Séance du
jeudi 21 septembre 2023 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
4e
session -
21e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet, Carole-Anne Kast et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Thierry Cerutti, Virna Conti, Véronique Kämpfen, Charles Poncet, Caroline Renold, Vincent Subilia, Louise Trottet et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Sami Gashi, Uzma Khamis Vannini, Patrick Lussi, Daniel Noël et Thierry Oppikofer.
Annonces et dépôts
La présidente. La proposition de motion suivante est retirée par ses auteurs:
Proposition de motion de Laurent Seydoux, Yvan Zweifel, Jacques Blondin, François Baertschi, Michael Andersen, Stefan Balaban, Alexandre de Senarclens, Sébastien Desfayes, Yves Nidegger, Marc Saudan, Jacques Jeannerat, Masha Alimi, Vincent Canonica, Raphaël Dunand, Skender Salihi, Djawed Sangdel, Arber Jahija, Jean-Louis Fazio, Jacques Béné, Pierre Nicollier, Daniel Sormanni, Charles Selleger, Murat-Julian Alder, Thierry Oppikofer, Jean-Pierre Pasquier, Francisco Taboada, Alexis Barbey, Darius Azarpey, Véronique Kämpfen pour une fiscalisation par tranche de revenus (M-2944)
Débat
La présidente. Nous commençons nos points fixes avec l'IN 187-B, classée en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je suis effectivement le rapporteur de majorité, mais on devrait dire le rapporteur des majorités, parce que celle qui a rejeté l'IN 187 n'est pas la même que celle qui a accepté le principe d'un contreprojet. En d'autres termes, je suis un vrai centriste, qui cherche un équilibre et un projet solide, ce qui sera très certainement le cas.
L'imposition communale des personnes physiques à Genève, Madame la présidente, est sans doute le système le plus compliqué de Suisse, pour ne pas dire d'Europe, si ce n'est du monde. Je vais vous l'expliquer brièvement. En l'état actuel de la législation genevoise, lorsqu'un contribuable est domicilié dans une commune et travaille dans une autre, la répartition fiscale s'effectue de la manière suivante. Premièrement, les impôts cantonaux sur le revenu et la fortune sont fractionnés. Deuxièmement, une part privilégiée d'un minimum de 20% et d'un maximum de 80% de ces impôts est attribuée à la commune de domicile. Troisièmement, après déduction de cette part privilégiée, le solde est réparti proportionnellement au revenu et à la fortune afférents à chaque commune, y compris la commune de domicile. En quatrième et dernier lieu, les communes intéressées perçoivent des centimes additionnels communaux sur la part des impôts cantonaux et communaux qui leur sont attribués de cette manière. Je suis persuadé que tout le monde a bien compris ce que je viens d'expliquer; pour résumer et pour être plus concret, je dirai que le contribuable est principalement imposé sur le lieu de travail, une part restant à la commune de domicile grâce à la part privilégiée.
Le Tribunal fédéral a considéré ce système extrêmement complexe comme conforme à la Constitution suisse. Pourtant, ce tribunal, d'habitude si mesuré et refusant d'ordinaire d'empiéter sur les prérogatives des cantons, a glissé un méchant tacle à l'imposition communale genevoise. Dans un arrêt - l'ATF 141 I 235, pour celles et ceux qui seraient intéressés -, il dit ceci: «[...] on peut regretter qu'en matière intercommunale, la législation genevoise s'écarte des règles de jurisprudence en matière d'interdiction de la double imposition intercantonale [...]» Voilà les propos du Tribunal fédéral.
La complexité du système genevois ne s'arrête toutefois pas là: afin de renforcer la solidarité intercommunale et de pallier une disparité de richesses entre les communes, des mécanismes dits de péréquation intercommunale ont été mis en place - c'est en fait une succession de couches d'un mille-feuille. Je vais en citer quelques-unes: une contribution générale des communes à fort potentiel de ressources; une contribution de ville-centre en faveur de la Ville de Genève; une contribution destinée à la prise en charge des intérêts de la dette de certaines communes; une contribution destinée au financement partiel des frais de fonctionnement des structures d'accueil; un fonds intercommunal; une contribution destinée au financement de l'accueil d'urgence; un fonds de compensation créé à la suite de la suppression de la taxe professionnelle.
A ce stade, plusieurs constatations peuvent être faites. D'abord, avec le système d'imposition au lieu de travail et au lieu de domicile, la taxation est opaque et incompréhensible pour le contribuable. Dans un Etat de droit, dans une démocratie, il n'est pas admissible qu'un contribuable ne comprenne pas le système de taxation. Heureusement, deux personnes en Suisse disent le comprendre et appréhender parfaitement leur taxation - ça tombe bien, ce sont deux des trois rapporteurs de minorité ! Ils nous expliqueront... Je ne doute pas qu'ils arrivent à lire les chiffres; je pense en revanche qu'ils ne comprennent pas nécessairement le mode de calcul, sauf à considérer qu'ils visent à remplacer le professeur Oberson après ce débat.
On peut établir un deuxième constat: vu les couches de mille-feuille ajoutées, les mécanismes de péréquation financière intercommunale sont devenus extraordinairement complexes, tant et si bien que le système arrive en bout de course. Il faut le dire honnêtement: les interventions successives du Grand Conseil n'ont fait que renforcer cette complexité.
La troisième constatation est la suivante: même si le système d'imposition communale fonctionne, aussi opaque, illisible, complexe et boiteux soit-il, une réforme en profondeur de ce système est souhaitée par tous les intervenants.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Sébastien Desfayes. Déjà ?
La présidente. Vous pouvez parler encore pendant une minute, la durée est de sept minutes au maximum.
M. Sébastien Desfayes. Je pensais avoir plus de temps, puisqu'il y a trois rapporteurs de minorité !
La présidente. A la fin, mais la LRGC limite à sept minutes le temps d'une intervention.
M. Sébastien Desfayes. Alors j'essaierai de faire vite, même si je suis un peu surpris !
Cette réforme ne passe cependant pas par l'adoption de l'IN 187. Pourquoi ? L'IN 187 dit simplement ceci: le lieu d'imposition sera le lieu de domicile, c'est tout. C'est simple, si ce n'est simpliste, mais ça pose un problème, celui de la solidarité intercommunale. Si cette initiative était adoptée, le système de péréquation ne permettrait pas de lisser les disparités ainsi créées.
Je donne brièvement quelques exemples. Vandoeuvres verrait sa situation financière globale s'améliorer d'à peu près 35%, quand la Ville de Lancy verrait la sienne se détériorer d'environ 15%. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La Ville de Genève perdrait 50 millions; les recettes fiscales de Lancy diminueraient d'à peu près 10 millions. En fait, l'écart entre les communes riches et les communes pauvres ne ferait que s'accentuer; l'accomplissement des tâches publiques de certaines communes deviendrait difficile. Or, vous connaissez le réflexe presque pavlovien de certains conseillers administratifs de grandes communes: quand les recettes diminuent, on augmente les impôts.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Sébastien Desfayes. Pardon ?
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Sébastien Desfayes. Déjà ?! (Commentaires.) Je vous recommande... (L'orateur se tourne vers la présidente.) Mais je pourrai reprendre la parole ?
La présidente. Vous pourrez la reprendre, mais une intervention dure sept minutes au maximum.
M. Sébastien Desfayes. Alors je vais terminer sur l'initiative, j'aborderai le contreprojet plus tard. Pour éviter, donc, cette disparité et l'accroissement de l'écart entre les communes riches et les communes pauvres, je vous encourage à rejeter l'IN 187, étant entendu que je parlerai du principe du contreprojet dans un second temps. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, mon préopinant l'a dit, à Genève, le système fiscal actuel arrive à bout de souffle, à force de rajouter des couches au mille-feuille et en raison de son système péréquatif de plus en plus opaque et de moins en moins compréhensible pour tous les citoyens de ce canton. Comme on l'a dit, il faudra tôt ou tard réformer le système. Or, pour les tenants de l'initiative, celle-ci répond à ce problème.
L'IN 187 propose de modifier la loi afin que les citoyennes et les citoyens du canton puissent payer leurs impôts uniquement là où ils habitent, sur leur lieu de domicile, et non une partie - 80% - sur leur lieu de travail et une autre partie - 20% - sur leur lieu de domicile. Cette particularité bien genevoise pose la question de la conformité avec la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes. L'article 3, alinéa 2, est ainsi libellé: «Une personne a son domicile dans le canton, au regard du droit fiscal, lorsqu'elle y réside avec l'intention de s'y établir durablement ou lorsqu'elle y a un domicile légal spécial en vertu du droit fédéral.»
La première minorité de la commission vous demande d'accepter et l'initiative et le principe d'un contreprojet. Je reprendrai la parole tout à l'heure, Madame la présidente.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, dans ce parlement, une partie des groupes soutient depuis des décennies la construction d'un gigantesque ouvrage à travers le lac qui permettrait de relier les communes aisées au reste du canton. Vous allez me dire que je me trompe d'objet, mais pas du tout, parce que l'initiative 187 participe du même principe: elle propose de construire une sorte de gigantesque ouvrage fiscal qui relierait les communes populaires de la couronne aux communes aisées de la rive gauche du lac. Vous aurez bien compris qu'en lieu et place de voitures et de camions, cet ouvrage ne fait circuler que de l'argent. C'est une sorte de «pognonoduc», comme on a des viaducs ou des gazoducs. A la différence de la traversée du lac telle qu'elle est imaginée, c'est un ouvrage sur lequel on ne circulerait qu'à sens unique, à savoir des communes les plus pauvres vers les communes les plus riches.
Vous pensez que j'exagère. M. Desfayes, rapporteur de majorité, a articulé quelques chiffres; ils figurent tous dans le premier rapport, celui du Conseil d'Etat. On voit, effectivement, que les finances de Lancy seraient amputées de l'ordre de 15%, celles de Vernier de 12%, celles de Carouge et de Meyrin de 10%; à l'autre bout de la liste, on retrouve - ce n'est pas une surprise - la commune de Vandoeuvres, pour laquelle j'ai, quant à moi, +43%, puis Veyrier (+35%), Troinex (+31%), et toute une série de communes gagnerait entre 20% et 30%: Corsier, Collonge-Bellerive, Chêne-Bougeries, Russin et Jussy. Vous l'aurez compris, le point commun de ces communes est qu'elles accueillent des résidents aisés et que de par leur situation, elles ne proposent pas ou peu de services et d'infrastructures qui pourraient être utilisés par les non-communiers. Pour le dire plus simplement - un souci de simplification a été exprimé auparavant -, il est plus fréquent de voir des habitants de Russin à la piscine de Meyrin que l'inverse, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de piscine à Russin. (Remarque.) Il y a du vin, certes ! (L'orateur rit.) Mais le vin... Bref ! On parlera peut-être tout à l'heure de vin à la buvette.
La subtile différence entre l'initiative et le contreprojet - c'est aussi de ça qu'il est question ce soir -, c'est que les tenants du contreprojet nous disent: «Mais ne vous en faites pas ! Effectivement, l'initiative est inapplicable en l'état, parce qu'elle générerait des disparités insupportables dans la justice fiscale entre les communes, mais on va s'arranger pour lisser», pour reprendre le terme utilisé tout à l'heure, «les disparités que l'application du principe de l'imposition exclusive au lieu de domicile générerait.»
De notre côté, nous sommes un petit peu étonnés par la pensée qu'une mauvaise idée appliquée tout de suite se transforme, après attente et réflexion, en bonne idée. C'est un petit peu comme dans les films de pirates: il y a deux bombes, l'une à mèche courte et l'autre à mèche longue; on sait très bien que les dégâts provoqués par la bombe à mèche courte seront terribles une fois qu'elle aura explosé. Dans le cas de la bombe à mèche longue, on peut essayer de sauver les meubles, on peut essayer de s'arranger, mais en attendant, elle va quand même exploser, et au moment où elle est amorcée, on ignore les dégâts qu'elle causera. C'est pour cela que nous estimons qu'il vaut mieux n'amorcer ni l'une ni l'autre.
Je reprends l'argument de la complexité du système fiscal municipal dans notre canton, qui a été longuement exposé par le rapporteur de majorité. Nous sommes dans la patrie des montres. Les grandes complications ne devraient donc pas apparaître comme quelque chose de si néfaste; ce sont des instruments particulièrement précis: vous les connaissez, ce sont les montres les plus célèbres de nos manufactures horlogères.
Le système fiscal intercommunal fonctionne de la même façon ! Vous aurez remarqué que tout en disant qu'il est extraordinairement compliqué, le rapporteur de majorité l'a résumé en moins de deux ou trois minutes. Il a légèrement excédé son temps, mais en définitive, en quelques minutes, nous avons eu à la fois le système de la part privilégiée et les couches de péréquation qui s'ajoutent les unes aux autres - comme des rouages qui, dans le cas d'une mécanique, permettent à celle-ci de gagner en précision et de proposer des détails supplémentaires. C'est exactement le mode de fonctionnement de la LRPFI: dans chaque situation où on se trouve face à une nécessité de répartir de l'argent entre les communes, le système permet d'ajouter un rouage. En additionnant ces rouages, on obtient un réglage extrêmement fin et, contrairement à ce qui a été dit, complètement transparent.
En définitive, tout résident, tout communier, tout contribuable, s'il prend la peine de réfléchir ne serait-ce que quelques minutes au système - je confirme ce qui a été dit tout à l'heure... Je ne suis pas un expert fiscal, mais je me suis penché quelques minutes sur ce système: il est totalement compréhensible, il faut néanmoins se donner la peine de se pencher dessus. Ce système a été parfaitement résumé en quelques minutes. En tant que contribuable, vous pouvez savoir exactement quel franc part dans quelle commune, et en tant que résident d'une commune, quelle part des recettes de la commune va être distribuée au titre de la LRPFI.
Dans ce sens-là, nous estimons que le statu quo est nettement plus profitable et surtout plus juste et plus transparent que l'initiative ou l'aventure hasardeuse d'un contreprojet. Hasardeuse, pourquoi ? Je vois qu'il ne me reste pas énormément de temps, je vais donc essayer d'être efficace. Hasardeuse donc, pourquoi ? Parce que, vous le savez, les relations entre les communes et le canton ne sont pas toujours faciles: lorsqu'il s'agit de transfert de tâches, de compétences, les débats sont houleux et les échecs nombreux. Il est clair que si on se lance dans l'aventure - qui va durer plusieurs années - d'un contreprojet, on va se retrouver avec des années de blocage, parce qu'il sera impossible d'envisager, pour les communes, de signer des chèques en blanc au canton tant qu'elles ne sauront pas à quelle sauce elles seront mangées dans la nouvelle LRPFI, au cas où un contreprojet serait accepté.
Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité et le groupe des Verts vous invitent à refuser l'initiative et à refuser le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de troisième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à titre liminaire, je souhaite saluer la qualité du rapport de majorité, d'autant plus qu'il porte sur un sujet fiscal, qui plus est complexe. Pour celles et ceux qui n'auraient pas eu la chance de suivre les excellents cours de tel ou tel professeur, vous trouverez dans le rapport de notre collègue et, à certains égards sans doute, professeur Desfayes, un résumé remarquable des enjeux de la fiscalité municipale.
