Séance du
vendredi 24 janvier 2025 à
18h
3e
législature -
2e
année -
9e
session -
53e
séance
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assistent à la séance: Mmes Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, et Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers, Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Virna Conti, Florian Dugerdil, Christian Flury, Arber Jahija, Jacques Jeannerat, Xhevrie Osmani, Jean-Pierre Pasquier, André Pfeffer, Charles Poncet, Romain de Sainte Marie, Skender Salihi, Geoffray Sirolli et Pascal Uehlinger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Oriana Brücker, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Daniel Noël, Frédéric Saenger et Nicole Valiquer Grecuccio.
Annonces et dépôts
Le président. Le projet de loi suivant est retiré par ses auteurs:
Projet de loi de Thierry Cerutti, Jean-Marie Voumard, Ana Roch, Gabrielle Le Goff modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05) (Un délai de réponse de l'administration respectable et raisonnable) (PL-13543)
Débat
Le président. Nous poursuivons le traitement des urgences avec la M 3003-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Louise Trottet, qui n'est pas là...
Des voix. Si, elle est là !
Le président. Ah, excusez-moi ! Madame Trottet, vous avez la parole.
Mme Louise Trottet (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé a traité cet objet durant quatre séances entre mai et septembre 2024. Lors des travaux, nous avons entendu le professeur Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de la faculté de médecine de l'Université de Genève, ainsi que M. Philippe Favreau, chef du secteur toxicologie et laboratoire du SABRA, au département du territoire; des auditions qui nous ont permis de bien comprendre le sujet de cette motion Verte.
En résumé, le texte porte sur la qualité de l'air dans les lieux d'enseignement à Genève, tant sur le plan du CO2 inhalé, dont les effets néfastes sur la cognition et l'apprentissage sont reconnus, que de la transmission virale lors d'épidémies. Puisque le CO2 et d'autres types de pollution interne, par exemple les particules fines ou encore les particules virales émises par les aérosols et les gouttelettes, sont étroitement liés, les PPM de CO2 sont l'unité de référence utilisée pour mesurer globalement la qualité de l'air. Un ensemble de données montrent que ces PPM sont actuellement trop élevées dans les classes en raison d'une ventilation suboptimale. Il s'agit en somme d'une question émergente de santé publique.
La motion vise à améliorer la ventilation, notamment mécanique, via la généralisation de l'installation de détecteurs CO2, détecteurs qui figurent pour l'instant au rang d'un projet pilote dont le succès a été rapporté à la commission. Il est également question de protocoles d'aération et de boîtes de filtration... Ah non, les boîtes de filtration ont été enlevées, excusez-moi ! En effet, à l'issue des travaux de commission, l'invite relative à ces boîtes a été supprimée: bien qu'utiles pour lutter contre la transmission virale lors d'épidémies, elles ont un impact négligeable sur le CO2, la balance entre le coût et les bénéfices a donc été jugée insuffisante. La majorité de la commission, soit trois membres socialistes, deux Verts, un LJS, deux MCG et un Le Centre, vous invite dès lors à accepter cet objet dans sa version amendée en commission.
M. Léo Peterschmitt (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la ventilation, c'est comme le rire: cela consiste à brasser de l'air et c'est bon pour la santé ! De nombreuses études scientifiques montrent qu'une bonne qualité de l'air procure des bénéfices multiples, qui vont de la prévention des maladies contagieuses à l'amélioration des capacités cognitives.
Le canton peut agir pour garantir des conditions aériennes propices à l'apprentissage et qui limitent dans le même temps le coût et les conséquences, parfois graves, des maladies respiratoires. Les lieux d'enseignement constituent des espaces extrêmement importants pour notre société et, dès lors, méritent les meilleures dispositions que nous puissions offrir de manière raisonnable. Ce que demande la motion est pondéré et modeste, et les effets attendus dépassent largement les dépenses.
Notre société fait face à de nombreux défis liés à l'air intérieur, notamment la mise sous tension des hôpitaux lors des périodes hivernales, le risque de pandémies et l'exposition aux composés organiques volatils non méthaniques qui peuvent s'accumuler dans les espaces clos. Maintenant que les répercussions positives d'une bonne qualité de l'air sont clairement connues, prendre des mesures dans ce sens paraît, aux yeux des Vertes et des Verts, indispensable.
Etablir une norme de concentration maximale de CO2, se donner les moyens de mesurer ces taux dans les lieux d'apprentissage et mettre en place des protocoles d'aération permet de réagir à un problème longtemps ignoré que la pandémie a mis en lumière. L'amélioration de la qualité de l'air représente un chantier similaire à celui de l'assainissement de l'eau au XIXe siècle. Commencer par là où se forment les jeunes est un premier pas dans la bonne direction, c'est intervenir au plus près des connaissances en la matière. Les Vertes et les Verts vous invitent, comme la majorité de la commission, à adopter cette motion. Merci. (Applaudissements.)
Mme Jacklean Kalibala (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'air que nous respirons au quotidien a un impact sur notre santé. Nous passons en moyenne 80% de notre temps à l'intérieur des bâtiments, et la qualité de l'air dans les espaces confinés comme les lieux d'apprentissage n'est pas assez bonne. Le manque d'aération peut provoquer non seulement des difficultés de concentration, mais également des symptômes comme la fatigue et les maux de tête. En cette période d'épidémie de grippe, nous avons toutes et tous pu constater les effets néfastes de longues heures passées dans des pièces mal ventilées.
L'air non renouvelé est chargé en polluants; cela peut être du CO2, des bactéries, des virus, mais aussi des composés organiques volatils, des molécules synthétiques, des fibres, des moisissures issues des immeubles et des murs. Mesurer la concentration de CO2 permet d'évaluer les conditions de l'air intérieur et, partant, de réduire les risques de transmission de microbes, de limiter les problèmes d'asthme et d'allergies respiratoires, d'améliorer les capacités de concentration et d'apprentissage.
Les propositions de la motion telle qu'amendée en commission sont tout à fait pertinentes et vont dans le sens des actions déjà mises en place. Quant à l'amendement présenté par M. Saudan, qui consiste à supprimer l'installation de capteurs CO2, il annule tout l'effet de la première invite: à quoi bon instaurer des normes si on ne peut pas les contrôler et en suivre l'évolution ? Déterminer la concentration de CO2 dans les salles est nécessaire afin d'analyser l'efficacité des mesures d'aération et de mettre en place des protocoles. Par conséquent, nous vous invitons à accepter la motion telle qu'amendée en commission et à refuser l'amendement de M. Saudan, qui rendrait le texte inutile. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, les intervenants qui m'ont précédé ont bien brossé le tableau de la situation. Une mauvaise qualité de l'air constitue un réel problème ayant des impacts tant sur la santé que sur l'attention requise des élèves qui fréquentent les lieux d'enseignement. La commission a auditionné - cela a été rappelé par la rapporteure - les organismes et professionnels les plus compétents en la matière.
Dans les salles de classe, les enseignants ont pris l'habitude au fil des années - une habitude qui a été renforcée au moment du covid - d'aérer régulièrement, au moins toutes les heures; malheureusement, dans les établissements scolaires aux normes Minergie, cette ventilation n'est plus possible, car les fenêtres ne s'ouvrent pas.
Plusieurs amendements ont été présentés qui ont été traités par la commission, y compris une proposition demandant de transformer cette motion en postulat. Tous ces amendements ont été refusés, à l'exception de celui des auteurs mêmes de l'objet visant à biffer la deuxième invite: cette suppression a été acceptée.
Le groupement Libertés et Justice sociale a déposé un amendement en plénière consistant à amputer la troisième invite de sa substance principale. Nous vous informons que Le Centre soutiendra le présent texte et vous invite à faire de même en rejetant l'amendement de LJS. Je vous remercie.
Une voix. Bravo.
M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR est conscient... (L'orateur s'exprime très rapidement. Exclamations. Commentaires.) Mais à quelle heure voulez-vous terminer ? (L'orateur rit.) Le groupe PLR est conscient... (L'orateur s'exprime délibérément très lentement, puis reprend un rythme normal.) ...de la problématique de la pollution de l'air dans les espaces scolaires et d'apprentissage, et je remercie mes préopinants pour les informations qui ont été présentées jusqu'à maintenant.
Lors des travaux en commission, notre parti s'est cependant rendu compte des difficultés de mise en place des mesures demandées par les motionnaires. Pour rappel, dans sa teneur initiale, le texte visait l'installation non seulement de capteurs, mais également de filtres dans toutes les classes, sans se soucier de la faisabilité, du coût ou, plus ironiquement, de l'impact écologique d'un tel système, qui repose sur des filtres jetables à changer plusieurs fois par année et produits probablement très loin de chez nous.
Depuis le covid, il existe déjà une recommandation du DIP préconisant une ouverture régulière des fenêtres. D'ailleurs, les enseignants ont généralement l'habitude d'aérer les salles; il s'agit d'un geste plus simple que d'installer et d'entretenir du matériel électronique fabriqué en Chine. De plus, des affiches sont placées dans toutes les écoles rappelant aux professeurs et aux élèves d'ouvrir les fenêtres afin de renouveler l'air; concernant les nouveaux bâtiments dans lesquels il n'est plus possible de le faire - ils ont été mentionnés par notre collègue Guinchard -, ceux-ci intègrent des systèmes de ventilation performants.
Un amendement adopté en commission a permis d'améliorer le texte, mais selon notre groupe, l'invite demandant d'équiper de capteurs tous les lieux d'enseignement est démesurée: une fois les dispositifs achetés, il sera nécessaire de les entretenir, de les recharger, de les régler, etc. Aujourd'hui, l'Etat n'arrive déjà pas à gérer les détecteurs de CO2 placés dans les installations de type chaudières, à gaz ou encore à mazout; nous devons fixer nos priorités. En commission, nous avions d'ailleurs proposé un amendement visant à étudier le placement de ces capteurs plutôt que d'engager directement des investissements.
En conclusion, le PLR soutient l'amendement de LJS et remercie son auteur; si cette modification était acceptée, notre groupe voterait l'objet ainsi amendé. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous informe que l'amendement auquel il a été fait référence a été retiré. Il n'y a donc plus d'amendement présenté par M. Marc Saudan, du groupe LJS. A présent, la parole va à M. Lussi.
Une voix. Ah, enfin la vérité !
M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que dire face à une telle motion ? Personne n'aurait l'impudence de soutenir que l'air n'est pas pollué, qu'il ne faut pas prendre de mesures, qu'il s'agit d'une utopie. Au fond, qu'est-ce que l'on constate ? D'après tous les experts que nous avons entendus, oui, il y a quelque chose à entreprendre. Faut-il installer des capteurs ? Je ne sais pas. Et si on détermine que l'air est vraiment trop pollué, que va-t-on faire ? Aérer davantage ? Installer des systèmes de ventilation supplémentaires ?
L'Union démocratique du centre, en prenant connaissance de la motion, avait proposé deux amendements en commission qui n'ont pas été acceptés. Alors ce n'est pas tant le fait qu'ils aient été refusés qui nous gêne, mais pour nous, si le problème est juste, les solutions proposées ou du moins les actions que l'on peut réellement engager - il ne s'agit pas de mettre en cause l'auteur du texte - ne sont pas réalistes actuellement, parce que la pollution dépasse largement nos moyens techniques. C'est la raison pour laquelle, en définitive, l'Union démocratique du centre a préféré s'abstenir, et nous maintiendrons cette position lors du vote final. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote.
