Séance du
vendredi 1 septembre 2023 à
8h
3e
législature -
1re
année -
3e
session -
16e
séance
PL 12593-C
Premier débat
La présidente. Nous continuons le traitement des urgences avec le PL 12593-C, classé en catégorie II, trente minutes. La parole échoit tout d'abord à M. Adrien Genecand.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, pour la deuxième fois suite à un retour en commission - sans effets - intervenu au début de cette année, juste avant les élections, je me trouve face à vous pour traiter ce projet de loi dit des seuils IDC. Pour ceux qui nous écoutent de bon matin, je rappelle la logique. La logique, c'est que nous sommes en période d'urgence climatique et de transition énergétique et que les bâtiments représentent 50% de nos émissions de gaz à effet de serre: il s'agit évidemment de l'enjeu le plus important en Suisse, ou disons le plus facilement réglable avec le maximum d'impact.
Toute la question là autour est finalement la suivante: que fait-on pour encourager les gens à rénover ? Le canton de Genève, une fois n'est pas coutume, a décidé d'être le plus ambitieux et le plus exigeant du pays en imposant des normes à 16 000 propriétaires de biens immobiliers - puisque c'est de ça qu'il s'agit - se trouvant au-dessus des limites qu'il estime tolérables, et ce à l'horizon 2030. L'Etat de Genève a déjà changé un règlement en 2022, indépendamment du fait que le Conseil d'Etat nous avait promis d'attendre la question du subventionnement des travaux; il a modifié le règlement et les 16 000 propriétaires sont maintenant dans une situation de rétroactivité, puisqu'ils doivent entreprendre des travaux d'ici 2030, faute de quoi ils seront amendables.
Signalons que le premier des propriétaires qu'est l'Etat n'a toujours pas réglé le problème du triple vitrage de ses fenêtres. Le plus mauvais élève du canton reste donc l'Etat, lequel a d'ailleurs - une fois de plus, une genevoiserie - établi un système de calcul, à travers l'IDC, qui lui est favorable, puisqu'il a extrait l'eau chaude sanitaire du calcul, ce qui est bien sûr beaucoup plus facile pour lui.
On aurait pu suivre le modèle fédéral. Le Conseil d'Etat nous explique, en revenant chaque fois à la charge: «Nous n'obtiendrons pas les subventions fédérales.» Mais de toute façon, Mesdames et Messieurs, on parle d'un programme qui sera le plus ambitieux de Suisse et qui ne sera évidemment pas soutenu puisque, Genève ayant décidé d'avoir son propre dispositif qui est celui de l'IDC, notre mode de calcul n'est pas celui que Berne retient.
C'est la raison pour laquelle, même si ce n'est pas libéral d'esprit de proposer des subventions, la seule bonne subvention en cas de rétroactivité est l'automaticité. A partir du moment où on impose des rénovations urgentes à 16 000 propriétaires de ce canton, l'effet entonnoir sera évident: les 16 000 propriétaires de bâtiments devront réaliser en même temps les mêmes travaux - façades, toitures, tuyaux, canalisations -, donc ils seront dans une situation où tout coûtera plus cher, et l'Etat leur tapera dessus dès le lendemain, c'est-à-dire le 1er janvier 2031, en leur notifiant des décisions s'ils ne sont pas dans les règles.
La majorité de la commission vous encourage dès lors, même s'il ne s'agit pas d'une solution idéale, à voter le projet de loi tel qu'amendé en commission, c'est-à-dire avec une subvention automatique pour les propriétaires qui respecteront les seuils; quant à ceux qui décideront d'aller directement en dessous, de poursuivre des objectifs extrêmement ambitieux en choisissant le Minergie+, dont l'IDC se situe en dessous de 300, eh bien ils seront subventionnés à hauteur de 50% des travaux énergétiques utiles - pas de l'ensemble de la chose, mais des travaux énergétiques utiles.
