Séance du
jeudi 22 octobre 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
12e
session -
40e
séance
PL 7871 et objet(s) lié(s)
(PL 7871)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit :
Art. 28A En cas d'infraction liée à des dérives sectaires (nouveau)
En cas d'infraction liée à des dérives sectaires, la partie civile peut également se faire assister par un membre d'un organisme reconnu d'aide aux victimes des dérives sectaires.
Art. 48B En cas d'infraction liée à des dérives sectaires (nouveau)
En cas d'infraction liée à des dérives sectaires, le plaignant interrogé en tant que témoin ou à titre de renseignement peut être assisté par un membre d'un organisme reconnu d'aide aux victimes des dérives sectaires.
Art. 107B En cas d'infraction liée à des dérives sectaires (nouveau)
1 En cas d'infraction liée à des dérives sectaires, la police informe le plaignant lors de sa première audition, de l'existence d'organismes reconnus d'aide aux victimes des dérives sectaires.
2 La police transmet à l'un des organismes reconnus les nom et adresse du plaignant si ce dernier y consent.
3 Lors de son audition le plaignant peut se faire accompagner d'un membre d'un organisme reconnu d'aide aux victimes des dérives sectaires.
4 La police informe le plaignant de ses droits.
Art. 132B En cas d'infraction liée à des dérives sectaires (nouveau)
1 Le juge d'instruction s'assure que le plaignant est informé de l'existence d'organismes reconnus d'aide aux victimes des dérives sectaires.
2 Le juge d'instruction transmet à l'un des organismes reconnus les nom et adresse du plaignant si ce dernier y consent.
3 Lors de son audition, le plaignant peut se faire accompagner d'un membre d'un organisme reconnu.
4 La partie civile peut être assistée par un membre d'un organisme reconnu pour tous les actes de la procédure.
5 Le juge d'instruction informe le plaignant et la partie civile de leurs droits.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Introduction
L'audit sur les dérives sectaires réalisé par un groupe d'experts genevois à la demande du conseiller d'Etat, chef du Département de justice et police et des transports, a rappelé que les victimes des dérives sectaires sont aujourd'hui au centre de l'attention. Alors même que le débat reste ouvert sur la définition de la secte et du catalogue des dérives sectaires, il paraît néanmoins nécessaire d'examiner le statut procédural des personnes qui en sont les victimes.
En matière de procédure pénale, l'audit a relevé que dans le cadre de la poursuite et la répression des infractions liées à des dérives sectaires, des difficultés de preuve sont souvent rencontrées.
L'audit a en conséquence souligné la nécessité d'améliorer la formation des services de police et des magistrats sur les dérives sectaires, et a proposé sur le plan législatif d'examiner la possibilité d'assister les victimes de ces dérives dans le cadre de l'instruction d'une procédure pénale.
Le présent projet de modification du code de procédure pénale tente de concrétiser cette proposition.
2. Rappel des éléments essentiels du projet
L'audit propose la création d'organismes publics ou privés de défense des victimes des dérives sectaires, qui seraient dûment reconnus par le Conseil d'Etat. Une fois cette reconnaissance obtenue, ces organismes pourraient bénéficier d'un statut particulier.
Ces organismes regrouperaient en leur sein des personnes spécialement formées sur les questions relatives aux dérives sectaires. La tâche de définition des critères que les organismes devraient remplir pour être reconnus devrait être laissée au Conseil d'Etat.
Le statut procédural particulier qui serait accordé à ces organismes spécialisés poursuivrait essentiellement deux buts :
- le soutien de la personne victime de dérives sectaires :
A cet égard, on doit noter que la présence d'un spécialiste des dérives sectaires aux côtés de la victime pourrait la sécuriser tant dans le cadre de son propre interrogatoire que lors des confrontations avec le gourou ou d'autres membres de la secte. Ce soutien s'avère nécessaire tant le témoignage des victimes et les confrontations qui en résultent sont importants pour l'établissement de l'existence d'une ou plusieurs infractions. On sait en effet que ce moyen de preuve est essentiel et que le membre de la secte qui devient dissident se voit souvent opposer les dénégations des membres restés fidèles (cf. audit p. 232 et 233).
- l'aide à la manifestation de la vérité :
Il pourrait être souhaitable que des personnes dûment formées et possédant des connaissances spécifiques sur les mécanismes des dérives sectaires, capables de les identifier, puissent participer à la procédure en particulier lorsqu'il s'agira d'interroger le gourou et les autres membres. La participation de telles personnes à la procédure pourrait s'avérer d'une importance équivalente à l'assistance d'un avocat.
Comme cela sera exposé plus loin dans le contexte du commentaire des dispositions proposées, l'intervention de ces organismes peut être envisagée sous deux formes : une assistance accordée au plaignant, ou encore le statut de partie à la procédure.
Dans le cadre du droit actuel, le plaignant est à Genève un témoin tant qu'il ne s'est pas constitué partie civile au sens de l'article 25 CPP (voir art. 49 CPP). Il n'a dès lors pas de droit d'être accompagné lors de son audition, le système genevois ne connaissant pas la notion de "; témoin assisté ". Cela étant, si le plaignant se constitue partie civile, il devient alors une partie de plein droit à la procédure et bénéficie de la possibilité d'être assisté ou représenté par un ou plusieurs avocats (art. 28 CPP).
La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infraction, du 4 octobre 1991 (ci-après LAVI, RS 312.5), entrée en vigueur le 1er janvier 1993 a entraîné plusieurs modifications du code de procédure pénale et a sensiblement amélioré le statut procédural de certaines victimes (modification du 30 avril 1993). L'article 7 LAVI et les dispositions d'exécution introduites dans le CPP (art. 48 A, 107 A, al. 4, et 132 A, al. 4, CPP) permettent notamment à celles-ci de se faire accompagner par une "; personne de confiance " lors de leur audition devant les services de police, devant le juge d'instruction, et au stade des débats (FF 1990 II 909, p. 932). Comme l'audit le souligne (cf. p. 259 et ss), la LAVI et les dispositions d'application introduites dans le CPP offrent une certaine protection aux victimes de dérives sectaires si celles-ci remplissent les conditions relativement strictes attachées à la notion de "; victime " au sens de l'article 2, alinéa 1, LAVI qui vise : "; Toute personne qui a subi du fait d'une infraction une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique. "
On ne trouve en revanche pas de définition de la notion de personne de confiance dans la LAVI ou le CPP; le Message du Conseil fédéral nous explique toutefois qu'"; il peut s'agir d'une personne appartenant à l'entourage de la victime, mais aussi d'un collaborateur d'un centre de consultation ou d'un avocat ". (FF 1990 II 909, 932). Ce dernier n'agissant toutefois pas "; ès qualité " (Mémorial du Grand Conseil 1993 II p. 2457).
Ainsi, en cas d'atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, la victime d'infractions liées à des dérives sectaires pourrait, selon le droit actuel, être accompagnée lors de sa propre audition par un membre d'un organisme reconnu. Toutefois, le champ des personnes protégées par la LAVI et l'étendue de la protection accordée sont insuffisants dans le cadre de l'application aux victimes d'infractions liées à des dérives sectaires. En effet :
- L'article 7 LAVI ne s'applique qu'à la victime proprement dite au sens de l'article 2 alinéa 1 LAVI, à l'exclusion des victimes d'infractions contre l'honneur et contre le patrimoine.