Mise aux voix, la motion 3003 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 12 non et 5 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons à la M 2918-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. C'est une proposition de motion qui date un petit peu. Nous avions reçu en commission M. Schneider, l'ancien directeur général, et l'ancien président du conseil d'administration de Genève Aéroport. Ce texte serait probablement refusé si le vote avait lieu aujourd'hui, mais étant donné qu'il y a un nouveau directeur général et une nouvelle présidence, je pense qu'on pourrait faire le point sur la situation actuelle de l'aéroport et des vols de nuit. L'aéroport a en effet déjà envoyé des communiqués de presse... (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Le président. Oui, s'il vous plaît !
M. Jacques Béné. ...il y a eu des interviews du nouveau directeur général; je vous propose donc de renvoyer cette motion à la commission de l'économie. (Commentaires.)
Une voix. Non !
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Chères et chers collègues... (Brouhaha.)
Le président. Est-ce que vous pouvez vous taire, s'il vous plaît !
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Je vous remercie, Monsieur le président. Vu que je suis plus souvent au Grand Conseil que devant ma classe, j'ai perdu l'habitude de parler dans le brouhaha ! (Commentaires.)
Le président. Attendez, Monsieur le député, attendez ! Est-ce que vous pouvez vous taire, s'il vous plaît ! Le groupe socialiste, vous pouvez vous asseoir et écouter ?
Une voix. Mais on se tait !
Le président. Je vous en prie, Monsieur le député.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Merci, Monsieur le président. L'entrée dans le débat est un petit peu abrupte, mais il faut convenir que les choses changent et les positions évoluent, le rapporteur de majorité l'a très bien dit. Vous avez toutes et tous pris connaissance de cette fameuse interview de M. Rufenacht et de sa volonté de privilégier le qualitatif au quantitatif. Cela fait suite - du moins en paroles, et on l'espère en actes - à la volonté exprimée par la population, qui a approuvé en 2019 l'initiative pour un pilotage démocratique de l'aéroport. Dans ce contexte, il est effectivement tout à fait opportun d'auditionner le nouveau directeur général et le nouveau président de l'aéroport pour faire le point et pour renforcer notre adhésion à ce texte. Nous voterons donc le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur le renvoi. S'il vous plaît, Monsieur le député, vous pouvez vous asseoir ? Merci. Vous aussi, Monsieur le député ! Nous allons voter ! (Remarque.) Est-ce que vous pouvez vous asseoir ? Bien.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2918 à la commission de l'économie est rejeté par 50 non contre 35 oui.
Le président. Nous poursuivons les débats; la parole est au rapporteur de minorité.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur le président, ça ira très bien ainsi également. Figurez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, que nous sommes ici à moins de 5 kilomètres de la piste d'atterrissage et de décollage de l'aéroport. C'est sans doute une situation unique qu'un parlement se situe à la fois au centre-ville et si près d'un aéroport.
Cet aéroport est un outil précieux pour notre ville: c'est un outil qui permet de la connecter au monde, qui lui permet sans doute d'être une des capitales des relations internationales, mais aussi d'être un centre d'affaires et d'avoir une économie florissante. Nous en sommes tout à fait conscients.
Mais un aéroport à proximité du centre-ville engendre également une responsabilité pour nous, notamment s'agissant de la qualité de vie des Genevoises et des Genevois, de la qualité de leur sommeil, et je pense en particulier à celles et ceux qui habitent dans l'axe d'atterrissage et de décollage. Vous avez toutes et tous vu ces cartes, qui s'étendent de Chancy jusqu'à Hermance et couvrent une bonne partie de notre canton. Dans ce contexte, la motion déposée il y a quelques années par le PDC, qui à l'époque n'était pas rebaptisé, propose simplement de poser un principe qui, pour reprendre les termes de notre collègue Zweifel, est de bon sens: pendant la nuit, les gens ont le droit de dormir. Les bornes qu'elle fixe pour cette nuit sont somme toute relativement modestes puisque celle-ci s'étendrait de 22h à 6h.
L'ancienne direction de l'aéroport nous a effectivement dit que ça aurait des effets dramatiques sur le fonctionnement de l'aéroport et sur les compagnies aériennes, tout en nous indiquant lors de la même audition que les vols décollant après 22h sont désormais très rares - en définitive, il n'y a que ce fameux avion qui rejoint trois ou quatre fois par semaine Addis Abeba ou des vols en retard - et qu'environ 5% des vols atterrissaient après 22h. L'effet mathématique et économique d'une telle mesure est donc complètement marginal sur la marche des affaires de l'aéroport, mais par contre extrêmement précieux en matière de santé publique. Ce qui fait que lorsqu'on met les choses dans la balance, il semble absolument évident qu'il faut soutenir ce texte.
Tant l'OFAC que l'aéroport ont fourni des éléments sur la nature économique des compagnies qui volent après 22h et bien souvent après 23h - et même parfois après minuit ! En définitive, lorsque vous regardez les horaires de l'aéroport de Genève, il s'agit à plus de 80% de compagnies low cost, des compagnies dont le modèle d'affaires est basé sur un nombre très important de rotations, sur des temps très courts passés dans les aéroports pour pouvoir baisser les prix et faire des offres commerciales défiant toute concurrence...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...mais qui font concurrence à la fois au trafic ferroviaire et à tous les commerçantes et commerçants de notre canton - une concurrence particulièrement déloyale puisqu'on incite les gens à aller manger une pizza à Rome ou à faire du shopping à Porto ! (Remarque.) Ce modèle d'affaires, nous le contestons; ça fait longtemps que nous le disons de manière extrêmement claire. Et nous estimons qu'il n'y a pas grand-chose à perdre à proposer à ces compagnies un modèle d'affaires plus équitable, basé sur les véritables besoins en matière de voyages et non sur des effets d'opportunité.
Par ailleurs, et je finirai là-dessus, il a aussi été mentionné qu'un certain nombre de Genevois ont besoin de vols tardifs pour revenir de hubs internationaux. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à regarder les horaires des aéroports de Roissy, de Francfort, de Zurich, de Schiphol: aucun vol intercontinental n'arrive après 19h-19h30, pour la simple et bonne raison que par le jeu du décalage horaire, tous ces vols sont des vols de nuit et qu'ils arrivent le matin dans les grandes capitales européennes. De fait, aucune compagnie opérant des relations intercontinentales n'a de vols si tardifs à Genève. Pour toutes ces raisons, il faut évidemment soutenir cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de majorité.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Normalement, c'est le rapporteur de majorité qui prend la parole en premier, mais comme ça...
Le président. Vous avez pris la parole en premier: vous avez demandé un renvoi en commission, Monsieur !
M. Jacques Béné. Oui, et après...
Le président. Mais vous avez pris la parole en premier !
M. Jacques Béné. ...si le renvoi n'est pas accepté...
Le président. Eh bien vous auriez pu parler et après demander le renvoi ! Merci.
M. Jacques Béné. D'accord. J'aurais pu aussi, effectivement. Il faut rappeler que les heures d'ouverture de l'aéroport sont définies par le plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique (ce qu'on a l'habitude d'appeler le PSIA), adopté en novembre 2018 par la Confédération, qui spécifie que l'exploitation doit se poursuivre dans le cadre actuel. Genève Aéroport a toutefois réduit les créneaux disponibles entre 22h et 24h, il a même renoncé à la tranche 5h-6h et contraint à l'utilisation d'avions modernes pour les vols après 22h.
D'ailleurs, le dernier communiqué de presse de l'aéroport, qui date du 16 janvier 2025, mentionne que le nombre de passagers est inférieur de 0,73% et le nombre de mouvements en recul de 3,73%. Il y est aussi indiqué que des avions plus grands sont utilisés, que le taux de remplissage est en hausse et que Genève Aéroport a une politique financière qui incite les compagnies aériennes à augmenter le taux d'occupation par avion. Et puis, en 2024, le nombre de décollages après 22h est en baisse de 36,16% par rapport à 2023 et la part d'avions de dernière génération, qui font beaucoup moins de bruit (les voisins de l'aéroport pourront vous le dire, le bruit a considérablement diminué en dix ans), est en hausse de 208,1% depuis 2017.
On sait très bien que Genève n'est pas un hub: c'est un aéroport de point à point et, pour l'attractivité de Genève, il faut effectivement que les avions puissent revenir à leur point de départ pour repartir le lendemain matin. Il y a en effet quelques atterrissages le soir, après 22h, mais la politique incitative de l'aéroport a fait ses preuves et est un succès. Nous aurions pu en reparler en commission, vous n'avez pas souhaité le faire. Eh bien, je vous propose tout simplement de refuser d'entrer en matière, pour l'attractivité de notre canton; je vous propose de refuser cette motion. Merci.
M. Vincent Canonica (LJS). Cette motion ne demande rien d'autre que de mettre à l'arrêt l'aéroport de Genève. (Protestations.) Pourquoi ? Interdire tout trafic d'aéronefs entre 22h et 6h revient à exiger le retrait d'easyJet de la plateforme aéroportuaire genevoise. Genève est un hub pour easyJet, c'est-à-dire que ses aéronefs y sont basés: ils partent tôt le matin et reviennent le soir, après avoir effectué plusieurs rotations tout au long de la journée. Si ses avions ne pouvaient plus revenir le soir, cela remettrait en cause son «business model» et par conséquent sa rentabilité. Autrement dit, cela reviendrait à forcer easyJet à quitter Genève. Or easyJet emploie plus de 1200 personnes en Suisse, principalement à Genève.
Accepter cette motion, c'est mettre au chômage plus de 500 personnes, mais c'est aussi mettre en péril l'aéroport, qui est l'un des plus grands employeurs du canton: plus de 11 000 employés gravitent sur la plateforme. Tuer easyJet, c'est supprimer 46% du trafic à Genève, ce qui veut dire supprimer plus de 5000 emplois directs également ! Je ne peux que m'opposer à la volonté de la motionnaire de préserver la santé des rive... (Rires.) Je ne peux pas m'opposer à la volonté de la motionnaire de préserver la santé des riverains de Genève Aéroport, notamment contre le bruit. Mais l'approche choisie n'est pas la bonne, car ses conséquences seraient désastreuses pour notre économie. Or, supprimer des emplois nuira sans aucun doute aussi à la santé des personnes touchées.
Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de vous poser une question: pourquoi continue-t-on de construire aux abords de l'aéroport si le bruit tue ? Pourquoi continue-t-on de délivrer des permis de construire pour de nouvelles constructions sur les terrains qui se situent sur la trajectoire des avions ? Souvenez-vous un petit peu de l'histoire ! Depuis quand existe Genève Aéroport ? Depuis 1919 ! Nous, le Grand Conseil de la République et canton de Genève, avons voté une loi implantant un champ d'aviation à 4 kilomètres environ au nord de la ville, près du village de Cointrin. Ses premières lignes commerciales ont fonctionné dès 1922. Ne s'agissait-il pas d'une loi historique, mettant en place la Genève du futur ? D'une loi visionnaire ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Comme le temps passe !
Permettez-moi d'ajouter que si l'on devait supposer que l'urgence sur cette motion a été demandée parce que les élections municipales approchent, je rappelle que l'aéroport indemnise les propriétaires pour l'installation du double vitrage afin de lutter contre le bruit; les communes avoisinantes pourraient lancer une campagne d'information à ce sujet et le but de la motion pourrait être atteint. Enfin, je vous rappellerai que l'aéroport est au bénéfice d'une concession fédérale qui prévoit...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Vincent Canonica. ...l'ouverture d'un aéroport de 6h à 24h. Il s'agit d'un devoir !