«J'y vis, j'y paie !» Mes préopinants ont largement, très longuement même, expliqué à quel point l'initiative est funeste. Pour ma part, j'aborderai simplement trois considérations, Madame la présidente, à propos de l'inconfort, de la gêne, pour ne pas dire plus, que suscite chez nous la perspective de ce contreprojet.
La première de ces considérations est bêtement partisane. Le fait que le PLR, ce grand parti, ait voté comme un bloc l'initiative en commission nous inquiète au plus haut point: cette initiative, soutenue par le PLR et évidemment par l'UDC, qui en est l'auteur, vise simplement à prendre aux grandes communes urbaines pauvres pour redistribuer aux petites communes rurales riches. C'est une forme de Robin des Bois à la sauce PLR: à moitié à l'endroit, à moitié à l'envers. Cet axe PLR-UDC, auquel, peut-être dans un moment d'égarement, se sont alliés Le Centre et le MCG - celui-ci est pourtant bien implanté dans les communes qui ont tout à perdre dans l'opération -, nous semble clairement représenter un risque énorme.
La deuxième considération concerne le statu quo. Oui, le système est complexe ! Que par rapport à ces différentes couches de péréquation intercommunale ajoutées au fil des années, on puisse être sensible ou simplement conscient de ces subtils compromis du passé est une chose. En revanche, cette complexité n'est certainement pas une fin en soi, et sur ce point on était unanime. Dans l'absolu, l'ambition de simplifier le système est bienvenue, mais on s'oriente vers une formidable supercherie politique quand on dit, et j'imagine que le rapporteur de majorité nous l'expliquera dans le temps qui lui reste: «Le statu quo n'est pas transparent vis-à-vis de la population, alors on va simplifier le système» - premier postulat.
Deuxième postulat: «La suppression de la composante de la taxation au lieu de travail permettra aux contribuables... Là où ils habitent, ils peuvent voter, ce sera beaucoup mieux.» Mais puisque l'initiative va impliquer - ce qui est inacceptable pour une très large majorité politique - de vider les poches des grandes communes, qui sont déjà les plus pauvres, on va alors créer une nouvelle couche de péréquation intercommunale. Comme ça, on aura transpiré pendant, allez, cinq, six, sept, huit, neuf ans, dix ans, et on aura modifié les fondamentaux. Au final, le contribuable votera dans sa commune, paiera dans sa commune, mais l'argent continuera quand même à aller dans les villes.
Il s'agit d'un tour de passe-passe juste incroyable. Alors ça fera bosser des fiscalistes et sans doute des constitutionnalistes, mais la plus grande supercherie politique du moment consiste à dire: «On va simplifier, on effectue une suppression. Ça ne va rien changer pour vous. Après, on va rajouter comme par magie la couche qu'on vient de supprimer, pour que personne n'y perde.» C'est sans doute un truc de centriste, mais nous, nous n'y voyons que des risques, en tout cas pas une perspective rassurante, et encore moins séduisante. Aujourd'hui, le contribuable sait que c'est complexe. Il voit que dans sa taxation, il y a - tiens ! - une part privilégiée et une autre part qu'il s'agit de donner à une autre commune. A l'avenir, la différence tiendra dans le fait que le contribuable n'y verra plus rien du tout, parce que même cette distinction-là n'apparaîtra plus dans sa taxation.
Enfin, voici la troisième considération. Mesdames et Messieurs, chers collègues, au fond, est-ce juste qu'une personne soit imposée - du moins formellement - de manière illimitée sur son lieu de domicile exclusivement ? Quand quelqu'un habite à un endroit, il utilise des prestations publiques - je ne vous les cite pas. Il paraît évident que là où on réside, on doit payer une part d'impôts. Mais lorsqu'on bosse dans une autre commune - et on ne parle que de ce scénario... Lorsqu'on habite Vandoeuvres - on citait cet exemple tout à l'heure, je le reprends - et qu'on travaille à Lancy, peut-être qu'au milieu de la journée, on va faire un plouf dans la piscine de Marignac, on utilise donc les infrastructures communales de Lancy; peut-être que sur le chemin du retour, on s'arrête au Grand Théâtre, parce que «pourquoi pas ?», parce que c'est sympa d'aller ensuite au théâtre.
Au fond, la question est la suivante: est-ce que c'est juste de n'être imposé que sur son lieu de domicile et qu'il n'y ait pas un mécanisme de reversement d'impôts sur le lieu de travail ? La réponse du groupe socialiste est très claire, ce n'est pas nouveau: nous trouvons ce mécanisme au contraire pertinent. D'autres partis, une large majorité de ce parlement ont longtemps défendu ce compromis: une part d'impôts redistribuée au lieu de domicile et une part au lieu de travail. Dans un canton dense comme Genève - et c'est sans doute pour ça que le Tribunal fédéral a été aussi intelligent à l'époque -, ce compromis politique n'avait rien de partisan: on considérait qu'on doit aussi payer une partie des impôts là où on travaille.
Quant au MCG - vous transmettrez à nos collègues, Madame la présidente -, qu'il s'agisse des frontaliers en provenance de Vaud ou des frontaliers en provenance de France voisine, jusqu'à nouvel avis, il a toujours défendu le fait qu'en tout cas les Français, on les impose sur leur lieu de travail. Les raisons de son changement d'approche en 2023, je me réjouis de les entendre...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Grégoire Carasso. ...parce que, concernant les fondamentaux de ce parti, on marche sur la tête. (Commentaires.) Je vois que j'ai touché une corde sensible, Madame la présidente, c'est sans doute que c'est intéressant. (Vifs commentaires.)
La présidente. Les personnes qui souhaitent répondre peuvent appuyer sur le bouton et prendre la parole après.
M. Grégoire Carasso. Mais là où, à nos yeux, le plus grand risque politique se situe, c'est précisément du côté de nos relations fiscales avec la France. Depuis cinq décennies, Genève peut s'appuyer sur sa propre logique fiscale (imposition au lieu de domicile et au lieu de travail) pour fonder celle, unique, pertinente et avantageuse, qui nous lie à la France: c'est la convention du 29 janvier 1973, qui a fêté ses cinquante ans cette année. Paix à elle, ou en tout cas bonne chance pour la suite ! Elle a toujours été défendue devant ce parlement. Si, pour notre propre compte, nous abandonnons le principe d'imposition sur le lieu de travail...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Grégoire Carasso. ...allons-nous, Madame la présidente, renforcer notre position dans les discussions fiscales régulières avec notre voisin français ? Remettre ce modèle en cause, et je termine sur ce point, serait d'autant plus regrettable qu'il est toujours plus fréquemment cité en référence à l'échelle européenne et à l'échelle suisse.
Je vous invite à rejeter l'initiative - cela va de soi - ainsi que la vaste blague que représente ce contreprojet et le gros risque qu'il comporte. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). C'est bien que je parle après M. Carasso, puisqu'il a interpellé le PLR. Il s'étonne de notre position sur l'initiative, alors que le PLR, par l'entremise de notre ancien collègue - et ancien bâtonnier - Lionel Halpérin, est l'auteur d'un projet de loi constitutionnelle, le PL 11491: celui-ci, déposé le 11 juin 2014 - c'est dire qu'on en discute depuis un moment -, prévoit précisément la mise en place du principe de l'imposition au lieu de domicile. Il ne faut donc pas être surpris; nous avons toujours défendu cette idée. Pourquoi ? Le rapporteur de majorité l'a dit à juste titre, il existe un principe universel en matière de fiscalité, appliqué partout dans le reste de la Suisse et dans le reste du monde: celui de l'assujettissement illimité à votre lieu de domicile. Vous payez les impôts là où vous habitez, il s'agit d'un principe universellement reconnu.
Néanmoins, il existe des exceptions - à toute règle, il peut y avoir des exceptions -, les assujettissements limités. On en connaît quelques-uns, par exemple ceux qui concernent les biens immobiliers. Le bien immobilier est toujours fiscalisé là où il se trouve, il a un assujettissement limité à son lieu de situation. Voici un second exemple, que l'on connaît bien - le MCG en particulier, on en parlait tout à l'heure: celui d'un travailleur résident d'un pays mais dont la majorité des revenus provient d'un autre pays. Ce sont les frontaliers, que l'on connaît bien à Genève. Lorsque 90% des revenus d'une personne proviennent d'un pays différent, ces revenus-là, et uniquement ces revenus - ceux liés à son travail dans un autre pays -, sont fiscalisés à son lieu de travail. On est là en présence d'un assujettissement limité et donc d'une exception à la règle de base.
Genève, évidemment, est le seul canton de Suisse, le seul canton du monde - pour autant que des cantons existent ailleurs - à appliquer un autre principe, celui de fiscaliser d'abord au lieu de travail et de voir ensuite ce qu'on pourrait faire avec le reste. Que demande en fait l'initiative ? Que demande le contreprojet ? Simplement de revenir à ce principe de base, à savoir de payer ses impôts là où on habite, usité partout ailleurs - il me semble que Genève représente rarement un exemple pour le reste du monde, mais que le reste du monde, et de la Suisse en particulier, devrait être un exemple pour Genève -, et de l'adopter.
Oui, Monsieur Nicolet-dit-Félix, oui, Monsieur Carasso, ça donne une lisibilité au contribuable: il verra sur sa taxation qu'il paie des impôts dans une seule et unique commune, celle où il réside, et non dans un patatras de communes dans lesquelles il travaillerait, sans comprendre exactement les fondements de ce système. Je suis content que M. Nicolet-dit-Félix ait lu la loi et l'ai comprise. Bravo ! Félicitations ! Il se trouve néanmoins qu'un certain nombre de contribuables n'ont le temps ni de la lire ni de la comprendre. C'est ainsi; vous pouvez, si vous voulez, faire fi de cela, mais c'est une réalité. Or, en mettant en place le principe d'imposition au seul lieu de domicile, vous réglez ce problème et vous apportez de la lisibilité et de la transparence. J'ai entendu le parti socialiste nous expliquer, lors de l'autre débat, que la transparence était fondamentale en démocratie: c'est aussi vrai s'agissant de la fiscalité.
Par ailleurs, on mélange totalement les débats. MM. Carasso et Nicolet-dit-Félix mélangent le principe que l'on veut ancrer, à savoir «je paie mes impôts là où j'habite», à celui de la péréquation. Si je ne change rien à la péréquation, vous avez raison de dire que des communes plutôt défavorisées vont se retrouver à reverser des montants à des communes plutôt favorisées. Evidemment ! Mais ce n'est pas ce qui va se passer ! Vous mélangez les deux débats !
Le premier point, c'est de déterminer où on paie nos impôts. Ça, c'est pour le contribuable, la personne physique; il a compris qu'il payait là où il habitait. Il y a ensuite l'effet de solidarité avec la péréquation, qui est revue, et les mécanismes statiques évoqués par le Conseil d'Etat dans le cadre de l'initiative - ce n'est évidemment pas ce qui va se passer, et c'est le but du contreprojet. Voilà pourquoi celui-ci a la préférence du PLR, afin qu'on prenne le temps de mettre en oeuvre ceci et qu'on le fasse d'entente avec l'ACG. Elle aura ainsi la possibilité de revoir la péréquation de manière qu'on n'ait pas... Comment appelait-il ça ? ...un «pognonduc» qui irait des communes les plus pauvres aux communes les plus riches. Ce n'est pas ce que souhaite qui que ce soit ici.
Pour M. Carasso, je le répète: le principe d'un assujettissement illimité des habitants est appliqué par le reste du monde, par la France aussi. Le fait donc que, par hypothèse, on reprenne ce même principe à Genève ne remet aucunement en cause un quelconque accord que non pas Genève, mais la Suisse au nom de Genève aurait avec la France. Jamais, bien sûr que non, puisqu'on appliquerait le même principe que les Français. Je ne vois vraiment pas en quoi cela remettrait cet accord en cause; cela n'a strictement et absolument rien à voir.
L'initiative demande - et c'est pour ça que le PLR la soutient - une lisibilité pour le contribuable et qu'on fasse à Genève ce que le reste de la Suisse fait très bien, fait beaucoup mieux que Genève. Pourquoi préférera-t-on le contreprojet ? Parce qu'on veut laisser le temps à l'ACG d'y travailler. On a agi ainsi concernant la taxe professionnelle: on a trouvé un accord que l'unanimité de ce parlement a voté. Faisons exactement la même chose ! Plus de transparence pour le contribuable, non pas des flux de pognon qui vont n'importe où, mais bel et bien une vraie solidarité remise en place par les communes ! Bref, un système fiscal intelligent, l'égal de ceux qui existent partout dans le reste de la Suisse, partout dans le reste du monde ! Nous voterons donc oui à l'initiative et oui au principe d'un contreprojet ! (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de majorité, vous souhaitez compléter votre intervention: je précise qu'il vous reste quatre minutes sur le temps de votre groupe. A la fin du débat, mais pas maintenant, je vous attribuerai un peu de temps, vu que vous êtes seul face à trois rapporteurs de minorité. (Remarque.) Vous avez maintenant la parole pour quatre minutes et onze secondes.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup. J'aimerais terminer mon intervention sur le principe du contreprojet. On a entendu les rapporteurs de deuxième et de troisième majorité...
Une voix. De minorité !
M. Sébastien Desfayes. ...de minorité dire respectivement qu'il y a une subtile différence entre l'initiative et le contreprojet et que c'est une supercherie politique. Il se trouve qu'actuellement, il n'y a pas de contreprojet, et personne dans cette salle ne soutient que dans le peu de temps dévolu à son élaboration, une réforme complète du système d'imposition communale sera présentée. Cela ne se fera pas, c'est absolument impossible. Tout le monde en convient, simplement parce que les discussions entre les communes elles-mêmes, entre les communes et le canton, entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, bref, entre tous les intervenants, prendront un temps considérable, ce qui rend totalement caduc l'espoir de présenter une réforme complète du système d'imposition en tant que contreprojet. Ce dont on parlera dans le cadre du contreprojet, c'est seulement de principes, j'y reviendrai.
Pourquoi un contreprojet est-il absolument essentiel ? Ça a déjà été dit en partie, mais je vais le rappeler. D'abord parce que dans une démocratie, le fait de recevoir un bordereau et de ne pas comprendre comment ses impôts communaux ont été calculés n'est tout simplement pas admissible. Ça, c'est le premier point, mais à lui tout seul, il suffirait à justifier le principe d'un contreprojet.
Par ailleurs, les Genevois sont les seuls en Suisse à être imposés dans une commune sans avoir l'occasion d'y participer aux processus démocratiques. Or, le système suisse est fondé sur un contrat social selon lequel on participe aux prises de décision. Actuellement, on paie des impôts dans une commune, mais on n'a pas l'opportunité de voter sur le taux d'imposition. C'est bien sûr inacceptable ! Le Tribunal fédéral lui-même, mesuré pourtant, a rappelé à l'ordre le canton de Genève, lui demandant avec amabilité de revoir son système d'imposition communale.
