Séance du
jeudi 11 mai 2023 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
1re
session -
3e
séance
IN 176-B
Débat
La présidente. Nous abordons notre premier point fixe, l'IN 176-B, classée en catégorie II, soixante minutes. Le rapporteur ad interim est M. Grégoire Carasso, à qui je cède la parole.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous sommes saisis de l'initiative 176 «Pour un urbanisme plus démocratique à Genève» - c'est son titre. La commission d'aménagement s'est réunie à huit reprises entre janvier et mars dernier; elle a auditionné les initiants - évidemment -, le département, la Fédération des associations d'architectes et d'ingénieurs, la direction des affaires juridiques de la chancellerie, l'Association des communes genevoises, la Fédération genevoise des métiers du bâtiment, l'Association des promoteurs-constructeurs genevois, la Fédération suisse des urbanistes, une association d'habitants de Lancy, le Conseil administratif de cette commune ainsi que la Chambre genevoise immobilière.
Les conclusions de la commission d'aménagement, Mesdames et Messieurs, chers collègues, sont les suivantes: à l'unanimité, moins une voix UDC, nous vous invitons à refuser cette initiative et, à l'unanimité pure, à lui opposer un contreprojet. Pourquoi un vote aussi net s'agissant d'un objet dont le titre, «Pour un urbanisme plus démocratique à Genève», est finalement assez joli ? Derrière cet intitulé sympathique, on trouve en réalité l'octroi d'un droit quasi absolu qui serait donné à chaque propriétaire d'opposer à n'importe quel plan localisé de quartier un PLQ alternatif. Autrement dit, cette initiative constitue une formidable usine à gaz en puissance qui aurait pour conséquence le blocage à peu près systématique et garanti de toute construction de logements à Genève.
Connaissant les initiants, qui sont proches, et de manière complètement assumée, de l'association Pic-Vert, il y a une certaine forme d'honnêteté intellectuelle et politique à revendiquer de ne plus construire aucun logement à Genève. Là où le texte est un tout petit peu moins honnête, aux yeux de l'écrasante majorité de la commission, c'est dans son titre. En effet, en quoi cette initiative rendrait-elle l'urbanisme plus démocratique ? Est-ce que les habitants, les autorités, les citoyens, les locataires, les associations diverses et variées disposeraient de plus de droits ? Certainement pas, ils n'auraient pas davantage de droits pour participer à l'élaboration des PLQ. Non, ce que cette initiative propose - et en ce sens, elle est extrême -, c'est un droit nouveau accordé aux seuls propriétaires soucieux de mettre Genève sous cloche.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission d'aménagement, dans son ancienne composition (Ensemble à Gauche, PS, Verts, PDC, PLR et MCG), vous recommande de refuser clairement et nettement cette initiative et de lui opposer un contreprojet. Le principe d'un contreprojet - j'en terminerai par là, Madame la présidente, chers collègues - est intéressant, parce que celui-ci permettra de formaliser et d'améliorer réellement le processus participatif lors de l'élaboration des fameux plans localisés de quartier - les PLQ, dans le jargon. Je vous remercie de votre attention.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a relevé le rapporteur, le titre de cette initiative - «Pour un urbanisme plus démocratique à Genève» - peut paraître séduisant, mais il faut rappeler que l'urbanisme est déjà démocratique, ainsi que le montre l'entièreté du processus d'adoption: il y a d'abord une enquête technique publique, au cours de laquelle on peut formuler des observations, puis le préavis des Conseils municipaux, enfin la procédure de déposition. Une opposition par voie référendaire est possible, on l'a vu récemment avec le référendum sur le PLQ de Bourgogne.
De même, il faut noter que les communes peuvent, en tout temps, non seulement élaborer un projet de plan localisé de quartier et solliciter son adoption, mais également modifier, voire abroger, un PLQ qui concerne leur territoire.
En outre, le processus de concertation est déjà prévu dans la loi générale sur les zones de développement; il permet d'associer les professionnels qui vont être amenés à développer un territoire avec les habitants, les propriétaires, les voisins ainsi que l'ensemble des associations concernées. Cela signifie que le dispositif existant dans la loi est déjà bien plus démocratique, puisqu'il concerne non seulement les résidents d'un périmètre, mais également, comme je l'ai dit, les associations de même que tous les acteurs du quartier, et pas les seuls propriétaires des terrains visés par un plan localisé de quartier.