Le président. Merci beaucoup.
M. Vincent Canonica. Je vous invite donc à refuser vigoureusement cette motion. (Applaudissements. Brouhaha.)
Le président. Je demande - et je le répète régulièrement - que les députés qui veulent parler, qui veulent discuter, qui veulent échanger, aillent dehors ! (Remarque.) Ils vont dehors ou ils demandent la parole, je suis d'accord avec vous, Monsieur le député. Parce que c'est très fatigant de suivre un débat quand tout le monde parle. Et c'est un manque de respect, je le répète: c'est un manque de respect envers les députés qui sont en train de débattre. Merci. Je cède maintenant la parole à M. Lussi. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Patrick !
M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant. Excusez-moi, Monsieur le président, je n'avais pas compris. Mesdames et Messieurs les députés, est-ce qu'on est conscient du monde dans lequel on vit ? Est-ce qu'on vit, à Genève, avec un aéroport qui, comme par miracle, ne produirait pas de bruit et ses avions non plus ? Un aéroport qui n'est pas un poumon économique, qui ne permet pas une activité économique ou des voyages ? Et si certains veulent aller faire leurs courses à Barcelone le week-end, pourquoi pas ! C'est quand même une chose...
Oui, bien sûr, d'énormes progrès ont été faits. Oui, des zones de bruit ont été définies. Oui, l'aéroport, en vertu d'obligations légales, dépense des centaines de milliers de francs, voire des millions en indemnisations pour favoriser l'insonorisation. Mais en fait, on aura toujours des avions qui font du bruit. Alors il est désormais question de dire: maintenant, on arrête tout à 22h. Bon ! Il y a déjà tous les vols d'urgence ! Il y a déjà tous les vols internationaux ! Il y a déjà tous les vols diplomatiques ! Il suffit qu'il y en ait deux ou trois. Ceux qui regardent ces statistiques savent qu'un avion s'est posé à Cointrin hier soir à 23h; ça faisait du bruit, oui, c'est vrai. Mais je crois qu'on doit être conscient de ce qu'on veut.
Mesdames et Messieurs les députés, au lieu... Je comprends l'esprit, mais ce que je ne comprends pas, c'est la finalité recherchée. Parce que si vraiment vous voulez une issue, on devrait avoir un projet de loi qui dirait: à partir de l'acceptation de ce texte, eh bien on transforme l'aéroport de Genève Cointrin en aéroport cantonal du style de la Blécherette, où seuls les vols VFR sont autorisés - la journée - et comme ça, on n'aura plus aucun problème. Ayons le courage d'aller au bout de nos idées ! A force de prendre sans arrêt de petites mesures qui restreignent et... Rappelons quand même, mon préopinant l'a dit tout à l'heure, que c'est une concession fédérale et qu'un aéroport a l'obligation de faciliter le trafic international et de s'adapter. Ce n'est ni au directeur, ni à la conseillère d'Etat, ni à nous de décider.
Et ce qu'il y a de plus terrible, alors qu'après le covid il y a eu une baisse drastique des vols, c'est qu'on s'aperçoit maintenant - malgré les incitations vertes, malgré les incitations à ne pas prendre l'avion - qu'il y a plus de passagers qu'avant. Plus de passagers, mais moins de mouvements d'avions ! Donc les choses sont faites, raison pour laquelle l'Union démocratique du centre pense que, si sur le fond on peut discuter, sur la forme il faut refuser cette motion. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Le rapporteur de minorité l'a rappelé à juste titre, nous avons la chance, à Genève, d'avoir un aéroport international qui se situe à vingt-cinq minutes du centre-ville en transports publics, ce qui est, comparaison internationale faite, extrêmement rare. Mais évidemment, c'est un aéroport urbain - le rapporteur de minorité a rappelé qu'il se trouve à 5 kilomètres de la salle de ce Grand Conseil -, avec tous les inconvénients qui en découlent.
Le bruit sous toutes ses formes - sous toutes ses formes - est un facteur négatif incontestable, et d'ailleurs incontesté, pour la santé, en particulier s'agissant de problèmes de sommeil. Et chacun d'entre nous le sait, c'est entre 22h et 6h que vous pouvez avoir la meilleure qualité de sommeil. Il faut aussi savoir que la commission a auditionné dans le passé - dans un passé pas si lointain puisque ça date de la précédente législature - des membres des exécutifs des communes riveraines, tous partis confondus. Et eux, tous partis confondus, nous ont affirmé être constamment mis sous pression par leurs communiers, qui exigeaient que des mesures soient prises afin d'assurer cette tranquillité entre 22h et 6h.
La motion n'est pas drastique. Elle introduit un juste équilibre en prenant en compte la fonction essentielle de l'aéroport, cela a été rappelé mais je tiens à le répéter, tant pour l'économie - il favorise les exportations de nos industries - que pour la Genève internationale, dont les organisations gouvernementales et non gouvernementales utilisent plus de six mille vols par année. C'est donc une motion qui est raisonnable et équilibrée. Nous n'avons pas l'intention de mettre des bâtons dans les roues au nouveau directeur de l'aéroport, nous souhaitons simplement l'accompagner dans la modification possible de ces plages horaires.
Je rappelle aussi que le PLR est devenu sensible au bruit puisque en 2024, il a fait toute une campagne pour abaisser la valeur locative sous le couloir de bruit de l'aéroport. Je vous recommande dès lors, avec mon groupe, d'accepter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Je voudrais tout d'abord dénoncer quelques propos excessifs: penser qu'easyJet va quitter la plateforme simplement pour les quelques pour cent de trafic qu'on enlèverait après 22h me paraît tout à fait excessif !
Si je m'exprime ici au nom des Verts, c'est que nous avons une ambition en matière d'aéronautique: nous en reconnaissons les effets très délétères et ce que nous souhaiterions surtout, c'est que l'aviation paie ses externalités négatives, très négatives ! Notre ambition est également que l'aéroport apporte sa contribution au plan climat cantonal, sachant que le trafic aérien contribue pour plus d'un quart au bilan carbone du canton.
Nous attendons aussi fermement de l'aéroport qu'il respecte les demandes, votées à une large majorité de la population, de l'initiative pour le contrôle démocratique de l'aéroport. Celle-ci demande explicitement de conserver un équilibre - un équilibre, je le rappelle - entre le développement économique de l'aéroport et la préservation de la santé des riverains. Et c'est justement l'objet de cette motion: les atterrissages et les décollages entre 22h et 6h ont clairement un impact très négatif sur la santé de la population qui se trouve dans l'axe de décollage et d'atterrissage. Zurich peut agir en conséquence, je ne vois pas pourquoi Genève ne le peut pas.
Mesdames et Messieurs, vous qui nous regardez à la maison et qui allez peut-être très prochainement vous prononcer dans le cadre des élections municipales... (Protestations.) ...prenez un calepin ou un tableau Excel et notez bien quels sont les groupes qui se sont préoccupés de la qualité de vie de la population, qui vont la respecter. Le rapporteur de minorité l'a mentionné, on l'a dit: toute la population entre Chancy et Hermance est touchée par le bruit. Le groupe des Vertes et des Verts vous invite fortement, en conséquence, à voter cette motion ! (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Très rapidement: nous n'avons pas l'intention de tuer l'aéroport ! Des mouvements d'aéronefs, nous en avons toutes les deux minutes pendant la journée ! On parle de la nuit et uniquement de la nuit. Nous souhaitons accompagner la nouvelle direction de l'aéroport, dont la volonté aussi est de réduire ces vols nocturnes. Quel serait le message que nous enverrions à l'aéroport, qui souhaite aller dans le même sens aujourd'hui, si nous n'appuyions pas cette motion ?! (Applaudissements.) Et je demanderai le vote nominal ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Sangdel, vous avez la parole.
M. Djawed Sangdel (LJS). Merci, Monsieur le président. Je voulais dire qu'il faut renvoyer cette motion en commission pour mieux l'étudier, parce que les arguments des deux bords sont valables.
Le président. Monsieur Sangdel, je m'excuse, mais on m'annonce que vous n'avez plus de temps de parole.
M. Djawed Sangdel. J'ai dit tout ce que je voulais dire, alors c'est bon ! (L'orateur rit.) Renvoi en commission ! (Commentaires.)
Une voix. Il n'avait plus de temps ! (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Bien, Monsieur, vous avez demandé le renvoi en commission, c'est vrai, mais vous n'aviez plus de temps de parole. (Commentaires.)
Une voix. Mais il a le droit !
Une autre voix. Dès lors que vous lui avez donné la parole et qu'on a entendu une demande de renvoi...
Une troisième voix. Monsieur le président, la demande de renvoi en commission est faite hors temps de parole ! (Commentaires.)
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs, nous allons voter sur le renvoi en commission. Monsieur le rapporteur de majorité, sur cette demande ?
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Nous sommes favorables au renvoi en commission pour la simple et bonne raison que beaucoup de choses qui ont été dites sont totalement fausses; il n'y a pratiquement que des atterrissages après 22h - les compagnies ne peuvent plus planifier de décollages après 22h -, et le PSIA est contraignant. Malgré tout, eh bien oui, il est important que l'on tienne compte des riverains, nous sommes tout à fait d'accord avec ça. C'est pour ça qu'il y a un fonds d'insonorisation, c'est pour ça que l'aéroport a prévu une diminution drastique des vols; il y a une vraie prise de conscience de l'Etat et aussi des partis qui veulent laisser l'aéroport poursuivre son activité, pour l'attractivité de Genève.
Si on peut faire un point de la situation en commission, pourquoi pas. Ce sera d'ailleurs très très bien pour rappeler qu'il faut arrêter de faire de l'aéroport le bouc émissaire de tous les maux de Genève et de la planète, puisqu'on sait que l'aviation mondiale, c'est entre 2% et 3% des émissions de gaz à effet de serre, alors qu'internet et tous les ordinateurs que vous avez là et utilisez pour voir ce qui se passe dans le monde représentent entre 6% et bientôt 8%. Il faut donc arrêter de prendre l'aéroport comme bouc émissaire. Je rappelle enfin que, pour l'aviation, ce sont 57 000 personnes qui sont touchées par le bruit entre 22h et 23h en Suisse, alors qu'elles sont 140 000 pour le ferroviaire et 700 000 pour la route ! Nous sommes donc favorables à un point de situation en commission.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur le président, il suffit de parler d'aéroport pour que les esprits s'échauffent, pour que les invectives pleuvent et que les inepties décollent, si j'ose dire. (Rire.) Je suis assez peiné, je constate avec circonspection qu'en tout cas un de nos collègues tout à la fois prétend que ce texte vise à détruire ou à faire fermer l'aéroport et obtient l'intégralité ou la majorité de ses revenus de son entreprise située sur la plateforme aéroportuaire, ce qui pose la question du respect de l'article 24, alinéa 1, de notre règlement; j'aimerais bien que la présidence et le Bureau statuent sur la question. (Commentaires.) De deux choses l'une: soit cette... (Commentaires.) ...soit cette motion vise véritablement à affaiblir l'économie de l'aéroport et cette personne n'a pas à s'exprimer... (Remarque.) ...soit, comme c'est le cas, ce n'est pas son but et ce ne sera pas son effet... (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...et il est alors parfaitement légitime que cette personne s'exprime.