Je précise que les subventions s'ajoutent aux revenus et sont donc fiscalisées, et que ceux qui en bénéficieront ne pourront pas répercuter le coût des travaux sur leurs locataires. Mesdames et Messieurs, si on se lance dans une rénovation entière du parc sans rien changer, eh bien la loi sur l'énergie actuelle permet la répercussion du coût des travaux, donc une augmentation des charges, sur les locataires. L'initiative de l'ASLOCA, à laquelle le Conseil d'Etat fera certainement référence par la suite, vise précisément à ne pas impacter les locataires, donc si vous voulez, on est là avec une gauche qui veut imposer des rénovations mais qui, à l'étape d'après, refuse les hausses de loyer aux propriétaires qui en souhaitent.
Pour ces raisons, il faut absolument que la solution qui est sortie de commission, bien que pas idéale, soit acceptée. Cela permettra de protéger les locataires, cela permettra de réaliser les travaux, cela permettra d'atteindre nos objectifs de diminution de CO2 en réduisant assez drastiquement les émissions, puisqu'on parle là d'un programme très ambitieux qui sera soutenu. En effet, l'Etat est la bonne entité pour prendre les charges littéralement à sa charge s'agissant de la rétroactivité et de la sauvegarde de la planète. Je vous remercie.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs, j'aimerais signaler qu'à l'heure actuelle, plus de 20 000 bâtiments du canton sont déjà en conformité avec le seuil des 400 mégajoules par mètre carré, donc une part très importante des propriétaires immobiliers ont fait le job, et on les en remercie, parce que des immeubles bien entretenus, c'est de l'activité économique pour nos entreprises, c'est du confort estival et hivernal pour les habitants - et après un épisode de canicule, c'est toujours bienvenu -, c'est une diminution des charges et bien sûr des émissions de CO2, comme cela a été rappelé.
Je tiens également à souligner que des dérogations sont toujours possibles pour les propriétaires peu fortunés; s'ils sont dans l'incapacité de financer les mesures d'optimisation énergétique, on peut les aider avec le cadre légal qui existe déjà.
Aujourd'hui, si on veut être conforme aux objectifs du plan climat et du plan directeur de l'énergie, le taux de rénovation doit être multiplié par quatre: on est à 1%, on doit passer à 4%. La bonne volonté ne suffit pas, et c'est la raison pour laquelle nous avons un rôle à jouer dans ce Grand Conseil.
Le projet de loi tel qu'amendé en commission et dont nous discutons maintenant propose quelques pistes intéressantes, c'est vrai, notamment en matière de performance, mais il contient surtout de nombreux problèmes que j'ai détaillés dans mon rapport de minorité et que je vais vous résumer rapidement ici en trois points.
Il y a d'abord l'arrosage automatique par des subventions allant jusqu'à 50% du coût des travaux: on parle de montants qui se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards, Mesdames et Messieurs ! Mme la conseillère d'Etat chargée des finances a expliqué en commission que c'était incompatible avec la politique financière actuelle et avec le souci de réduire la dette de notre canton. Ce n'est pas à l'Etat de payer la moitié de la mise en conformité des bâtiments de ce canton.
L'autre problème, c'est que l'alinéa 10 - qui fait partie des amendements que nous devons approuver aujourd'hui - constitue une mesure de blocage: les demandes de mise en conformité des passoires énergétiques pourraient être bloquées si l'Etat refuse de mettre à disposition ces montants. Vous avez bien entendu: à la sortie d'un épisode de canicule, en période d'explosion des prix de l'énergie, de risques en ce qui concerne l'approvisionnement pour notre chauffage durant l'hiver, eh bien on nous demande tout simplement de bloquer la rénovation des passoires énergétiques de ce canton. Ce n'est pas sérieux !
