Séance du
vendredi 1 septembre 2023 à
8h
3e
législature -
1re
année -
3e
session -
16e
séance
PL 13205-A
Premier débat
La présidente. Nous avons fini les extraits I. Nous passons aux urgences, dont la première est le PL 13205-A, traité en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Alberto Velasco, à qui je donne la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, il y a deux ans, quand on avait refusé le budget, on était en douzièmes provisoires. Le Conseil d'Etat devant fonctionner avec des demandes de crédits supplémentaires, un certain nombre de députés avait trouvé que la démocratie avait été un peu bafouée, parce que ce Grand Conseil n'avait pas la possibilité de se prononcer sur des sommes assez considérables. Nous, le groupe socialiste, avons donc proposé ce projet de loi.
A l'époque, avant la modification de la LGAF, la loi stipulait que si le Conseil d'Etat voyait son budget refusé, il devait alors, dans les six mois qui suivaient le dépôt du budget, en déposer un nouveau. La loi a ensuite été changée: au moment où le budget est refusé, on entre dans le système des douzièmes provisionnels.
Or, selon moi, quand un budget est refusé, il est important que, avant de passer en douzièmes provisionnels - ce qui est quand même très, très lourd pour l'administration et pour tout le monde -, on puisse revenir avec les modifications budgétaires demandées par la majorité qui a refusé ce budget. Ce n'est pas un immense travail, puisque, à mon avis, ça ne consiste pas à modifier les 450 pages, mais plutôt à en amender quelques-unes. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous propose de voter le projet de loi tel qu'il vous est présenté, tel qu'il a été voté par la quasi-unanimité de la commission des finances, sans entrer, disons, dans le travail sur les amendements qui vous sont proposés. Merci beaucoup.
M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi est vraiment à saluer: avoir un budget, c'est un élément essentiel pour qu'on ait une planification et qu'on sache où on va. Effectivement, en cas de pépin, comme lorsque le Grand Conseil a refusé le budget du Conseil d'Etat il y a bientôt deux ans, il faut retravailler un autre budget pour savoir dans quelle direction nous allons et quelle route nous prenons.
Je précise néanmoins qu'à Genève, nous n'avons pas seulement ce problème, nous en avons également un deuxième: lorsqu'il n'y a pas de budget ou pour toute autre raison, en cas d'imprévu, la commission des finances peut octroyer des crédits supplémentaires. Il est donc possible d'augmenter les dépenses de l'Etat sans un quelconque débat public.
Durant l'exercice 2022, qui n'a pas eu de budget, la commission des finances a accordé des crédits supplémentaires d'environ 1,4 milliard de francs. Or, cette somme a été votée sans aucun débat public, au sein d'une commission des finances qui travaille à huis clos et d'une manière secrète. Ça, c'est une pratique qui n'existe nulle part ailleurs en Suisse et - rassurez-vous ! - nulle part ailleurs en Europe.
Ce projet est effectivement à saluer, mais je pense qu'il faudrait aussi absolument s'attaquer à cette pratique genevoise selon laquelle une commission peut voter des crédits supplémentaires sans débat public. Merci de votre attention.
M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec plaisir que le groupe LJS a pris connaissance de ce projet de loi, qui, dans un premier temps, encourage le Conseil d'Etat, s'il n'obtient pas le vote de ce parlement sur son premier budget, à lui proposer jusqu'au 31 janvier un deuxième projet de budget qui puisse être accepté par ce parlement.
Cela étant, quelle contrainte impose-t-on au Conseil d'Etat ? Pas grand-chose, d'autant plus - comme on l'a évoqué précédemment - qu'il peut toujours revenir au sein de la commission des finances. Celle-ci, avec une majorité de huit personnes, peut attribuer les montants qui manquent, n'ayant pas été acceptés durant le vote du budget. C'est la raison pour laquelle le groupe LJS, pragmatique, se dit que c'est bien de proposer au Conseil d'Etat une nouvelle façon de faire. Si ceci n'aboutit pas, quelles seront les conséquences et quelles seront les potentielles sanctions ?
Le groupe LJS vous propose une disposition relativement simple: les crédits supplémentaires qui émaneraient du Conseil d'Etat durant le premier trimestre seraient soumis à l'ensemble de ce parlement. Cela permettrait à une large majorité, potentiellement, de les valider. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir voter notre amendement et de soutenir le projet de loi présenté. Merci beaucoup.
La présidente. Merci. La parole revient à M. Jacques Blondin. Monsieur, je vous précise qu'il ne faut pas vous fier au temps indiqué.