Le président. S'il vous plaît, un petit instant ! Vous pouvez vous asseoir, Monsieur ?
M. Julien Nicolet-dit-Félix. J'en arrive au fait: je regrette que le débat se soit enflammé de la sorte... (Commentaires.) ...je regrette que les arguments présentés soient infondés, je regrette que les faits aient été trahis. De ce fait, j'imagine qu'un renvoi en commission n'améliorerait pas sensiblement les débats et je pense qu'il faut trancher nettement. Les choses sont claires...
Le président. Monsieur le chef de groupe socialiste, est-ce que vous pouvez aller discuter dehors avec le représentant du groupe LJS ? Parce que vous avez peut-être des choses très importantes à vous dire, mais vous comprenez qu'ici... Voilà ! (Commentaires. Rires.)
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Oui ! (L'orateur rit.) La proposition - je vais essayer de terminer - est en fait d'une simplicité biblique; elle n'affectera aucunement l'aéroport... Si M. Nidegger pouvait s'empêcher de prendre des photos ou de filmer la séance, ça m'arrangerait, merci ! (Remarque.) A ma connaissance, la loi portant règlement de ce Grand Conseil interdit la prise de photos pendant les séances, mais peut-être ai-je tort ! Vu que j'étais dans le viseur, vous me permettrez de vous demander d'effacer les documents qui... (Remarque.) Je vous remercie !
Je reprends: cette motion est d'une simplicité absolue. Elle n'aura qu'un impact très marginal sur les activités économiques de l'aéroport et cet impact sera positif puisqu'il remettra les activités aéronautiques sur la voie que chacune et chacun espère...
Le président. Monsieur le député, vous devez vous arrêter: vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...et c'est bien pour cela que nous refuserons le renvoi en commission. Je vous remercie.
Le président. Nous passons maintenant au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2918 à la commission de l'économie est adopté par 51 oui contre 41 non. (Vifs commentaires durant la procédure de vote. Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante... (Brouhaha.) Je le répète, est-ce que les personnes qui... Monsieur Pistis et compagnie, pouvez-vous sortir, s'il vous plaît ? Je demande aux personnes qui souhaitent parler de sortir de la salle; sinon, je les renvoie. (Commentaires.) Monsieur le membre du groupe Le Centre, pouvez-vous vous asseoir ou alors sortir si vous voulez discuter ?
Cela vaut pour tout le monde: si vous avez des choses à vous dire, vous pouvez avoir ces discussions dehors. Dans cette salle, nous débattons et nous nous écoutons. D'accord ? Je comprends, Mesdames et Messieurs, qu'il est très difficile de se lever, de marcher et de sortir de la salle, cela demande une quantité d'énergie insupportable ! Mais faites-le, s'il vous plaît, parce que vous permettrez aux gens qui veulent débattre d'écouter les échanges tranquillement. D'accord ? C'est une atteinte, un manque de respect, et même d'éducation !
Voilà, nous en sommes à la M 2921-B, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Ivanov, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette proposition de motion a été déposée en mars 2023 par le groupe démocrate-chrétien - c'était son nom à l'époque -, avec Mme Delphine Bachmann comme première signataire. Un certain nombre de débats ont eu lieu en commission. Un premier rapport a été renvoyé en commission lors d'une récente plénière, d'où ce nouveau rapport.
Un amendement général a été déposé par un ou une commissaire du groupe socialiste. (Remarque.) Un commissaire socialiste - merci pour la correction ! Cet amendement vise à séparer les propositions en deux invites: une invite pour le chèque sport et une autre pour le chèque culture.
Cet amendement a été accepté par 12 oui, 1 non et 2 abstentions. Lors du vote final, la motion ainsi amendée a été votée par 10 oui, 4 non et 1 abstention. La majorité de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport vous demande donc d'accepter ce texte. Merci, Monsieur le président.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Comme on le sait tous, les motions ont souvent un effet déclaratoire, peut-être aussi un effet médiatique; on parle beaucoup, mais en bout de ligne, il ne se passe pas grand-chose. Celle-ci est un peu un modèle du genre, en particulier puisqu'elle a été déposée à quelques semaines du premier tour des élections au Conseil d'Etat et au Grand Conseil, par une candidate qui allait être brillamment élue !
Et là, évidemment, elle ne pouvait pas se tromper: l'idée était de flatter les gens qui aiment le sport, ceux qui aiment la culture, les familles, enfin tout était réuni pour se faire des électeurs à bon compte. Mais quand on étudie cette motion, on constate que tout ce qui est proposé était en fait déjà réalisé par l'Etat, qui a une politique culturelle et une politique dans le domaine du sport affirmées, avec justement des prix très accessibles, voire des entrées libres.
En commission, on a pu entendre M. Jean-Noël de Giuli, de l'Association genevoise des sports, qui nous a expliqué que 95% des événements étaient juste gratuits. On a aussi eu le plaisir d'entendre une députée socialiste, qui maîtrise bien les sujets liés à la culture, nous dire à quel point c'était déjà réalisé par l'Etat, puisque l'essentiel est gratuit et que des mesures sont déjà prises dans le domaine culturel.
Par conséquent, on enfonce des portes ouvertes; c'est le motif pour lequel le PLR vous demande de refuser cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Thierry Arn (LC). Chères et chers collègues, en préambule, quant à l'accusation de motivation purement électoraliste derrière cette motion, je me questionne sur l'initiative que nous avons traitée hier, car il me semble que nos débats à son sujet ont montré que cette initiative enfonçait, elle aussi, des portes ouvertes; donc balle au centre ! (Rires.)
Une voix. Bravo !
M. Thierry Arn. Avec cette proposition de motion, pour une fois, on montre qu'il n'y a pas de concurrence entre le sport et la culture; ces deux politiques publiques sont mises sur un pied d'égalité. On a toujours dit que le sport était le parent pauvre de nos politiques publiques. Or, on le met ici au même niveau que la culture.
Au début, ce texte avait l'ambition de promouvoir la culture et le sport à l'aide d'un pass. Comme on l'a déjà expliqué, des débats ont eu lieu en commission. Et effectivement, il est apparu que le département avait déjà fait beaucoup de travail, notamment pour la culture. Je citerai la carte «20 ans 20 francs». Le département a également expliqué qu'il y avait des difficultés quant à la mise en application d'un tel pass au niveau de la culture ainsi que pour le sport.
A la fin des débats, comme cela a été relevé par le rapporteur, la commission a pris conscience que ce dispositif du pass était peut-être superflu, mais a souhaité garder l'idée d'un chèque. Ce chèque sport servira aux familles qui en ont besoin en leur offrant des tarifs réduits, par exemple pour les entraînements de foot à l'année ou pour une raquette de tennis. Ce sera la même chose pour le chèque culture, notamment pour des cours de musique ou pour du matériel, comme un instrument, afin de permettre la pratique de ces loisirs.
Maintenant, il est vrai que sur la question du financement, nous attendons de la part du département des solutions innovantes pour la mise en place de ces chèques, qui ont pour but de renforcer le pouvoir d'achat. Dans un contexte d'inflation et d'augmentation des coûts, c'est un coup de pouce bienvenu pour les familles, que Le Centre soutiendra toujours. Nous vous recommandons donc d'accepter cette motion. (Commentaires.)
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. J'ai la lourde tâche de donner la position contrastée de mon groupe, en l'absence de mon collègue qui a déposé cette proposition d'amendement visant à séparer le chèque culture et le chèque sport. Cela a été dit, le pass est une fausse bonne idée. Proposer un tel pass, c'est méconnaître la réalité du secteur culturel. Car ce n'est pas seulement l'Etat qui intervient: les institutions, les lieux culturels eux-mêmes proposent des réductions, quels que soient d'ailleurs les publics concernés, et ont une politique d'accès qu'il faut tout à fait saluer. S'agissant du sport, comme cela a été relevé tout à l'heure, les milieux sportifs étaient aussi très dubitatifs.
La commission s'est tournée vers la possibilité de créer des chèques sport et des chèques culture. Alors oui, bien sûr que sur le fond, il faut aider les personnes et les jeunes, puisqu'on parle des moins de 25 ans, à accéder au sport et à la culture. Je pense que là-dessus, aucun groupe n'aura de doute. Par contre, dire que ces chèques peuvent être utilisés pour des abonnements à des clubs, très bien, mais il n'y a aucune définition: quels sont ces clubs sportifs ? Quels types d'abonnements sont concernés ? Est-ce que ça marche aussi si je prends un abonnement au fitness, par exemple ? Ce n'est pas forcément un club.
Et puis, pour la culture, on parle de chèque pour les associations culturelles. Si je prends un cours à l'Ecole-club Migros, est-ce que c'est une association culturelle ? Qu'est-ce que c'est que cette association culturelle qui va pouvoir bénéficier de ce chèque culture ? On ne dit rien non plus des montants. Et pour finir, on indique que cela se fait en coordination avec les communes, mais elles n'ont pas du tout été auditionnées, on ne sait pas ce que pense l'ACG ni quelle sera cette contribution.
Les socialistes ont effectivement été divisés, considérant que soit on prend le temps d'élaborer une vraie proposition, une vraie motion, soit on amende ce texte et, comme le disait le préopinant du Centre, on envoie tout ça au département pour qu'il réfléchisse. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je me réjouis donc beaucoup que les collaborateurs du département, qui ont dit que c'était une fausse bonne idée, se mettent à réfléchir aux montants, au cercle des bénéficiaires, qu'ils contactent les communes, etc. !
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. Mais évidemment, comme les socialistes soutiennent le sport et la culture, ils auront la totale liberté de vote sur cet objet. Merci.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, j'avoue que je n'ai toujours pas compris quelle était l'urgence sur cette motion... (Rires. Commentaires.) Mais enfin, poursuivons le débat ! Madame Mach, je vous cède le micro.
Mme Laura Mach (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les nombreuses auditions en commission ont effectivement montré que Genève dispose déjà d'une offre étoffée en ce qui concerne l'accès offert aux spectateurs dans le cadre de manifestations culturelles et sportives, notamment avec la carte «20 ans 20 francs» et divers pass culturels. C'est pourquoi notre groupe a soutenu l'amendement demandant de réorienter la motion vers l'accès aux activités sportives ou culturelles, notamment la pratique du sport ou de la musique.
En effet, la pratique régulière d'un sport ou d'un instrument n'est pas un luxe, c'est un facteur essentiel de développement personnel et d'équilibre. C'est aussi un puissant vecteur d'intégration sociale et d'épanouissement pour les jeunes. Malheureusement, la baisse du pouvoir d'achat et les coûts croissants des cours, du matériel et des cotisations créent une barrière financière pour de nombreuses familles. Ces chèques - nous l'espérons en tout cas - permettront à plus de jeunes de pratiquer une activité, quel que soit le revenu de leurs parents.
J'ajoute que l'on sait bien qu'à Genève, le sport et la culture sont du ressort des communes et que plusieurs d'entre elles ont déjà mis en place des dispositifs similaires. Cependant, il existe de grandes disparités. Une aide cantonale harmonisera ces soutiens et assurera une meilleure égalité d'accès sur l'ensemble du territoire. Le groupe des Verts soutiendra donc cette motion amendée. Merci.