Un autre point important, c'est que si notre système de péréquation financière intercommunale était si fabuleux, si efficace, le niveau des centimes additionnels, plus exactement la différence de niveau des centimes additionnels entre les communes se serait réduite. Or, c'est exactement le contraire à quoi on a assisté ces dernières années: certaines communes riches ont baissé les centimes additionnels quand des communes pauvres, à faible potentiel de ressources, ont tenté de les augmenter.
Dernier point - et là, j'ai de la peine à comprendre la position des Verts et du parti socialiste. Quand le président de l'ACG dit ceci à la commission fiscale: «Le système actuel avec ses derniers renforcements arrive au bout de l'exercice», il faut l'écouter, quand même ! Si on ne met pas fin au blocage aujourd'hui par un contreprojet qui ne présenterait que des principes, on peut avoir beaucoup d'inquiétude sur le maintien du système financier intercommunal. Je reprendrai la parole après. Merci.
M. Stefan Balaban (LJS). Merci à M. Zweifel pour son cours de fiscalité, qui était très bref et très précis. Il a bien résumé la situation. Tout d'abord, je tiens à rappeler les différentes réformes qui ont modifié et amélioré notre fiscalité à Genève. La dernière en date est la suppression de la TPC, qui a été acceptée par la majorité du Grand Conseil. Genevoises et Genevois, n'ayez donc pas peur des réformes !
Cette initiative s'inscrit dans cet esprit de réforme et d'harmonisation au niveau fédéral. En soi, son principe est très simple. Comme l'a très bien rappelé M. Desfayes, elle facilitera l'imposition et la rendra plus transparente; elle mettra un terme à une particularité genevoise qui consiste à imposer les contribuables à leur lieu de domicile et à leur lieu de travail; enfin, elle forcera les communes et le canton à revoir le système de péréquation financière intercommunale.
Néanmoins, il est vrai - cela a été soulevé par M. Carasso - qu'en l'état, avec ce texte, s'il est accepté, il y a une injustice entre les communes: les communes pauvres seront plus pauvres et les communes riches seront plus riches. C'est pour cette raison que nous, LJS, refusons l'initiative, mais nous sommes d'accord sur le principe d'un contreprojet, qui inviterait justement à revoir ce calcul et cette péréquation intercommunale, pour un fonctionnement qui serait plus juste et équitable. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, n'en déplaise à mon préopinant, M. Zweifel, et peut-être au Tribunal fédéral, sur le principe, nous restons convaincus qu'il est utile qu'une partie de l'imposition communale soit perçue au lieu de travail. Les communes fournissent en effet nombre de prestations aux personnes qui travaillent sur leur territoire, que cela soit de façon indirecte, par la construction et l'entretien des infrastructures, ou de façon plus directe, par des avantages donnés pour l'utilisation de services communaux comme les crèches. Cela sera peut-être redondant avec ce qui a été expliqué précédemment, mais j'aimerais résumer nos arguments d'opposition à la fois à l'initiative et au contreprojet.
Tout d'abord, la perte de recettes pour certaines communes urbaines, cela a été évoqué tout à l'heure, est énorme, et cela même après l'application des mécanismes péréquatifs existants, notamment pour la Ville de Genève - on l'a mentionné plus tôt - et la commune de Lancy. Première alerte amicale à nos collègues du MCG.
Comme on a pu le voir dans la présentation récente de l'Association des communes genevoises - le rapporteur de majorité l'a aussi relevé -, les mécanismes péréquatifs sont complexes et contiennent bien davantage que la LRPFI. Une adaptation permettant de compenser les pertes sera un chantier de moyenne à grande envergure, selon le rapport du Conseil d'Etat.
Ensuite, le précédent de la suppression de la TPC, dont on a également fait mention, ne doit pas nous tromper. L'exercice était nettement plus simple, et je dois avouer que son succès a surtout été conditionné par le fait qu'il fallait absorber la réforme de l'OCDE; ce n'est pas le cas ici, puisqu'on cherche à trouver d'une façon ou d'une autre une neutralité fiscale pour l'ensemble des communes.
En dernier lieu, la mise en avant de l'imposition au seul lieu de domicile va créer un dangereux précédent, cela a aussi été dit tout à l'heure, dans le cadre de l'imposition des travailleuses et des travailleurs frontaliers, qui sont presque entièrement imposés à leur lieu de travail. Deuxième alerte amicale pour nos collègues du MCG.
Enfin, n'oublions pas que les initiants avancent masqués. Pour faire un jeu de mots facile, ils prennent l'Helvétie pour des lanternes - mais ce jeu de mots n'est pas de moi ! (Rire. Commentaires.)
Une voix. Heureusement !
M. Pierre Eckert. Heureusement ! (L'orateur rit.) Ils prétextent une simplification administrative, qui n'est qu'une illusion, cela a été également relevé plus tôt: le fait de devoir mettre une croix sur votre commune de domicile et sur votre commune de travail n'est pas non plus d'une complexité majeure ! Ensuite, cela passe dans l'informatique de l'administration fiscale, je ne vois pas la complication qu'il y a là derrière.
L'initiative n'est de fait qu'une partie d'un programme explicite d'affaiblissement des villes initié par l'UDC. Pour reprendre les termes du rapport de troisième minorité, il s'agit «de prendre aux grandes communes urbaines (pauvres) pour redistribuer aux petites communes rurales (riches)». Nous, les Verts, ne mangerons pas de ce pain-là. Et les communes non plus. Les objectifs d'un éventuel contreprojet resteront les mêmes. Ne nous faisons pas d'illusions ! Nous vous invitons donc fermement à refuser à la fois l'initiative et le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai jamais entendu un discours aussi conservateur de la part de la gauche en matière de fiscalité, et je me réjouis qu'elle tienne le même discours en lien avec d'autres potentielles réformes fiscales pour notre canton.
Le député Desfayes l'a justement rappelé - et il vous a très certainement perdus en route dans le cadre de son rapport de majorité -, le système de perception fiscale dans le canton de Genève est d'une très grande complexité, c'est un mille-feuille totalement incompréhensible, ce qui s'est reflété au cours de la récolte de signatures: je pense que 90% des personnes qui ont signé cette initiative n'avaient même pas connaissance du fait qu'elles étaient imposées au lieu de travail et non au lieu de domicile en vertu de la loi, indépendamment du mécanisme de part privilégiée prévu par celle-ci.
Ce même mille-feuille qui empêche toute réforme fiscale, ou tout du moins qui nous est sans cesse opposé... Quand on parlait de réformer la taxe professionnelle: oh, mon Dieu ! Il ne fallait surtout pas la toucher, parce qu'on allait toucher la péréquation intercommunale, on allait appauvrir les communes ! C'est un système qui nous empêche de faire bouger certaines frontières et qui nous vaut les pleurnicheries des mêmes communes, toujours ces communes-villes qui, dans le cadre de la taxe professionnelle, je le rappelle... Actuellement, dans le cadre de la péréquation intercommunale, il y a trois piliers et notamment une «contribution ville-centre» - vous savez, ces villes qui prétendent délivrer des prestations à l'ensemble de la population ! Aujourd'hui, elles touchent déjà des «contributions ville-centre».
Cette initiative a un très grand mérite: celui de corriger une particularité genevoise, à savoir le fait d'être imposé à son lieu de travail, et de mettre fin au mécanisme de part privilégiée, qui n'est pas du tout équitable. Prenons un exemple de ce mécanisme avec deux communes qui sont qualifiées, selon la part privilégiée, de communes riches: Plan-les-Ouates, qui compte énormément d'emplois, et une commune d'habitation, aisée - vous aimez bien citer Vandoeuvres, puisque j'y résidais jusqu'à récemment; je prendrai donc cet exemple. Ce sont deux communes qui ont une part privilégiée à 20%. Admettons que le contribuable travaille à Plan-les-Ouates et habite à Vandoeuvres: 80% de l'impôt serait prélevé par la commune de travail, cette même commune qui touche l'imposition sur les personnes morales, donc des sociétés dans lesquelles ces personnes travaillent.
Cette initiative a également un autre mérite, et je vais conclure par là, c'est de faire bouger le processus parlementaire et de nous forcer à travailler et à mener des réformes. Si nous n'avions pas lancé l'initiative sur la taxe professionnelle, je ne suis pas sûr que celle-ci aurait été abolie. J'espère que la commission s'attellera... Notre groupe soutiendra cette initiative en l'état, en raison de l'absurdité du mécanisme de part privilégiée, comme je vous l'ai dit, et de l'absurdité de l'imposition au lieu de travail; le cas échéant, il soutiendra le principe d'un contreprojet afin de simplifier tout ce système fiscal à Genève. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je voudrais d'abord relever une fausse assertion, prononcée innocemment - je dis «innocemment», parce qu'il y a une présomption d'innocence - par le rapporteur de troisième minorité, et rétablir la vérité: non, le MCG n'est pas favorable à cette initiative. Il s'y est d'ailleurs opposé. Par contre, le MCG est ouvert à un contreprojet, qu'il examinera sur pièce et sur lequel il se prononcera lorsqu'il sera présenté.
Cette initiative - vous en avez parlé en long et en large, je ne veux pas répéter les choses, mais vulgariser un peu, parce que j'ai l'impression que certains s'y perdent - veut simplement une imposition au lieu de domicile, ni plus ni moins, et en terminer avec l'imposition actuelle qui se fait en partie au lieu de domicile et en partie au lieu de travail. Ce que veut cette initiative, c'est ce qui existe au niveau intercantonal. C'est vrai, c'est un fait objectif. Je lis l'exposé des motifs - je précise que ce sont des Genevois qui écrivent ceci, parce qu'on pourrait s'y méprendre: «Le collaborateur d'une entreprise sise à Genève et domicilié dans le canton de Vaud ne se voit pas appliquer un tel mécanisme.» Jusque-là, rien à dire. «A la différence de son collègue domicilié dans le canton de Genève, le collaborateur vaudois voit, à juste titre d'un point de vue fiscal, l'intégralité de ses impôts être perçue à son lieu de domicile.» Comprenez: dans le canton de Vaud.
En d'autres termes, et le MCG l'a déjà dénoncé à plusieurs reprises, il est absurde de se dire qu'au niveau fiscal, l'Etat de Genève a davantage intérêt à ce qu'un employeur engage des travailleurs frontaliers plutôt que des confédérés domiciliés dans un autre canton, et en particulier les Vaudois, qui sont nombreux à travailler ici, dans notre canton. Genève promeut son économie, investit pour que celle-ci soit florissante, et cela profite bien sûr à elle-même, d'abord, mais aussi à l'ensemble de ces travailleurs vaudois qui y viennent tous les jours et qui sont exclusivement imposés dans le canton de Vaud. Je peux vous le dire, la délégation du MCG à Berne se fera un point d'honneur de remettre la question sur le tapis, car nous ne sommes pas les seuls punis par ce système confédéral: Zurich est aussi largement prétérité, puisqu'il est une source de richesse pour l'ensemble des cantons environnants, qui accueillent cette population travaillant la journée dans le canton de Zurich et profitant des investissements opérés largement par ce dernier, pour ensuite retourner se prélasser dans les cantons voisins; c'est le même cas ici, pour Genève.
On nous a dit - j'aimerais y répondre et finir par cela: «Mais regardez ce qui se passe avec les frontaliers, soyez logiques !» La question des frontaliers, je ne l'apprends à personne, est réglée non pas au niveau national, mais au niveau international: il y a une convention internationale datant de 1966 entre la Suisse et la France contre la double imposition, qui dit clairement que les personnes qui travaillent en Suisse - ou vice versa, même s'il y en a beaucoup moins - sont imposées là où elles travaillent; c'est d'ailleurs conforme aux accords de libre circulation. Nous demandons bien sûr que ces accords soient maintenus, la convention de 1973 n'étant pas une convention fiscale mais une convention de soutien financier aux communes françaises environnantes, qui hébergent effectivement une partie des travailleurs dont Genève a besoin - leur nombre est certainement moins grand que celui de tous les titulaires d'un permis G, mais ces derniers sont toutefois nécessaires pour notre économie florissante.
Il n'y a donc pas de contradiction de la part du MCG à demander, d'une part, l'application stricte du droit international pour ce qui concerne l'imposition des frontaliers ici, à Genève, et, d'autre part, au contraire, que l'on maintienne la situation actuelle intercommunale et que cette pratique soit ensuite appliquée à l'ensemble de la Suisse pour qu'il y ait davantage de justice fiscale dans ce pays. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. La parole est à M. Sylvain Thévoz pour quatre minutes quarante-trois.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, on arrive au bout de ce débat. Du côté du parti socialiste, on a entendu sans grande surprise les partis de droite dire: «C'est compliqué, il faut rendre cela plus transparent, plus léger.» On connaît cette rhétorique qui vise simplement à faire payer aux plus pauvres les avantages des plus riches. Parce que ce projet de loi est simple: 126 millions vont changer de mains, vont passer des communes qui sont les plus précaires ou qui ont les charges de villes-centres les plus fortes - Genève, Carouge, Vernier, Meyrin, Lancy - pour être transférés vers Vandoeuvres, Collonge-Bellerive, Cologny, Chêne-Bougeries, les communes les plus riches de la rive gauche.
On a entendu, un peu écoeurés, cette rhétorique que la droite impose: il faut être plus svelte, il ne faut pas être conservateur, il faut aller vers ce que souhaitent finalement le PLR et les fiscalistes - principalement les fiscalistes députés et les avocats députés qui se sont exprimés: un Etat sans ressources, un Etat affaibli. M. Andersen rigole - il peut rigoler: il est à Vandoeuvres, c'est lui qui a déposé ce projet de loi, au fond, il en bénéficie directement ! (Remarque. Rires.) Ce sont les lobbys... Moi, je vais parler clairement - mon camarade Grégoire Carasso mettra de la diplomatie à la fin de mon intervention, je lui laisserai un peu de temps. (Rires.)
Pour le parti socialiste, c'est inacceptable ! C'est inacceptable, en 2023, quand on parle de gens qui ont de la peine à boucler les fins de mois et qui voient leurs prestations en danger, de dire qu'on va précisément affaiblir les villes qui offrent encore des prestations, comme des bibliothèques, des piscines, de l'éducation, avec toutes les difficultés qu'on a. C'est vraiment d'une arrogance et d'une violence extrêmes. Le slogan du MCG - vous transmettrez -, «les nôtres avant les autres»... On sait ! On sait qui sont les autres ! Ce sont ceux de Cologny, ceux de Vandoeuvres, et en tout cas pas ceux de Vernier et de la Ville de Genève, il faudra s'en souvenir.