Par ailleurs, rappelons-le, le canton se doit de servir l'intérêt général et non les intérêts particuliers. Au final, la mission de l'urbanisme est de concrétiser le plan directeur cantonal qui est accepté par ce Grand Conseil et validé par la Confédération. Quoi de plus démocratique ?
Enfin, quant au fait que nous devons privilégier l'intérêt général et non les intérêts particuliers, l'ensemble des associations professionnelles (la FAI, la Fédération suisse des urbanistes, les métiers du bâtiment) mais aussi l'Association des communes genevoises ont souligné que le but des plans localisés de quartier est de garantir une cohérence sur l'ensemble du territoire. Il se peut qu'un projet mené à une échelle locale réponde aux besoins de toute la population du canton, et il nous appartient, à nous, d'assurer la construction non seulement de logements, mais encore d'équipements publics liés aux projets d'urbanisation. Souvenez-vous de la votation sur Bernex: s'il n'y avait pas eu de PLQ, si nous ne nous étions pas prononcés, nous n'aurions pas de cycle d'orientation à Bernex.
Il s'agit, pour le canton, de développer, en coordination avec l'ensemble des partenaires, à la fois des logements pour l'entier de la population - dans un contexte de crise que ne cesse d'ailleurs de rappeler l'Union des villes suisses - et des quartiers de qualité afin qu'en plus des logements, on ait des infrastructures publiques, des équipements sportifs et culturels, des parcs, tout un réseau d'espaces publics.
Ce travail-là, l'Etat doit pouvoir le poursuivre en coopération avec les communes. A cet égard, l'Association des communes genevoises elle-même a signalé qu'elle ne pouvait accepter de soutenir, comme le dénonce l'initiative, que les PLQ contribuent à - je cite l'exposé des motifs - «la destruction rapide de notre patrimoine bâti et arboré». Non, les communes, tout comme le canton, sont attentives au patrimoine bâti et arboré, et ce n'est pas en opposant le bâti et la nature qu'on offre un contexte de vie de qualité et qu'on répond aux besoins de la population en matière de logement, mais bien en les mariant.
Pour toutes ces raisons, le parti socialiste estime qu'il faut rejeter cette initiative complètement trompeuse et lui opposer un contreprojet qui permettra de réaffirmer les valeurs sur lesquelles le département et le canton fondent l'aménagement du territoire dans l'intérêt de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Raphaël Dunand (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, voici la position du groupe Libertés et Justice sociale sur cet objet. Comme l'ont souligné mes chers collègues, si l'initiative est présentée comme une solution simple pour remédier à tous les maux des PLQ, elle entraîne son lot de problèmes: allongement des procédures - au contraire de ce qui est soutenu dans le texte -, perte de vision globale de l'aménagement cantonal - et donc atteinte à un Etat fort -, difficultés pour les communes de gérer d'importants dossiers comme les PLQ, et bien d'autres.
Cette initiative est dangereuse et va favoriser un club de propriétaires privés au détriment de l'intérêt général qui doit primer dans un canton-ville comme Genève. Elle soulève néanmoins un point important qui amènera des discussions et, je l'espère, suite à l'étude qui sera réalisée par la commission, davantage de concertation et d'échange entre le canton et les communes en amont des projets de PLQ.
Au final, il n'y a que le titre qui soit démocratique dans cette initiative. Libertés et Justice sociale vous propose de refuser l'IN 176 et d'accepter le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. Adrien Genecand (PLR). D'abord, il faut saluer M. Grégoire Carasso qui a accepté hier soir de reprendre le rapport d'un député disparu avec le reste de son groupe et ses dissidents, donc je commencerai par remercier chaleureusement notre collègue d'avoir repris ce rapport au pied levé ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Bravo, Greg !
M. Adrien Genecand. Ensuite, Mesdames et Messieurs, exactement comme lui et pour de nombreuses raisons qu'il est inutile de continuer à exposer, je vous invite à refuser l'initiative. L'idée est de proposer un contreprojet pour que Genève ne devienne pas définitivement le canton dans lequel on doit attendre plus de quinze ans entre le lancement d'un projet de construction et la livraison des appartements; avec cette initiative, on se rapprocherait probablement d'une durée de vingt ans. Tout le monde est favorable à la qualité de vie dans les quartiers, donc on va travailler en commission à un contreprojet qu'on se réjouit de vous présenter prochainement.