M. Frédéric Saenger (LJS), député suppléant. Chers collègues, la culture et le sport ne sont pas des privilèges, mais des droits ! Des droits de tous nos concitoyens ! Aujourd'hui, l'accès à ces droits fondamentaux doit être une priorité. Les chèques culturel et sportif actuels constituent un premier pas, certes, mais un pas bien trop petit, avec lequel nous n'ouvrirons pas les portes de la culture et du sport à notre jeunesse: nous ne ferons que les entrebâiller.
Car soyons clairs, offrir un simple aperçu, une dégustation d'une ou deux activités, un concert, une visite de musée, quelques cours, sans permettre un engagement plus profond, c'est semer la frustration. C'est donner envie sans donner les moyens de satisfaire cette envie. Pire encore, cela creuse les inégalités: ceux qui ont les moyens compléteront le chèque, les autres resteront sur le seuil, doublement exclus, car privés d'abord d'accès puis de la possibilité de poursuivre une expérience positive.
Nous ne parlons pas de simples divertissements - et encore, le divertissement, c'est bien aussi -, mais d'inclusion, de prévention, d'élévation, de renforcement du tissu social, de construction d'un vivre-ensemble plus harmonieux. Il s'agit de soutenir tous les clubs et associations sportives et culturelles, en reconnaissant leur rôle essentiel dans l'éducation, le lien social et l'épanouissement de notre communauté.
C'est pourquoi LJS soutient l'idée d'un pass et non d'une simple aumône, soit un véritable tremplin vers la culture et le sport, un outil qui responsabilise les jeunes en leur offrant un réel pouvoir d'agir sur leur parcours. Il ne s'agit pas de gratuités, mais d'un investissement intelligent, d'un coup de pouce décisif.
Cependant, on peut regretter que la motion se concentre sur les grandes institutions et oublie les plus petites structures, qui ont bien plus besoin de visibilité et de soutien. J'espère donc que ce n'est qu'un début et que nous aussi, nous pousserons la porte. C'est un investissement pour notre avenir, pour une société plus ouverte, plus juste, plus harmonieuse, c'est un soutien vital à notre tissu culturel et sportif ainsi qu'à l'économie locale qui en dépend. C'est pour cela que Libertés et Justice sociale s'engage pour ce projet, avec quelques pincettes sur la forme ! Mais ce n'est qu'un début !
M. Amar Madani (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, dans la foulée de nos discussions d'hier, durant lesquelles nous avons parlé du sport en débattant d'une initiative et de la culture à travers le projet de musée de la bande dessinée, nous ajoutons ce soir une nouvelle couche à ce mille-feuille que sont le sport et la culture, qui, il faut le dire, font partie intégrante de notre cohésion sociale.
C'est pourquoi je vous dis d'emblée que le MCG souscrit à cette idée. Mais il va encore plus loin, preuve en est que dans son programme de campagne électorale, il demande un accès universel au sport et à la culture. Nous aimerions qu'il y ait non seulement un chèque ou un accès aux institutions publiques et aux grandes infrastructures, mais aussi, pourquoi pas, une participation offerte à certaines institutions privées. Nous vous invitons donc à soutenir cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Blondin.
M. Jacques Blondin (LC). Monsieur le président...
Le président. Vous avez trente secondes à disposition.
M. Jacques Blondin. Je prends la parole pour m'adresser à vous, Monsieur le président. Avec tout le respect que j'ai pour votre personne et pour votre fonction, j'ai été étonné de votre appréciation personnelle sur la nécessité ou non de traiter cet objet en urgence. J'aimerais juste vous rappeler que cette question a été soumise à l'appréciation de ce Conseil, qui a accepté l'urgence. Je vous remercie de vous abstenir de tels commentaires à l'avenir. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je ne remets pas en question la décision qui a été prise par le Grand Conseil. C'est une appréciation personnelle que j'émets, mais si cela vous a posé problème, je m'en excuse. Mais je dois dire, et je m'adresse à l'ensemble des députés, que quand on présente des objets en urgence, ce doit être des objets urgents... (Commentaires.)
Une voix. C'est juste !
Le président. ...par respect envers les citoyens et citoyennes de ce canton. Ce sont ces personnes qui vous ont élus ! Beaucoup d'objets de notre ordre du jour sont urgents. Il y en a pas mal, d'accord ? Voilà, merci. Je passe la parole à M. Sangdel.
M. Djawed Sangdel (LJS). Merci, Monsieur le président. L'importance de la culture et du sport a déjà été soulignée. Comme dans le cadre de la campagne des élections municipales LJS met un accent particulier sur ces domaines, nous vous demandons de soutenir cette motion, qui contribue indirectement à la santé. Parce que quand on parle de sport, on vise à améliorer la santé des citoyens.
Je vous invite à soutenir les projets qui contribuent à éviter que les gens tombent malades, afin d'avoir moins à investir pour le traitement des maladies. Cette motion offre aux jeunes de moins de 25 ans qui n'ont pas les revenus ou les moyens suffisants la chance d'avoir accès au sport et à la culture. Je vous encourage donc à la voter. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur. L'amendement améliore l'accès au sport et à la culture. L'Etat devra accorder ses violons avec les communes pour trouver un bon équilibre. Ce chèque sport et ce chèque culture mettent pour une fois sur un pied d'égalité ces domaines et s'adressent aux familles dans le besoin, pour permettre aux enfants qui n'ont pas accès au sport et à la culture de pouvoir enfin en bénéficier. Il n'y a pas de raison que nos jeunes restent au bord du chemin.
Pour tous ces motifs, la majorité de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport vous demande de bien vouloir accepter cette motion amendée en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2921 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 28 non et 4 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Nous attaquons notre dernière urgence, soit la M 2994-A, classée en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Louise Trottet (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet objet a été traité à la commission de la santé entre mai et octobre 2024, et durant ses travaux, la commission a pu procéder à différentes auditions... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Louise Trottet. ...dont celle du département de la santé, des services compétents au DIP, de la Dr Edan de l'unité Malatavie ainsi que de l'association Stop Suicide. Cette proposition de motion, déposée par le groupe MCG, est à replacer dans le contexte d'une augmentation majeure... (Commentaires.) ...de la souffrance psychique dans la population jeune, avec notamment une croissance des hospitalisations... (Brouhaha.)
Le président. Est-ce que le groupe UDC peut laisser parler la rapporteure ? Merci.
Mme Louise Trottet. ...de jeunes femmes en psychiatrie en 2021. Si l'on regarde les chiffres, on s'aperçoit qu'il s'agit en particulier de très jeunes filles: on parle presque d'enfants, âgées de 10 à 14 ans. Selon les chiffres de l'unité Malatavie, les hospitalisations à Genève avaient ensuite légèrement diminué en 2022, avant de repartir à la hausse en 2023. Il existe aussi d'autres indicateurs, comme les consultations aux urgences psychiatriques ou pédiatriques pour des motifs de risques suicidaires, qui ont de nouveau augmenté en 2023 et 2024 après l'accalmie de 2022.
Quand on examine les origines de la hausse des hospitalisations et de la souffrance en général, on remarque qu'elles sont multiples, mais elles sont encore incomplètement définies. Les statistiques pointent notamment du doigt les réseaux sociaux, la pandémie de covid-19, évidemment, avec l'isolement qu'elle a produit, mais également d'autres causes comme le changement climatique avec son corollaire qu'est l'éco-anxiété, les questionnements et difficultés autour de l'orientation sexuelle ou de genre ou les nouvelles addictions, en particulier les nouvelles addictions sans substance.
Il est nécessaire de rappeler également - le département de la santé l'a relevé en commission - que la catégorie d'âge en plus forte augmentation à l'AI est celle des 18-25 ans, et ce, souvent pour des questions de pathologie psychique. Les troubles mentaux chez les jeunes ont donc, en plus d'un poids individuel, des conséquences économiques très concrètes.
Bien que le système de santé genevois soit déjà riche en offres de soins pour la santé mentale - il faut le souligner -, il n'est pas épargné par une certaine saturation, notamment le secteur ambulatoire. Certaines avancées sont encore possibles, en particulier dans la prévention des troubles psychiques au niveau scolaire. Par exemple, l'accès aux classes d'école de l'association Stop Suicide - l'efficacité de leurs méthodes en matière de prévention du suicide a été prouvée - est bien meilleur dans certains cantons comme celui de Neuchâtel qu'à Genève où cet accès est sporadique.
La motion sur laquelle porte le rapport traité ce soir a été votée en commission à l'unanimité moins une voix dans sa version amendée en commission; elle demande notamment une meilleure coordination des structures ambulatoires et hospitalières...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Louise Trottet. Merci. ...pour que soient pris en charge les jeunes présentant une souffrance psychique. Elle demande aussi une prévention renforcée au niveau scolaire avec un meilleur accès des associations de prévention du suicide et une plus grande implication des psychologues dans les établissements où leur présence ferait défaut.
Au-delà du système de santé, cet objet pose la question essentielle de la manière d'améliorer la santé mentale dans le contexte d'aujourd'hui au sens large. Les variables qui influencent le bien-être psychique ne sont pas seulement médicales: on parle notamment de facteurs sociaux, de facteurs environnementaux, ainsi que probablement d'une quête de sens dans notre société en plein changement et avec de multiples crises, que l'on a déjà bien décrites dans ce parlement. Ce texte met en exergue le rôle crucial de l'école dans la formation d'une psyché saine et, par conséquent, la nécessité de soutenir le système scolaire dans ce rôle absolument essentiel. La majorité de la commission vous recommande donc d'accepter ce texte.
M. Marc Saudan (LJS). Il y a des sujets sur lesquels nous sommes tous d'accord, des sujets dont on parle peu, par pudeur ou parce qu'ils peuvent évoquer un malaise de société, et le suicide en est un. La période du covid a entraîné une augmentation nette des problèmes psychiatriques, notamment en raison de l'isolement social. Il faut donc soutenir la prévention et la prise en charge des idées suicidaires. C'est pourquoi le groupe LJS votera cette motion. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à Mme Roch. (Un instant s'écoule.)
Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, je n'avais pas vu mon micro clignoter ! Les points principaux présentés dans cette motion ont été bien relevés, et je remercie la rapporteure pour son rapport exhaustif. Je rappelle que le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes. Cet objet tire son origine de l'augmentation des hospitalisations et des idées - je ne veux pas dire l'envie - suicidaires chez les jeunes et surtout chez les jeunes femmes.
Il nous apparaissait primordial de pouvoir renforcer les actions déjà mises en place: on a des associations proactives et on les remercie, mais je pense qu'elles ne sont aujourd'hui pas suffisantes. On doit les soutenir, faire de la prévention dans nos écoles, mais de manière systématique. Je suis ravie de voir que la commission a pu prendre la mesure de l'importance de cette motion et vous enjoins de soutenir ce texte.
M. Pierre Nicollier (PLR). Cet objet soulève une problématique très préoccupante, et je voudrais commencer par remercier son auteure d'avoir porté le sujet à notre connaissance.
Le suicide est une problématique de santé publique majeure, comme on l'a relevé, et les statistiques nous montrent une hausse préoccupante des idées suicidaires chez les jeunes, en particulier chez les jeunes femmes. Ces chiffres font également apparaître une augmentation, comme on l'a souligné, des tentatives de suicide et une baisse de l'âge moyen des décès liés au suicide.