Or, ainsi que l'audit l'a relevé, les infractions contre le patrimoine ou contre l'honneur sont fréquemment présentes dans le contexte des dérives sectaires (audit p. 259 et ss).
- Si l'assistance d'une personne prévue par la LAVI est autorisée sans égard à la position formelle de la victime sur le plan procédural - et dès lors même si elle est partie civile - (Message in FF 1990 II 909, p. 932), cette assistance est limitée à l'audition de la victime, qu'elle soit interrogée en qualité de témoin ou de personne appelée à fournir des renseignements.
En conséquence, la victime au sens de l'article 2, alinéa 1, LAVI, partie civile dans la procédure, n'a aucun droit à être accompagnée d'une personne de confiance au sens de l'article 7 LAVI, lorsqu'il s'agit d'une audience consacrée à l'audition de tiers ou de l'inculpé, et qu'il n'y a pas de confrontation. Dans ce contexte, on peut d'ailleurs douter que l'article 7 LAVI autoriserait une partie civile à être assistée à la fois de son avocat et d'une autre personne de confiance lors de sa propre audition.
Les restrictions de la LAVI se justifient par la volonté d'assurer avant tout à la victime une protection face à l'obligation de comparaître et d'être confrontée à l'auteur d'une infraction ayant provoqué une atteinte à son intégrité psychique, physique ou corporelle.
Comme on l'a déjà vu, les infractions liées à des dérives sectaires recouvrent un champ plus large du Code pénal, ce qui comporte que l'assistance d'une personne spécialisée devrait également être accordée de manière plus large que la LAVI. Cette assistance servirait tant les intérêts privés de la victime que l'intérêt public à une bonne administration de la justice.
On pouvait prévoir la participation du membre d'un organisme reconnu à la procédure pénale de plusieurs manières, et en particulier :
- En permettant à un membre d'un organisme reconnu d'assister :
• le plaignant (non constitué partie civile), lorsqu'il est entendu en qualité de témoin ou à titre de renseignement ;
• le plaignant (dûment constitué partie civile), dans l'exercice de ses droits de procédure.
- En permettant à l'organisme reconnu de se porter lui-même partie civile dans le cadre de la procédure pénale. Comme cela sera examiné plus avant, cette proposition nous paraît devoir être analysée dans le cadre d'une modification possible du droit fédéral, en particulier si une infraction spécifique aux dérives sectaires, telle la "; manipulation mentale ", devait être créée.
Il va de soi, comme dans le cadre de l'article 7 LAVI (cf. FF 1990 II 909, p. 932), que la personne qui assiste la victime de dérives sectaires ne pourra exercer aucune influence sur le contenu des déclarations ni répondre aux questions à sa place. En revanche, la personne membre de l'organisme pourrait être autorisée à poser des questions aux personnes entendues, que celles-ci interviennent en qualité de témoin, d'inculpé ou de personne entendue à titre de renseignement.
3. Commentaire des dispositions du projet
Art. 28A En cas d'infraction liée à des dérives sectaires
Cette disposition, norme générale, introduit - outre la présence de l'avocat prévue par l'article 28 CPP - le droit pour la partie civile de se faire assister par un membre d'un organisme reconnu. Comme nous l'avons vu plus haut, la LAVI ne semble pas prévoir cette double assistance.
Art. 48B En cas d'infraction liée à des dérives sectaires
A l'instar de la modification du CPP en exécution de la LAVI (art. 48 A), il a paru nécessaire d'insérer dans les normes générales sur le témoignage une disposition qui prévoit pour la personne entendue en tant que témoin ou à titre de renseignement la possibilité de se faire accompagner.
Art. 107 B En cas d'infraction liée à des dérives sectaires
Il est important, au stade de l'audition par la police, alors qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'un témoignage, que la victime de dérives sectaires puisse également être assistée et informée de ses droits. La phase policière est capitale si l'on considère que le rapport qui sera ensuite établi permet au Ministère public de décider de l'ouverture d'une information. Comme en matière de LAVI, il est prévu que l'organisme reconnu puisse être informé de l'existence de la plainte, s'il ne l'est pas encore, afin de pouvoir assister ultérieurement la victime.
Art. 132B En cas d'infraction liée à des dérives sectaires
Cette disposition est le miroir de celle figurant à l'article 107 B et concerne les situations dans lesquelles la victime de dérives sectaires n'aurait pas été entendue par la police et le serait pour la première fois par un juge d'instruction. Cela emporte qu'elle soit informée de ses droits et de l'existence d'organismes publics ou privés reconnus. Les alinéas 3 et 4 permettent de distinguer les situations selon que la victime est seulement plaignante (et donc témoin) ou qu'elle s'est entre-temps constituée partie civile.
4. Modifications ultérieures dépendant d'une modification du droit fédéral
Si un intérêt public est reconnu au fait que des personnes spécialisées en matière de dérives sectaires puissent participer à l'instruction d'une cause pénale, il pourrait être envisagé de permettre directement aux organismes reconnus de se porter partie civile dans le cadre de la procédure pénale.
Selon le droit actuel, ne peuvent se constituer partie civile que le plaignant et toute autre personne lésée par une infraction poursuivie d'office (art. 25 CPP) ainsi que la victime au sens de l'article 2, alinéas 1 et 2 LAVI (art. 8, al. 1, LAVI). Le droit de procédure pénale genevois ne permet pas à une association de défense de victimes, quelle qu'elle soit, d'avoir la qualité de plaignante ou de lésée, voire même de victime au sens de la LAVI. Une association de défense peut tout au plus être le dénonciateur de l'article 9 CPP, ce qui ne lui confère pas d'autres droits dans la procédure pénale que celui de recourir contre le classement ordonné par le Ministère public (art. 191, al. 1, lettre b, CPP). Ce droit de recours n'est que partiel car le dénonciateur au sens de cette disposition doit être le dénonciateur originaire. Le recours contre le classement serait dès lors irrecevable si le Ministère public avait connaissance de l'infraction avant la dénonciation (notion de dénonciateur subséquent voir à cet égard SJ 1986 p. 469 et SJ 1992 p. 422).
Pour modifier cet état de fait, deux solutions peuvent être envisagées :
- se borner à modifier l'article 25 CPP en accordant aux associations reconnues la qualité pour se porter partie civile ;
- accorder à ces organismes reconnus le droit de porter plainte en raison de la commission d'infractions liées aux dérives sectaires.
La seconde branche de l'alternative nous paraît plus judicieuse car cela permettrait à l'organisme reconnu d'exercer un droit de plainte indépendant de celui de la victime, dans les cas où cette dernière aurait des réticences à exercer son droit.
Cette solution existe depuis longtemps dans le cadre de l'infraction de violation d'obligation d'entretien. L'article 217, alinéa 2 CP accorde le droit de plainte à des organismes publics ou privés désignés par le canton (cf. le Message du Conseil fédéral à l'appui de la modification de l'article 217, al. 2, CP in FF 1995 II 1069; sur le plan cantonal, cf. l'art. 4 de la loi genevoise sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires, du 22 avril 1977 (E 1 25) ainsi que l'art. 12, al. 2, CPP).
Pour la violation d'obligation d'entretien, la jurisprudence a rappelé qu'il importe peu que l'autorité ou le service concerné ait subi un dommage, le droit de plainte ayant été accordé aux autorités et services cantonaux "; pour parer à une situation insatisfaisante dans la mesure où des femmes ayant droit à l'entretien n'osent pas porter plainte par crainte de représailles du mari ou demeurent passives au détriment des enfants par indifférence ou pour d'autres motifs ". (ATF 119 IV 315 = JT 1995 IV 168 consid. 1b). Ce raisonnement nous paraît transposable aux victimes des dérives sectaires, sans égard à leur sexe.
