Séance du
jeudi 22 juin 2023 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
2e
session -
9e
séance
IN 189-B
Débat
La présidente. Nous traitons le point fixe suivant: l'IN 189-B. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je cède la parole à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a examiné l'initiative 189 intitulée «Une Vie ici, une Voix ici... Renforçons notre démocratie !». Précisons d'emblée que la commission ayant déjà étudié le projet de loi 12441 qui visait à peu près le même objectif d'extension des droits politiques et d'éligibilité pour les personnes étrangères, elle a accéléré ses travaux et n'a procédé qu'à quelques auditions restreintes, c'est-à-dire celles du comité d'initiative et du département. Il s'en est suivi des débats qui ont amené une majorité à voter en faveur de cette initiative. J'espère, Mesdames et Messieurs, que cette majorité en faveur de l'IN 189 sera conservée ce soir.
Je reviens maintenant sur le fond et je garderai un peu de temps de parole pour plus tard, car j'imagine que les discussions seront animées. C'est un moment crucial pour notre Grand Conseil, qui pourrait aujourd'hui faire avancer un peu notre démocratie, qui pourrait faire franchir à notre canton un pas de plus vers une meilleure représentation. En effet, notre système fonctionne selon la représentation et l'expression directe: dans notre démocratie semi-directe, le peuple élit des représentantes et des représentants, et s'exprime très concrètement sur des objets tous les trois mois.
Or le constat, actuellement, c'est que dans le canton de Genève, 40% des personnes majeures n'ont pas le droit de vote, parce qu'elles sont d'origine étrangère. Dans un régime politique, 40% de personnes majeures qui ne disposent pas du droit de vote, c'est beaucoup, c'est même trop pour qu'on puisse parler de réelle démocratie. Ces gens constituent en effet une base qui doit correspondre à la base électorale. Une démocratie doit fonctionner sur la base électorale la plus large possible; si celle-ci n'est pas suffisamment représentative, alors on ne peut pas parler de démocratie en tant que telle.
A ces 40% de personnes, l'initiative préconise d'accorder les droits politiques après huit ans de résidence en Suisse. Huit ans de résidence en Suisse, en l'occurrence à Genève, c'est autant d'années passées à vivre dans notre canton, comme vous, comme moi, à travailler, à s'amuser. Pourquoi ne pas donner la parole à ces individus que nous côtoyons tous les jours, qui partagent notre quotidien ?
Ces personnes-là, nous les croisons tous les jours dans les supermarchés en faisant les courses: les supermarchés constituent des sujets politiques que nous évoquons au Grand Conseil, par exemple dans le cadre des horaires d'ouverture des magasins. Ces personnes-là qui ne bénéficient pas des droits de vote et d'éligibilité, nous rencontrons leurs enfants à l'école: là aussi, il s'agit d'une question politique importante dont nous débattons au sein de cette assemblée. Ces personnes-là, nous les fréquentons quotidiennement au travail, elles paient des impôts: les conditions de travail, l'imposition, la fiscalité constituent autant d'objets politiques que nous traitons au parlement, mais aussi lors de votations. Ces personnes-là sont concernées par la sécurité dans nos rues, encore un sujet qui nous occupe dans ce plénum et au moment des votations, lesquelles ont lieu tous les trois mois.
Mesdames et Messieurs les députés, il est essentiel de donner une voix à ces gens qui font Genève, qui y travaillent quotidiennement, y vivent, y vont à l'école, y paient des impôts. A l'heure actuelle, ces personnes sont exclues du processus politique, lequel façonne pourtant l'avenir de notre canton et permet de prendre les mesures, les décisions, les réformes nécessaires au futur de la collectivité.
Il est temps désormais, par cette initiative, par le vote de notre Grand Conseil, de leur offrir la possibilité de s'exprimer. Ce texte constitue une porte ouverte, puisque nous nous prononcerons également sur la question d'un contreprojet. Ce soir, nous pouvons réaliser une grande avancée avec cette initiative ou, pourquoi pas, réfléchir à un premier pas en avant dans ce sens en acceptant le principe d'un contreprojet. C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs, en tant que rapporteur de majorité, à soutenir cette initiative ainsi que le principe d'un contreprojet. (Applaudissements.)
Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour la minorité de la commission, l'extension des droits civiques pour les résidents étrangers n'est envisageable que par l'obtention de la nationalité. Le passeport suisse n'est pas une carte Cumulus, il ne se brade pas, il ne vous fait pas bénéficier de rabais d'impôts ni d'entrées gratuites à des musées ou à des concerts; le passeport helvétique représente une reconnaissance d'appartenance à notre pays, à un canton, à une commune. C'est cette citoyenneté qui nous fait entonner l'hymne national le 1er août, mais surtout qui nous donne le droit de vote et d'éligibilité dans notre système démocratique. Voter constitue un acte fort qui exprime la fidélité et l'engagement envers sa commune, son canton et son pays.
Les personnes d'origine étrangère vivant en Suisse depuis un certain temps ont la possibilité de prendre part à la vie politique par le biais de la naturalisation; elles deviennent ainsi des citoyennes et des citoyens aux niveaux communal, cantonal et fédéral. L'obtention de la nationalité est la manifestation d'une intégration réussie. Le processus de naturalisation a été assoupli, la durée de résidence effective a été réduite, passant de douze à dix années; de même, les démarches ont été facilitées pour les jeunes de la troisième génération.