Je souhaite remercier aussi tous les acteurs de la santé et du social, dans les organisations publiques, privées et associatives, pour le travail effectué. Des moyens de prévention sont en place, mais ils peuvent être renforcés et nous devons en faire la promotion afin que ceux qui pourraient en avoir besoin les connaissent. Concrètement, des efforts sont également demandés s'agissant des programmes éducatifs de prévention dans les écoles, y compris sur les effets des réseaux sociaux. L'école est en effet identifiée comme un lieu clé pour la prévention des troubles psychiques, et les réseaux sociaux sont considérés à la fois comme un facteur de risque et une opportunité d'intervention. Pour toutes ces raisons, le groupe PLR soutiendra ce texte et vous invite à faire de même. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, cette motion est bienvenue et je remercie son auteure. Ceux d'entre vous qui ont pu écouter ce matin un reportage de la RTS-La Première ont pu se rendre compte que l'unité qui accueille des gens à tendance suicidaire a sérieusement augmenté ses consultations ces derniers temps: c'est un peu l'ère post-covid, ce sont les résultats du confinement, mais c'est également en raison de l'inquiétude face à l'avenir réservé à ces jeunes dans la situation que nous connaissons à l'heure actuelle.
Je fais deux constats à ce sujet, notamment en relation avec le covid. Le premier, c'est l'importance, que l'on sous-estime un peu, des covid longs; ceux-ci ont touché un nombre assez impressionnant de personnes, durent depuis deux, trois ans, laissent des séquelles importantes sur la santé et posent des problèmes dans le cadre du monde du travail en particulier.
Le deuxième constat que je fais, c'est que pendant le covid, pendant l'application de toutes les mesures et en particulier le confinement, nous nous sommes beaucoup occupés des personnes les plus fragiles de notre société, c'est-à-dire nos aînés. Nous avons toutefois, je pense, un peu négligé les jeunes, notamment ceux qui se sont retrouvés confrontés à un télé-enseignement pendant leur première année scolaire, leur première année de formation ou universitaire. Ce n'est en effet pas drôle de se retrouver derrière un écran, de ne pas avoir de contacts physiques avec ses profs, avec ses camarades. Le fait d'avoir brisé le lien social pendant toute cette période de confinement, ce n'est pas drôle pour un jeune: pas de fêtes, pas de relations sociales, pas de drague, et ça pose quand même un certain nombre de difficultés. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons vraiment à accepter cette motion. Je vous remercie.
Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, durant nos travaux, nous avons appris que l'association Stop Suicide avait sensibilisé plus de trois mille élèves à Neuchâtel lors d'ateliers de prévention, dont l'efficacité a été validée par l'Université de Berne; absolument toutes les classes de onzième année du canton y ont participé. On a donc été extrêmement surpris d'apprendre qu'à Genève, Stop Suicide n'avait pas un accès direct à l'ensemble des écoles et que l'association se démenait pour financer le peu d'ateliers qu'ils pouvaient donner. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement, qui a été soutenu et que je me permets de lire: «En se basant sur le modèle neuchâtelois, mettre en place des ateliers de prévention du suicide auprès de tous les élèves de la 11e année pour la rentrée 2025-2026». Bien évidemment, nous nous réjouissons du soutien à cet amendement, mais nous attendons le même soutien lorsque nous viendrons avec une demande de fonds complémentaires pour financer l'ensemble de ces ateliers. Nous vous invitons à voter cette motion telle qu'amendée. Je vous remercie.
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion plus que nécessaire résonne comme un appel à l'action face à une situation alarmante; je pense que ça a été relevé dans l'ensemble des prises de parole ce soir. Le suicide, notamment des jeunes, est un drame humain aux conséquences dévastatrices pour les familles et notre société. Les données mentionnées dans le rapport sont claires: le taux de pensées suicidaires chez les jeunes et particulièrement chez les jeunes femmes augmente de manière inquiétante. Une telle détresse ne peut être ignorée, et il est de notre devoir d'agir.
Cette motion propose des mesures concrètes pour renforcer des dispositifs de prévention, d'accompagnement et de sensibilisation: parmi ces mesures, l'amélioration des services de première consultation, l'accès accru à des soins psychiatriques adaptés et des actions de sensibilisation. Ces mesures, associées à une coordination des efforts entre les écoles, les professionnels de la santé et les associations, répondent aux besoins réels de notre jeunesse.
Les causes de ces suicides ont été rappelées et sont multiples: réseaux sociaux, isolement amplifié par la pandémie ou encore harcèlement scolaire. Face à cette complexité, il est impératif d'adopter une approche globale, incluant à la fois l'éducation, la santé mentale et le soutien social.
Cette motion est un appel à l'unité, au-delà des différences politiques dans ce parlement. Il s'agit de sauver des vies, et par conséquent de renforcer des dispositifs existants et de créer un environnement dans lequel les jeunes peuvent trouver écoute et soutien. En votant cette motion, nous affirmons notre engagement pour une société qui place le bien-être de sa jeunesse au coeur de ses priorités. Pour ces raisons, la majorité de notre groupe votera cette motion, comme elle l'a fait en commission par le biais de ses deux commissaires.
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Yves Nidegger pour une minute dix-neuf.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Monsieur le président. Si quelqu'un ne doit pas en rajouter en fait d'anxiété et de causes des pensées suicidaires, c'est bien l'Etat. On a clairement indiqué que la période covid... Qu'est-ce que c'est, la période covid ? Ce n'est pas le virus qui s'est baladé et auquel nous avons fini par résister parce qu'il a muté ! C'est la politique qui a été imposée: une politique anxiogène, qui parlait de mort tous les jours, présentait des statistiques catastrophistes, a créé un climat d'anxiété, confiné les jeunes et les a en premier lieu privés de leur possibilité de vivre, et ce, davantage qu'elle n'a eu d'effets sur les personnes âgées.
Pour en rajouter, à la sortie du covid, on a l'éco-anxiété ! Tous les jours, c'est la fin du monde ! Demain... Tout se réchauffe ! Or ce parlement y participe de manière grandiose en tenant sans arrêt un discours qui consiste à déprimer les gens ! De grâce, arrêtez les frais ! Vous en avez fait assez !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2994 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui contre 4 non (vote nominal).
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons l'ordre du jour et nous nous penchons sur la M 2796-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que les membres qui représentent la majorité de la commission ne m'en voudront pas, car je prends l'initiative de demander un renvoi en commission. Je vais vous expliquer pourquoi.
J'ai été interpellé hier par Sébastien Desfayes, premier signataire de cette motion: il m'a indiqué qu'une jurisprudence récente du Tribunal fédéral sur cet objet amenait des éléments concernant nos travaux dont nous n'avons pas pris connaissance. Vous pourriez vous demander: «Certes, mais comment se fait-il qu'après environ quatre ans, nous n'ayons pas pu aboutir à une conclusion satisfaisante ?» Alors pour des juristes, les choses sont probablement assez simples, mais pour le non-juriste que je suis, je vous dirai que le problème est qu'Hippocrate dit oui et Galien dit non, et qu'avant qu'on examine de nouveaux éléments - qui justifieraient un renvoi en commission -, il est extrêmement difficile de trancher.
En deux mots, pour les non-membres de la commission judiciaire et de la police, ce texte demandait d'interdire «au SAPEM d'opérer des conversions de peines pécuniaires en peines privatives de liberté en relation avec des condamnés au titre de la [...] violation» de l'article 115 de la loi sur les étrangers, traitant des séjours illégaux, ou de l'article 291 du code pénal, portant sur la rupture de ban.
Ce qui justifie aussi le renvoi en commission, c'est un argument de forme: à la dernière séance, nous devions voter parce que nous étions arrivés en deuxième délai de traitement dépassé. Nous avons proposé un amendement, qui figure dans la forme actuelle de la motion: plutôt que d'écrire «faire interdiction», on a tourné la formulation de l'invite de la manière suivante: «à rendre un rapport sur les pratiques de l'Etat en matière de conversions [...]».
Le sous-entendu est qu'en quatre ans, nous n'avons pas pu savoir ce qu'il en était, nous allons donc demander au Conseil d'Etat de clarifier la situation. Voilà où nous en sommes. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous demande de bien vouloir voter le renvoi en commission de ce texte. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient au rapporteur de minorité, sur le renvoi en commission.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'espère que l'on m'excusera d'être juriste et d'avoir vu que les auteurs de la motion demandaient au Grand Conseil d'inviter le Conseil d'Etat à ordonner à son administration de faire obstacle à l'application du code pénal et ainsi à violer le droit fédéral. Le code pénal prévoit la conversion des peines pécuniaires en jours identiques de prison lorsque celles-ci ne sont pas exécutées - c'est le droit fédéral -, sans qu'aucune décision administrative ne soit nécessaire, car c'est l'affaire des tribunaux. Inviter le gouvernement à demander à son administration de ne pas agir dans un domaine où elle n'agit pas, c'est complètement absurde ! C'est la raison pour laquelle la minorité vous recommande de rejeter cet objet plutôt que de prendre prétexte de cette motion pour requérir du Conseil d'Etat un xième rapport inutile et coûteux, ce que la majorité vous demandait jusqu'à il y a cinq minutes.
Alors maintenant, est-ce qu'il faut renvoyer ce texte en commission pour constater tout cela, enterrer le projet et revenir avec une proposition de la majorité de l'enterrer complètement en plénum, ou est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux enterrer en plénum aujourd'hui même un texte dont la majorité reconnaît qu'il est sans objet, qu'il ne sert à rien et qu'il faudrait lui régler son compte ? C'est la position que je défends maintenant. Je vous appelle à voter simplement non à cette motion. On a assez perdu de temps: quatre ans sur un non-sujet, ça suffit !
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2796 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 66 oui contre 10 non et 1 abstention.
Débat
Le président. J'appelle maintenant la M 2886-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole revient à Mme Gabriela Sonderegger.
Mme Gabriela Sonderegger (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission judiciaire et de la police a étudié la motion 2886 intitulée «En prison pour une amende impayée ? D'autres mesures doivent être déployées». Nos travaux ont nécessité cinq séances entre 2023 et 2024, présidées par Mme Osmani. Le département des institutions et du numérique (DIN) ainsi que les Transports publics genevois (TPG) ont notamment été auditionnés.
Le premier signataire du texte a exprimé son indignation face à la situation de personnes qui séjournent à Champ-Dollon en raison de dettes liées à des amendes non réglées, en particulier celles touchant les jeunes à faible revenu qui utilisent les transports en commun. Depuis 2018, le durcissement du code pénal a aggravé cette problématique: les amendes peuvent être transformées en jours de prison, ce qui crée un cercle vicieux d'endettement et d'incarcération, le tout avec des coûts élevés pour la société.
Lors des travaux, il a été relevé qu'il est possible de contester une ordonnance pénale dans les quatorze jours et, ainsi, de réduire le montant dû jusqu'à 20% de la somme initiale avec une option de paiement échelonné de 5 francs par mois. Si aucune opposition n'est formulée, l'ordonnance entre en force, suivie d'un rappel après quarante-cinq jours et d'un délai supplémentaire de soixante jours avant le transfert à l'office des poursuites. Lorsque la personne n'est pas solvable, un acte de défaut de biens est prononcé. Il a également été constaté que certaines personnes commettent des infractions répétées; des mesures pénales sont alors nécessaires pour remédier à ce problème.
