», malgré une volonté incompréhensible d'affaiblir les professions médicales. Plutôt que de multiplier contrôles et surveillance d'Etat, travaillons avec les professionnels de la santé, en partenaires, pour le mieux de la santé et des finances. Permettez-moi ce mot, Monsieur le conseiller d'Etat : rendons à Segond ce qui est à Segond, mais pas davantage ! Vous l'avez compris, je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte du rapport de M. Godinat mais de refuser la résolution 344-A et la motion 1229. Je vous remercie.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (PDC). Il aura fallu, il est vrai, pas moins de treize séances plénières aux trente commissaires des commissions sociale et de la santé et quatre sous-commissions ad hoc pour venir à bout des analyse et prise de position concernant le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de santé et la planification sanitaire ainsi que le projet de résolution relative à celles-ci. Si cela démontre l'intérêt du sujet, cela en marque surtout la complexité. La complexité dans le domaine de la santé tient effectivement aux questions de politique de santé qui sont intimement liées aux options économiques, politiques et sociales mais plus fondamentalement - et c'est probablement cela qui nous a amenés à travailler autant - à la tradition et à la culture de notre pays et canton dans les considérations et les choix à porter dans le domaine de la santé.

Tout comme pour l'éducation, tout le monde est concerné, chacun a quelque chose à dire et se sent même expert de son expérience. Parallèlement, le jeu des lobbies - ciel qu'ils sont nombreux ! - ne rend pas la tâche du législateur facile, confronté qu'il est aux pressions diverses. Le Conseil d'Etat dit dans son introduction, je le cite, que «planifier, c'est essentiellement restructurer le réseau sanitaire et réorienter les ressources». Si ce n'était que cela ! Mais en considérant ce point de vue, on assiste en fait à une sorte de révolution. Une révolution des conceptions de la santé et des priorités et le débat est bien celui-là. A travers les auditions des multiples acteurs du système de santé, tout a été dit et son contraire.

Finalement, c'est à travers des conceptions personnelles fortes, des expériences vécues et les orientations clefs des différents partis politiques que nous sommes parvenus, très modestement, à proposer une conception plus communautaire de la santé ayant pour conséquence, par exemple, de donner une orientation aux choix politiques telle que : plus de prévention et d'éducation, développement des soins ambulatoires et à domicile, prise en compte des déterminants qualitatifs agissant sur la santé, tel l'environnement, le stress, etc.

Les changements à prévoir et à réaliser sont considérables surtout par le changement de mentalité que cela implique, à travers la conception également du citoyen-client qui devient responsable et informé, ce qui apparaît à certains extrêmement dérangeant. Reste encore à débattre des moyens et ressources pour y parvenir. Les instruments actuels sont en fait en voie de développement dans notre pays : statistiques sanitaires, comptabilité analytique, etc. ne nous permettent pas une bonne identification des mesures nécessaires à toute planification, qu'elle soit cantonale ou fédérale.

Cela cependant ne reste pas suffisant. Il y a les méthodes et les outils nouveaux qui nous sont proposés, tels que le numerus clausus, la clause du besoin et le carnet de santé. A ce niveau, les outils choisis ne sont pas seulement techniques, mais ils sont essentiellement politiques et c'est là le deuxième débat.

Nous sommes donc aujourd'hui dans un processus de changement assez radical - c'est le cas de le dire ! - où les mesures quantitatives dominent largement l'approche qualitative. Il nous faudra donc un certain temps pour que progressivement un rééquilibrage se réalise, pour atteindre l'objectif de la maîtrise des coûts de la santé et répondre en même temps aux trente-huit objectifs de l'OMS. Cette manière de faire est diversement appréciée par les citoyens utilisateurs du système de santé, qui peuvent se sentir aujourd'hui otages du système plus que bénéficiaires. Par conséquent, le PDC souhaite également qu'une évaluation financière soit réalisée sur les nouvelles orientations du système de santé, tels les soins à domicile, les EMS.

La réalité des faits sociaux et économiques nous contraint à poursuivre la réforme entamée, renforcée par une approche plus globale intégrant le quantitatif et le qualitatif, le public et le privé, à travers une mise en réseau des ressources cantonales, régionales et nationales pour le bien de la communauté. Le PDC vous prie d'accepter la résolution 344-A et la motion 1229.