Par ailleurs, Genève figure parmi les cantons qui naturalisent le plus proportionnellement au pourcentage de population étrangère. On prétend que les étrangers sont exclus de la société, c'est faux: ils sont intégrés dans la vie associative, culturelle ou sportive, ils participent par exemple à des ateliers sur l'aménagement du territoire organisés par les communes et le canton. Des conseils des habitants se développent dans nos villes, à Lancy, à Vernier et à Thônex. Le bureau de l'intégration des étrangers fait figure d'acteur majeur de la cohésion sociale, il est partie prenante notamment dans le dispositif genevois de naturalisation.
Pour revenir à l'initiative 189, elle prévoit entre autres le droit de vote et d'éligibilité au niveau cantonal sans aucun critère d'intégration hormis l'exigence de résidence depuis huit ans. Aucun canton suisse ne va aussi loin. Les cantons du Jura et de Neuchâtel accordent le droit de vote aux résidents étrangers sur le plan cantonal, mais pas celui d'éligibilité; Neuchâtel exige toutefois qu'ils soient titulaires d'une autorisation d'établissement, le permis C.
En ce qui concerne le droit d'éligibilité des personnes étrangères à l'échelle cantonale, il n'existe pas dans le pays. A Genève, les Suisses de l'étranger n'ont même pas le droit de vote sur le plan communal. Au sein de l'Union européenne, les droits politiques au niveau communal sont octroyés uniquement à celles et ceux qui possèdent la nationalité d'un autre Etat membre. Les Suissesses et les Suisses en sont exclus.
L'initiative 189 prévoit que le seul fait d'avoir son domicile légal en Suisse depuis huit années permette aux étrangers, sans aucune autre condition, de se présenter aux élections communales et cantonales. Par exemple, comme cela avait déjà été souligné lors d'un précédent débat, des résidents étrangers pourraient être élus au Conseil des Etats à Berne pour représenter Genève à la chambre haute de l'Assemblée fédérale. Imaginons qu'ils siègent à la commission de politique extérieure ou à celle de la politique de sécurité: des risques de collusion pourraient se poser, portant atteinte aux relations de confiance. Offrir des droits politiques étendus sans aucun critère hormis celui de huit ans de résidence ne permet pas de garantir une intégration minimale dans notre société ni la volonté de partager une communauté de valeurs fondamentales.
Notre Grand Conseil s'est déjà prononcé sur ce sujet en mars 2021 en refusant un projet de loi constitutionnelle similaire à cette initiative populaire. L'opposition d'un contreprojet à cette initiative n'est pas voulue par la minorité de la commission: la naturalisation doit constituer la voie unique pour bénéficier des droits civiques complets.
L'intégration des étrangers est un enjeu important pour notre canton qui compte plus de 30 000 fonctionnaires actifs dans les organisations internationales. Il en va de même pour les nombreux expatriés qui travaillent dans les multinationales installées à Genève. Comme nous le savons, elles contribuent grandement à l'attractivité et à la prospérité de notre canton.
Toutefois, l'extension des droits politiques des étrangers ne peut se faire qu'à travers un processus de naturalisation garant d'une bonne intégration et de la compréhension des valeurs de la Suisse, de ses droits et de ses obligations. L'acquisition de la nationalité représente l'ultime étape d'une intégration réussie et permet un accès plein et entier à la citoyenneté. Il s'agit du véritable aboutissement d'un parcours personnel et volontaire.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission des droits politiques vous invite à refuser cette initiative et à ne pas lui opposer de contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente
M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'IN 189 a été lancée par un groupement représentant notamment des associations de personnes étrangères; elle se fonde sur le principe que les droits politiques, idéalement, devraient être accordés de manière pleine et entière: soit on est citoyen ou citoyenne, soit on ne l'est pas, et si on l'est, on devrait bénéficier de l'ensemble des droits civiques rattachés à ce statut.
Cette initiative constitue déjà en partie une réalité dans d'autres cantons, dont certains octroient plus de droits aux personnes de nationalité étrangère que ne le fait Genève avec le droit de vote communal après huit ans de séjour. Il ne s'agit donc pas d'une Genferei, comme d'aucuns voudraient le faire croire.
Dans le canton de Neuchâtel, le droit de vote des personnes d'origine étrangère au niveau communal a été introduit en 1849 déjà, il y a bientôt 175 ans, par voie législative, suite à la réalisation de la constitution de 1848. Cela ne date donc pas d'hier. Le 17 juin 2007, l'éligibilité communale, y compris à l'exécutif, a été acceptée, et cela directement par le peuple, pour la première fois, avec 54,5% des voix. A Neuchâtel, les étrangers ont également le droit de vote lors de l'élection des deux représentants ou représentantes au Conseil des Etats du Parlement fédéral.
Dans le canton du Jura, c'est la constitution de 1978 qui a ouvert la voie: le droit de vote sur les plans communal et cantonal, sauf en matière constitutionnelle et sans éligibilité, est inscrit dans la loi sur les droits politiques de 1978. En 2014, les Jurassiens et Jurassiennes ont approuvé l'éligibilité des étrangers et étrangères dans les exécutifs communaux, à l'exception du maire ou de la maire. Dans le Jura toujours, les résidents étrangers disposent du droit de vote lors de l'élection des deux représentants au Conseil des Etats du Parlement fédéral.