Considérant le fait qu'en matière de violation d'obligation d'entretien, les dispositions cantonales ont été édictées en application de l'article 217, alinéa 2, CP, il nous paraîtrait judicieux d'attendre une modification du CP en matière de dérives sectaires avant d'ajouter à l'article 12 CPP un alinéa 3 envisageant le droit de déposer plainte.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver au projet de loi un bon accueil.
(PL 7872)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 But
La présente loi a pour objet d'assurer une utilisation de références à des pratiques religieuses ou cultuelles ainsi qu'un usage du terme "; église " conformes, notamment, aux exigences de la moralité publique et de la loyauté dans les transactions commerciales.
Article 2 Interdiction
1 Sont interdites toute utilisation, sous quelque forme que ce soit, de la dénomination "; église " ainsi que toute référence à des pratiques religieuses ou cultuelles pour des activités commerciales.
2 Sont des activités commerciales au sens de la présente loi, toutes les activités d'achat, de vente, de location ou d'échange de marchandises ou de services.
Article 3 Eglises reconnues d'utilité publique
Les Eglises reconnues d'utilité publique par le Conseil d'Etat ne sont pas soumises à l'interdiction prévue par l'article 2.
Article 4 Dérogation
1 Le Département de justice et police et des transports (ci-après : le département) accorde une dérogation à l'interdiction prévue à l'article 2 lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réalisées :
a) le requérant est organisé en la forme d'une association ou d'une fondation ;
b) l'activité commerciale n'a pas un but lucratif ;
c) l'activité commerciale est indispensable pour permettre l'exercice d'une activité religieuse ou cultuelle.
2 Le département peut exiger la production des documents comptables nécessaires pour la vérification de la réalisation des conditions énoncées à l'alinéa 1.
Article 5 émoluments
1 L'examen des demandes de dérogation prévues par l'article 3 donne lieu à la perception d'émoluments mis à la charge des requérants.
2 Le département est habilité à percevoir les émoluments prévus à l'alinéa 1 dès le dépôt de la requête et à différer l'examen de celle-ci en cas de non-paiement.
3 Les émoluments restent acquis ou dus au département en cas de refus de l'autorisation ou de retrait de la requête.
4 Le montant des émoluments est fixé par le règlement d'exécution, dans une limite comprise entre 50 F et 200 F.
5 La limite maximale fixée à l'alinéa 4 est adaptée à l'évolution du coût de la vie, calculée à partir de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, selon l'indice genevois des prix à la consommation.
Article 6 Amende administrative
1 Le département peut infliger une amende administrative d'au moins 500 F et d'au plus dix fois le chiffre d'affaires résultant de l'activité commerciale à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la présente loi ou de ses dispositions d'exécution.
2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répond solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés et entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables.
Article 7 Tribunal administratif
Les décisions du département relatives à l'application de la loi et de ses dispositions d'exécution sont susceptibles de recours au Tribunal administratif.
Article 8 Dispositions d'application
Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'exécution nécessaire pour l'application de la présente loi et fixe les émoluments.
Article 9 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Article 10 Dispositions transitoires
Les personnes morales qui, soumises à l'interdiction prévue par la loi lors de son entrée en vigueur, disposent d'un délai de six mois à compter de la date d'entrée en vigueur pour obtenir la dérogation prévue à l'article 6.
Article 11 Modification à une autre loi
La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970 (E 5 05), est modifiée comme suit :
Art. 8, al. 1, ch. 16° bis (nouveau)
16° bis décisions prises en application de la loi sur la référence à des pratiques religieuses ou au terme "; église " à des fins commerciales (C 4 11, art. 7).
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Introduction
L'audit sur les dérives sectaires réalisé par un groupe d'experts genevois à la demande du conseiller d'Etat Gérard Ramseyer, chef du Département de justice et police et des transports, a montré qu'il n'existe à l'heure actuelle à Genève aucun contrôle quant à l'utilisation du terme "; église ".
N'importe quel groupement peut intégrer le terme "; église " dans sa dénomination et bénéficier ainsi d'une sorte de légitimation, en apparaissant comme semblable aux véritables églises. Le groupement bénéficie de la sorte d'une confusion dans l'esprit du public dans la mesure où le mot "; église " est lié forcément à une activité religieuse ou cultuelle.
Il existe donc un risque important d'abus d'utilisation de la dénomination "; église " dans le cadre d'opérations commerciales. Il en va de même s'agissant de la référence à des pratiques religieuses ou cultuelles.
Le présent projet de loi a pour but d'empêcher ces abus. Il constitue une réglementation de police qui poursuit un double intérêt public : le respect de la moralité publique et de la loyauté dans les transactions commerciales.
2. Rappel des éléments essentiels du projet
La législation existante à Genève en matière de culte a, en l'état, deux volets.
En premier lieu, à teneur de l'article 176, alinéa 1, de la Constitution genevoise, "; aucune corporation, soit congrégation ne peut s'établir dans le canton, sans l'autorisation du Grand Conseil qui statue après avoir entendu le Conseil d'Etat ". L'alinéa 2 de cette disposition précise que cette "; autorisation est toujours révocable ". En application de cette norme constitutionnelle, le Grand Conseil genevois a adopté le 3 février 1872 la loi sur les corporations religieuses, qui est toujours en vigueur. Comme l'ont relevé les auteurs de l'audit, cette loi s'applique aux corporations religieuses ou congrégations, soit selon son article 1 à "; toute réunion de personnes appartenant à un ordre religieux quelconque ou à une corporation religieuse constituée à Genève ou à l'étranger, et vivant en commun, de même que toute réunion de personnes vivant en commun dans un but religieux et sous une règle uniforme ".
En second lieu, le Titre XII de la Constitution genevoise fixe le principe de la liberté de culte et prévoit les modalités d'organisation des églises à Genève. Selon l'article 165, alinéa 1, de la Constitution genevoise, "; les cultes s'exercent et les églises s'organisent en vertu de la liberté de réunion et du droit d'association ". L'alinéa 2 de cette disposition précise que "; les églises peuvent, en se conformant aux prescriptions du Code fédéral des obligations, acquérir la personnalité civile avec toutes les conséquences juridiques qui en découlent. Elles peuvent se constituer en fondation. ". Sur la base de ces dispositions, le Conseil d'Etat a adopté le 16 mai 1944 un règlement selon lequel trois églises sont reconnues d'utilité publique, à l'exclusion de toutes les autres, soit : l'église nationale protestante, l'église catholique romaine et l'église catholique chrétienne.
Le projet de loi complète ce régime légal en limitant l'utilisation du terme "; église " dans le cadre d'activités commerciales, soit d'activités d'achat, de vente, de location ou d'échange de marchandises ou de services.
Le principe est l'interdiction de toute utilisation, sous n'importe quelle forme, du terme "; église ", de même que la référence à des pratiques religieuses ou cultuelles pour des activités commerciales. Il s'agit d'empêcher, par exemple, l'utilisation de professions de prétendue foi religieuse comme un argument de vente dans des annonces à caractère commercial.
En revanche, lorsque l'aspect commercial s'efface derrière l'aspect religieux, le projet prévoit un régime de dérogation.