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. J'aimerais réagir à quelques interventions, en premier lieu à celle de M. Restellini. Monsieur Restellini, je vous rejoins effectivement sur le fait que la politique sanitaire devrait logiquement précéder une planification hospitalière. Néanmoins nous avons eu, dans le délai parlementaire, des limites objectives puisque la LAMal exigeait une planification hospitalière à la fin 1997; raison pour laquelle la commission n'a pas revu la planification sanitaire quantitative en tant que telle. Nous avons estimé - je vais y revenir - que, d'une part, nous n'avions pas tous les éléments nous permettant d'approuver, sans commentaires, la planification sanitaire quantitative telle qu'elle figure dans le rapport du Conseil d'Etat. D'autre part, la décision prise par le même Conseil d'Etat en matière de reconnaissance de la liste des établissements hospitaliers étant déjà prise, la commission n'avait plus à se prononcer sur cet aspect particulier.

En ce qui concerne votre critique sur les priorités que la commission se seraient permis de définir, non, Monsieur Restellini ! La commission a travaillé en essayant d'avoir une méthode : d'une part définir des principes auxquels on pouvait s'attacher, tels qu'ils figurent dans la résolution et la première partie de celle-ci rassemble un certain nombre de principes généraux dans lesquels nous pensons nous reconnaître. D'autre part, nous avons mis l'accent - et là je rejoins Mme Engelberts - sur la planification sanitaire qualitative; j'y reviendrai parce qu'elle nous paraît très importante.

Enfin les instruments. Là j'aimerais quand même relever un certain nombre de choses : actuellement nous manquons des outils les plus rudimentaires et élémentaires pour nous permettre de définir une planification sanitaire. J'aimerais citer à ce propos ce que souligne M. Gilliand dans son rapport 1996 à la page 47 : «Une stricte comparaison de capacité réceptive en lits médico-hospitaliers Vaud-Genève n'est guère possible en Suisse car les différences entre les vingt-six systèmes de santé sont considérables. De plus, les carences de la statistique sanitaire et des dénominations typologiques variant d'un canton à l'autre compliquent toute comparaison, même entre cantons qui disposent d'éléments chiffrés.» Voilà ce qu'il en est.

Nous sommes à l'aube d'une planification sanitaire en Suisse et, cependant, tout le monde reconnaît la carence des statistiques sanitaires. Nous avons mis l'accent sur la nécessité impérieuse de développer les instruments actuels et d'avoir des instruments nouveaux. Je vais revenir sur ces instruments nouveaux qui me paraissent indispensables pour une politique sanitaire. Quant à votre proposition de commission de suivi, elle me paraît excellente. Il faudra en tout cas en discuter mais je pense que c'est une proposition à retenir.

Quant à Mme Polla, là je suis obligé de lui répondre. Il n'a jamais été question, Madame Polla, d'étatiser la médecine, d'étatiser les structures de soins en général. Notre groupe n'a jamais affirmé une telle chose ! Nous avons défendu le principe d'une complémentarité; nous nous sommes battus et nous nous battrons chaque fois qu'il y aura une privatisation en vue dans le domaine de la santé. Nous tenons à maintenir l'équilibre actuel. C'est la position de fond que nous défendons.

Quand vous dites que la politique de santé, il faut la confier aux seuls médecins, Madame Polla, j'aurais envie de vous conseiller la lecture d'un livre qui m'a paru très utile, écrit par des gens du Canada qui, suite au rapport Lalonde, ont passablement réfléchi sur les problèmes de planification sanitaire. Un excellent ouvrage : «Etre ou ne pas être en bonne santé, biologie et déterminants sociaux de la maladie». C'est un bouquin qui fait la synthèse des travaux scientifiques permettant une réflexion en matière de politique de santé. La conclusion est la suivante : pendant cinquante ans, nous avons bénéficié d'une croissance et d'une expansion des structures de soins liées principalement à la confiance que les politiques faisaient aux acteurs dans ce domaine. Effectivement, on a vu une croissance nécessaire, légitime, liée à la sécurité sociale et liée à la demande de soins. Mais qu'est-il apparu lors de la crise économique des années septante ? Au niveau suisse, on l'a vu : le politique intervient pour réguler un système où l'on observe une augmentation des coûts sans contrôle. Il y a donc nécessité d'intervention du politique comme cela a toujours été le cas en matière de santé publique.