S'agissant du panier de la ménagère de l'UDC, là aussi, on est plutôt dans la métaphore de la soupe de Gargamel, vous savez, où vous mettez deux-trois poisons et deux-trois choses néfastes. Les masques tombent dans le domaine de la fiscalité, on le voit bien, projet de loi après projet de loi, à la commission fiscale, la volonté est claire: invoquer la lourdeur de l'Etat, la complexité des lois, la difficulté, pour simplement mettre à bas ce qui assure la répartition des richesses, ce qui assure une possibilité pour les personnes les plus précaires d'avoir accès à des prestations. Un exemple: le Grand Théâtre de Genève, 56 millions payés par la Ville. Qui va au Grand Théâtre ? Précisément ceux qui bénéficieraient de ce projet de loi: les personnes de Collonge, de Vandoeuvres, qui vont, sans coup férir... (Exclamations.) ...consommer de la culture en ville de Genève.
Pour terminer, pour ce qui est de la péréquation, on a vu qu'une commune - encore une de ces communes les plus riches - s'est opposée jusqu'au tribunal... (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît, un peu de silence ! Si vous souhaitez vous exprimer, appuyez sur le bouton !
M. Sylvain Thévoz. ...à la LAPSA (la loi sur l'aide aux personnes sans abri), parce qu'on avait procédé à un rééquilibrage et qu'il y avait un fonds de 18 millions pour justement accueillir les sans-abris. Par conséquent, ceux qui disent qu'il y aura un contreprojet, qu'on va trouver les équilibres pour refinancer ces communes... C'est faux ! Les communes les plus riches font des recours au tribunal pour s'y opposer.
Pour toutes ces raisons, évidemment, le parti socialiste, parce qu'il défend - notamment avec le projet de loi pour l'allocation pour les fins de mois de mon collègue Thomas Wenger, dont vous avez refusé l'urgence - le pouvoir d'achat et des allocations pour permettre aux personnes de boucler leurs fins de mois, s'opposera tant à l'initiative qu'au contreprojet. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je donne la parole à M. Michael Andersen pour deux minutes cinquante.
M. Michael Andersen (UDC). Merci, Madame la présidente. Vous transmettrez à mon collègue Thévoz qu'il serait bien qu'il mette à jour son disque dur, parce que je ne réside plus à Vandoeuvres, mais à Genève, ce qui a démultiplié mon envie que cette initiative passe, au vu de ce qui est fait en ville de Genève du point de vue budgétaire. (Rire. Commentaires.) Je vous remercie, Madame la présidente.
La présidente. Merci. Je vais passer la parole aux rapporteurs, en commençant par le rapporteur de troisième minorité, M. Grégoire Carasso, pour une minute et treize secondes.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de troisième minorité. Merci, Madame la présidente. Il faut faire des choix quand il ne reste qu'une minute. Vous transmettrez à nos amis du MCG, Madame la présidente, qu'après s'être illustrés pendant des années sur le registre anti-frontaliers, quand Genève, en 1999 encore, essayait précisément - et à nos yeux, c'est fondamentalement juste de payer une part d'impôts là où on travaille, parce que les Vaudois utilisent nos infrastructures, nos prestations, mais ne paient pas d'impôts... Et on découvre que le MCG, après s'être illustré strictement par son caractère anti-frontaliers, se transforme maintenant en ami de Lausanne ! Franchement, vu les exploits de Servette - alors peut-être pas ceux de ce soir... (Rire. Commentaires.) Je trouve ça franchement regrettable.
S'agissant des fondamentaux politiques, le MCG a très longtemps été un parti qui défendait l'imposition au lieu de travail, parce que les personnes qui viennent de l'extérieur du canton, que ce soient des confédérés, des frontaliers suisses, français, ou des personnes venant d'ailleurs, viennent utiliser nos prestations publiques. Vous avez toujours défendu le fait qu'il fallait que cette part existe et qu'elle soit même la plus importante possible. Alors franchement, je trouve cette position du MCG illisible. J'ai bien compris que vous étiez opposés à l'initiative et favorables à un contreprojet, mais vous ouvrez une boîte de Pandore, dans laquelle vous ne trouverez pas le PS, et nous serons particulièrement vigilants sur les mécanismes de compensation. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je donne la parole au rapporteur de seconde minorité, M. Julien Nicolet-dit-Félix, pour deux minutes quinze.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Pour moi aussi, il va falloir choisir entre les différents éléments qu'il convient de rectifier ou de préciser.
Premièrement, on a dit que le système fiscal genevois est particulier. Oui, il est particulier. Pourquoi ? Parce que Genève est un canton particulier: c'est un canton où la ville-centre cumule une part très importante des habitants; les villes périphériques plus la ville-centre cumulent à elles seules largement plus de la moitié des habitants. C'est aussi un canton où les différences de richesse entre les communes sont nettement plus élevées que dans les autres cantons. C'est enfin un canton où les communes s'enchevêtrent sur le plan géographique. A ce propos, si, après ce long débat, vous souhaitez vous délasser un petit peu, je vous invite à ouvrir le rapport à la page 49, où un petit quiz vous est proposé: il vise à tester vos connaissances sur les communes précises où se trouvent différentes infrastructures publiques et privées. Vous verrez, c'est assez compliqué d'obtenir le score de 10/10, tant ces communes sont enchevêtrées et tant on ignore en général sur quelle commune on se trouve.
La deuxième chose qu'il convient d'interroger, c'est la question de la simplification. Le rapporteur de majorité nous dit que les Genevois, les contribuables ne sont manifestement pas assez malins pour comprendre leur bordereau. C'est en gros le discours qu'on entend. On appréciera la considération envers nos concitoyens. Mais c'est un petit peu comme si vous alliez acheter une voiture - je suis désolé, ce n'est pas très vert ! - chez un concessionnaire et qu'on vous disait: «Vu que vous n'êtes pas assez malin pour comprendre comment fonctionne le moteur, on va vous le sceller et vous interdire de regarder ce qu'il y a dedans, parce que c'est une affaire de spécialistes !» C'est exactement ce qu'on propose avec ce mécanisme, cette espèce de «black box» de la péréquation qui sortirait d'un contreprojet dont on nous dit qu'en définitive, les différences avec la situation actuelle ne seraient pas énormes.
Alors je vous le demande: si l'intention des tenants du contreprojet est véritablement de se retrouver dans cinq, six, dix ans avec une situation globalement équivalente à celle d'aujourd'hui, à quoi bon ? Et si leur intention est de se retrouver avec une situation différente, quels sont leurs buts ? La question a été posée en commission, nous n'avons pas obtenu de réponse. C'est pour cela que je vous invite, une fois de plus - et là, pour le coup, je suis certain que vous serez tous persuadés - à voter contre l'initiative et contre le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. La parole est au rapporteur de première minorité, M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.) Vous transmettrez à mon préopinant...
La présidente. Je ne suis pas un monsieur !
M. Christo Ivanov. Euh, Madame la présidente ! Pardon ! (Commentaires. Rire.) Mea culpa ! Vous transmettrez à mon préopinant qui, tout à l'heure, disait qu'il n'y avait pas de zone de baignade ou pas de piscine à Russin, qu'il y a des zones de baignade à La Plaine, à Dardagny, et que c'est gratuit; les gens n'ont pas besoin d'aller à Meyrin, ils n'ont qu'à descendre, même à pied, depuis chez eux, ils ont des zones de baignade et des aménagements faits pour eux !
Revenons à notre initiative. Le Tribunal fédéral a appelé implicitement de ses voeux une réforme du système d'imposition communale des personnes physiques à Genève, en relevant que la législation genevoise s'écartait des règles de jurisprudence en matière d'interdiction de la double imposition intercantonale.
J'aimerais revenir sur l'audition du président de l'ACG, qui a déclaré: «Le système actuel avec ses derniers renforcements arrive au bout de l'exercice.» Même les communes-villes, qui sont les fers de lance de l'ACG, reconnaissent que le système fiscal actuel arrive au bout, c'est écrit noir sur blanc à la page 10 du rapport. Je poursuis: «Le comité de l'ACG, très crispé au début du processus, soutenait que "rien n'était possible". Pourtant, une solution satisfaisante pour l'ensemble des parties intéressées a pu être trouvée.» Ils sont donc maintenant favorables à un contreprojet... (Remarque.) ...et ils proposent...
Une voix. Non, non ! Non, non ! C'est faux !
Une autre voix. Non !
M. Christo Ivanov. Apprenez à lire, Monsieur Nicolet ! «La situation est encore plus favorable en l'espèce, dans la mesure où la réforme est voulue par les communes pour autant que le temps nécessaire à cet effet lui soit dévolu.» (Remarque.) Lisez le rapport page 11 ! On ne va pas s'égosiller.
La présidente. Je vous laisse vous adresser à moi.
M. Christo Ivanov. Toujours est-il qu'il convient de voter l'initiative 187 et son contreprojet. Je vous remercie.
La présidente. Merci. (Remarque.) Je ne redonne pas la parole après. Quand on passe aux rapporteurs... (Remarque.) Non, il ne vous a pas interpellé: vous lui avez coupé la parole d'abord et ensuite, il vous a répondu. Je le dis aux autres partis, tout comme je le dis au MCG, qui avait demandé la parole: je ne donne pas la parole après les rapporteurs. J'annonce qu'on passe aux rapporteurs et chacun prend la parole dans l'ordre. C'est maintenant le tour du rapporteur de majorité, M. Sébastien Desfayes, qui n'avait plus de temps, mais à qui j'accorde trois minutes pour répondre. (Commentaires.)
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. C'est même plus de temps qu'il ne m'en faut pour conclure. J'aimerais terminer en relevant que malgré une heure de débat, on n'a entendu aucun argument sérieux de la gauche pour s'opposer au principe d'un contreprojet. Alors on a entendu des invectives, en particulier de mon ami Sylvain Thévoz, et surtout des procès d'intentions, notamment de la part de Grégoire Carasso, qui nous dit: «Ils ont cette intention-là, ils vont nous piéger, attention, soyons vigilants !» Mais pour l'instant, il n'y a pas de contreprojet et je ne doute pas une seconde que vous, comme moi d'ailleurs, nous serons vigilants pour qu'un contreprojet équilibré soit établi. Mais ne nous faites pas de mauvais procès d'intentions ! Finalement, vous avez la même attitude ce soir que celle que vous aviez il y a six mois pour l'IN 182 «Climat urbain». Vous disiez qu'il ne fallait pas voter le principe d'un contreprojet, et on va voter dans dix minutes sur un contreprojet que vous avez approuvé. Il ne faut pas être si angoissé, Monsieur Carasso ! (Rires. L'orateur rit.)
Voilà comment j'imagine simplement les grandes lignes d'un contreprojet, qui reprend le PL 11491 - au demeurant, le président de l'ACG avait relevé devant la commission fiscale les avantages offerts par le PL 11491, tout en précisant que la feuille de route restait à établir. Les points principaux seraient, premièrement, le principe d'une imposition au lieu de domicile; le deuxième point, le principe d'un système de péréquation à concrétiser dans une loi - je répète: à concrétiser dans une loi - permettant d'atténuer les inégalités en matière de capacité financière entre les communes; le troisième point, c'est qu'évidemment, les communes participeraient à l'élaboration du système de péréquation.
Après une heure de débat intéressant, nourri et intense, le rapporteur de majorité vous invite à - et, au besoin, vous enjoint de - refuser l'initiative 187 et accepter le principe d'un contreprojet. Merci.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots pour rappeler la position du Conseil d'Etat et ce qui a été fait dans le cadre de cette initiative. Comme l'ont relevé certains dépités... députés ! Pas dépités, pour l'heure ! (Rires.) ...l'administration fiscale cantonale a procédé à des simulations sur les exercices 2012 à 2020 afin de mesurer les conséquences de la mise en oeuvre de l'IN 187. Il est vrai que certaines communes auraient vu leurs recettes fiscales relatives aux personnes physiques augmenter massivement, cela a été dit: Vandoeuvres, Veyrier, Troinex. Et, a contrario, d'autres communes auraient vu leurs recettes fiscales diminuer de manière très importante: Lancy, Vernier, Carouge et Meyrin. Pour la Ville de Genève, la baisse était également massive: 50 millions de francs. Mais surtout, ce que ces simulations ont démontré, c'est que l'application des mécanismes prévus dans la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l'intercommunalité n'atténuaient que très partiellement les impacts de l'IN 187.
Le Conseil d'Etat a donc estimé que cette modification et cette initiative portaient atteinte à la solidarité entre les communes, dans la mesure où les communes à forte capacité financière et dont le centime additionnel est déjà plus bas recevraient des recettes fiscales supplémentaires, au détriment des communes à faible capacité financière, dont les besoins sociaux sont évidemment plus importants. Le Conseil d'Etat a aussi estimé que cette initiative apporte de la confusion quant au lieu de fiscalisation des indépendants - je parle bien uniquement des indépendants. C'est pour ces raisons que le Conseil d'Etat vous encourage - et c'est ce qu'il avait indiqué dans le rapport - à refuser cette initiative.
S'agissant du contreprojet, le Conseil d'Etat n'y était pas favorable non plus, mais avant tout parce que le temps nécessaire pour revoir l'ensemble de la péréquation intercommunale et de la fiscalité communale dépasse très largement le délai fixé pour remettre un contreprojet. Et à moins que la commission et votre Grand Conseil n'élaborent qu'un contreprojet de principe, qui permette ensuite au Conseil d'Etat de prendre le temps de mettre en oeuvre ce principe et de revoir toute cette péréquation... Parce que, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas nous mentir: vous n'y arriverez pas ! Ni à trouver un accord avec les communes ni à refaire l'ensemble de ce système que vous jugez, pour la majorité d'entre vous, peu transparent.
Le Conseil d'Etat prendra acte de votre décision et vous accompagnera, le cas échéant, en tout cas s'agissant de mon département, dans les travaux, mais vous encourage à refuser cette initiative et, si vous allez de l'avant avec un contreprojet, à vous assurer que celui-ci ne soit pas trop complexe et qu'il nous donne le temps de mettre en oeuvre correctement une nouvelle fiscalité. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote, d'abord de l'initiative, puis du principe d'un contreprojet.
Mise aux voix, l'initiative 187 est refusée par 63 non contre 32 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 63 oui contre 33 non (vote nominal).
Le rapport IN 187-B est renvoyé à la commission fiscale.
Premier débat
La présidente. Nous passons à notre deuxième point fixe, les objets liés IN 182-C et PL 13348, classés en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur. Pour trois minutes, c'est juste ?
La présidente. Plus trois minutes de votre groupe.
M. Sébastien Desfayes. Merci, Madame la présidente. Je ne suis pas le rapporteur de majorité, je suis le rapporteur d'unanimité, parce que la commission d'aménagement est parvenue à accomplir un exploit, à savoir de se mettre d'accord sur un contreprojet à l'IN 182 et de voter ce projet de loi 13348 sur l'arborisation.
Vous vous souviendrez de cette fameuse initiative 182, que je vais résumer ainsi: elle imposait à l'Etat d'imposer à son tour aux communes de plus de 10 000 habitants de retirer de leur surface totale 1% de voies publiques accessibles au trafic individuel et prévoyait que cette surface serait transformée pour moitié en espaces verts et arborés et, pour l'autre moitié, en infrastructures de mobilité douce. Elle prévoyait également la suppression du principe de compensation des places de parking.
