Séance du vendredi 24 avril 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 7e session - 15e séance

M 1193
20. Proposition de motion de Mme et M. Alberto Velasco et Laurence Fehlmann Rielle concernant la réouverture de l'atelier de déconstruction des appareils électriques et électroniques ménagers, et mise en place de mesures permettant son fonctionnement. ( )M1193

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'atelier de déconstruction d'appareils électriques et électroniques ménagers est un projet dont la mise sur pied en août 1993 correspondait aux voeux exprimés à travers la motion 849. Celle-ci demandait la mise sur pied, en collaboration avec des chômeurs, d'une expérience de récupération de matériel électronique et électroménagers

Parmi les objectifs de départ, 15 à 20 personnes (des chômeurs en fin de droit)  devaient être employées pour le traitement annuel de 200 tonnes de matériel. D'autres objectifs tels que :

- l'étude d'impact de récupération séparée de ces appareils par rapport à l'ensemble des déchets ainsi que celui ayant trait à l'économique, au social et à l'écologique sur la population tout en permettant une relance des prestations sociales des chômeurs ;

- favoriser le recyclage des matières premières récupérées tout en considérant les gains financiers possibles par la commercialisation de ces dernières ;

- expérimenter un système de récupération différenciée pour ces appareils ou d'autres déchets pour lesquels ce service a été initialement prévu ;

faisaient aussi partie de l'invite de cette motion.

Plusieurs entités étaient associées à l'époque à ce projet. L'Etat, à travers le département de l'économie publique (office cantonal de l'emploi -OCE- pour le personnel d'exploitation) et celui des travaux publics (par la suite celui de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales) pour la gestion du recyclage et de l'élimination. La commune de Carouge au niveau de l'infrastructure. Le Groupement Genevois d'Intérêts Récupération (GGIR) pour la logistique de récupération.

Situation géographique

L'atelier situé sur le territoire de la commune de Carouge dans les anciens locaux des anciens entrepôts ABBE, au 92 route de Val d'Arve, a bénéficié de locaux mis à disposition par la mairie de Carouge dans le cadre d'une convention signée avec l'Etat, et dont l'échéance du bail était prévue pour le 30 avril 1996.

Une évaluation correspondant à la période entre 1993-1995, a montré que la majeure partie des objectifs exprimés dans la motion 849 étaient atteints. Ainsi, 195 tonnes d'appareils ont été traitées au cours de l'année 1995, et 22 personnes (sans emploi et en fin de droit) en moyenne ont été employées dans cet atelier à des tâches telles que l'encadrement, la production et l'administration leur donnant à nouveau un droit à des prestations sociales de chômage.

La récupération et le recyclage des matières premières récupérées a permis des gains financiers par la commercialisation de ces dernières. Bien que le volume de ces recettes n'ait pas été en mesure de couvrir les frais de fonctionnement, elles ont néanmoins contribué à la valorisation des tâches exercées par les personnes employées et à la prise de conscience de leur utilité sociale.

Compte tenu du fait que :

- une nouvelle réglementation (ordonnance sur la restitution, la reprise et l'élimination des appareils électroniques (OREA) entrera probablement en vigueur en juillet 1998 avec la possibilité d'instituer une taxe anticipée dans les prix facturés des appareils ou lors de la remise de ceux-ci ;

- le volume d'appareils concernés par cette ordonnance est de l'ordre de cinq milles appareils pour Genève ;

- le nombre de sans emploi fin 1997 atteint le chiffre 21093 personnes avec un total de chômeurs inscrits de 16 095.

Vu ce qui précède, il est urgent de procéder à la réouverture de cet atelier pour répondre à une nécessité sociale (nombre de personnes sans emploi), écologique (volume d'appareils à traiter), financière (possibilité pour cet atelier d'augmenter le volume de ses recettes pour le financement de son fonctionnement), humanitaire (participer à certains programmes d'aide par la mise à disposition d'appareils récupérés et réparés).