Nous avons besoin de donner aux professionnels des orientations et un cadre pour fixer effectivement des règles. Si nous ne le faisons pas, nous aurons une expansion croissante des coûts. Vous voulez confier aux médecins toutes les tâches sanitaires ? Mais on court à la catastrophe avec une telle proposition, Madame Polla ! Je suis désolé de vous le dire. Nous avons besoin aujourd'hui justement de définir ensemble - y compris avec les différents groupes professionnels - des règles et des priorités en matière de santé publique, c'est ma conviction. Une fois admis que l'on veut maîtriser les coûts, que l'on veut une politique de santé avec des priorités, comment faut-il faire ? Je trouve que la commission, avec toutes les limites d'une commission parlementaire, a travaillé de manière raisonnable. Quand elle a eu connaissance du rapport sur la planification sanitaire qualitative, elle a pensé utile de l'intégrer à ses réflexions. Pourquoi ?

Dans ce document sur la santé des Genevois, on voit que l'OMS a défini trente-huit buts pour la santé de l'an 2000, qui visent à améliorer l'état de santé de la population, à promouvoir des modes de vie favorables à la santé. Or on sait que les comportements, les croyances par rapport à la santé sont des déterminants extrêmement importants qui échappent effectivement à bien des interventions médicales. Il y a nécessité d'intervention au-delà de ce cadre. L'hygiène de l'environnement, les soins appropriés et enfin les stratégies de réalisation : nous nous sommes inspirés effectivement de ces grands objectifs de l'OMS, comme l'ont fait les rapporteurs sur la planification sanitaire qualitative. Nous nous en sommes inspirés et nous avons voulu dire au Conseil d'Etat : sur la base des trente-huit objectifs de l'OMS, regardons ce qui peut être le plus pertinent ! Un travail de synthèse avait déjà été fait dans le rapport de planification sanitaire qualitative et nous en avons retenu l'essentiel dans la motion. A partir de là, le Conseil d'Etat a décidé de procéder à une large consultation pour définir cinq priorités. Nous avons actuellement à la commission des finances un projet de loi qui va dans ce sens. Nous soutenons cette démarche; nous pensons qu'elle est indispensable.

Pour finir sur les instruments nouveaux de la planification sanitaire, j'aimerais ajouter ce qui suit : la clause du besoin, ce n'est pas la panacée. Ce n'est pas ce qui va nous permettre de résoudre tous les problèmes, mais c'est un instrument indispensable qui nous permettra d'avoir des règles concernant la politique d'achat, par exemple dans le domaine hospitalier, mais aussi dans le domaine ambulatoire. Je pense qu'il serait raisonnable que les médecins se regroupent pour l'achat d'instruments coûteux. Pourquoi faut-il que chaque médecin ait dans son cabinet l'ensemble des instruments qui sont, s'agissant de leur amortissement, une charge pour la collectivité. Il serait extrêmement utile d'inciter les gens à se regrouper pour acheter les instruments indispensables à leur activité et de ne pas leur permettre de faire des investissements individuellement, sans politique sanitaire cohérente dans ce canton. Il existe un suréquipement dans les instruments, par exemple dans l'imagerie, tout le monde le reconnaît.

Il faut établir des règles claires pour qu'à l'avenir chacun, dans un consensus largement partagé, admette que pour les prochains IRM et les prochaines technologies il y aura par exemple trois cabinets médicaux regroupés de spécialistes qui pourront le faire, mais pas tous les groupes. Il faudra répartir les tâches, on sera obligé de procéder ainsi. La clause du besoin me paraît impérative, raison pour laquelle l'Alliance de gauche a déposé un projet de loi sur la clause du besoin.

M. Pierre-François Unger (PDC). Après avoir entendu les différents intervenants, je trouve chez les uns et les autres des raisons valables de suivre leur position. Néanmoins, au vu de la difficulté qu'il y a à prendre une position claire et unique, je me demande si les questions qui ont été posées l'ont été de la manière la plus pertinente.