M. Jacques Blondin (LC). J'ai un temps illimité, si j'ai bien compris ! (Rires. L'orateur rit.)
La présidente. Non, vous me ferez confiance !
M. Jacques Blondin. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe du Centre remercie le premier signataire de ce projet de loi - qui a fait l'unanimité à la commission des finances - suite à ce dont nous avons discuté hier. Nous avons en effet parlé de ce qui s'est passé au mois de mars 2022: avec huit personnes, la commission des finances avait contourné les décisions de ce Grand Conseil, parce que le Conseil d'Etat avait refusé de présenter une nouvelle mouture de son budget.
Ce projet de loi, nous le soutenons sans réserve. Par contre, nous n'entrerons pas du tout en matière sur l'amendement proposé, parce que si on élabore une loi qui contraint le Conseil d'Etat, c'est bien évidemment pour que celui-ci respecte la loi: il n'y a donc pas de raison que ça se passe autrement. Ensuite, je l'ai dit hier et je le répète, la commission des finances est là pour voter les crédits supplémentaires quand ils sont indispensables, compte tenu de l'actualité; elle n'est pas là pour contourner ce Grand Conseil, bien évidemment pas. L'actualité impose parfois des urgences à la commission des finances (où tous les groupes sont représentés), qui doit alors faire son job. Or, si on passe dans ce plénum, avec hypothétiquement des demandes de renseignements, etc., les décisions vont être repoussées de deux ou trois mois, ce qui ne résoudra absolument rien. Nous vous invitons donc à voter ce projet de loi et à refuser l'amendement. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Je passe la parole à M. Stéphane Florey pour quarante-huit secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Je réagis juste à propos de l'amendement. Alors oui, la proposition est intéressante; malheureusement, il ne s'agit que d'une demi-mesure. L'UDC avait déjà déposé des projets de lois pour revoir cette pratique, mais à notre sens, il ne faut pas mélanger le propos de cet amendement avec ce débat. Nous n'entrerons donc pas en matière là-dessus. Par contre, il convient peut-être de déposer un projet de loi spécifique sur ce point, pour qu'on puisse véritablement aborder ce problème-là, qui n'est pas l'objet du présent projet de loi. Je vous remercie.
M. Cyril Aellen (PLR). Le groupe PLR salue le dépôt de ce projet de loi, qui va dans le bon sens. Le texte exige du Conseil d'Etat qu'il redépose un projet de budget lorsque le premier a été refusé. C'était d'ailleurs l'esprit de la loi antérieure. Cette modification est tout à fait souhaitable, acceptable. De plus, l'amendement déposé par le Conseil d'Etat permet de fluidifier un petit peu la situation et de la rendre gérable pour tout le monde. Par voie de conséquence, le PLR votera l'amendement du Conseil d'Etat: il ne change rien à l'esprit de ce projet de loi et permet simplement à l'Etat de fonctionner correctement.
S'agissant de la proposition déposée par LJS, nous la comprenons; nous considérons que la question doit effectivement être posée, mais si on votait cet amendement comme ça, sur le siège, ça rendrait les choses difficilement praticables. Par conséquent, en l'état de la situation, nous ne voterons pas leur amendement, pour les raisons évoquées par M. Florey. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG soutiendra ce projet de loi avec conviction, parce que c'est une avancée véritablement indispensable dans l'amélioration du traitement du budget de l'Etat: il s'agit de sortir des psychodrames habituels, qui sont inutiles, de revenir au vrai combat politique et non de se perdre dans des discussions d'épiciers, qui ne sont pas à la hauteur de notre Grand Conseil. Il faut dire qu'il y a très, très longtemps, quand un budget était refusé, le Conseil d'Etat en déposait un autre. C'est la logique élémentaire qui prévalait dans notre république, et il est assez incompréhensible qu'on ait fait une loi changeant cela.
Maintenant, c'est un peu la bourse aux idées les plus fantaisistes, parfois aux bonnes intentions, à plein de choses. Je crois pourtant qu'il faut se méfier des bonnes intentions. Nous comprenons la volonté du groupe LJS; néanmoins, leur amendement rendrait la gestion de l'Etat impraticable, nous ne le suivrons donc pas. Nous vous demandons d'avoir une loi correcte, cohérente, qui nous permette véritablement de continuer à vivre dans une situation de prospérité, avec une bonne gestion de l'Etat, et qui améliore celui-ci, parce qu'il y a beaucoup à faire. Ne créons pas des problèmes inutiles. C'est pour cela que nous vous demandons de soutenir le projet de loi d'Alberto. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Jacques Blondin, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Jacques Blondin (LC). Merci, Madame la présidente. Mea culpa, il y a eu un problème de transmission dans notre groupe: l'amendement du Conseil d'Etat n'a pas été pris en compte chez nous, et après lecture, nous avons décidé de le soutenir. C'est donc l'amendement de LJS que nous refuserons. Merci.