Le département doit accorder des dérogations lorsque l'activité commerciale n'a pas un but lucratif et est nécessaire pour permettre l'exercice de l'activité de l'église dans le canton. Dans ce cas, il appartient au département de vérifier au préalable qu'il s'agit d'une véritable église, soit d'une association ou d'une fondation qui exerce une activité religieuse et cultuelle protégée par les articles 49 et 50 de la Constitution fédérale. Les trois Eglises reconnues d'utilité publique bénéficient automatiquement de cette dérogation.
Pour garantir le respect de cette nouvelle législation, le projet propose un régime d'amende dissuasif. Le montant minimal des amendes est de 500 F. L'amende peut cependant atteindre un montant correspondant à dix fois le chiffre d'affaire réalisé en violation de la loi. De la sorte, le projet vise à priver les contrevenants éventuels de l'avantage qu'ils pourraient obtenir en violant la loi et en réalisant un profit important au risque d'une seule amende usuelle, plafonnée à quelques centaines ou milliers de francs.
Les litiges éventuels relatifs à l'application de la loi seront du ressort du Tribunal administratif afin d'assurer un contrôle judiciaire complet sur les décisions et sanctions prises ou infligées par le département de justice et police et des transports.
3. Constitutionnalité du projet
a) Respect de la liberté de conscience et de croyance
L'audit sur les dérives sectaires a montré l'étendue et les limites de la liberté de conscience et de croyance ainsi que de la liberté de culte, garanties par les articles 49 et 50 de la Constitution fédérale (audit, pp. 24-32), ainsi que par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après "; CEDH ") qui a la même portée.
En particulier, selon l'audit ces "; dispositions garantissent le droit d'avoir une conviction religieuse ou métaphysique et de la diffuser, de l'exprimer et de la mettre en pratique, ou d'adopter des comportements qui sont l'expression directe de cette conviction, moyennant le respect de certaines limites. Elles protègent ainsi les différentes manières pour un individu de concevoir les rapports de l'homme à la divinité ou au transcendant " (audit, p. 24).
Ces garanties constitutionnelles ne sont toutefois pas illimitées. Comme toutes les libertés fondamentales, elles peuvent être restreintes par des mesures étatiques pour autant que certaines exigences juridiques soient remplies.
Les conditions classiques pour une limitation d'une liberté fondamentale sont l'existence d'une base légale et d'un intérêt public, le respect des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement, ainsi que l'absence d'atteinte au noyau fondamental de la liberté. En matière de liberté religieuse, pour respecter le cadre légal fixé par l'article 9 CEDH, il devra s'agir d'un intérêt public prépondérant, soit principalement d'un motif de police ou d'un motif de protection des droits et libertés d'autrui.
En l'espèce, le projet de loi ne restreint pas l'utilisation du terme "; église " ou la référence à des pratiques cultuelles pour des activités protégées par les articles 49 et 50 de la Constitution fédérale ou par l'article 9 CEDH. Le projet porte exclusivement sur l'utilisation commerciale de ce terme ou de ces références, soit pour des activités qui sortent du champ d'application de ces libertés fondamentales. Dans ce sens, dans un arrêt assez ancien, le Tribunal fédéral a admis, par exemple, que les cantons ont "; le droit d'interdire le traitement des maladies par la prière, lorsqu'il s'y mêlent des actes étrangers aux pratiques de pure dévotion, seules protégées par l'article 50 de la Constitution fédérale " (ATF 52/1926 I 254/259, Issaef; voir aussi l'ATF 51/1925 I 485/500 ss, Forster). Dans un tel cas, l'élément religieux et cultuel ne joue qu'un rôle secondaire.
Il est intéressant de relever à ce titre qu'un rapport récent de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a relevé que le fait qu'une organisation ait un caractère religieux et a été reconnue d'intérêt public ne signifie pas que ses activités soient automatiquement traitées comme ses activités religieuses. Une distinction est parfaitement admissible, car une organisation religieuse doit séparer ses activités commerciales de ses activités religieuses (Rapport de M. Abdelfattah Amor, du 22 décembre 1997, en application de la résolution 1996/23 de la Commission des droits de l'homme).
En outre, pour éviter que la restriction imposée par le projet n'entrave l'exercice d'une activité religieuse ou cultuelle véritable, le projet prévoit un régime de dérogation. Toute organisation religieuse qui aurait besoin de mener une activité commerciale dans un but non lucratif a le droit d'obtenir une autorisation.
Une telle restriction, qui suppose notamment un contrôle sur les aspects financiers de l'organisation en cause est compatible avec les garanties constitutionnelles dont bénéficient les mouvements religieux. En effet, elle n'implique pas que l'Etat porte un jugement de valeur sur la croyance ou la religion.
Dans ce sens, il convient de relever que la Commission européenne des droits de l'homme (ci-après : la commission) a eu l'occasion de se prononcer sur les conditions de la vente d'un objet dont un groupement affirmait le caractère religieux. La Commission a rappelé que l'article 9, § 1, CEDH confère à toute personne la liberté de "; manifester sa religion ou sa conviction, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites " (Décisions et Rapports de la Commission européenne des droits de l'homme (ci-après "; DR "), 1979/ 16, pp. 68/78). La Commission a ensuite examiné le caractère admissible au regard de cette disposition de l'interdiction faite aux scientologues d'utiliser, pour désigner l'E-mètre dans une publication, les termes "; un moyen précieux de mesurer l'état de l'âme humaine et ses variations ".
La commission a affirmé que le principe fixé à l'article 9, § 1, CEDH, "; ne protège pas des professions de prétendue foi religieuse, qui apparaissent comme des ";arguments" de vente dans des annonces à caractère purement commercial, faites par un groupe religieux. A ce propos, la Commission voudrait toutefois établir une distinction entre les annonces dont l'objet est uniquement d'";informer" ou de ";décrire" et les annonces commerciales qui proposent des articles à la vente. Dès lors qu'une annonce relève de cette dernière catégorie - encore qu'elle puisse concerner des objets religieux essentiels au regard d'un besoin particulier -, des déclarations à teneur religieuse expriment, de l'avis de la commission, davantage un désir de commercialiser des marchandises à des fins lucratives qu'une conviction par les pratiques, au sens propre de ce terme. En conséquence, la commission estime que les termes qui ont été employés dans l'annonce examinée ici n'entrent pas dans le cadre du paragraphe 1 de l'article 9 et qu'aucune entrave n'a donc été apportée au droit des requérants de manifester leur religion ou leurs convictions par les pratiques, conformément audit article " (DR, 1979/ 16, pp. 68/78).
La réglementation proposée dans le présent projet suit l'analyse de la commission. Elle n'a pas pour but d'empêcher un groupement de vendre des objets ou des prestations de service, ou de faire de la publicité pour une telle vente. Elle n'empêche pas non plus l'acquisition de tels objets ou services par les adeptes. Elle exclut uniquement que le terme "; église " ou que la référence aux pratiques religieuses ou cultuelles serve d'argument de vente, à des à fins purement commerciales, pour éviter que le public ne soit trompé. En effet, la notion d'"; église " est communément liée pour le public à une activité spirituelle et non à des opérations commerciales. Il en va de même des pratiques religieuses ou cultuelles. Dans ce sens, le projet protège les consommateurs.