En effet, la planification a été approchée sous l'angle de ses aspects techniques, voire technocratiques, de ses aspects politiques aussi bien sûr, mais en réalité et à mes yeux, la planification sanitaire est un problème d'abord éthique. Je ne doute pas - connaissant la qualité des députés qui ont travaillé dans les deux commissions réunies - que cette problématique ait été abordée et qu'une conscience éthique ait sous-tendu vos travaux. Néanmoins, je vous rappelle que les fondements de l'éthique médicale se basent sur des principes assez simples. Le premier, c'est le principe de l'autonomie. Toutes les réflexions de la commission ont-elle été axées sur plus d'autonomie pour les patients, pour la population et pour les gens en bonne santé qui doivent pouvoir garder cette autonomie ?

Le deuxième principe de l'éthique médicale, c'est le principe de la bienfaisance. Avons-nous réellement réfléchi - dans le cadre des travaux de cette commission - sur ce qui était bienfaisant pour les gens pour lesquels on est censé établir une planification ? Et puis, il y a deux valeurs que je qualifierais de positives-négatives parce qu'elles sont peut-être trop réalistes par rapport à notre goût de l'utopie dans l'éthique médicale. Il y a celle de la justice distributive. Cette justice distributive, vous l'avez évoquée. Ce peut être la clause du besoin, ce peut être le numerus clausus, mais il y a une justice distributive. Enfin, le problème de la futilité.

Mais ces problèmes éthiques tiennent compte bien sûr des besoins et des moyens dont on entend parler depuis très longtemps, puisqu'à la logique des besoins se substitue la logique des moyens. Il me semble avoir entendu ça quelque part. Je n'ai jamais entendu, en revanche, qu'à ces deux logiques-là se rajoute la logique du savoir. La logique du savoir nous montre des choses tout à fait impressionnantes au virage du troisième millénaire. Les enjeux scientifiques de cette fin de siècle et du début du siècle prochain sont au nombre de deux : la maîtrise du génome humain et la maîtrise du système nerveux central, qu'on le veuille ou non. Que cela nous arrange ou non, ces deux maîtrises arrivent tranquillement à la vue des uns et des autres. Et ces deux maîtrises montrent très fortement à quel point elles s'articulent entre l'individu et son milieu social, environnemental et professionnel. La science nous confronte, à l'évidence, à des enjeux de nature différente qu'une simple planification technocratique.

Quant à moi, je m'abstiendrai sur ces différentes propositions, tant il est vrai que je n'ai pas ressenti suffisamment fortement - dans les rapports des uns et des autres - que la conscience fondamentale était une conscience éthique à l'issue de laquelle les décisions politiques et technocratiques pouvaient être prises.

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. Pour revenir aux remarques de M. Unger, je pense qu'effectivement les principes éthiques sont des principes supérieurs. Vous avez tout à fait raison, Monsieur Unger. Certains de ces principes étaient implicites. Au premier paragraphe de la proposition de résolution qui dit, par exemple : «Les principes généraux d'une politique de santé visant à promouvoir l'égalité d'accès aux soins et la qualité des soins...», il est vrai qu'on aurait pu préciser : «dans le cadre de l'indépendance et de l'autonomie», mais n'importe quel professionnel pourvu de conscience applique ce principe éthique. Cela dit, nous pourrions effectivement le rajouter, vous avez tout à fait raison.

En ce qui concerne les deux grandes percées du savoir scientifique à l'aube du XXIe siècle, je peux partager avec vous l'idée qu'il y aura effectivement d'importants progrès dans le domaine génétique, qu'il y aura d'importants progrès dans les neurosciences, mais ne pensez pas que l'on va résoudre par ces percées l'ensemble des problèmes de politique sanitaire. On va progresser dans des champs de savoir extrêmement importants, mais je vous assure, en tant que psychiatre, qu'il va rester une dose d'inconnu. Nous aurons affaire aux croyances des patients et aux mythes que les patients ont comme guide dans leur existence et qui leur posent parfois des problèmes. Nous aurons encore du pain sur la planche. Je pense que nous avons à garder une certaine modestie en la matière. Je suis vraiment partisan du développement des neurosciences et du génie génétique. Je trouve que ces percées sont intéressantes, mais gardons les pieds sur terre, la politique sanitaire doit répondre à d'autres principes que le développement de ces deux secteurs.