La mise en oeuvre de cette initiative se heurtait à des obstacles rédhibitoires d'ordre financier (comment financer ces projets ?), politique, technique (il s'agissait, d'après les initiants, de planter des arbres sur d'anciens giratoires, d'anciennes routes et d'anciens parkings) et juridique. Ce qui était aussi désagréable avec cette initiative - mais je vois qu'il me reste vraiment très peu de temps...
La présidente. Vous avez le temps de votre groupe, si vous le souhaitez.
M. Sébastien Desfayes. Heureusement ! ...c'est qu'elle faisait fi de l'indépendance des communes: le canton imposait - le canton jacobin, je ne sais pas, je regarde Pierre Maudet - aux communes sa toute-puissance.
Bien évidemment, tant le Grand Conseil que le Conseil d'Etat se sont opposés à cette initiative. Mais il fallait aussi reconnaître que l'on ne pouvait que souscrire à la volonté de repenser les espaces publics, d'améliorer, de manière générale, la qualité de vie des habitants du canton et d'embellir le territoire sur lequel nous vivons, et, à cet effet, se concentrer sur deux axes: l'arborisation et la mobilité. Dans ces circonstances, l'option choisie par la commission a été de sortir du projet de loi climat deux articles, consacrés pour l'un à l'arborisation et pour l'autre à la mobilité, et de les retravailler dans le cadre du contreprojet. C'est ce que nous avons fait.
Quel est le résultat de ce travail ? S'agissant de l'arborisation, notre contreprojet pose un objectif: planter, dans un horizon de dix ans, 25 000 arbres dans les communes de plus de 10 000 habitants. Mais - et il y a un grand «mais» -, alors que l'IN 182 exige que les arbres soient plantés sur les espaces dévolus au trafic individuel motorisé, le contreprojet mentionne qu'il s'agit d'une priorité, mais non d'une exclusivité. Cela signifie en d'autres termes que tous les espaces du domaine public, cantonaux et communaux, peuvent faire l'objet de plantations d'arbres pour la poursuite de cet objectif. Une deuxième différence en lien avec l'arborisation, c'est que la suppression de la compensation des places de parking est abandonnée.
Pour ce qui est de la mobilité, le choix a été fait de se focaliser notamment sur les vélos et les transports collectifs, avec des engagements posés dans le contreprojet, des engagements qui sont très ambitieux: 175 kilomètres d'aménagements en faveur des cyclistes et des piétons, comprenant 100 kilomètres de pénétrantes pour vélos, 25 kilomètres de voies vertes ainsi que des voies complémentaires. Une des grandes différences avec l'initiative est que le contreprojet, s'agissant de la mobilité, ne se focalise pas sur les communes de 10 000 habitants, ce qui permet d'éviter des «no man's land» dans le trafic de mobilité douce entre les communes.
Quant au volet des transports collectifs, le contreprojet prévoit de réaliser notamment, dans un délai de dix ans, 8 kilomètres d'extension du réseau de tramways, une nouvelle ligne de tramway dite de ceinture et 22 kilomètres de lignes de bus à haut niveau de service.
En conclusion, il s'agit d'objectifs réalistes, mais ambitieux, parce que créer autant d'infrastructures dans un délai de dix ans est effectivement ambitieux. Ce qui est aussi louable, c'est qu'on ne se concentre pas sur certaines communes, mais sur le canton et même sur la région du Grand Genève. Le projet de loi présenté comme contreprojet est volontairement court, simple, avec quelques articles posant des objectifs ambitieux, mais beaucoup plus réalistes que ceux de l'initiative. La commission d'aménagement du canton a adopté à l'unanimité ce contreprojet et la plénière est invitée à faire de même.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous parlons, dans cette plénière, du contreprojet à l'initiative «Climat urbain», mais permettez-moi de revenir quelques instants sur l'initiative en tant que telle, que les Verts soutiennent depuis ses débuts. Pourquoi ? Parce que cette initiative permet d'empoigner deux problèmes à la fois.
Le premier, c'est celui des îlots de chaleur. Je pense que nous l'avons toutes et tous vécu cet été: être en ville en pleine canicule, où la température est jusqu'à 10% plus élevée qu'à la campagne, est une véritable souffrance. On sait que cela ne va pas s'arranger avec le futur climat. C'est le premier problème auquel l'initiative permet de répondre. Le deuxième, c'est celui du report modal. Sur l'autre volet du climat, c'est-à-dire celui de la lutte contre les émissions de carbone, cette initiative permet d'aller vers plus de report modal, puisqu'elle donne plus d'espaces aux transports en commun et à la mobilité douce.
Nous avons donc soutenu l'initiative, mais le principe du contreprojet a été accepté. Nous nous sommes joints aux travaux autour de ce contreprojet. Résultat des courses, nous le soutenons également. Pourquoi ? Certes, à nos yeux, il est moins bon que l'initiative. Le principal sacrifice est le renoncement - le rapporteur de majorité l'a évoqué - à la suppression du principe de compensation (cette inscription dans la loi du fait que, lorsqu'on enlève une place en surface, il faut la compenser ailleurs). C'est un renoncement, mais nous avons intégré le message passé par les communes, notamment par l'ACG, selon lequel l'assouplissement de ce principe voté par la population il y a quelques années donne encore une grosse marge de manoeuvre pour la reconversion d'espaces de stationnement en surface.
L'autre sacrifice, c'est le passage de 10% dans l'initiative à 8% dans le contreprojet. C'est certes moins bien, mais, pour voir le verre à moitié plein, l'avantage, c'est qu'on a une conversion de ce pourcentage en arbres et en kilomètres: cela a été dit, 25 000 arbres - donc là, on sait de quoi on parle -, 175 kilomètres pour la mobilité douce et 30 kilomètres pour les transports en commun.
Une dernière raison à nos yeux de soutenir ce contreprojet, c'est la qualité du travail, du dialogue et du compromis autour de ce texte, qui a satisfait à la fois les départements, l'ACG et l'unanimité de la commission. Merci, Madame la présidente.
M. Florian Dugerdil (UDC). Chers collègues, l'initiative 182, bien que présentant des objectifs louables et admissibles par l'entier des groupes politiques qui composent cet hémicycle, se trouve aller diamétralement à l'encontre du programme de mobilité de l'Union démocratique du centre, que je représente ce soir.
En effet, il est simplement inconcevable pour nous de péjorer annuellement 1% de la voie publique - soit 10% au terme des dix ans définis dans cette initiative populaire - au détriment des usagers de la route, qui ne peuvent déjà plus circuler librement dans le canton de Genève. Le Conseil d'Etat lui-même, après une analyse, conclut que même si cette initiative rejoint les objectifs adoptés dans le cadre du plan climat cantonal, elle reste trop ambitieuse et incompatible avec le rythme d'avancement des grands projets menés par le canton et par les communes, avec les enjeux techniques et financiers qui leur sont inhérents.
Le contreprojet a l'avantage de reprendre la demande initiale de cette initiative tout en limitant l'impact sur nos routes. Il se distancie donc de l'initiative 182, qui paraît abstraite et un peu trop arithmétique. L'idée est de réaliser quelque chose de plus concret, plus pragmatique et de proposer des objectifs en lien avec des projets en préparation et en cours de réalisation, tout en restant en adéquation avec le plan climat cantonal.
Notre groupe salue le travail effectué pour l'élaboration de ce contreprojet certes ambitieux, mais réaliste. C'est pourquoi l'Union démocratique du centre le soutiendra. Merci.
Une voix. Très bien !
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Yves Nidegger pour une minute vingt-trois.
M. Yves Nidegger (UDC). Je serai même plus bref que cela, Madame la présidente. Je dirai un mot pour rappeler que le climat est aujourd'hui un dieu si puissant qu'il suffit d'invoquer son nom en début de phrase pour dire ensuite n'importe quoi et être applaudi. Le texte de cette initiative propose des choses plutôt antihumanistes, puisqu'elle s'en prend aux êtres humains au nom de ce dieu vengeur et particulièrement teigneux qu'on nous inflige comme religion officielle et obligatoire depuis maintenant deux ou trois ans.
L'initiative est évidemment à rejeter, comme vient de le dire mon collègue Dugerdil. Le contreprojet est à envisager avec méfiance. Quand on considère ce que le magistrat précédent - sortant et aujourd'hui sorti, fort heureusement - a réussi à faire avec un vote populaire qui s'intitulait «pour une mobilité cohérente et équilibrée», on doit évidemment trembler à l'idée de ce que fera le prochain magistrat en plantant des arbres là où c'est possible ! (Rire.)
M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, commençons par ce qui est positif dans ce contreprojet, qui vise une requalification d'une certaine part de l'espace public et qui va dans la direction des initiants pour une bonne partie. On peut saluer un véritable élan pour l'arborisation et la perméabilisation des sols. Du point de vue de la mobilité, on voit qu'un vrai plus est prévu pour les mobilités actives, ce dont nous nous réjouissons. S'agissant des transports publics, un saut qualitatif dans l'offre est nécessaire, et le rythme actuel trop lent des projets est inadapté. Nous devons l'accélérer. Voilà pour le positif.
Cela étant dit, le contreprojet comporte également de fortes concessions par rapport à l'initiative. Vous me direz que c'est le principe d'un contreprojet; toute la question est de savoir jusqu'où vont les concessions. Premièrement, cela a été mentionné, la suppression du principe de compensation des places de stationnement que prévoit l'initiative a été abandonnée, ce qui est une vraie perte. On peut également évoquer les infrastructures piétonnes et cyclables: on parle de 175 kilomètres, un chiffre impressionnant, mais s'agit-il réellement de davantage que de la peinture jaune qui s'arrête aux carrefours ? On parle aussi de voie publique (dans le contreprojet) plutôt que de routes (dans l'initiative), c'est donc une réduction de nettement plus que celle de 20% (soit le passage de 10% à 8%), car c'est aussi un changement de monnaie en quelque sorte: on ne parle plus seulement des routes, mais de l'ensemble de l'espace public. On passe donc d'un vrai changement de paradigme à de belles intentions.
Ensuite, le volet transports publics est peut-être un des points les plus décevants: il couvre en réalité uniquement les projets qui sont déjà plus ou moins dans les tuyaux pour la prochaine décennie et n'apporte donc pas réellement quelque chose de plus. En fait, on passe d'une volonté de changement à une sorte d'autofélicitation.
Malgré ces ombres au tableau, que nous regrettons, nous soutenons le compromis sorti de commission à l'unanimité - c'est une chose assez rare pour qu'on la salue, même si mon préopinant a montré qu'il souhaitait s'isoler de plus en plus en mettant une petite ombre personnelle au tableau. Pour une fois, nous sommes prêts à aller dans le même sens dans le domaine de la mobilité, nous soutiendrons donc ce compromis. La réponse ne sera pas suffisante, mais c'est déjà un début pour aller dans le sens d'une arborisation, d'un report modal, et nous estimons cela tout à fait positif.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour cette belle harmonie; je n'en demandais pas tant en début de législature sur cette thématique compliquée des transports. Je n'entends pas ici invoquer en sautant comme un cabri le «dieu climat», mais simplement évoquer - cela devrait plaire à l'Union démocratique du centre - les vertus de notre démocratie directe, la beauté de l'initiative populaire, dont vous savez comme moi, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en matière de droits politiques, c'est parfois davantage le processus que le résultat qui compte. On verra dans quelques années quel sera le résultat de ce contreprojet, qui semble faire l'unanimité.
On peut d'ores et déjà dire que les vertus de cette initiative - et il faut saluer le rôle des initiants - ont été de faire en sorte que le Conseil d'Etat, qui a d'emblée, de son côté, proposé un contreprojet, mais également la commission répondante - et je veux remercier l'ensemble de la commission pour son travail, et le rapporteur en particulier -, dans un processus de recherche de compromis, ont réussi, cela a été dit par plusieurs d'entre vous, à poser les bases d'un projet, de ce contreprojet en l'occurrence. Le rapporteur a dit «réaliste, mais ambitieux». Je dirais plutôt l'inverse: «ambitieux, mais réaliste».
Pourquoi est-ce ambitieux ? Parce que, vous le savez, en matière de transports - et là, je me permets de reprendre le propos du préopinant UDC -, il vaut mieux planter des arbres que planter des projets. En matière de transports, on a passé notre temps à planter des projets. Alors sans doute les méthodes n'étaient-elles pas bonnes, mais on a ici l'occasion de démarrer une législature en matière de transports sur des objectifs que d'aucuns décriront comme minimalistes et que d'autres trouveront peut-être excessifs, mais qui vont se réaliser concrètement.
J'aimerais dire aussi au député Jotterand, qui s'exprimait en déplorant le fait qu'on ne fasse en quelque sorte qu'accompagner des projets existants: oui, mais quand même, ces projets, ce sont 175 kilomètres d'axes de mobilité douce, 25 000 arbres et 30 kilomètres de nouvelles lignes de transports publics. Alors certes, c'est projeté, mais on va les faire réellement, ce d'autant plus qu'on aura du vent dans les voiles avec ce contreprojet.
Ce contreprojet est donc ambitieux, mais réaliste. Il est ambitieux parce qu'il est concret. Et être concret aujourd'hui, c'est une vraie ambition dans notre canton: réaliser réellement ! (Rire.) Et réaliste parce qu'il est précis ! Et ça, c'est précieux ! C'est précieux ! Ça n'a de sens et de valeur que si les initiants - et je veux ici leur lancer un appel - concrétisent leurs promesses, ce qu'ils devraient pouvoir aisément faire, puisqu'on va ce soir vers l'unanimité, en retirant leur initiative, ce qui nous fera gagner du temps.
Je vous appelle donc, au nom du Conseil d'Etat, à soutenir ce compromis intelligent, ce contreprojet, dans une belle quasi-unanimité, à donner du vent dans les voiles, et à nous retrouver dans les années qui viennent pour l'ambition et le réalisme, la concrétisation et la précision de projets qui vont améliorer la qualité de vie des Genevoises et des Genevois. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13348 est adopté en premier débat par 88 oui et 1 abstention.
Le projet de loi 13348 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13348 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 85 oui et 3 abstentions (vote nominal).
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 182-C.
Premier débat
La présidente. Nous abordons maintenant notre dernier point fixe. Il s'agit de l'IN 176-C et du PL 13358, classés en catégorie II, trente minutes. Je rappelle que l'inscription du courrier 4097 au Mémorial a été demandée et acceptée tout à l'heure.
La présidente. Le rapport est de Mme Fabienne Monbaron, que j'invite à rejoindre la table des rapporteurs. (Un instant s'écoule.) Vous avez la parole, Madame.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse. Merci, Madame la présidente. Je propose un renvoi de ces objets à la commission d'aménagement du canton suite au courrier du 11 septembre dernier du comité d'initiative, lequel demande son audition.
La présidente. Je vous remercie. Nous nous prononçons sur cette requête.
Mis aux voix, le renvoi du rapport de commission IN 176-C et du projet de loi 13358 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 87 oui (unanimité des votants).
La présidente. Je vous remercie, Madame la rapporteure ! (Exclamations. Rires.)