Enfin, ce projet de loi vise une diminution des délais de traitement et de la bureaucratie, mais c'est le contraire qui va se passer, c'est une fausse bonne idée. Je ne veux pas être trop technique, mais remplacer les financements fédéraux de l'IDC, comme cela est pratiqué aujourd'hui, par un financement cantonal basé sur le prix des travaux, ça signifie tout recommencer à zéro, donc un gros travail pour l'administration, et ça veut surtout dire que la prime à la rénovation interviendrait plusieurs années après la décision d'investissement. En effet, pour calculer un IDC, il faut légalement trois ans; si on ajoute deux ans de travaux et un an pour l'autorisation de construire, l'investisseur aura une vision très partielle de son investissement, dans le sens que la récompense viendra quatre, cinq, six, sept ans après les travaux.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, ce projet doit être retravaillé en commission pour servir de base au contreprojet à l'initiative de l'ASLOCA que nous avons renvoyée en commission hier à l'unanimité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci bien. Vous formulez donc une demande de renvoi en commission; je passe la parole au rapporteur de majorité ainsi qu'au Conseil d'Etat s'ils la souhaitent. Monsieur Genecand ?
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Oui, Madame la présidente, il s'agit d'une manoeuvre dilatoire, comme l'était le premier renvoi en commission. Les Verts ne veulent pas assumer la réalité, c'est-à-dire qu'ils décrètent l'urgence climatique, mais ne sont pas capables de délivrer les moyens financiers pour se permettre d'y faire face. Mesdames et Messieurs, je vous recommande de refuser le renvoi en commission.
La présidente. Merci. Le Conseil d'Etat ne souhaitant pas prendre la parole, je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 49 non contre 34 oui.
La présidente. Nous reprenons le débat. Je donne la parole à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi a toute une histoire: ça a commencé très simplement avec l'IDC, l'indice de dépense de chaleur - c'est-à-dire la consommation des bâtiments -, et aujourd'hui, on atterrit sur un texte différent. Alors sur le fond, je peux comprendre le principe que propose M. Genecand, qui voudrait qu'on subventionne les gens afin de les inciter financièrement à rénover les bâtiments, mais le problème, c'est que ce système arrose ceux et celles qui n'en ont pas forcément besoin, eu égard aux rendements que dégagent leurs biens immobiliers.
L'initiative de l'ASLOCA déposée pendant nos travaux, quant à elle, vise à utiliser les revenus de la Banque nationale afin d'alimenter un fonds qui permettrait de financer ces travaux sans impacter les locataires. Le Conseil d'Etat considère que ce type de financement pose problème, et c'est la raison pour laquelle il a préconisé son refus. Hier, nous avons voté le renvoi en commission du rapport sur l'initiative afin d'élaborer un contreprojet. Il y a eu des discussions avec le Conseil d'Etat, l'idée étant que si un contreprojet sort de commission qui pourrait satisfaire l'ASLOCA ainsi que les locataires, celle-ci retirerait son initiative.
C'est là tout l'intérêt, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce projet de loi en commission: il pourrait servir de base à un contreprojet, ce qui permettrait ensuite à l'ASLOCA de retirer son initiative. Nous pourrions trouver un consensus au sein de ce parlement sur un sujet vraiment très important, parce qu'il concerne au moins 80% de la population. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, il est vraiment fondamental - fondamental ! - que le texte soit renvoyé en commission.
Cela dit, si cet objet n'était pas renvoyé en commission et venait à être adopté, il faut s'imaginer que l'ASLOCA ne retirerait pas son initiative; celle-ci serait alors soumise au peuple, lequel la validerait peut-être - je le pense -, et l'initiative écraserait la loi.
Aussi, franchement, même si je respecte la proposition de M. Genecand, je pense que pour la méthodologie de travail, pour le bien du projet de loi, si l'on veut, et de l'ensemble de la population genevoise, nous devons renvoyer ce texte en commission afin d'élaborer un contreprojet. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Les rapporteurs aimeraient-ils se prononcer sur la demande de renvoi ? Monsieur Jeanneret ? (Remarque.) Non, d'accord. Monsieur Genecand ?
