Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 44e séance

PL 7870-A
12. Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les allocations familiales (J 5 10). ( -) PL7870
 Mémorial 1998 : Projet, 3753. Renvoi en commission, 3763.
Rapport de Mme Véronique Pürro (S), commission des affaires sociales

Sous la présidence de Mme M.-F. de Tassigny et avec la collaboration de M. P.-O. Vallotton, directeur de cabinet, la Commission des affaires sociales a consacré quatre séances à l'examen du projet de loi 7870. Les commissaires remercient Mme N. Seyfried ainsi que MM. L. Ricou et J.-L. Constant qui ont assuré les procès-verbaux de ces séances.

La séance du 1er septembre a été réservée à l'audition de MM. M. Barde, président de la Conférence des caisses d'allocations familiales genevoise (CCAFG), J. Pellet et L. Abbé-Décarroux, respectivement chef de service des allocations familiales et gérant-adjoint de la CIAM-AVS, celle du 8 septembre à l'audition, en présence de M. G.-O. Segond, président du Département de l'action sociale et de la santé, de Mme D. Siebold et M. J.-Cl. Risse, respectivement directrice et juriste de la Caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC), celle du 15 septembre à l'audition de MM. J. Robert et J.-M. Varcher représentants de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et enfin la séance du 22 septembre a été consacrée à la fin de la discussion et aux conclusions des commissaires.

Rappel

Suite au jugement du Tribunal fédéral du 30 octobre 1997, lequel conclut, au nom du principe de la légalité, à l'annulation des termes "; au moins " figurant dans les art 27 al. et 28 al. 1 de la loi du 1er mars 1996 sur les allocations familiales, le Conseil d'Etat proposa la modification des dispositions concernées. Pour mémoire, la situation actuelle retient un taux de contribution de 1,3 % "; au moins " de la masse salariale, respectivement du revenu. Cette disposition fixe donc un taux plancher sans prévoir de plafonnement. Selon le Tribunal fédéral, "; cette situation ouvre la porte aux abus et ne permet pas de protéger les personnes tenues de s'affilier à une caisse d'allocation familiale face à une caisse qui fixerait le taux de contribution à un niveau exagérément élevé ". Le Conseil d'Etat examina ainsi les deux solutions retenues par le Tribunal fédéral, soit celle d'un taux unique de contribution et celle d'un taux plancher et d'un taux plafond, pour retenir la deuxième d'entre elles. Par ailleurs, afin d'éliminer des dysfonctionnements constatés à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi dès son entrée en vigueur le 1er janvier 1997, le Conseil d'Etat profita de l'occasion pour soumettre au Grand Conseil la modification des articles suivants : l'art. 12, al. 3, l'art. 45, al. 4 et l'art. 50, al.1 et al. 2.

Travaux de la Commission des affaires sociales

La discussion s'est essentiellement axée sur la disposition sujette à controverse, soit celle concernant le taux de contribution. Dans cette perspective, la commission a passé en revue les avantages et les inconvénients des deux solutions largement présentées et commentées par le Conseil d'Etat dans l'exposé des motifs relatif au projet de loi 7870. La commission a également brièvement examiné les autres modifications suggérées par le Conseil d'Etat. Enfin, elle a étudié les propositions d'amendements présentés par la CGAS au cours de son audition.

1. Le taux de contribution

Plusieurs éléments militent en faveur du taux unique de contribution. En premier lieu, son adoption impliquerait nécessairement la création d'un fonds de compensation des allocations du type de celui de l'AVS destiné à remettre à chaque caisse les sommes dont elle a besoin pour payer les allocations et ainsi à coordonner les mouvements financiers entre les caisses d'allocations familiales. Cette solution, retenue dans le projet de loi fédérale sur les allocations familiales, permettrait notamment, comme nous l'avons souligné précédemment, d'introduire une meilleure régulation des flux financiers ainsi que de dégager des ressources supplémentaires par la suppression de la complexité administrative du système actuel de compensation.

En deuxième lieu, avec ce système s'ouvrirait la possibilité de renforcer financièrement le dispositif de l'allocation d'encouragement aux études ou de prolonger le versement de l'allocation familiale. Il permettrait également de supprimer le système actuel de compensation partielle des charges.