Troisième débat
La présidente. Mesdames et Messieurs, nous avons terminé les points fixes et entamons nos urgences avec le PL 12593-C. Il s'agit du troisième débat. Je rappelle que le projet de loi a été retiré en cours de traitement lors de la dernière session, puis repris sur le siège par M. Stéphane Florey.
Le projet de loi 12593 a été retiré par ses auteurs et repris par M. Stéphane Florey (UDC) le 1er septembre 2023.
Séance du vendredi 1er septembre 2023 à 8h
La présidente. Un amendement général vous a été transmis par messagerie en fin d'après-midi, présenté par M. Adrien Genecand et cosignataires.
La présidente. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, chaque groupe et chaque rapporteur disposent donc de trois minutes. Monsieur Adrien Genecand, je vous cède la parole.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, très brièvement, la majorité a compris que, le Conseil d'Etat n'ayant pas les moyens de sa politique énergétique, il convenait de revenir aux fondamentaux, à savoir qu'il faut au moins que nous adoptions le modèle fédéral, c'est-à-dire le CECB.
Au-delà de ça, il va falloir travailler de façon intelligente sur la question du financement. Nous pensons qu'un montant de 50 millions minimum par année - ça correspond à une annuité - est raisonnable. L'amendement général qui vous est proposé est très modeste par rapport à l'automaticité dont le Conseil d'Etat s'était ému, arguant qu'une somme de plus de 220 ou 250 millions serait trop lourde à porter alors qu'il a lui-même imposé une rénovation énergétique pour 16 000 bâtiments sans avoir la capacité de la financer; il faut savoir que l'Etat a demandé - je le précise pour les téléspectateurs et ceux qui liront le Mémorial - un milliard pour 300 immeubles.
L'Etat ayant voulu forcer la main à 16 000 propriétaires sans aucune compensation, nous estimons qu'il est raisonnable de passer maintenant à un système fédéral, et on discutera de la transition énergétique suivant ce que le cadre fédéral nous permettra de faire. C'est la raison pour laquelle je vous encourage à accepter cet amendement général. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je rappelle qu'actuellement, avec le règlement d'application, nous sommes parfaitement compatibles avec le cadre fédéral, donc je ne vois pas tellement l'intérêt de... (Remarque.) Est-ce que je peux parler ?
La présidente. Monsieur le rapporteur de majorité, s'il vous plaît ! J'en profite pour demander aux personnes qui discutent derrière de se taire également.
M. Cédric Jeanneret. Je salue une certaine créativité de la nouvelle majorité à la commission de l'énergie. Lors de la dernière session, on demandait l'urgence sur ce mécanisme d'arrosage automatique de subventions qui, heureusement, a été abandonné. Aujourd'hui, lors de cette plénière, on sort à 18h23 du chapeau un copié-collé de la loi vaudoise sur l'énergie qui est actuellement en consultation.
Si, au moins, cette agitation servait à aller dans le sens de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique, ce serait super, ce serait vraiment super; mais non, au contraire: avec cet amendement, on reporte de dix ans, voire de quinze ans, l'obligation de rénover les passoires énergétiques, c'est ce qui est écrit dans le texte. Et pour la majorité des bâtiments qui relèvent de la classe E - soit 570 mégajoules par mètre carré, quand même -, on ne fait rien. Votre amendement ne les mentionne même pas !
Quel message envoie-t-on à la population, qui a fait des efforts l'hiver dernier et a volontairement diminué sa consommation pour éviter une pénurie d'énergie - problème auquel nous serons à nouveau confrontés cet hiver et l'hiver prochain ? Quel message envoie-t-on aux personnes âgées, qui suffoquent lors des canicules ? Quel message envoie-t-on aux jeunes, pour lesquels on a déclaré l'urgence climatique ? Quel message envoie-t-on à la population et aux entreprises, qui subissent des augmentations du prix de l'énergie de plus en plus importantes ? Quel message envoie-t-on aux entreprises du bâtiment, pour qui de tels travaux représentent une aubaine ?
Le message est le suivant: rendez-vous dans dix ans, dans quinze ans, et on espère que d'ici là, le secteur de l'immobilier aura pris des mesures contre le réchauffement climatique. Mesdames et Messieurs, je ne pense pas que la population et les locataires se satisferont de cette réponse. Le cas échéant, nous le vérifierons dans les urnes, car il est clair que nous n'allons pas laisser le plan climat cantonal être ainsi jeté à la poubelle. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Grégoire Carasso (S). Très brièvement, le groupe socialiste, considérant que le projet de loi initial remonte à... 2018 ? 2019, je crois. Voilà, un peu plus de quatre ans se sont écoulés, plusieurs députés dont l'auteur de l'amendement général ici présent, notre collègue Genecand - vous transmettrez, Madame la présidente -, ont travaillé dessus, et après quatre ans, il est clair qu'on pourrait s'offrir une lettre D; je pense qu'on pourrait même aller assez loin dans l'alphabet avec ce type de méthode quant à la forme, c'est-à-dire avec le dépôt d'un amendement général que tout le monde découvre, sauf l'auteur et ses camarades de l'immobilier genevo-vaudois. Il me paraît juste inconcevable de voter sur le siège rien que la douzaine d'alinéas à l'article 15C qui instaurent un nouveau système de référencement sur l'évaluation énergétique des bâtiments.
Alors on connaît le fond du problème: le vilain Conseil d'Etat a modifié le règlement, les milieux PLR et immobiliers genevois trouvent que ce n'est vraiment pas gentil, ils ont déposé un recours, ils ont perdu sur l'effet suspensif, ils perdront demain ou après-demain sur le fond. Du coup, c'est la grosse bagarre et, toujours sur la forme, je pense que cette grosse bagarre, sachant que plusieurs pistes de compromis ont été échafaudées ces quatre dernières années... Celle-ci en est peut-être une, mais franchement, j'ai des doutes; en tout cas, pour nos collègues du MCG, vous aurez noté que la dimension LDTR n'existe plus.
Ne serait-ce que pour ça et pour prendre connaissance de cet amendement général... Est-ce un nouveau compromis ? Je l'ignore, on ne pourra le déterminer qu'après avoir pris le temps de l'étudier. On sait la capacité de travail rapide de la commission de l'énergie et de notre collègue Genecand; un petit tour en commission serait la moindre des choses. Je demande donc le renvoi, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Sur cette proposition, le rapporteur de minorité veut-il dire quelques mots ? Ça ne semble pas être le cas. Monsieur Genecand, alors ?
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Oui, Madame la présidente. Je connais les qualités intellectuelles du député Carasso et je sais qu'il a lu l'amendement et parfaitement compris que nous avions fait un pas en direction de la minorité. A défaut, si les représentants de celle-ci ne sont pas capables de lire et de comprendre qu'on n'est pas très loin de ce qu'ils visaient en théorie, il n'y a pas de raison de passer encore x mois en commission. Si vraiment la transition énergétique est urgente, comme la gauche le proclame depuis dix ans, alors c'est ce soir qu'il faut agir. Mais plus personne n'est dupe: en fait, vous n'avez pas les moyens de ce que vous voulez et de ce que vous entendez imposer au peuple. J'ai terminé.
La présidente. Merci. Nous procédons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 53 non contre 40 oui et 1 abstention.
La présidente. Nous poursuivons les travaux, et c'est M. Stefan Balaban qui a la parole.
M. Stefan Balaban (LJS). Merci, Madame la présidente. Nous avons en effet reçu un amendement général concernant ce projet de loi. Nous l'avons lu, nous l'avons étudié. Il est vrai que l'un des points qui nous dérangeaient lors de la dernière séance plénière, c'est-à-dire l'automaticité - l'«open bar», en quelque sorte - du financement des coûts de rénovation, a été annulé, on n'en trouve plus la mention dans l'amendement général. Il n'y a plus d'IDC non plus, il y a eu une abrogation du système de l'IDC.
Disons que cet amendement représente un pas en avant pour engager une discussion, mais force est de constater que pour nous, le groupe LJS, il arrive un peu tard, parce que ce projet de loi est là depuis quatre ans, traîne depuis quatre ans dans ce Grand Conseil et en commission: nous jugeons donc qu'il serait plus sage de prendre six mois supplémentaires pour discuter de cet amendement. (Exclamations.) Je demande donc le renvoi en commission. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Monsieur Jeanneret, souhaitez-vous vous exprimer sur cette requête ? Apparemment pas. Monsieur le rapporteur de majorité ?
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Oui, Madame la présidente, avec joie. On constate dans ce débat, comme lors du dernier Grand Conseil, que la minorité de gauche ne veut pas mettre les moyens pour la transition énergétique, il est donc exclu de voter le renvoi en commission.
La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 54 non contre 41 oui.
La présidente. Mesdames et Messieurs, je compatis, je sais que vous êtes coincés là et je ne peux pas vous envoyer à l'extérieur, parce qu'il y a des demandes de renvoi en commission, vous devez rester. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, alors il va falloir, pendant trente minutes, essayer de ne pas trop parler, de patienter, d'écouter les discussions. Il s'agit d'un sujet important, je suis sûre que les interventions seront passionnantes, donc je prie tout le monde dans cette salle d'écouter la prochaine oratrice, qui est Mme Angèle-Marie Habiyakare.
Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Merci, Madame la présidente. Quelle tristesse ! Quelle tristesse je ressens en tant que jeune, chers collègues, face à la position retenue par la majorité de ce parlement, qui induit une très grande régression vis-à-vis des objectifs du plan climat, comme l'a souligné mon collègue. Le message adressé à la jeunesse qui se mobilise en luttant d'arrache-pied est le recul. Or nous ne pouvons pas retarder la mise en place de ces objectifs. Une telle décision me désole et désole les Vertes et les Verts. L'avenir se joue maintenant, et vous posez des barrières aux perspectives qui se dressent à l'horizon face au changement climatique.
Tirer des conclusions rapides de l'amendement qui vient d'être déposé revient à prendre un grand risque face aux impacts réels. L'amendement sous-évalue les enjeux; par exemple, la modification à l'alinéa 7 de l'article 15C n'exclut pas la répercussion des coûts de rénovation sur les locataires.
Je demande, Madame la présidente, le renvoi en commission afin de mesurer les effets de l'amendement qui vient d'être envoyé et de faire prendre conscience des dangers du texte tel qu'il nous est présenté. J'espère que ce Grand Conseil fera preuve de sagesse en acceptant le renvoi en commission. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci bien. Le rapporteur de minorité ne prend pas la parole sur cette nouvelle demande. Monsieur Genecand, c'est à vous.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Madame la présidente, mon plaisir est immense de constater que les Verts sont une force d'opposition à la transition énergétique et souhaitent absolument qu'elle ne se réalise pas le plus rapidement possible. C'est quand même le cirque, Madame la présidente, et il faut le dire pour le peuple, pour le Mémorial: les Verts s'opposent de façon véhémente, depuis le dernier Grand Conseil, à la réalisation de ce qui constitue un programme ambitieux dont le Conseil d'Etat n'avait pas les moyens à la base. Au-delà des effets d'annonce, le roi est nu, Madame la présidente. C'est à marée basse qu'on voit ceux qui nagent tout nus ! (Rires. Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. L'assemblée est priée de se prononcer sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 54 non contre 42 oui.
La présidente. Je réitère mes invitations au silence, Mesdames et Messieurs ! La parole revient à M. François Erard.
M. François Erard (LC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ma préopinante a indiqué qu'elle était triste; moi, ce soir, je suis heureux, heureux que nous ayons réussi à formuler une solution qui me semble satisfaisante pour atteindre les objectifs en matière de transition énergétique, sachant que les logements et les immeubles sont, pour une part prépondérante, source des émissions de CO2 dans notre canton.
J'aimerais préciser que le dernier amendement qui avait été accepté à la majorité de la commission et par ce Grand Conseil était un peu excessif et aurait eu des conséquences financières importantes pour Genève. On l'a bien compris et, effectivement, l'amendement qui vous est proposé aujourd'hui permet d'éviter un certain nombre d'écueils.
La première chose, c'est qu'on abandonne la spécificité genevoise de l'IDC pour passer à un système reconnu sur le plan fédéral, à savoir le CECB, le certificat énergétique cantonal des bâtiments. L'avantage de ce modèle par rapport au précédent est qu'il est reconnu et permet de débloquer des subventions fédérales, ce qui n'était pas le cas de l'IDC.
Ensuite, certes, le délai d'adaptation est un petit peu long, on peut le concevoir, mais j'entends, dix à quinze ans, cela nous semble raisonnable pour effectuer tous ces changements. Un autre élément important à souligner dans cet amendement, cela a été signalé, c'est que l'automaticité tombe, elle est abolie, ce qui permettra de réduire les coûts de l'opération. Aussi, Le Centre soutient cet amendement et vous invite, Mesdames et Messieurs, à en faire de même. Je vous remercie.
Une voix. Très bien.
M. Stéphane Florey (UDC). La solution que nous proposons dans cet amendement est raisonnée et raisonnable, puisque, cela a été mentionné, nous allons récupérer des subventions fédérales, ce qui devrait réjouir tout le monde dans cette salle. Finalement, c'est la meilleure option possible, puisqu'elle reprend ce qui se fait ou va se faire dans d'autres cantons, par exemple dans le canton de Vaud. De plus, elle est complètement compatible avec la loi fédérale, ce qui est non négligeable.
Ce débat tourne au ridicule, parce qu'on assiste au naufrage d'un projet qui était Vert au départ, qui a été nettement amélioré et sorti de l'eau par la majorité qui se profile aujourd'hui. En réalité, tout le monde devrait y trouver son compte, y compris le magistrat, qui devrait être content de la solution qui se dégage ici.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir cet amendement, à voter le projet de loi et à vous réjouir de la future transition énergétique qui se dessine au travers de ce nouveau texte, lequel définira les contours de la politique cantonale en matière d'énergie ces prochaines années. Et nous souhaitons également un bon naufrage aux Verts le 22 octobre ! Je vous remercie.
Une voix. Comment peut-on parler comme ça ?
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Grégoire Carasso pour cinquante-quatre secondes.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Madame la présidente. Un message adressé essentiellement au rapporteur de majorité: la marée monte et vous êtes en train de boire la tasse, cher collègue - vous transmettrez, Madame la présidente. Pourquoi êtes-vous en train de boire la tasse, et avec vous les milieux que vous prétendez défendre...
La présidente. Adressez-vous à moi si vous voulez que je transmette.
M. Grégoire Carasso. ...Madame la présidente ? Pour la simple et bonne raison que le règlement est en vigueur, le règlement s'applique, et les milieux que vous défendez, en particulier ceux que nous voulions soutenir avec vous - les petits propriétaires et ceux qui entreprennent des rénovations exigeantes, audacieuses sur le plan énergétique -, ils auront quoi ? Ils auront les modestes moyens à disposition aujourd'hui, tout simplement parce que le PS lancera un référendum, il refuse un arrosage de 50 millions au minimum par année...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Grégoire Carasso. Alors certes, il n'y a plus d'automaticité, mais c'est sans distinction, ce n'est pas pour ceux qui en ont besoin, ce n'est pas pour ceux qui conduisent de bons projets, c'est pour vos meilleurs réseaux, et ce sera un pat.