Ensuite, le département des institutions et du numérique nous a présenté le bilan de son projet pilote en matière de travaux d'intérêt général (TIG) - cela répond à la deuxième invite visant à élargir le nombre de places. Le travail d'intérêt général est réglementé par l'article 79a du code pénal, qui stipule que s'il n'existe pas de risque de fuite ou de récidive, les détenus peuvent demander d'effectuer leur sanction sous forme de TIG s'agissant de peines privatives de liberté de six mois maximum. Le travail d'intérêt général doit être effectué au profit d'institutions sociales ou d'oeuvres d'utilité publique et n'est pas rémunéré. Il ressort de cette disposition que le TIG ne peut être prononcé qu'à la requête de l'auteur et qu'une peine privative de liberté de substitution (PPLS) ne peut pas être convertie en TIG. Dès lors, selon le code pénal, lorsque quelqu'un ne paie pas une amende, il ne peut pas exécuter sa peine privative de liberté sous forme de travail d'intérêt général.
L'audition des TPG nous a montré que suite à l'introduction du registre national des resquilleurs, les tarifs nationaux des surtaxes étaient différenciés en fonction du niveau de récidive. Jusqu'à la septième infraction, les individus concernés auront reçu 18 courriers (six factures et douze rappels). Pour les mineurs, la plainte est dirigée vers le Tribunal des mineurs. Enfin, afin de mieux gérer l'endettement, une expérience pilote impliquant plusieurs départements est menée, qui encourage la détection précoce des problèmes financiers.
Encore quelques chiffres: en 2023, les TPG ont enregistré 44 882 fraudes, un chiffre stable et comparable au résultat d'autres entreprises de transport. Parmi elles, 20 240 cas concernaient des récidivistes, principalement âgés de 20 à 29 ans. Il faut souligner l'importance d'un traitement équitable pour garantir le respect de la loi; or les mesures proposées dans cette motion dépassent ce qui est faisable. L'audition des TPG a mis en avant que le problème n'est pas de leur ressort: cet objet ne changerait rien à la pratique, car c'est le droit fédéral qui régit le non-paiement des amendes. En conclusion, une large majorité de la commission a rejeté cette motion, et nous vous encourageons à suivre cette position. Merci de votre attention.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Je demanderai un renvoi en commission pour les raisons que je vais exposer. Comme Mme la rapportrice de majorité l'a rappelé, la procédure est complexe et comporte de nombreuses étapes. Lors des travaux de commission, nous avons rapidement identifié que le problème se situait au niveau des personnes insolvables, lesquelles n'ont pas la capacité financière de payer leurs dettes, ce que l'immense majorité des amendés décident de faire... (Remarque.) Monsieur Florey, vous pouvez toujours solliciter la parole plutôt que de beugler depuis l'autre côté de la salle ! Ah, ça fait du bien de le dire, ça me démangeait depuis longtemps ! (Rires.)
Bref, revenons au sujet: les individus qui ne disposent pas des moyens de s'acquitter de leurs amendes ne préfèrent certainement pas séjourner en prison comme mesure de substitution pour leurs dettes, mais les travaux d'intérêt général ne leur sont pas accessibles pour les motifs déjà expliqués par Mme Sonderegger, que je remercie.
Là, on a peut-être une idée du travail qui reste à faire et des efforts à déployer pour éviter de priver les gens de leur liberté de manière totalement disproportionnée. J'estime en effet, et la minorité avec moi - c'est une différence sur le principe -, que le non-paiement d'une amende, même de manière répétée, ne devrait pas mener en détention: il y a un déséquilibre total entre le problème de base et la sanction. C'est la raison pour laquelle il s'agirait de creuser davantage afin de déterminer pour quelle raison le travail d'intérêt général ne représente pas une option pour les personnes insolvables.
Or c'est précisément à ce moment-là des travaux de commission que l'examen s'est abruptement terminé, malgré des propositions d'auditions spécifiquement en lien avec les problématiques d'endettement, qui, on le sait, sont multiples et importantes dans notre canton, et font l'objet d'une action soutenue de la part du département de la cohésion sociale et d'institutions privées comme la Fondation genevoise de désendettement.
Par conséquent, pour pouvoir entendre ces entités et examiner la voie alternative qui consisterait à ouvrir la possibilité des travaux d'intérêt général aux personnes non solvables, je formule une proposition de renvoi en commission; il s'agit uniquement d'explorer cette piste-là. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à Mme Sonderegger, sur le renvoi en commission.
Mme Gabriela Sonderegger (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Nous nous y opposons.
Le président. Bien, merci. Je mets aux voix la demande de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2886 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 51 non contre 23 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat. Madame Masha Alimi, c'est à vous.
Mme Masha Alimi (LJS). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une amende d'ordre relative à la LCR ou le non-paiement d'un billet TPG ou CFF peut déboucher sur une peine privative de liberté de substitution: c'est un fait, c'est le droit fédéral qui l'exige. Mais avant d'en arriver à cette extrémité, il est possible de demander un arrangement de paiement ou de s'opposer à l'ordonnance pénale dans le but de réduire le montant à régler, notamment en fonction du revenu.
L'autorité privilégie la poursuite civile et la saisie sur salaire le cas échéant; elle propose également des travaux d'intérêt général. C'est le cumul de plusieurs infractions et actes de défaut de biens qui la conduit ensuite à s'engager dans la voie pénale. S'agissant des TPG, des solutions sont offertes en amont, par exemple des arrangements de paiement ou des travaux d'intérêt général aussi. Par ailleurs, entre la première infraction, l'accumulation des rappels et la mise en détention, la procédure peut durer de trois à dix ans; c'est dire si des mesures sont prises avant l'option de la poursuite pénale qui peut aboutir à une PPLS.
Dans le cas d'espèce, on ne peut pas accepter l'impunité et il n'est pas de la compétence de ce parlement de modifier le droit pénal fédéral. Il conviendrait effectivement de soulever la question sociale pour les multirécidivistes. Favorisons plutôt, dans le cadre légal existant, des solutions alternatives, prévoyons pour les personnes qui ont commis uniquement une infraction mineure - ce n'est pas toujours le cas - un lieu de détention adéquat. Nous l'avons dit et répété dans le rapport annuel de la commission des visiteurs officiels: nous considérons que celles-ci ne sont pas dangereuses pour la population, au contraire de celles qui ont véritablement commis des délits graves.
Une autre piste consisterait par exemple à intégrer une procédure permettant, avant une incarcération, de déterminer si la personne est sous curatelle pour éventuellement poursuivre le curateur qui n'a pas suivi sa pupille. (Remarque.) Si celle-ci a été identifiée comme irresponsable de ses actes, il conviendrait d'annuler sa peine tout en mettant en place un suivi psychologique. Vous l'avez compris, Libertés et Justice sociale refusera cette motion, car les invites au Conseil d'Etat ne sont pas adéquates et elle mélange des thématiques d'ordre social, politique et criminel. C'est dommage, l'intention était bonne. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, vous pouvez être d'accord ou non avec le discours de notre collègue, mais il n'est pas besoin de ricaner ! A présent, la parole échoit à Mme Fiss.
Mme Joëlle Fiss (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR refusera également cette motion, qui propose de déployer des mesures alternatives afin d'éviter la détention de personnes pour des amendes non payées. Pourquoi y sommes-nous opposés ?
Tout d'abord, le système actuel, comme vient de l'indiquer Mme Alimi, offre de nombreuses opportunités aux individus pour régler leurs amendes avant d'en arriver au stade final de l'emprisonnement - et il s'agit vraiment d'un stade final: les personnes concernées reçoivent plusieurs rappels, elles ont la possibilité de demander un arrangement de paiement, elles sont sollicitées par l'Etat pour changer la situation, donc la privation de liberté ne constitue pas une nouvelle qui tombe du ciel sans avertissement.
Ensuite, il serait vraiment très dangereux, à notre avis, de pratiquer un code pénal à deux vitesses, c'est-à-dire que certains citoyens soient punis d'une peine de prison tandis que d'autres non; c'est vraiment injuste et c'est pour cette raison que nous nous positionnons contre le texte.
Il faut rappeler que les jours-amendes sont déjà ajustés en fonction de la situation financière de chacun: les personnes à bas revenu s'acquittent de montants faibles et les solvables de sommes beaucoup plus élevées. Modifier ce système pour introduire des critères supplémentaires risque de générer des disparités, de créer une justice à deux vitesses. Or il convient de traiter les gens de façon équitable, comme la rapporteure de majorité l'a bien souligné tout à l'heure. Il faut encore ajouter que la conversion d'amendes en peines privatives de liberté relève du droit pénal fédéral: le Grand Conseil genevois n'a aucune compétence en la matière et ne peut pas se soustraire à la législation supérieure.
Nous sommes tous d'accord avec ce que le rapporteur de minorité déplore: on ne devrait pas aller en prison lorsqu'on n'a pas payé son ticket de bus, c'est certain. Toutefois, le code pénal, c'est-à-dire la peine privative de liberté, s'applique lorsqu'on ne donne pas suite aux sollicitations de l'Etat, qu'on n'essaie pas de trouver un arrangement financier et qu'on ignore constamment ou fréquemment des rappels. Mesdames et Messieurs, le PLR vous recommande de rejeter cet objet.
Une voix. Bravo.
Une autre voix. Très bien.
Mme Sophie Bobillier (Ve). Aujourd'hui, nous avons entendu la conseillère d'Etat chargée du département des institutions et du numérique indiquer qu'il n'était nullement prévu de cesser de placer des personnes pour amendes impayées à Champ-Dollon. Or il s'agit d'une question de société fondamentale que nous devons nous poser: souhaitons-nous que des individus qui ne se sont pas acquittés d'un billet de transport - volontairement ou non - se retrouvent en prison ?
Dans le cadre des travaux de la commission des visiteurs officiels qui ont été exposés à 14h, il a été mis en exergue qu'un nombre important de personnes exécutent une peine pécuniaire convertie en jours de prison. Le chiffre exact, nous ne le connaissons pas, le département ne nous a pas transmis cette précieuse information, malgré plusieurs relances. Ce soir, combien de gens passeront la nuit en détention pour un ticket de bus impayé ? Combien d'entre eux ont moins de 25 ans alors que notre Grand Conseil a voté la gratuité des TPG pour cette tranche de la population ? Le Conseil d'Etat continue à faire planer l'obscurité.
Cette motion ne va pas à l'encontre du droit fédéral en vigueur, au contraire, elle vise à le renforcer, à aller plus loin: elle demande simplement au Conseil d'Etat d'intervenir auprès des TPG pour renforcer les protocoles d'arrangement de paiement, de s'assurer qu'il y ait suffisamment de places pour que des travaux d'intérêt général puissent être effectués en lieu et place de l'incarcération, de renforcer son action pour éviter la case prison, de clarifier les procédures de solvabilité et d'y intégrer des critères sociaux.
Quelqu'un qui ne règle pas son amende par principe - comme on a pu le voir défrayer la chronique - n'est pas dans la même situation qu'une personne précaire, illettrée, allophone, qui ne comprend que peu notre système complexe ou encore qui souffre de phobie administrative; une amende de 100 francs n'a pas la même portée pour un individu à la rue ou un individu roulant en Lamborghini. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'un examen particulier pour éviter de balancer des gens en prison. Chaque nuit en détention coûte énormément à la société. La prison pour dettes doit appartenir à l'histoire, pas à notre présent. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs, j'ai trouvé très amusant - excusez-moi, cela a peut-être perturbé quelque peu le déroulement de la séance - d'entendre une préopinante indiquer qu'au besoin, il fallait placer la personne sous curatelle et punir le curateur. J'ai pensé aux curateurs de toutes les personnes dans la précarité, majoritairement ceux du SPAd qui sont débordés: si vous incarcérez les curateurs à Champ-Dollon, qui effectuera le travail ? Voilà qui m'a bien fait rire ! Je vous laisse continuer la séance, merci. (Commentaires.)