C'est dans cet esprit que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Débat

M. Alberto Velasco (S). Comme mentionné dans l'exposé des motifs de notre motion, cet atelier de déconstruction, qui a vu le jour en 1993, répondait aux voeux exprimés à travers la motion 849, laquelle se voulait la réponse à des nécessités d'ordre écologique et social.

La nécessité écologique était de favoriser la récupération et le recyclage d'appareils électroménagers et bureautiques, ainsi que les matières récupérées lors de la déconstruction et la récupération des déchets spéciaux contenus dans lesdits appareils.

La nécessité sociale consistait à offrir une occupation à des personnes sans emploi, exclues depuis plusieurs mois du monde du travail, pour leur permettre de se réinsérer socialement. Dès le départ, quinze à vingt personnes devaient bénéficier de cette insertion.

En fait, ce sont cent cinquante à deux cents personnes, employées pendant six mois, qui ont pu bénéficier de cette occupation tout en réalisant un travail d'utilité publique.

Bien que les objectifs fixés aient été atteints - volume d'appareils à traiter, qualité de la récupération et utilité sociale - cet atelier a fermé ses portes, le bail des locaux mis à disposition par la commune de Carouge arrivant à échéance, sans que l'on ait prévu sa reconduction.

Nous nous trouvons avec un atelier fermé alors que le marché potentiel du traitement de ces appareils atteint un volume de quarante mille tonnes par an pour l'ensemble du pays, dont dix mille tonnes en Suisse romande et que diverses ordonnances régulent enfin cette activité en rendant la récupération et le recyclage obligatoires : ordonnance du 14 janvier 1996 sur la restitution, la reprise et l'élimination des appareils électriques et électroniques - OREA -; ordonnances du 12 novembre 1996 sur le mouvement des déchets spéciaux ODS et du 10 décembre 1990 sur le traitement des déchets OTD. L'activité de l'atelier a été reprise par une entreprise privée qui non seulement ne pratique pas la même qualité de récupération, mais n'emploie pas le même personnel, sa finalité n'étant pas la réinsertion sociale.

Ce marché convoité...

Le président. Je pris les personnes qui tiennent des conversations privées de les poursuivre en dehors de la salle. D'avance, je les remercie.

M. Alberto Velasco. Ce marché convoité risque d'être monopolisé par des entreprises suisses allemandes qui se dotent de moyens mécaniques (broyage des appareils) aptes à traiter d'importants tonnages. Ces entreprises n'emploient que peu de personnes handicapées ou en voie d'insertion.

Face à cette concurrence, les entreprises romandes qui emploient en majorité ces personnes, dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et récemment Genève, essaient de s'organiser avec des moyens limités.

A Genève, c'est l'association à but social «Réalise» qui occupe un certain nombre de chômeurs, mais elle ne peut plus faire face à la demande. En outre, pour accéder à ce marché, il faut être agréé par une licence qui atteste une garantie de recyclage contrôlée par le laboratoire de recherche de matériaux de Saint-Gall. A ma connaissance, aucune société à Genève n'a effectué des démarches pour obtenir cette licence.

Les arguments que je viens d'exposer, ceux qui figurent dans la motion déposée, tels que le nombre de sans-emploi dans ce canton, doivent nous interpeller au point de mettre en place des projets susceptibles de répondre à cette nécessité sociale et de permettre la réalisation d'un programme humanitaire par la mise à disposition des appareils récupérés et réparés. Il est donc urgent de procéder, d'une part, à la réouverture de cet atelier et, d'autre part, d'élaborer un projet financier basé sur les différentes activités qui pourraient y voir le jour : déconstruction des appareils, récupération des matières premières pour des projets à but humanitaire, mise en place d'un atelier de réparation d'appareils et location ou mise en service d'appareils de seconde main.