M. Stéphane Florey (UDC). Il y a quand même une certaine mauvaise foi dans les propos qui ont été tenus jusqu'à présent. Les initiants eux-mêmes l'ont indiqué: le but de cette initiative est vraiment... Le titre parle de lui-même: «plus démocratique». C'est le «plus» qu'il faut comprendre: cela signifie que les initiants et les personnes ayant signé cette initiative - et l'UDC l'a fortement soutenue - estiment que le système actuel n'est pas suffisamment démocratique.
Voilà pourquoi on veut accorder un nouveau droit, lequel a été très bien expliqué par les auteurs, à savoir la possibilité, pour les groupements d'habitants, pour les communes, d'aller plus loin dans l'élaboration des plans localisés de quartier et de proposer ce qu'on appelle des PLQ alternatifs. Ainsi, quand l'Etat tente de passer en force avec un projet dont personne ne veut, comme c'est souvent le cas depuis une bonne quinzaine d'années, on offre aux résidents l'opportunité de créer leurs propres PLQ, et ces PLQ dits alternatifs donneraient automatiquement lieu à un vote démocratique par la population.
Ensuite, j'entends dire que le plan directeur cantonal est satisfaisant, mais il n'en est rien. Il n'y a pas plus antidémocratique que ce plan directeur cantonal, puisqu'il est validé par voie de résolution, et c'est tout ! C'est tout ! La population n'a aucun moyen de s'exprimer dessus, car une résolution n'est pas soumise au référendum. Les citoyens ne disposent d'aucun pouvoir pour contrôler l'aménagement du canton, donc il n'y a absolument rien de démocratique dans ce processus.
Maintenant, les initiants ont indiqué que oui, l'initiative est perfectible, ils l'ont reconnu. Lors de leur audition en commission, ils ont admis que certains points soulevés dans les débats pouvaient être améliorés. D'où l'idée d'un contreprojet.
La position de l'UDC est claire. Comme le rapporteur l'a relevé, nous avons soutenu l'initiative, nous avons voté pour. Il faut rappeler que suite à l'invalidation partielle du Conseil d'Etat, les auteurs ont dû aller jusqu'au Tribunal fédéral pour se faire entendre, et le Tribunal fédéral leur a donné raison en validant l'entier du texte. Pour notre part, nous étions d'accord depuis le début. Encore une fois, l'UDC a défendu cette initiative, a participé à la récolte de signatures, donc sur le fond, nous continuons à la soutenir et l'accepterons.
Cela étant, nous admettons ce qu'ont reconnu les signataires eux-mêmes, à savoir que l'initiative est susceptible d'être perfectionnée. C'est pourquoi nous avons également validé le principe d'un contreprojet, lequel permettrait d'apporter certaines précisions s'agissant d'éléments qui peuvent prêter à confusion. En ce qui nous concerne, nous voterons donc pour l'initiative et pour le contreprojet. Je vous remercie.
Une voix. Très bien.
M. Sébastien Desfayes (LC). Je crois que l'essentiel a déjà été dit, notamment par le rapporteur Grégoire Carasso, que je tiens aussi à féliciter. On peut dire qu'il a remplacé avantageusement M. Pagani ! (Rires.)
Genève fait aujourd'hui face, tout le monde le sait, à une pénurie de logements, et cette situation a des conséquences graves pour les habitants du canton. D'abord, on assiste à une hausse des loyers, à une augmentation de la précarité qui en est la conséquence, on voit des familles qui n'arrivent pas à se loger partir dans le canton de Vaud ou en France voisine avec, en corollaire, une diminution des recettes fiscales et une accentuation de la pression sur les infrastructures.
Or si cette initiative devait être votée, la pénurie de logements ne ferait que s'accroître. Pourquoi ? Tout simplement parce que le texte tel qu'il est formulé aujourd'hui rend toute adoption de PLQ absolument impossible. On se retrouverait, par un jeu de blocage, avec des PLQ qui tourneraient en rond et ne seraient jamais validés.
Cela a déjà été relevé, mais il faut le répéter: le développement du territoire à Genève constitue une question d'ordre cantonal, voire régional; cette politique ne doit pas être en mains de privés ou même d'une commune. Là, il s'agit de l'intérêt du canton. Il se trouve que cette initiative vise précisément à renforcer les pouvoirs de particuliers, ce qui n'est pas admissible.