De même, le projet protège la moralité publique en empêchant que le terme "; église ", attaché à des valeurs fondamentales de notre société, ne soit dévoyé par une utilisation abusive dans le cadre de manoeuvres commerciales. Il serait également choquant que des références à des pratiques religieuses, qui appartiennent à la sphère privée de chaque individu, soient utilisées comme des arguments de vente.
Pour l'ensemble de ces motifs, le régime d'interdiction prévu par le projet porte sur un domaine qui n'est pas couvert par les libertés de conscience et de croyance ainsi que de culte garanties par les articles 49 et 50 de la Constitution fédérale.
Ce régime d'interdiction général, nécessaire pour son efficacité, entraîne un contrôle de police pour les véritables églises qui souhaitent avoir une certaine activité commerciale dans un but non lucratif. Dans ce cas, il s'agit d'une restriction aux libertés mentionnées ci-dessus. Toutefois, cette restriction se fonde sur une base légale et respecte les principes de l'égalité de traitement et de la proportionnalité. Poursuivant un objectif de moralité publique et de protection des droits d'autrui, elle constitue une limite admissible à la liberté religieuse.
b) Respect de la liberté économique
La liberté économique, dénommée traditionnellement liberté du commerce et de l'industrie, est garantie par l'article 31, alinéa 1, de la Constitution fédérale. Les cantons peuvent toutefois apporter, en vertu de l'article 31, alinéa, 2 de la Constitution fédérale, dans le cadre de leurs compétences, des restrictions de police au droit d'exercer librement une activité économique. Ces restrictions cantonales doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant, respecter le principe de la proportionnalité et se conformer au principe de l'égalité de traitement, en particulier entre des concurrents directs (ATF 119/1993 Ia 59, 67-68, Verband Schweizerischer Kreditbanken und Finanzierungsinstitute; ATF 121/1995 Ia 129/135, Margot Knecht et les références citées).
S'agissant de l'intérêt public poursuivi, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il est interdit aux cantons de limiter cette liberté pour des motifs de politique économique. Sont ainsi prohibées ";les mesures cantonales qui, sans reposer sur une délégation de droit fédéral, interviennent dans la libre concurrence pour assurer ou favoriser certaines branches de l'activité lucrative ou certaines formes d'exploitation et qui tendent à diriger l'activité économique selon un certain plan " ATF 120/1994 Ia 68/69-70, L.T.). Les cantons peuvent donc uniquement restreindre la liberté du commerce et de l'industrie pour des motifs de police ou de politique sociale.
Les motifs de police sont la sécurité publique, la tranquillité publique, la moralité publique, la santé publique et la loyauté des transactions commerciales, appelée aussi bonne foi en affaires.
Deux objectifs de police ont en cause en l'espèce le respect de la moralité publique et celui de la loyauté dans les transactions commerciales.
Le premier objectif se caractérise "; par l'ordre éthique qui est assez généralement accepté pour bénéficier d'une protection de l'ordre juridique " (E. Poltier, Liberté du commerce et de l'industrie, vol. II, Berne 1995, N° 440).
Le second vise notamment à protéger les consommateurs contre les procédés déloyaux et propres à tromper le public (ATF 119/1993 Ia 41/43, X. SA). Il s'agit essentiellement d'empêcher les abus et d'écarter un danger auquel le public est exposé.
En l'occurrence, le projet de loi vise à atteindre ces deux objectifs. D'une part, il protège la moralité publique en empêchant notamment que le terme "; église " ne soit dévoyé par une utilisation abusive dans le cadre de manoeuvres commerciales. D'autre part, il vise à défendre les consommateurs contre des manoeuvres destinées à réaliser des opérations commerciales sous le couvert ou au nom d'une activité religieuse, qui devrait être, a priori, désintéressée.
Le projet, qui s'applique uniformément à tous les intervenants, se conforme au principe de l'égalité de traitement entre concurrents. De plus, il garantit le respect du principe de la proportionnalité en permettant l'octroi de dérogations pour des opérations commerciales liées à une activité religieuse ou cultuelle, couverte par les articles 49 et 50 de la Constitution fédérale.
En conséquence, le projet de loi respecte également la liberté économique garantie par l'article 31 de la constitution fédérale.
4. Commentaire des dispositions du projet
Article 1 - But
Cette disposition se limite à définir l'objectif poursuivi par la loi et, en particulier, les deux motifs de police économique justifiant l'intervention de l'Etat.
Article 2 - Interdiction
Alinéa 1
La loi fonde un régime général d'interdiction de manière à éviter les tromperies et les atteintes à la moralité publique résultant de l'utilisation du terme "; église ".
En conséquence, il convient de distinguer deux situations distinctes.
En premier lieu, un groupement exerce uniquement une activité religieuse et cultuelle. Il utilise le terme "; église " dans sa dénomination en relation avec l'exercice des pratiques prévues par ses croyances. Dans ce cas, le projet n'impose absolument aucun contrôle, car il appartient à l'Etat de conserver une stricte neutralité dans ce domaine. Le projet n'implique donc aucun changement par rapport à la situation actuelle.
En second lieu, un groupement souhaite développer des activités commerciales à côté de ses pratiques religieuses et cultuelles. Dans cette optique, le groupement va procéder à la promotion et à la vente de biens ou de services. Il pourra s'agir par exemple de la vente de livres, de produits alimentaires biologiques ou de cours de formation. Dans ce cas, sous réserve d'une dérogation prévue par l'article 4, la qualification comme "; église " du groupement de même que ses pratiques religieuses ou cultuelles ne pourront pas servir d'argument de vente, car dans ce cas l'aspect commercial prédomine l'aspect religieux. Ces opérations commerciales sortent donc du champ d'application de la liberté de conscience et de croyance comme de la liberté de culte.
Alinéa 2
Afin d'assurer l'efficacité de l'interdiction prévue à l'alinéa 1, cet alinéa contient une définition large de la notion "; d'activité commerciale ". Elle recouvre toutes les opérations qui peuvent être effectuées avec un bien ou un service contre une rémunération en espèces ou en nature. Des prétendues donations qui auraient pour but de contourner le régime légal d'interdiction seraient également couvertes par cette disposition.
Sont exclues du champ des activités commerciales, toutes les véritables opérations gratuites. En effet, dans ce cas, il n'y a pas de but lucratif.
Article 3 - Eglises reconnues d'utilité publique
Les trois Eglises reconnues d'utilité publique par le règlement du 16 mai 1944 du Conseil d'Etat (C 4 15.03) bénéficient d'une dérogation automatique à l'interdiction prévue par la présente loi en raison de leur statut. Celui-ci garantit que les conditions visées à l'article 4 de la loi pour l'octroi d'une dérogation sont réalisées.
Article 4 - Dérogation
Cet alinéa fonde le régime de dérogation qui permet au département de justice et police de tenir compte des cas particuliers qui peuvent justifier une activité commerciale.
En effet, une église doit pouvoir exercer une activité commerciale lorsque cette activité est étroitement à la réalisation de son but religieux et cultuel. Ainsi, une église qui souhaite récolter des fonds dans un but de bienfaisance peut organiser une manifestation, lors de laquelle des objets sont vendus. Dans ce cas, il n'y a bien entendu pas de véritable but lucratif ou de volonté de tromper le consommateur.
Pour vérifier la nécessité de récolter des fonds dans un but de bienfaisance, le département doit avoir accès aux documents comptables de l'association ou de la fondation en cause. En principe, une vérification des comptes sur les trois à cinq dernières années devrait permettre au département d'apprécier la réalisation ou non des conditions légales.