M. Albert Rodrik (S). Je n'interviens pas, en principe, dans les débats touchant la santé et le social, mais des souvenirs sont venus à mon esprit tout à l'heure en entendant une certaine intervention. J'ai rejoint ce qui est maintenant le département de l'action sociale et de la santé, le 1er décembre 1977. La «guerre civile» faisait rage et le reproche adressé à feu Willy Donzé était : «Vous voulez étatiser la médecine.» Vingt et une années sont passées, quatre conseillers d'Etat ont défilé; j'ai l'impression que c'est l'objectif politique le plus loupé de la République parce que si vraiment il avait existé, on l'aurait véritablement totalement, mais totalement raté. Je voudrais simplement dire une petite chose ici : mon Dieu, cessons de débiter ce genre de choses.

Le député libéral qui était assis pendant très longtemps à la place de Mme Polla - et qui m'honorait de son amitié - avait reçu de ma part cette interrogation : avec quels moyens légaux et quels moyens financiers l'Etat de Genève pourrait-il bien étatiser la médecine ? Ces questions n'ont toujours pas reçu de réponse, par conséquent la médecine genevoise n'est pas, Dieu merci, étatisée ! Merci pour elle.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les débats de votre assemblée plénière qui reflètent ceux qui ont eu lieu dans le cadre de la commission. En guise de conclusion à ce débat sur la planification sanitaire, il faut rappeler - aussi paradoxal que cela puisse paraître - qu'à la veille de l'an 2000 la vision de la santé dans le monde occidental repose sur deux constatations qui sont complètement contradictoires.

D'une part, jamais dans l'histoire du monde une population n'a été en meilleure santé en termes d'espérance de vie à la naissance, de mortalité infantile et d'accès aux soins. D'autre part, jamais non plus la distribution des soins médicaux, la densité des infrastructures sanitaires lourdes, de manière générale l'organisation du système de santé et son fonctionnement n'ont suscité autant de critiques relatives à son coût.

Ces critiques sont souvent ressenties comme injustes par les professionnels de la santé. La médecine a fait des progrès spectaculaires - et M. Unger vient de dessiner encore quelques lignes d'avenir - ces cinquante dernières années. Après des millénaires d'impuissance, elle nous a donné le pouvoir de triompher de toute une série de maladies qui étaient fatales à nos ancêtres, mais aussi à nos grands-parents, telles que la tuberculose, la syphilis, la variole. Aujourd'hui des transplantations d'organes sont possibles. Et les lois qui président à la formation de la vie et à l'attribution du patrimoine génétique commencent à être connues et sont prometteuses de succès futurs.

Il faut résoudre cette contradiction entre un formidable succès du système de santé et une grande discussion sur son fonctionnement et ses coûts. Les autorités suisses et les autorités genevoises ont donc pensé concilier ces deux contradictions par l'idée de planification sanitaire et en particulier de planification hospitalière. Cette idée de planification sanitaire, cette idée de planification hospitalière est un exercice techniquement difficile et politiquement délicat : non seulement vous avez eu de la difficulté à maîtriser cette matière mais, en même temps, vous avez eu de la difficulté à arrêter des choix : nous nous retrouvons au terme du débat avec trente priorités, c'est-à-dire aucune.

Quelle démarche le Conseil d'Etat, face à cet exercice techniquement difficile et politiquement délicat qu'est la planification sanitaire, a-t-il suivie ? Il s'agit d'une longue démarche. Elle a commencé, il y a maintenant près de huit ans, par la décision du Conseil d'Etat de choisir d'abord une méthode, de choisir une grille de lecture du système de santé. C'est ce que le Conseil d'Etat a fait il y a maintenant huit ans, en 1990, en retenant les trente-huit objectifs de santé définis par l'OMS pour l'Europe occidentale comme grille de lecture de la situation genevoise. Après avoir choisi la méthode, le Conseil d'Etat a fait procéder à deux bilans par des institutions universitaires qui, comme vous le savez, ont pour charge d'établir les faits de façon à ce que l'échange des opinions se fasse sur une base factuelle, scientifiquement établie par des instances académiques.