Avec ces possibilités offertes aux individus de nationalité étrangère, les cantons de Neuchâtel et du Jura ne se sont pas écroulés; les majorités politiques n'ont pas été modifiées de manière significative et aucune révolution n'a été constatée. Concernant la question d'un éventuel contreprojet, c'est mon collègue, M. Pierre Eckert, qui prendra la parole. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Mme Virna Conti (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord remettre l'église au milieu du village. J'ai entendu parler d'un rapport de majorité qu'il faudrait garder à l'esprit, mais il s'agit d'une ancienne majorité, ne l'oublions pas.
Ensuite, il a été indiqué que 40% de la population ne vote pas à Genève et que, par conséquent, ce serait une forme de non-intégration de ces personnes. Bon, si je dois me mettre du côté de la gauche, et je vais tenter de le faire dans les cinq prochaines secondes... (Remarque.) Qu'est-ce qu'il y a ?
La présidente. Un instant, s'il vous plaît. Je profite de cette interruption pour signaler, comme d'habitude, que les discussions doivent se tenir en dehors de la salle. (Un instant s'écoule.) Je vous remercie. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Virna Conti. Merci, Madame la présidente. Pour revenir à l'argument de la non-intégration des gens sous prétexte qu'ils ne se prononcent pas dans notre canton, je vais tenter de me mettre du côté de la gauche cinq secondes. Effectivement, sur le plan communal, les étrangers peuvent déjà voter, donc ce serait un pas en avant vers une extension de leurs droits. Manque de bol pour la gauche, une étude publiée par l'Université de Genève écrit noir sur blanc que les étrangers votent significativement moins que les Suisses, à tel point qu'ils ne seraient même pas 20% à se rendre aux urnes le dimanche. Je ne soutiens pas que puisqu'ils ne votent pas en masse, il ne faudrait pas leur octroyer de droits civiques, mais force est de constater qu'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.
Par ailleurs, on a entendu que l'association qui a lancé cette initiative est composée de... (Commentaires.) J'aimerais bien pouvoir terminer, Madame la présidente ! On a entendu que l'association qui a lancé cette initiative est composée de personnes étrangères; je le sais bien, parce que j'ai été regarder un peu à gauche, à droite, et il est merveilleux de constater que l'une des personnes formant cette association, qui est d'origine... Bon, je ne vais pas préciser de quelle origine elle est, je n'ai pas envie qu'on la montre du doigt, mais cette personne disait très clairement: «Moi, je veux voter, mais en revanche, le passeport helvétique, je n'en veux pas.» Je m'excuse, mais c'est déjà une marque significative de quelqu'un qui ne veut pas s'intégrer, qui ne veut pas être suisse.
Une dernière petite chose. Si on revoit maintenant le système de vote, je vais aller plus loin dans mes propos avec cette question: au sein des partis politiques, de manière générale, comment êtes-vous élus ? Vous allez me répondre que vous êtes élus par le peuple. Certes, mais vous êtes d'abord élus par vos adhérents, respectivement par vos militants. Pourquoi ? Parce que vous faites partie d'un club, au fond. Dès lors, en suivant votre logique, eh bien je me ferai un grand plaisir de venir à vos assemblées et de ne pas voter pour vous. Pour toutes ces raisons, nous ne soutiendrons pas cette initiative. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je me permets de rappeler qu'il s'agit d'un débat de soixante minutes avec six minutes par groupe, donc vous avez le temps de vous exprimer. Si vous n'êtes pas d'accord avec les propos des autres intervenants, appuyez sur votre bouton et prenez la parole, mais ne le faites pas en même temps qu'eux. La parole va à Mme Xhevrie Osmani.
Mme Xhevrie Osmani (S). Merci, Madame la présidente. Nous traitons ce soir d'un sujet passionnant touchant aux droits les plus fondamentaux dans une démocratie. C'est d'ailleurs dans l'optique d'un renforcement de ceux-ci que l'initiative a été déposée, et ce serait la pervertir que de faire croire qu'elle ne vise que des intérêts électoralistes. Je signale que l'IN 189 a été lancée par plusieurs acteurs de la société civile. J'irai même plus loin en rappelant que le PL 12441 avait été soutenu par une bonne partie du Centre et que le PLR avait même participé à l'élaboration d'amendements pour le remanier.
Les débats sont d'autant plus passionnés qu'on connaît la culture politique helvétique, une démocratie semi-directe où l'exercice des droits politiques est souvent sollicité. La plupart des votations dans le monde ont lieu dans notre pays, nous sommes régulièrement appelés à nous prononcer sur de nombreux objets - à cet égard, je rappellerai à ma préopinante qu'ils ne sont pas très fréquents ni saillants au niveau des communes -, mais quand je dis «nous», je parle d'une Suisse où 25% de la population est sous-représentée, et ce taux s'élève même jusqu'à 40% à Genève.
Notre conception de l'intégration implique une absence totale des droits politiques jusqu'à l'obtention de la nationalité. Cela empêche les étrangers d'élire les personnes qui les représenteront et de s'exprimer sur tout sujet constitutif de l'avenir de notre collectivité. Chacun sait que l'acquisition du passeport helvétique n'est pas chose aisée, nous connaissons toutes et tous le régime de naturalisation exigeant de la Suisse, qui est l'un des systèmes les plus restrictifs du monde. Depuis 2018, avec le durcissement de la loi, on en demande toujours plus aux gens, allant même jusqu'à leur faire regretter d'avoir été dépendants financièrement. C'est une manière très étroite de concevoir l'intégration, puisqu'elle exclut davantage qu'elle ne contribue à rendre le processus dynamique.