Le régime de dérogation ne vise que les véritables églises, soit les associations et les fondations poursuivant un but religieux et cultuel, qui bénéficient de la liberté religieuse. Par définition, compte tenu de la forme juridique imposée par la constitution genevoise (audit sur les dérives sectaires, p. 127), ces églises ne peuvent avoir un but lucratif.
Il appartient au Département de justice et police de vérifier que ces conditions sont réalisées, sans porter de jugement de valeur sur les croyances en cause. De cette manière, le département conserve une stricte neutralité. Son rôle se limite à déterminer si une entité entre ou non dans le champ d'application des articles 49 et 50 de la Constitution fédérale.
Article 5 - émoluments
Alinéa 1
Cette disposition prévoit le principe de la perception d'émoluments en contrepartie du travail accompli par les services de l'administration pour l'examen des demandes de dérogation.
Alinéa 2
Cet alinéa autorise le département à exiger que les requérants fassent l'avance du paiement des émoluments, ce qui permet d'éviter de devoir déclencher des procédures de recouvrement. Le fait de devoir avancer le paiement ne prive pas les requérants d'en contester éventuellement le principe ou le montant devant le Tribunal administratif, le cas échéant conjointement ou non avec le refus de la dérogation sollicitée.
Alinéa 3
Représentant la contrepartie financière d'une prestation particulière de l'administration, les émoluments sont dus indépendamment du résultat auquel doit aboutir l'examen provoqué par la requête. Il est fréquent que des requêtes soient retirées avant qu'une décision ne soit prise. Compte tenu de la nature des émoluments, il ne se justifierait pas d'en autoriser le paiement qu'en cas d'octroi des dérogations sollicitées.
Alinéas 4-5
La loi se limite à fixer le montant minimal et maximal des émoluments ainsi que la règle applicable pour l'adaptation de ces derniers au coût de la vie. Au surplus, le règlement de détail doit figurer dans les dispositions d'exécution.
Article 6 - Amende administrative
Alinéa 1
Comme c'est le cas dans de nombreuses lois de nature administrative, il s'impose de prévoir l'amende à titre de sanction.
Pour assurer le caractère dissuasif de la sanction, le projet fixe la limite supérieure de la sanction à un montant correspondant à au plus dix fois le montant du chiffre d'affaire réalisé lors de l'infraction.
Ce type de sanction est le seul moyen de priver les contrevenants du profit de leur infraction. Un système traditionnel n'est pas efficace dans la mesure où les contrevenants prennent généralement déjà en compte le montant de la sanction avant de lancer leur opération commerciale, car ce montant est nettement inférieur au bénéfice qu'ils escomptent.
Alinéa 2
Des infractions pouvant être commises dans la gestion d'une personne morale, d'une société de personne dépourvue de la personnalité morale, ou d'une autre entreprise exploitée sous une raison individuelle, il est nécessaire de prévoir que celle-ci répond solidairement du paiement de l'amende.
Article 7 - Tribunal administratif
Cette disposition ouvre la voie du recours au Tribunal administratif contre toutes les décisions prises en application de la loi ou de ses dispositions d'exécution afin d'assurer un contrôle judiciaire complet au niveau cantonal.
Article 8 - Dispositions d'application
Pas de commentaire.
Article 9 - Entrée en vigueur
Pas de commentaire.
Article 10 - Disposition transitoire
La présente disposition instaure un régime transitoire de six mois pour permettre aux églises, qui exercent une activité commerciale lors de son entrée en vigueur et qui remplissent les conditions de l'article 4, d'obtenir une dérogation.
La loi s'applique bien entendu immédiatement à toutes les autres Eglises qui débuteraient une activité commerciale ou qui continueraient une activité commerciale sans remplir les conditions d'une dérogation après son entrée en vigueur.
Article 11 - Modification à une autre loi
Cette modification est nécessaire dans la mesure où le présent projet est une loi nouvelle qui confère une nouvelle compétence au Tribunal administratif.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver au projet de loi un bon accueil.
Préconsultation
Le président. Nous sommes en débat de préconsultation. Un interpellant par groupe peut intervenir. Le temps de parole est de cinq minutes.
M. René Longet (S). Nous avons quelques commentaires à faire au sujet de ces projets de lois que nous avons étudiés très sérieusement.
Il fut salutaire d'avoir eu le temps de la distance avec certains événements. Nous avons ainsi pu nous livrer sereinement à l'examen de ces projets qui ont pour but de contrôler certains agissements ou activités de groupes qualifiés de sectes.
Nous devons nous poser plusieurs questions, dont la première est la suivante :
Le contrôle de ces groupes et de leurs activités est-il réellement d'intérêt public ? Celui-ci est-il suffisant pour que nous agissions ? La liberté de croyance, la liberté de conscience, la liberté d'association sont des acquis de notre démocratie. Toute restriction à leur expression doit être minutieusement pesée. Ce premier point est extrêmement important à nos yeux.
Deuxième point, l'objet du contrôle. Depuis des années, nous parlons de sectes. Nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions contrôler que ce qui peut être défini. Or, la notion de secte n'est guère définissable. Par conséquent, le problème, pour nous, n'est pas de légiférer sur quelque chose qui est à géométrie variable, de lutter contre des entités qualifiées de sectes, mais de combattre des activités qui posent problème. La suite du raisonnement sera de se demander quelles sont ces activités.
Pour nous, il y a trois activités problématiques à l'encontre desquelles il est nécessaire de déployer un certain arsenal. Elles touchent aux flux financiers troubles, aux mineurs et aux atteintes à l'intégrité psychique des personnes.
Vous me direz que nous ne pouvons pas interdire à des adultes de s'aliéner, mais il n'empêche que c'est précisément cette dépersonnalisation qui nous choque tous. Agir à ce niveau sera difficile mais novateur et prometteur.
Nous avons donc besoin d'un dispositif pour parer ces trois types d'agissements. Nous insistons sur le fait que les principes de liberté de croyance et de conscience valant dans la société doivent prévaloir aussi dans les divers groupes qui la composent puisque c'est précisément ces principes qui leur permettent d'exister. Nous sommes donc dans la même logique, et c'est dans la mesure où des groupes structurés nient ces principes généraux que nous pouvons intervenir.
Je rappelle que c'est la pétition 1027, déposée voici quelque temps, qui a déclenché ce train de projets. Elle s'intitulait «Aide aux victimes des sectes». Je rappelle aussi à M. Ramseyer que ces victimes attendent l'appui et l'aide des pouvoirs publics, et j'attire spécialement son attention sur la proposition faite, en son temps, par son ex-collègue vaudois, M. Zysiadis, de créer un observatoire des sectes.
Un tel observatoire serait utile. Nous pourrions en charger l'un des départements de notre université, car il faut suivre une évolution, documenter, situer le terrain où l'on se trouve.
Dans le cadre de la liberté de croyance, de conscience et d'association, il faut lutter contre les abus, les flux financiers troubles, les exactions à l'encontre des mineurs, et introduire la notion d'atteinte à l'intégrité psychique des personnes. Cela nous paraît important et novateur.
Pour paraphraser la mise en garde «ce produit est dangereux pour votre santé» figurant sur les paquets de cigarettes, nous pourrions engager une campagne sous le slogan «s'engager dans une secte est un danger pour votre santé mentale», car c'est bien de cela qu'il s'agit.
M. Christian de Saussure (L). Nous sommes tous concernés par les dérives sectaires, notamment quand elles touchent des jeunes, des adultes fragiles psychiquement et des vieillards n'ayant plus toutes leurs capacités de discernement.