Enfin, dans la mesure où des projections financières ont permis d'établir qu'un taux unique de contribution fixé à 1,7 % permettrait de couvrir les charges de l'ensemble des caisses privées et publiques, ce système aurait pour conséquence un allégement sensible des charges des affiliés-ées à certaines caisses privées ayant actuellement un taux élevé de contribution.

En revanche, ce système nécessiterait une refonte complète de la loi, ce qui prendra inévitablement du temps. Dans l'immédiat, en raison de l'urgence qu'il y a à corriger les imperfections de la loi actuelle (elles coûtent de 100 000 F à 150 000 F par mois à la caisse de l'Etat), le Conseil d'Etat accorde sa préférence à la variante d'un taux plancher et d'un taux plafond.

Les auditions nous ont permis de prendre connaissance des différents points de vue, tant au niveau des employeurs, qu'à celui des employés-ées.

Ainsi, pour la CCAFG, la variante du taux unique est à rejeter pour plusieurs raisons, dont voici les principales :

- la variante du taux unique amènerait à terme la mise en place d'une caisse unique. Elle conduirait donc à la fin des caisses familiales par métier et ainsi à la suppression des relations privilégiées entre caisses familiales et bénéficiaires ;

- elle nécessiterait une refonte profonde du système, car seule la solution d'un taux plancher et d'un taux plafond respecterait notamment le dispositif actuel de financement des allocations d'encouragement aux études ;

- elle aurait un impact négatif pour certains-es employées-ées, dans la mesure où certaines conventions collectives de travail prévoient de donner davantage que le minimum fixé par la loi.

Contrairement à la CCAG, la CGAS privilégie la solution du taux unique, ceci pour le motif principal suivant :

- le système actuel qui autorise, comme la variante d'un taux plancher et d'un taux plafond, des taux différents de contribution poussent certaines entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment, à quitter leur caisse d'allocation familiale pour rejoindre une caisse moins chère. A terme, les représentants syndicaux craignent une dérégulation et un démantèlement de tout le système d'institution sociale dans les secteurs concernés. En effet, les entreprises qui quittent les caisses d'allocations familiales à leurs yeux trop chères le font pour économiser les primes. Ce faisant, elles tendent à provoquer une augmentation des primes dans les caisses actuellement considérées comme "; bon marché ", ce qui amènera tôt ou tard, mais au prix du démantèlement des institutions sociales de ces secteurs, au taux unique.

Par ailleurs, la CGAS relève que la variante du taux unique ne signifie pas nécessairement une caisse unique comme le montre l'exemple des nombreuses caisses gérant l'assurance-chômage, ceci malgré un taux unique de cotisation. S'agissant des conventions collectives de travail, la CGAS relève que rares sont celles qui prévoient des allocations supérieures au minimum fixé par la loi.

2. Les autres modifications suggérées par le Conseil d'Etat

Les modifications des articles 12, al. 3, 45, al. 4 et 50, al. 1 et al. 2 ne nécessitent pas de commentaires particuliers autres que ceux figurant dans l'exposé des motifs relatifs au projet de loi 7870, dans la mesure où il ne s'agit, comme le relève le Conseil d'Etat à l'appui de son projet de loi, que de l'élimination des dysfonctionnements constatés à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi.

3. Les propositions d'amendements présentées par la CGAS

 Lors de son audition, la CGAS forte de sa pratique en la matière, profite de l'occasion qui lui est donnée pour nous transmettre des suggestions de modification de la loi sur les allocations familiales. Il s'agit plus particulièrement :

a)  à l'art. 12, al. 1, d'étendre le délai de cinq ans non seulement au droit de demander la restitution comme déjà proposé dans le projet de loi, mais également au droit de percevoir des allocations arriérées. Cette proposition vise à reprendre la symétrie inscrite dans la loi actuellement en vigueur entre le délai de restitution des allocations familiales versées à tort et le délai pour faire valoir ce droit. Il s'agit ainsi de fournir une meilleure protection aux salariés-ées dont l'employeur aurait négligé de demander des allocations familiales, en étendant à 5 ans le délai pendant lequel 2 ans d'allocations familiales arriérées peuvent encore être demandées ;