Il a été indiqué que la Suisse compte une importante population d'origine étrangère: dans un classement mondial comparant le pourcentage de résidents nés à l'étranger dans chaque pays, elle se place douzième et même première en Europe. La Suisse a été une terre d'émigration et d'immigration, mais reste l'un des derniers bastions du droit du sang.
Il est important de comprendre que la citoyenneté doit être dissociée de la nationalité. Prenons un exemple: on ne reprocherait pas à quelqu'un qui vient du Tessin de ne rien saisir au fonctionnement de Genève et de ne pas maîtriser la langue; cette personne s'abstiendra vraisemblablement ou votera par consigne, mais elle sera tout de même considérée comme plus citoyenne qu'un individu étranger vivant ici depuis de nombreuses années.
Je tiens encore à souligner un fait essentiel: les études démontrent que la citoyenneté complète l'intégration des personnes résidentes et que les lacunes dans ce domaine sont aussi le résultat du non-exercice des droits politiques. Mesdames et Messieurs les députés, lier les droits civiques à la seule nationalité constitue une vision archaïque de notre démocratie, ce n'est pas le meilleur moyen de la rendre vivante.
Les gens ne vont pas attendre la naturalisation pour se prononcer, comme en témoignent d'ailleurs d'autres cantons - ceux du Jura et de Neuchâtel -, et ne soyez pas naïfs quant à celles et ceux qui décident de franchir le pas. Il y a certes le projet de devenir suisse, mais il y a également des réalités concrètes: ils ne le font pas dans le seul but de voter, d'élire ou de se présenter à des élections, mais aussi pour faciliter leurs conditions de vie, et vous le savez très bien. Il est de notoriété publique que postuler en tant que Suisse augmente les chances de décrocher un emploi ou de trouver un logement.
Il est temps de rendre notre démocratie plus représentative, chemin sur lequel d'autres se sont déjà lancés. Je vous invite dès lors, Mesdames et Messieurs, à voter favorablement sur l'initiative ainsi qu'à réserver un bon accueil au principe d'un contreprojet, qui viendraient tous deux étendre les droits démocratiques. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chers collègues, concernant l'initiative 189, pour le groupe Libertés et Justice sociale, les choses sont claires: nous refuserons le droit de vote et d'éligibilité des étrangers sur le plan cantonal, mais entrerons en matière sur le principe d'un contreprojet. Ces nouveaux droits entraîneraient une modification de la constitution et de certaines dispositions légales, ce qui paraît peu adéquat aujourd'hui. Par conséquent, nous vous invitons à soutenir le renvoi en commission afin que nous puissions y élaborer un contreprojet. Merci.
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe PLR s'opposera à l'initiative de même qu'au principe d'un contreprojet. Selon le rapport de majorité, pour assurer le bon fonctionnement démocratique de notre pays, il faudrait donner les droits de vote et d'éligibilité aux personnes étrangères à partir de huit ans de résidence dans notre pays. Je pense que cette approche confond deux choses.
Le bon fonctionnement démocratique est une chose, nous l'interprétons comme le bon fonctionnement des institutions démocratiques, et celles-ci ont été conçues par les Suisses pour les Suisses; c'est ce bon fonctionnement des institutions démocratiques qui fait que la Suisse est ce qu'elle est aujourd'hui, qui fait que la Suisse est attractive pour les étrangers qui, eux, viennent participer au bon fonctionnement du pays et s'engagent sur le plan de l'économie, des activités culturelles et de l'ensemble des aspects sociétaux afin que la nation soit prospère dans tous les domaines. Le groupe PLR maintient sa position selon laquelle les droits de vote et d'éligibilité doivent rester en main des Suisses.
Il est vrai qu'à Genève, le droit de vote pour les résidents étrangers existe à l'échelle communale, mais nous tenons à rappeler que les communes genevoises ne légifèrent pas; participer directement à la bonne gestion communale et légiférer à un niveau cantonal constituent deux enjeux différents.
Le groupe PLR n'entend pas octroyer les droits de vote et d'éligibilité au plan cantonal aux personnes étrangères vivant à Genève, considérant qu'elles ne doivent pas accéder à la possibilité de légiférer. C'est par la voie législative que nous allons continuer à faire vivre nos institutions démocratiques et à garantir qu'à l'avenir, notre pays évoluera de façon souhaitable pour tout le monde. Nous vous invitons dès lors, Mesdames et Messieurs, à refuser l'initiative ainsi que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). S'il est un projet enthousiasmant, c'est le projet suisse. Le fait d'être suisse confère une dynamique, fait naître une volonté de participation et d'intégration des uns et des autres en fonction - véritablement en fonction - de leurs origines. Certains votes au sein de notre pays prennent des directions auxquelles on ne s'attendait pas, parce qu'on n'a tout simplement pas pris en compte l'origine de certains de nos compatriotes.
Cela étant, je n'ai jamais vu qu'on propose à des personnes de participer à un projet sans être membre du club ! Il faut bien évidemment adhérer à notre fantastique projet pour pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits qui y sont liés, et ceux-ci sont non seulement nombreux, mais surtout exercés avec une grande conviction.
On nous dit souvent: «Il n'y a que 35% de votants.» Ce qu'on oublie, c'est que ces 35% ne sont pas les mêmes d'une votation à l'autre, ce qui fait qu'en réalité, le taux de participation des citoyens est de beaucoup supérieur à 50%.
La seule solution envisageable, c'est d'être membre du club. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cette initiative ainsi qu'à toute autre tentative qui irait dans le même sens. C'est tellement bien d'être suisse, Mesdames et Messieurs, soyez-en fiers et soyons-en heureux ! Merci.