Notre groupe étudiera en commission ce projet de loi avec toute l'attention voulue.
Mais nous tenons d'emblée à émettre des réserves sur le projet de loi tel que proposé par le Conseil d'Etat.
Sauf quelques cas particuliers évidents, il n'est pas toujours aisé de distinguer un groupe ou sous-groupe religieux - surtout s'il est minoritaire - d'une secte. Ensuite, il n'est jamais facile de faire le choix entre groupes religieux ou églises légitimes et sectes à combattre. Enfin, à supposer même que l'on puisse faire cette distinction, de quel droit devrions-nous persécuter un groupe qui peut répondre à des demandes ou à des besoins honorables ?
Chaque groupe, quelle que soit son importance, peut bénéficier de la protection constitutionnelle dès lors qu'il ne contrevient pas à la liberté de pensée, de croyance, d'opinion ou d'association. Il est vrai que cette sauvegarde constitutionnelle n'est pas exempte de risques. Certains dérapages récents, parfois dramatiques, nous le rappellent. Mais, dans le même temps, nous ne pouvons tomber dans un excès répressif contraire et instaurer une véritable chasse aux sorcières qui légitimerait un Etat de prohibition inacceptable pour une société démocratique. Une telle attitude extrémiste ne serait rien d'autre qu'une forme de sectarisme, indigne d'un Etat de droit libéral.
On ne peut s'empêcher de relever que ce qui nous dérange tous c'est moins l'existence d'une secte que ses abus et dérives, lesquels tombent -- j'insiste là-dessus - sous le coup de lois déjà existantes dans le code pénal suisse, lesquelles régissent les violences physiques, y compris sexuelles, les contraintes psychiques souvent plus subtiles, les atteintes au patrimoine, les escroqueries, les extorsions, les séquestrations, etc.
Si M. le procureur général se préoccupait, avec le même intérêt, des dérives de certaines sectes que de certains autres individus ou groupes sociaux, il est évident que nous n'en serions pas à vouloir légiférer davantage. Il n'y a qu'à voir la rigueur remarquable avec laquelle nos voisins français ont répondu, sans recourir à de nouvelles lois, à certains abus sectaires graves.
Sans préjuger des travaux de la commission, notre groupe entend éviter deux écueils :
1. une dérive vers l'intolérance;
2. un excès de sens politique qui donnerait une fausse réponse à un vrai problème. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (AdG). Mes préopinants ont tenu des propos pertinents et nous devrons en débattre en commission. Ces propos, si je les ai bien entendus, portent sur le projet de loi 7871.
Je concentrerai donc mon intervention sur le projet de loi 7872 dont la teneur, à mon sens, constitue un réel dérapage. Nous lisons, dans l'exposé des motifs de ce projet concernant la référence à des pratiques religieuses ou au terme «Eglise» à des fins commerciales, que «n'importe quel groupement peut intégrer le terme «Eglise» dans sa dénomination et bénéficier ainsi d'une sorte de légitimation, en apparaissant comme semblable aux véritables Eglises».
Plus loin, nous lisons - et cela figure également dans le texte même du projet de loi puisque l'article 3 précise que ces véritables Eglises ne sont pas soumises à ces restrictions et obtiennent une dérogation d'office - que trois Eglises sont reconnues d'utilité publique par un règlement du Conseil d'Etat de 1944 - lequel, en fait, les reconnaît publiques et non d'utilité publique - à l'exclusion de toute autre communauté religieuse. Je cite le règlement en question : L'Eglise nationale protestante, l'Eglise catholique romaine, l'Eglise catholique chrétienne sont reconnues publiques à l'exclusion de toute autre communauté religieuse.
S'il est normal de trouver un certain nombre de scories dans des règlements datant de plusieurs décennies, il est inadmissible de les réactualiser dans une nouvelle loi.
En matière d'Eglises et de cultes, nous devons nous fonder sur les dispositions qui figurent dans la Constitution, lesquelles stipulent que «les cultes s'exercent et les Eglises s'organisent en vertu de la liberté de réunion et du droit d'association».
Il est spécifié que les adhérents sont tenus de se conformer aux lois générales et aux règlements de police, mais cette précision est quelque peu superfétatoire puisque tous les citoyens et habitants de ce canton sont censés se conformer aux lois.
L'exposé des motifs de ce projet de loi contient une réelle dérive. Il parle de «véritables» Eglises en faisant uniquement référence aux trois susmentionnées. Il parle de «prétendue foi religieuse» pour d'autres organisations ayant décidé de se parer du terme «Eglise». A mon sens, elles ont parfaitement le droit de le faire.
Ce n'est pas à l'Etat de juger ou de prétendre légiférer sur ce que serait une «véritable» ou «prétendue» foi religieuse. C'est contraire à l'esprit même de la Constitution.
De par son règlement de 1944, le Conseil d'Etat a établi un cartel de prétendues véritables Eglises auxquelles une protection est accordée. Aujourd'hui, ce n'est plus acceptable. Un texte réglementaire qui dit reconnaître trois Eglises à l'exclusion de toute autre communauté religieuse est contraire à notre conception de la liberté de conscience et du droit d'association.
Le «Recueil statistique genevois» indique que l'Eglise catholique chrétienne, qui figure à l'alinéa C de ce règlement - une église respectable enracinée dans certains épisodes de l'Histoire genevoise - a 320 membres, alors que les Eglises d'Orient ont 4128 fidèles à Genève, les communautés israélites 3901, et les communautés musulmanes 8182. A mon avis, ces dernières communautés mériteraient autant de reconnaissance que l'Eglise catholique chrétienne qui ne compte que 320 membres.
Tout ce processus législatif qui se fonde sur cette distinction que le Conseil d'Etat s'est cru en droit de faire en 1944 entre les véritables Eglises et les autres...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Je conclus. Le Conseil d'Etat doit se demander si ce règlement de 1944 doit être maintenu tel quel. A mon sens, il doit l'abroger et s'en tenir strictement aux dispositions sur les cultes et les églises qui relèvent...
Le président. Concluez, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...simplement, mais c'est déjà beaucoup, de la liberté de réunion et du droit d'association.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Il faut relever la ténacité du gouvernement qui, depuis les événements tragiques de Salvan et du Vercors, a tout mis en oeuvre pour prévenir de tels drames.
Le projet de loi 7871, soumis avec célérité à notre parlement, institue un contexte légal pour poursuivre et pénaliser les infractions et toutes les actions relevant des dérives sectaires.
Le projet de loi 7872 lutte contre l'utilisation abusive du terme «Eglise» à des fins commerciales, frontière très difficile à définir entre ressources et commerce.
Ces deux projets de lois sont délicats et l'on mesure leur complexité au nombre de lettres et de pressions que les députés ont reçues à leur sujet.
De plus, ces mesures juridiques sont très nouvelles et beaucoup de pays européens admirent cette démarche judiciaire.
Nous devons remercier le Conseil d'Etat de la soumission de ces projets. Le débat est indispensable et la commission judiciaire saura certainement les étudier avec discernement, ce que vous recommande le parti radical.
M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Pour des raisons aussi macabres qu'évidentes, mes anciennes activités de médecin légiste m'ont conduit à suivre de très près la fin, particulièrement dramatique, de la secte de l'Ordre du temple solaire.