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Oui, redire à mon estimé collègue Alberto Velasco, puisque c'est quelque chose qui revient souvent, notamment s'agissant de l'initiative 186 de l'ASLOCA, qu'elle ne touche pas la même loi, mais concerne la LDTR; il y a juste une référence à la loi sur l'énergie dont on discute aujourd'hui, mais qui n'est pas liée aux articles qu'on traite. Aussi, il n'est pas nécessaire de renvoyer le projet de loi en commission en raison de l'IN 186.
La présidente. Je vous remercie. Nous procédons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 51 non contre 38 oui et 1 abstention.
La présidente. La parole est à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Oui, merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme cela a été dit, 16 000 propriétaires seront touchés par la problématique des rénovations, avec des pénalités si les travaux ne sont pas exécutés d'ici 2030. A cet égard, il faut relever qu'un changement de règlement est intervenu en 2022 qui n'arrange pas les choses, si j'ose dire ainsi. De plus, l'eau chaude a été sortie des calculs, ce qui pose un autre problème.
On comprend bien que l'urgence climatique a un prix et que, quoi qu'il arrive, quoi qu'il en coûte, il faudra trouver des financements d'une manière ou d'une autre, qu'ils soient fédéraux, cantonaux ou communaux. On n'y échappera pas, c'est une évidence.
Ce projet de loi est une incitation à la rénovation des bâtiments. De plus, avec ce système, les loyers ne seront pas touchés. Les amendements déposés et acceptés en commission visent à autoriser des subventions jusqu'à hauteur de 50% du coût des travaux. Le groupe UDC soutiendra le texte tel qu'amendé et sorti de commission. Je vous remercie.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, qui fait office de contreprojet à l'initiative 186, a pour objectif d'encourager un maximum de propriétaires, de chefs d'entreprise à rénover leurs biens immobiliers, ce dans le seul but d'oeuvrer à la préservation de notre climat. Aujourd'hui, c'est impératif; l'urgence climatique est réclamée par tout le monde, et ce texte incitera vraiment les gens à se lancer dans ces travaux. Ça aura l'avantage de booster nos entreprises, ce qui va faire augmenter le PIB du canton, et c'est une très bonne chose, bien mieux que de payer de l'énergie fossile venant de l'étranger. Je pense - enfin, nous pensons, au MCG - qu'il est essentiel pour notre économie de voter ce texte. (Brouhaha.)
Il ne faut pas oublier que grâce à ce dispositif, une part très importante des habitants de notre canton, en tout cas l'ensemble des locataires, vont bénéficier d'allégements sur les charges - chauffage, électricité - qu'ils paient régulièrement pour être approvisionnés en énergie, une énergie qui est coûteuse. Ça permettra aux locataires de réaliser des économies en fin d'année. (Brouhaha.) C'est assez désagréable d'entendre parler derrière son dos... Excusez-moi, Madame la présidente, mais si vous avez une petite cloche, ce serait bien de l'agiter un peu. (Remarque.) Non, mais c'est vrai que c'est désagréable, et c'est souvent le cas.
Une voix. Moi, je t'écoute !
M. Roger Golay. Tout ça pour dire que le MCG soutiendra ce projet de loi qui est fondamental pour les propriétaires, mais aussi pour les locataires, comme je l'ai déjà souligné. Tout le monde y trouvera son compte, le texte remplace avantageusement l'initiative 186, et c'est d'ailleurs pour ça qu'il a été déposé: pour améliorer la proposition formulée par l'ASLOCA dans son initiative. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Effectivement, vous avez raison: la salle est assez bruyante, beaucoup plus qu'hier, nous avons été habitués à mieux. Mesdames et Messieurs, merci de mener vos discussions à l'extérieur ! Monsieur François Erard, vous avez la parole.
M. François Erard (LC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, urgence climatique il y a, c'est un fait, on l'a vécu encore ces dernières semaines, et je pense qu'il est temps d'agir. Il faut rappeler qu'à Genève, les émissions de CO2 sont en grande partie dues à notre parc immobilier; c'en est même la cause majeure, bien avant les transports, par exemple. Aussi, il est absolument impératif de nous doter des moyens nécessaires à nos ambitions. Ce projet de loi permettra de le faire assez rapidement et avec les ressources adéquates, puisqu'il prévoit un certain budget annuel qui sera utilisé pour les rénovations.