M. Yves Nidegger (UDC). L'argument le plus boomerang qui ait été énoncé ce soir est venu des rangs socialistes, un brillant orateur s'indignant de ce que l'on puisse saucissonner la citoyenneté et soutenant: «Le droit de vote pour les personnes étrangères existe à partir d'un certain temps au niveau communal, il est immoral de leur refuser le même droit au niveau cantonal, car la citoyenneté est une et indivisible.»
Or c'était précisément là l'argument des opposants au droit de vote des étrangers sur le plan communal il y a quelques années, Mesdames et Messieurs, et vous reconnaissez aujourd'hui avoir procédé à ce saucissonnage - enfin, à ce qu'on appelle la tactique du salami - en relevant ce que soulignaient vos adversaires d'hier, c'est-à-dire que la citoyenneté suisse est ainsi conçue que nous sommes à la fois des citoyens communaux, cantonaux et fédéraux, que c'est en cela que consiste le fait d'être citoyen et qu'il est malsain de vouloir le saucissonner.
Je suis en désaccord avec M. Conne lorsqu'il indique que les choses sont différentes; certes, les prérogatives communales ne sont pas les mêmes que les cantonales et les fédérales, mais la citoyenneté est un tout qu'on ne peut pas compartimenter.
Pourquoi cet argument a-t-il un effet boomerang ? Parce qu'il fait fi de ce que les règles qui donnent accès aux Chambres fédérales, du moins au Conseil national, sont d'ordre fédéral et que, partant, jamais un canton - pas même Genève - ne serait compétent pour accorder l'intégralité de la citoyenneté à des personnes d'origine étrangère, tout simplement parce que le droit supérieur l'interdit.
Chers collègues des bancs de gauche, ne saucissonnons pas la citoyenneté et repentons-nous de l'avoir fait dans le passé en retranchant l'aspect communal qu'on a considéré à tort comme quantité négligeable, comme quelque chose qu'on pouvait sacrifier sans grande peine. Ce qu'il faudrait au contraire, Mesdames et Messieurs, et cela se justifie quand on observe le taux de participation des étrangers dans les communes aujourd'hui, c'est revenir sur les droits politiques communaux. Soyez sûrs que dès le lendemain de la votation qui rejettera cette initiative, c'est une initiative de notre part qui sera lancée.
Quant au contreprojet, naturellement, il n'en est pas question. Un contreprojet, c'est ce que vous faites lorsque vous dites: «Bonne question, mauvaise réponse; nous allons apporter une meilleure réponse à votre bonne question.» Ici, la question est mauvaise, il est dès lors exclu, sur le principe, d'envisager un contreprojet. Je vous remercie.
M. Sébastien Desfayes (LC). Le groupe Le Centre adoptera la liberté de vote sur l'initiative et le principe d'un contreprojet. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Madame Virna Conti, vous avez vingt-cinq secondes.
Mme Virna Conti (UDC). Merci, Madame la présidente, cela suffira amplement. Je bondis de ma chaise quand j'entends ce qui a été affirmé. On a fait référence aux Suisses italiens ou aux Suisses allemands qui pourraient venir à Genève, respectivement y voter. Alors bon, j'ai tout de même appris une chose aujourd'hui, c'est qu'apparemment, la diversité dérange la gauche. On marche vraiment sur la tête ! Voilà, c'est tout. Merci, Madame la présidente.
M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord réagir à l'intervention de Mme Conti, qui attribue des caractéristiques animales aux personnes étrangères en affirmant qu'on ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif. Ces propos sont au mieux totalement inappropriés, au pire proprement scandaleux. (Applaudissements.) L'UDC passe son temps à donner des leçons de morale, et j'aimerais rappeler à ses représentants que ce type de discours n'a pas sa place dans cette honorable assemblée. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci...
M. Leonard Ferati. Je n'ai pas fini.
La présidente. Ah, vous n'avez pas terminé. (Commentaires.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de silence ! J'ai déjà signalé que si l'un d'entre vous a une réaction à manifester, il faut appuyer sur le bouton et je lui donnerai la parole le moment venu.
M. Leonard Ferati. Qu'est-ce qu'elle est belle, notre démocratie ! Elle est enviée de part et d'autre du globe. Mais permettez-moi de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que notre démocratie est imparfaite, partiale et partielle. Notre système clive les Genevoises et les Genevois entre celles et ceux qui votent et celles et ceux qui ne votent pas; il discrimine politiquement celles et ceux qui sont déjà lésés sur le plan de l'emploi, du logement et en matière administrative; il désavantage des personnes qui participent à la vie sociale, économique et fiscale du canton.
Il est important de poser la question éthique de la légitimité de la démocratie: comment pouvons-nous concevoir que nos institutions gouvernent ce canton en se servant des recettes fiscales amenées en partie par les étrangers, mais discriminent ces derniers lorsqu'il s'agit de prendre des décisions politiques qui les concernent ? Sommes-nous assez matures pour dissocier la nationalité de la citoyenneté ? La participation électorale des résidents étrangers ne rendrait pas notre démocratie moins belle; celle-ci serait au contraire plus légitime, plus accomplie, plus grande et montrerait à quel point Genève est avant-gardiste sur le plan du fonctionnement politique. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Francisco Taboada (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, c'est très humblement que je vais tenir un discours non pas juridique, mais plutôt émotionnel. Je suis d'origine espagnole, je suis non voyant; ma vie a été l'inclusion. C'est une fierté pour moi d'être devenu suisse, c'est quelque chose d'extrêmement important à mes yeux, et je remercie la Suisse de m'avoir accueilli lorsque j'avais cinq ans.