Ce drame nous a valu, notamment au plan médico-légal, une réputation internationale dont nous nous serions très avantageusement passés.
En conséquence, notre groupe salue, bien entendu, les efforts du Conseil d'Etat et tout particulièrement ceux de M. Ramseyer pour tenter de faire quelque chose.
A l'évidence, nous touchons, avec ces deux projets de lois et cette résolution, à une matière très sensible, fine et qui, pratiquement, a fait souvent mauvais ménage avec le droit et la loi.
Alors permettez-moi, avant que la commission judiciaire se mette sérieusement au travail, de vous faire part de deux premières réactions à chaud :
La première concerne la création d'organismes reconnus d'aide aux victimes de dérives sectaires qui, soit dit en passant, devront être subventionnés, et dont la tâche consiste à aider les victimes de sectes. Fort bien ! Mais, Monsieur Ramseyer, ne faudrait-il pas se garder de dépouiller notre police d'une mission intelligente, au service de la collectivité, mission que l'on pourrait qualifier de digne d'une police du troisième millénaire et qui, au stade préliminaire d'une procédure pénale ou du conseil que l'on peut donner aux particuliers, lui incomberait pleinement, à mon sens ? C'est réellement une activité de police, Monsieur le conseiller d'Etat Ramseyer.
J'en viens au fait de réserver le terme «Eglise» aux vraies Eglises, de manière à éviter son utilisation à des fins commerciales et de recueil de fonds. Au-delà de la question de la compatibilité d'une telle disposition avec la Convention européenne des droits de l'homme, ce dont je doute personnellement, je ne puis m'empêcher de constater, avec un certain sourire, que pendant des siècles les différents gouvernements de la planète, monarchiques ou parlementaires, se sont battus pour que les Eglises ne s'occupent pas des affaires de l'Etat. Là, nous sommes en train de prévoir des mécanismes qui chargeront la justice et la police, fers de lance de l'Etat, de dire si une association religieuse est, oui ou non, une Eglise, et si l'aspect commercial s'efface devant l'aspect religieux. C'est à une très savante exégèse du droit canon que vous devrez vous préparer, Monsieur le conseiller d'Etat ! A l'évidence, il vous faudra engager quelques très doctes théologiens.
Enfin, un dernier clin d'oeil ! Il y a quelques semaines, j'étais à Rome. Assis au beau milieu de la place Saint-Pierre, je contemplais toutes les richesses accumulées et je n'ai pu m'empêcher de penser que l'Eglise, en l'occurrence la Rome chrétienne, s'est pleinement servie, au cours des siècles, de son étiquette d'Eglise pour récolter des fonds.
Les discussions en commission seront passionnantes, et nous nous en réjouissons.
M. Claude Blanc (PDC). Ces deux projets de lois sont nés de l'émoi causé par certains événements tragiques et infiniment regrettables, mais nous ne pouvons pas légiférer sous le coup de l'émotion. Nous devons nous donner le temps de réfléchir.
En fait, les événements tragiques qui se sont déroulés tombent sous le coup du code pénal et, par conséquent, je ne crois pas que des lois cantonales, aussi sophistiquées soient-elles, puissent être rendues suffisamment efficaces pour prévenir de tels événements.
Par contre, je suis convaincu que la liberté de conscience, la liberté de religion et la liberté d'association sont essentielles. Elles sont à la base de notre droit et nous ne pouvons les remettre en question que si l'ordre public est gravement en jeu. Vous me direz que l'ordre public était gravement en jeu dans certains cas, mais je vous ai répondu par avance que le code pénal le prévoyait déjà.
Il faut être extrêmement prudent quand on aborde ces problèmes, car on sait où on commence mais on ignore où on finit. Considérons le terme «Eglise», par exemple. Quelqu'un a dit que l'Eglise était une secte qui a réussi et ce n'est pas si faux, parce que l'Eglise chrétienne, à l'origine, était une secte dérivée du judaïsme qui a connu beaucoup de problèmes, les Juifs s'étant rebiffés et l'ayant persécutée. Devenue une Eglise, les empereurs romains l'ont protégée et, malheureusement, les chrétiens ont persécuté les Juifs au nom de la religion, ce durant des siècles et terriblement au cours du nôtre. On ne sait jamais qui persécute qui et on ignore qui est secte et qui est Eglise.
Dès que l'Etat entend s'occuper de cela, je me dis qu'il lui faut être extrêmement prudent. Il ne faudrait pas, pour se protéger de faits regrettables mais qui ne surviennent pas toutes les années, des faits d'ailleurs réprimés par le code pénal, que l'on en arrive à s'immiscer dans la liberté de conscience, dans la liberté de religion et surtout dans la liberté d'association, toutes valeurs fondamentales sur lesquelles j'attire l'attention de la commission. J'espère qu'elle les fera siennes, parce que je vois d'où vous partez et je crains de voir où vous arriverez.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. La qualité des interventions que nous venons d'entendre démontre combien ce travail sera difficile, combien nous devrons nous montrer extrêmement nuancés sur ce que nous ferons.
Il est juste de dire que l'Etat ne doit pas s'occuper d'affaires d'Eglises. Il est juste de dire que le fait de toucher à la liberté de conscience, à la liberté d'association, à la liberté de croyance, à la liberté de culte, implique la présence de garde-fous importants pour éviter les dérapages.
Maintenant, je m'adresse plus particulièrement à vous, Monsieur Vanek. Je suis certain que comme moi vous ne pouvez pas tolérer que des coquins, des escrocs, accumulent des richesses en parlant d'«Eglise» alors même qu'ils n'ont jamais constitué une Eglise ni été mandatés pour défendre une foi chrétienne ou, du moins, une foi qui parle de l'amour des autres.
L'extraordinaire est que des groupements religieux se sont déjà réunis pour étudier ces projets de lois. Quarante personnes l'ont fait dans un temple de l'Eglise nationale protestante, de même que la communauté israélite qui n'a pas le statut des trois Eglises que vous avez citées à juste titre.
Le débat ne se tiendra pas seulement en commission. Il se déroulera dans de larges milieux qui demanderont à être entendus et associés à notre réflexion.
Une deuxième remarque concernant l'aspect pénal. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas quand des gens sont morts, ce n'est pas quand des gens ont subi des sévices révoltants, que nous devons agir. Nous devons tenter, et c'est toute la difficulté de la démarche, d'intervenir en amont et de trouver les moyens d'éviter les drames punis par le code pénal.
Une dernière remarque. Nous ne nous attaquons jamais aux sectes, mais aux dérives sectaires. (Manifestation dans la cour de l'Hôtel de ville.) Avant d'être interrompu par les manifestations de rue, j'estime judicieux d'avoir dit que nous avons besoin de recul pour traiter de questions aussi graves...
Le président. Je vous prie de fermer la fenêtre, s'il vous plaît. Poursuivez, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Je conclus. Il est juste de dire qu'il faut aborder des sujets aussi sensibles avec beaucoup d'humilité, de nuances et de délicatesse. Il est juste de dire qu'il faut prendre du recul. Mais je ne voudrais pas que le terme de «recul» rejoigne celui «d'oubli». Voici quelques années, septante-quatre personnes ont perdu la vie, dont onze enfants qui n'avaient rien demandé. Souvenez-vous de l'émotion causée par ces drames. Cette émotion nous force à trouver des solutions. Merci du débat qui s'annonce en commission. La qualité de vos interventions laisse bien augurer de son travail.
Ces projets sont renvoyés à la commission judiciaire.