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Mesdames et Messieurs les députés, Le Centre est d'accord avec le titre de la motion, mais pas tellement avec son contenu. Je m'explique: comme mes préopinants l'ont relevé, il y a beaucoup de démarches en amont et d'arrangements possibles avant qu'une personne en arrive au stade du non-paiement d'une amende et qu'on ne puisse vraiment plus rien faire. Le service des contraventions la condamne alors par ordonnance pénale de conversion, laquelle fixe la peine privative de liberté de substitution. Il faut souligner qu'à ce moment-là, elle a encore la possibilité de payer; si elle ne le fait pas, son dossier est transmis au service d'application des peines.
La loi pénale fédérale, Mesdames et Messieurs, laisse très peu de marge de manoeuvre en matière d'exécution des peines; cette marge réside, c'est vrai, dans le type de peines prononcées. A cet égard, Le Centre souhaiterait que l'Etat développe davantage de mesures de substitution, par exemple les bracelets électroniques et les travaux d'intérêt général, plutôt que de privilégier la case prison. En effet, nous estimons que les individus condamnés pour ne pas s'être acquittés d'une amende ne méritent pas de subir une sanction aussi lourde que la privation de liberté, aussi courte soit-elle.
Cela étant, Mme la conseillère d'Etat Carole-Anne Kast travaille déjà sur l'élargissement du travail d'intérêt général et effectue actuellement une expérience pilote dont nous avons pu découvrir les conclusions intermédiaires. Il est encore beaucoup trop tôt pour tirer le bilan de ce projet.
Nous aurions pu soutenir la motion s'il n'y avait que cela, mais sa dernière invite nous pose beaucoup trop problème: on demande tout de même au service des contraventions qu'il «ne fasse pas seulement un tri en raison de critères de solvabilité, mais ajoute des critères sociaux, de santé, de gravité du cas et de charge de famille, avant de transmettre les dossiers respectivement au service d'application des peines et mesures (SAPEM) ou à l'office des poursuites». Mesdames et Messieurs, ce n'est tout simplement pas le travail du service des contraventions ! Partant, ce texte est parfaitement illégal et ne trouve pas de place dans la problématique. Au Centre, nous attendons avec beaucoup d'intérêt et d'impatience les conclusions de l'expérience pilote menée par la conseillère d'Etat et nous vous invitons à refuser cet objet. Merci.
M. Yves Nidegger (UDC). Nous avons entendu énormément de choses au cours de ce débat... et même deux ou trois éléments justes ! Mais c'était plutôt minoritaire. Je ne vais pas en rajouter, ceux qui ont entendu le message des premiers intervenants ayant cerné le sujet de manière correcte sauront se le rappeler.
Il faut savoir que les travaux d'intérêt général dont on nous rebat les oreilles relèvent du droit fédéral, ne peuvent pas être imposés à quelqu'un qui n'en veut pas et surtout n'intéressent absolument pas la clientèle des amendes impayées accumulées qui constitue le problème évoqué ici. En conséquence de quoi, pas besoin d'en dire beaucoup pour appeler à refuser cette motion hors sujet.
Le président. Je vous remercie. Madame Alimi, il vous reste dix secondes.
Mme Masha Alimi (LJS). Merci, Monsieur le président. Je suis ravie - vous transmettrez à Mme Magnin - de l'avoir fait autant rire. Je n'ai jamais dit qu'il fallait mettre les curateurs en prison. Voilà, merci.
Une voix. On lira le Mémorial !
Mme Danièle Magnin (MCG). Je ne l'ai pas précisé tout à l'heure, Mesdames et Messieurs, parce que j'étais encore sous le coup de l'amusement, mais il y a énormément de jeunes toxicomanes qui n'ont pas d'argent sur eux pour prendre le bus, et vous voulez de surcroît les placer en détention ? En prison, ils seront confrontés à la présence d'individus dangereux qui leur enseigneront tout à fait autre chose que ce qu'ils ont appris dans leur famille à Genève.
Quand j'ai entendu parler de travaux d'intérêt général, je me suis dit: ma foi, pourquoi pas ? On n'est pas loin de la prison pour dettes que raconte Charles Dickens dans ses différents romans sur la pauvreté en Angleterre. Bien entendu, on ne veut pas envoyer nos jeunes concitoyens aux galères, mais si on pouvait - j'en serais ravie - en apprendre davantage sur l'expérience qu'est en train de mener Mme Carole-Anne Kast, ce serait formidable.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous regrettons que l'opportunité de traiter un enjeu important, soit l'injustice - certains groupes l'ont soulignée - que des gens soient placés en prison pour amendes impayées, donc pour dettes, ne trouve pas preneurs et n'ait pas a minima éveillé la créativité de la commission judiciaire et de la police, qui aurait pu amender le texte. Il y a une sorte d'hypocrisie, notamment de la part du Centre qui s'exclame: «Ah, nous aurions voté la motion si elle ne comportait pas cette invite !» Mais qu'ont fait les commissaires ? Ils ont entendu la conseillère d'Etat, ils auraient pu trouver une clé, une solution.
En effet, il me semble que nous sommes assez unanimes dans ce plénum pour dire que ça ne va pas, que la situation actuelle n'est pas correcte, qu'on envoie en prison des gens qui n'ont rien à y faire. Et ce n'est pas la gauche qui le soutient, c'est le service médical de Champ-Dollon, ce sont les agents de détention eux-mêmes face à des personnes privées de discernement qui se retrouvent incarcérées. Certes, on leur a envoyé une série de courriers, mais vous comprenez qu'en ayant recours à la même démarche avec des individus qui ne peuvent pas la saisir, vous arriverez au même résultat. Idem pour les personnes allophones: on envoie les amendes dans d'autres pays, elles ne voient même pas la couleur de ces rappels dont la majorité semble estimer qu'ils représentent la panacée.
On peut s'acharner comme ça longtemps, on va continuer à mettre en détention des personnes soit qui, pour des raisons de santé, n'ont rien à y faire, soit qui s'y trouvent parce qu'elles ne peuvent pas payer - ce n'est pas qu'elles ne le veulent pas, elles n'en ont simplement pas les ressources -, soit parce qu'elles n'ont même pas reçu les notifications car elles vivent à l'autre bout de l'Europe, voire plus loin. Il faut créer autre chose, il faut inventer un nouveau système, il faut définir des critères différents pour éviter ce dispositif qui envoie les gens automatiquement en prison, il faut mener une évaluation.
D'ailleurs, cette automaticité a été attaquée par Me Dina Bazarbachi, et il y a aujourd'hui un effet suspensif sur une situation: une femme mendiante s'est retrouvée - tenez-vous bien ! - emprisonnée à Champ-Dollon pour des amendes de plus de 140 000 francs et aurait dû y rester à peu près deux ans. Vous constaterez qu'il y a quelque chose qui ne va pas. On amende les mêmes gens à répétition pour finalement décider: «Avec des dettes à hauteur de 140 000 francs, vous allez à Champ-Dollon pour deux ans.» Cette femme est mère de deux enfants de 5 et 3 ans, vous admettrez que sur les plans de la proportionnalité, de l'éthique et de la justice, il y a quelque chose qui ne convient pas.
Cette proposition de motion n'est pas parfaite, elle doit être amendée, travaillée ou servir de matériel pour un projet de loi solide, ce que la commission des visiteurs officiels est en train d'élaborer ou de chercher à faire, donc nous vous invitons à renvoyer le texte, qui peut servir de détonateur - on va le dire ainsi -, à la commission des visiteurs officiels, à le faire sortir de la commission judiciaire et de la police qui, apparemment, n'a pas compris l'enjeu ou, en tout cas, l'a mal traité. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des visiteurs officiels. A ce sujet, je passe la parole tout d'abord à la rapporteure de majorité.
Mme Gabriela Sonderegger. Qui ne la souhaite pas !
Le président. Merci. Monsieur le rapporteur de minorité ?
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je la soutiens pleinement.
Le président. Parfait, merci. Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons sur la demande de renvoi à la commission des visiteurs officiels.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2886 à la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil est rejeté par 53 non contre 30 oui et 1 abstention.
Le président. Je repasse la parole à M. Esteban pour quarante secondes.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Ce sera suffisant, Monsieur le président, pour exprimer à quel point je regrette, quand on sait que les situations de surendettement constituent une spirale dont il est très difficile de s'extirper, que le discours ambiant soit celui de la responsabilité individuelle. Il est notoire qu'en cas d'insolvabilité, c'est la case prison quasi automatiquement. Le débat qui a eu lieu juste avant a montré qu'il existe une disproportion entre le fait de ne pas pouvoir payer une amende et de finir en détention. Peut-être le parti Libertés et Justice sociale devrait-il repenser son nom, sachant qu'il est aussi complaisant avec le fait d'incarcérer des personnes en situation de précarité. Mesdames et Messieurs, je vous invite à soutenir cette motion. (Applaudissements.)
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis obligée de vous dire que sur cette question, vous m'attristez particulièrement. Vous m'attristez particulièrement, parce que vous entretenez, de part et d'autre, l'illusion que le droit fédéral pourrait être ignoré; vous m'attristez particulièrement, parce que vous confondez respect de la loi et volonté politique; vous m'attristez également, parce que des personnes ont été auditionnées en commission qui ont expliqué tout le travail qu'elles accomplissent dans ce domaine et que, à écouter le présent débat, c'est comme si elles n'étaient jamais venues.
Enfin, vous m'attristez, parce que vous estimez que renvoyer ce texte en commission pourrait aider mon administration à réaliser ce qui figure dans le programme de législature et va exactement dans le sens des motionnaires, c'est-à-dire éviter, autant que faire se peut, que des peines privatives de liberté de substitution pour non-paiement d'amendes aient lieu sous la forme d'arrêts dans des établissements de détention.
Nous en avons parlé plus tôt dans la journée, je vous ai expliqué que nous cherchons par tous les moyens à empêcher ces peines privatives de liberté de substitution, que nous développons des projets pilotes en amont, que nous essayons de diversifier les lieux de TIG, que nous tentons de trouver une nouvelle manière de contacter les gens pour leur permettre soit de prendre des arrangements, soit d'effectuer du travail d'intérêt général - lequel ne peut pas être imposé -, soit encore de disposer d'autres alternatives aux peines privatives de liberté ou pour les arrangements de paiement.
Au final, Mesdames et Messieurs les députés, voici ce que je vais vous dire, histoire que vous soyez bien énervés contre moi pendant le week-end, puisque nous allons probablement clore nos travaux ici - vous m'amusez aussi, permettez-moi de vous taquiner un peu: faites ce que vous voulez avec cette motion, votez-la, ne la votez pas, renvoyez-la en commission, cela n'empêchera pas mes services de poursuivre le travail qu'ils ont déjà engagé afin de mettre en oeuvre le programme de législature et d'éviter au maximum, dans le respect du cadre légal, que des peines privatives de liberté de substitution soient prononcées. Merci, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur ce texte.
Mise aux voix, la proposition de motion 2886 est rejetée par 53 non contre 33 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le projet de loi 13543 est retiré par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets fin à la session et vous remercie pour vos travaux.
La séance est levée à 19h55.