Oui, mes parents sont venus dans ce pays pour pouvoir me payer les opérations dont j'avais besoin pour mes yeux. La Suisse leur a offert cette opportunité, ils l'ont saisie et ont rendu la pareille par leur travail, par l'éducation qu'ils m'ont transmise et qui m'amène aujourd'hui à me trouver très modestement à vos côtés.
Je suis fier de ce parlement, je suis fier d'être suisse et je pense qu'avant toute chose, avant d'octroyer des droits... Alors oui, on peut accorder des droits, mais quelle est leur valeur ? Je ne prétends pas qu'il faut tout mériter dans la vie, mais s'inclure, c'est apprendre à vivre avec l'autre, c'est s'intégrer avec l'autre, ce n'est pas une question de durée de présence dans un endroit. Voilà, ce que j'exprime ici est vraiment très émotionnel. Comme l'a indiqué tout à l'heure mon collègue LJS Jean-Louis Fazio, nous irons plutôt dans le sens d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia (MCG). Chères et chers collègues, ce qui est présenté ici comme une marque de respect envers les femmes et les hommes qui font notre quotidien et qu'on voudrait, après huit ans sur notre territoire, faire participer pleinement à la vie politique du canton constitue en réalité une manifestation d'irrespect pour ces autres femmes et hommes qui ont fait et qui font Genève et qui, après des années dans notre canton, ont franchi le pas pour acquérir la nationalité suisse avec tout ce que cela implique.
Pour avoir procédé à l'assermentation de centaines de nouveaux Confédérés, de nouvelles Genevoises et de nouveaux Genevois, je peux vous assurer à quel point cette démarche est importante à leurs yeux, à quel point ce processus solennel et ce moment de partage représentent véritablement une avancée dans leur parcours d'intégration au sein de notre pays. Je peux vous garantir - on le dit souvent, cette phrase est sans doute galvaudée - qu'il n'y a pas plus suisses que les personnes qui ont obtenu la nationalité helvétique. Et ces gens-là méritent notre respect.
Que leur dire aujourd'hui si, finalement, votre conclusion est qu'une partie de cette nationalité et des droits qui y sont attachés sont accordés à d'autres simplement parce qu'ils vivent ici ? Non, il faut être davantage que juste présent pour disposer des droits liés à notre nationalité. Si l'on pouvait avoir de la compréhension à une certaine époque, lorsque la double nationalité n'était pas possible et qu'on devait renoncer à une partie de ses racines pour devenir suisse, cela n'est plus vrai à l'heure actuelle.
Les personnes qui ne franchissent pas le pas, mais exigent malgré tout d'exercer certaines prérogatives inhérentes à notre nationalité n'ont pas d'excuses. Je ne peux pas comprendre que quelqu'un soutienne: «Je ne veux pas être suisse, mais je demande à être élu, à occuper des fonctions gouvernementales ou parlementaires, parce que je vis ici depuis assez longtemps.» Nous ne pouvons pas l'accepter, par respect pour toutes celles et ceux, dont je fais humblement partie, qui ont fait l'effort de donner pour recevoir. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, permettez-moi de poursuivre l'analogie qui a été établie par notre collègue Virna Conti et reprise par M. Patrick Dimier. Imaginons que la Suisse soit - on parlait de club - une association. Est-ce que dans une association, Mesdames et Messieurs, qu'elle soit sportive, culturelle ou politique, les membres accepteraient que quelqu'un qui n'est pas adhérent, qui n'est pas en règle avec ses cotisations vienne à l'assemblée générale, vote les investissements de l'organisation, élise son comité ?
Est-ce que, Mesdames et Messieurs du parti socialiste, vous seriez d'accord qu'une personne qui se dit socialiste, mais qui ne possède pas la carte du parti, n'a jamais demandé son adhésion ni versé de cotisation participe à l'assemblée générale et décide si M. Wenger peut continuer à présider ou non le parti ? Moi, je l'aime bien, ne vous méprenez pas, mais je ne peux pas venir voter pour lui. Idem pour les Verts.
La réponse, Mesdames et Messieurs, est bien sûr que non. Parce que ce que l'on attend d'abord d'un individu qui partage les idées socialistes ou Vertes - ou n'importe lesquelles, d'ailleurs - ou encore les positions d'un club culturel ou sportif, eh bien c'est de soumettre son adhésion. C'est aussi simple que cela, et pour un pays, cela passe par la naturalisation, par la demande de la nationalité. Mesdames et Messieurs, ce que vous n'acceptez pas pour vous-mêmes et vos partis politiques, vous n'avez pas le droit de l'imposer au reste du pays. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je donne la parole à M. Murat-Julian Alder pour deux minutes vingt.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, on entend souvent, dans certains cercles intellectuels, que Genève serait en retard par rapport au reste de la Suisse romande en matière de droits politiques des étrangers. Alors il est vrai que d'autres cantons romands sont beaucoup plus généreux que nous dans ce domaine, mais qui sont les responsables de cet état de fait, Mesdames et Messieurs ? Ce sont celles et ceux à l'origine des initiatives «J'y vis, j'y vote» qui, à l'époque déjà, soutenaient l'idée qu'il suffisait de vivre pendant huit ans quelque part en Suisse, peu importe la commune, peu importe le canton, pour pouvoir bénéficier immédiatement des droits civiques à Genève. En d'autres termes, celle ou celui qui habite pendant huit ans à Bümpliz, dans le canton de Berne, ou encore à Ziefen, dans le canton de Bâle-Campagne, en arrivant à Genève, sans même avoir à parler le français, disposerait automatiquement des droits politiques.