b)  à l'art. 3 al. 2 de supprimer les mots "; prépondérant et ". Cela signifierait qu'une personne qui contribuerait de manière durable à l'entretien d'un enfant a droit à une allocation familiale. Il s'agirait ici de supprimer une condition qui pose, selon la CGAS, outre un problème d'inégalité de traitement, des difficultés quant à son application, notamment lorsqu'il convient de tenir compte du coût de la vie à l'étranger, ou encore lorsqu'il faut déterminer laquelle des deux personnes ayant un salaire plus ou moins égal contribue à l'entretien d'un enfant de manière prépondérante ;

c)  à l'art. 4 al. 1 de supprimer le mot "; partiellement ". Par la sorte, il s'agit d'effacer un pléonasme, mais aussi de supprimer, en insistant sur l'aspect partiel de la participation, des discriminations non souhaitées, selon la CGAS, par le législateur.

4. Les conclusions de la Commission

La commission, sensible à l'urgence de la situation, décide à l'unanimité de suivre la proposition du Conseil d'Etat en retenant la variante d'un taux plancher et d'un taux plafond. Cependant, une majorité des commissaires (représentants-es de l'Alliance de gauche, du parti socialiste et des Verts), estimant qu'à terme, pour les diverses raisons exprimées dans ce rapport, la solution du taux unique s'impose, se réserve le droit de revenir avec un projet de loi pour l'introduire. En attendant, elle demande au Conseil d'Etat de reprendre au plus vite avec les partenaires concernés les discussions sur la variante du taux unique.

S'agissant des suggestions faites par la CGAS, la commission décide de n'entrer en matière que sur celle (art. 12 al. 1) portant sur les articles visés par le projet de révision présenté par le Conseil d'Etat. Les propositions concernant l'art. 3 al. 2 et l'art. 4 al. 1 seront reprises en considération dans le cadre de la future révision de la loi souhaitée par la majorité de la commission pour introduire le taux unique de contribution.

Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs les députés, la Commission des affaires sociales, unanime, vous prie de suivre ses conclusions et de voter le projet de loi 7870 tel qu'il ressort de ses travaux.

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7870)

modifiant la loi sur les allocations familiales (J 5 10)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les allocations familiales, du 1er mars 1996, est modifiée comme suit :

Art. 12, al. 1 et 3 (nouvelles teneurs)

1 Le droit aux allocations familiales arriérées se prescrit par 2 ans à compter du moment où le bénéficiaire a eu connaissance de son droit à percevoir des allocations familiales, mais au plus tard 5 ans après la fin du mois pour lequel elles étaient dues.

3 Le droit de demander la restitution se prescrit par 2 ans à compter du moment où la caisse d'allocations familiales a eu connaissance des faits, mais au plus tard 5 ans après le paiement indu. Si ce droit naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est alors déterminant.

Art. 27, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le taux de contribution correspond au moins à 1,3 % et au plus à 2,5 % de la masse des salaires mentionnée à l'alinéa 1.

Art. 28, al. 1 (nouvelle teneur, sans modification de la note  marginale)

1 Les personnes de condition indépendante et les salariés d'un employeur non tenu de cotiser à l'assurance-vieillesse et survivants paient une contribution correspondant au moins à 1,3 %, et au plus à 2,5 % des revenus soumis à cotisations dans l'assurance-vieillesse et survivants, mais au minimum 120 F par année.

Art. 45, al. 4 Statut des requérants d'asile (nouvelle teneur)

4 Les requérants d'asile au bénéfice de subsides de l'assistance publique fédérale n'ont pas droit aux allocations familiales prévues par la présente loi. Pour les requérants d'asile qui ne perçoivent pas ou plus de subsides de l'assistance publique fédérale, le droit aux allocations familiales pour leurs enfants vivant à l'étranger est régi par l'article 21b de la loi fédérale sur l'asile, du 5 octobre 1979, et de ses dispositions d'exécution.

Art. 50  Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

1 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1997, sauf les articles 2, alinéa 1, lettre b, et 28, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2000. Les conjoints sans activité lucrative des personnes qui exercent une activité indépendante ou des personnes qui paient des cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants en tant que salariés d'un employeur exempté des cotisations AVS ne peuvent pas, dans l'intervalle, se prévaloir d'un droit aux allocations familiales pour personnes sans activité lucrative.

2 Est abrogée, dès le 1er janvier 2000, la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955 ; dans l'intervalle, les agriculteurs indépendants percevront les prestations dues en vertu de la présente loi, applicable par analogie.

Article 2

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.