M. Grégoire Carasso (S). Chers collègues, sans surprise, le groupe socialiste, qui en est à l'origine, soutiendra de projet de loi dans sa version amendée par le Conseil d'Etat et refusera naturellement l'amendement de LJS, car il s'éloigne de l'ambition politique de l'objet. A nos yeux, ce n'est pas très courtois. A la limite, ce débat mérite d'être tenu à part: est-ce que les pouvoirs de la commission des finances sont exorbitants, oui ou non ? C'est un débat à part entière, mais il est tout à fait inadéquat de vouloir le mêler à la discussion sur ce projet de loi, qui vise simplement à revenir à une bonne pratique avec le dépôt d'un second budget en cas de refus de l'entrée en matière du premier. Je vous remercie.
La présidente. Merci. La parole est au rapporteur de majorité pour trois minutes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Contrairement à ce que j'ai proposé tout à l'heure, c'est-à-dire de refuser tous les amendements proposés, et après discussion avec Mme la conseillère d'Etat, je vous propose, chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre l'amendement du Conseil d'Etat, qui renforce le projet de loi et offre à l'administration une facilité de fonctionnement après le dépôt du deuxième budget. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Je donne la parole à la conseillère d'Etat, Mme Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, pour éviter toute confusion, je précise que l'amendement du Conseil d'Etat a été déposé dès que ce projet a été mis à l'ordre du jour. Il a été envoyé par le sautier avec l'ensemble des documents de séance. J'ai bien compris que certains des groupes n'y avaient pas prêté attention.
Il ne s'agit absolument pas de revenir sur le principe d'obligation de présenter un budget, qui est une demande que nous, Conseil d'Etat, comprenons et que nous validons. Il s'agit en revanche de s'assurer que les douzièmes provisoires, instaurés d'office lorsque le projet de budget au 1er janvier n'est pas voté, puissent perdurer si la deuxième loi budgétaire, à savoir celle qui devra être déposée au 31 mars, n'est pas adoptée. Selon la façon dont a été rédigé le projet de loi que vous avez adopté en commission, au 31 mars, il n'y aurait plus de douzièmes provisoires et tout s'arrêterait. Ça veut dire que l'Etat n'aurait pas de moyens pour continuer à vivre, pour payer les salaires, pour payer les travailleurs, etc. C'est juste cet élément-là que nous modifions dans l'amendement. Cela renforce le projet: on s'assure que les douzièmes provisoires sont mis en oeuvre et on prépare une nouvelle loi budgétaire dans le délai que vous avez imparti, Monsieur le rapporteur de majorité et auteur du projet de loi. Si cette deuxième loi ne trouve pas non plus une majorité, les douzièmes provisoires continuent à s'appliquer pour que l'Etat puisse subvenir aux besoins de la population. Voilà, il s'agit uniquement de ça. Je vous recommande l'adoption de l'amendement.
Nous avons pris bonne note de votre inquiétude quant au fait qu'il n'y ait pas eu de projet de budget. Avec le recul, je ne vous cache pas que j'ignore quelle majorité nous aurions trouvée. Il est vrai qu'avec la nouvelle législature, les majorités semblent plus claires. Si le premier projet de budget devait ne pas être adopté, nous nous conformerions évidemment à cette loi. Je vous remercie donc d'adopter l'amendement du Conseil d'Etat.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13205 est adopté en premier débat par 88 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous avons deux amendements qui ne peuvent pas coïncider; si l'un est accepté, il fera tomber l'autre. Nous avons jugé que le plus éloigné était le texte du Conseil d'Etat: il sera donc soumis au vote en premier. Si l'amendement du Conseil d'Etat est accepté, l'amendement de LJS tombera. Voici l'amendement du Conseil d'Etat:
«Art. 42, al. 1 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouvelle teneur)
1 En l'absence de vote de la loi budgétaire annuelle, le Conseil d'Etat est autorisé à engager les moyens financiers nécessaires aux activités ordinaires de l'Etat.
5 Le Conseil d'Etat est tenu, en l'absence de vote de la loi budgétaire au 1er janvier, de transmettre un nouveau projet de loi budgétaire annuelle au Grand Conseil avant le 31 mars. Si la nouvelle loi budgétaire annuelle n'est pas adoptée par le Grand Conseil, l'alinéa 1 s'applique.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 80 oui et 7 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 42, al. 1 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13205 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 88 oui (unanimité des votants) (vote nominal).