Un autre élément qu'il est important de connaître, c'est qu'avec le système de l'IDC tel qu'il est pratiqué à Genève, notre canton ne peut pas accéder aux subventions fédérales. Il est dès lors d'autant plus important qu'il se dote d'un budget pour réaliser ces travaux.
Ce qui est essentiel pour nous, c'est qu'il n'y ait pas de répercussions sur les locataires: les propriétaires touchant des subventions, il ne leur sera pas possible de procéder à des hausses de loyer. Enfin, je partage l'avis du préopinant, à savoir que les locataires seront aussi bénéficiaires grâce à un abaissement de leurs charges. Pour le groupe Le Centre, il est donc indispensable d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole va à Mme Marjorie de Chastonay pour deux minutes trente.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, initialement, je le rappelle, il s'agissait d'un projet de loi Vert, mais il a été complètement dénaturé en commission par des amendements hallucinants. Nous essayons de le renvoyer en commission, d'être démocrates. Les arguments donnés par mon collègue étaient assez clairs, mais je vais quand même les répéter afin d'être sûre que tout le monde a bien compris les enjeux.
Le but, c'est d'éviter un arrosage automatique avec des subventions allant jusqu'à 50% du prix des travaux, ce qui coûterait des milliards - on parle de plusieurs dizaines de milliards ! Le but, c'est de ne pas bloquer la rénovation des passoires énergétiques, et on sait qu'il y en a beaucoup. Le but, c'est de ne pas augmenter les délais de traitement et la bureaucratie, car il faudrait alors réinventer un modus operandi. Le but, c'est aussi de ne pas dénaturer la LEn en institutionnalisant l'effet d'aubaine.
Nous avons demandé un renvoi en commission; on voit bien qu'il n'y a pas de majorité pour cela. En tant que première signataire - puisque Mme Adrienne Sordet n'est plus là -, j'annonce, au nom des Verts et des Vertes, qu'étant donné que le retour en commission n'a pas été accepté, je retire ce projet de loi, qui n'a plus aucune valeur aux yeux de notre groupe.
La présidente. Je vous remercie...
Mme Marjorie de Chastonay. Au nom de l'urgence climatique... Je n'ai pas terminé !
La présidente. Mais vous venez de retirer le texte.
Mme Marjorie de Chastonay. Je n'avais pas fini ma phrase, mais je m'arrête là et je reprendrai la parole après. Merci.
La présidente. Bien, merci. Le projet de loi est donc retiré, mais j'ai entendu des demandes de reprise. Je regarde qui sollicite la parole... Monsieur Stéphane Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC). Je reprends le projet de loi.
La présidente. Parfait, M. Florey reprend le projet de loi tel qu'amendé en commission.
Le projet de loi 12593 est retiré par ses auteurs et repris par M. Stéphane Florey (UDC).
La présidente. Nous poursuivons la discussion. Souhaitez-vous terminer votre intervention, Madame de Chastonay, ou préférez-vous reprendre la parole après ? (Remarque.) D'accord, alors le micro revient à M. Stefan Balaban.
M. Stefan Balaban (LJS). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, comme l'a très bien indiqué M. Genecand, le parc immobilier de notre canton représente à lui seul 50% de la consommation énergétique, ce qui est un chiffre considérable. Il est pertinent d'inciter les propriétaires à améliorer leurs bâtiments, mais nous attirons votre attention sur le fait que le coût des rénovations est estimé à 1000 francs le mètre carré; imaginez donc l'impact en le multipliant par le nombre d'immeubles. En tant que comptable, je peux vous dire qu'on dépasse le milliard, je peux vous le confirmer.