La présidente. C'est terminé...
M. Grégoire Carasso. Mais la transition énergétique...
La présidente. Merci !
M. Grégoire Carasso. ...avancera sur une base réglementaire jusqu'à ce que... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il faut bien lire cet amendement. Hormis la problématique de l'IDC - on passe à un indice suisse -, sa teneur est exactement celle que j'avais défendue devant la commission et qui avait d'ailleurs été acceptée en commission, et modifiée ensuite. Voilà pourquoi je ne comprends plus certains groupes ici, car on revient à ce que j'avais prôné à l'époque, à savoir que ceux qui ne peuvent pas, qui n'ont pas les moyens de réaliser des assainissements - et qui vont le démontrer, puisqu'on va leur demander de le prouver, c'est écrit ici - seront aidés par l'Etat. C'est exactement ce qu'on visait !
Ce qu'on voulait éviter, ce que je voulais éviter pour ma part, et c'est pour ça que j'ai combattu l'amendement de M. Genecand à l'époque, c'est un arrosage généralisé où on en serait arrivé à financer les grands propriétaires comme l'UBS, Firmenich, Swiss Life, j'en passe et des meilleures. Eh bien cet élément a été abrogé, on revient en arrière; notre collègue est revenu à la raison, je dirais - vous lui transmettrez, Madame la présidente. C'est la raison pour laquelle j'ai finalement signé cet amendement, parce que je pense qu'il s'agit d'un bon compromis.
On va aller de l'avant, et tous ceux qui ont réalisé des rénovations savent que ce n'est pas avec un coup de baguette magique qu'on assainit un bâtiment: il faut préparer le projet, établir un programme, lancer des soumissions et enfin exécuter le travail. Ça prend de nombreuses années ! Oui, ça prend de nombreuses années, contrairement à ce que vous croyez.
En Ville de Genève, pour citer un exemple, où des dizaines de millions ont été votés par la nouvelle majorité rose-verte - on les a soutenus aussi - afin de rénover les bâtiments propriétés de la commune, savez-vous combien ils ont dépensé l'année dernière pour les immeubles de la Gérance immobilière municipale ? En une année ? Six millions de francs. Six millions de francs ! Ils ont tous les millions qu'ils veulent à leur disposition, les moyens ont été votés. C'est juste que ça ne se fait pas comme ça, ça ne se décrète pas comme ça, il faut préparer les choses.
Rénover la Cité-Jonction, par exemple, prend des années, le projet n'est pas encore prêt; voilà des lustres qu'on nous dit qu'il va arriver, eh bien il n'est pas encore abouti. Et d'ici qu'il le soit, qu'on ait le crédit d'étude, lancé les études et que les travaux se fassent, eh bien il va se passer encore cinq, dix, voire quinze ans, quoi que vous puissiez en dire. Et encore, pour autant que les entreprises puissent assumer la charge de travail. Parce que oui, nous voulons que des entreprises genevoises réalisent ces différents travaux, puissent prendre en charge toutes les rénovations des bâtiments - de la Ville, de l'Etat, des privés. Eh bien ça prendra du temps, ça prendra du temps ! On va avancer le plus vite possible, mais ça prendra du temps. Mesdames et Messieurs, j'estime que l'amendement présenté ici constitue un bon compromis, et je vous invite à l'adopter. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur David Martin, vous avez la parole pour une minute trente-huit.
M. David Martin (Ve). Merci, Madame la présidente. J'aimerais compléter ce qu'ont indiqué mes collègues et rebondir sur les propos de M. Sormanni. M. Sormanni a dit que l'amendement était proche du sien, à l'exception de l'IDC. Eh bien justement, c'est une grosse exception ! L'IDC, soit l'indice de dépense de chaleur, est un outil qui existe à Genève depuis les années 90, qui montre que notre canton a été pionnier en la matière et que de nombreux cantons nous envient. Ce système permet de monitorer précisément la consommation des immeubles et donc d'inciter aussi à des économies d'énergie; pas seulement à réaliser d'importants travaux, mais aussi à économiser l'énergie par des réglages. Ces éléments-là se reflètent dans l'IDC, ce qui n'est pas le cas du CECB fédéral.
Finalement, c'est montrer très peu de respect pour notre parlement que de déposer un amendement le soir même, comme cela a été relevé, et c'est bien la preuve que la majorité qui vote ce soir est plutôt hésitante sur le fond. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Merci !
La présidente. Je vous remercie. La parole retourne à M. Stéphane Florey pour une minute quinze.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. J'aimerais juste corriger quelques propos. Certes, il y a peut-être un règlement en vigueur, mais celui-ci sera rendu caduc une fois que la loi sera elle-même en vigueur. Le Conseil d'Etat devra inévitablement abroger le règlement actuel ou le modifier en conséquence de la nouvelle loi. Voilà la réalité.
Quant au référendum, eh bien je me réjouis de pouvoir mettre en avant le fait que oui, l'UDC a une sensibilité écologique et démontrer que les partis qui défendent vraiment l'écologie ne sont pas toujours ceux qu'on croit. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien.
La présidente. Merci bien. Il reste trente-trois secondes à M. Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Madame la présidente, je serai très bref. Tout d'abord, je suis extrêmement déçu par ce qui se passe. En tant que doyen de mon groupe, je suis totalement solidaire avec les plus jeunes, dont la voix a été exprimée tout à l'heure par Mme Habiyakare.
Je trouve parfaitement scandaleux qu'on nous envoie en début de session un amendement extrêmement long - deux pages ! - qui comporte de nombreux changements: on remplace le système de l'IDC par le modèle du CECB, on modifie les délais tandis que le mécanisme de subventionnement est totalement irréaliste. Madame la présidente, je demande une fois de plus un renvoi en commission. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Bien, merci. Monsieur le rapporteur de minorité, vous ne voulez toujours pas intervenir sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Si, alors allez-y.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, je suis nouveau dans cet hémicycle, j'ai cru comprendre que de nombreuses discussions avaient eu lieu autour du sujet extrêmement important que constitue la rénovation des bâtiments, lesquels constituent l'émetteur de CO2 numéro un dans notre canton. Depuis que je suis arrivé, on dépose un amendement comme ça, un peu en catimini. Je ne comprends pas la logique là derrière. Je ne saisis pas: est-ce qu'il manque des moyens pour financer ces assainissements, est-ce qu'il manque des compétences à Genève ?
18 000 bâtiments ont d'ores et déjà été rénovés et fonctionnent très bien pour le bien-être de leurs habitants, pour le bien-être de la population, pour le bien-être des entreprises. Je ne comprends pas qu'on présente un amendement comme ça, en catimini, sans vouloir en discuter au sein d'une commission de l'énergie dont c'est pourtant le rôle. Deux pages d'amendement en plénière, transmises à 18h, votées à 22h... Pour un sujet aussi important que la rénovation du parc immobilier, ça me dépasse complètement !
Ce que j'aimerais rappeler, c'est qu'il existe des mesures qui ne coûtent rien pour optimiser la consommation des immeubles, par exemple l'équilibrage hydraulique. Qu'est-ce qu'on attend pour les mettre en oeuvre ? Ça ne coûte rien, c'est trois coups de tournevis dans une chaufferie: on règle l'équilibrage hydraulique des bâtiments, ce qui représente 15% à 20% d'émissions de CO2 en moins. Et ça ne coûte absolument rien, ça rapporte de l'argent. Alors qu'est-ce qu'on attend ?
Je ne saisis pas l'intérêt d'attendre, de reporter les travaux de dix ans, voire de quinze ans. En effet, Mesdames et Messieurs, ce qu'on nous demande dans cet amendement, c'est de repousser de dix à quinze ans les dispositifs d'optimisation. Voilà ce sur quoi on va voter ce soir; c'est différer les travaux de dix à quinze ans, c'est écrit noir sur blanc. Je ne comprends pas comment aujourd'hui, en situation d'urgence climatique, on peut imaginer reporter de dix à quinze ans la rénovation énergétique. On a deux ans pour le faire en ce qui concerne les passoires énergétiques, et il y a 690 passoires énergétiques à Genève, mais qu'est-ce qu'on attend ? Je ne comprends pas, c'est complètement incompréhensible ! Aussi, s'il vous plaît, renvoyons cet objet en commission pour qu'on puisse appréhender les enjeux, parce que ce coup de frein à la rénovation qui est proposé dans l'amendement est juste incompréhensible. (Applaudissements.)
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Je ne veux pas dire que les bras m'en tombent, même si l'expression est choisie. On a là quelqu'un qui est député, mais qui accessoirement est aussi employé des SIG. Les Verts ne se rendent même plus compte des problèmes de gouvernance qu'ils engendrent eux-mêmes ! On est face à un collaborateur des SIG qui vient nous expliquer que la transition énergétique est urgente, mais qu'on peut renvoyer le projet en commission et travailler dessus encore quelques mois, quelques années. On a passé cinq ans à étudier ce texte, on peut y repasser cinq années !
On est là dans un théâtre de Guignol absolu, Madame la présidente, les Verts n'ont même plus conscience de l'inaudibilité de leurs propos. Ils nous demandent de renvoyer en commission le geste le plus important de la législature en faveur de la transition énergétique, l'air de rien, normal ! (L'orateur rit.) Ce n'est pas grave, ce n'est pas urgent, renvoyons-le en commission, les amis ! Après nous avoir martelé pendant dix ans que c'était urgent, eh bien là, on peut prendre encore un peu de temps, non ? Tout va bien ! Franchement ? Et vous ne trouvez pas que c'est Guignol ? Mais vraiment, vous êtes inaudibles ! Vous êtes inaudibles et pas crédibles ! (Remarque.)
La présidente. Monsieur le rapporteur de minorité, s'il vous plaît !
M. Adrien Genecand. Mesdames et Messieurs, Madame la présidente, le peuple en sera témoin, les Verts auront fait obstruction pendant tout le débat, après la séance où le gouvernement n'a pas voulu demander le troisième débat, ayant bien compris que l'Etat n'était pas capable de payer; maintenant, les Verts reviennent piteusement nous réclamer un renvoi en commission, alors que l'urgence climatique, à l'époque où elle a été votée, c'était apparemment impératif. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 54 non contre 43 oui.
La présidente. Nous continuons le débat... (Commentaires.) Dans le silence, s'il vous plaît ! C'est à M. Laurent Seydoux d'intervenir.
M. Laurent Seydoux (LJS). Merci, Madame la présidente. Lors de la dernière session, le groupe LJS a écouté attentivement les déclarations des rapporteurs de majorité, de minorité et du conseiller d'Etat. L'un des points du précédent projet de loi qui nous posait énormément problème, c'était qu'en fait, la subvention accordée était plus importante pour les mauvais élèves: plus vous étiez loin du seuil à atteindre, plus le montant de la subvention était élevé, celle-ci augmentait en conséquence, ce qui est vraiment problématique par rapport à toutes les rénovations à effectuer au sein du parc immobilier.
Or certains propriétaires ne se sont pas gênés, sans entreprendre de rénovations, pour augmenter les loyers. Cet amendement, déposé en dernière minute - on parle de quatre ans de travaux pour en arriver à un amendement transmis il y a quelques heures seulement -, ne nous semble pas évoquer le fait que les propriétaires ont pu encaisser des loyers avec lesquels ils auraient dû apporter des améliorations énergétiques à leurs bâtiments; ils ne l'ont pas fait et vont potentiellement toucher des subventions, donc ils ont bien fait d'attendre et d'augmenter les loyers de façon excessive !
Ce point n'ayant, à ma connaissance, pas été traité, nous redemandons un renvoi en commission afin que la question des propriétaires qui ont eu la capacité, durant le temps d'existence des immeubles, d'encaisser des loyers, mais sans réaliser d'assainissements, soit prise en compte dans le dispositif de subventionnement. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Sur cette nouvelle demande de renvoi en commission, Monsieur Cédric Jeanneret, vous avez la parole.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Merci beaucoup, merci pour cette intervention pleine de bon sens. J'aimerais souligner que si nous sollicitons le renvoi en commission, ce n'est pas pour perdre du temps, au contraire, c'est pour éviter un report des travaux de dix à quinze ans. Lisez l'amendement, Mesdames et Messieurs les députés: dix ans, quinze ans, c'est écrit noir sur blanc. Ce que nous voulons, pour notre part, c'est ne pas attendre dix à quinze ans, nous entendons aller plus vite. Il y a urgence climatique, il est temps de passer à l'action, on ne peut pas appuyer sur le frein.
Voter cet amendement revient à ralentir la transition énergétique, équivaut à retarder la lutte contre le réchauffement climatique. Si c'est ce que vous souhaitez, alors acceptez-le, mais si vous êtes contre un coup de frein, dites non, laissez-nous chercher une solution qui soit un peu plus sérieuse que de décider comme ça, sur le siège, en une heure. Ce procédé ne me paraît vraiment pas sérieux, on se moque, finalement, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique.
Mesdames et Messieurs, on doit réfléchir à la question; pas des mois, pas des années, mais il nous faut un mois pour nous pencher sur le sujet en commission et trouver une solution qui nous permette d'éviter d'attendre dix à quinze ans. Là, on va reporter le problème pendant dix à quinze ans ! Si c'est ce que vous voulez, eh bien allez-y, mais nous ne sommes pas d'accord, et je pense que le peuple ne sera pas d'accord non plus, car effectivement, il aura le dernier mot en référendum. (Applaudissements.)
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. C'est formidable, mon préopinant rapporteur de minorité a tout bien expliqué. La réalité, c'est que la gauche lancera un référendum si cette loi est acceptée, donc il faut juste parler clairement aux gens: l'urgence climatique, après toutes les diatribes que vous nous avez servies pendant quinze ans, ne vous concerne pas. Il faut s'en tenir à ça. Vous êtes prêts à retourner en commission, vous êtes prêts à lancer un référendum, vous êtes prêts à perdre du temps alors que depuis quinze ans, vous nous bassinez sur l'urgence climatique. Mesdames et Messieurs à gauche, le roi est nu !
La présidente. Merci. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 55 non contre 43 oui.
La présidente. Nous reprenons la discussion, toujours dans le silence, s'il vous plaît ! Je sais que le débat dure finalement plus que trente minutes, mais j'ai toute confiance en votre capacité à rester silencieux encore un petit moment. Madame Christina Meissner, c'est votre tour.
Mme Christina Meissner (LC). Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi est en commission depuis 2019; depuis 2019, on aurait pu trouver des solutions. Qu'est-ce qu'on a fait ? Rien ! Il y a eu des propositions, elles ont été refusées. Certains groupes immobiliers ont fait le job, et on les en remercie, ils en avaient les moyens. L'Etat n'avait pas les ressources nécessaires, on lui a donné un milliard pour le faire. Merci, le parlement !