Mais - il y a cependant un mais - il faut tout de même écouter certaines préoccupations des initiants. La première - et c'est une réalité qui, je crois, est reconnue par le département -, c'est qu'on peut encore faire des efforts en matière de concertation. En effet, peut-être faut-il une consultation plus en amont dans les projets de PLQ.
Le deuxième point, c'est qu'à Genève, on voit et on verra toujours plus, malheureusement, notamment avec les Vernets - c'est mon point de vue, qu'on le partage ou non -, des projets «deterrents» qui auront un impact négatif sur la perception de la population par rapport à l'aménagement du territoire, parce qu'on a vu des PLQ se développer qui ne respectaient pas l'environnement, qui ne valorisaient pas la qualité de vie, qui étaient généralement de mauvaise qualité. Cela étant, rendons à César ce qui est à César: ce n'est pas la faute du département, le conseiller d'Etat est d'ores et déjà conscient de cette problématique.
Je relèverai encore un troisième élément. C'est bien de développer, mais c'est mieux quand une commune est au fait des impacts de l'aménagement du territoire, notamment sur ses contribuables. En effet, quand on densifie une région, cela a des effets induits considérables s'agissant des équipements, des crèches, des écoles, des charges sociales, de la fiscalité. Ainsi, l'une des pistes à suivre dans le cadre du contreprojet, c'est que les communes et leurs habitants soient mieux informés des effets induits de l'urbanisme.
Bien entendu, il faut rejeter cette initiative, mais il faut également écouter les initiants et répondre à leurs craintes par le biais d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est un fait, Genève construit beaucoup, mais depuis peu, et cela répond clairement à un besoin, comme mon préopinant vient de le rappeler. La conséquence, c'est que le paysage urbain se modifie rapidement, ce qui génère des résistances, un peu d'inconfort, son lot de critiques, et c'est bien normal. On peut désapprouver l'urbanisme et l'architecture et vouloir les améliorer; en revanche, multiplier des variantes de plans localisés de quartier, comme le propose l'initiative dont on parle ce soir, est probablement une fausse bonne idée.
En effet, quelle est la principale critique des initiants ? Elle porte sur - je cite l'exposé des motifs - «des barres d'immeubles sans âmes». Mais, Mesdames et Messieurs, ce ne sont pas les PLQ qui créent l'âme d'un quartier, mais plutôt la qualité architecturale et, plus encore, la philosophie, les valeurs et l'esprit des constructeurs qui développent de nouveaux périmètres.
A ce sujet, j'aime bien citer l'exemple du plan localisé de quartier de Rigaud, à Chêne-Bougeries, dont l'image a été utilisée par les initiants pour illustrer le carton de collecte de signatures: il s'agit d'une vue plongeante sur des immeubles qu'effectivement, je ne juge pas particulièrement séduisants à titre personnel - c'est toutefois une affaire de goût. Or, dans ce même secteur, si on tourne la caméra dans l'autre sens, on peut admirer le bâtiment de la coopérative CODHA, construit à partir de règles absolument identiques, mais dont il se dégage beaucoup plus de qualités - qualités qui ont d'ailleurs été reconnues par de multiples prix d'architecture - et où on trouve des habitants très heureux.
Comme l'ont souligné la plupart de mes préopinants, cette initiative constitue une forme d'usine à gaz qui entraînera très probablement davantage de risques de blocage des processus démocratiques liés à l'aménagement du territoire, et pour les Vertes et les Verts, ce texte doit clairement être refusé en l'état.
En revanche, certaines améliorations sont assurément possibles dans les procédures d'élaboration des PLQ, notamment, cela a été relevé également, dans la phase initiale, une étape où le dialogue avec les propriétaires, mais aussi les voisins du site - qui sont d'ailleurs très peu considérés dans l'initiative - doit être renforcé à travers la concertation ainsi que l'identification des valeurs du site.
En effet, si on observe l'évolution récente, la tendance des plans localisés de quartier «table rase» - où on fait fi de toutes les valeurs initiales des terrains - est révolue. Ainsi, le premier stade de conception des PLQ, au cours duquel on détermine les valeurs du site, que celles-ci soient naturelles, paysagères, d'arborisation ou patrimoniales en ce qui concerne le bâti, constitue une étape essentielle, et nous souhaitons qu'un contreprojet soit élaboré dans cette direction. C'est la raison pour laquelle, en bref, nous sommes pour le refus de l'initiative et en faveur d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Tout à l'heure, mon collègue et confrère M. Desfayes a cité César; en ce qui me concerne, j'ai envie d'invoquer Henri IV et l'histoire du charbonnier, lequel a permis à Henri IV de constater que chacun est maître en son logis. Je comprends un petit peu la position des initiants, je comprends la souffrance des communes à qui on impose des choses, dont on transforme la zone agricole en périmètres à bâtir.