Le problème, c'est que ce projet de loi prévoit une automaticité du financement. Nous n'étions pas là lors de la précédente législature, mais sauf erreur, il a été renvoyé en commission pour cette raison; dès lors, je ne comprends pas pourquoi on se retrouve avec le même problème maintenant. Pas plus tard qu'hier, nous avons appris que l'excédent de l'exercice 2022 était proche du milliard; c'est une excellente nouvelle, mais est-ce une raison pour dépenser un milliard ou plus dans une seule subvention ? Le groupe LJS demande le renvoi en commission - pour la dernière fois, je l'espère. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'une nouvelle proposition de renvoi en commission. Les rapporteurs veulent-ils en dire un mot ? Allez-y, Monsieur Jeanneret.
M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Juste une précision pour répondre à l'intervention du député du Centre: aujourd'hui, grâce à la loi en vigueur, on peut toucher le subventionnement fédéral, qui se chiffre en dizaine de millions - 30 millions, à peu près. Si on valide les amendements de commission, c'est le contraire qui se passera, on ne le percevra plus. En effet, on a reçu un courrier de l'Office fédéral de l'énergie indiquant que si on s'éloigne de ce mode de calcul, on ne bénéficiera plus des subventions de la Confédération. Refuser le retour en commission, Mesdames et Messieurs, c'est donc également faire une croix sur le subventionnement fédéral.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Je préfère ne pas m'exprimer sur le renvoi, je reprendrai la parole après.
La présidente. Très bien. Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur cette nouvelle requête.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12593 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 49 non contre 42 oui.
La présidente. Monsieur Christo Ivanov, vous avez la parole pour une minute vingt-six. (Remarque.) Vous renoncez, très bien. Alors elle va à M. David Martin, qui dispose de quarante-sept secondes.
M. David Martin (Ve). Ça suffira, merci, Madame la présidente. J'aimerais juste souligner que ce projet de loi est très surprenant venant de la droite, puisqu'il ne comporte aucune notion de mérite. Certains propriétaires immobiliers ont fait des efforts pour rénover leurs biens, lesquels sont relativement en bon état, et d'autres n'ont rien entrepris depuis des décennies; c'est le cas de certains gros promoteurs, comme l'UBS, qui possède énormément d'immeubles et ne manque pas forcément de moyens. On va donc arroser de milliards des structures comme celle-ci sous prétexte, comme le signalait M. Golay, qu'il faut aider les petits propriétaires à rénover leur villa ?! C'est complètement décalé, et c'est une très mauvaise idée de voter ce projet de loi en passant en force aujourd'hui.
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. Madame de Chastonay, je suis navrée, mais vous n'avez plus de temps de parole. A présent, si plus personne d'autre n'entend intervenir, je laisse la parole aux rapporteurs. Monsieur Adrien Genecand, il vous reste une minute quarante-cinq.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Roger Nordmann l'a relevé pas plus tard qu'avant l'été: la rénovation des bâtiments représente à peu près 17 milliards. C'est le résultat du calcul qu'il a effectué au niveau fédéral pour l'ensemble du parc suisse, environ 17 milliards qu'il propose d'envisager sur vingt-cinq ans.
Mesdames et Messieurs, on ne serait pas dans cette situation si le Conseil d'Etat n'avait pas déjà modifié un règlement et forcé la rétroactivité sur sept ans. Si on discutait sereinement d'un horizon sur vingt-cinq ans ou autre, comme les Vaudois qui octroient encore à ceux qui se trouvent en dehors des normes presque dix ans pour se mettre en conformité, on n'aurait pas de problème à régler. La réalité, c'est que l'Etat pratique la rétroactivité, ce qui est un principe anticonstitutionnel en Suisse et nous oblige à subventionner les propriétaires, quels qu'ils soient.
On a entendu citer l'UBS; en réalité, Mesdames et Messieurs, l'immense majorité des propriétaires privés sont des acteurs institutionnels, comme les caisses de pension de l'Etat, de la Ville, des SIG; il s'agit d'instituts de prévoyance qui servent des retraites. Dès lors, si on ne passe pas à la caisse maintenant à l'occasion de la transition énergétique, on le fera demain en devant par exemple recapitaliser la CPEG.
