Séance du vendredi 12 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 28e séance

PL 7861
14. Projet de loi de Mme et MM. Rémy Pagani, Gilles Godinat, Dolores Loly Bolay et Christian Ferrazino modifiant la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (L 5 05) ( )PL7861

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 est modifiée comme suit:

Art. 4, al. 8 (nouvelle teneur)

L'autorisation peut être prolongée une deuxième fois, dans les mêmes conditions. La décision refusant cette deuxième prolongation n'est pas susceptible de recours. Au terme de la deuxième prolongation, l'autorisation devient caduque si le chantier n'a pas été ouvert.

EXPOSÉ DES MOTIFS

A la lecture de la Feuille d'avis Officielle, on se rend compte qu'un certain nombre d'autorisations de construire sont renouvelées durant de nombreuses années, parfois plus de dix ans pour les autorisations portant par exemple sur les anciens bâtiments de la SIP à Plainpalais.

Tel n'est manifestement pas le but de l'article 5 alinéa 7a 9 LCI et le présent projet propose de limiter à deux le nombre de prolongations possibles d'une autorisation de construire, ce qui se justifie, d'une part, du fait que les conditions de délivrance d'une autorisation de construire changent avec l'écoulement du temps et, d'autre part, du fait que les décisions de prolongation ne sont pas susceptibles de recours. De plus, le bénéficiaire d'une autorisation peut toujours déposer à nouveau le dossier dont l'autorisation n'a pas été renouvelée, pour obtenir une nouvelle autorisation.

Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.

Préconsultation

M. Rémy Pagani (AdG). Ce projet de loi tend à supprimer un certain nombre de passe-droits ou de prérogatives accordés aux bons avocats qui prorogent les autorisations de construire.

Dans certains quartiers, il n'est pas rare que des constructions ne voient le jour que cinq ou six ans après avoir été autorisées. Cela n'est pas sans créer divers problèmes au niveau des pouvoirs de décision de la population et sur le plan psychologique : certaines personnes, n'étant pas forcément au courant, peuvent s'étonner de voir s'élever un bâtiment, qui aurait été autorisé cinq ou six ans auparavant.

De surcroît, certains avocats oublient de renouveler les autorisations, d'où des problèmes juridiques avec leurs clients.

Par rapport à la population et par rapport aux avocats, cette pratique nuit à notre démocratie et à la saine gestion du parc immobilier.

C'est pourquoi nous faisons cette proposition qui, nous l'espérons, remportera l'adhésion de notre assemblée.

M. Florian Barro (L). Je ne m'exprimerai pas au nom des membres de ma profession, ce projet tendant à donner davantage de travail aux architectes.

Monsieur Pagani, j'ignore si vous connaissez vraiment le processus des autorisations de construire. En tout cas, je puis vous dire que ce sont les architectes et non les avocats qui les requièrent en tant que mandataires qualifiés pour ce faire. Ce sont également les architectes qui demandent leur prolongation.

Comme vous transportez tout sur le terrain conflictuel, c'est bien évidemment aux avocats que vous avez affaire, lesquels interviennent au niveau de l'opposition.

Votre projet de loi n'a d'autre but que de vous ouvrir une nouvelle voie de recours pour certains projets et de retirer une prérogative au département qui peut, lui-même, juger de l'opportunité de prolonger ou non une autorisation de construire.

Une demande de renseignements prend deux ans et un projet de déclassement engagé, avec les oppositions et les préavis, deux ou trois ans de plus. Ensuite, vous avez un PLQ avec des oppositions possibles, l'OFL qui fixe, le cas échéant, le prix du terrain dans le cadre des zones de développement. Enfin, vous déposez une autorisation de construire, ce qui prend trois à six mois, voire une année, puisque cette autorisation peut faire l'objet d'oppositions. Dès lors, il arrive que des projets, au terme de cinq, six, voire dix ans, souffrent «d'essoufflement»» au niveau du financement.

Le financement doit être revu à ce moment-là pour garantir la construction, et la sécurité du droit nécessiterait, en tout cas, que l'autorisation de construire soit au moins assurée pour que l'opération puisse être menée à terme. Souvent, il n'est pas trop d'une année, voire de deux, pour mettre la construction en oeuvre.

En adoptant ce projet de loi, nous pourrions craindre l'ouverture de chantiers fantômes où un ouvrier passerait de temps en temps pour déplacer quelques cailloux. Le département serait ainsi astreint à de nouvelles contraintes de surveillance. Ce projet renchérirait inévitablement les coûts des constructions, notamment ceux des logements, ce qui serait particulièrement malvenu. Le département devrait engager des fonctionnaires supplémentaires pour réétudier les demandes d'autorisation de construire.

Je vous rappelle que le département est tout à fait habilité à refuser une prolongation d'autorisation.

Pour toutes ces raisons, les libéraux refuseront ce projet de loi en l'état.

M. David Hiler (Ve). Nous accueillons favorablement ce projet de loi.

Dans les faits, il ménage un délai de trois ans entre l'octroi de l'autorisation et le début des travaux.

Nous verrons en commission si ce délai doit être de deux, trois ou quatre ans, mais sur le principe nous trouvons important de trouver une formule qui pose clairement une limite.

En fonction des éléments qui seront apportés par le département, nous devrons pousser notre étude à fond pour trouver la limite la plus adéquate, car il n'y a pas que des questions de législation en matière d'autorisations de construire. Il y a aussi des conceptions qui évoluent avec le temps, conceptions qui peuvent être celles de l'opinion publique.

Il est parfaitement normal qu'à partir d'un certain moment une autorisation ne puisse plus être en force après avoir été accordée dans un contexte politique particulier.

Nous mènerons donc une étude détaillée de ce projet en commission. Elle est nécessaire et il n'y a pas de quoi s'affoler comme certains feignent de le faire.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le département accueille favorablement ce projet de loi. Il est normal que les autorisations soient caduques après un certain délai dont la durée fera l'objet des travaux de la commission.

Des exceptions possibles, nous pourrons examiner celle des travaux d'intérêt public menés par l'Etat et reportés pour des raisons budgétaires.

Mais, sur le principe, il est normal que le renouvellement d'une autorisation administrative soit assorti d'une limite qui doit être fixée.

Ce projet est renvoyé à la commission LCI.