Tout cela parce que dans un plan directeur cantonal, voire peut-être dans plusieurs - je n'ai pas assez d'expérience pour le savoir -, on a décidé qu'il y aurait cent mille personnes de plus à loger à Genève. Alors évidemment, Mesdames et Messieurs, cette situation implique que l'on construise, mais nous, au MCG, nous estimons qu'il ne faut pas construire n'importe comment. Il faut, comme l'a indiqué mon collègue, M. David... (Un instant s'écoule.)
Une voix. Martin.
Mme Danièle Magnin. David Martin, merci ! Il faut de la qualité dans l'aménagement, il faut éviter le bétonnage comme on a déjà pu le voir. Ce qui me dégoûte particulièrement, pour ma part, c'est lorsque tout est gris, je trouve que ça fait couleur sépulcre, mais bien des architectes ne l'ont pas encore compris.
M. Hodgers nous a expliqué que les coûts de réalisation des PLQ étaient gigantesques, que les particuliers et les communes n'étaient pas forcément en mesure de les assumer. Comme d'autres avant moi, je pense qu'il est archinécessaire de discuter beaucoup plus en amont avec les propriétaires et les communes avant d'établir un PLQ. A la rue des Granges, juste à côté, j'ai vu que la Ville avait apposé des panneaux pour une séance d'information deux jours plus tard; c'est évidemment absurde, c'est regrettable.
De façon générale, nous nous opposerons à cette initiative pour les raisons évoquées et voterons en faveur d'un contreprojet, espérant que suite aux travaux de commission, le contreprojet apportera ce qui manque actuellement à Genève. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Monsieur Pfeffer, si vous souhaitez intervenir, il vous faut insérer votre carte dans le lecteur.
M. André Pfeffer. Ah, excusez-moi !
La présidente. Voilà, vous avez la parole.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Madame la présidente. Cette initiative constitue une vraie avancée démocratique. (Rires.) Actuellement, à Genève, tout est centralisé et en mains de l'Etat. C'est une particularité genevoise: dans les autres cantons helvétiques, la compétence de l'urbanisme revient aux communes. Ce qu'il y a également d'unique en Suisse, dans notre canton, c'est qu'un référendum communal sur un plan localisé de quartier compte tout simplement pour beurre.
L'IN 176 redonne un tout petit peu de pouvoir aux communes et aux citoyens en leur accordant la possibilité de donner leur avis sur la qualité et le type des plans localisés de quartier; il n'est pas question de refuser ou de supprimer un aménagement prévu dans le plan directeur cantonal ni de revenir en arrière sur un déclassement déjà voté.
Cette petite transmission de compétence aux communes et aux habitants pourrait prolonger les processus au maximum - je dis bien au maximum - de douze mois, mais en contrepartie, elle améliorerait considérablement la consultation ainsi que l'implication des communes et de la population. Mesdames et Messieurs, l'UDC vous recommande de voter cette initiative et acceptera également le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur ad interim. Quelle chance d'intervenir après notre collègue, le député Pfeffer - vous transmettrez, Madame la présidente -, quelle chance ! Lorsqu'il nous expose son interprétation de l'initiative, je me dis soit qu'il fait preuve de mauvaise foi, soit qu'il en a une lecture erronée, et je plaide volontiers pour la seconde hypothèse.
On parle d'établir des PLQ alternatifs, chers collègues, mais c'est une possibilité aussi tangible que les faits alternatifs ! Alors on a peut-être tendance à y croire sur les bancs de l'UDC, mais j'aimerais citer un exemple qui, précisément, intègre la réalité du vote populaire, à savoir le PLQ de Bourgogne. Le plan localisé de Bourgogne a été voté par le Conseil municipal de Genève, puis a fait l'objet d'un référendum - ce qui démontre des droits démocratiques évidents, importants, essentiels; ensuite, la population de la Ville de Genève s'est prononcée et s'est montrée favorable au développement de ce quartier.