Ces deux bilans, vous les connaissez : c'est, d'une part, le bilan de santé des Genevois publié par l'Institut de médecine sociale et préventive et c'est, d'autre part, le bilan de santé du système de santé de notre canton, qui a été établi par le professeur Gilliand.

On nous dit : ce sont des décisions autoritaires qui sont proposées par l'autorité cantonale. C'est oublier, Mesdames et Messieurs - parce que les êtres humains et notamment les députés n'ont pas beaucoup de mémoire - que tous ces documents ont été mis en consultation, il y a maintenant deux ans, auprès de plus de trois cents partenaires du secteur public comme du secteur privé, qu'ils ont été mis à jour en tenant compte de toutes les observations recueillies et qu'ils ont été publiés.

Une fois ce travail accompli, le Conseil d'Etat a décidé de procéder par trois démarches simultanées : premièrement, établir les principes de la politique de santé; ensuite définir la planification quantitative qui définit des crédits, des lits, des journées d'hospitalisation, qui est essentiellement destinée à des gestionnaires; enfin, le Conseil d'Etat a élaboré une planification qualitative qui, à l'intérieur des moyens donnés par la planification quantitative, définit des objectifs de santé et propose cinq priorités choisies au terme d'une procédure de consultation des professionnels de la santé.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous sommes dans le débat politique. Et les députés de ce Grand Conseil, je l'espère, vont donner leur agrément - vu les conclusions des commissions des affaires sociales et de la santé - aux principes qui gouvernent le système de santé et à la planification sanitaire quantitative. En outre, vous allez nous demander l'étude de nouveaux instruments de planification que nous allons conduire. Enfin, vous aurez, à la fin de l'année, à voter dans le cadre du projet de budget 1999 la planification qualitative, celle qui donne du sens à toute l'opération : elle définit cinq priorités de santé pour tous les acteurs publics et privés du système de santé de notre canton pour les quatre prochaines années à venir.

J'aimerais remercier les membres des deux commissions qui, sous la houlette - je n'ose pas parler de férule - de Mme de Tassigny, ont conduit de nombreux travaux dans des circonstances souvent difficiles. J'aimerais remercier en particulier le rapporteur pour un rapport excellent, compte tenu de la difficulté de faire une bonne synthèse sur cette matière. J'aimerais donc vous inviter à voter les textes qui vous sont proposés par les deux commissions des affaires sociales et de la santé.

RD 281-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

R 344-A

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(344)

relative à la planification sanitaire (1998-2001)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,vu :

- la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal), en particulier l'art.39,

- la loi cantonale d'application de la LAMal (J 3 05),art.3, al.1,

- la loi cantonale instituant un plan directeur des prestations sanitaires (K 1 10),

- le rapport Gilliand sur le système de santé genevois publié en décembre 1996,

- le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001),

- les rapports sur la planification sanitaire qualitative publiés en janvier 1998,

- les décisions prises par le Conseil d'Etat sur la liste des établissements hospitaliers en 1997,

- la loi sur l'aide à domicile (K 1 05),

- la loi sur les établissements médico-sociaux (J 7 20),

décrète

1. Les principes généraux d'une politique de santé visant à promouvoir l'égalité d'accès aux soins et la qualité des soins sont approuvés.

2. Les principes généraux d'une planification sanitaire visant notamment à promouvoir la santé et la prévention des maladies et des accidents, à développer les réseaux de soins ambulatoires, à domicile et hospitaliers sont approuvés.

3. Les principes de la planification sanitaire qualitative sont approuvés.

4. La mise en oeuvre des instruments existants de la planification, notamment les statistiques sanitaires, la comptabilité analytique, les indicateurs de qualité, la liste des fournisseurs de prestations, les mandats de prestations, est approuvée.

5. Le Conseil d'Etat est chargé de fournir un rapport sur les nouveaux instruments de la planification sanitaire tels que la clause du besoin, le carnet de santé, la limitation du nombre d'étudiants en médecine et la limitation du nombre de places de stages hospitaliers après une large consultation des milieux concernés.