Maintenant, en ce qui concerne les propriétaires qui ne peuvent pas, qui n'ont pas les moyens d'entreprendre des travaux, mais souhaitent le faire, cela fait des mois qu'on demande à l'Etat quels critères seront appliqués. L'office cantonal de l'énergie ne fournit pas de réponse; il donne quasiment jusqu'à demain aux associations pour se positionner sur le règlement, il nous dit même que de toute façon, une fois que le règlement sera en application, il n'y aura plus de subventions, alors je suis désolée, mais aujourd'hui, il est urgent de voter ce texte. L'IDC, ce n'est pas un simple coup de clé à molette, venez voir chez moi ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole dans la salle, donc je vais passer le micro aux rapporteurs pour la dernière fois... (Remarque.) Ah, pardon, j'ai confondu les noms de famille, je suis navrée ! Monsieur Jacques Jeannerat, c'est à vous pour vingt-deux secondes.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Merci, Madame la présidente. Je constate qu'il y a plein d'ingénieurs en énergie ici. Moi, ce n'est pas mon domaine; je connais bien l'économie, le sport, les transports, je ne connais rien à cette histoire-là.
Des voix. Et le vin !
M. Jacques Jeannerat. Et le vin ! Et le vin, évidemment ! Je reçois l'amendement cet après-midi, Monsieur Genecand; alors il est probablement très bien écrit, mais franchement...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Jacques Jeannerat. ...je ne peux pas voter cet amendement ce soir, parce que je n'y comprends pas grand-chose. J'ai besoin que le représentant de mon groupe puisse l'analyser en commission...
La présidente. C'est terminé, merci.
M. Jacques Jeannerat. On parle d'un mois ! Monsieur Genecand, le mois prochain, on vote l'amendement si on le comprend très bien... (Le micro de l'orateur est coupé.) Je demande le renvoi en commission, s'il vous plaît ! (Applaudissements. Commentaires.)
La présidente. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole sur cette nouvelle requête.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais rappeler que des modalités existent pour aider les propriétaires qui n'ont pas les moyens, Mesdames et Messieurs; elles sont fixées dans la L 2 40 - le fonds pour les privés, vous pouvez vérifier -, elles sont à disposition des propriétaires peu fortunés, le but étant de les aider.
En l'occurrence, il s'agit juste d'encourager les grands propriétaires à faire le job, comme ma préopinante l'a relevé, pour avoir des bâtiments bien isolés. Isoler des immeubles, ce n'est pas de la science-fiction: c'est poser de l'isolation, installer des capteurs solaires, c'est du boulot, mais c'est du boulot pour l'économie, c'est du boulot pour les entreprises et c'est un bon job pour les entreprises, c'est une opportunité.
Des moyens existent pour les propriétaires peu aisés, il convient maintenant de contraindre les propriétaires fortunés à faire le job et à assainir les bâtiments pour le confort des habitants et de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. On aura compris des propos du rapporteur de minorité que contrainte et taxe sont les maîtres-mots. Au-delà de ça, ce qui m'étonne, Madame la présidente, avec toute l'amitié que j'éprouve pour le vénéré maître de l'Académie du cep... (Remarque.) Le grand maître ! Six fois... Peu importe ! Voici ma réponse, Madame la présidente, au grand maître de l'Académie du cep: je comprends que les vendanges n'étant pas terminées, LJS a peut-être besoin d'un mois, mais soyez raisonnables: parfois, il faut récolter la vigne plus tôt.
La présidente. Merci bien. Je lance une nouvelle procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 54 non contre 43 oui.
La présidente. Les deux rapporteurs ont encore un peu de temps. Souhaitez-vous conclure le débat ? (Remarque.) Alors il faut demander la parole. Monsieur Jeanneret, il vous reste quarante-trois secondes.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce parlement est sur le point de mettre un coup de frein à la rénovation énergétique des bâtiments en allongeant les délais pour les travaux; c'est fort regrettable, on voit où se situent les priorités. On parle d'urgence climatique, mais quand il s'agit de passer à l'action, il n'y a plus personne. Aussi, je pense que la population tranchera en effet dans les urnes. Est-il raisonnable de jeter à la poubelle notre plan climat cantonal, les immeubles étant le premier émetteur de CO2 ? Est-il vraiment raisonnable de jeter à la poubelle le plan climat cantonal ? Le peuple en décidera. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Genecand, vous disposez de quatre minutes trente.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je n'utiliserai pas quatre minutes trente, certains membres du parlement et le rapporteur de minorité ont fait le travail pour moi. L'ensemble de la population aura constaté aujourd'hui que le groupe écologiste, suivi de façon surprenante par les socialistes et Libertés et Justice sociale, considère que l'urgence n'est pas urgente. Il y a eu six demandes de renvoi en commission alors que ce sujet a été traité pendant quatre ans ! Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs; dans les faits, ceux qui doivent concrétiser ce qu'ils ont réclamé ne délivrent pas ce qu'ils avaient promis sur leurs flyers de campagne distribués aux quatre coins du canton.
C'est la leçon de notre parlement ce soir, Madame la présidente, à savoir que le groupe écologiste, acteur historique sur ces questions, n'assume pas que oui, la transition énergétique va coûter de l'argent, qu'elle doit être menée en bonne intelligence et dans le respect du droit fédéral, ce que propose l'amendement de la majorité. Enfin, comme ne l'a pas indiqué - mais j'aurais souhaité qu'il le fasse - le grand maître de l'Académie du cep, le vin est tiré, il faut le boire ! (Rires.)
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord, au nom du Conseil d'Etat, d'exprimer mon soulagement de voir que le mécanisme de financement automatique qui menaçait de grever lourdement le budget cantonal, de creuser la dette, voire de dégrader notre note - puisqu'il s'agissait de plusieurs centaines de millions, voire de milliards -, a été abandonné.
Maintenant, est-ce qu'on peut pour autant balayer le système de l'indice de dépense de chaleur (IDC), qui existe à Genève depuis 1993, d'un revers de la main, comme cela, en moins de vingt-quatre heures ? Comme vous, j'ai reçu cet amendement aujourd'hui. D'un seul coup, on supprime un modèle qui fait ses preuves depuis une trentaine d'années, qui a été validé dans les urnes en 2010 - le peuple a en effet adopté la loi d'Isabel Rochat et de Mark Muller, portée alors par leur parti devant la population - et qui constitue depuis lors le squelette, la base sur laquelle nous travaillons. C'est d'ailleurs pourquoi, s'agissant de l'évolution des indices, il n'a pas fallu modifier la loi, le texte de 2010 restant pertinent et valable.
Alors bon, IDC, CECB, cela ressemble à un débat technique pour initiés. A vrai dire, Mesdames et Messieurs, le fonctionnement de l'un comme de l'autre système est techniquement très simple, il s'agit d'un taux de conversion comme pour les euros et les francs, vous le trouvez là. (L'orateur montre un document avec un tableau.) 450 mégajoules, le fameux seuil IDC, équivaut à la classe D. C'est aussi simple que cela, c'est un petit tableau, je pense que tout le monde est capable de le comprendre, mais ce n'est pas vraiment là l'enjeu.
L'incompatibilité du précédent projet de loi avec la Confédération était liée à l'automaticité de l'octroi des subventions, c'est ce qui rendait le texte incompatible avec Berne, mais ce n'est pas l'IDC en soi qui pose problème. La preuve, c'est que cela fait trente ans que nous percevons des subventions fédérales avec l'IDC. Voilà donc une première précision eu égard à la mécompréhension sur cette question. Cela étant, l'essentiel est ailleurs.
La première et importante différence, et je n'en citerai qu'une - il en existe plusieurs -, entre le système genevois de l'indice de dépense de chaleur et le CECB (soit le certificat énergétique cantonal des bâtiments, que vous connaissez également), c'est que ce dernier est théorique, il est octroyé au moment de la construction, alors que l'IDC, lui, calcule la consommation exacte de chaque immeuble. Des études effectuées au niveau suisse - ce n'est pas pour rien que Berne nous valorise - ont démontré qu'il pouvait y avoir jusqu'à deux classes d'écart entre la note du CECB et la réalité. Par exemple, on se dit: «Ah, je suis D», mais non, dans les faits, on est E, voire F. Avec le système genevois - qui est certes une Genferei, mais une Genferei positive -, il y a une analyse de la consommation réelle, et dans ce sens-là, Berne reconnaît, valorise cette plus-value. Or j'entends qu'on veut retirer cette plus-value. En effet, l'amendement aurait pu instaurer le CECB Plus, un dispositif qui prend de la force en Suisse, qui tend à s'imposer; là, on est resté au CECB simple, un modèle qui, à vrai dire, existe encore, mais commence à être dépassé.
Encore une fois, le réel enjeu n'est pas là, Mesdames et Messieurs les députés. Le réel enjeu réside dans le règlement sur l'énergie, qui avait été mis en place à l'époque - je l'évoquais - notamment par Isabel Rochat et Mark Muller, lesquels avaient fixé des seuils. Ils avaient fixé des seuils élevés: à l'époque, c'était 800 mégajoules, voire 900 mégajoules le mètre carré, ce qui correspond aux plus grandes passoires énergétiques du canton. Peu à peu, ces seuils ont été abaissés afin de tenir compte des enjeux de la transition énergétique. Les délais pour les différentes catégories, qui correspondent peu ou prou aux classes D, E, F et G de l'amendement, ont été établis dans la décennie de manière à se dérouler dans le temps. Les grandes passoires énergétiques nécessitent un changement rapide, ce seuil avait déjà été défini à l'époque par Isabel Rochat, il date de 2010. Oui, ce seuil date de cette époque ! Les propriétaires ont tout de même eu treize ans pour s'adapter, je pense qu'il s'agit d'un délai raisonnable. Ensuite, on trouve des seuils plus exigeants - on en vient à 750 mégajoules, on descend encore -, pour lesquels nous avons instauré une chronologie tout au long de la décennie: 2024, 2027, 2031.
Or voilà précisément, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui est attaqué par cet amendement. Son adoption supprimerait toute obligation de rénovation énergétique pendant dix ans dans le canton de Genève. Il n'y aurait plus aucune base légale sur l'IDC, puisque pour la première catégorie, c'est-à-dire la classe G, vous proposez, Mesdames et Messieurs de la droite, dix ans; pour la deuxième catégorie, quinze ans. Et je suis comme l'inspecteur Columbo, j'ai encore une petite question: que se passe-t-il avec la catégorie E ? Elle n'est pas du tout mentionnée dans l'amendement, il n'y a donc plus aucune contrainte concernant la classe E.
Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas eu le temps, en moins d'une journée, de calculer l'effet de cet amendement sur les assainissements, mais une simple lecture juridique illustre qu'il n'y aura plus aucune obligation de travaux à Genève pendant dix ans. Et ça, c'est problématique. C'est problématique, parce que cela contredit la volonté populaire exprimée encore récemment s'agissant de la loi sur le climat; cela contredit l'évolution des autres cantons. Vaud nous cite dans son projet de loi en disant: «Les Genevois sont en avance, il faut qu'on essaie de les rattraper.» Aujourd'hui, certains Genevois soutiennent: «On va s'installer dans le wagon de queue du train vaudois.» Le rythme qui a été défini, que d'aucuns peuvent trouver trop exigeant, serait complètement cassé; pas quelque peu reporté, complètement cassé. C'est le but profond de cet amendement: éliminer toute obligation de rénovation énergétique.
Pour répondre, Madame la présidente - et j'en finirai par là -, aux propos de M. Sormanni quant à la proportionnalité ou encore à ceux de l'éminente représentante de Pic-Vert sur les dérogations, ces modalités existent déjà, Mesdames et Messieurs. Citez-moi un cas d'un propriétaire peu fortuné qui s'est vu imposer une rénovation qui l'a placé dans une situation financière difficile ou impossible: cela n'existe tout simplement pas, on ne l'a jamais fait. Si vous avez un dossier à me présenter, amenez-le-moi. Tout cela pour vous dire, s'agissant du volet proportionnalité et dérogation, qu'il n'y a pas de souci, Monsieur Sormanni, les dispositifs existent déjà, on les applique. Je le répète, Mesdames et Messieurs, l'enjeu n'est pas là.
Le roi est nu, en effet: aujourd'hui, il s'agit d'une attaque frontale contre le plan climat, il s'agit d'une attaque frontale contre notre souveraineté énergétique par une majorité de droite cherchant à satisfaire quelques intérêts immobiliers - quelques ! Que va-t-on dire aux propriétaires immobiliers qui ont rénové, aux bons élèves ? Le professeur leur dit: «Vous avez bien fait vos devoirs, je vous donne une bonne note», et aux autres: «Ah, vous, vous n'avez pas fait vos devoirs à temps, mais ce n'est pas grave, je vous octroie encore une semaine ou une année, et puis au final, je vous le fais gratuit.» C'est la morale qui se cache derrière cet amendement: récompenser les mauvais élèves - qui, on le sait, ont une forte influence, on sait à qui ces propriétaires immobiliers commandent dans ce parlement - au détriment de la transition écologique et au détriment aussi des locataires qui, à travers cet amendement, ne se voient plus protégés, et cela est hautement problématique.
Le Conseil d'Etat, ne serait-ce qu'à la forme, ne peut pas travailler avec un texte sorti du chapeau en moins de vingt-quatre heures, et quand bien même la loi serait promulguée après un éventuel référendum, j'invite les députés de la majorité - car il y a quelques juristes parmi eux - à lire l'entier de la loi sur l'énergie et à se rendre compte de toutes les autres obligations énergétiques qui pèsent et pèseront encore sur les propriétaires parce qu'elles ne figurent pas dans les articles débattus ce soir. Voilà pour le petchi général, la belle Genferei qui nous est promise. Le Conseil d'Etat se battra avec toute son énergie contre cette proposition. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Formulez-vous une demande de renvoi en commission ? (Remarque.) Non, parfait. (Remarque.) Comme d'habitude, on ne prend plus la parole après le Conseil d'Etat ! A présent, Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote. Rappelons que nous sommes en troisième débat. Je vous soumets l'amendement général, précisant qu'en cas d'acceptation, il remplacera la totalité du texte issu du deuxième débat.
Mis aux voix, cet amendement général est adopté par 52 oui contre 35 non et 9 abstentions.
Mise aux voix, la loi 12593 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 42 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Loi 12593 (non publiée) Vote nominal
Suite du traitement de l'objet: Séance du jeudi 21 mars 2024 à 20h30
Premier débat
La présidente. La prochaine urgence, soit le PL 13276-A, a été demandée en vue d'un renvoi en commission, nous allons donc traiter rapidement ce point maintenant. Monsieur Pierre Conne, vous avez la parole.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, je sollicite le renvoi de ce projet de loi à la commission judiciaire et de la police.
La présidente. Je vous remercie. Le rapporteur de minorité souhaite-t-il s'exprimer sur cette proposition ?
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Oui, nous souscrivons au renvoi en commission. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Très bien, merci, alors je mets cette demande aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13276 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 58 oui contre 31 non.
La proposition de motion 2944 est retirée par ses auteurs.
La présidente. Sur ce, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite à tous un bon retour dans vos foyers. Nous reprenons demain à 14h avec les extraits en points fixes.
La séance est levée à 22h55.