Si l'initiative était en vigueur, ainsi que M. Pfeffer l'appelle de ses voeux, n'importe quel propriétaire, après le vote du peuple souverain, pourrait proposer un fait alternatif - pardon: un PLQ alternatif, annihilant ainsi le scrutin populaire et bloquant tout projet d'aménagement. Quand l'UDC nous décrit cette initiative comme promouvant un urbanisme plus démocratique, elle fait fausse route; en réalité, le texte plaide pour un urbanisme plus censitaire, et l'écrasante majorité de ce parlement qui s'y oppose refuse de voir là une quelconque solution d'avenir pour Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, «la forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel», écrivait Baudelaire dans «Les Fleurs du mal». Ces vers si justes illustrent à quel point nous n'avons pas fini de discuter des modifications du paysage urbain, qui nous heurtent assez naturellement, parce que nous sommes tous attachés au lieu de notre enfance, à sa signification, à son esthétique, à son architecture.
Il est question d'un urbanisme plus démocratique, d'accord, mais, comme l'ont relevé le rapporteur ainsi que bon nombre d'autres préopinants, en quoi ? Tout d'abord, contrairement à ce qui a été soutenu, cette initiative ne renforce pas le pouvoir citoyen, puisqu'elle confère un droit particulier aux seuls propriétaires terriens d'un périmètre. Ainsi, si vous êtes propriétaire, vous avez votre mot à dire, mais si vous êtes locataire, habitant, citoyen du quartier, vous ne l'avez pas selon ce texte, puisque celui-ci opère une distinction entre résidents et propriétaires. Cela pose clairement problème sur le plan démocratique: la démocratie, c'est une personne, un vote, il ne s'agit pas d'un régime censitaire où les propriétaires ont des droits différenciés de ceux qui ne le sont pas. Politiquement, c'est un principe grave, et cette initiative jette la confusion à ce sujet.
Le deuxième écueil vient d'être mentionné. Vous vous souvenez peut-être du magnifique film «Le Jour de la marmotte», cette journée qui se répète sans fin; ici, c'est pareil, on se réveille et on est toujours dans le même PLQ. En effet, l'initiative est ainsi rédigée que - M. Desfayes l'a souligné - même si le peuple a voté, des propriétaires peuvent relancer la machine: à teneur du texte, on est obligé de recommencer toute la procédure. Il s'agit là d'un problème que les initiants, faisant preuve d'un peu plus de bonne foi peut-être que certains intervenants, ont reconnu, c'est en ce sens qu'ils admettent que leur proposition est perfectible. En tout cas, telle que celle-ci est formulée actuellement, on peut se retrouver bloqué dans un cycle infini, ce qui est bien entendu impensable.
Enfin, il y a le postulat selon lequel si c'est démocratique, ce sera beau; cela se discute. Je trouve que l'exemple cité par M. Desfayes est intéressant. Il a indiqué, et c'est son droit le plus strict, ne pas aimer le projet en cours de construction à la caserne des Vernets. Je rappelle que celui-ci a fait l'objet d'un référendum et a été approuvé par le peuple à plus de 61%, tout de même ! Les images de campagne des partis politiques qui le soutenaient - dont le vôtre, Monsieur le député - ont mis en exergue le résultat du concours international d'architecture, c'est le projet qui se développe aujourd'hui.
C'est intéressant ! C'est intéressant de constater qu'un projet validé par la population et sans qu'on en ait caché la configuration - tout était pleinement exposé sur les affiches, dans la rue - se retrouve maintenant critiqué par le même peuple qui l'a voté. Tout cela pour vous dire que si, comme le pensait Baudelaire, la question du beau est fondamentale, elle est surtout très subjective. Il faut certes renforcer le processus démocratique, mais la forme d'une ville fera toujours l'objet de discussions.
Mesdames et Messieurs, on l'a dit, il faut rejeter cette initiative et travailler à un contreprojet, parce que oui, c'est vrai, il y a des attentes, il y a des frustrations; c'est vrai que les propriétaires des terrains doivent être informés et impliqués très en amont, c'est vrai aussi que la procédure peut être renforcée sur le plan décisionnel. Je me réjouis d'en discuter avec vous en commission. En l'état, notre canton est trop compact pour 45 types d'urbanisme différents, ce n'est pas possible sur un territoire comme celui de Genève et c'est pourquoi l'Etat doit conserver le dernier mot. Merci de votre écoute. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Nous procédons au vote.
Mise aux voix, l'initiative 176 est refusée par 78 non contre 9 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 95 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Le rapport IN 176-B est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.