M 1229

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1229)sur la politique de santé et sur la planification sanitaire (1998-2001)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- le rapport de la planification sanitaire ;

- la résolution 344-A ;

- la nécessité de définir des objectifs et des moyens dans la planification sanitaire ;

- la nécessité de maîtriser les coûts de la santé ;

invite le Conseil d'Etat

A

Pour maintenir et, si possible, améliorer l'état de santé de la population genevoise à poursuivre de façon générale les buts suivants :

1. réduire les décès prématurés et maladies évitables, grâce aux connaissances scientifiques actuelles par une action ciblée notamment sur les maladies cardio-vasculaires, le cancer du sein, le SIDA, les traumatismes non intentionnels, les douleurs du dos, la dépression et le suicide ;

2. diminuer ou éliminer certains déterminants comportementaux et environnementaux ayant un impact négatif sur la santé par une action ciblée notamment sur le tabagisme, l'alcoolisme, la toxicomanie, le stress et la maltraitance ;

3. prévenir les effets de la précarisation sur la santé par une action visant à réduire les effets néfastes du chômage et de l'isolement ;

4. réduire les conséquences des maladies sur la qualité de vie, en particulier avec les soins palliatifs ;

5. préserver les acquis du système de santé tout en améliorant sa qualité, son accessibilité et son efficience ;

6. développer la recherche scientifique fondamentale et clinique ;

B

1. promouvoir une planification sanitaire intercantonale notamment entre les cantons de Vaud et de Genève, voire régionale ;

2. encourager une meilleure collaboration entre les secteurs privé et public sous le principe de la complémentarité dans tous les domaines, y compris la formation et renforcer la concertation nécessaire entre les partenaires, acteurs du système de soins ;

3. évaluer les besoins de soins hospitaliers afin de déterminer le nombre de lits nécessaires en tenant compte de manière adéquate du secteur privé tout en garantissant l'accès pour tous ;

4. développer un tableau de bord statistique détaillé et opérationnel pour faciliter des comparaisons fiables entre public et privé ;

5. mettre en place un système d'information adéquat et performant, et renforcer la concertation nécessaire entre les partenaires, acteurs du système de soins, afin de guider le système de santé et évaluer son impact en termes d'efficacité et son efficience ;

C

Envisager une réforme du système de santé selon les axes prioritaires suivants:

1. une augmentation importante et coordonnée des activités de prévention et de promotion de la santé au niveau de la population générale par des actions tout public à travers les médias et dans des lieux spécifiques (centre d'action sociale et de santé, centres de quartier, pharmacies, écoles) et par des actions ciblées pour des personnes à haut risque ;

2. un changement des pratiques médicales mettant l'accent sur une approche préventive, intégrant les divers aspects de la santé, soutenu par des incitatifs financiers et une formation pré-, postgraduée et continue appropriée ;

3. un déplacement des activités de l'hospitalier vers l'ambulatoire, essentiellement dans le but d'augmenter la qualité de vie des malades, le seul but de la réduction des coûts ne correspondant pas aux résultats de cette analyse, ni aux expériences faites ailleurs ;

4. une maîtrise des coûts qui, tout en conservant le niveau actuel des dépenses, vise à augmenter l'efficience du système des soins (ceci concerne autant les soins hospitaliers qu'ambulatoires), et à attribuer les ressources ainsi dégagées aux activités de prévention et de promotion de la santé, de la recherche et de la formation continue ;

5. une meilleure information par un rappel régulier à chacun de sa responsabilité personnelle dans l'augmentation des coûts de la santé ;

6. la désignation d'une instance coordinatrice responsable de veiller à la mise en oeuvre de l'ensemble du plan d'action défini dans la politique de santé, chaque institution, organisation ou association concernée assumant ses responsabilités telles que précisées au préalable.

D

1. à présenter un rapport détaillé et chiffré et financier sur les effets de la planification sanitaire (1998-2001) ;

2. à fixer les objectifs pour maîtriser les dépenses et orienter les ressources, et fournir au Grand Conseil une évaluation financière qui recouvre tous les principes d'application et les instruments prévus dans le rapport du Conseil d'Etat relative à la planification sanitaire (1998-2001).

Le président. A la demande du Conseil d'Etat, le Bureau à l'unanimité vous propose de traiter maintenant le point 89 qui est intimement lié à celui que nous venons de traiter. Pour traiter cet objet, je cède la présidence à notre deuxième vice-président. Je suis appelé à des tâches officielles et ne reviendrai que dans une heure ou deux.

Présidence de M. Roger Beer, deuxième vice-président