Partout ailleurs en Suisse romande, là où les résidents étrangers ont le droit de vote, que ce soit au niveau communal ou cantonal, cela a toujours été lié exclusivement au permis C, à l'autorisation d'établissement, et non pas au simple écoulement du temps. La durée ne crée aucune intégration. Aujourd'hui, fort heureusement, on n'obtient plus le permis C automatiquement, il y a un examen du degré d'intégration de la personne qui en présente la demande.
Si on voulait aller dans le sens du plus généreux des cantons romands, la moindre des choses serait de revoir les ambitions à la baisse et de proposer que les droits citoyens soient liés au permis C. Mais cela n'intéresse pas la gauche, qui veut juste brader les droits politiques pour remporter les élections après avoir convaincu de nouveaux électeurs qu'elle aura fidèlement associés à son destin. Voilà la réalité ! Depuis toujours, votre démarche est totalement opportuniste, et cela, la droite n'en veut pas. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Je ne vais pas entrer dans le fond des éléments qui viennent d'être mentionnés. J'ai tout de même été un peu surpris d'entendre toute cette polémique autour de la notion de club. Le club dont nous faisons partie, c'est la Suisse; on parle de nationalité suisse, de droits de vote et d'éligibilité au niveau national. Pour moi, c'est ça, le club. Dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas de ça, mais de droits politiques aux échelons communal et cantonal. Ce n'est pas du tout le même club.
Comme cela a été souligné par le rapporteur de majorité, les sujets qui pourraient se révéler intéressants pour des personnes d'origine étrangère vivant dans le canton depuis un certain temps sont extrêmement proches de leurs préoccupations: il peut s'agir de l'école, des horaires d'ouverture des magasins. En ce qui concerne l'âge de la retraite ou d'autres objets d'envergure fédérale, il n'en est pas question ici. A mon sens, on peut soutenir le fait que des résidents étrangers bénéficient d'un certain nombre de prérogatives supplémentaires dans leur commune ou leur canton.
Nous avions franchi le pas en 2005 en leur accordant le droit de vote sur le plan communal. Vous vous en souvenez peut-être, Mesdames et Messieurs, mais l'objectif des initiants n'était pas forcément de restreindre cela au droit de vote; ceux-ci ne souhaitaient pas diviser les droits politiques, mais accorder à la fois le droit de vote et d'éligibilité. Voilà pourquoi il y a eu deux initiatives, et le peuple a finalement préféré emprunter une direction restreinte et octroyer uniquement le droit de vote.
Ce droit de vote communal fonctionne bien. Vous pouvez bien prétendre que la participation n'est pas élevée, mais au niveau communal, à l'exception peut-être de la Ville de Genève, on se rend aux urnes au mieux tous les cinq ans, alors bien entendu, ce n'est pas ancré dans les habitudes. Aussi, mettre simplement en avant un faible taux de participation est un argument qui ne tient pas.
Maintenant, c'est le moment d'essayer de réaliser un pas de plus, et avec cette initiative, on franchit un grand pas supplémentaire. Nous sommes bien conscients que cette avancée n'est pas du goût d'une grande partie des groupes politiques qui se trouvent ici, on l'a entendu. Encore que pour moi, et je respecte notamment l'opinion du Centre, le fait d'étendre ou pas les droits politiques relève plutôt d'un choix individuel.
Un certain nombre de points particuliers de l'initiative ont été relevés qui ne conviennent pas, comme la représentation au Conseil des Etats, l'éligibilité au sein des exécutifs, la durée de résidence. Ecoutez, pour notre part, nous sommes prêts à discuter. Il est vrai qu'actuellement, toute personne venant à Genève depuis n'importe quelle autre commune de Suisse dispose directement du droit de vote au niveau communal; nous sommes ouverts au débat si vous souhaitez instaurer une durée minimale de résidence dans la commune ou le canton, ce n'est pas un problème.
Ce que je veux dire, c'est que nous tendons très volontiers la main à tous les députés de bonne volonté qui siègent dans ce parlement et qui soutiennent une extension, quelle qu'elle soit, des droits politiques des personnes étrangères, de façon que nous élaborions ensemble un contreprojet qui puisse constituer le plus grand dénominateur commun entre les partis représentés ici. (Applaudissements.)
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, on ne parle pas des étrangers, mais des citoyens suisses ou genevois. Il ne s'agit pas seulement des membres du club, il s'agit de citoyens qui sont actifs pour l'image de la Suisse, qui contribuent à l'économie de notre pays, de notre canton.
Je partage avec vous mon expérience personnelle: j'ai fait les démarches pour obtenir la nationalité en 2009, mais avant cela, je représentais la Suisse dans 128 pays. Je n'étais pas suisse, mais j'adorais la Suisse, je suis tombé amoureux de notre pays, de notre canton, et je représentais la Suisse.