La logique est très simple: si vous touchez une subvention - et vous n'y êtes pas obligés -, vous ne pouvez pas répercuter un seul franc sur les locataires. Quelque part, ce contreprojet réalise déjà la volonté de l'ASLOCA, c'est-à-dire que ceux qui voudront aller au-delà de ce qui est nécessaire pourront le faire, y seront encouragés, mais ne pourront pas le répercuter sur les locataires. Cela étant, si vous ne voulez pas percevoir de subvention, mais réaliser les travaux et en répercuter le coût sur les locataires, vous pouvez aussi le faire.
Concernant le subventionnement fédéral, Mesdames et Messieurs, c'est quand même assez loufoque: on parle de quelques dizaines de millions, même pas, qu'on touchera ou qu'on ne touchera pas - tout dépend des enveloppes fédérales qui seront votées. L'ambition se chiffre en milliards, mais au niveau suisse. La réalité, c'est que le canton de Genève applique une autre méthode de calcul, donc si les subventions fédérales étaient vraiment notre idéal, eh bien on s'adapterait aux normes de la Confédération en la matière, ce qui n'est pas le cas. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je vais m'exprimer uniquement sur l'aspect financier et les inquiétudes que ce projet de loi provoque chez le Conseil d'Etat s'agissant des caisses publiques. Il faut savoir qu'avec le principe d'automaticité, on va se retrouver avec un engagement hors bilan monstrueux; ces charges deviendront des charges contraintes, comme en matière de subventions pour les personnes physiques, et nous n'aurons pas d'autre choix que de les payer. Le coût s'élèvera vraisemblablement à plusieurs milliards. J'attire votre attention là-dessus, Mesdames et Messieurs, car cela est également susceptible d'avoir des effets sur la note Standard & Poor's du canton de Genève.
J'entends bien qu'il y a un autre débat derrière, ce sont les motivations de votre projet de loi, mais l'automaticité prévue est dangereuse pour les finances de l'Etat. Ce sont certains parmi les mêmes qui nous reprochent le montant de la dette de l'Etat, s'inquiètent de notre santé financière et hurlent que le bénéfice aux comptes n'est pas suffisant - je pense en particulier à l'UDC - qui, aujourd'hui, reprennent ce texte à leur compte et se battent pour que ces dépenses deviennent automatiques, comme les charges sociales qu'ils vilipendent et qui sont en constante augmentation dans notre canton. Mesdames et Messieurs, vos actes ont des conséquences, vous ne pourrez plus me demander - nous demander - de conduire des finances saines après ce vote. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Monsieur le rapporteur de majorité, vous n'avez plus de temps et, de toute façon, on ne s'exprime pas après le Conseil d'Etat. Il semble que le sujet touche deux départements, donc exceptionnellement, nous avons l'honneur d'écouter deux magistrats. Monsieur le président du Conseil d'Etat Antonio Hodgers, c'est votre tour.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, Madame la présidente. Effectivement, Mesdames et Messieurs, le volet financier de ce projet de loi constitue la principale préoccupation du Conseil d'Etat. Si l'argent poussait sur les arbres, bien sûr que nous instituerions des fonds automatiques, nous permettrions à n'importe quel grand propriétaire du canton de se servir dans les caisses de l'Etat - puisque tel est le projet de l'UDC et visiblement de la droite élargie -, mais ce n'est pas possible du point de vue des finances publiques.