Nous invitons le Conseil d'Etat à créer une filière à partir des synergies existantes dans notre canton, tels les Ateliers protégés, l'association «Réalise», et à mettre des moyens à disposition pour favoriser leur collaboration.

Nous vous prions de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Anne Briol (Ve). La réouverture de l'atelier de déconstruction permettrait d'atteindre des objectifs primordiaux et diversifiés.

D'une part, cet atelier contribue à la gestion des déchets, axée sur le recyclage, en récupérant et revalorisant des matières premières. D'autre part, en employant des personnes au chômage ou au RMCAS, cet atelier joue un rôle prépondérant dans la reconnaissance et la réinsertion sociale, ainsi que dans la formation professionnelle.

En raison des avantages écologiques et sociaux générés par les activités de cet atelier, les Verts soutiennent le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je remercie les auteurs de cette motion que j'accepte bien volontiers. Elle s'inscrit dans la réflexion menée, tout à l'heure, par M. Beer. Il s'agit, très concrètement, d'éviter que certains appareils, pouvant être réparés, aboutissent aux Cheneviers. Ils pourront être réintégrés dans un circuit économique, à moins d'être déconstruits pour que l'on en récupère divers composants.

Outre sa dimension environnementale évidente, ce projet intègre la préoccupation sociale évoquée par le Conseil d'Etat, dans son discours de Saint-Pierre.

Il s'agit de permettre à un certain nombre de nos concitoyennes et concitoyens, qui traversent des moments difficiles, de retrouver le sens d'une activité, de travailler à nouveau en entreprise.

Suite à votre interpellation et au dépôt de votre proposition, Monsieur Velasco, j'ai contacté mon collègue, M. Carlo Lamprecht, et ensemble nous avons décidé de créer un groupe de travail constitué du département dont j'ai la charge, du département de l'économie, des communes et d'entrepreneurs du groupement genevois d'intérêt à la récupération. Ce groupe de travail étudiera très prochainement la réalisation de cet atelier. Peut-être s'agira-t-il d'une extension de l'atelier de Meyrin, le site permettant, semble-t-il, de construire de nouveaux locaux ? Peut-être sera-t-il bâti sur un autre emplacement ? Je ne peux pas encore le préciser. En revanche, nous suivons la piste que vous avez indiquée et avons pris contact avec l'association «Réalise» et le canton de Vaud.

Nous serons en mesure de vous soumettre un projet débouchant, d'ici quelques mois, sur une réalisation.

Je remercie tous les députés qui soutiendront cette proposition qu'au nom du Conseil d'Etat je m'engage à m'efforcer de faire aboutir dans les meilleurs délais.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- que cet atelier dont l'activité axée sur la récupération d'appareils électroniques et électroménagers, le recyclage de matières premières, la dépollution et la création de poste de travail s'inscrit dans les principes du développement durable ;

- que du point de vue social, cet atelier permettrait pour des personnes, sans emploi de longue durée ou en fin d'indemnité de chômage, de retrouver une reconnaissance sociale en réalisant une activité utile à la collectivité ;

- que pour nombre de personnes au chômage ou au bénéfice du RMCAS sans formation, ce serait la possibilité de réaliser une formation par la mise en place d'activités liées à la déconstruction, la réparation ou la gestion administrative ;

- que du point de vue environnemental, la poursuite de ce projet de par la qualité de récupération que l'on y pratiquait permettrait de préserver nos sites d'appareils abandonnés sous forme de déchets, et notre atmosphère par la récupération des déchets spéciaux ;

- que la récupération des matières premières et leur valorisation contribuent à la gestion des déchets ;

invite le Conseil d'Etat

- à prendre les mesures devant conduire a la réouverture de cet atelier.

- à élaborer un projet financier basé sur les différentes activités qui pourraient voir le jour dans cet atelier, à savoir : déconstruction des appareils, récupération des matières premières, pour des projets à but humanitaire mise en place d'un atelier de réparation d'appareils et location ou mise en service d'appareils de seconde main.