Aujourd'hui, il faut mieux intégrer les étrangers - les citoyens, faudrait-il plutôt dire - qui habitent à Genève depuis non seulement huit ans, mais dix, quinze, vingt, vingt-cinq, trente, quarante ans. Ce n'est pas seulement à travers le passeport helvétique qu'on peut s'intégrer, de nombreux résidents ne possèdent pas la nationalité suisse et sont mieux intégrés que certains locaux. Pour les motiver, pour leur donner des prérogatives dans un pays comme la Suisse qui présente une grande diversité, il faut revoir leurs droits.
Nous devons renvoyer ce texte en commission pour bien l'étudier, parce qu'il s'agit d'une question sensible, importante pour notre citoyenneté. Personnellement, et le groupe LJS avec moi, je propose un renvoi en commission afin d'y élaborer un contreprojet, afin d'examiner, d'approfondir le sujet et de revenir avec des résultats scientifiques et pertinents. Faisons-le pour notre canton, car nous sommes fiers des étrangers qui vivent à Genève. Je vous remercie beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente.
La présidente. Merci. Je rappelle quelques éléments de procédure: nous allons d'abord nous prononcer sur l'initiative, puis sur le principe d'un contreprojet; si celui-ci est accepté, le rapport sera renvoyé en commission en vue de sa conception. La parole revient maintenant... (Remarque.) Ah, excusez-moi. Non, Monsieur Mizrahi, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur Jean-Pierre Pasquier, c'est à vous pour quarante-cinq secondes.
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), rapporteur de minorité. Oui, Madame la présidente, merci. Mesdames et Messieurs, j'aimerais très rapidement reprendre les propos de Mauro Poggia et de Francisco Taboada et vous dire que dans cette salle, nous sommes certainement nombreux, et j'en suis, à avoir des parents - un père, une mère - issus de l'immigration qui ont fait l'effort d'obtenir le passeport suisse; nous sommes certainement nombreux à avoir des amis proches qui ont fait l'effort de réaliser tout le processus de naturalisation. Non, au début du XXIe siècle, le passeport suisse n'est pas quelque chose d'archaïque, bien au contraire, c'est l'élément essentiel d'une intégration réussie. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser le principe d'un contreprojet tout comme cette initiative. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie et rends la parole à M. Romain de Sainte Marie pour quarante-cinq secondes.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, le rapporteur de minorité a mentionné des ateliers sur l'aménagement du territoire pour les étrangers. Tentez l'exercice mental quelques instants: vous vivez dans un pays depuis plus de huit ans, vous y faites vos courses, vous y travaillez, vos enfants y vont à l'école et on vous propose, comme forme d'intégration, un atelier sur l'aménagement du territoire ! C'est ça, l'intégration ? Non, ce n'est pas ça ! L'intégration, c'est pouvoir faire entendre sa voix, c'est pouvoir voter, c'est pouvoir être élu.
J'ai entendu parler d'association. Mesdames et Messieurs, lorsque quelqu'un joue au foot sur un terrain qui appartient au canton de Genève, lorsqu'il paie sa cotisation, c'est-à-dire des impôts, à ce moment-là, oui, il fait partie du club; oui, il a le droit de voter; oui, il a le droit d'être élu ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je passe la parole... (Commentaires.) S'il vous plaît ! Le débat s'est plutôt bien déroulé jusqu'à présent, ce serait bien qu'on puisse le terminer dans le calme. Je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le débat s'est en effet bien déroulé et le Conseil d'Etat sera bref dans sa prise de parole - peut-être pas aussi bref que le représentant du Centre -, parce qu'il souhaite que le processus avance. Nous avons besoin d'une démocratie vivante qui puisse se renouveler, qui puisse apporter des avancées en matière de droits politiques.
Le Conseil d'Etat se tient à disposition de la commission pour trouver, dans le cadre d'un contreprojet, une proposition qui rassemble les groupes. Nous avons vu certains fronts figés, nous avons entendu quelques termes malheureux. Le respect de la démocratie doit s'exprimer dans l'ensemble des dispositifs existants. Un contreprojet est souhaité par le Conseil d'Etat, lequel collaborera avec la commission qui l'élaborera. Il existe plusieurs variantes, différentes possibilités pour faire avancer notre démocratie cantonale et communale; nous souhaitons y travailler, y réfléchir, analyser les choses.
Les propos de certaines et certains membres de ce parlement méritent d'être explicités, parce que quand on dit que les étrangères et étrangers votent plus pour la gauche, c'est faux. On entend également que la participation des habitantes et habitants étrangers aux votations communales est plus faible; c'est vrai, mais pourquoi est-ce le cas, pourquoi est-ce qu'à un moment donné, on exprime sa voix ? C'est d'abord le sentiment d'appartenance, puis l'habitus du vote. Lorsqu'on est citoyenne et citoyen d'une commune et que l'on ne participe qu'une fois tous les cinq ans à un processus de votation ou d'élection, l'usage ne s'établit pas. L'espacement entre les échéances ne crée pas l'habitude: dans les communes genevoises, il est assez rare que des référendums ou des initiatives soient lancés qui requièrent une participation citoyenne, respectivement donnent lieu à un débat démocratique municipal. A cet égard, l'étude de l'UNIGE évoquée par Mme la députée Conti montre bien cet élément-là aussi, à savoir qu'il faut avoir l'habitude de prendre part à des scrutins démocratiques pour continuer à le faire de manière plus régulière.
En conclusion, Madame la présidente, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat souhaite que nous travaillions ensemble sur un contreprojet dont les termes restent encore à définir.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, j'ouvre la procédure de vote.
Mise aux voix, l'initiative 189 est refusée par 60 non contre 35 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 51 non contre 43 oui et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)