Mme Fontanet l'a souligné, vous instaurez dans la formulation légale de ce texte un droit pour les propriétaires de se servir dans les caisses de l'Etat. Et pas seulement les petits propriétaires, parce que ceux-là sont déjà couverts, il y a consensus; non, je parle des grands propriétaires. Contrairement à ce qu'a soutenu le rapporteur de majorité, le parc immobilier de l'Etat n'est pas du tout en plus mauvais état que le parc privé, au contraire, il est même en meilleur état; il n'est pas tout à fait aux normes, certes, mais vous avez voté un projet de loi d'un milliard pour y remédier. Comprenez que les propriétaires immobiliers - de grandes banques qu'on ne va pas nommer, de vieilles familles genevoises qu'on ne va pas nommer - vont toucher des centaines de millions, voire des milliards ! Voilà le projet de la droite, verser des milliards à de grands propriétaires qui n'en ont pas besoin pour entretenir leur parc immobilier.
Ils n'en ont pas besoin comme la CPEG n'en a pas besoin, comme la CAP n'en a pas besoin. Pourquoi ? Parce que les propriétaires immobiliers responsables - et je me permets d'en citer un nommément: les Rentes genevoises - mènent depuis longtemps une politique de rénovation de leurs bâtiments; aujourd'hui, ils sont déjà dans les normes et ne toucheront pas un seul franc.
C'est là l'autre grande morale de ce projet de loi: vous allez surfinancer les retardataires, les mauvais élèves, et punir les bons élèves, les promoteurs et propriétaires immobiliers qui, depuis des années, investissent dans leur parc, sans aide de l'Etat, comme de bons indépendants, comme de bons entrepreneurs qui assument la valeur de leurs actifs en les rénovant régulièrement. Ici, tout à coup, c'est «open bar» pour les mauvais élèves ! Ce n'est même pas un cours de rattrapage, c'est: «Tenez, voilà votre diplôme, vous n'avez rien à faire, c'est l'Etat qui paie.» Voilà la morale qui se cache derrière cet objet.
Maintenant, d'un point de vue technique, le système genevois, contrairement à ce qu'a prétendu le rapporteur de majorité, qui, décidément, désinforme sur ce dossier - je ne sais pas si c'est de l'incompétence ou de la mauvaise foi -, l'IDC est un modèle genevois, mais avant de transmettre les dossiers à Berne - qui ne sont pas automatiques, mais qui sont au mérite, Monsieur du PLR -, quand les promoteurs et les propriétaires les déposent chez nous, nous faisons un travail pour les rendre compatibles avec le système fédéral.
Votre projet de loi ne prévoit absolument pas cela, puisqu'il accorde directement l'automaticité...
La présidente. Merci de vous adresser à la présidence.
M. Antonio Hodgers. ...aux propriétaires pour aller de l'avant. Ainsi, comme l'a au moins reconnu très honnêtement un député du Centre, nous perdrons les subventions fédérales. Aujourd'hui, chaque franc cantonal investi nous ramène environ deux francs de la Confédération; avec ce texte, vous renoncez à ce dispositif. Une belle Genferei ! Berne va applaudir, puisque cet argent ira à d'autres cantons.
Voyez, Mesdames et Messieurs, on se plaint sans cesse que Genève est le canton le plus endetté de Suisse, mais on se demande pourquoi ! On se demande pourquoi, avec ce type de proposition qui représente un gouffre du point de vue financier, qui est absurde s'agissant du mécanisme énergétique et qui, sur le plan de la morale, constitue une prime aux mauvais élèves, un soutien aux propriétaires les plus fortunés de ce canton, et ce sur le dos du contribuable. Ce projet de loi est un vrai scandale, et le Conseil d'Etat le combattra jusqu'au bout. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Comme les députés, si vous pouviez éviter les attaques nominatives, ce serait mieux, surtout quand vous êtes le dernier à avoir la parole. A présent, j'ouvre la procédure de vote sur ce texte.
Mis aux voix, le projet de loi 12593 est adopté en premier débat par 49 oui contre 42 non.
Le projet de loi 12593 est adopté article par article en deuxième débat.
La présidente. Le troisième débat est-il demandé ?
M. Antonio Hodgers. Non, il ne l'est pas.
La présidente. Le Conseil d'Etat ne demandant pas le troisième débat, celui-ci est reporté.
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.